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Reference
Virus Zika : recommandations pratiques
EPERON, Gilles Alain, et al.
Abstract
Zika virus suddenly emerged in Latin America in 2015‑2016. Congenital malformations have been observed in infected pregnant women, causing a major public health impact in affected countries, particularly in Brazil. In addition, sexual transmission of Zika virus has been well documented. This led to the development of prevention strategies and recommendations for travellers visiting at risk countries. These documents are regularly amended depending on the evolution of scientific knowledge, the epidemiologic trends and the national and international guidelines. Through practical cases, we present here the guidelines developed by the Geneva University Hospitals.
EPERON, Gilles Alain, et al . Virus Zika : recommandations pratiques. Revue médicale suisse , 2017, vol. 13, no. 561, p. 938-943
PMID : 28627851
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:99079
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Virus Zika : recommandations pratiques
Le virus Zika a émergé brusquement en 2015‑2016 en Amérique latine. Lors de cette épidémie, des complications fœtales ont pu être observées avec des conséquences majeures sur la santé publique de ces pays, en particulier au Brésil. De plus, une trans‑
mission par voie sexuelle du virus a été bien documentée. Il a ainsi été nécessaire de développer des stratégies de prévention et des recommandations pour les voyageurs visitant des pays à risque. Ces documents sont évolutifs en fonction des connais‑
sances scientifiques, de l’épidémiologie de la maladie et des recommandations nationales et internationales. Par l’intermé‑
diaire de cas illustratifs, nous présentons les recommandations utilisées aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Zika virus : practical guidelines
Zika virus suddenly emerged in Latin America in 2015‑2016. Congeni‑
tal malformations have been observed in infected pregnant women, causing a major public health impact in affected countries, particu‑
larly in Brazil. In addition, sexual transmission of Zika virus has been well documented. This led to the development of prevention strate‑
gies and recommendations for travellers visiting at risk countries.
These documents are regularly amended depending on the evolu‑
tion of scientific knowledge, the epidemiologic trends and the national and international guidelines. Through practical cases, we present here the guidelines developed by the Geneva University Hospitals.
INTRODUCTION
Dans le monde médical, 2016 est synonyme de virus Zika. Ce flavivirus, peu connu jusqu’alors, s’est fait sa place dans l’imagi‑
naire populaire. Les connaissances initiales étant faibles, de nombreuses recommandations occasionnellement contradic‑
toires n’ont pas tardé à fleurir rendant le travail de conseil difficile pour les médecins. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), il est apparu nécessaire d’élaborer des recom‑
mandations adaptées à la population locale et à notre structure de santé, tout en étant en accord avec les recommandations des sociétés expertes nationales et internationales. Les services d’obstétrique, des maladies infectieuses, de pédiatrie et de médecine tropicale et humanitaire se sont réunis début fé‑
vrier 2016. De cette réunion, des recommandations pratiques ont été élaborées, puis mises à jour régulièrement selon l’évo‑
lution des connaissances, de l’épidémiologie et des différentes recommandations nationales ou internationales. Nous présen‑
tons ces recommandations par l’intermédiaire de cas cliniques.
GÉNÉRALITÉS, PRÉSENTATION CLINIQUE ET COMPLICATIONS
Deux articles récents, publiés dans cette revue,1,2 reprenaient l’essentiel à connaître sur l’épidémiologie, les modes de trans‑
mission, la physiopathologie et la présentation clinique de ce virus. Rappelons brièvement que le virus, bien que connu depuis 1947, a émergé avec l’apparition d’épidémies dans certaines îles du Pacifique (Yap en 2007, Polynésie française en 2013‑2014, Île de Pâques en 2014) avant de se propager en Amérique latine en 2015‑2016. Les raisons de l’émergence d’une épidémie sont multiples. Dans le cas du virus Zika, il est probable que l’absence d’immunité populationnelle soit le facteur principal d’une telle explosion des cas,3 ce qui secon‑
dairement aura permis la mise en évidence des complications congénitales.4 En effet, après une incubation médiane de 6 jours (2 à 14 jours),5 il faut rappeler que l’infection est habi‑
tuellement bénigne, souvent asymptomatique ou se manifes‑
tant par des symptômes aspécifiques. A l’exception de rares syndromes de Guillain‑Barré,6 ce sont bien les complications fœtales sévères, lors de la transmission verticale des femmes infectées par le virus Zika, qui ont alerté la communauté internationale. Ce risque initialement estimée à 29 % dans une cohorte de patientes symptomatiques7 est estimé à l’heure actuelle à 6 % chez les femmes infectées, qu’elles aient été symptomatiques ou non.8 Sans négliger les différents diag‑
nostics d’un état fébrile au retour de voyage, les recomman‑
dations ne sont pas centrées sur la prise en charge aiguë des patients, mais bien sur la prévention des conséquences obsté‑
tricales et complications pédiatriques. Bien que l’essentiel de la transmission soit vectoriel par la piqûre d’un moustique du genre Aedes, la transmission sexuelle9 complique le message.
Une année après la propagation très médiatique de l’épidémie en Amérique, la difficulté est d’évaluer le risque pour les voya‑
geurs de contracter ce virus, dans les pays considérés comme épidémiques ou dans ceux classés endémiques. Le nombre de cas diagnostiqués dans les pays d’Asie augmente, mais il semble que l’on soit loin de la situation observée en 2015‑2016 en Amé‑
rique latine. La médiatisation de la maladie peut probablement expliquer l’augmentation du nombre de cas en Asie, car l’accès au test diagnostique a été facilité. Cependant, le risque d’une épidémie de grande ampleur en Asie ou en Afrique ne peut être écarté. L’évaluation de la situation épidémique actuelle est ren‑
due difficile par les interprétations différentes des organismes comme les CDC (Centers for Disease Control and Preven‑
tion)10 ou l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control)11 qui ne classent pas les pays de la même façon.
Par ailleurs, la majorité des « experts » s’accorde à dire que le Drs GILLES EPERON a, MANUEL SCHIBLER b, NOÉMIE WAGNER c, Pr FRANÇOIS CHAPPUIS a et Dr ISABELLE EPERON d
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a Service de médecine tropicale et humanitaire, Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences, b Service des maladies infectieuses, Département des spécialités de médecine, Service de médecine de laboratoire, Département de médecine génétique et de laboratoire, c Unité des maladies infectieuses pédiatriques, Département de l’enfant et de l’ado- lescent, d Service d’obstétrique, Département de gynécologie et obstétrique, HUG, 1211 Genève 14
gilles.eperon@hcuge.ch | manuel.schibler@hcuge.ch noemie.wagner@hcuge.ch | francois.chappuis@hcuge.ch isabelle.eperon@hcuge.ch
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pic épidémique est passé et que le risque a baissé dans les pays d’Amérique latine, mais personne ne les a encore retirés de la classification de « pays avec épidémie en cours ».
MÉTHODES DIAGNOSTIQUES
Avant de parler de prévention et de recommandations, il est nécessaire d’examiner les méthodes diagnostiques à disposi‑
tion, leurs atouts et leurs faiblesses. C’est un autre point diffi‑
cile dans la prise en charge du virus Zika. Les examens dispo‑
nibles diffèrent selon les pays. De même, l’interprétation des résultats des tests peut changer si l’on se trouve ou non dans une zone endémique du virus Zika ou d’autres virus avec les‑
quels il existe des réactions croisées. En Suisse, nous avons accès au diagnostic moléculaire par RT‑PCR, utile comme outil diagnostique lors de maladies aiguës, et aux sérologies par titrage immuno‑enzymatique (ELISA) et par immunofluo‑
rescence. Le test de confirmation par PRNT (Plaque reduction neutralization assay), qui est considéré comme le gold stan‑
dard sérologique,12 n’est pas disponible en Suisse. Le test Euro‑
immun ZIKV ELISA (Euroimmun, Lubeck, Germany) dosant les IgM et IgG spécifiques est utilisé au laboratoire de virolo‑
gie des HUG (centre de référence suisse des virus émergents).
Ce test s’est avéré sensible et spécifique que ce soit dans notre pratique ou dans la littérature,5,13 en tenant compte d’un délai minimum entre les symptômes et l’examen.
RECOMMANDATIONS, COMMENT S’Y RETROUVER
Hormis les recommandations du Comité des experts suisses de médecine du voyage (ECTM),14 équivalentes à celles pré‑
sentées ici, il existe de nombreuses recommandations, facile‑
ment disponibles sur internet.15,16 Il n’est cependant pas facile de s’y retrouver puisqu’il faut tenir compte des examens à disposition, de leur interprétation, de la prévalence de la ma‑
ladie dans la population testée (qui influencera les valeurs prédictives post‑tests), et si l’exposition est ponctuelle ou continue. Les recommandations élaborées aux HUG con cer‑
nent la population vivant en Suisse : il s’agit d’une population avec une faible séroprévalence pour les flavivirus vivant dans un pays non endémique pour le virus Zika. Par exemple, les examens préconceptionnels proposés n’ont de sens que si l’exposition est ponctuelle et qu’une infection pré‑ et périna‑
tale est impos sible. En cas d’exposition continue, un suivi échographique régulier doit être proposé.
Cas n˚1
Une femme enceinte vient à la consultation pour se ren‑
seigner sur son risque lié au virus Zika. Son mari doit se rendre pour des raisons professionnelles en Thaïlande.
Elle désire l’accompagner.
Comme indiqué sur l’algorithme (figure 1), lors d’une grossesse avérée, le voyage dans une région d’épidémie est une contre‑indication au voyage. Cependant, le risque de contracter le virus Zika change si la présence du virus est en situation d’épidémie ou d’endémie. Dans les cas de voyage en zones d’endémie, comme pour cette pa‑
tiente, il faut informer les femmes enceintes des risques d’un tel voyage. En effet, bien que les recommandations internationales15 déconseillent aux femmes enceintes de voyager en zone d’endémie, cela n’est pas strictement une contre‑indication compte tenu d’un risque estimé comme très faible.17
Le voyage n’est pas déconseillé à son mari, mais il fau‑
dra l’informer de la recommandation d’avoir des rela‑
tions sexuelles protégées dès le retour et pour toute la durée de la grossesse (figure 2). En effet, le risque de transmission sexuelle est possible, que l’infection soit symptomatique18 ou asymptomatique.19 Le virus ayant été détecté jusqu’à plus de 6 mois après l’infection dans le liquide séminal,20 un principe de précaution prévaut.
Cas n˚2
Des jeunes mariés planifient un voyage de noces en Mar‑
tinique. Ils vous communiquent leur désir de grossesse.
Les femmes en âge de procréer et leurs partenaires qui voyagent dans une région d’épidémie du virus Zika doi‑
vent être informés, en plus des mesures anti‑moustiques, de la recommandation d’avoir des relations sexuelles pro‑
tégées pendant la durée du voyage et les 6 mois après le retour (figures 1 et 2). Si seule la femme a été exposée, un délai de 8 semaines de relations sexuelles protégées est suffisant. Si le délai est incompatible avec le désir de gros‑
sesse, un changement de destination devrait être discuté en premier lieu et avant de proposer un éventuel test pré‑
conceptionnel (voir cas n˚3).
Du fait d’un risque estimé comme très faible17 lors d’un voyage dans un pays endémique (par exemple en Asie du Sud‑Est ou en Afrique),3 de telles recommandations ne semblent pas nécessaires. Cependant, en cas de gros‑
sesse durant cette période, il est recommandé de la prendre en charge de manière adaptée à la possible exposition (voir cas n˚4).
Cas n˚3
Vous voyez un couple de retour de 3 semaines de vacances au Brésil. Ils vous transmettent leur désir de grossesse.
Comme discuté lors du précédent cas, un délai (6 mois pour les hommes, 2 mois pour les femmes) avant une grossesse est à proposer. Cependant, il existe une alter‑
native qui n’est pas acceptée unanimement : une sérolo‑
gie (IgM et IgG) peut être proposée au couple 4 semaines après la dernière exposition (figure 2). Il ne faut pas oublier l’exposition sexuelle, particulièrement si les dates de retour de voyage ne sont pas identiques ou en cas de partenaires multiples. Les couples doivent être informés des limites des tests diagnostiques sérologiques, dont la sensibilité chez les personnes asymptomatiques est inconnue. Des relations strictement protégées sont à recommander jusqu’à l’obtention des résultats.
Cas n˚4
Un couple de retour depuis 10 jours d’un tour du monde (incluant l’Asie et l’Amérique latine) vous voit dans le cadre d’un check‑up de retour de voyage. Vous apprenez que Madame est enceinte à 8 semaines d’aménorrhée (SA). Elle est actuellement asymptomatique. Hormis des diarrhées du voyageur, elle n’est pas tombée malade pendant son voyage, contrairement à son partenaire qui a présenté un syndrome viral spontanément résolutif un mois auparavant.
La patiente est enceinte avec une exposition au virus Zika, que ce soit géographique par son voyage ou sexuelle avec son partenaire. Il est par conséquent indiqué d’effectuer un dépistage chez elle (figure 3). La patiente est asympto‑
matique, et il n’y a donc pas lieu d’évaluer un état fébrile de retour de voyage. Un dépistage unique est recomman‑
dé à 4 semaines de la dernière exposition. Comme pour le cas précédent, il ne faut pas oublier la possibilité de trans‑
mission sexuelle et adapter la date du dépistage en fonc‑
tion. Le délai de 4 semaines est recommandé puisqu’il est estimé que toutes les personnes infectées auraient une sé‑
rologie positive à J28.5 Des recherches de virémie et viru‑
rie par RT‑PCR sont aussi recommandées chez la femme enceinte, puisque des virémies prolongées ont été obser‑
vées chez des patientes enceintes infectées.21 Indépen‑
damment du résultat, une échographie morphologique par un spécialiste en médecine fœtale est recommandée à Femmes enceintes
Grossesse confirmée
Contre-indication au voyage ! Faire un certificat médical
Femmes en âge de procréer et
leurs partenaires
Autres
Donner information sur relations sexuelles protégées
pendant et après retour du voyage
– Mesures anti-moustiques maximales :
• Répulsifs, jusqu’à 30 % de DEET (Non recommandé si enfant < 2 mois)
• Habits imprégnés (p.ex : Nobite Kleidung®)
• Moustiquaire, chambre climatisée Si voyage
+
Sérothèque avant départ Suivi au retour de voyage
• Attestation de grossesse ou
• Test de grossesse urinaire positif (fiable dès le retard de règles)
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fig 1 Algorithme pour le virus Zika en cas de voyage dans une région d’épidémie1
1 La situation épidémiologique du virus Zika en Asie et en Afrique diffère selon la source consultée (ECDC, CDC, OMS). Les experts suisses de médecine des voyages (ECTM) assurent que le risque de s’infecter par le virus Zika en Asie ou en Afrique est faible (pays endémiques). Pour les femmes avec désir de grossesse, le risque de contracter une infection en Asie ou en Afrique menant à une malformation fœtale est considéré comme très faible. Par précaution, il est cependant déconseillé à une femme enceinte de voyager dans ces pays.
Si négatif
Si positif2
Pour les femmes uniquement : un délai de 8 semaines est considéré suffisant par certains experts
Relations sexuelles protégées pendant toute la durée de
la grossesse Rapports sexuels protégés pendant 6 mois3
Effectuer une sérologie Zika IgM et IgG à
> 4 semaines de la dernière exposition Rapports sexuels protégés jusqu’aux résultats Alternative3 (nécessite explications des limites
des tests actuels) Femme en âge de procréer
(status grossesse inconnu) Enfant et femme
ménopausée
Test de grossesse
positif négatif
Voir prise en charge des femmes
enceintes
Homme Partenaire en âge de
procréer Partenaire enceinte
Nihil NON OUI
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Si présence d’un état fébrile, prise en charge le jour même d’un « état fébrile de retour de voyage » au SMTH ; si nuits et WE : services d’urgence
fig 2 Algorithme en cas d’exposition au virus Zika 1
1 Définition d’une exposition au virus Zika :
a) Retour d’un voyage d’une région de transmission : pays épidémiques ou endémiques (www.safetravel.ch).
b) Rapports sexuels non protégés avec un homme ayant voyagé dans les 6 mois ou une femme ayant voyagé dans les 8 semaines dans une région de transmission.
c) Rapports sexuels non protégés avec un homme Zika+ dans les 6 mois ou une femme Zika+ dans les 8 semaines suivant le début des symptômes.
2 Un test PCR dans le sperme (tube transparent, bouchon bleu Falcon 50 ml) peut être proposé si homme positif et désir de grossesse, mais nécessite des explications quant aux limites des tests actuels.
3 La situation épidémiologique du virus Zika en Asie et en Afrique diffère selon la source consultée (ECDC, CDC, OMS). Les experts suisses de médecine des voyages (ECTM) assurent que le risque de s’infecter par le virus Zika en Asie ou en Afrique est faible (pays endémiques). Pour les femmes avec désir de grossesse, le risque de contracter une infection en Asie ou en Afrique menant à une malformation fœtale est considérée comme très faible. Par précaution, il est cependant déconseillé à une femme enceinte de voyager dans ces pays. Les mesures après voyage (délai ou test) concernent seulement les pays épidémiques.
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4 semaines de l’exposition et au minimum à 16‑18 se‑
maines d’aménorrhée (SA). En l’absence d’anomalie échographique et des tests de laboratoire, un suivi de grossesse habituel est préconisé. En cas de résultat dou‑
teux ou pathologique, un suivi échographique mensuel est recommandé. Concernant le partenaire, et comme pour le cas n˚1, des rapports sexuels protégés sont recom‑
mandés pour toute la durée de la grossesse.
Cas n˚5
Une femme enceinte à 12 SA, d’origine bolivienne, vous consulte pour un état fébrile et des arthralgies 3 jours après un retour de voyage dans son pays d’origine. Elle vous apprend qu’une épidémie de Chikungunya avait lieu lors de son séjour.
La recherche et le dépistage d’une infection par le virus Zika dans cette situation doivent s’intégrer à la recherche de l’étiologie d’un état fébrile de retour de voyage. Cela comprend un diagnostic large incluant le virus Zika et les autres arboviroses, mais aussi toutes les autres causes à évoquer comme la malaria, la fièvre typhoïde, etc. Il faut ajouter à ce diagnostic différentiel d’autres agents patho‑
gènes responsables de fœtopathies infectieuses comme la toxoplasmose, la rubéole, le cytomégalovirus (CMV),
l’herpès, la varicelle, la syphilis ou le parvovirus B19 (TORCH) (figure 3). Les examens de dépistage du virus Zika devront être répétés à un mois des premiers exa‑
mens afin d’éviter d’éventuels faux négatifs. Comme pour le cas n˚4, un premier contrôle échographique doit être prévu et un suivi organisé en cas d’examens positifs ou douteux. Cette anamnèse, tirée d’une histoire vraie, illustre la difficulté diagnostique d’une infection par le virus Zika, qui peut être confondue avec d’autres infections dont certaines doivent être recherchées en priorité.
CRITIQUES ET LIMITATIONS
Les recommandations édictées par les HUG ont pour but de clarifier et standardiser les réponses aux différentes situa‑
tions que le médecin peut rencontrer. Plusieurs critiques peuvent être formulées et ont mené à de vives discussions.
Par exemple, la question se pose de la cohérence d’effectuer des examens de dépistage chez les femmes enceintes plutôt qu’un suivi échographique régulier. En effet, bien que la per‑
formance diagnostique des tests sérologiques utilisés semble globalement satisfaisante, leurs sensibilité et spécificité ne sont pas clairement définies, particulièrement chez les pa‑
tients asymptomatiques. Par ailleurs, la différence de coût entre les stratégies n’a pas été évaluée. Cependant, dans un
• Anamnèse/carnet de vaccination fièvre jaune
• Effectuer 4 semaines après la dernière exposition
• Discuter sérologie TORCH (Toxoplasmose, Rubéole, Syphilis, CMV, HSV, VZV)
• PCR3 Zika virus (plasma + urine)
• Sérologies4 Zika virus et sérothèque4
• Effectuer lors de la première consultation :
• Discuter sérologie TORCH (Toxoplasmose, Rubéole, Syphilis, CMV, HSV, VZV)
• PCR3 Zika virus (plasma + urine)
• Sérologies4 Zika virus et sérothèque4
Organiser le suivi de la grossesse = Prévoir US morphologique précoce (au plus tôt à 16-18e SA5 ET à 4 semaines de l’exposition)
Si patiente suivie aux HUG : Consultation en maladies infectieuses du service d’obstétrique Si patiente suivie par gynécologue de ville : L’informer et organisation selon son choix Si les premiers tests ont été effectués < 4 semaines depuis le retour : répéter les sérologies
Zika virus ET PCR (plasma et urine) à 1 mois du 1er test Si PCR ET sérologies négatives (≥ 4 semaines du retour)
ET absence d’anomalie échographique
Arrêt du suivi échographique ciblé
Si ≥ 1 examen ZIKA virus positif/douteux Suivi échographique ciblé contrôle prolongé de la virémieET
(PCR plasma) organiser suivi pédiatriqueET
puis
Si l’état fébrile est toujours en cours :
effectuer tous les tests ci-dessus et prise en charge le jour même d’un
« état fébrile de retour de voyage » au SMTH ou nuits et WE services
d’urgence Asymptomatiques OU symptômes2 actuels à > 28 jours de l’exposition1 Symptomatiques2 (< 28 jours de l’exposition)1
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fig 3 Algorithme pour les femmes enceintes exposées 1 au virus Zika
1 Définition d’une exposition au virus Zika :
a) Retour d’un voyage d’une région de transmission (www.safetravel.ch).
b) Rapports sexuels non protégés avec un homme ayant voyagé dans les 6 mois ou une femme ayant voyagé dans les 8 semaines dans une région de transmission.
c) Rapports sexuels non protégés avec un homme Zika+ dans les 6 mois ou une femme Zika+ dans les 8 semaines suivant le début des symptômes.
2 Présence d’au moins un des symptômes suivants : état fébrile, rash, conjonctivite, arthralgies / myalgies.
3 PCR (plasma) : tube Hémogard mauve 6 ml (Nº CAIB 11250).
PCR (urine) : tube Hémogard beige 4 ml (Nº CAIB : 142663).
4 Sérologie / sérothèque : tube Hémogard jaune 5 ml (Nº CAIB 11243).
5 SA = semaines d’aménorrhée.
pays non endémique comme la Suisse, sans risque d’infection autochtone, les sérologies permettent de rassurer la grande majorité des femmes enceintes de retour d’une zone d’épidé‑
mie. Dans tous les cas, il convient tout de même de réaliser au moins une échographie morphologique détaillée.
Une autre critique fondée et provenant du milieu obstétrical est la discordance entre les mesures de prévention et de dé‑
pistage maximales du virus Zika et la quasi‑absence de toute recommandation actuelle concernant le CMV, virus ubiqui‑
taire aux conséquences fœtales bien connues, et également sexuellement transmissible.22 L’incertitude quant à l’inci‑
dence des malformations congénitales suite à une infection maternelle par le virus Zika permettait de justifier de telles mesures. Avec les données actuelles, il est vraisemblable que la fréquence des malformations soit comparable à celle du CMV.8 Alors qu’en période épidémique, le taux d’attaque de la maladie est estimé à 70 %3 et confère un risque élevé de contracter la maladie, ce risque est bien inférieur lors d’une situation d’endémie, rendant potentiellement de telles re‑
commandations maximalistes injustifiées. De plus, il faudrait évaluer le coût de telles mesures pour un risque absolu minime.
Ces constatations illustrent bien l’importance de pouvoir dif‑
férencier un pays endémique à risque faible et un pays avec une épidémie en cours. La plupart des experts ne se sont pas lancés à l’heure actuelle dans une reclassification des pays concernés, ce qui explique la poursuite d’une attitude haute‑
ment prudente pour l’instant.
CONCLUSION
Les connaissances concernant le virus Zika et son épidémio‑
logie sont en constante évolution. Les recommandations
édictées par les HUG n’ont pas la prétention d’être parfaites, mais ont le mérite de proposer une aide à la décision. La mé‑
connaissance ne facilite pas l’élaboration de telles directives, particulièrement dans notre société si prompte à désigner des responsables en cas de problèmes. Il existe de nombreuses critiques fondées, et l’avenir nous dira si de telles recomman‑
dations étaient justifiées ou à l’inverse, en réaction à la cou‑
verture médiatique, exagérées.
Depuis son introduction récente en Amérique, en 2015, et l’épidémie consécutive sur ce continent, le virus Zika est présent, de façon épidémique ou endémique, dans la plupart des pays tropicaux et sous-tropicaux
Bien que majoritairement vectorielle, il existe une transmission sexuelle, de même que verticale d’une mère infectée au fœtus
L’infection est souvent asymptomatique
Des malformations congénitales sont possibles lors d’une infec- tion en cours de grossesse, indépendamment des symptômes présentés
Des recommandations ont été émises afin d’aider le praticien à prendre en charge et répondre aux questions que des voyageurs sont susceptibles de lui poser
Les recommandations sont régulièrement mises à jour compte tenu des modifications épidémiologiques et des connaissances en constante évolution
implications pratiques
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* à lire
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