Qu’est-‐ce que le Vivant ?
1) Introduction : Pourquoi définir le Vivant ?
Nous, étudiants en biologie, sommes amenés à travailler sur un « objet » particulier et peut-‐
être unique à l’échelle de l’univers: le Vivant.
Un scientifique tel que le biologiste se doit, évidemment, de connaître son objet d’étude et d’être capable, en conséquence, d’en donner une définition claire, simple et sans ambiguïté (ne serait-‐ce que par rigueur intellectuelle).
Qu’est-‐ce que le Vivant ?
La question peut paraître absurde, tant il apparait généralement facile et instinctif de pouvoir déterminer si telle ou telle entité appartient ou non au domaine du Vivant.
Cependant, il existe de nombreux cas pour lesquels ce choix n’est pas évident et qui vont donc nécessiter de justifier plus précisément (scientifiquement) cette distinction.
Cette question de la définition du Vivant, de la Vie, intéresse les Hommes depuis des millénaires, beaucoup ont tenté d’y répondre (religion, philosophie, science…) avec plus ou moins de succès, nous allons vous montrer aujourd’hui la complexité de ce problème séculaire mais néanmoins toujours d’actualité qui, loin d’apporter des réponses définitives, soulève surtout beaucoup d’interrogations et de nouveaux problèmes.
2) La difficulté d’une définition stricte
Nous vous proposons une petite rétrospective synthétique d’exemples ayant retenu notre attention.
Aristote :
« Il faut donc nécessairement que l’âme soit substance comme forme d’un corps naturel qui a potentiellement la vie. Or, cette substance est réalisation. Donc, elle est la réalisation d’un tel corps. (…) Et si l’on a besoin d’une formule qui s’applique en commun à toute âme, ce sera : la réalisation première d’un corps naturel pourvu d’organes. » Aristote, De l’âme.
Descartes :
« ce qui ne semblera nullement étrange à ceux qui, sachant combien de divers automates, ou machines mouvantes, l'industrie des hommes peut faire, sans y employer que fort peu de pièces, à comparaison de la grande multitude des os, des muscles, des nerfs, des artères, des veines, et de toutes les autres parties qui sont dans le corps de chaque animal,
considéreront ce corps comme une machine, qui, ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée et a en soi des mouvements plus admirables qu'aucune de celles qui peuvent être inventées par les hommes. » Descartes, Discours de la méthode.
Mathématicien, physicien et philosophe français.
On voit la vision de Descartes qui pour lui les organismes vivants sont des machines c’est la pensée mécaniste. L’Homme ne fait pas partie de cette vision car nous sommes capables de penser par nous-‐même, présence d'une âme et pas seulement un corps.
Darwin :
« Tous ces résultats (…) sont la conséquence de la lutte pour l’existence. C’est grâce à cette lutte que les variations, si minimes qu’elles soient par ailleurs, et quelle qu’en soit la cause déterminante, tendent à assurer la conservation des individus qui les présentent, et les transmettent à leurs descendants, pour peu qu’elles soient à quelques degrés utiles et avantageuses à ces membres de l’espèce, dans leur rapport si complexe avec les autres êtres organisés, et les conditions physiques dans lesquelles ils se trouvent. Leur descendance aura ainsi plus de chances de réussite ; car, sur la quantité d’individus d’une espèce quelconque qui naissent périodiquement, il n’en est qu’un petit nombre qui puissent survivre. J’ai donné à ce principe, en vertu duquel toute variation avantageuse tend à être conservée, le nom de sélection naturelle, pour indiquer ses rapports avec la sélection appliquée à l’homme. » Darwin, L’origine des espèces. Naturaliste anglais.
Après ses visions du vivant par de grands hommes qui ont marqué l’histoire nous allons passer en revue sur des définitions du XXème siècle.
Constantin :
« Renonçant, en tout cas, à chercher une définition de la vie, nous nous efforçons de
préciser la notion que nous allons étudier successivement : 1) l’évolution ; 2) la nutrition ; 3) l’organisation ; 4) la reproduction » (Constantin 1923)
Schrödinger :
« Quel est le trait caractéristique de la vie ? Quand peut-‐on dire qu’un bout de matière est vivant ? Quand il « fait quelque chose », bouge, échange de la matière avec son
environnement, et ainsi de suite, et ceci pendant une période beaucoup plus longue que le ferai un bout de matière inanimée dans des circonstances similaires »
« Ce qu’un organisme engloutit est l’entropie négative. Ou encore, pour l’exprimer de manière moins paradoxale, la chose essentielle dans le métabolisme est que l’organisme réussit à se débarrasser de toute l’entropie qu’il ne peut s’empêcher de produire lorsqu’il est vivant » (Schrödinger, 1956) physicien et théoricien scientifique autrichien.
Muller :
« Le critère du vivant est la potentialité d’évoluer par sélection naturelle : le matériel
génétique lui-‐même possède les propriétés du vivant. Ceci peut être résumé en disant que le critère pour désigner un genre de chose qui possède la vie, est si oui ou non il a la
potentialité, au moins sous certaine condition, d’évoluer par sélection naturelle darwinienne. » (muller 1966) généticien américain.
Jacob :
« Pour le biologiste, le vivant ne commence qu’avec ce qui a pu constituer un programme génétique. Pour lui, c’est seulement du jour où il donne prise à la sélection naturelle qu’un objet mérite le nom d’organisme. La marque du vivant, il la voit dans la faculté de se
reproduire, même si un être primitif exigeait plusieurs années pour former son semblable. » (jacob, 1970) biologiste français.
Reisse :
« S’interroger à propos de l’origine de la vie revient à s’interroger à propos de l’évolution chimique qui a conduit du non-‐vivant au vivant et que l’on doit décrire comme une « génération spontanée progressive ». »
« On constate ainsi que l’être vivant est un système dynamique au sein duquel se déroulent des réactions chimiques. Ce système est capable de réguler ses échanges avec le monde
Raulin :
« La vie […] cet ensemble de propriétés qu’a un système dit vivant : en échangeant de la matière et de l’énergie avec son environnement, il est capable de conserver son haut niveau de complexité et d’information et son autonomie, il se reproduit et évolue par sélection naturelle » (Raulin 2007) chimiste et exobiologiste français.
La définition qui a été retenue est celle de la NASA (1994), qui définit la vie comme étant :
« Un système chimique auto-‐entretenu capable d’évolution darwinienne » (Joyce, 1994).
On peut voir l’extrême variation de penser sur le vivant qui est soumise à la spécialité de leurs auteurs.
On peut voir dans ces définitions de nombreux contre-‐exemples dans les caractéristiques.
Par exemple pour la caractéristique de la reproduction on peut associer tous les êtres vivants issus d’une hybridation qui sont stériles comme le mulet ou le ligre croisement entre un lion et une tigresse. Ils y a aussi les individus pris seuls dans les espèces a sexe séparé, ils ne peuvent pas se reproduire il faut obligatoirement un couple.
Pour les caractéristiques de croissance et la « nutrition » ou la prise d’élément à l’environnement on peut prendre le contre-‐exemple du cristal qui prend les minéraux nécessaires dans son milieu pour ne pas créer d’impureté et donc ont une croissance en taille.
Un contre-‐exemple très souvent utilisé aussi est celui du feu qui peut se propager,
caractéristique de réplication, peut grandir, caractéristique de croissance, prise de nutriment dans son environnement avec l’oxygène et le combustible, caractéristique de la nutrition.
C’est pour ces raison qu’il est très difficile de définir le vivant puisqu’on peut distinguer deux type de critère :-‐ le critère absolue à qui se retrouve chez tous les êtres vivant que l’on va vous décrire après
-‐ Le critère potentiel qui peut être potentiellement absent chez certains organismes.
3) Les caractéristiques du Vivant
A) Un processus organisationnel Ø Métabolisme
Ø Autocatalyse Ø Compartimentation
B) Un processus informationnel Ø Multiplication
Ø Variation Ø Hérédité
4) La question de l’origine
La démarche qui consiste à vouloir définir le Vivant pose, tôt ou tard, la question de sa naissance, de l’apparition de la première entité à pouvoir supporter le concept de Vie. En effet, si l’on pouvait observer l’ancêtre de toute les formes de vie connues, il suffirait
d’analyser ce qui le différencie de ce qu’on appelle « l’inerte » ou « l’inanimé » pour pouvoir enfin comprendre la nature même de la Vie et de son émergence.
Or pour déterminer ce qu’est cette entité, il existe 2 approches strictement opposées : Ø L’approche réductionniste, qui descendant les différents niveaux hiérarchiques
dans la complexité des systèmes organisés, cherche à déterminer quelle est la dernière sous-‐unité à porter toutes les caractéristiques du Vivant.
Ø L’approche évolutionniste, qui, au contraire, cherche à déterminer le processus chimique qui permettrait à des molécules minérales simples de réagir pour
Si nous suivons l’approche réductionniste, nous arrivons rapidement à l’organisme vivant le plus simple connu : la bactérie. Cependant une courte analyse de son organisation nous montre qu’elle a besoin, pour exister en tant que telle
Ø De lipides pour sa membrane Ø De protéines pour son métabolisme
Ø D’un acide nucléique pour son information génétique
Depuis que Pasteur a réfuté la théorie de la génération spontanée, on ne peut imaginer qu’un système aussi complexe puisse émerger spontanément, même en présence de nutriments complexes. Et pourtant, il a bien fallu qu’il apparaisse.
Notons que les protéines sont synthétisées par la traduction d’un acide nucléique, elle-‐
même catalysée (au moins en partie) par des protéines : c’est le paradoxe de l’œuf et de la poule.
On ne peut alors expliquer l’apparition d’une cellule qu’en considérant qu’elle résulte de l’évolution d’un processus chimique extrêmement élaboré, qui lui a préexisté.
Suivons donc l’approche évolutionniste. L’environnement primitif sur Terre a, très probablement, débuté au stade minéral. Des expériences ont montré que de cet univers minéral pouvaient être synthétisées, de façon spontanée, de petites molécules organiques, elles-‐mêmes alors capables d’intervenir dans des réactions de plus en plus complexes et variées. Cependant, cette cascade de réactions se trouve vite limitée pour des raisons thermodynamiques et il est extrêmement improbable d’aboutir ainsi à des macromolécules telles que celles nécessaires à une cellule.
Le contexte d’apparition de la Vie est donc encore flou, limité par nos connaissances du monde « pré-‐biotique » car il n’existe pas à ce jour d’exemple d’une entité à mi-‐chemin entre minéral et biologique, témoin hypothétique de la théorie de l’origine chimique de la Vie. Et c’est là la limite du raisonnement qui consiste à décrire un phénomène apparu il y a près de 4 milliards d’années, à la seule lumière de ce que nous pouvons
observer aujourd’hui.
5) Conclusion :
Si nous pouvons relativement facilement décrire les caractéristiques du Vivant tel que nous le connaissons, les questions concernant son origine, son apparition restent à ce jour ouvertes et sujettes à débat. Notre capacité à répondre à ces questions est limitée par la difficulté de connaître les conditions réelles de l’émergence de la Vie, il y a près de 4 Ga.
Qu’est-‐ce que le Vivant ?
La Vie n’est pas une propriété de la matière, qui aurait émergé soudainement dans un contexte abiotique. En réalité, elle dépasse même la distinction matière inerte/matière vivante, car elle en est un processus organisationnel, lui-‐même inscrit dans un processus d’évolution.
Bibliographie :
-‐ « L’origine de la Vie : histoire des idées », Florence RAULIN-‐CERCEAU, 2009 Ellipses.
-‐ « Comment la Vie a commencé », Alexandre MEINESZ, 2011 Belin.
-‐ « La naissance de la Vie. De l’évolution prébiotique à l’évolution biologique », Marie-‐
Christine MAUREL, 2003 (édition originale 1997) Dunod.
-‐ « Les origines de la Vie. De la naissance de la Vie aux origines du langage » John Maynard SMITH et Eors SZATHMARY, 2000 Dunod.
-‐ « Defining Life », Steven A.Benner, Astrobiology vol.10 n°10, 2010