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Submitted on 1 Jan 1956
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Étude théorique et expérimentale de quelques propriétés des pièges à électrons et des centres luminogènes dans
les sulfures
Daniel Curie
To cite this version:
Daniel Curie. Étude théorique et expérimentale de quelques propriétés des pièges à électrons et des centres luminogènes dans les sulfures. J. Phys. Radium, 1956, 17 (8-9), pp.699-704.
�10.1051/jphysrad:01956001708-9069900�. �jpa-00235524�
ÉTUDE THÉORIQUE ET EXPÉRIMENTALE
DE QUELQUES PROPRIÉTÉS DES PIÈGES A ÉLECTRONS
ET DES CENTRES LUMINOGÈNES DANS LES SULFURES
Par DANIEL CURIE,
Laboratoire de Luminescence, Faculté des Sciences, Paris.
Summary. - The radiative recombination mechanism in phosphorescence depends on the kine-
tic energy of the conduction electrons and also on the spatial distribution of centers and traps.
Several experiments lead, in some cases, to localize the traps in the neighbourhood of the activator centers. Some objections against that viewpoint are exposed and may perhaps be useful in future discussions.
LE JOURNAL PHYSIQUE 17, AOUT-SEPTEMBRE 1956,
1. Étude théorique.
-Le mécanisme de la recombinaison électrons-trous en phosphorescence dépend des possibilités de déplacement des élec-
trons de conductibilité entre les centres et les
pièges [1] :
Si les pièges sont localisés au voisinage des
centres et si les électrons excités se déplacent très peu
(moins de 10-6 cm), n’allant que du centre au piège
voisin et réciproquement, on aura le mécanisme mono-
moléculaire de Lenard.
Si les pièges sont spatialement indépendants des
centres et si les déplacements électroniques sont assez grands ( > 10-5 cm) pour autoriser la rentrée dans un
grand nombre de centres, on aura le mécanisme bimo- léculaire.
En réalité, il existe des pièges liés aux centres et
d’autres qui ne le sont pas, il existe des électrons
se déplaçant plus ou moins : le mécanisme réel de la
phosphorescence est bien plus complexe que les cas limites mono- et bimoléculaire, mais pourra dans certains cas se ramener approximativement à l’un
d’entre eux.
On sait qu’un électron de conductibilité décrit par une fonction de Bloch n’est pas localisé dans le réseau ; par suite il a la même probabilité de
tomber dans un centre vide quelconque (mécanisme bimoléculaire). Mais cela n’est pas le cas de l’élec- tron issu d’un piège par activation thermique [2].
Celui-ci est décrit par un paquet de fonctions de Bloch c.
On trouve que ce paquet d’ondes est localisé
dans un domaine de dimension p autour du piège
de départ :
.1).
Cet électron ne saurait donc retomber avec la même probabilité dans l’un quelconque des N
centres du cristal
Il retombera de préférence dans l’un des n centres les plus proches. Cependant si rt est assez grand le nombre de centres vides parmi les n sera proportionnel au nombre total 7V’ 1 des centres
vides.
Partons de la probabilité N’/N qu’un centre
donné soit vide, supposant ainsi les centres vides répartis au hasard parmi les pleins. La probabilité
que sur les n centres disponibles soient pleins et
n- K vides est
Soit v le nombre d’électrons de conductibilité.
Le nombre d’électrons entourés de n-K centres vides et y retombant par unité de temps est
et le nombre total de recombinaisons est
ce qui est une cinétique bimoléculaire.
Ceoi n’est plus vrai s’il existe des pièges localisés
au voisinage des centres.
De plus les déplacements des électrons de conductibilité sont encore réduits par la présence
FIG. 1. - Potentiel d’un électron dans la bande de conductibilité. E énergie cinétique de l’électron.
des impuretés et déformations du réseau. On peut considérer la bande de conductibilité comme ayant
un fond irrégulier, chaque irrégularité étant au-
dessus d’un défaut (fige 1).
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01956001708-9069900
700
Admettons avec Shockley [2] que le bas de la bande peut être considéré comme un potentiel effec-
tif dans lequel se meut l’électron. Suivant la valeur de leur énergie cinétique E, les électrons passeront par-dessus les irrégularités ou seront arrêtés.
Ainsi :
La proportion d’électrons arrêtés par les défauts
du cristal est d’autant plus grande que ces électrons sont plus lents. Cette proportion sera particuliè-
rement grande pour les électrons de phosphores-
cence, dont l’énergie est - kT (polarons). Sur ces bases, on est conduit au tableau suivant [1 ] :
II. Étude expérimentale.
-L’inuflence d’une
énergie croissante des électrons sur la cinétique des phénomènes paraît confirmée expérimentalement,
en particulier par l’importance croissante de la
recapture [1, 4, 5].
Je discuterai ici la proximité des pièges et des
centres. Je considère les pièges de longue durée d’un ZnS(Cu) usuel. Il existe par ailleurs des pièges qui
ne sont certainement pas liés aux centres : - groupe de pièges vers 0,30 eV dans la blende,
attribué [6] à des électrons gravitant autour d’une charge N e (vacance d’ion négatif), la charge
effective des ions dans ZnS étant très voisine de
e [7]) ; 1
- ions Zn interstitiels, créant des pièges de pro- fondeur voisine de 0,65 eV [8], que l’on obtiendrait
expérimentalement par bombardement de neu- tron s [9] ;
- pièges liés au cobalt dans les expériences d’Hoogenstraaten et Klasens sur ZnS (Cu + Co) [10].
L’émission en provenance de tels pièges est
vraisemblablement bimoléculaire.
Au contraire, la faiblesse de la recapture lors du
déclin de longue durée et en thermoluminescence [4, 11] est un argument en faveur des faibles parcours
électroniques et du mécanisme monomoléculaire dans ces conditions. Lors de la stimulation, la recapture est beaucoup plus importante [4, 12] ;
néanmoins une expérience de Kallmann et Kra-
mer [13], consistant à étudier l’action de l’infra- rouge sur la luminescence J et la photoconducti-
bilité a pendant l’excitation, indique un effet de
stimulation bien plus important sur J et un effet
extincteur bien plus important sur a : ceci semble
montrer que la plupart des électrons stimulés ne
se déplacent encore que du piège au centre voisin, prenant part à lÎ et non à a [14].
Par ailleurs, on a recoupement entre les interpré-
tations monomoléculaires du déclin de longue durée
et de la thermoluminescence [4], c’est-à-dire en
déterminant la distribution des pièges n«) d’après
le déclin J(t) par
-et d’après la thermoluminescence par la théorie de Randall et Wilkins et les formules de G. et D.
Curie qui s’en déduisent [15]
I l
En effet :
1.1 ’ 1
- Lors du déclin suivi à différentes tempéra- tures, on peut suivre les différents groupes de
pièges et leurs vies satisfont à la loi
- Les groupes de pièges déduits du déclin peuvent être associés avec les pics de la « glow
curve » [4]. En particulier, pour le ZnS(Cu) Guntz
étudié dans [4], on fait correspondre au groupe dont la vie (maximum de la distribution) est à 200 C
la température de thermoluminescence T* = 300 + 10 >K, qui est en accord avec celle calculée d’après la valeur de T, savoir T* = 296-298 oR, quelle que soit la valeur du paramètre s [15].
Ce recoupement est nécessaire pour soutenir
un mécanisme mono-moléculaire, mais il n’est pas
suffisante pour conclure : Supposons un instant que
le mécanisme réel de la phosphorescence soit bimo-
FIG. 2. (1).
-Comportement de ZnS + 3 % NaCI, calcinés 1 /2 heure à 1 0500 en courant d’azote, avec différentes concentrations en luminogène cuivre (I) et or (II)..
A. Luminescence Ôo sous excitation et Jet après diverses durées t de déclin.
B. Intensité maximum Jth de la courbe de thermoluminescence effectuée après 20 min de déclin.
C. Intensité maximum ast de la stimulation IR appliquée après 20 min de déclin.
léculaire ; l’application des formules monomolé-
culaires ci-dessus conduirait à des « pseudo-distri-
butions » de pièges, différentes de la vraie distri- bution (plus làrges). Mais on peut montrer que le maximum de ces pseudo-distributions coïnciderait sensiblement avec celui de la distribution réelle : le recoupement se produirait néanmoins.
Toutefois il semble que les distributions cal- culées à partir des expériences soient parfois trop
étroites pour être des pseudo-distributions. D’autres
conclusions de l’hypothèse bimoléculaire sont en
désaccord avec l’expérience : tendance vers la pente 2 de la loi log lf (log t) [4], différence entre la
température de thermoluminescence de l’émission lumineuse et du courant de conductibilité [16]. Mais
il n’est jamais possible de conduire jusqu’au bout
un calcul dans l’hypothèse bimoléculaire sans
introduire des hypothèses simplificatrices acces- soires, et les désaccords peuvent alors être attribués à celles-ci.
Ainsi il semble très difficile de parvenir a poste- riori à des conclusions sur la cinétique de la lumi- (1) Je remercie MM. Grillot, Arpiarian et Bourtayre, qui
m’ont fourni les sulfures étudiés ici.
nescence, et par là sur la localisation des pièges et
des centres.
On souhaiterait donc des renseignements directs
sur la liaison entre pièges et centres. L’étude de la distribution des pièges pour diverses concentra- tions en luminogène semble en fournir, mais son interprétation soulève diverses objections.
L’observation usuelle montre que la persistance
des ZnS s’introduit avec le cuivre. Elle est due aux
pièges de profondeurs
(calculée§ d’après les pics des glow curves [11]), qui seraient donc liés au luminogène cuivre.
Ici interviennent deux objections :
-
Hoogenstraaten a montré qu’ils semblent
aussi liés à l’oxygène [17]. Mais ceci revient au même si l’on admet avec Grillot [18] que dans les centres verts l’oxygène et le cuivre sont liés.
-
Bube a repris les déterminations de glow
curves avec des instruments plus sensibles [19]
et a trouvé dans ZnS les pics ci-dessus quel que soit
l’activateur. On peut interpréter les différences de
hauteur des pics par les différences de rendement
702
des luminogènes. Cependant remarquons que le
pic à 15,OC, p. ex., est 500 fois plus lumineux dans le ZnS (Cu) que dans le ZnS « pur » : Ne serait-il pas dû aux traces de cuivre qui subsistent même dans les produits « purs » ? (détection par le radio- cuivre 64, E. Grillot).
Une expérience de Fonda [20] paraît s’opposer
à l’interprétation par les différences de rendement Un ZnS + 0,12 % Mn + 0,001 % Cu présente
la luminescence orange du manganèse avec la persistance longue « du cuivre ».
Garlick et Gibson [21], Bube [22], ont étudié les pics de thermoluminescence au-dessus de 0 °C :
ces pics apparaissent avec l’introduction du cuivre, puis s’atténuent aux concentrations élevées. La
perturbation des pièges apparaît avec celle du
rendement de fluorescence (effet d’extinction par concentration [23] ?)
J’ai repris ces expériences en y ajoutant l’étude
de la stimulabilité infra-rouge de ces phosphores (fig. 2).
A haute concentration on observe l’effet d’extinc4 tion signalé ci-dessus ; il débute plus tôt pour le cuivre que pour l’or, si bien que le sulfure à 2.10-4 d’Au est plus thermoluminescent et plus
stimulable que celui à 2. 10-4 de cuivre. Comme l’or est un luminogène bien inférieur au cuivre, ceci appuie l’hypothèse de pièges profonds liés en ce
cas à l’or.
Mais je me suis surtout attaché à l’étude des
faibles concentrations. On remarque l’indépen-
dance de la stimulabilité envers la concentration c en luminogèné (2), dans le domaine 5.10-7 c
10-5 pour Cu et 10-g c 10-4 pour Au, alors
que l’intensité de thermoluminescence croît de 1 à 8 environ.
Le comportement de la stimulabilité de ces Zn S
rappelle celui de la somme de lumière S dégagée
par thermoluminescence dans les Ca S (Bi) étudiés
par Lenard et Kuppenheim : aux très faibles con-
centrations c en bismuth, S était sensiblement
proportionnelle à celles-ci ; puis la courbe S(c)
montrait un coude brusque et S devenait sensi- blement indépendante de c [24]. J’ai proposé d’interpréter ceci en supposant que les pièges res- ponsables de cette somme de lumière sont dans Ca S
liés au « diluant » [25] (3) ; les pièges liés au bis- (2) Cette indépendance n’est plus absolue pour les mêmes sulfures calcinés à l’air libre : la stimulabilité varie de 20 % entre le coude et l’optimum de concentration,
mais toujours beaucoup moins que la thermoluminescence.
La calcination en atmosphère oxygénée rend les sulfures à l’or plus persistants, comme ceux au cuivre.
On remarquera par ailleurs que les sulfures à l’or ne semblent pas présenter le très net déplacement de l’opti-
mum de concentration du cours du déclin, bien connu pour
ZnS(Cu) (Guntz).
(3) Soit en effet N la densité des centres, no, celle des
pièges de vie ’t’, n celle des pièges remplis par l’excitation q.
La somme de lumière S est proportionnelle à n. En suppo-
muth seraient moins nombreux et trop profonds
pour intervenir dans les conditions usuelles
( T* N 600 °K [26]).
De la même façon, les niveaux responsables de
la stimulation dans les Zn S étudiés (niveaux don-
neurs. et non pièges ? [1]) seraient indépendants
du lumLnogène; le comportement tout différent de la thermoluminescence de ces mêmes sulfures
-croissant rapidement avec c tant que n’intervient pas l’extinction par concentration-indiquerait,
au contraire, que les pièges responsables de cette
thermoluminescence (pièges de T* , 20 °C) seraient
introduits avec le luminogène cuivre ou or.
Du point de vue théorique, Leverenz [27] a dis-
cuté l’existence des pièges voisins des centres en
les considérant comme des états excités de ces
derniers : ces états correspondraient à des orbites de grand rayon et de faible énergie de liaison. La
confrontation, lors du Colloque, des calculs de D. Curie sur les pièges avec la théorie de Prener et Williams des centres donneur-accepteur associés
semble avoir conduit à une hypothèse donnant un
accord numérique satisfaisant avec l’expérience (voir Discussion).
DISCUSSION
°