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Le patrimoine: pourquoi? pour qui? comment?

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Le patrimoine: pourquoi? pour qui? comment?

EL-WAKIL, Leïla

EL-WAKIL, Leïla. Le patrimoine: pourquoi? pour qui? comment? In: Remise des diplômes de formation continue Patrimoine et Tourisme, Genève, 24 novembre 2011, 2011, p. 1-13

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23873

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Le patrimoine : pourquoi ? pour qui ? comment ? Par Leïla el-Wakil

UniBastions, salle B 111, 24 novembre 2011, 20h00

Dans le cadre de cette remise de diplômes du CAS en formation continue Patrimoine et Tourisme, il m’a semblé opportun de mener une réflexion sur le patrimoine, cette incontournable réalité matérielle ou immatérielle, dont la présence s’est imposée dans la plupart des domaines. Le terme de patrimoine, chuchoté jadis dans les cabinets de notaires et que l’on réservait à l’ensemble de biens transmis dans le sein familial d’un père à ses descendants, ce terme, devenu largement public désormais, concerne la grande famille de l’Humanité.

Le patrimoine constitue en effet non seulement nos fonds de musées ou nos villes historiques ; mais il envahit nos banlieues dans lesquelles on ne

dénombre plus les exemples d’architecture moderne protégée au titre de patrimoine, le patrimoine engorge nos abris culturels et nos centres

d’archivages. A ce patrimoine matériel s’ajoute le patrimoine vivant qui, pour se perpétuer, doit se reproduire dans des conservatoires, des arboretums ou des réserves naturelles.

Dans ce mouvement inflationniste, qui fait qu’on s’évertue à conserver la mémoire de la mémoire, le patrimoine en est venu jusqu’à occuper le creux de nos assiettes lorsqu’on s’est avisé de faire entrer au Patrimoine mondial

(Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003) le repas gastronomique des Français (2010), en même temps que la diète

méditerranéenne (2011) et la cuisine traditionnelle mexicaine ! Aujourd’hui donc le patrimoine se danse au son du bandonéon (tango) ou de la guitare (flamenco), le patrimoine se frappe sur les gongs du Vietnam, le patrimoine se

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tisse dans les tapis d’Azerbaïdjan ... Plus près de nous défile le Cortège de l’Escalade, fleuron du patrimoine régional, voire national.

Aujourd’hui infini, le patrimoine devient pour les uns le but de voyages, de visites, de consommation, pour les autres l’occasion de revenus et de profits.

Bénéficier du label Unesco du patrimoine mondial, c’est s’assurer une notoriété qui se traduit en espèces sonnantes et trébuchantes. Ce phénomène de

marchandisation des biens culturels a pris, sous le doux nom de tourisme culturel, des proportions jamais imaginées depuis l’invention au XVIIIe siècle des premiers « touristes », les voyageurs du Grand Tour, qui généraient déjà tout un commerce de Ciceroni (ou de guides si vous préférez), chargés de montrer les richesses artistiques d’Italie, et de védutistes, chargés de fabriquer les souvenirs du voyage. Au XIXe siècle les effets pervers du tourisme,

significativement appelé « l’industrie des étrangers », se faisaient déjà sentir, même en Suisse, où, selon le guide Baedecker, la mendicité et l’appât de l’argent facile transformaient en mendiants le petit peuple des paysans de l’Oberland bernois.

En cherchant des origines au phénomène de la patrimonialisation, l’institution du Grand Tour constitue sans doute une étape importante. L’Italie, berceau des arts antiques et renaissants, devient dès le XVIe siècle le passage obligé pour parfaire une belle éducation : les fils de famille européens (en particulier les Anglais), beaucoup d’artistes et d’architectes font le voyage qui les mènent par- delà les Alpes jusqu’à Rome, puis Naples, plus tard (dès la seconde moitié du XVIIIe siècle) jusqu’en Grèce et en Asie mineure. L’un des buts de ce séjour Erasmus des élites est la confrontation avec les œuvres d’art antiques et ces musées en plein air que sont Rome, Pompéi, Herculanum, la Grande Grèce, Athènes. Là est le patrimoine, même si ce terme, d’un usage récent pour la

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réalité qu’il recouvre, n’est pas encore employé pour désigner ces « beautés artistiques ». Le Tour en cela parachève la formation classique du jeune hobereau et inculque à l’artiste les modèles du bon goût.

Dans les vestiges de la Rome antique les architectes cherchent le secret du Beau et de la proportion idéale : le Colisée, le théâtre de Marcellus, la Rotonde (Panthéon), mais aussi le Forum, la maison dorée de Néron, les thermes de Dioclétien … sont auscultés, mesurés, relevés avec le plus grand soin. De ces éléments ruinés, mutilés par le passage des Barbares et du Temps, on espère extraire de quoi nourrir l’art contemporain. La culture artistique des XVIe au XIXe siècle passe par le culte et l’étude des monuments anciens. Conscientes de l’importance de cette étape dans la formation artistique de leurs ressortissants les différentes nations européennes établissent chacune à leur tour des

Instituts à Rome (Villa Médicis, Institut Suisse, Institut Allemand, etc.), comme autant de bases avancées de l’enseignement académique des beaux-arts.

Parallèlement, du choc de la confrontation avec les ruines de la grandeur romaine naît une réflexion romantique sur la mort des grandes civilisations : Pétrarque inaugure le lamento élégiaque sur l’anéantissement de Rome, auquel poètes et artistes emboîtent le pas. Joachim du Bellay déplore le phénomène avec mélancolie (1553-1557) dans les Antiquités de Rome. Plus tard Heinrich Füssli se représente accablé devant la main et le pied colossaux de la statue démantelée de l’empereur Constantin. Le Corbusier lors du Voyage dit d’Orient effectué à l’âge de 24 ans écrira tout pareillement : « J’ai vu les grands monuments à terre à Pompéi ». Qu’un empire aussi puissant que

l’empire romain ait pu subir semblable anéantissement, voilà qui offre le thème d’une Vanité, majeure, et engage à réfléchir à la fin de toutes choses en ce monde terrestre ! Voilà qui nourrit un engouement pour le patrimoine dont

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André Chastel et Jean-Pierre Babelon dans la Notion de patrimoine (1980) nous ont bien dit qu’il naît d’un sentiment de perte.

Mais qu’est-ce alors que Rome au XVIe siècle qu’une carrière à ciel ouvert dans laquelle puisent les bâtisseurs, un champ de ruines, une ville aux entrailles retournées ? Grands bâtisseurs les papes édictent néanmoins des bulles pour protéger les monumenta (pour faire simple cela recouvre les pierres gravées ou sculptées) des déprédations. Le peintre Raphaël sera du reste nommé par le pape Léon X « préfet des marbres et des pierres gravées » ; dans une lettre devenue légendaire, La lettre à Léon X (1519), il exprime son souhait de voir conserver pour leur qualité artistique et de modèles les monuments antiques trop souvent pillés et réduit à l’état de chaux pour reconstruire la Rome moderne dont l’architecture, aussi admirable soit-elle –dit-il-, n’arrive pas encore à la cheville des chefs d’œuvres antiques. C’est pourquoi il convient de conserver pour la postérité des œuvres belles, anciennes et rares, qui

témoignent d’une civilisation disparue.

La passion pour l’archéologie, dont on peut dire qu’elle naît avec les premiers chantiers des humanistes de la Renaissance, atteint un climax dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec les fouilles engagées par Charles III de Bourbon à Herculanum puis à Pompéi suscite une émulation renouvelée vis-à-vis de l’Antiquité gréco-romaine. Là s’instaure et se consacre véritablement le culte des monuments antiques. C’est corollairement le temps dans le monde occidental de l’instauration du musée, collection d’œuvres ou d’objets d’art, ouverte désormais au public et dont la contemplation n’est plus seulement réservée aux seules élites et artistes.

Combien de larcins et de démantèlement ne vont-ils pas dès lors être commis, au nom de la Science pour nourrir les recherches érudites des archéologues et

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autres historiens de l’art et remplir les grands musées occidentaux dont la raison d’être à demi-avouée est tout de même de rassembler les trésors de l’humanité ? On en arrivera à quelques aberrations comme d’abriter un

monument dans un monument, l’autel de Pergame reconstruit à Berlin dans le musée éponyme. Dans son excellent livre La Conquête du Passé. Aux origines de l’archéologie, Alain Schnapp tente bien de couvrir les malfrats en invoquant justement les progrès de la science archéologique. Mais il n’en résulte pas moins que ces « butins de guerre » des temps modernes, mal acquis, dans des rapports de force qu’il faut qualifier de coloniaux, font aujourd’hui l’objet de revendications de la part des pays dépossédés. Les Grecs réclament, depuis que la chanteuse Mélina Mercouri avait pris fait et cause pour la question, la restitution des marbres du Parthénon enlevés sans autorisation par Lord Elgin ; une boutade circule au sujet d’un inimaginable troc que l’on pourrait faire à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres en 2012 : la flamme contre les marbres ! D’autres trésors sont réclamés avec insistance aujourd’hui comme la Nefertiti, détenue (captive) dans l’écrin, certes magique, du Neues Museum de Berlin, récemment restauré par David Chiperfield et le conservateur Dietrich Wildung.

Le champ patrimonial s’étoffe en fonction des découvertes, de l’élargissement du savoir et de l’évolution du goût. Dans la première moitié du XIXe siècle, c’est au tour du moyen âge d’être redécouvert : Sulpice Boisserée, John Ruskin ou Prosper Mérimée s’émeuvent pour des monuments fortement réprouvés jusque là par le bon goût classique distillé au sein des académies et ouvrent de nouveaux horizons patrimoniaux. L’achèvement de la cathédrale de Cologne marque l’avènement de l’expression du nationalisme dans les monuments dans un débat alors controversé sur l’origine du style gothique. A travers l’œuvre de Viollet-le-Duc et de quelques uns de ses contemporains s’inaugure la

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restauration des monuments réinterprétative : d’Andrade rassemble dans le Borgo medioevale de Turin à l’occasion d’une exposition nationale (1888) ce qu’il estime être la quintessence de l’architecture médiévale piémontaise en un village modèle réduit, musée caprice architectural en plein air.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle marquent l’avènement des sociétés de protection du patrimoine et de la Nature. En Suisse une femme- peintre extraordinaire, Marguerite Burnat-Provins, et quelques érudits dont un architecte, Edmond Fatio, constituent la Ligue pour la Beauté (1905), prémices du Heimatschutz, alias Patrimoine Suisse. Sans qu’il faille voir dans ces

associations les bastions d’un nationalisme exacerbé et d’un manque

d’ouverture à l’autre, comme l’ont interprété certains historiens (notamment Ulrich Jost), force est de constater qu’aujourd’hui, faute de consensus, on ne saurait plus trop autour de quel concept esthétique se rallier. La Beauté a été remplacée par une nouvelle divinité : elle a pour nom Développement durable.

L’escalade dans le phénomène de patrimonialisation ne survient toutefois qu’au lendemain des Trente Glorieuses. Le premier choc pétrolier, les travaux du Club de Rome et l’avènement du Mouvement post-moderne marquent le début de la remise en question de la foi en la modernité et sa politique de tabula rasa. La démolition de la Maison du Peuple (1968), chef d’œuvre architectural de Victor Horta, amorce la réhabilitation du style Nouille, tant réprouvé par les partisans de la règle des cinq points de l’architecture. Le XIXe siècle avec ses emphases et ses boursouflures est redécouvert et valorisé : les petits-enfants s’intéressent au cadre de vie de leurs grands-parents, puis les enfants à celui de leurs parents et, enfin, ce à quoi on assiste aujourd’hui, les contemporains aux productions de leurs contemporains. Le temps dévolu à l’invention patrimoniale s’est rétréci : Le Corbusier n’avait-il pas déjà demandé

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à Malraux de faire classer son œuvre de son vivant ? Ceci fait exploser le nombre des Merveilles du monde !

Corollairement la patrimonialisation s’ouvre à d’autres champs que celui des œuvres ou ouvrages d’art. La Nature appelle à être protégée ! C’est une

parenthèse, mais le clivage Nature/Culture serait selon les actuelles recherches en philosophie qu’une construction purement occidentale. Aux Etats-Unis, où, depuis le XIXe siècle, la Nature fait office de Monument, les Grands Parcs sont rapidement frappés de mesure de classement et figurent aujourd’hui en bonne place au patrimoine de l’Humanité (les Etats-Unis ont davantage d’items

naturels inscrits que d’items culturels). En Suisse le Parc National des Grisons doit son origine, il y a plus d’un siècle, à la volonté de préserver l’univers

montagnard, sa faune et sa flore originelle, contre l’industrialisation galopante.

De cette époque date la Ligue suisse pour la protection de la Nature très active en Suisse.

D’autres types de patrimoines vont faire leur apparition : le patrimoine industriel où non seulement les bâtiments, mais aussi les équipements vont être l’objet d’attention. Le petit patrimoine ou patrimoine mineur, les

ensembles urbains, le contexte non monumental dans des villes qui se

modernisent rapidement. Dans le grand emballement du changement rapide et peut-être erroné des modes de vie, l’autoréflexion historique des sociétés surgit comme pare-feu, souvent tardif et un peu dérisoire. Y aurait-il des leçons à puiser dans le Passé, non seulement dans ses traditions artistiques, mais dans les savoir-faire, les savoir-vivre et les savoir-être ? Le patrimoine immatériel fait à son tour son apparition.

De sorte que nous vivons environnés de patrimoine dans notre quotidien, patrimoine matériel et immatériel, lequel patrimoine se cache depuis

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longtemps sous d’autres noms : le répertoire de la musique classique, du théâtre ou du ballet on parle de répertoire, lequel ne cesse de s’élargir sous l’effet des musicologues et des spécialistes du théâtre ou de la danse. Le

répertoire de musique ou de ballet classique fait encore largement l’affiche de nos théâtres et salles de spectacles, même si le spectacle que l’on est amené à entendre ou à voir aujourd’hui est à mille années lumière d’un concert ou d’un spectacle d’époque. En danse par exemple on sait par les costumes de ballet conservés du début du siècle que la physionomie même des danseurs a

considérablement forci et grandi. Une danseuse classique actuelle ne pourrait plus enfiler les tutus d’Anna Pavlova !

La littérature se perpétue par les rééditions et acclimate les nouveaux médias lorsque la tablette numérique remplace les pages de papier.

Conclusion

« Nous savons que notre ADN provient d’un animal ancestral, unicellulaire – une sorte de bactérie - qui vivait il y a des milliards d’années. Ce système rudimentaire s’est ensuite complexifié au gré de notre histoire évolutive, à travers chacun de nos ancêtres, des plus proches comme les primates dont nous descendons en ligne directe, au plus lointains comme les poissons, voire même les animaux invertébrés comme les crevettes ou les étoiles de mer. Par conséquent, nos chromosomes ne portent pas seulement notre mode

d’emploi, ils contiennent également les dernières traces palpables de l’histoire des animaux, de notre histoire. Ils contiennent la solution et l’origine de cette solution. Un mélange du devenir de cet embryon tout juste conçu et de

l’histoire de tous les animaux l’ayant précédé et ayant, depuis, disparu. A cet égard nous sommes tous dépositaires d’une partie, microscopique certes, mais

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unique, de cette formidable histoire des animaux dans laquelle nous sommes inscrits. » Denis Duboule, Le triomphe de l’embryon, 12 sept. 2011

Le patrimoine immatériel moins encombrant que le patrimoine matériel d’où sa mise en exergue actuelle.

Veau d’or des temps actuels, le patrimoine suscite des réactions émotionnelles et soutire des actes de dévotion.

La réserve d’Indiens factice. L’illusion du passé transportée dans le présent. La façon dont nous voyons aujourd’hui les œuvres du passé n’a plus rien à voir avec ce qu’elles étaient une fois. Le contexte a changé, leur matérialité a changé sous l’effet de la restauration ; la conservation préventive même est illusion. Dans un domaine où les savoirs-faire et les doctrines se sont périmés plus vite encore qu’ailleurs, entre le laisser-mourir ruskinien et la violletisation tant décriée plus tard. Après avoir cherché le beau, chercher l’impossible vrai.

Epoque d’incertitudes et de craintes, avenir incertain, perte des repères.

Prolifération patrimoniale. Alors qu’une sage attitude envers ce qui est et qui a de la valeur permettrait de maintenir et de respecter les héritages privés et collectifs sans qu’il faille sélectionner, choisir et passer de l’inventaire de la rareté à l’inventaire de la surabondance.

La Table rase, rêvée par les Modernes, semble impossible. Car quelque chose en l’être humain semble le ramener à ses origines, au Passé, quelque chose qui n’est pas que l’appréhension du Futur.

« La cuisine traditionnelle mexicaine est un modèle culturel complet qui rassemble des pratiques agricoles, rituelles, des talents de longue date, des techniques culinaires et des coutumes et manières communautaires

ancestrales. Cela est rendu possible grâce à la participation collective dans la

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chaîne alimentaire traditionnelle tout entière : de la plantation et la récolte à la cuisson et à la dégustation […] Leurs savoirs et techniques sont l’expression de l’identité communautaire, renforcent les liens sociaux et consolident les

identités nationale, régionale et locale. Ces efforts accomplis dans le Michoacán soulignent également l’importance de la cuisine traditionnelle comme moyen de développement durable. »

Le repas gastronomique des Français est une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et

retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du « bien manger » et du « bien boire ». Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature. Parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la

décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table). Le repas gastronomique doit

respecter un schéma bien arrêté : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert. Des personnes reconnues comme étant des gastronomes, qui possèdent une connaissance approfondie de la tradition et en préservent la mémoire, veillent à la pratique vivante des rites et contribuent ainsi à leur transmission orale et/ou écrite, aux jeunes générations en particulier. Le repas gastronomique resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux.

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De la protection ponctuelle on est passé à la protection d’ensemble. De la beauté et de la domination d’une civilisation sur l’autre on en est venu à une plus juste répartition des beautés, même si la beauté ne fait plus consensus, à travers le monde et les civilisations.

Le patrimoine marche main dans la main avec le tourisme. L’Unesco a pour partenaire Tripadvisor, le plus grand site mondial d’avis de voyages.

« TripAdvisor® est le plus grand site de voyage au monde. Son objectif est d'aider les voyageurs à préparer et à réaliser le voyage idéal. Le site propose des avis fiables d'authentiques voyageurs, un grand choix d'idées de voyages, de nombreux liens vers des sites de réservation et des outils de planification » (de leur site). Aucun site helvétique n’est classé parmi les 25 meilleurs

mondiaux de Trip Advisor, mais Interlaken atteint le place 24 des destinations du palmarès européen : « Interlaken est une destination de choix en toute saison pour les amateurs de sites spectaculaires et de sports de plein air, avec presque 250 km de pistes de ski qui comptent parmi les plus belles du monde – on citera entre autres Kleine Scheidegg-Männlichen ou Mürren-Schilthorn. En été, les sommets vertigineux et les lacs scintillants dominant le paysage

constituent un cadre d’exception pour vivre des expériences uniques : randonnées en compagnie des bouquetins à Neiderhorn, excursions en télécabine de Grindelwald à First, activités de parapente, vue panoramique depuis la gare la plus élevée d’Europe et le premier restaurant tournant du monde. »

Mais qu’est-ce aujourd’hui que la planète, qu’une carrière à ciel ouvert, qu’un champ de ruines, qu’une Terre aux entrailles retournées, qu’une atmosphère en lambeaux, … pour paraphraser ce que je disais de l’Urbs romana au XVIe siècle ? Ce n’est plus aujourd’hui la Beauté des chefs d’œuvres renversés qu’il

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s’agit d’admirer et dont il faut tirer les leçons. Dans ce changement des paradigmes, le Vrai et le Juste sont en passe de remplacer le Beau et le Sublime. Nul n’admire plus les Tours de Babel … et les gesticulations

architecturales sont en perte de vitesse. Il y a tant à réapprendre des traditions ancestrales adéquates, hâtivement balayées par le tsunami du Mouvement moderne. En mettant en exergue les sociabilités traditionnelles, les savoirs faire en voie de disparition, l’artisanat plutôt que les expressions artistiques majeures, et les sélectionnant au titre du Patrimoine mondial, l’Unesco indique une direction à prendre. Il plaide en faveur de la défense et de l’illustration d’un patrimoine qui soit une leçon de vie sans doute et de morale peut-être.

Les nouveaux items au Patrimoine mondial signalent une variété de savoir-être et d’expressions culturelles, une diversité de territoires porteurs de leur culture propre, une multiplicité d’entités paysagères habitées … Dans un considérable renversement des valeurs, les Mirabilia se trouvent souvent chez les plus démunis, les moins instruits, les laissés pour compte.

Cette patrimonialisation tous azimuts, à laquelle chacun peut désormais prétendre, est-elle de nature à provoquer une saine émulation entre les populations, les nations, les pays, les localités, les campagnes, les incitant à mieux préserver leurs éléments constitutifs, les caractères fondateurs, leurs us et coutumes, leurs particularités estimables ?

Pour conclure sur Genève où nous tenons notre cérémonie de remise des diplômes ce soir, nous savons que la Rome protestante aimerait bien pourvoir figurer, tout comme c’est le cas de La Chaux-de-Fonds depuis 2008, sur les listes du Patrimoine Mondial. Mais cela implique un code de bonne conduite.

Malheureusement, la Ville du bout du Lac n’a que trop flirté avec la spéculation immobilière : la politique de la table rase des Trente Glorieuses dans cette ville

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bancaire prospère, puis un manque de sensibilité rare, pour ne pas parler d’une allergie de la plupart de ses édiles et responsables passés et actuels aux

questions patrimoniales, nous éloigne de toute perspective de reconnaissance et récompense de cette sorte. Néanmoins, convaincus de l’importance de faire connaître et faire valoir les beaux vestiges qui restent, les organisateurs de cette formation continue Patrimoine et Tourisme, avec persistance, depuis quatorze ans, sans beaucoup d’appuis extérieurs, ne baissent pas les bras. Ils forment avec enthousiasme, volée après volée, une nouvelle génération de Cicerone qui à leur tour, souhaitons le, inventeront Leur patrimoine genevois, respectivement vaudois ou valaisan.

Je vous remercie.

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