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Profils et comportements socio-économiques des entrepreneurs informels face à l’évolution du marché dans une société ivoirienne en crise.pp. 81-95.

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PROFILS ET COMPORTEMENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DES ENTREPRENEURS INFORMELS FACE À L’ÉVOLUTION

DU MARCHÉ DANS UNE SOCIÉTÉ IVOIRIENNE EN CRISE.

SOKO Constant

Maître-Assistant, Université d’Abidjan Cocody Département de Sociologie

E-mail : sokoconstant@yahoo.com

RÉSUMÉ

Cet article donne une définition de l’entrepreneur informel, établit ses profils socio-éco- nomiques et analyse ses comportements sur le marché dans une société ivoirienne en crise économique et politique. Ainsi, après une enquête de terrain dans les secteurs informels de la ville d’Abidjan, et notamment dans les secteurs informels des quartiers de Yopougon et d’Abobo, nous sommes arrivés aux résultats suivants : Les entrepreneurs informels sont de trois sortes : les entrepreneurs pratiquant les Activités Génératrices de Revenus (AGR), les micro-entrepreneurs et les petits entrepreneurs. Ils présentent sept types de profils dans la conjoncture socio-économique actuelle. Il s’agit des entrepreneurs informels issus de l’atelier familial, migrant, amateur, aspirant, expérimenté, ayant démissionné d’une profession et enfin, l’entrepreneur informel licencié. Ces différents profils ont des comportements variants et évolutifs face à un marché lui-même évolutif. Ce qui conduit à des comportements divers face à ce marché. Il s’agit essentiellement de comportements de réduction et de stabilisation des prix, des comportements de distribution et des comportements à orientation ethniques qui agissent sur les rapports avec les fournisseurs.

Mots clés : Entrepreneurs informels, secteurs informels, comportements économiques, société, marché, sociologie économique.

SUMMARY

This article gives a definition of the informal entrepeneur, establishes its socioeconomic profiles and analyses its behavior on the market in an crisis economic and political Côte d’Ivoire society. So, after a survey in theinformal sectors of the city of Abidjan, in particular in the informal sectors of the district of Yopougon and Abobo, we arrived at the following results.

Key words : Informal entrepeneurs, Informal sectors, Economic behavior, Society, Market, Economic sociology

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INTRODUCTION

En Côte-d’Ivoire, l’entrepreneuriat informel est prépondérant dans tous les secteurs d’activité économique mais surtout dans le secteur tertiaire (Mal- donado 2001). Avec ses divers petits métiers, il est réputé contribuer pour un cinquième au moins, à la création de la richesse nationale. Il constitue de ce fait l‘un des moteurs de l‘économie nationale. Les études empiriques menées sur l’entrepreneuriat informel indiquent généralement un poids important de celui-ci dans la création de la richesse, bien que très variable selon les secteurs.

En outre, la part de ce secteur dans la population active ivoirienne est passée successivement de 8 % en 1965, 18% en 1980 à 24% en 19921. Selon une étude du BIT présentée par Bertrand Gaufryau et Carlos Maldonado en 2002, l’entrepreneuriat informel créerait en Côte d’Ivoire, cinq fois plus de richesses que l’entrepreneuriat formel. En outre, il utilise une importante main d’œuvre et se révèle, en conséquence, distributeur de revenus. Il connaît une croissance très forte tant dans l’agriculture que les services et l’industrie (Camillerie 1988).

En effet, selon les estimations, l’entrepreneuriat informel a occupé 4 107 595 personnes en 2002, contre 1 698 300 personnes en 1995, soit une augmen- tation de 142 % en 7ans (Peter Sschuch et al, 2009 : 12). Cette performance de l’entrepreneuriat informel implique plusieurs interrogations : Qu’est-ce qu’un entrepreneur informel ? Quels sont les profils des entrepreneurs informels ? Comment se comportent-ils sur le marché dans cette société ivoirienne en crise économique et politique ?

1- FONDEMENTS THÉORIQUES

En général, la pensée économique considère que les relations de marché se diffusent en raison de leurs efficiences, c’est-à-dire de leurs capacités à satisfaire les préférences des individus à des coûts plus bas. Cette vision évo- lutionniste d’un développement linéaire du marché s’oppose à celle défendue dans cet article et qui relève de la sociologie économique. Dans cet article, le cadre théorique de référence est celui de la légitimité et de l’équité qui sont au cœur de l’explication des comportements des entrepreneurs informels sur le marché. Ainsi, selon ce cadre théorique, pour s’affirmer comme instrument de régulation de l’économie informelle, le marché doit avant tout être socia- lement accepté. Contrairement à Durkheim (1978), Veblen (1978) et Polanyi (1983) qui stipulent que la culture et les institutions s’opposent et résistent au marché, le présent cadre théorique (Sombart, 1929) et Weber, 1995) suppose que des facteurs culturels et institutionnels légitiment, encouragent et soutien-

1-Recensement général de la population et de l’habitat 1998.

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nent les rapports de marché dans l’économie informelle. En cela, ce présent cadre théorique s’intéresse au problème de l’équité du marché, alors que la science économique se concentre sur celui de l’efficience. Selon le principe de l’équité, les avantages du marché ne seront pas répartis équitablement entre les différents entrepreneurs informels. Ils tiendront compte des profils des uns et des autres.

2- MÉTHODOLOGIE

Une enquête de terrain a été menée dans les secteurs informels de la ville d’Abidjan pendant près de deux mois, notamment les secteurs informels des quartiers de YOPOUGON et ABOBO. Le choix de ces deux quartiers est lié au fait qu’ils abritent des entrepreneurs informels dans tous les secteurs d’activités économiques. Des guides pour les entretiens et pour les Discussions Focali- sés de Groupe ou Focus Group ont été les différents supports de collecte des données puisqu’il s’est agit d’une enquête qualitative. C’est ainsi que dans ces deux quartiers, nous avons eu des entretiens individuels et des Focus Group avec 21 entrepreneurs informels dans les secteurs d’activité économiques ci-dessous (voir tableau). Les entretiens ont essentiellement porté sur leurs profils et leurs rapports avec le marché et son évolution.

Secteur Métier Effectif

Alimentation

Bouchers 01

Kiosques à café 01

Restaurant populaire 01

Total (1) 03

Métaux et mécanique

Ferronnier 01

Serrurier 01

Réparateur de pneu 01

Mécaniciens auto 01

Total (2) 04

Bâtiment

Maçon 01

Charpentier 01

Peintre 01

Total (3) 03

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Bois

Menuisier 01

Charbonnier 01

Vendeur de planches 01

Total (4) 03

Service

Location de véhicule 01

Lavage auto 01

Cabine cellulaire 01

Blanchisserie 01

Photographe 01

Pressing 01

Coiffeur 01

Collecteur d’ordures

ménagères 01

Total (5) 08

Total général 21

3- LES DÉFINITIONS DE L’ENTREPRENEUR INFORMEL

A la lumière de l’enquête de terrain, nous pouvons définir l’entrepreneur informel comme un entrepreneur individuel qui ne tient pas de comptabilité, qui n’a ont pas d’obligations fiscales, qui ne possède que du capital réduit, qui a une main-d’œuvre instable, qui rémunère ses employés à la tâche ou au temps, qui a des hiérarchies des prix des biens et des services, qui a une croissance qui bute sur des seuils qui le feraient basculer dans le secteur formalisé et qui a une réussite qui se manifeste par l‘essaimage et la diversification des acti- vités. Ceci étant, trois dimensions caractérisent le monde des entrepreneurs informels sur le terrain : Les Activités Génératrices de Revenus (AGR), les micro-entrepreneurs et les petits entrepreneurs.

3.1. L’entrepreneur informel pratiquant les Activités Génératrices de Revenus (AGR)

Ce sont des activités qui n’exigent pratiquement aucune immobilisation de capital et dont le but principal est de dégager dans le laps de temps le plus bref possible une épargne monétaire destinée à financer des consommations finales. Les AGR ont donc pour objectif l’acquisition de revenus de subsistance

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ou de compléments de revenus. Elles n’ont pas de compétences particulières et pratiquent l’auto-emploi sans aide supplémentaire. Elles ont des activités de micro-service ou de commerce de détail qui sont complémentaires, tem- poraires ou saisonnières. Ainsi, constituées essentiellement par des migrants saisonniers ou temporaires, ces AGR n’entrent que très rarement dans un cycle d’accumulation. Par ailleurs, les AGR sont dépourvues de statut légal même si elles paient parfois des taxes commerciales. Les barrières à l’entrée des AGR sont très faibles, voir inexistantes. Les AGR n’ont pas besoin de capital ni de local. La force de travail et un petit fonds de roulement de départ suffisent.

Leurs potentiels d’évolution sont très faible ou inexistant et leurs activités sont généralement féminines. Pour caractériser les AGR, nous pouvons parler d’entrepreneur informel de subsistance correspondant à l’ensemble des petits métiers n’impliquant pas de capital.

3.2. L’entrepreneur informel de type « microentrepreneur »

C’est une forme plus stable et plus organisée d’entrepreneur informel. Mais la production étant effectuée « à la demande », l’activité est irrégulière et la main-d’œuvre, composée principalement d’apprentis et de salariés payés à la tâche ou au temps, est très instable. Les surplus dégagés, lorsqu’ils dépassent les besoins de consommation finale, sont en général réinvestis non pas dans la même entreprise mais dans d’autres unités de production informelles, en particulier dans le commerce. Le processus d’accumulation correspond alors non à une intensification mais à une diversification des activités. Par ailleurs, l’entreprise informelle du micro-entrepreneur est une entreprise « refuge ». Elle correspond en général à une activité annexe. Elle a un rôle d’assurance contre les vicissitudes de la vie professionnelle et fournit une situation éventuelle de repli à son propriétaire en cas de difficultés, de licenciement, etc. (Soko, Décembre 2009) Elle a aussi un rôle d’assurance-vieillesse permettant à son propriétaire de maintenir un niveau de vie plus conséquent lorsque l’heure de la retraite a sonné (Soko, Décembre 2009). En Côte-d’Ivoire, les micro-entre- preneurs sont le plus souvent des fonctionnaires qui utilisent leur position dans l’administration pour développer leurs affaires privées. Le statut légal du micro- entrepreneur est le plus souvent peu clair : il est quelque fois inscrit au registre du commerce mais paye fréquemment des taxes. Le potentiel d’évolution du micro-entrepreneur reste faible. Il s’agit d’une logique de reproduction plutôt que de croissance. Le micro-entrepreneur peut en fin de compte se définir comme « un ensemble d’organisations à petite échelle où le salariat est absent

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(ou limité), où le capital avancé est faible, mais où il y a néanmoins circulation monétaire et production de biens et services onéreux. Les règles dominantes ne sont pas salariales, mais coutumières, hiérarchiques, paternalistes et la base de l’organisation sociale est corporatiste ou ethnique ».

3.3. L’entrepreneur informel de type « petit entrepreneur »

Les petits entrepreneurs sont des sociétés de personnes, œuvrant princi- palement dans l’industrie, les travaux de construction, les travaux publics, et ayant moins d’une trentaine d’employés. L’entreprise du petit entrepreneur est de type familial et fonctionne sur une base essentiellement familiale : le patron s’entoure d’abord de son noyau familial proche (frère, fils, etc.) pour le seconder directement, puis de sa famille élargie. Lorsque le besoin en travail, et donc en revenu, de cette dernière est satisfait, la croissance de l’entreprise s’arrête.

L’excédent de profit par rapport à ce niveau de besoin ne sert pas à développer l’entreprise, il est soit affecté à des dépenses de consommation, soit transféré en milieu rural. On aborde ici une attitude entrepreneuriale, nécessitant certaines formes d’expertise du promoteur dès la création. L’activité est bien définie et exercée à plein par le patron, assisté de sa famille et, surtout, de salariés et d’apprentis. L’entreprise est souvent enregistrée (entreprise individuelle), elle paie des impôts et participe quelquefois à une organisation professionnelle.

La technologie assez simple nécessite toutefois des investissements, des équipements légers et un local permanent. Le petit entrepreneur doit donc disposer d’un capital de départ pour l’équipement et d’un fonds de roulement pour les matières premières, le loyer, etc. S’il y a déjà accumulation de capital et parfois un potentiel de croissance, la logique reste celle de la reproduction, notamment par transmission familiale. En fonction des précisions ci-dessus, nous pouvons désigner par petit entrepreneur, les entrepreneurs informels dont les entreprises sont des unités familiales de trois à dix membres au maximum, dotés de potentialités entrepreneuriales et d’expertise moyen dans le secteur d’activité donné. Les entreprises des petits entrepreneurs sont donc principa- lement familiales. Leurs activités sont financées à partir des capitaux propres.

Elles fonctionnent au jour le jour et n’ont pas de stocks, ou ont très peu de stocks et elles n’ont pas de trésorerie. Elles utilisent du matériel très usagé et une main-d’œuvre peu qualifiée. Elles se caractérisent par un faible capital investi, par leur positionnement partiel ou total hors des règles administratives ou légales et enfin par des difficultés d’accès aux crédits des institutions de la finance formelle. Pour caractériser les petits entrepreneurs, nous pouvons parler

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d’entrepreneurs informels concurrentiels offrant des biens ou des services se voulant concurrents de ceux produits par le secteur moderne.

4. PROFILS DES ENTREPRENEURS INFORMELS EN CÔTE-D’IVOIRE

A la lumière du terrain et de la typologie des mondes des entreprises infor- melles décrite ci-dessus, sept profils d’entrepreneurs informels se dessinent en Côte-d’Ivoire. Il s’agit du profil de l’entrepreneur informel issu de l’atelier familial, du profil de l’entrepreneur informel migrant, du profil de l’entrepreneur informel amateur, du profil de l’entrepreneur informel aspirant, du profil de l’entrepreneur informel expérimenté et/ou retraité, du profil de l’entrepreneur informel ayant démissionné d’une profession publique ou privée et du profil de l’entrepreneur informel licencié.

Le profil de « l’entrepreneur informel issu de l’atelier familial » correspond à l’entrepreneur informel dont l’activité productive est une survivance de la division traditionnelle du travail. Il est souvent d’âge adulte et ne possède générale- ment aucune instruction ou formation technique institutionnelle. Cependant, il détient un savoir tiré d’un long apprentissage dans l’atelier familial. Ce type d’entrepreneur tend à avoir une capacité moyenne à rassembler les « inputs » financiers suffisants pour exercer son activité. L’entreprise artisanale dont il a hérité dispose en général d’un faible degré de mécanisation. Enfin, les activi- tés économiques de son entreprise semblent être régulées par l’emprise des liens familiaux et communautaires. En effet, le lieu d’implantation, le mode de recrutement et l’utilisation finale du résultat d’exploitation généré par l’entreprise sont déterminés par des considérations familiales ou communautaires.

Le profil de « l’entrepreneur informel migrant » est un type d’entrepreneur informel dont le champ socio-économique se caractérise par une discontinuité due à une migration et associée à la motivation d’entreprendre. Il a générale- ment une faible aptitude à la production de biens de consommation modernes, résultat d’une faible instruction.

Le profil de « l’entrepreneur informel amateur » se caractérise par une faible qualification professionnelle, un capital de départ insuffisant et une dépendance moyenne face à la solidarité familiale et communautaire. L’esprit d’entreprise de « l’amateur » a son origine dans la déscolarisation et le chômage urbain.

Le profil de « l’entrepreneur informel aspirant» est un type d’entrepreneur ayant, à l’opposé des deux précédents, une formation technique préalable.

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Néanmoins, le contexte économique national ne lui a pas permis de trouver un emploi salarié. Il est généralement jeune, et continue à chercher un emploi salarié malgré l’existence de son entreprise informelle. Son niveau de dispo- nibilité financière est faible, mais l’emprise familiale sur ses affaires est moins élevée que dans les cas précédents.

Le profil de « l’entrepreneur informel expérimenté et/ou retraité » est celui ayant déjà fait l’expérience d’une vie professionnelle salariée. La mise à la retraite, considérée comme une rupture dans le cycle de la vie professionnelle, le met devant un nouveau défi social. Cherchant à accroître son revenu, il de- vient alors un intrus dans le milieu des affaires. Il dispose d’une connaissance des rouages administratifs et de moyens financiers provenant d’épargnes ou d’indemnités perçues à la retraite.

Ce profil est particulier car il disposait d’une compétence professionnelle, d’un capital et d’un emploi salarié, avant de créer sa propre entreprise. Contrai- rement à l’entrepreneur informel retraité, il fait le choix délibéré de devenir indépendant, en quittant son emploi pour différentes raisons. Parallèlement, l’emprise familiale influençant ses activités est la plupart du temps faible.

Le profil de « l’entrepreneur informel licencié » se caractérise par la discon- tinuité de sa vie professionnelle et le niveau d’emprise familiale. Il présente aussi quelques caractéristiques comme le profil de carrière et la disponibilité financière.

5. LES COMPORTEMENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES

DES ENTREPRENEURS INFORMELS SUR LE MARCHÉ 5.1. Les comportements de concurrence

Environ 86% de la concurrence subie par les entrepreneurs informels sur le marché provient du secteur informel. Cette concurrence est surtout le fait des entrepreneurs informels du secteur du commerce (65% du total). 90% des entrepreneurs informels ont subi les effets de la concurrence et celle-ci a été vivement ressentie dans les zones urbaines surtout à Abidjan. En outre, ces entrepreneurs informels ont dû supporter entre eux différents degrés de com- pétition. Un grand nombre d’entrepreneurs informels (45%) l‘ont estimée forte et seuls 20% l‘ont trouvée modeste. Les entrepreneurs informels du secteur alimentaire (44%), des vêtements (47%) et du bois (64%) étaient parmi les secteurs le plus fortement affectés par ces effets. Les entrepreneurs informels de constructions métalliques (55%) avaient subi une concurrence modérée

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tandis que les entrepreneurs informels attachés aux usines de papier et de produits dérivés (60%) l‘avaient jugée faible. Outre celle entre les entrepre- neurs informels du secteur industriel, deux autres sources de compétition sont représentées par les produits distribués par les circuits nationaux et les articles d‘importation.

Les domaines où la concurrence exerce une incidence majeure sont les prix (80%) et la qualité du produit (50%). En ce qui concerne cette dernière c’est parmi les entrepreneurs informels proche des industries de transformation alimentaire que la compétition est la plus vive. L’industrie alimentaire se par- tage entre firmes traditionnelles et compagnies technologiquement avancées.

Les entrepreneurs informels qui mènent leurs activités de transformation à leur propre domicile produisent des articles d’une qualité médiocre alors que ceux qui sont mieux équipés peuvent fournir des produits de meilleure qua- lité. A un degré moindre, la concurrence des entrepreneurs informels dans l’industrie du bois et des produits non métalliques se fonde sur la ponctualité des livraisons, le volume de la production, le réseau des ventes et les sources de financement. Moins de 10 % des entrepreneurs informels ont connu une certaine concurrence dans le domaine de la technologie et de la recherche de marché. Certains entrepreneurs informels deviennent compétitifs grâce à l’extension de leurs contacts personnels. Ces entrepreneurs informels ont de puissantes relations commerciales ou politiques dans la communauté ce qui assure des commandes à leurs entreprises.

5.2. Les comportements de prix

Les stratégies des prix communément employées par les entrepreneurs informels portent sur les coûts, la concurrence et la demande. Dans la politique basée sur les coûts, la hausse des prix a le plus de succès à cause de sa sim- plicité et de la facilité de son application. Les entrepreneurs informels anxieux de faire face à la concurrence s’en tenaient aux prix courants. Alors que cette stratégie est très répandue avec les entrepreneurs informels des secteurs des vêtements, les entrepreneurs informels des secteurs alimentaires quant à eux offrent des rabais sur la quantité ou le paiement au comptant en vue d’inciter les consommateurs à acheter en gros. La politique de prix portant sur la demande, telle que l’application de prix sélectifs, est préférée par certains entrepreneurs informels.

Plusieurs mécanismes contribuent à la détermination des prix par les en- trepreneurs informels. Ce sont dans l’ordre le marchandage avec les clients (33%), le taux de marge (31%), la référence aux prix des concurrents (19%)

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et les prix officiels (11%). Toutefois, la possibilité d’acquérir les biens ou les services à des prix modérés et parfois à paiement différé est l’une des spéci- ficités des entrepreneurs informels. Les prix sont soumis aux lois d’un marché concurrentiel sur lequel la grande majorité des entrepreneurs informels n’exerce aucune influence. Même les fluctuations du prix, qui devraient normalement se répercuter sur le coût de production, influencent difficilement les prix des biens et services. C’est surtout la forte densité des points de vente qui contraint les entrepreneurs informels à réduire le prix de vente au minimum, à la limite du tenable en dessous de laquelle, sauf rares exceptions, ils ne pourront plus descendre. Face à la baisse de la demande, les stratégies privilégiées par les entrepreneurs informels sont la diversification de leurs activités et la réduction de leurs bénéfices. Ces stratégies sont les mêmes d’une agglomération à une autre ou par secteur d’activité.

D’une façon générale, le prix relativement faible des biens et des services dans l’informel trouvent leurs explications dans un croisement de facteurs : la capacité qu’ont les acteurs à reconvertir leurs réseaux sociaux en capital commercial et leur logique d’acceptation de marges bénéficiaires très faibles (Akindes, 1990).

5.3. Les comportements de commercialisation

Le succès des entrepreneurs informels sur le marché repose également plus sur des stratégies de vente qui, en dépit d’un niveau d’éducation très bas, obéissent aux règles les plus orthodoxes du marketing. Comme il dispose d’un équipement minimal (parfois nul), comme son stock de marchandises est très limité et qu’il ne respecte aucune contrainte légale, l’entrepreneur informel peut changer de produit, de localisation et d’horaire de vente afin de mieux s’adapter aux besoins de ses clients. Généralement, il peut offrir des bas prix parce que ses coûts (équipement, production, travail personnel et manutention) sont limités. De plus, dans la plupart des cas, ses attentes de profit à court terme sont inférieures à celles des PME. Enfin, l’élément le plus important des stratégies des entrepreneurs informels est probablement le fait de considérer les besoins des consommateurs comme prioritaires par rapport à leurs considérations personnelles et à l’efficacité administrative. En effet, l’entrepreneur informel décide du type de produit à vendre, de son prix, de sa localisation et du moyen de promotion strictement d’après les besoins, les désirs et les habitudes des clients. Cela lui donne un nouvel avantage par rapport aux entreprises formelles qui doivent souvent privilégier le critère administratif et le contrôle plutôt que celui du marché.

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Par ailleurs, outre les actions entreprises pour développer leurs produits, leur fixer un prix raisonnable et les mettre facilement à la portée des consom- mateurs, les entrepreneurs informels en font également la publicité. La stratégie promotionnelle mise en œuvre varie en fonction des besoins de l’entrepreneur informel et de sa capacité d’en supporter les coûts. D’une manière générale, une combinaison de deux ou trois approches est employée par les entrepre- neurs informels. La publicité personnelle constitue l’outil promotionnel le plus largement utilisé avant la vente proprement dite. Cette présentation faite de vive voix du produit à un acheteur potentiel est l’approche la moins coûteuse et la plus simple. Un autre moyen de faire connaître un produit à un consom- mateur est le témoignage oral. Ce dernier ne représente pas cependant un effort délibéré de la part de l’entrepreneur de promouvoir son produit car il dépend du bon vouloir du client. D’autres approches utilisées comprennent la distribution d’échantillons, les étalages, les affiches et les enseignes. D’autres encore auxquelles ont recours les entrepreneurs informels plus avancées sont la publicité par voie de presse, radio et télévision ainsi que la participation aux foires. Selon l’enquête, la publicité personnelle occupe la première place (45%) suivie par les témoignages oraux (40%).

5.4. Les rapports avec les fournisseurs sur le marché : paiement différé et capital ethnique

Il s’agit d’une présentation succincte du mode d’approvisionnement et de distribution (déjà évoqué ci-dessus) des entrepreneurs informels sur le marché.

Les entrepreneurs informels sont en majorité en état de dépendance vis-à-vis d’un ou de quelques fournisseurs situés à proximité de leur lieu d’exercices. A la polarisation des circuits d’approvisionnement répond, celle, non moins forte, d’une clientèle faite de particuliers, rarement d’entreprises et exceptionnelle- ment d’administrations. Les entrepreneurs informels sont ainsi très proches des consommateurs finals. En Côte-d’Ivoire, selon Labazé et Fauré (2000), plus de 90% des opérateurs réalisent plus de la moitié des ventes aux ménages urbains. Dans les stratégies d’approvisionnement en biens et services des entrepreneurs informels sur le marché, le paiement différé (acceptation par le fournisseur d’être payé après que son client ait procédé à l’écoulement du stock antérieur) semble occuper une place fondamentale. Ainsi, selon l’enquête, Plus de 70 % des entrepreneurs informels trouvent dans le paiement différé un moyen sans lequel ils ne pourraient s’approvisionner et assurer une production régulière . Il faut cependant noter que ces privilèges de paiement différé sont plus facilement octroyés entre partenaires de la même origine ethnique même si

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quelques irrégularités interviennent dans le respect des contrats généralement tacites. La forte relation existant entre l’origine ethnique des fournisseurs et des entrepreneurs informels nous conduit à parler plutôt de tribalisation des circuits d’approvisionnement, comme en a d’ailleurs conclut Akindes (1990).

6- DISCUSSION

Les entrepreneurs informels vendent généralement leur production sur les marchés locaux, soit directement au consommateur, soit à d’autres entrepre- neurs informels. Ils dépendent si étroitement d’une clientèle urbaine extrême- ment localisée que la crainte de perdre cette clientèle les retient de transférer leurs activités dans des locaux disposant d’une meilleure infrastructure. Malgré certaines exceptions (comme les entrepreneurs informels qui réussissent à vendre des biscuits et articles similaires à de grands supermarchés), les entrepreneurs informels ne font guère affaire avec les grosses entreprises.

Lorsqu’ils le font, c’est généralement la grosse entreprise qui domine la re- lation. Par ailleurs, sauf exception, les entrepreneurs informels n’ont qu’une connaissance rudimentaire de la promotion des ventes, de la présentation des marchandises et de l’emballage. Un très grand nombre d’entre eux travaillent essentiellement sur commande et ne stockent pas en vue de ventes régulières.

Leur développement est freiné par l’insuffisance de leur débouchés et de leur trésorerie, qui les rend souvent tributaires des avances de leurs clients. Ils ne peuvent guère compter sur le soutien commercial des autorités et pâtissent encore des méthodes d’achat inéquitables des entreprises parapubliques. A cela s’ajoutent d’autres obstacles (pénurie de capitaux, faiblesses techniques, mauvaise qualité des produits et insuffisance des locaux) qui rendent l’accès aux marchés rentables encore plus difficile. C’est seulement en s’attaquant à ces obstacles et en améliorant en même temps leurs pratiques commerciales que les entrepreneurs informels pourront espérer se hisser vers les marchés profitables. Certains d’entre eux sont déjà présents sur les marchés d’exporta- tion, particulièrement dans l’artisanat, où leur recours intensif à la main-d’œuvre et aux matériaux locaux leur permet de réaliser des bénéfices nets en devises pouvant atteindre 90% du chiffre d’affaires.

Enfin, le marché sur lequel interviennent les entrepreneurs informels n’est pas réglementé et est ouvert à la concurrence. Les règles, les normes, si elles existent, sont soit ignorées, soit connues mais non respectées ce qui revient au même. La faiblesse du capital de départ facilite l’entrée de nouveaux concur- rents. Ce marché se caractérise également par la jeunesse des entrepreneurs

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informels et les faibles barrières à l’entrée dans la branche au niveau des mises de fonds généralement assurées par l’épargne personnelle.

Deux facteurs fondamentaux affectent les marchés et leur développement.

L’un de ceux-ci est l’environnement qui en influence le type et les caractéris- tiques. Ainsi, dans les économies informelles il est logique de s’attendre à un rétrécissement du marché dû à la diminution du pouvoir d’achat des consom- mateurs. Le marché des entrepreneurs informels est caractérisé dans une large mesure par le pouvoir d’achat très limité de leur clientèle moyenne en ces périodes de crises économiques et politique. Une vaste gamme de produits de consommation rivalise pour capter l’attention et l’argent du consommateur qui est le plus souvent attiré par les moins coûteux. A leur tour les entrepreneurs informels se font la concurrence pour produire à des prix minimaux, sacrifiant de ce fait le facteur qualité. Il en résulte un marché où les produits fabriqués localement sont considérés comme très inférieurs par rapport à ceux provenant de l’étranger. L’autre facteur est le système de commercialisation intérieur des entrepreneurs informels qui entrave leur capacité de s’étendre et d’agir sur leur propre marché ou de le dominer. Rares sont les entrepreneurs informels qui étendent leur marché au-delà de leurs emplacements respectifs. Les entrepre- neurs informels qui le font sont généralement les micro-entrepreneurs situés dans des municipalités en expansion où existent des moyens de transport et des liens commerciaux.

CONCLUSION

Les entrepreneurs informels qui sont des entrepreneurs du secteur informel sont de trois sortes : les entrepreneurs pratiquant les Activités Génératrices de Revenus (AGR), les micro-entrepreneurs et les petits entrepreneurs. Ils pré- sentent sept types de profils dans la conjoncture socio-économique actuelle. Il s’agit des entrepreneurs informels issus de l’atelier familial, migrant, amateur, aspirant, expérimenté, ayant démissionné d’une profession et enfin, l’entrepre- neur informel licencié. Ces différents profils ont des comportements variants et évolutifs face à un marché lui-même évolutif. Ce qui conduit à des compor- tements divers face à ce marché. Il s’agit essentiellement de comportements de réduction et de stabilisation des prix, des comportements de distribution appropriées et des comportements ethniques orientant les rapports avec les fournisseurs qui eux-mêmes sont des entrepreneurs informels.

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