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Communautarisme

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Jan 2017

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Communautarisme

Fabrice Dhume

To cite this version:

Fabrice Dhume. Communautarisme. Dictionnaire de l’immigration en France, 2012, 9782035848390. �halshs-01421704�

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DHUME Fabrice, « Communautarisme », in LAACHER S. (dir), Dictionnaire de l'immigration en France, Paris, Larousse, 2012

Communautarisme

Le terme de « communautarisme » a fait irruption récemment dans le vocabulaire français. Apparu épisodiquement dans les années 1980, dans le discours public, il n’est entré dans le dictionnaire au mieux qu'en 1997 (Petit Larousse). Il est le plus souvent utilisé pour son flou et ses implicites, sans être défini – si ce n'est à travers une tentative d'objectivation de Pierre-André Taguieff. Ce néologisme s'impose dans le débat public, non pas pour désigner des faits sociaux inédits, mais en relation avec une inflexion des discours politiques. Par exemple, si le terme a été abondamment utilisé entre les années 2003-2005, à l'occasion de la polémique qui a aboutit au vote d'une loi interdisant le « voile » à l'école, il n'a été que très peu employé lors de la première polémique médiatico-politique sur le « voile », en 1989 (« affaire de Creil »). En quinze ans, le même thème politique a changé d'interprétation, en même temps que le référentiel politique a évolué dans un sens ethnonationaliste – c'est-à-dire une logique nationaliste qui se réfère à une conception ethnique de la nation. Le terme de « communautarisme » signale et consacre cette évolution, en même temps qu'il en a été l'un des instruments.

Quasiment absente du débat public jusqu'aux années 1990, cette notion s’est imposée, dans la presse nationale, principalement en deux temps : une première étape en 1993-1994, et une seconde autour de 2001. Deux évènements précis ont servi de support à l'imposition de cette notion, tous deux liés au thème du « terrorisme islamique ». Le premier est « l’affaire Khaled Kelkal », du nom de ce jeune homme qui a grandi à Vaulx-en-Velin et a été soupçonné d’avoir co-organisé des attentats à Paris, en lien avec les Groupes islamiques armés (GIA) algériens ; il a été abattu par la gendarmerie le 29 septembre 1995 devant les caméras. Le second événement qui a fournit au terme sa légitimité est le « 11 septembre 2001 », date des attentats contre le World trade center à New York ; ces derniers ont été mis en œuvre par des jeunes hommes dont l'un au moins a grandi en France. Ces évènements ont tous deux été interprétés comme le fait que le terrorisme n'aurait pas sa source seulement à l'étranger, mais que la France elle-même serait susceptible de « nourrir en son sein » de futurs « terroristes » susceptibles de se retourner par la suite contre elle.

L'imposition de ce terme dans les discours publics traduit donc le retour de l'idée d'un ennemi

intérieur – idée qui resurgit régulièrement en temps de guerre (cf. le thème de la « cinquième

colonne »). C'est pourquoi ce terme sert souvent d'insulte politique, de disqualification de personnes, de groupes ou d'initiatives, en les soupçonnant d'infidélité à la communauté nationale. Le terme de « communautarisme » est en conséquence chargé d'un sens nettement et systématiquement péjoratif. Les discours politiques qui s’y réfèrent relèvent d’une figure idéologique fondée sur l’opposition entre un « modèle républicain » et d'autres, concurrents, qui menaceraient, lit-on souvent, de le « subvertir », le « gangrener », le « grignoter », le « saboter », etc. A l'instar de l'idée de « repli communautaire », c'est aussi un terme policier qui justifie au moins un appel à la vigilance, et souvent une logique du soupçon. Celle-ci se fixe tout particulièrement sur l'islam, mais dans le temps son application s'étend aux mouvements homosexuels, féministes, etc. tous supposés « communautaires ». A l'inverse de l'idée de « repli communautaire », toutefois, celle de « communautarisme » sert des discours catastrophistes, organisés par un sentiment d’urgence d'une menace ; le terme est un appel à la défense, dans une référence explicitement guerrière. Ces discours appellent au moins à un retour en force d'une politique « d'intégration républicaine », et souvent aussi d'une logique d'ordre policier si ce n'est militaire (à titre d'exemple, ce mot a servi de justification à l'envoi de l'armée face à la révolte des banlieues fin 2005).

Malgré les apparences, ce terme fonctionne très différemment d'autres concepts formellement proches, car formés sur la même racine. La communautarisation, par exemple, désigne un processus

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de mise en commun, ou plus spécifiquement, la gestion commune par plusieurs Etats de droits et de ressources (typiquement, les espaces et ressources maritimes). C'est à ce titre que l'on peut parler de la communautarisation européenne. Il en va très différemment de « communautarisme » : d'une part, ce terme ne décrit pas un processus de mise en commun réel, et il est plus souvent utilisé dans un registre général et flou qu'il ne sert à désigner des situations précises ; d'autre part, cette notion a pour référent et horizon le niveau national, et peut être justement utilisée pour dénoncer dans l'Europe une dépossession des Etats-Nations.

Ce terme est souvent relié, dans les discours français, à l'idée d'un « modèle libéral anglo-saxon » que l'on oppose à un « modèle républicain français ». Il est alors rapproché du terme nord-américain

communautarianism, qui renvoie à un débat philosophique opposant notamment des approches

« libérale » et « communautarienne ». Ce débat porte sur les principes de justice et de reconnaissance politique de communautés ou de minorités, lesquelles seraient susceptibles d'être le support de droits et de protections spécifiques. De ce fait, certains auteurs attribuent au terme de « communautarisme » une origine anglo-saxonne : ce serait, selon Louis-Georges Tin, « un argument qui vient de l’extrême-droite anglaise et américaine pour dénier la légitimité du mouvements des Civil rights » (« droits civiques »). Mais, si le terme de « communautarisme » fonctionne en effet comme un déni de légitimité de revendications égalitaristes, il traduit mal les enjeux du contexte nord-américain, dans lequel l'idée de communities a un sens assez différent du contexte français. Aussi, plutôt qu'une traduction d'un terme issu du débat nord-américain, l'idée de « communautarisme » apparaît spécifique à l'espace socio-géo-politique français - bien qu'elle soit parfois reprise par la suite dans d'autres pays (Belgique, etc.). Utilisé par les opposants à des demandes de reconnaissance ou à des affirmations identitaires (par exemple, la Gay pride), ce terme sert à renvoyer ces manifestations politiques à un statut étranger. Comme si ces revendications n'avaient pas de sens ici et qu'elles n'étaient qu'un produit importé ou imposé par un « modèle anglo-saxon » hégémonique menaçant un « modèle français ». Le terme de communautarisme exprime ainsi une réaction à des évolutions politiques de la société française.

Bibliographie

DHUME Fabrice, « L’émergence d’une figure obsessionnelle : comment le “communautarisme” a envahi les discours médiatico-politiques français », in Asylon(s), n°8, juillet 2010, (En ligne) URL : http://www.reseau-terra.eu/article945.html

DHUME-SONZOGNI Fabrice, Liberté, égalité, communauté ? L'Etat français contre le

« communautarisme », Paris, éditions Homnisphères, 2007.

TAGUIEFF Pierre-André, « Vous avez dit communautarisme ? », Le Figaro, 17 juillet 2003.

TISSOT Sylvie, « Le “repli communautaire”: un concept policier. Analyse d'un rapport des Renseignements généraux sur les “quartiers sensibles” », 28 octobre 2004. (En ligne) URL : http://lmsi.net/article.php3?id_article=322.

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