George Sand GARIBALDI
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GEORGE SAND
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PARIS
LIBRAIRIE NOUVELLE
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ROURDILLIAT ET C, tDlïKURS 1860
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GEORGE SAND
GARIBALDI
PARIS
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La reproduction cl la tradoriion sont rcservcts
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GAIUBALDI
Un an ne
s'est pas écoulé depuislejournnni-
versaire de la naissance do fianljaldi.— Ce même
jour,
nous
écrivions sur co liéros (juelrjuos patresque nous réimprimons
aujourdliui elqnv nous
ferons suivre dos réiloxionssuggérées
par la nouvelle situation de l'Italie.A
travers les sentiersemportes
par les pluies d'orage et soraés des formidalilos débris écroulésla veille, j«» marchais, il y a quelques jours,
dans
un
pays sublime.Ruines
imiiosantes des anii-diaprées de renoncules et de narcisses.
Un beau
soleil faisait étinceler encore des neiges obsti- nées, tandis qu'à
deux
pas de l'éternel hiver, lesvaches tachetées broutaient en paix les fleurs nouvelles, et qu'un
grand
aigle décrivait, avec sonombre
portée, des cerclesmajestueux
et lents sur la vaste arène des prairies.A
l'abri des plus hautes cimes, sur ces pla- teaux élevés, derniers sanctuaires de la vie pas- torale, quelques êtreshumains,
clair-semés dans les chalets, semblaient devoir ignorerque
lemonde
étaiten
feu, et qu'au delà de cesincom- mensurables
horizonsoù
l'œil devine les Alpes,le
canon
grondait plus hautque
le tonnerre, tan- disque
les vautours planaient sur deschamps
debataille.
Et pourtant, ces hôtes de l'éternelle solitude, ces gardeurs
de
troupeaux, ces enfants de l'herbe et des nuages, qui, durantles jours de l'été, de- viennent étrangersmême
à leur famille, savaient la guerre et connaissaient lesnoms
des braves.Et
nos
guides parlaientde
l'Afrique et racon- taient Gonstantine,en nous demandant
si les sol-—
5-
dats d'aujourd'hui avaient plus
de mal
et de fa- tigue qu'ils n'en avaient euseux-mêmes.
Dans
cecalme
austère de la nature,une émo-
tion,
un étonnement, une
attente trouvaitencore
descœurs
à faire Ijattre. «Sommes-nous
lesmaîtres là-bas?
Avançons-nous? Gagnons-nous
des batailles? »Et là
comme
ailleurs,dans
leschaumières
comme dans
les châteaux,dans
leshameaux comme dans
les villes, partout sur les routes et à travers leschamps, chacun
vivait horsde
soi ; lecœur
avait suivi l'élan guerrier, et les repo- soirs rustiques de la Fête-Dieu portaient, en let- tresde
bluets, de marguerites etde
coquelicots, cette légendeétonnée de
se trouver là tracée parla
main
desfemmes
et des enfants : « Gloire au Dieu desarmées
î >Peut-être en était-il aiiisi
aux
jours de la foinaïve, au
début
des ()r«»miéres croisades.Dés
lors aussi, il s'agissait de délivrance.
On
savait,ou on
croyait savoir, (pi'il y avait au loin (l»'schrétiens ()[)primés, appelant les braves à leur secours, et
une pensée généreuse
fut le prestige de cespremières
ex[)éditions.Aujourd'hui, c'est encore
une
croisade aunom
de la liberté ;
mais non
plusseulement
la liberté matérielle de quelques coreligionnaires; c'est la liberté physique etmorale
de toutun
peuple qui semontre
digne de revivre. Aujourd'hui, c'estencore la lutte de la civilisation contre les idées oppressives de la barbarie;
mais
c'estune
lutteencore
plusrehdeuse,
car les questionsde
cultene
sont làpour
rien, et il s'agitdu
principe d'in-dépendance
sans lequell'homme ne
peutcroire à rien,ne
peutaimer
réellement rien,au
ciel ni sur la terre, puisqu'il n'existe plus,du
jouroù
il
ne compte
plusparmi
les nations.Tout
lemonde
sent si bien cette vérité,que
les dispositions
da
peuplelombard
inspiraient des doutes aucommencement
de la guerre.On
pouvait
compter
sur la partie éclairée de cette nation,mais
lepaysan
qui,en
tout pays, redoutele
changement
et supporte toutes choses à la seulecondition
que
l'onne marchera
pas sur le sillon qu'il vientd'ensemencer,
celui-là, le patient, leprudent
(logicien au jour le jour), pouvait bien regretter l'ordre étabU à tant de frais, le faitconsacré par des
années
de chagrin,de
souf- france et de résignation.Et cependant, il n'en apas été ainsi.
Ce
peuples'est levé, il a compris, il a salué le ri»''mont. In
France
et la liberté.On
n*a jamaispu
le rendre al-lemand
: il ii*a pas oublié lenom
et les Instinctsde
la pairie,ou
s'il les améconnus, un
jourque
la
moisson
était belle,un
jour (piil disait en lui-même
: a Périsse l'Italie, périsse lemonde
plutôtque ma
récolte, bun
autre jour estvenu où
il acoupé joyeusement
son blénouveau pour
le ré-pandre dans
l'augo deschevaux de
ses libéra^teurs.
Ses libérateurs sont forts et braves,
magna- nimes
et dévoués. Ils sontnombreux,
car,dans
cette guerre terrible, depuis le (llief d'État jus- qu'aux soldats, tout paye
de
sapersonne
avecune bravoure
incontestableou une audace
splen- dide. SiTon
voulait dire quel est le héros prin- cipalde
cettecampagne, on
seraitembarrassé, et, àcoup
sûr, il faudrait en mettre plus d'unaux premiers
rangs.Mais il est des
noms que
certaines circon- stances romanesrjues rendent plus accessibles à lasympathie do Thommo
descampagnes,
et jono
fus pas étonné, ces jours-ci, de voir le portrait de Garib.ildi chez les
montagnards
dévotsdu
Velay et desCéveoDes.
Cet aventurier illustre,que
na-guère
certains esprits craintifs se représentaientcomme un
bandit, était là exposéparmi
lesimages
des saints.Et
pourquoi non
?Pourquoi ne
prendrait-il pas sa placeparmi
les patronsdu pauvre
peuple, lui qui, par rapport àson peupleitalien, estl'initiateurde la foi nouvelle?
Voyez
si sa parolene ressemble
pas à celle despremiers
chrétiens !Ce
n'est pasla thèse politique, ce
ne
sont pas les théories matériahstesde
l'intérêt personnel qui sont dans sabouche.
(( Jevous
apporte, leur dit-il, le péril, la fatigue et la mort. C'est le salut de l'ûme etnon
le repos de la vieque
jeviensvous
prêcher.Levez-vous donc
et suivez-moi ! » Voilà ce qu'il ditaux
paysans itahens, et ceux-ci se lèvent etmarchent,
obéissant à l'appelde
l'enthousiasme.Et
Ton
ditque
letemps
des miracles est passé!Non
! letemps
des miracles durera autantque
la race
humaine
sur la terre, sans qu'il soitbesoin
désormais
de faire intervenir le renver-sement
des lois extérieures de la nature. C'estdans
lecœur humain que
s'accomplit l'éternel prodige, lesubhme
désaccord des appétitsma-
tériels et des besoins
de
la vie supérieure, ceux-ci faisant taire ceux-là ,môme dans
leur—
9—
plus légitime appel, et réveillant la soif
du mar-
tyre
dans
l'être engourdi cjui disait et croyait n'avoir besoin et soucique du
paindu
corps.A
l'esprit froid qui calcule les probabilités ration- nelles des futurs
événements
luimains, le miraclene
se présente jamais, et c'est pourtant le miracle qui résout toutes les questionsen apparence
in-solubles, et déjoue toutes les opérations de la lo-
gique la
mieux
établie.L'esprit
vraiment
éclairé devraitdonc compter
toujours sur le miracle et lui faire la part
bonne dans
l'avenir. 11nous semble
qu'il y aun
très- simplemoyen
d'éprouver la certitudede
l'inlcr- venlion divine sur bupielloon
peutcomptiT en
effj't : c'est de s'assurer
que
la cause qu'on lui livre est réellement digne d'elle, (juand cettecause estjuste. Dieu parle, il consent à être bénicomme
Dieu des
armées,
ilmet dans
le sein desliommes
qu'il suscite
une
sainte fureur à laquelle rienne
peut résister etune
abnégation dignede
cestemps
anciensque
l'un estconvenu
de vanter et (ju'àchacpie instant le présent surpasse,
même aux
épo(iuesde
lassitude,de
scepticisme etde
rail- lerie.L'iiomme
est ainsi fait.Dieu
merci, et ce n'estpas
un
rêve de le croire. Isolément,vous
letrou- vereztoujourset partoutpétri desmêmes
misères,imbu
desmêmes
erreurs etincapable de se rendreheureux ou
sage, tranquilleou
fort dans sonœuvre
personnelle. Mais toujours et partoutvous
le trouverez capable
de
ressentir ces grandescom- motions
électriques, grâce auxquelles, àun
jour donné, tous deviennent sublimes.C'est
que l'homme
est plusgrand
et meilleur qu'ilne
le croit et qu'ilne
le sait.Tout
sonmal
est d'avoir encore la vie matérielle trop difficile
sur la terre. Il s'y absorbe, il oublie que, plus il se détache de l'intérêt
commun,
plus il s'affaiblit et se ruine. Illui faut des cataclysmespour
sentirque
sa vie est celle des autres,comme
celles des autres est la sienne.Mais aussi
comme
il le sent bienquand
l'élan estdonné
!Gomme
cette vie supérieure coule enlui à pleins bords,
comme
elle le grandit,comme
elle l'enlève à
lui-même, comme
elle lui fait pa- raître frivoles les grands intérêts et lesbons
rai-sonnements de
la veille !Le
peupleaime
lemer-
veilleux, cela est certain. Et il
ne songe
pasque
le merveilleuxpar excellence, l'inouï, le fabuleux, c'est
lui-même en de
certains jours, c'est lespec-— Il-
iade
qu'il présente, lorsqu'il se jetteen
avant, corps et biens, après avoir toujours cru qu'il étaitsage et
bon
de rester en arriére.Mais à ce
pauvre
peupleendormi
qui doit,bon
grémal
gré, souiïrir autantque ceux
qui pensentet qui veulent, il faut des initiateurs ; Dieu le sait, et il lui en envoie. Il a ses élus
pour
cette mis- siondu
miracle,ceux que
les antiques bibles ap- pellent des anges,ceux que
l'empereur Cliarlema-gne
appelait ses ÂlissiDominici. Le monde moderne
n'a plusde noms
appropriés à cette tâ- che extraordinaire, et Garibaldi a reçu le titrevague
etondoyant
d'aventurier.Soit, si, par là,
on
désignel'homme
des actions épiques et des initiatives surnaturelles. Qu'il ac- cepte sonrenom
fantastique !Ce
généralat de lé-gende
lui est acquis,puisque
l'opinion, si libérale en fait decalomnie
et si méfiantepour
les bons,ne
prête lo bien qu'aux riches, etencore aux
très-riches. Mais si
Ton
entendait par aventurier l'aveugle et brutal officier de fortune quivend
sabravoure
au plus ()n*rant,on
ferait injure àun
des caractères les plusfermes
et les plus purs destemps modernes.
Assezde témoignages
se sont élevésen
sa faveurdans
ces derniersjours,pour
que
cettenoble figure ait déjà repris la place qui lui appartient dansl'histoire, etil deviendrait près•que
demauvais
goût de la défendre contre de vains bruits et d'injustes méfiances. Sion
s'en chargeait, ilne
seraitdu moins
pas convenable, selon nous,de
chercher dans sa vie privée,dans
ses passions,dans
sesamours,
lemot de
ce ro-man
intimeque
lui seul auraitle droit derévéler et dejuger, et dontnous
n'approuverions pasque
la curiosité publique fût entretenue à la légère.
On
sait qu'ila aimé, qu'il aeu pour compagne une
héroïne, et
on
saitoù
etcomment
il l'a perdue.En
toutes choses, ceque
l'on sait réellement delui, suffit, et
au
delà,pour
faire apprécierune
exis- tence dedévouements
admirables, de douleurs poignantes et decourage
à toute épreuve.Résu- mons-le rapidement
d'après lesrenseignements
les plus sérieux, et
on
diracomme nous que
c'est plus qu'iln'en fautpour
estimerl'homme
autant qu'onadmire
le héros.Joseph
Garibaldi,né
à Nicele4
juillet1807
(ilya aujourd'hui
même
cinquante-deux ans, saluons son anniversaire !), estle fils d'unhonnête
marin, peut-être d'un simple marinier,mais non
d'unpauvre
pêcheur, car il reçutde
l'éducation et fit—
13—
de
fortes étudesmathématiques,
avecun remar-
quable succès. Sa famille était fort estimée, etlui-même,
désson
enfance, futaimé
et respecté do sescampa gnons
de jeux et d'études. 11 étaitcomme
le défenseur naturel des plus faibles: ilétait né
comme
cela.Aventureux
et intrépide, il entradans
lama-
rine dés son
jeune
âge, etmontra
tout àcoup que
le sang-froid t-t la
présence
d'esprit faisaient delui
un homme complet pour
la guerre.Compro- mis
à Gènes, en \H:M,pour
cause de libéralisme,il se réfugia en l^Yance, à pied, à travers les
montagnes
et sous lecostume
d'un paysan. 11passa
deux
ans à Marseille,absorbé
par lesma-
thématiques, car rien
ne manque
à cethomme
d'action, c'est
un
esprit studieux et calme.Cependant
il [allait vivre etdonner cours
à cette activitégénéreuse
dont sa patrie lui refusaitl'em- ploi. Il essaya deprendre du
servicecomme
olli-cier de
marine du bey
de Tunis.Ouehiues mois de
celte tentativeluiparurentmal
employés.Une
république s'est constituéedans
l'Amériquedu
sud. Il traverse les
mors
et devient généralde
partisans contre liosas, quincut
jamais, dit-on, de plus redoutable adversaire.En
effet, c'étaitun
invincibleennemi, l'homme
à qui l'on offrait en vain,
pour
lui fairechanger
de parti,une
fortune considérable. L'aventurierne
voulait pas s'enrichir. Il voulait se battre et tenir la parole qu'il avait donnée. 11 se battit sibien et avec des partisans si
admirablement
exer- cés,que
sonnom ne
tarda pas à devenir célè- bre. C'estdans
cette guerreque
Garibaldi seforma
à la brillante carrière qu'il poursuit aujourd'hui avecun
nouvel éclat. C'est là que,monté
surun
petitbateau
de pêche pour
faire, avecdouze ma-
telots et à lafaveur
du
brouillard,une
reconnais- sancedans
leseaux
de l'escadreennemie,
il voit, labrume
se dissipantbrusquement, une
goélettearmée de
sixcanons
le bloquer dansune
petite anseoù
il n'aque
letemps
de se réfugier.La
nuit est
venue
et la goélette jette- tranquillement ses ancres àdeux
portéesde
fusil de lapauvre
barque,en
remettantau lendemain
le soin de son inévitable capture.Mais elle a
compté
sans leroman,
sans le mi- racle, sans l'audacedu
partisan.Avec
sesdouze
hommes,
il tire labarque
à terre, lui fait traver- ser le cap et va la remettre à flot sur l'autre flancde
la goélette ; avec sesdouze hommes,
il—
15—
monto
à rnbordage, faitTéquipago
prisonnier ol rentretriomphant
sur le naviredevenu
sacon-
quête.C'est là qu'une autre fois, à la tête de trois cents
liommes,
il est cerné par trois milleenne- mis
: qu'il essuie leur feu sans bouger, les attend à la baïonnette, les disperse et les poursuit. C'est là qu'ilforma
cettefameuse
légion italienne dont(Ml disait là-bas qu'elle n'était pas
composée d'hommes, mais
de diables, et que, quant à son chef, ilne
serait jamais ni tué ni pris, ayant laforce
de
centhommes
et le corps invulnérable.Dès
lors Garibaldi devientun personnage
épique.De
retour à Nice avecune
[)nrtie de ses légionnaires en 4S, il se jette corps elâme dans
la guerre contie l'Autriche, elle prestige qu'il a cru laisser au fond de l'Amérique l'entoure d'une au- réole nouvelle.
Ce
sont tous les jours descom-
bats
homériques,
descoups
demain
d'une vi-gueur
et d'unbonheur
(jui font croireau\ uns que
c'est le diable,aux
autres (pie c'est Dieu qui dirigent son bras et préservent sa vie.A Home, où
(lai'ibaldi acouru
au secours dela patrie
menacée
i)ar le César allemand,un
lu- nestemalentendu amène une
collision entre laraison d'État et le sentiment national, entre la
France
et l'Italie.De
part et d'autre, lecombat
devient
une
question d'honneur. Garibaldi défen- dra son drapeau.L'armée
française sait s'il l'abien défendu, et le
nom
d'un tel adversaire restehonoré dans
ses rangs *.On
sait ce brillantcombat
de Palestrina, que, durant la trêve, le héros alla hvrer à l'armée napolitaine avecune
poignée de ses braves.On
sait
comment
il la miten
fuite et rentra dansRome,
vainqueur et blessé, lui, l'invulnérable, qui reprendraquand même
son prestige et sa puissance.On
sait aussi sonhéroïque
désobéis- sance quiamena
la prise de Velletri.Mais ce brillant
poëme
a son chant d'angoisse et de douleur qui le complète; c'est là qu'onaime
le héros etqu'on
pleure avec lui. 11 le faut bien ; c'est dans lemalheur que
ces grandes existences deviennentsympathiques
et se rat- tachent à l'humanité par les larmes.La
pitié est toujoursd une immense
tendressepour ceux
dont l'énergie estimmense,
etun grand cœur
qui se brise estun
spectacle qui brise tous lescœurs.
i Voyez lerapportda général Vaillant.
({
Lp
^ juillet, sur lo soir, il était sorti deRome
avec quatre mille fantassins ethuit centscavaliers.
Sa femme Anitajeune
Brésilienne qu'ilaimaitten-drement, raccompagnait.
Elle lui avait déjàdonné
trois enfants, était enceinte
du quatrième
et n'en avait pascfmibattumoins bravement
à ses côtés.Ciceruacchio l«Mir servait
de
guide '.Embarrassé de bagages
et de munitions,poursuivi par troisco- lonnes françaises, entouré par les Nnpolitains au sud, par les Autrichiensdans
les Légations eten
Toscane, Garibaldi sut passer au milieu d'eux, di- visant sa petite colonnepour
la dissimuler, faisant lesmarches
et lescontre-marches
les plus «surpre- nantes. Serré cha(|ue jourde
plus prés, il n'eut bientôt plus d'asileque
la petite républiijuede
Saint-.Mariii. 11 >\ jette jnir des sentiers ardus
et inexplorés, à travers des bois fourrés et des torrents impétueux. Là, 1».' u(J juillet, il rendit
• On se rappflk ppiitw'trf» la popularité éph/^mt-re du paiiTre An-
jçelo lirunctti. dit Ciroruacrhio. 'Irlail un liomme du peuple, /br^
rofiii/if un tithlrte, Imn, seusilih'. 7iini'>- ifiuitrur et mlonnéau vin, » qui, pendant quelquesjour-s,'•ut le preiTiier rôle diinslesévé- n«Mii'iit>N dp Home. Pie IX senildail alors niarrlior d'arcord avec les n'Oirnifs jugiVs par lui nécessaires,et le prolt-Liin*.s'éiançant sur sa voiture, agitait au-dessus de la tête du pontife une bannière où étaient écrits ces mots: Saint-Père, fiez-vousaupeuple.
a.
leur parole et leur liberté à
ceux que
tant d'inu-tiles fatigues avaient découragés.
Les
magistrats de Saint-Marin,peu
jaloux d'attirer sur leurpauvre
pays les colères de l'Autriche, voulurent traiter de la reddition deceux
qui restaient.((
Nous
rendre ! s'écrièrent aussitôtces intrépides légionnaires : plutôtmourir
! à Venise ! à Ve- nise ! » Garibaldi tressaillit alors, et, levant sa tête altière : «A
qui veutme
suivre, dit-il, j'offrede
nouvelles souffrances, les plus grandsdan-
gers, lamort
peut-être;mais
des pactes avec l'étranger, jamais ! » Puis s'élançant à cheval, ilpart, suivi
de
safemme
etde trois centshommes
restés fidèles à sa fortune.
))
Les
Autrichiens,occupés
à se rendre maître deceux
de sescompagnons
qui avaient posé lesarmes, à
envoyer ceux
qui étaientLombards dans
les prisons de
Mantoue,
à remettreceux
qui étaientRomains
en hberté, après leur avoir faitdonner
àchacun
trentecoups
de bâton, lui lais- sèrent letemps
d'échapper et de poursuivre sa course aventureuse.A
Gesenatico, le3
août, ilfrète treize
barques
depêche
et fait voilepour
Venise qui résistait encore. Il était déjàen vue
des lagunes, lorsque les navires autrichiens, qui—
19—
l'avaient aporçu, lui
donnent
la chasse.Le
vont devient tout àcoup
contraire, ilne
pont fuir. Ilessaye de passer à travers ses
ennemis
et de te- nir sesbarques
unies;mais
les Autrichiens par- viennent à los séparer et à lui en enlever huit.Avec
les autres, cependant, il échappe, à force d'audace, et, le :] août, aborde, denouveau, aux
rivages romains. 11 avait avec lui safemme,
ses enfants, Cicoruacchio et les siens, etdeux ou
trois autres compairnons, rofficier
lombard
Li- vraghi et le barnabiteUgo
Bassi.»
Pendant doux
jours, il continue sa route par terre, reçu, caché par tout,malgré
lesmenaces de mort
proférées par les Autrichiens contre qui-conque
lui donnerait asile. Safemme,
épuisée,succombe
à tant de fatigues. Ilabandonne
à re- gret cepauvre
cadavre,mais
pouisuit, portant son deuildans
soncœur,
passe à lîavenne,en
Toscane, à (lénos, à Tunis, et, d<^ l;i, enAméri-
que, laceruaccliio et ses enfants, saisis, sont fusillés, dit-on, (pioiiju'ils n'eussent pas piis lesarmes.
D'autres prétendont qu'ils se noyèrentdans
leur fuite,au
passage duii llruvc Livraghi, l'go IJassi furentmis
àmort
sansjugement. Ce
dernierne
put obtenir le viatique ; des historiensBIBLIOTHECA
.sérieux assurent qu'avant
de
le tuer,on
lui arra- cha lapeau
des doigts et de la tête.Ce
qu'il y ade
sûr, c'estque peu
d'exécutions firent sur lepeuple
une
impression si profonde. Aujourd'hui encore, il regardeUgo
Bassicomme un
martyr.»L'historien
que
je cite 'comme
celui dont le récitm'a
le plus frappé par sa droiture et son éloquente simpUcité, ajoute:«
Depuis que
lecalme
estrevenu
à la surface, Garibaldi a denouveau
quitté l'Amériquepour
serapprocher
de sa chère Italie et se tenir prêtpour
les luttes de l'avenir. » (M. F. T. Perrens écrivait ceci en 1857). «En
attendant, il de-mande
à son ancienne professionde marin
lesmoyens
de subvenir à son existeace et à celle de ses enfants. Soldat héroïque,on Fa
diversement jugécomme
général,mais
il a conquis Festimede
sesennemis mêmes.
Il y apeu de temps
en- core, le général autrichien d'Aspre disait àun
hautpersonnage
piémontais: «L'homme
qui au-rait
pu vous
être le plus utiledans
votre guerre d'indépendance,vous
Favezméconnu,
c'est Ga-ribaldi. »
' F. T. Perrens. Deux ans derévolutionen Italie. 1848-18/i9.
—
21—
Quel
qiie soit lopersonnage
auquel l'histortHi fait ici allusion, M. deCavour
s'estsouvenu de
la parole
de
rAiitrichien, et Garibaldi, qui était,en 185^, commandant
supérieurde
l'armée pé- ruvienne, estrevenu
vivre à Nice, aspirantaux
magnifiquesévénements
qui s'accomplissentau-
jourd'hui avec son concours.«
Depuis
cinq ans, Garibaldi vivait retiré avec ses fils surune
petite île située entre la Sardai-gne
et la Madeleine, l'ilede
Caprera. Il faisaitde
l'agriculture surune grande
éciielle, défrichait des terrains incultes, élevait des constructions ru- rales destinées àde
vastes exploitations.De temps
à autre,
on
l'apercevait, arrivant à Nice surun
petit cutter qu'il avait à sa disposition
comme moyen
de transportpour
ses matériaux. »(M. Anatole de
La
Forge.)Ainsi cet esprit actif et sérieux est
propre
à tout, et les loisirsque
la guerre lui laisse sont consacrésaux
travaux depremière
utilité. Celte fécondité d'iritrlligence estremarquable,
etmon-
tre
une
haute raisondans une
nature impétueuse.Nous
citeronsencore
avec plaisir M. A.de La
Forge
fwjur dire «pie « leshommes
les plus con- sidérables et les plus considérésde
la ville,ceux
de la colonie française,
Alphonse Karr en
tête,savent
combien
Garibaldi est estimé là-bas.Ce
vaillant soldat dont la réputation
comme homme
privé est inattaquable, a su se conciUer la
sym-
pathie et le respectde tous; ses adversaires poli- tiques
eux-mêmes
reconnaissentl'honorabihté de son caractère. » {Le Siècle,26 mai
1859.)«
La première
foisque
je l'ai vu, ditAlphonse Karr
{lesGuêpes, mai
1859), etque
j'aieu
l'hon-neur
de lui serrer la main, c'était àun banquet
d'ouvriers, àpropos
d'unbaptême.
J'étais assis à côté de lui. Il fut calme, réservé et simple.Cette simplicité se montrait
dans
toutes ses habi- tudes. Je le rencontrai ensuitede temps
en temps,au bord
de lamer, dans
le quartier retirédu
La- zaret.Le dimanche,
il jouaitaux
boules avec lesmarins. »
Sans doute le
ra
de Sardaigne etM.
deGavour
ontvu
en lui sinonquelque
chose de plus,du moins quelque
chosede
différent de tousles hérosqu'ils pouvaient et qu'ils ont su
opposer
à l'en-nemi
de la patrie. Ils ontvu
dans Garibaldi ceque
le peupley
voyait déjà,une
sorte de cheva-lier des anciensjours,
un
apôtrede
la déhvrance,un
initiateurcomme nous
l'appelions, car ils lui—
23—
ont
donné
la mission rjui convenait à sa presti- gieuse destinée, à son inlliienco soudaine, aucharme de
sa parole inspirée, de sa noble phy- sionomie, et à Tenlraînenientde
sa foi patrioti- que.Chargé de
soulever les populations contre l'Autriche etd'annoncer
labonne
nouvelle touten
harcelant l'ennemi, il remplitun
rôle complète-ment neuf dans
Thistoire. Il fait de la révolution au profit de la royauté, et il la faitsciemment,
résolument, loyalement, sans être nidupe
nitrom-
peur.C'est
de
sapensée
intime, c'estde
sonœuvre
morale,que nous sommes
ici h' plus frappés. Ses exploits sont en cemumenl dans
toutes lesbou-
ches, et cette figure poétiijue, rehaussée de tout l'attrait de linconnu, préoccupe, en France, lescœurs
et les imaginations d'unemanière
sensible.Nous
n'ensommes
j^as surpris. Garibaldi ne res-semble
à personne, et il y a en luiune
sortede mystère
qui fait réfléchir.Les
tètes légères veulent peut-être qu'il doive son prestige à la jeunesse, à la beauté: lesuns
disent à sa force physique, à sa vuix de stentor; les autres disent à sa taillegigantesque, à son
costume de
théâtre, etc.Heu-
reusement
riende
tout cela n'est vrai aujour-d'hui, et le prestige
dure
encore. Garibaldi porte lecostume
qui convient à son emploimilitaire, iln'est plus de la
première
jeunesse, il a plusde
noblesse et de sérénité dans laphysionomie que de
beauté dans les traits. 11 n'a rien d'unmasto-
donte ni d'un brigand; il est plutôt d'une nature délicate et choisieoù
l'âmerègne
sur le corps et luicommunique
avant tout sa puissance. 11 a la voix douce, l'airmodeste,
lesmanières
distin- guées,une grande
générosité etune immense bonté
unies àune
fermeté inflexible et àune
équité souveraine. C'est bien
l'homme du com- mandement, mais du commandement
par la per- suasion; ilne
peutgouverner que
deshommes
hbres. Il n'a sur
eux que
les droits sacrés de laparole
donnée
etreçue. C'estquelque
chose d'en- thousiaste etde
rehgieux qui n'a pas d'analoguedans
les troupes réguhères, et quiforme un
épi- sode des plus étrangesdans
letemps où nous
vivons,au
milieu d'une guerre dirigée parde
savants calculs etune
sévère discipline.Eh
bien, ce contraste d'une petitearmée de
partisans,marchant pour
soncompte
avec la seule préoc- cupation de vaincreou
de mourir, n'a pasune
seule fois entravéou
contrarié les plans réguliers—
25—
de l'armée alliée ; et, tout
au
contraire, Garibaldi, entouréde
héros invincibles, à la fois témérairescomme
des lions et ruséscomme
des renards, a poursuivi à sa guise et à samanière
sonœuvre
personnelle, lancé
en
avantaux
flancsde
l'expé- ditioncomme un
boulot qui ricoche,comme un
brûlot qui
surprend
et dévore,mais
surtoutcomme un
apôtre qui persuade, soulève l'indi- gnation,ranime
les courages, et brise les fers en criant au peupleopprimé:
Aide-toi, le ciel t'aidera !Et
on
s'est méfié en France,quelque
part, sous l'influencede
souvenirs brûlants,de
cethomme
de
fer etde
cetteâme de
feu, sanscomprendre
la
grandeur
de sa conduite etde
sondévouement.
C'est l'ennemi
du nom
français, disait-on ; c'est le défenseur deHome
; lâchons le mot, c'estun répubhcain
etun
socialiste.A
présent, il faut bien se taire, car républicainou
non, constitutionnelou
radical, disciple deMa-
ninou
de Mazzini, il estlà, ne devant pas permettre qu'on luidemande
conq>lede
son opinion, et bra- vant clhKpie jour lamort pour
le trionq»hcde
lacause (pu; les rois ont
embrassée.
Kt les rois ont confianceen
lui, sansque
le peu[)lesonge
àen
douter, sans
que
les ancienset lesnouveaux amis du grand
partisan se battent dans soncœur
niautour
de
sa gloire, sans qu'une voix s'élève enItalie
pour
lui reprocher d'avoir trop faitpour
larépublique hier et de trop faire
pour
la royauté constitutionnelle aujourd'hui.C'est qu'il est des caractères d'exception au- dessus de toute atteinte sérieuse.
La
calomnie, le soupçon,aucun reproche ne
peut pénétrer l'orpur
de leur cuirasse. «Tout pour
la patrie » est leur devise.On
sentque
nulle considération d'a- mitié, de prudence, de crainte de l'opinionne
pèsedans
la balancequand
il s'agitdu
devoir. Ilssavent qu'ils
ne peuvent
inspirer dedéfiance fon-dée
àceux
qu'ils servaient hier,non
plus qu'àceux
qu'ils servent aujourd'hui; et,quand
cela serait, ils crieraient :quand même!
et se jette-raient
dans
le feu en faisant abnégation de tout,même
de leurhonneur
apparent,comptant
sur lajustice de l'histoire et sur le
jugement de Dieu
.dans lecœur
deshommes
de bien.C'est
que
de telshommes ne
représentent pas tantune
idée particulièrequ'un
sentiment géné-ral. Ils
résument
l'âme d'une nation, et si l'on voulaity bien regarder,on
verraitdans
celui-ci—
27^
une
sortede
personnificaliuii do l'italie renais- sante, avec son passé douloureux, sesdrames
poignants, sa patience muette, son génie d'action exujjérant, et surtout cette haine
du joug
étran- ger qui l'ait taireen
elle tout vain orgueil ettoute discorde funestequand
l'heure estvenue
d'êtreou
de n'être pas.GEORGE SAND.
Nohaot, 4juillet 1859.
Aujourd'hui le Milanais est délivré, le centre
de
l'Italie aproclamé
le principe de Tunilé.La
Sicile est soulevée contre le
Dourhon
de Naples, et Garihaldi est en Sicile.Le
bruit de ses victoi- res y aprécédé
sa descente, et aujourd'hui,20
mai,on
ignore, làoù
je suis, siPalerme
n'est pas enson
pouvoir.H
y a, plusque
jamais, dela légende
dans
cette vie aventureuse,mais
celte légende, c'est encore de l'histoire.—
lUen neparait impossible à Garibaldi.
— En
vain les pro-clamationsnapolitainesle déclarentbattuetvaincu.
Personne
n'est dupe, l'histoire parle déjà, et d'a-vance
elle dit : Il est vainqueur.Est-il possible qu'il
succombe
?Non
! Il a tout osé encoreune
fois : encoreune
fois, il a tout risqué.Avec une
poignée de braves dignesde
lui, il va
combattre une armée
formidable ; lemystère
et le prestigel'accompagnent
;un
mira-cle se fait
pour
qu'il puissedébarquer
: l'imagi- nation lecherche
avec anxiétédans
le labyrinthe desmontagnes. La panique
estdans
lecamp ennemi. On
fuit avant peut-être de l'avoir aperçu.La
terreur est à lacour
de Naples.Tout
ceciressemble
àun poëme.
Cethomme,
presque
seul, devientl'homme du
prodige. Il faittrembler les trônes, il est l'oriflamme de l'ère nouvelle.
L'Europe
entière a lesyeux
sur lui et s'éveillechaque matin
endemandant où
il est et ce qu'il a fait la veille.C'est qu'il porte
en
lui la foi destemps
héroï-ques, et, dès lors, les merveilles dela chevalerie reparaissentenpleindix-neuvièmesiècle.
Le monde
n'est
donc
pasmort? Qui donc
disait qu'il était vieux,que
rien d'invraisemblable n'était plus possibledans
cet âgede
raison et de lumière.—
29—
qiie rien
de grand ne
pouvait plusémouvoir une
civilisation trop
avancée
et trop positive?Beau- coup de gens
habiles,beaucoup
d'esprits forts disaient cela hier ;mais que
disent-ils aujour- d'hui?Et qu'importe ce qu'ils disent?
Où
sont ces gens-là etque
font cesgrands
espritsquand
ils'agit
de
chasser l'étranger etde
reconquérir la liberté? Voilàun
seulhomme,
sans argent, sans pouvoir et sans appui, aux prises avec tous les obstacles (luol'homme
peut rencontrerdans
la société constituée, et,en un
clin d'oeil, cethomme
a des amis, des partisans dévoués, des
compa- gnons
intrépides, des populations palpitantes au- tour de lui. Il estdonc
tout-puissantl'homme
qui croit! Il (litun mot
à l'oreille, il faitun
signedans
l'ombre : les braves accourent, lesmoyens
s'improvisent, les peuples se lèvent, les
dangers
reculent avec les obstacles, lemonde
frémit d'un bout à l'autre etprononce
ladéchéance du
sou- verainmenacé
avant nif'nic qu'il ait [)erduun
seulhomme. On
sent (|ue cela est fatalaujounlhui ou demain, que
la consciencehumaine
le veut, qu(i le doigt de I>ieu est levé, (jue (laribalditombant
sousune
balle, serait encoreen
espritet en apparition surnaturelle à la tête de ses lé- gions victorieuses, et
que
sonnom
seul continue-rait les prodiges de sa volonté.
L'Italie a aujourd'hui trois
hommes
éminents sur labrèche
, sanscompter ceux
qui s'abstien- nent^mais qu'émeuvent
toujours les profondeurs de l'instinct populaire en lui prescrivantavec élo-quence
et passion l'unité nationale et l'écrase-ment
total de l'étranger. Ceci n'étant pointune
discussion de principes,mais un
cri de notrecœur
vers l'Itahe et la hberté,nous ne
parleronsque du
trio très-extraordinaireet très-significatif qui représenteen
cemoment
les troistermes
su- bitementrapprochés
de la crise : hier, aujour- d'hui,demain. Deux
de ceshommes
seressem-
blentbeaucoup
:Yictor-Emmanuel,
s'il n'avaitpasla douleur d'être roi, serait avec Garibaldi sous
la tente.
Retenu
par des considérations respecta- bles et desengagements
impérieux, il est forcé d'attendre lemoment où voxpopuli, vox Dei
consacrera son droit et son devoir, le plus sacré des droits politiquesquand on
en est investi par l'appel ardent des masses, le plusbeau
de tous lesdevoirs, celui de constituerune grande
nation vivant parelle-même. Le
roi Victor représente—
31—
donc
lo droit do rilalie, et ce droit,par
iino fa-veur de In Providence,
tombe aux mains
d'unhomme
proverbialement loyal. Disons,en
passant,quQ
la (jualificalion populaire de re(jahnitwnnu
n'est pas traduite
suflisamment
par notremol
(ïhonnête
homme.
Notre vieille locution fran- çaisede
(jalanthomme
estbeaucoup
plus litté- rale. Elleexprime une nuance
|)lus italienne etpar
conséquent
plus vive. Elle impliquequelque
chosede
plusqu'une
vulgaire et inoffensivepro-
bité, elle entraîne l'idée de
bravoure
et de liertéchevaleresque.
Entre ces
deux Ames
brûlantes,un
esprittenaceet profond protège le destin de lllalie. (Huai
!
malheur, comme
disent les Italiens, le jouroù
la sagesse et la persévérance
de M. de Gavour
ne rassembleraient plus les rénrs do ce quadrigesi malaisé à conduire : la noblesse, le peuple, l'armée, le clergé, le passé et le présent devant travailler de concert
pour
l'avenir.Certes,
M. de
C.avour a en luiune
notion trés-raisonnée
de
ces trois termes;mais
il a été plus spécialement élu par la destinée destemps mo-
dernes
pour ménager
les droitsdu
premier. Gari- baldi s'élançant, impétueux, vers l'avenir, repré-sente le
terme
extrême. Certes, il estcondamné
par ses instincts et par le sentiment de sa mission
orageuse
à s'irriter contre des entraves parfois nécessairesaux yeux du
ministre.Le
roi Victor est chargéde
tout le poidsdu
présent, et il a reçu avec le patriotisme et la loyautéune
cer- taine sérénité de caractère,une
santé de l'âme etdu
corps qui estune
force nécessaire à sa pé- rilleuse situation.Ces trois
hommes
peuvent-ils se désunir sansun immense danger pour
la causecommune?
L'instinct des
masses
qui regardent à distance,—
et ce n'est pasun mauvais
point devue pour résumer
l'ensemble des choses.—
pressentque
le salutde la Péninsule est
au
prix de leurunion
secrète etprofonde.Et
nous
oserons le dire,nous
dontles instincts suiventrésolument
Garibaldi dans ses audaces,nous
qui croyons que, dans les heures de luttesuprême,
les idées doivent faire placeaux
actions et les réflexionsaux
élans,nous
émettrons pourtant cette opinion quinous
estimposée
parun
sentiment général,— on
pourrait dire uni- versel,— que
si le roi Victor et Garibaldi sont le bras et l'épéede
l'Italie, M.de Cavour
est le—
33—
bouclior sans lequel ces
preux ne
seraient point préservés des lléches de l'embuscade, (iette égide de la raison s'est étendue entre l'Italie militaire etTKurope
hostile, méfianteou
insensible. Celui qui la porto et la maintient, a protégé les lutteshomériques,
il aenflammé
lescœurs
françaispour
la délivrance, il adonné
confianceaux
par-lis tiédes,
aux
esprits craintifs, sidangereux, on
le sait,dans
leur inertie. Il a rassuré les intérêts, et dés lors toutes les classes se sont levéescomme un
seulhomme;
l'abstention estdevenue une honte
[)ubli(int', honte qui se fût justifiée vis-à-vis d'elle-même, en se retranchant derrièreh
crainte des idées trop nouvelles et tro[) exclusives.Nous ne prétendons
pas direque
toute autre doctrineque
cellede
la royauté constitutionnelle n'eût jamaispu
chasser l'étranger,même
sans lagloiieuse intervention de nos trou|>es. L'Ilahe a
prouvé
qu'elle pouvait faire, à elle seule, degrandes
choses :mais
les maiiitenirdans
l'as-sentiment de la majorité des autres puissances, se défendre d'être écrasée brutalement par les
unes, abandonnée Idchement
par les autres, voilà ce qu'elle n'auraitpu
faire avantun demi-
siècle, et voilà ce
que
laprudence
de M. de Ga-vour
a su faireau
seindu
passé, encoredebout
autourde
lui. Représentantun
seul principeopportun
et applicable en Italie, il adonc
con- tribué à sa délivrancepour une
si large part, qu'il y auraitune grande
ingratitude etun
réelaveuglement
à le nier.Nous
n'ignorons pasque nos vœux pour
l'u-nion