• Aucun résultat trouvé

L'AFRIQUE ET LE JANUS D'INTEGRATION COSMOPOLITISME UN PLAIDOYER POUR UNE ÉDUCATION COSMOPOLITIQUE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'AFRIQUE ET LE JANUS D'INTEGRATION COSMOPOLITISME UN PLAIDOYER POUR UNE ÉDUCATION COSMOPOLITIQUE"

Copied!
17
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: halshs-00167098

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00167098

Submitted on 14 Aug 2007

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

L’AFRIQUE ET LE JANUS D’INTEGRATION COSMOPOLITISME UN PLAIDOYER POUR UNE

ÉDUCATION COSMOPOLITIQUE

Adder Abel Gwoda

To cite this version:

Adder Abel Gwoda. L’AFRIQUE ET LE JANUS D’INTEGRATION COSMOPOLITISME UN PLAIDOYER POUR UNE ÉDUCATION COSMOPOLITIQUE. 2006. �halshs-00167098�

(2)

L AFRIQU E ET LE JANUS D IN TEGRATION

COSMOPOLITISME UN PLAIDOYER POUR UNE ÉDUCATION COSMOPOLITIQUE

Par Adder Abel GWODA* Université de Lyon3, 2006

Résumé

Le projet d Union africaine com m e projet particulier s intégrant dans un projet global qui est l alter-monde est une application concrète d un projet construit sur le paradigm e cosm opolitique kantien. Chez Kant, la con struction d une confédération m ondiale com m e m odèle de m ondialisation, passe par le retour à l Aufklärung, qui est dan s le contexte de cet article, l intégration à soi. Ce sont don c ces Lumières allum ées en Afrique, ou sim plem ent cette éducation cosm opolitique qui va perm ettre à l Afrique de se constituer en une entité forte, pouvant finalem ent lui perm ettre de s intégrer dans le m onde en véritable partenaire du concert des nations.

Si la m ondialisation est aim ée d un e part parce que considérée comme l ultim e chan ce pour le m onde à cause de ses valeurs d unification et de généralisation de la m odern ité, elle est d autre part crainte et com battue du fait des conséquences néfastes sur la politique du vivant, appréhendées comme malchance ultime pour le monde.

En effet, dans sa form e globalization suivant sa logique d uniform isation, la m on dialisation ne fait pas qu un regroupem ent uniform e, en m êm e tem ps elle élim in e ou sim plem ent m et au banc de touche. Elle creuse l écart entre pays développé du n ord et pays sous- développé du sud1. Cette double action contradictoire de la m ondialisation qui épouse la totalité en rejetant les particularités faibles sous l action de l économ ique nous a am ené à n ous interroger sur la question de savoir si cette vision de la m ondialisation qui vise la

* Doctorant en philosophie, option Politique et Ethique des Relations Internationales, Département de Philosophie, Université Saint-Joseph de Beyrouth et Institut de la Francophonie et de la Mondialisation Université de Lyon3.

(3)

totalisation des relations hum aines où toute rationalité est subordon née l extin ction du particulier ne pose pas pour l Afrique un grave problèm e à savoir son insertion dans le m onde. Et si tel est le cas, com m ent faire pour qu elle ne soit pas un paria de l hum anité dans le con cert des nation s ? Ceci revient par ailleurs à revoir si les unités m odulaires sous form e de regroupem ents régionaux ou contin entaux ne peuvent pas être une solution décisive pour perm ettre aux nation s du Sud de ne pas se voir réduit en rôle de figurant dans l irréversible mondialisation.

Spencer a em ployé le concept d intégration pour parler du passage d un état diffus im perceptible à un état con centré perceptible2. Pour n ous, ce con cept perm et de désigner l interdépendan ce plus étroite qui doit exister entre les parties, et entre les parties et le tout. Il s agit dan s ce contexte, des États africains qui doivent passer de leur état diffus dans le systèm e-m onde à un état de présentification : « la fédération des États africains ». L Afrique doit don c réaliser son

« union » en tenant compte des particularités étatiques. C est après cela qu elle peut valablem ent se présenter dans le systèm e international, sans s en gloutir dans la totalité. Pour ce faire, elle devra, suivant la logique d intégration cosm opolitique, en clen cher un double m ouvem ent qui s apparente à la figure de Janus : l intégration à soi et l intégration au m onde.

1) Intégration à soi

« N ous n av on s jam ais vu v en ir les crises, nous n av ons jam ais su n ous en sortir parce que l esprit dan s la poche, n ous av ons fait naufrage dan s le quotidien . N otre plus grand triom phe est d av oir su bâtir une civ ilisation de l im m édiat et du provisoire. » Ainsi se lamente Maurice Kam to3 sur la situation de l Afrique. Pendant longtem ps, le com m un des Africains a sem blé accepter cet état de fait, m ais la

(4)

situation se détériore de plus en plus au point de devenir une catastrophe socio-économique, politique et culturelle, qui place l Afrique dans une condition de paria du m onde. Pour relever le défi de la m ondialisation, l intégration à soi, prem ière face du Janus que nous proposon s, doit se constituer sur l échec du « som m eil de la raison »4. Ce som m eil de la raison se m anifeste par une sorte de « naïveté dialectique » caractérisée par une ingénuité con sciente ; la conjon cture étant con nue, on se com plait tout de m êm e dans l unan im ism e5, or l unanim ism e dans sa n ature considère la société com m e une entité idéale sans être, ce qui fait que l on ne se sente pas nécessairem ent appartenir à cette société. Cet état va jusqu à ém acier des « moi » individuels com m e person nes hum aines, an éantissan t ainsi toute personnalité, ce qui selon Kam to, édifie l apathie sociale.

L intégration à soi qui retrouve le slogan du sapere aude com m en ce don c par une prise de conscien ce de sa situation. Les Africains doivent sortir de leur hibernation par un effort intellectuel.

C est « l interrogation sur notre dessein profond, sur la direction à donn er à notre existen ce, dit Marcien Towa, qui doit être la grande affaire de [cet] effort intellectuel »6 L Africain a donc le devoir de la pensée entendue com m e discours raisonné sur le réel, ce que Maurice Kam to appelle « Urgence de la pensée ». La philosophie en Afrique a un rôle im portant à jouer7, celui d « objecteur de conscien ce » com m e ferment à la « subversion de soi », car l intégration à soi se doit amener l Africain à se recon naître com m e un individu digne et souverain, parce que libre. Il s agit des Lumières africaines. Selon la définition de Kant de 178 4, l Aufklärung qui est l intégration à soi doit faire sortir les Africains de l état de m in orité où ils se m aintiennent par leur propre faute8. Pour Kant l état de m in orité est l « incapacité de se servir de son enten dem ent san s être dirigé par un autre. Elle est due à n otre propre

(5)

faute quant elle résulte n on pas d un m anque d entendem en t, m ais d un m anque de résolution et de courage pour s en serv ir sans être dirigé par un autre. »9 Cet état de chose est d autant plus vrai chez les Africains, que cette attitude introspective perm ettra de purger l afro- pessimisme qui a fait le lit de la dom ination occidentale et construira une légitim ité des différents États africains com m e entités auton om es et libres.

La philosophie, dans le projet éducatif de l Histoire chez Kant10, est l action humaine qui perm et à l hom m e d être en actes ce qu il est en puissance et de s orienter dans la vie. L hum anité de l hom m e en tant qu universelle est la puissance de l un iversalité qui va s actualiser pour l Africain, com m e pour tout autre habitant du m onde, par l éducation et la décision. La raison est le grand éducateur qui perm et l ascension à la liberté véritable du sujet. C est pourquoi la philosophie, en tant que philosopher, constituera une éducation de la raison, dont la fin sera pratique, dans la m esure où l Afrique réussira, par elle-m êm e, à s affran chir des contenus oppresseurs pour dégager une ration alité inhérente à un esprit libre.

En effet, La prise en charge de l Afrique par elle-m êm e, répond à l im pératif d auton om ie intellectuelle. Elle est une caractéristique des Lum ières qui perm et de faire un usage public de sa raison en toute circonstance. L apprentissage au philosopher est en fait l apprentissage à l auton om ie, et serait ainsi le but de l éducation.

L intégration à soi com m e éducation, passe don c par le dressage et la form ation. Le dressage est garanti par les m oyens m écan iques de la Nature, la form ation quan t à elle repose sur une action consciente et volontaire. Contrairem ent au dressage effectué par la Nature, l horizon m oral d une éducation volon taire laisse entrevoir, au sein m êm e de la légalité la possibilité d un dépassem ent11. Pour m ieux les différen cier,

(6)

Kant distingue dans ses Propos de Pédagogie12 trois niveaux d éducation : la culture qui correspond à l habileté, la pruden ce et la civilisation qui correspondent à la discipline, en fin la m oralisation, qui repose sur le développem en t de la disposition d esprit perm ettant de choisir de bon nes fins. Or seule cette troisièm e partie de l éducation échappe au m écan ism e de dressage car elle im plique un réel apprentissage, celui de la pensée, qui doit devenir im partiale, critique et autonome.

C est cette pensée critique et autonom e qui perm et la création d une allian ce universelle des peuples par le républicanism e et agit en retour sur la volonté des hom m es, en cultivant progressivem en t leur faculté au discernem ent m oral et en faisant en sorte qu ils puissent dépasser la sim ple con form ité extérieure de la volonté envers la loi au profit d une adhésion libre et spontanée aux prin cipes universels du droit. Il revient alors com m e tâche à chaque com m unauté politique d éduquer ses m em bres en vue d élargir leur m ode de pensée égoïste et privé aux dim ensions d un point de vue un iversel, celui d un citoyen du monde.

L éducation en tant que philosopher repose sur une action consciente et volontaire. Elle est la « formation » d une nouvelle conscien ce qui va perm ettre de sortir d une situation de léthargie. Le dressage, autre pan de l éducation , va garantir par les m oyens m écaniques de la Nature, la réalisation des disposition s naturelles en l hom m e. Cette réalisation ne peut être que progressive, au niveau de l individu, et au niveau de l espèce historique. Elle dépend pour le cas d espèce de l Afrique, de la constitution d un e société civile la plus grande possible, afin d organiser une éducation générale de l habitant africain.

(7)

L Afrique doit sortir de sa m inorité pour se constituer en fédération et décider raison nablem ent de son avenir. « Elle-mêm e peut et doit se tracer son chem in »13 par la critique de sa raison politico- historique. Certes, l on pourra dire que cette injonction entre en contradiction avec l universabilité des m axim es kantien nes qui disent d agir dans le sens d un iversaliser la sentence de toute action. Pourtant, au delà d une action locale, c est l universalité de la coexistence réelle des hom m es dans leur ensem ble com m e habitants du m onde qui est visée. Les acteurs africains sont ainsi les habitants particuliers du m onde qui agissent d une part en vue des buts que la m orale lim ite et trie, et d autre part pour réaliser la raison que la nature a placé en eux et qui désirent un m onde qui soit un e « totalité m orale belle dan s toute sa perfection »14. C est le retour à la fiction opératoire du con trat originaire qui déclen che le m ouvem ent de l Aufklärung, dans le sens où le contrat social n est pas un fait m ais une idée que le peuple doit pouvoir vouloir obéir. Ainsi, toute violen ce (révolution anti- néocoloniale) n est pas raisonnable. Toute révolution détruit le fondement prem ier de tout contrat, parce qu un droit à la révolution est une contradiction dans les term es. En face de la tyran nie que la m ondialisation im pulse, l arm e de l habitant africain pensant sera de répandre les Lumières, par l usage publique de la raison dans tous les domaines.

Puisque c est une violen ce initiale qui a fondé l État, nous attendon s de cette m êm e violen ce, la form ation de la fédération africaine par « la conv ersion des États et de leur chef à la raison, à la liberté, à la justice, à la paix »15. La situation des Africain s est donc si alarm ante que leur désir laxiste de se com plaire dans l inertie, est confronté à la nature qui les pousse à la « discorde », par des actions telles que la corruption, le népotisme, l im m igration clandestine, les

(8)

trafics en tous gen res, pour la survie. Mêm e si l horizon tracé par la nature com m en ce dans des régressions terribles pour aboutir à des progrès rem arquables16, l habitant quel qu il soit, ne peut pas sim plem ent laisser la n ature agir s il veut abréger ses pérégrinations historiques, sin on une telle philosophie justifierait l inaction et l attente passive. Le vrai progrès n est possible que lorsqu il pousse l hom m e à agir dans le m onde historique des responsabilités et des décisions.

Puisque le but de l H istoire est con nu, le m êm e chem in peut être em prunté par l hom m e (l Africain), son intérêt le poussant et le devoir l obligeant. Dans ce contexte, les m oyens de cette action sont la liberté de la critique (l urgence de la pensée) et la liberté du peuple législateur.

Nous refusons de citer ici com m e l a fait Eric Weil « la liberté du commerce »17 sans régulation. Certes, si la liberté commerciale amène à l ouverture vers d autres habitants du m onde, la construction d une véritable écon om ie locale élém en t nécessaire pour une m eilleure intégration dans le m onde ne peut se faire que dans un con texte protégé, ou m ieux, régulé. C est ainsi que l Afrique pourra prendre en m ain son avenir « qui cesse d être destin pour dev en ir destination librement et raisonnablement voulue.»18

Si cette construction et cette légitim ation des États africains ont, de m anière latente, com m en cé à se développer à travers le panafricanism e, on peut n éan m oins s interroger sur la pertinen ce du panafricanism e pour l Afrique aujourd hui ? Certainem ent, le panafricanism e a en core un rôle très im portant à jouer en Afrique postm oderne. Mais, pour qu il soit efficace désorm ais, il doit se défaire de la tentation de la révolution, et de l utopie qui vise à l unification de tous les « Noirs d Afrique » et de la diaspora sous un seul giron, celui de la m ère patrie, l Afrique19. Ainsi le panafrican ism e réactivé va perm ettre aux Africains de se m obiliser en se don n ant une

(9)

connaissance élevée des problèm es nation aux et internationaux les concernant, en les am en ant à participer à la con struction d une conscien ce com m une, ce que Kant appelle « l un ité collectiv e des volontés unies »20. Par le nationalisme, l État-nation sera pris com m e fondem ent de l unité dans sa volonté d être souverain. Il est le prem ier m oteur de l intégration. Le continentalisme, cette deuxièm e m arque du panafricanism e, construit un élan sentim ental et de conviction d appartenan ce à une com m unauté politique africaine identique. Ce que Nsam e Mbongo appelle « transafricanité ». Nous adhérons pleinem ent à certains prin cipes de la « trasafricanité ». Ceux-ci entrent en ligne dans la constitution pratique du déplacem ent de l intégration à soi à l intégration au m onde. Pour Mbongo, « Le triom phe actuel de la philosophie géopolitique m ico-étatique et ethniciste appelle le rév eil théorique du courant pan african iste à trav ers la relance de la pensée du collectif : la tran safrican ité par exem ple »21. Le prin cipe de la

« transv ersalité et du réseau »22 vient ainsi réaliser la fédération région ale entre les États, les sous-régions ou les ensem bles politico- écon om iques de l Afrique. Elle n est possible et réalisable que si le

« prin cipe de la relativ isation des souverainetés »23 se m et en uvre dans la constitution d un pôle de souveraineté. Par ailleurs, le

« prin cipe de l in itiativ e populaire panafricain e »24 n est pour n ous que le ferm ent du républicanism e qui ceint toutes les volontés particulières africaines.

Le désir d'une union politique et écon om ique des peuples d'Afrique est né au XIXe siècle aux Etats-Unis, au sein des m em bres de la diaspora don nant ainsi naissan ce au m ouvem ent pan -Africain. Il s'est, à un tel point, an cré dans la conscien ce collective des m asses africaines que tous les dirigeants du con tinent l'ont placé par conviction ou par opportunism e, au prem ier rang de leur agenda

(10)

politique. Il s'inscrit comme une thérapie contre les humiliations subies depuis des tem ps im m ém oriaux. Malheureusem ent, les résultats enregistrés jusqu'ici dans la voie de l'unité ne sont pas à la m esure des espoirs suscités par le projet. C est pourquoi, l urgence de la pensée que nécessite l intégration à soi est donc ce réveil collectif, cette prise de conscien ce de soi, « n on plus en tant que N oir désireux ou fier de crier à la face du m on de sa négritude »25, non plus aussi, com m e chez Wole Soyin ka, un tigre qui se lève et attrape sa proie, m ais com m e des

« v olontés particulières [v iv ant pour] un e cause qui les unisse. »26 L intégration à soi est aussi et surtout l application par les États africains des différents droits privés et publics. Une véritable « Union Africaine », c est-à-dire une application effective du droit des gens kantien, ne sera possible que lorsque les États africains seron t transformés en profondeur : « La condition pour qu un droit des gens soit possible d un e m an ière générale, c est qu il existe tout d abord un état de droit (rechtlicher Zustand). Car san s un tel état, il ne saurait y av oir de public.»27 Il faut que les États aient une constitution intérieure établie suivant les principes du droit28.

L « intégration à soi », ce n est pas uniquem ent le

« consciencisme » d un Nkrum ah qui se définit comme :

«l en sem ble, en term e intellectuels, de l organisation des forces qui perm ettront à la société africaine d assim iler les élém ents occidentaux, m usulm an s et euro-chrétien s présents en Afrique et de les transform er de façon qu ilS s in sèrent dans la person nalité africain e ( ) son fondem en t est le m atérialism e,»29

ni l « African personality » d un Blyden30, m ais une allian ce perm anente et dynam ique entre théorie et pratique : cette intégration suppose don c la construction d États souverains et républicains ayant développé la pensée indépendante d appartenir à une com m un auté africaine libre. C est pourquoi, seul l État particulier (m atérialisé par le territoire souverain et la com m unauté nationale) doit conduire tout

(11)

processus de fédération de l Afrique et non l inverse. Qui plus est, la fédération ne serait que la résultante d un processus com m en cé dans le local en passant par le régional. L aboutissem ent dans le global, c est-à- dire dans le systèm e-monde, est le couron nem ent de ce parcours : c est l « intégration au m onde » ou m ondialisation dans son appellation la plus usuelle.

Nous pourrons résum er les dém arches de l intégration à soi par les trois m ouvem ents de l existence que Pato ka a distingué, chacun e dans une temporalité propre31:

D abord, le « m ouv em en t d acceptation » qui consiste pour l africain à d être introduit dans le m onde afin qu il se l approprie et uvre pour sa destination qui est « harmonia ». Il s agit ici d une

«question d adaptation m écan ique » ce que n ous avons appelé éducation dans ses com posantes que sont le dressage et la form ation . Le dressage est garanti par les m oyen s m écaniques de la Nature, alors que la form ation repose sur une action consciente et volontaire. C est à l aboutissem ent de ce m ouvem ent d acceptation que se construira, dans la conscience, africaine une rationalité cosmopolitique.

Ensuite le « m ouv em ent de défen se ». C est un m ouvem ent de dessaisissem ent de soi, qui perm et de travailler à la con struction d une n ouvelle souverain eté continentale au détrim ent des souverainetés des États-n ation. C est une m anière de mettre chaque État à la disposition de la nouvelle entité géopolitique qui s im pose en ses lieux et places. Ce m ouvem ent est douloureux m ais n écessaire, « il n est pas possible d être , c est-à-dire de faire irruption dan s l univ ers des choses indiv iduées san s le m ouv em ent d acceptation et de dessaisissem ent de soi, diké kai tisis. »32. Ce travail d acceptation et de dessaisissem en t se fait dans une sorte de contrainte, si bien qu il y a une sorte

(12)

d « ajointem ent de l antagonique » local. C est à ce m om ent que l Afrique fera son histoire, une histoire commune.

Enfin, le « m ouv em ent de v érité », qui par son caractère ouvert, d avenir et d avènem ent, porte à la vision de l hum anité, une coexisten ce universelle qui ouvre à une possibilité de vivre une m ondialisation cosm opolitique sans apparaître com m e un paria dan s un monde d États-citoyens.

2) Intégration au monde

Le caractère diffus im perceptible, m écon n aissable des États africains qui leur a valu d être piétinés sur l échiquier international, va se résorber lorsque l « Un ion Africaine » (suivant la dénom in ation en vigueur aujourd hui) se sera constituée. Ne perdons pas de vue qu il s agit ici d une fédération africain e construite sur le m odèle du cosmopolitisme kantien. Cette construction ne saurait être une réaction d opposition des États africains face à leur situation délicate dans la m ondialisation, car toute réaction à l im age de l antim on dialisation est toujours plus ou m oins passionnée et sentim entale. Chez Kant le prin cipe de la politique m orale cosm opolitique veut qu un peuple ne doive s unir à un autre que selon les seules notions du droit de liberté et d égalité, car « ce principe n est pas fondé sur la pruden ce, m ais sur le devoir. »33

Dans son état diffus, l Afrique n a aucun pouvoir de décision, elle ne peut que subir le diktat de l Occident : un « démocratisme » octroyé, des gouvernem ents fantoches entraînant des soulèvem ents politiques suivis plus souvent de guerres civiles aux conséquen ces les plus tragiques. Les problèm es de corruption, de repli iden titaire et de pauvreté sont consécutifs à cette situation. Mêm e lorsqu elles sont m unies des idéaux de dém ocratie, de liberté et de droits de l homme, les relations de l Afrique avec l Occident et les institution s

(13)

internationales sont pensées selon le prin cipe d exploitation du plus fort sur le plus faible. C est don c une distorsion pure et sim ple des con cepts, car il ne s agit pas de liberté pour l Afrique et ses peuples. Ici, l interdépendan ce et la m ondialisation ne sont, selon Chen Chim utengwende que « de sim ples euphém ism es pour la dépen dance, l occidentalisation, la déshum anisation et recolonisation de l Afrique et de ses peuples »34. Ce qui fait que la présence de l Afrique dans cet état de faiblesse dans la mondialisation est simplement une « présence- absente », c est-à-dire un inscrit au registre des abon n és absents. Par contre, le m ouvem ent d intégration à soi va favoriser l ém ergence d un e fédération des États africains, désorm ais con centrée et perceptible com m e une entité à soi pouvant de la sorte affirm er sa présen ce au m onde. L intégration au m onde n est don c pas sim plem ent une dilution dans l universel, m ais une présen ce com m e « co-État » dans la confédération m on diale d États libres. Parce que l « Un ion Africaine » n est plus vue du point de vue purem ent géographique, l Afrique se présentera désorm ais com m e une unité de puissan ces politiques et économiques. Cette nouvelle vision constitue une grille d analyse sûre et valable pour assurer à l Afrique un e place honorable et forte dans le conflit de « l in sociable sociabilité » de la mondialisation.

L O C A L ( E t a t - n a t io n )

R E G IO N A L

T R A N S - R E G IO N A L F é d é r a t io n a f r ic a in e S Y S T E M E - M O N D E ( M o n d ia l)

(14)

Dans le schém a ci-dessus, l État-nation qui représente le local gagne le région al et le trans-région al par le processus d intégration national. Ce prem ier m ouvem ent va se développer pour ne se fin aliser que dans le global, c est-à-dire dans le systèm e-m onde. Toutefois, si le processus ne doit pas être réversible, il se passe tout de m êm e un effet d interaction dans le systèm e-m onde qui perm et aux entités trans- région ales (UA, UE ) dont l intégration à soi a été réalisée, de vivre en harmonie dans leur nouvelle intégration au monde.

Le systèm e-m onde est ce cham p envisagé par le « dessein suprêm e de la n ature », en vue de tirer le m eilleur parti possible de la surface du globe et de ses habitants35. L intégration au m onde est don c le fait de s ouvrir au m onde, n on com m e une digue qui cède sous la pression des eaux et laisse son flot im m erger les États du m on de qui sont en aval, mais comme un processus allant de soi au monde.

En som m e, pour envisager une coexistence de l Afrique avec le reste des habitants du m on de, l Afrique a besoin de se construire soi- m êm e d abord par une intégration à soi com m e le résum e N. Mbongo :

« les ethnies et les peuples africain s ont d abord le dev oir de réaliser leur recom position géopolitique, c est-à-dire de m aîtriser les problèm es intercom m un autaires au sein des États, ainsi que les problèm es d ém iettem ent territorial du contin ent, en sorte qu il puisse dev enir un e force de poids parlant d un e m êm e v oix et agissant de concert dan s l arèn e m ondiale. »36

LEGENDE

Effet d interaction

Intégration à soi et intégration au monde Niveau d ouverture au monde

(15)

Puis l intégration au m onde ne sera que la résultante du processus com m en cé dans la recom position du local. L intégration au m onde donnera ainsi à l Afrique le statut d État confédéré au m onde, statut qui lui permettra de faire de ses habitants des citoyens du monde.

(16)

Notes bibliographiques

1 S. ABOU, Mondialisation et Francophonie, AUF, Montréal 1998, p. 19

2 H. Spen cer, Sy stèm e de la philosophie sy n thétique, com m en té in Atlas de la philosophie, op. cit., p. 187.

3 M. Kam to, L urgen ce de la pen sée, réflexion sur une précon dition du dév eloppem en t en Afrique, Mandara, 1993, p.15.

4 M. Kamto, Idem., p. 13.

5 Le con cept d « unanimisme » est utilisé dan s la philosophie africain e pour critiquer l attitude du courant dit ethnophilosophie qui se caractérise par un passéisme essentialiste.

6 M. Towa, Essai sur la problém atique philosophique dans l Afrique actuelle, CLE, 1970, p.53.

7 La philosophie n e devrait plus sim plem en t être générale com m e chez Feuerbach, elle doit décider de poser un regard sur les choses de la vie, c est-à-dire pen ser le réel. De la sorte, la philosophie africain e authen tique sera selon Mono Ndjan a, celle qui va se pen cher sur les problèm es de l Afrique en ce début de m illén aire.

8 E. Kan t, Vers la paix perpétuelle. Que sign ifie s orien ter dans la pen sée? Qu est-ce que les Lumières?, Flammarion, Paris 1991 p. 43.

9 Ibidem.

10 E. Kant, Propos de Pédagogie, trad. P. Jalabert, uvres philosophiques, vol. 3, Gallimard, La Pléiade, 1986, p. 1149.

11 Si les Droits de l H om m e on t pour piliers la liberté et l égalité, autour de ces piliers se développen t aujourd hui l épreuve de nouveaux impératifs : sur le droit liberté, il est question des discussions sur la question de la sécurité (risques terroristes) face au défi de la liberté, des droits collectifs face au droits individuels, de la dignité face à la liberté ; sur le droit égalité, il est question de l équité (égalité des chan ces, discrim in ation positive) face à l égalité, de la parité entre sexe face à l égalité.

12 E. Kant, Propos de Pédagogie, p. 1149.

13 E. Weil, Problèmes kantiens, Librairie philosophique J. Vrin, Paris 1963, p. 119.

14 E. Kant, Métaphysique des moeurs, « Introduction à la doctrine du droit », B, La Pléiade 3, § 35.

15 E. Weil, Problèmes kantiens, op. cit., p. 130.

16 Le déploiem en t de l Histoire veille à ce que chaque chose atteigne in failliblem en t la perfection , car

« l histoire a de tout tem ps triom phé, m êm e des erreurs les plus opiniâtres » (Adam Weishaupt, in Geschichte der Vervollkom m n un g des M en schlichen Geschlechts, Francfort-Leipzig, 178 8 , vol.

1, p. 228, cité par Kosseleck in L expérience de l H istoire, op. cit., p. 8.

17 E. Weil, Problèmes kantiens, op. cit. p. 137.

18 Ibidem.

19 Nsam e Mbon go, Le choc des civilisation s ou recom position des peuples ? Réflexion sur les différences, les différends et les développements des communautés, éd. Dianoïa, 2004, p. 130

20 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, Vrin, Paris 1990, p. 57.

21 N. Mbongo, p. 118.

22 Idem, p. 119.

23 Idem, p. 120.

24 Idem, p. 122.

25 M. Kamto, L urgen ce de la pen sée, p.55.

26 E. Kant Projet de paix perpétuelle, p.57.

27 Idem., p.82.

28 Idem., p. 71

29 N. Nkrumah, Le Consciencisme, Présence africaine, 1976, p. 98.

30 Edward Blyden (18 32-1912) philosophe libérien . L African person ality sign ifie pour lui que les africain s on t un e histoire m illén aire et des tradition s hum an istes qui leur don n en t un e valeur hum ain e respectable et dign e leur perm ettan t de traiter d égal à égal avec les autres peuples, en les ouvran t le chem in du progrès par le développem en t des qualités propres de leur civilisation an cienn e. C est pour Chin dji-Kouleu, « L être-au-m on de de l Africain libéré » (Négritude philosophie et mondialisation, éd. CLE, Yaoundé, 2001, p. 229).

31 J an Pato ka, Essais hérétiques, sur la philosophie de l histoire, Trad. Erika Abram s éd. Verdier, 1999, p. 51-52.

32 Idem., p. 52.

33 E. Kant, Projet de paix perpétuelle, p. 70. Pour amples notes, cf. P. Aubenque, La prudence chez Aristote, avec sur appendice, La prudence chez Kant, P.U.F., 1967.

(17)

34 C. Chim uten gwen de, « le pan african ism e et la secon de libération de l Afrique », Bulletin du codesria, n°2, 1997, p. 13.

35 C est dan s l hum an ité tout en tière que toutes les disposition s n aturelles de l hom m e pourron t se développer complètement. Cf. Idée d une histoire univ erselle, cit., p.28.

36 N. Mbongo, p. 53.

Références

Documents relatifs

Le Mali a su également tirer profit du Cadre intégré renforcé (CIR) grâce à l'opérationnalisation de son Unité de mise en oeuvre, à travers laquelle

Exit, voice and loyalty a ainsi pour objectif d’étudier les conditions de développement, conjoint ou non, des deux modes d’action, leur efficacité respective dans

La gouvernance envisagée pour l’eurozone la place sur une trajectoire de collision frontale avec le modèle social. En fait sans véritable solidarité financière, budgétaire, sociale

Cette modernisation de l’éducation a été alors comprise dans le contexte d’un « socialisme à visage humain » et dans le cadre d’une terminologie politique –

Si elles ont été déclinées, au fil du temps, en éducation civique et citoyenne ou en éducation civique juridique et sociale (ECJS), elles ont même été

Des effets défavorables, dont la souffrance au travail, ressortent bien dans le diagnostic établi sur les conditions de travail et leurs effets sur la santé des salariés.. Des

On montre de même que B n’est pas

Nous nous référons explicitement la notion d’ouverture à la possibilité donnée à l’usager d’effectuer certains choix dans la mise en œuvre de ce dispositif,