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De l’utopie aux re´alite´s

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Academic year: 2022

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(1)

P i e r r e D o n a d i e u

La construction actuelle des villes-campagnes

De l’utopie aux re´alite´s

L

’agriculture est-elle seulement une figure de la campagne ? La ville, re´alite´ et image, est-elle incompatible avec les formes et les fonctions des champs, des mate´riels et baˆtiments agricoles et des animaux des fermes ? Telles sont les questions nouvelles que posent aujourd’hui les relations entre les villes et les campagnes. Les historiens de la France rurale et urbaine1ont fait, en effet, de l’opposition de la ville et de la campagne un principe essentiel du changement social et spatial, comme d’ailleurs les ge´ographes et les de´mographes2. Des diffe´rences entre les socie´te´s urbaines et agraires sont ainsi ne´es les mobilite´s qui ont permis la croissance des agglome´rations et leur hypertrophie contemporaine, leur diversification comme leur dilatation spatiale et leur e´talement (pe´ri-urbanisation).

Or la ville, qui est construite le plus souvent aux de´pens de l’espace ouvert pe´riphe´rique agricole ou non, n’expulse pas l’agriculture aussi faci- lement qu’il y paraıˆt. Dans les pays en voie de de´veloppement, l’approvi- sionnement en produits frais, indispensables a` ceux qui n’acce`dent pas facilement au marche´ local, se traduit par la persistance d’une agriculture dans et autour des villes. Dans les pays de´veloppe´s, en revanche, la recherche du bien eˆtre social, et pas seulement des produits frais, tend a`

conserver les espaces agricoles autant pour des raisons d’urbanisme (limiter l’e´talement urbain) que sociales (se´curite´ alimentaire, loisirs, pe´dagogie, cadre re´sidentiel, etc.). Devenu une valeur politique, le vert

H.U.no8 - de´cembre 2003 - p. 1 57 a` 1 70.

1 . G. Duby et A. Wallon (e´dite´ par),Histoire de la France rurale, Paris, Seuil, 4 tomes, 1975- 1977 ; G. Duby (e´dite´ par),Histoire de la France urbaine, Paris, Seuil, 5 tomes, 1980-1985.

2. H. Le Bras, « La ville des de´mographes », dans T. Paquotet alii(sous la direction de),La ville et l’urbain,L’e´tat des savoirs, Paris, La De´couverte, 2000 ; M. Lussault, « La ville des ge´ographes », dans T. Paquotet alii(sous la direction de),La ville et l’urbain,L’e´tat des savoirs »,op. cit.

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urbain n’est plus seulement celui des parcs et jardins publics, mais aussi celui des espaces agricoles, forestiers et naturels.

Dans ces conditions nouvelles, le tissu urbain n’est plus construit seu- lement sur le mode`le d’une opposition entre les valeurs citadines et agraires, mais aussi sur celui d’une association be´ne´fique entre les formes et les fonctions rurales et la vie citadine. Les campagnes deviennent des parties de la ville, parfois de manie`re pe´renne si les actions publiques et les agriculteurs convergent dans un meˆme projet agri-urbain3.

Cette histoire a pris naissance, avec la localisation des cultures (le´gumes, vergers, vignes) et des e´levages, en dec¸a` et au-dela` (ceinture maraıˆche`re) des remparts des villes. Sous toutes les latitudes, « la ville a fait naıˆtre a` ses portes une zone de cultures spe´cialise´es destine´es a` l’ap- provisionner en produits frais »4. Puis le de´veloppement du commerce international, de`s la fin du xviiiesie`cle en Europe (avec les ce´re´ales par exemple), et au xixe sie`cle pour les produits frais, a concurrence´ les productions pe´riurbaines.

Dans les anne´es 1950, les conditions socio-politiques de production e´taient de fait tre`s diffe´rentes selon les pays. Aux grandes exploitations le´gumie`res de Londres, issues des domaines aristocratiques, s’opposaient les petites fermes ne´erlandaises (cultures sous serres) ou celles de la colo- nisation franc¸aise pour produire les primeurs sur le littoral alge´rois5. A` la fin duxxesie`cle, l’urbanisation de la socie´te´ mondiale a fait sortir l’agriculture des villes de la marginalisation, car la survie de dizaines de millions de citadins en de´pendait. En 1996, le Programme de de´veloppe- ment des Nations-Unies a de´fini l’agriculture urbaine(urban agriculture) comme « une industrie qui produit des biens alimentaires et e´nerge´tiques, pour re´pondre surtout a` la demande quotidienne des consommateurs urbains. Ces activite´s ont recours a` des techniques intensives d’utilisation des ressources naturelles et des de´chets urbains pour produire une large gamme de produits ve´ge´taux et animaux »6. Paralle`lement, nous avons e´largi cette de´finition, pour les pays de´veloppe´s, a` la production de services d’inte´reˆt ge´ne´ral re´pondant a` une demande sociale ou politique (espaces ouverts, re´cre´ation de plein air, corridors e´cologiques, pe´dagogie,

3. Ce ne´ologisme est apparu en France, a` la fin des anne´es 1990, dans les re´flexions de la Direction de l’espace rural et de la foreˆt du ministe`re de l’agriculture a` la suite du rapport du se´nateur Larcher sur les questions pe´riurbaines (1999). Il de´signe une action publique visant a`

mettre en œuvre un projet a` la fois agricole et urbain. Les e´chelles de travail peuvent eˆtre aussi bien celle des exploitations agricoles que celles d’une commune ou d’un groupe de communes.

4. M. Phlipponneau,La vie rurale de la banlieue parisienne, Paris, A. Colin, 1956, p. 1 7.

5.Ibidem.

6. PNUD,Urban Agriculture,Food, Jobs and Sustainable Cities, volume 1 , 1996, New-York, p. 3.

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insertion sociale, valorisation immobilie`re, etc.)7. La notion de multifonc- tionnalite´, de´veloppe´e re´cemment par le sociologue et pre´sident de l’Inra, B. Hervieu8, a servi ensuite de cadre conceptuel a` l’e´tude compare´e de diffe´rentes situations dans le monde.

Nous analyserons successivement la construction du mode`le urbain de la ville-campagne, puis les processus et les acteurs de sa production, mate´rielle et immate´rielle. Rappelons que selon le PNUD (1996), 800 millions de personnes sont, surtout pour des raisons alimentaires, directement concerne´es par l’agriculture urbaine, ainsi que 200 millions d’agriculteurs, souvent a` temps partiel9.

Le mode`le de la ville-campagne

L e s fig u r e s h e´ r i t e´ es

Le lien qui tient ensemble la ville et la campagne est ancien et repose sur des attentes sociales et politiques diffe´rentes, mais non exclusives.

La premie`re figure de la ville et de « sa campagne », formalise´e par les travaux anciens de Von Thu¨nen (1 826) indique que la ville induit, the´ori- quement, la formation de couronnes agricoles dont l’intensite´ productive diminue du centre vers la pe´riphe´rie (des cultures sous abris jusqu’a` l’e´le- vage extensif et la foreˆt). Dans les autres mode`les qui suivirent (notamment celui de W. Christaller : la the´orie des lieux centraux en 1924), l’espace agricole disparaıˆt de la repre´sentation urbaine, car la ville tend a` s’affran- chir de sa de´pendance alimentaire et e´nerge´tique, graˆce aux transports (trains, canaux, camions, avions, etc.) et aux techniques de conservation et de conditionnement. Devenue syste`me fonctionnel, la ville a e´te´ ensuite incluse dans une logique de syste`mes de villes, ou` se joue, a` l’e´chelle nationale ou internationale, leur comple´mentarite´ ou leur concurrence10. Avec la disparition du monopole dont jouissait le producteur de banlieue et la concurrence des producteurs du monde entier produisant

7. A. Fleury et P. Donadieu, « De l’agriculture pe´riurbaine a` l’agriculture urbaine »,Le Courrier de l’environnement de l’INRA, no31 , 1997 ; P. Donadieu,Campagnes urbaines, Paris, Actes Sud, 1998. Les chercheurs en France n’ont reconnu la singularite´ de l’agriculture urbaine que depuis 10 ans. Ils mettent en avant plusieurs crite`res : le couˆt e´leve´ du foncier, les handicaps agricoles, la haute valeur ajoute´e, la rare´faction des e´levages et des cultures pe´rennes, la diversification des productions, etc.

8. B. Hervieu, « LOA et multifonctionnalite´ de l’agriculture », Parlons-en, no11 4-01 , p. 4-9.

9. Ces chiffres ont e´te´ repris dans le rapport agriculture urbaine et pe´riurbain de la FAO en 1999.

10. A. Jouveet alii,La France des villes,le temps des me´tropoles, Rosny, Breal, 1996, p. 25-26.

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a` plus bas prix, les agriculteurs intraurbains et pe´riurbains ne doivent, dans un contexte de spe´culation foncie`re forte, leur survie que, soit a`

une rentabilisation e´leve´e de l’usage du foncier, soit a` des actions publi- ques rigoureuses et durables. Dans le premier cas, le maintien des serres autour de Rotterdam ou de quelques vignobles re´pute´s dans l’agglome´ra- tion de Bordeaux est un exemple notable. Dans le second cas, la planifi- cation efficace du territoire comme dans laRandstadt« Holland », dans la re´gion Iˆle-de-France ou a` la pe´riphe´rie de Milan(parco agricola), en Italie, apparaıˆt comme une condition indispensable au maintien des terres agri- coles et des agriculteurs.

La seconde figure du lien positif entre la ville et la campagne repose sur une repre´sentation urbaine de la campagne en tant que lieu ide´alise´ mais re´el de vie. Depuis les auteurs latins de l’Antiquite´, le mode`le de la « vie a`

la campagne », de la ville-nature a` l’agritourisme contemporain, pre´sente la vie et l’espace des champs, non comme le lieu des logiques e´conomiques des agriculteurs, mais comme celui d’un agre´ment bucolique, inspire´ par l’imaginaire de « l’e´ternelle Pastorale ».

Selon cette aspiration sociale, tre`s apparente´e a` celle du jardin d’agre´- ment, la campagne devrait eˆtre produite pour le plaisir des sens et ressem- bler, par exemple, aux images touristiques, gastronomiques ou historiques de la Toscane, de la Provence, ou bien de la Cornouaille ou du Pays de Galles.

Cependant, ces images pittoresques de l’espace agricole sont aujour- d’hui concurrence´es par celle de la nature non cultive´e – la foreˆt, les e´tangs, les fleuves, les landes, maquis et garrigues – du fait d’une e´volution des gouˆts11 et de la suspicion qui pe`se sur les produits issus de l’agricul- ture trop intensive. Meˆme esthe´tise´e, la campagne d’aujourd’hui ne fait pas toujours recette. Parce qu’ils e´voquent la me´moire de pratiques sociales et de paysages disparus ou menace´s, les bocages, les prairies et les vergers surgissent ou subsistent dans les villes, alors qu’ils n’ont plus de fonctions ni d’usages marchands agricoles e´vidents12. C’est le cas en Europe du Nord, aux Pays-Bas et en Allemagne, sous la forme duhobby farminget des paysages culturels(kulturlandschaft).

La ville-campagne, qui se construit ici a` l’interface des valeurs mar- chandes et non marchandes de l’agriculture, n’est donc pas une ville a` la campagne. L’opposition formelle entre la ville et la campagne est autant son paradigme fondateur que la rencontre possible entre les demandes

11 . Y. Luginbu¨hl,La demande sociale de nature et de paysage, Conseil national du paysage, Min.

de l’ame´nagement du territoire et de l’environnement, 2001 .

12. S. Perichon, « L’avenir de l’arbre pe´riurbain autour de Rennes – entre utilite´s e´conomiques et symbolique identitaire des agriculteurs »,Ame´nagement et nature, 1 43, a` paraıˆtre.

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sociales urbaines et les offres des acteurs ruraux. L’explication de cette contradiction tient au fait que la ruralite´ occidentale n’est plus aujourd’hui celle de la civilisation agraire de´crite par M. Bloch dans les Caracte`res originaux de l’histoire rurale franc¸aise (1931 ) ou par Gaston Bachelard dansHistoire de la campagne franc¸aise(1939). Le de´sir de campagne est fonde´ sur des valeurs urbaines, privile´giant l’art urbain de vivre ensemble (la partie de campagne ou le pique-nique familial par exemple) dans un cadre pittoresque et confortable (la maison de campagne). Mais en meˆme temps, les pratiques agricoles tendent souvent a` s’aligner sur le mode`le de l’entreprise industrielle qui porte sa propre logique de production des espaces : approvisionner le marche´ mondial avec l’aide des E´tats pour les denre´es les plus ge´ostrate´giques (ce´re´ales et ole´oprote´agineux).

Ces deux modes de production de l’espace pe´riurbain agricole, au poˆle e´conomique (le marche´) ou au poˆle social (le cadre de vie, la qualite´ des paysages), ont engendre´ des organisations diffe´rentes des espaces ouverts dans et autour des agglome´rations.

D e s f o r m e s s u c c e s s i v e s d ’ u r b a n i t e´

Pour les ge´ographes de la fin duxxesie`cle, l’espace urbain est construit a` partir des notions d’espace central dominant et d’espaces pe´riphe´riques domine´s. Ces derniers, nomme´s successivement faubourg, banlieue, couronne, puis espace pe´riurbain (ou rurbain1 3) ont connu, notamment en France, depuis un sie`cle, une croissance a` la fois spatiale (e´talement du tissu urbain) et de´mographique. Mais l’image et la re´alite´ des pe´riphe´ries changent encore aujourd’hui.

Jusque dans les anne´es 1970 en France, la ville-centre a rejete´ sur ses limites, les usines, les infrastructures, les cimetie`res, les stations d’e´pura- tion et les gares de triage, en bref, tout ce qui n’e´tait pas compatible avec l’image prestigieuse de la ville-centre. Paralle`lement, ont e´te´ refoule´es vers les pe´riphe´ries les populations les plus modestes incapables d’acce´der aux loyers du centre des villes. A` partir des anne´es 1980, les banlieues franc¸aises restent le seul espace ge´ographique a` connaıˆtre encore un accroissement de´mographique. De 1982 a` 1990, elles ont gagne´ plus de 880 000 habi- tants1 4, alors que les centres-villes e´taient stables ou de´croissaient.

Dans les nouvelles pe´riphe´ries, re´investies par les citadins et longtemps conside´re´es comme des banlieues-dortoirs, e´mergent au cours des anne´es 1990 de nouvelles centralite´s secondaires (la ville « e´mergente » – edge

1 3. G. Bauer et J.-M. Roux,La rurbanisation, ou la ville e´parpille´e, Paris, Seuil, 1976.

1 4. M. Jouveet alii,op. cit., p. 85.

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city– des sociologues G. Dubois-Taine et Y. Chalas1 5). Des centres com- merciaux, sportifs, universitaires et culturels apparaissent a` coˆte´ des lotissements re´sidentiels et des infrastructures de transport. Avec l’accrois- sement du temps libre, les usages re´cre´atifs des espaces exte´rieurs se de´veloppent avec des e´quipements spe´cialise´s publics et prive´s (bases de loisirs, foreˆts de loisirs, centres e´questres, campings, terrains de golf, etc.).

Dans ce contexte nouveau d’urbanisation et de migrations re´gulie`res des citadins entre lieux de travail, d’habitat et de loisir, les formes spatiales de se´gre´gation sociale changent. A` la fin duxixesie`cle, la se´paration des classes sociales e´tait surtout verticale. Les domestiques e´taient loge´s sous les toits alors que les e´tages e´taient re´serve´s aux plus fortune´s. Un sie`cle apre`s, suivant en partie en cela les pratiques pe´riodiques de « vie a` la campagne » des plus aise´es, la se´gre´gation sociale devient de plus en plus horizontale. Cela se traduit par des phe´nome`nes de communautarisation comme lesChinatownde me´galopoles telles Londres, Paris ou Montre´al, ainsi que par la localisation des immigre´s pauvres dans les quartiers centraux ve´tustes ou dans les grands ensembles de banlieue. Mais les

« ghettos » concernent autant les plus riches que les plus pauvres, comme en te´moigne le regroupement a` caracte`re exclusif des habitants desgated communities, fermement prote´ge´s de toute intrusion exte´rieure. Chaque groupe tend alors a` s’enfermer dans son territoire. Entre la violence ordi- naire des vols et du vandalisme, et les re´voltes sporadiques des uns, et l’aspiration au confort et a` la paix des autres, l’enjeu principal pour les e´lus urbains est de reconstruire de nouvelles formes d’urbanite´, c’est-a`-dire des manie`res de vivre ensemble en limitant l’exclusion sociale aux formes tole´rables.

De ce point de vue, persiste encore le mode`le haussmannien de ratio- nalisation de l’espace urbain au nom des valeurs d’hygie`ne, de se´curite´

civile et de circulation. Celui-ci fut remplace´ par le projet moderniste (Le Corbusier) qui supprimait la rue et pre´conisait l’espace vert comme forme symbolique du rapport a` la nature. L’impasse de la ville fonction- naliste et sectorise´e fut re´ve´le´e par les inconve´nients de « l’e´clatement urbain ». En fragments (ou en miettes selon les me´taphores), la ville re´duite a` « l’urbain »1 6, ou a` la fois urbaine et rurale, « downtown » et

« suburb », « me´tapole1 7» et « agglome´ration » a progressivement change´

1 5. G. Dubois-Taine et Y. Chalas (e´dite´ par),La ville e´mergente, La Tour d’Aigues, L’Aube, 1997.

1 6. Voir de T. Paquot, « E´tudes urbaines ou sciences de la ville et des territoires ? », dans T. Paquotet alii(sous la direction de),La ville et l’urbain, l’E´tat des savoirs, Paris, La De´couverte, 2000.

1 7. F. Ascher,Metapolis, ou l’avenir des villes, Paris, Odile Jacob, 1995.

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sa nature (compacte et homoge`ne). Elle est devenue, entre autres possibi- lite´s pour le sociologue Y. Chalas, la « ville-nature »1 8.

L a v i l l e - n a t u r e e t l a v i l l e - c a m p a g n e

Yves Chalas distingue sept grandes figures constitutives des villes contemporaines, qui prennent le relais des anciennes figures urbaines19 Selon des logiques non dualistes, elles associent, paradoxalement, « le rural et l’urbain, le centre et la pe´riphe´rie, la ville et la non-ville, le plein et le vide, etc. ». Parmi ces villes, la ville-nature, e´crit le sociologue, ne se re´duit ni aux parcs et aux jardins de l’ornementation classique, ni aux espaces verts de l’hygie´nisme moderne20. Cette ville n’est ni totalement verte, ni e´tale´e dans les campagnes, ni nostalgique ou « verdolaˆtre ». Elle est le re´sultat d’un double mouvement : une urbanisation des milieux naturels et agricoles, et une ruralisation/naturalisation de la ville.

Toutefois il faut bien se´parer les natures non agricoles et agricoles, sans ou avec les agriculteurs et les jardiniers, en tant qu’elles font (la) ville, comme cohe´rence perceptible, liens et nouvelles centralite´s du tissu urbain. La ville-nature est donc une ville ayant naturalise´ l’espace agricole autant que les milieux sans agriculteurs (mais pas sans acteurs), comme les foreˆts ou les lacs. L’espace ouvert, vert ou bleu (aquatique), n’est plus alors un de´laisse´ ou un faire-valoir, mais une forme urbaine, vivante et e´volutive. Il fait voir la ville, parce qu’il n’est pas construit et ne s’oppose pas a` la pe´ne´tration du regard. Il peut eˆtre pense´ comme un vide non- construit faisant (la) ville et produisant son image, autant qu’une re´alite´

mate´rielle de lieux de production de biens alimentaires, e´nerge´tiques ou e´cologiques.

La ville-nature est donc – aussi – une ville-campagne, ou` la prairie, la rizie`re, le verger, la vigne, la serre, le champ de maı¨s ou de carottes, peuvent eˆtre a` la fois « identitaires et fe´de´rateurs ». C’est du moins ce que recherchent les projets agri-urbains en France qui affirment que la rupture du baˆti par l’agriculture est pre´fe´rable a` sa continuite´.

Une ville pourrait-elle pre´server ou inaugurer un « coˆte´ campagne » autant que des « coˆte´s jardins, foreˆts, mers ou e´tangs » ? Peut-on envisager de parler de villes maraıˆche`res, de villes vergers, de villes viticoles ou ce´re´alie`res ? S’agit-il d’utopies ou de´ja` de re´alite´s ?

1 8. Y. Chalas,Villes contemporaines, Paris, Cercle d’art, 2001 . 19. Y. Chalas,op. cit., p. 7.

20.Ibidem, p. 84.

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Dans la planification urbaine, europe´enne et nord-ame´ricaine, ces

« coˆte´s » sont appele´s coupures vertes ou espaces ouverts et font parties des conditions du de´veloppement durable des villes. Cependant, vides re´habilite´s comme promesse de bien-eˆtre social urbain, les espaces agri- coles ne peuvent devenir agri-urbains que s’ils sont transforme´s en lieux ve´cus et approprie´s par les citadins, au moins symboliquement.

Les processus et les acteurs des villes-campagnes

L a d i v e r s i t e´ d e s f o r m e s a g r i c o l es

La diversite´ des formes agricoles dans la ville est a` l’origine des multi- ples images de la ville-campagne. Certaines formes sont produites par d’authentiques entrepreneurs agricoles, et d’autres rele`vent des agricul- tures de subsistance ou de plaisance(hobby farming), ou bien des techni- ques de gestion des espaces publics ve´ge´talise´s ou aquatiques.

Sur des surfaces tre`s variables, de quelques centaines de me`tres carre´s a`

plusieurs centaines d’hectares, dans le tissu urbain ou dans son voisinage imme´diat, l’exploitant peut eˆtre a` la teˆte d’exploitations tre`s diffe´rentes2 1: de produits de peˆche ou de pisciculture d’eau douce ou sale´e, de le´gumes, de fruits, de ce´re´ales, de viande ou de lait, dans des fermes pe´ri ou intraurbaines (par exemple, dans des zones inconstructibles comme les axes d’atterrissage des avions, les passages de lignes e´lectriques a` haute tension et les zones inondables). Il peut aussi s’agir de petits e´levages urbains (volailles, cochons et lapins), de cultures hydroponiques sur les toits d’immeubles, ou de jardins vivriers le long des routes et autoroutes.

Commercialisant les produits sur un marche´, forain ou non, l’agriculture urbaine, le plus souvent intensive – et donc consommatrice de fertilisants sous des formes varie´es – est localise´e dans les vides urbains, et cherche a`

e´conomiser l’eau souvent couˆteuse. Elle peut aussi occuper de vastes espaces ce´re´aliers et pe´riurbains sans vendre sa production directement a` la ville proche, mais en la dirigeant vers les silos des re´gions portuaires.

L’agriculture pe´riurbaine est donc, soit lie´e aux marche´s urbains qu’elle approvisionne ou, hors marche´, au groupe social/familial qui la produit, soit e´trange`re a` la ville qui l’a rejointe, en alimentant les marche´s mondiaux.

La seconde forme d’agriculture urbaine te´moigne d’une e´volution vers des pratiques de moins en moins marchandes et de plus en plus urbaines.

21 . PNUD, 1996,op. cit., p. 4.

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Lehobby-farming, activite´ de plaisance rurale, re´pandue dans tous les pays du monde, suppose de cultiver la terre avec des finalite´s a` la fois mar- chandes et de loisirs. Dans de nombreux cas, le seuil de non-rentabilite´ est atteint, ce qui suppose d’autres sources de revenus pour conserver les formes agricoles a` la manie`re des parcs et des jardins d’agre´ments. C’est le cas des domaines et des fermes, petits ou grands, autour des grandes agglome´rations europe´ennes ou` sont cultive´s, par exemple, des vergers de pommiers, d’oliviers, d’amandiers ou d’agrumes, ou bien des prairies accueillant des chevaux d’e´quitation ou autres e´levages de plaisance (aˆnes, poneys, moutons)22.

Les troisie`mes formes agricoles ou horticoles sont les produits des services publics urbains. Elles peuvent s’inscrire dans une activite´ mar- chande (par exemple les vignes urbaines de Montmartre et de Suresnes a`

Paris). Mais elles peuvent aussi de´pendre en partie ou totalement des financements des municipalite´s, re´mune´rant un service social rendu par une organisation. C’est le cas des jardins familiaux loue´s a` des tarifs tre`s modiques ou des jardins communautaires (d’insertion sociale ou de convi- vialite´ de quartier)23.

En pratique, et a` l’e´chelle d’une typologie mondiale, il faut distinguer l’agriculture urbaine des pays en voie de de´veloppement ou` dominent les formes marchandes et d’autosubsistance, et celle des pays de´veloppe´s ou`

coexistent des formes marchandes, non-marchandes ou mixtes. La distinc- tion entre agriculture (avec des agriculteurs, des viticulteurs, des maraıˆ- chers ou des arboriculteurs) et jardinage (avec des jardiniers) est importante, au moins dans les pays de´veloppe´s, car elle se´pare les profes- sionnels de l’agriculture de ceux qui n’ont pas ne´cessairement ce statut, mais poursuivent d’autres finalite´s marchandes ou non (loisirs, hoˆtellerie, restauration, insertion sociale, subsistance, etc.).

Selon les proprie´taires et les types de mises en valeur du sol – des syste`mes techniques de production pour les agronomes –, selon aussi la nature des actions publiques, l’e´volution des formes agricoles peut eˆtre tre`s variable.

22. Aux Pays-Bas, la moitie´ des 100 000 agriculteurs sont desre´sidential unitset/ou deshobby farms. Ils ne produisent que 10 % de la production nationale ; voir G. Kolkmanet alii« Renewed link between urban and rural areas », dansThe sustainable city II, Advances in architecture, 1 4, Southampton, Witpress, 2002, p. 923.

23. De nombreux travaux existent sur le sujet, notamment : F. Dubost,Les jardins ordinaires, Paris, l’Harmattan, 1997 ; H. Brunon (e´dite´ par), Le jardin notre double, sagesse et de´raison, Autrement, no 1 84 ; P. Donadieu et A. Fleury, « Les jardiniers restaurent notre monde »,Les Carnets du paysage, no9, 2003.

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L e s pr o c e s s u s e´ v ol u tif s

En 1956, le ge´ographe M. Phlipponneau avait souligne´, en re´gion pari- sienne, le roˆle de´cisif du proprie´taire : « Pour le capitaliste parisien, la terre n’a qu’une valeur de placement (...). Au contraire, pour le petit proprie´- taire, la terre a une valeur de production, il maintient ses cultures en zone baˆtie aussi longtemps qu’il tire de son exploitation un revenu supe´rieur a`

celui qu’il obtiendrait du capital foncier »24. Ce raisonnement explique en grande partie les e´volutions urbaines des paysages agricoles urbains si les pouvoirs publics ne jouent pas un roˆle de re´gulation. C’est pourquoi, pour la plupart des acteurs des espaces ouverts pe´riurbains, proprie´taires, exploitants agricoles et e´lus, la terre agricole, fertile ou de peu de valeur, est d’abord une re´serve foncie`re. Le proprie´taire attend l’heure de la vente comme l’agriculteur qui anticipe ce mouvement en achetant des terres plus e´loigne´es de la ville, qu’il soit proprie´taire ou non.

Pour que ce processus, qui lie l’e´volution des formes agricoles a` la seule rente foncie`re, puisse eˆtre infle´chi, des re´gulations de natures politique ou sociale ont e´te´ mises en place dans de nombreux pays, surtout de´veloppe´s.

Certains pays ou re´gions comme la Suisse ou le Que´bec ont prote´ge´

strictement leurs terres agricoles, relativement rares, pour des raisons de se´curite´ alimentaire nationale. C’est le cas aussi au Japon ; les terres culti- vables y sont rares et celles qui sont en re´gions urbaines (rizie`res) sont conserve´es par des incitations fiscales, mais aussi par des contributions directes des consommateurs.

En revanche, en Afrique, l’intervention des pouvoirs publics est faible, en de´pit des besoins manifestes des citadins en produits frais. Selon le PNUD25, de nombreux parcs publics ou espaces ouverts ont e´te´ trans- forme´s en « paysages productifs » dans des pe´riodes de fortes contraintes e´conomiques26. Dans la plupart des cas, l’agriculture urbaine appartient, sauf actions structurantes d’organisations non gouvernementales (ONG), a`

la cate´gorie des e´conomies « informelles » a` faible productivite´ qui occupent des espaces vacants. Ne´anmoins, peuvent se de´velopper, avec parfois acce`s aux preˆts bancaires (ou d’autres origines) et aux techniques modernes, des productions pour les marche´s solvables (volailles, le´gumes europe´ens, agrumes et fleurs). Ce mode`le e´tait celui des pays de´veloppe´s, il y a un sie`cle.

24. M. Phlipponneau,op. cit., p. 550.

25.Op. cit., p. 39.

26. En Europe, le meˆme phe´nome`ne a e´te´ observe´ auxxesie`cle pendant les pe´riodes de guerre.

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En Asie, comme en Afrique tropicale, les formes d’agriculture urbaine sont tre`s diversifie´es et traduisent souvent une re´elle multifonctionnalite´.

Les travaux re´alise´s au CIRAD (Hanoi) et dans le cadre du groupe d’agri- culture pe´riurbaine de l’INRA27(Antananarivo), montrent d’une part des productions rizicoles a` fonction d’autosubsistance, d’autre part des acti- vite´s oriente´es vers les marche´s urbains (maraıˆchage, e´levage, pisciculture, etc.) et contribuant, par la maıˆtrise hydraulique de l’espace a` la re´gulation des crues, voire meˆme a` la production d’ame´nite´s touristiques et patrimo- niales28.

En Europe et en Ame´rique du Nord, en revanche, et hors des cas particuliers de´ja` cite´s, la se´curite´ alimentaire n’est plus en ge´ne´ral une priorite´ parce que la part des budgets familiaux qui est consacre´e a` la nourriture est relativement faible (1 /5 a` 1 /3), et surtout du fait de l’acces- sibilite´ et de la qualite´ des produits. Pour ces raisons, l’agriculture pe´riur- baine n’est pas aide´e en tant que telle depuis son de´clin a` la fin du xixesie`cle.

Un regain d’inte´reˆt pour l’agriculture urbaine s’est manifeste´ tardive- ment dans les anne´es 1980 avec le de´veloppement du jardinage familial, notamment en Europe centrale (80 000 jardiniers a` Berlin, selon le PNUD) et les re`gles de planification territoriale conservant l’agriculture, par exemple dans la Randstadt de Rotterdam a` Amsterdam et Utrecht. En France, outre les documents d’urbanisme (Plan local d’urbanisme et sche´ma de cohe´rence territoriale), depuis la loi d’orientation agricole de 1999, il est possible de prote´ger l’activite´ agricole dans des zones pe´riur- baines (Zone d’agriculture prote´ge´e, indemnite´ compensatrice de handicap urbain des anciens contrats territoriaux d’exploitation). Des initiatives de´ja` anciennes, dans des communes pionnie`res a` Grenoble comme a`

Aubagne, ont permis a` des municipalite´s de racheter des terres agricoles et de promouvoir des filie`res courtes de commercialisation des produits locaux. Plus re´cemment (2001 ), le ministe`re de l’Agriculture et la DATAR ont mis en avant l’inte´reˆt des projets agri-urbains pour illustrer la poli- tique de multifonctionnalite´ de l’agriculture en France.

Il existe donc diffe´rents niveaux d’actions publique et prive´e qui tendent a` installer ou a` maintenir l’activite´ agricole dans les espaces ouverts au lieu de la laisser a` l’urbanisation ou aux espaces verts. Les uns sont a` l’e´chelle des organisations locales (agriculteurs, ONG, associa- tions), les autres a` celle des municipalite´s (planification, achat de terres,

27. Unite´ mixte d’enseignement et de recherche SADAPT.

28. Travaux de P. Moustier et H. De Bon a` Hanoı¨, et C. Aubry a` Madagascar (se´minaire sur la multifonctionnalite´ dans les territoires pe´riurbains, Paris, 2003)

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organisation des producteurs), des E´tats (lois) ou des institutions interna- tionales (PNUD, FAO).

L e s v i l l es - c a m p a gn es et s es a c t e u r s e n Eu r o p e

Le mode`le de la ceinture verte maraıˆche`re duxixesie`cle, dont la pro- duction n’e´tait possible qu’avec les eaux use´es, les fumiers ou autres de´chets urbains n’est pas re´volu. Il se retrouve dans les pratiques agricoles observe´es dans les villes des pays en voie de de´veloppement, notamment en Asie et en Afrique tropicale.

En Europe, en revanche, les sce´narios pe´riurbains restent flous en de´pit des politiques publiques vertes (plan vert, ceinture verte, cœur vert, corridor vert, re´seau vert, etc.) qui cherchent a` conserver l’agriculture (et la foreˆt) dans les collectivite´s urbaines. Or, ces agricultures, soumises aux re`gles de la rente du capital foncier ne sont pas vraiment fiables. Les unes, comme les cultures ce´re´alie`res et d’ole´o-prote´agineux de´pendent des prix fixe´s par la Politique Agricole Commune (PAC) a` Bruxelles et qui sont tendanciellement en baisse depuis 10 ans. Les autres, comme les surfaces en herbe, sont lie´es aux subventions menace´es de la PAC. Quant aux productions laitie`res et le´gumie`res, leur pre´sence dans la pe´riphe´rie des villes de´pend directement des prix pratique´s sur le marche´ et des politiques attractives pour le consommateur (AOC, label d’agriculture biologique, etc.). Sans doute des aides publiques a` des pratiques plus respectueuses de la qualite´ de l’environnement (mesures agrienvironne- mentales, contrats territoriaux d’exploitation, contrats d’agriculture durable depuis 2002 en France) sont-elles apporte´es, mais rien dans les de´bats europe´ens ne vient, en 2003, garantir leur pe´rennite´, notamment dans les re´gions sensibles comme les espaces pe´riurbains.

Face a` ces conditions instables, ou` les Re´gions d’Europe jouent parfois un roˆle politique et financier de´cisif pour stabiliser les agriculteurs, les villes peuvent-elles faire le pari des projets agriurbains ? Les incertitudes e´conomiques pourraient leur faire pre´fe´rer des projets sylvo-urbains. Les quartiers de bois et de parcs urbains ne sont-ils pas tre`s recherche´s par les citadins ? Il y a cependant plusieurs objections a` ce sce´nario peu couˆteux et tre`s fiable d’installation de la ville-nature par le pre´verdissement :

1 ) Les ambiances boise´es ne sont supportables qu’avec des clairie`res ou avec de larges espaces ouverts qui donnent acce`s a` l’horizon.

2) La croissance d’une foreˆt est lente, 50 a` 100 ans, ce qui est long a`

l’e´chelle d’un mandat e´lectoral.

3) Les risques d’inse´curite´ alimentaire tendent a` augmenter avec une productivite´ accrue, meˆme avec des re`gles d’agriculture raisonne´e.

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L’alternative agricole urbaine vaut donc surtout par sa dimension sociale et e´conomique, pour autant que le projet soit agri-urbain (a` la fois e´conomique, re´cre´atif, re´sidentiel, pe´dagogique, e´cologique, etc.) et non seulement agricole ; parce qu’e´galement le couˆt de la cre´ation et de l’entretien des espaces verts, traditionnels, devient trop e´leve´ pour la col- lectivite´, meˆme si les pratiques de jardinage sont pourvoyeuses d’emplois non ou peu spe´cialise´s.

Dire que des fractions de territoire urbains vont devenir ou rester agri- coles, c’est, pour les e´lus, admettre que l’image de leur ville puisse eˆtre attache´e a` celle d’un ou de plusieurs produits ou paysages emble´matiques.

L’image ce´re´alie`re d’Amiens peut-elle succe´der a` celle, moribonde, des ce´le`bres hortillonnages ? La ville de Palerme en Sicile peut-elle reconque´rir la re´alite´ et l’image de ses vergers d’agrumes abandonne´s ? Les rizie`res du parc agricole de Milan peuvent-elle eˆtre associe´es a` la re´putation e´cono- mique de la capitale lombarde ? Dans les socie´te´s marchandes, les villes se vendent comme n’importe quel objet, c’est-a`-dire avec des images. Parmi celles-ci, la ville-campagne, promesse de bien-eˆtre social, individuel et collectif, n’est cependant qu’une option dans les figures de la ville.

Au centre de cette incertitude, les agriculteurs sont partage´s entre leur identite´ d’entrepreneur agricole tourne´ vers la campagne rurale, et les perspectives singulie`res ouvertes par la ville, ses marche´s renouvele´s, ses services culturels et commerciaux et les multiples possibilite´s de revenus comple´mentaires (vente de compost, cueillette directe, locations de baˆti- ments, visites, agri-tourisme, travaux et emplois des conjoints, etc.).

De leur coˆte´, les e´lus ont des interlocuteurs de nature tellement varie´e et en ge´ne´ral peu organise´s face aux enjeux urbains, qu’ils he´sitent a`

formuler des projets qui mettent re´solument en relation les socie´te´s agricole et urbaine.

La construction d’une agriculture urbaine multifonctionnelle est de fait un projet audacieux, surtout s’il est formule´ avec des finalite´s sociales et e´conomiques : mieux vivre la ville ensemble. En pratique, se mettent aujourd’hui en place des pratiques agricoles diversifie´es qui re´pondent aux choix et aux contraintes de chaque exploitant. Vivre ou non avec les marche´s urbains est la question essentielle pour l’agriculteur ; il y re´pond diffe´remment selon sa situation familiale, son aˆge, les syste`mes techniques qu’il maıˆtrise et sa capacite´ a` s’adapter a` l’attente citadine.

La` ou` les agriculteurs sont de´faillants, il appartient alors aux collecti- vite´s de trouver d’autres partenaires ou de choisir d’autres formes de gestion, forestie`re ou de parcs publics ou prive´s, qui garantissent la pe´ren- nite´ des espaces ouverts de la ville-campagne. L’alternative est, on le sait, dans la poursuite de l’e´talement urbain, mais a` condition qu’il existe

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toujours un marche´ de la construction et que les E´tats, les Re´gions ou les communes ne l’aient pas conside´rablement limite´ ou cadre´ (densification).

Conclusion

Dans la ville-nature, e´crit Y. Chalas, il n’est pas ne´cessaire que le ve´ge´tal soit abondant ou qu’il se plie a` une mise en sce`ne de´corative. Seul compte le fait qu’il organise l’espace a` jeu e´gal avec le construit.

Dans la ville-campagne, qui est un cas de figure agricole de la ville- nature, c’est l’agriculteur ou le jardinier qui est a` l’origine de la production des formes du paysage, avec ou sans le cadre des re`gles impose´es par les citadins, ou concerte´es avec eux. Ces re`gles supposent, de fait, un contrat social entre la ville et les agriculteurs, contrat qui fait de l’espace agricole une ve´ritable infrastructure urbaine29. En d’autres termes, la production des ame´nite´s des paysages agricoles pe´riurbains devient une pratique aussi importante que celle des biens alimentaires.

Le consommateur de paysages, qui be´ne´ficie d’un droit de regard sur les pe´riphe´ries urbaines – ou le revendique –, (re) devient alors un acteur citoyen de la construction urbaine. Les natures visibles qui lui sont offertes pour construire « sa ville » rele`ve autant des espaces « sauvages » ou cultive´s que du jardin public ou prive´.

Les pe´riphe´ries des villes occidentales sont donc sans doute conduites a`

se partager entre deux formes d’agriculture, comme aux Pays-Bas30. L’une est une agro-industrie seulement oriente´e vers les marche´s mondiaux, l’autre une agriculture locale, multifonctionnelle, de´termine´e par les services urbains (consommation de paysages et de biens de nature, d’ali- ments se´curise´s, de calme et de tranquillite´). La premie`re est re´solument engage´e dans les logiques libe´rales de l’entreprise (plus ou moins soute- nues par les E´tats). La seconde, en tant qu’agriculture sociale, ou socia- lise´e, peut re´pondre aux attentes citadines si la non-constructibilite´ du sol est prise en charge par les re`gles publiques. Le passage de l’une a` l’autre, ou le me´lange des deux agricultures, peut alors s’ope´rer en fonction des contextes locaux ou nationaux, soit dans le sens d’une multifonctionnali- sation (avec diversification plus ou moins marque´e), soit dans le sens d’une spe´cialisation accompagne´e de se´gre´gations spatiale et sociale plus ou moins prononce´es.

29. A. Fleury, « Agriculture as an urban infrastructure a new social contact », dansThe sustai- nable city II, Advances in architecture, 1 4, Southampton, Witpress, 2002.

30. G. Kolkmanet alii,op. cit., p. 922.

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