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13 juillet 2011actualité, info
en marge
Question : existe-t-il un organis me, une institution, des sages qui ob- servent l’évolution des regards portés sur les substances fortement susceptibles d’induire des addic- tions ? Faute d’être en mesure de fournir une réponse, nous en som- mes réduits à des observations personnelles et parcellaires ; des observations complétées, il est vrai, par l’évolution objective des textes de loi de santé publique, promulgués dans ce domaine. Se- lon l’époque et les substances, le législateur œuvre ici sur deux fronts : celui de la prohibition ra- dicale et celui de l’incitation à la réduction de la consommation (par voie tarifaire et/ou publici- taire). C’est tout particulièrement vrai pour le tabac et l’alcool dont il est tenu pour acquis qu’il nous faut vivre avec et que toute prohi- bition serait un remède pire que les fléaux sanitaires dont ils sont la cause.
Et force est bien de constater que les actions législatives (et le dis- cours pédagogique qui souvent les accompagne) ne sont pas sans jouer un rôle dans l’évolution de
la perception de ces substan ces, de leur consommation et de leurs consommateurs. Le phénomène est particulièrement marquant pour ce qui est des produits déri- vés du tabac. Il y a moins d’un demi-siècle tout ou presque était permis. Puis vint la vulgarisation du discours de plus en plus audi- ble sur la corrélation entre tabac et pathologies cancéreuses d’une part ; entre tabac et addiction de l’autre. L’industrie crut pouvoir avancer l’argument de la liberté réciproque du fumeur et du non- fumeur. C’était compter sans l’émergence du concept – égale- ment rapidement vulgarisé – de tabagisme passif.
Aujourd’hui, du moins dans les pays occidentaux, l’adolescence (cette période initiatique de la prise de risque) passée, la proportion de fumeurs fiers de l’être est devenue insignifiante. Tous les consomma- teurs ou presque se disent victimes de leur dépendance, aimeraient en finir une fois pour toute et échouent très souvent dans leurs tentatives de sevrage. Et tous ou presque reconnaissent qu’il est de
leur devoir de ne pas imposer l’inhalation de leurs volutes à leur entourage.
Voilà, si l’on peut dire, pour le ta- bac. Les choses sont infiniment plus complexes pour ce qui est des alcools et de leur ambivalen ce.
Pour autant, il semble également que la situation évolue sur ce front.
Après bien des résistances – éma- nant pour l’essentiel des filières industrielles directement concer- nées – l’opinion publique en est venue à accepter le principe selon lequel les boissons alcooliques peuvent induire une dépendance chez certains consommateurs.
L’alcoolique d’hier, coupable de son vice, peut plus aisément être accepté comme un malade de l’al- cool devant, autant que possible, être considéré comme tel et aidé par la collectivité tout en partici- pant volontairement à sa prise en charge. Aucun angélisme ici. Ce ne sont bien évidemment là que de grandes tendances qui ne sauraient masquer un cortège d’exceptions.
Mais dans ce paysage mouvant, un récent et petit ouvrage 1 nous fournit un symptôme éclairant de ce que peut être l’évolution de la perception de l’alcool et de sa con-
sommation débarrassée de toute forme de modération. Cet ouvrage est publié à l’occasion des vingt ans de la mort d’Antoine Blondin.
On ne résumera pas ici en quel ques lignes l’œuvre de cet écrivain fran- çais (1922-1991) qui passa une bonne partie de son existence à user de masques ; sans jamais oublier, très tôt et très souvent, ceux – nombreux et variés – que peut fournir la consommation de boissons alcooliques. Du moins est-ce l’image qui demeure de l’auteur de L’Europe buissonnière, des Enfants du bon Dieu ou de L’Humeur vagabonde.
Pour le grand public français et francophone, sa notoriété tient pour partie au fait qu’il abandonna fréquemment la littérature pour le journalisme sportif, pratique exer- cée dans les colonnes de L’Equipe : chaque Tour de France de 1954 à 1982, d’innombrables matchs de rugby et autant de Jeux Olympi- ques. La pratique de l’écriture dans ce milieu étonna avant de séduire ; puis l’homme, ses frasques et ses ivresses récurrentes entrèrent bien vite dans la légende.
«Parce qu’il faut vous dire, il buvait, l’Antoine. Que dis-je ? Il n’a plus fait que ça, un jour, écrivit au lende-
Antoine Blondin et les alcools, vingt ans plus tard
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? Des partici
pants ont dénoncé une condition discriminatoire et contraire au droit à l’autodétermination. Quant à une éven
tuelle interdiction de percevoir une rémunération, plusieurs parties ont estimé que cela serait «susceptible de nuire à la qualité et au profession
nalisme des accompagnants au sui
cide».
Pour Simonetta Sommaruga, une mo
dification du code pénal pourrait aussi amener des désavantages, comme la légitimation officielle des organisa
tions d’assistance au suicide, ce qui pourrait avoir un effet incitatif. Les milieux médicaux se sont par ailleurs élevés contre l’idée que l’assistance au suicide devienne une activité mé
dicale. (…)
Valentine Zubler Le Temps du 30 juin 2011
Un pas vers le diagnostic préimplantatoire
La règle constitutionnelle limitant le nombre d’embryons pouvant être développés in vitro doit être assou
1 Cormier J, de Lassus S. Blondin : 20 ans déjà ! Monaco : Editions du Rocher 2011.
ISBN 9782268071329 main de sa mort Bertrand Poirot-
Delpech dans les colonnes du Monde. Cela le rendait parfois mé- chant, au point de lasser ses meil- leurs amis. Il faut comprendre.
C’était la seule façon qu’il avait trouvée, l’alcool, de rappeler les autres et lui-même au devoir d’en rire, d’en pleurer, de ne pas s’y ré- soudre, en tout cas. Toute sa vie, il aura fêté le refus de l’inacceptable, comme on enterre sa vie de garçon.
Une existence en forme de congé.
Vous avez le bonjour d’Antoine ! Il ne croyait pas si bien dire. Au début, cette brouille fondamentale avec la planète – sauf les amis, la bière à jeun et quelques bricoles – ne l’a pas empêché tout à fait d’écrire.»
Il buvait et il écrivait ; à la régala de.
Tous voulaient le croire assouvis- sant, en pleine liberté, sa double passion ; et à ce titre, on ne pouvait manquer de rire et d’applaudir celui que l’on n’aurait osé quali- fier d’ivrogne. En 1959, il tenta pourtant de se faire comprendre.
C’était avec Un singe en hiver.
Peine perdue. On trahit pour par- tie le testament en le mettant en images. La foule ria de plus belle au spectacle de l’échec retentissant d’un sevrage. La déchéance tarda.
Mais en dépit d’amitiés multiples et d’un quarteron de vrais fidèles, elle survint. Et vingt ans plus tard l’ouvrage dont nous parlons ici vient heureusement nous dire le chemin parcouru dans la percep- tion de cette addiction. Recueillis sous la houlette du plus que fidèle Jean Cormier, les vingt témoigna- ges de très proches (et d’autres qui le furent moins) illustrent pleinement l’évolution lente et progressive des regards. Petit-fils de l’écri vain, Symbad de Lassus s’interroge. «Pour devenir l’hom- me et l’écrivain qu’il a été, avait-il besoin de la boisson ? Pendant longtemps, par fascination ou par ignorance, j’ai voulu penser que non. L’hom me aurait sans doute été plus apaisé. Nous aussi. Mais quid de son œuvre ?» Parce qu’elle touche à la souffrance et à la créati- vité mêlées c’est, bien évidemment, la plus pénible des questions ; celle à laquelle nul ne saurait répondre.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
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