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De l'inconvénient de la conjuration : sociologie de l'inachèvement de l'implantation de la gestion intégrée de l'eau par bassin versant au Québec

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(1)

De l’inconvénient de la conjuration :

Sociologie de l’inachèvement de l’implantation de la gestion intégrée

de l’eau par bassin versant au Québec

Thèse NANCY EMOND Doctorat en sociologie Philosophiae Doctor (Ph.D.) Québec, Canada © Nancy Emond, 2017

(2)

III

Résumé

Bien plus qu’une simple question d’équilibre entre l’offre et la demande, l’analyse de la gestion des ressources en eau implique d’appréhender un système dont les éléments, naturels et sociaux, sont liés par des interdépendances complexes. La présente thèse porte sur les facteurs socio-relationnels, c’est-à-dire relatifs aux relations sociales (acteurs, natures, formes, objets des relations) qui participent à l’impasse de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (ci-après, GIEBV) au Québec. L’objectif principal de cette étude est de comprendre ce qui explique que la mise en œuvre de la GIEBV demeure inachevée plus d’une décennie après l’adoption de ce nouveau mode de gestion. Cette thèse permet d’approfondir la connaissance sociologique de la gestion durable des ressources naturelles dans la mesure où elle met l’emphase sur la capacité des acteurs à s’intégrer à un nouveau système d’action. Théoriquement, la démarche vise à valider la pertinence de (i) bonifier l’approche néo-institutionnaliste de l’action publique par l’introduction des variables informationnelle et identitaire, et (ii) de croiser les hypothèses de cette école de pensée avec celles de l’analyse structurale (dite réseau ou diktyologie).

À la lumière de la littérature, nous postulons que l’idéal-type d’une mise en œuvre de la GIEBV que l’on pourrait qualifier d’achevée devrait reposer sur une intégration et une participation «effective» (i) d’acteurs forts (dotés de capacités et de pouvoirs d’influence), (ii) reconnus socialement et politiquement comme acteurs, (iii) bénéficiant d’un niveau de confiance élevé, (iv) dont les rôles et responsabilités sont clairement définis, (v) partageant des idées (valeurs, croyances) et des intérêts (buts poursuivis), (vi) ainsi qu’une identité commune se traduisant en sentiment d’appartenance au territoire de gestion, et (vii) partenaires dans un système d’échange d’informations (à niveaux multiples par essence) (viii) dont les interactions, institutionnalisées, s’inscrivent dans une temporalité longue.

Les résultats montrent que le principal acteur désigné pour assurer la mise en œuvre de la GIEBV, à savoir les organismes de bassin versant (ci-après, OBV), s’avère être en fait un non-acteur autant par détermination que par autodéfinition. Mais l’analyse sociologique nous pousse à aller plus loin. L’OBV est un acteur faible si l’on s’en tient au sens strict du terme, parcouru de contradictions dues à l’ambigüité de son rôle : à la fois acteur passif, en tant que cadre d’action, organisation frontière et relais, et acteur organisationnel fortement mimétique, globalement dépourvu d’une identité d’acteur qui lui est propre. S’il est un acteur influent, il ne l’est qu’officieusement par le biais de son rôle informel et émergent de réseau d’information. L’OBV n’est actuellement ni un acteur collectif, ni un acteur stratégique. Il est un acteur-réseau en devenir. Ce rôle émergent explique alors pourquoi les OBV occupent une position néanmoins centrale dans le système de gestion de l’eau, dont la légitimité commence à s’établir depuis 2009. Par ailleurs, nous avons pu observer que, contrairement à notre proposition conceptuelle de départ sur l’articulation des variables d’action publique, ce sont les facteurs socio-relationnels d’«intérêts» et d’«information» qui ont le plus contribué à l’évolution de la gestion de l’eau vers un mode davantage intégré, alors que l’ambiguïté soutenue entourant les «idées», ou plus spécifiquement l’idée d’acteurs et de leur intégration, participe négativement à la mise en place du nouveau mode de gestion. L’interprétation de la GIEBV et du rôle des OBV, à la fois localement différenciée et institutionnellement isomorphe, donne lieu à un manque de cohérence à l’échelle provinciale, empêchant ainsi l’émergence d’un référentiel d’action collective. En plus de la précarité des OBV, le manque de cohérence pourrait ainsi expliquer l’absence d’un mouvement revendicateur de changement. Il en résulte que le nouveau mode de gestion demeure encore aujourd’hui au stade expérimental selon le classement de Matland (1995).

(3)

IV

Abstract

More than a simple matter of equilibrium between supply and demand, the analysis of water resources management implies to apprehend a system of complex interactions between natural and societal elements. The present thesis focuses on socio-relational factors (i.e. pertaining to the actors, natures, forms and objects of social relations) that contribute to the deadlock that has become integrated water resources management (hereafter IWRM) in Quebec. The main objective of this enquiry is to understand what explains the unsuccessful implementation of IWRM a decade after this new management approach was initiated. This thesis seeks to deepen the sociological understanding of IWRM inasmuch as its puts an emphasis on the capacity of actors to integrate a new system of action. Theoretically the employed method allows to validate the relevance of i) bonifying the neo-institutional approach with the introduction of new information and identity variables, and ii) cross-referencing the hypotheses of the neo-institutional school of thought with those of structural analysis (social network theory or « diktyology »).

In the light of literature review, we postulate that an ideal-type of a complete implementation of IWRM should rely on the effective integration and participation of (i) powerful actors (that possess capacities and powers of influence), (ii) that are socially and politically recognised as actors, (iii) that benefit from a high level of confidence, (iv) whose roles and responsibilities are clearly defined, (v) that share common ideas (values, beliefs) and interests (goals pursued), (vi) along with a shared identity that results in a sense of belonging to the managed territory, and (vii) that are associated within an information exchange system (that is multi-leveled in essence) and (viii) whose institutionalised interactions exist within a long-term temporality.

Results show that the principal actor designated to insure the implementation of IWRM, namely watershed councils (hereafter WSC), is proved to be in fact a non-actor, as well in terms of determination than by self-definition. But sociological analysis drives us further. WSC are weak actors in the strict sense of the term, subjected to contradictions caused by the ambiguity of their role: at once passive actors in their quality of frameworks, boundary organisations and relays, and strongly mimetic organizational actors, generally deprived of distinctive actor identities. If they are actors, it is only in an unofficially, by way of their informal role of information network. At this time the WSC are neither collective actors, nor strategic actors. They are network actors in the making. This emerging role therefore explains why WSC nevertheless occupy a central position in the system, the legitimacy of which is starting to ascertain itself since 2009. Futhermore, we were able to observe that, contrarily to what was stated in our initial conceptual proposition relating to the articulation of variables, it is revealed that socio-relational factors of « interest » and « information » contribute most to the evolution of water management to a more integrated, whereas a sustained ambuigity surrounding « ideas » and, or more specifically the idea of actors and their integration, participate negatively to the implementation of the this new management mode. From the interpretation of IWRM, both locally differentiated and institutionally isomorphic, arises a lack of coherence at the provincial scale, which prevents the creation of a global referential of collective action. In addition to the precarity of organisms, the observed lack of coherence could explain the absence of a social movement claiming for political change. This situation results in the fact that the new mode of management that is IWRM remains to this day in an experimental state according to the classification of Matland (1995).

(4)

V

Table des matières

Résumé... III Abstract ... IV LISTE DES TABLEAUX ... IX LISTE DES FIGURES ... IX LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES ... XI Remerciements ... XV

Propos introductifs ... - 1 -

Première partie ... - 8 -

Chapitre premier : Le modèle de la GIEBV ... - 9 -

1.1. Portrait statistique des publications sur la GIEBV ... - 9 -

1.2. La définition de la GIEBV ... - 16 -

1.3. Les principaux enjeux de la GIEBV ... - 17 -

1.4. L'intégration ... - 18 -

1.5. Le rôle des OBV (ou autres entités homologues) ... - 21 -

1.6. La GIEBV – un modèle ? ... - 21 -

1.7. Les facteurs socio-relationnels participant à la réussite de la mise en oeuvre ... - 22 -

Chapitre second : L’apport sociologique ... - 25 -

2.1. Les acteurs et leurs pouvoirs ... - 26 -

2.1.1. Les ressources de pouvoir ... - 28 -

2.1.2. Positions, rapports et formes de structuration des relations ... - 30 -

2.2. Sociologie du lien social et de l'intégration ... - 33 -

2.2.2. Le capital social comme ciment relationnel essentiel à l’intégration ... - 36 -

2.2.3. La participation ... - 37 -

2.3. Les réseaux ou l’interactionnisme structural ... - 39 -

2.3.2. La formalisation de l’analyse réseau ... - 41 -

2.4. Les variables explicatives de la (non) mise en œuvre de l’intégration des acteurs : retour aux sources de l’action publique et du néo-institutionnalisme ... - 46 -

2.4.1. La mise en oeuvre ... - 46 -

2.4.2. La théorie du changement dans l’action publique ... - 48 -

2.4.3. Les variables d’action publique comme facteurs socio-relationnels ... - 52 -

(5)

VI

2.4.3.2. Les idées ... - 55 -

2.4.3.3. Les intérêts ... - 59 -

2.4.4. De la bonification de l’analyse par l’ajout de variables ... - 61 -

2.4.4.1. L’information ... - 61 -

2.4.4.2. L’identité ... - 63 -

2.4.5. L’articulation des variables d’action publique (ou facteurs socio-relationnels) ... - 67 -

2.4.5.1. Essai d’articulation des variables d’action publique (ou facteurs socio-relationnels) appliqué à l’étude sociologique de la GIEBV ... - 69 -

Chapitre troisième : La démarche ... - 72 -

3.1. L’analyse documentaire ... - 72 -

3.2. L’analyse de discours ... - 73 -

3.3. L’analyse réseau ... - 75 -

3.4. Les entretiens semi-dirigés ... - 78 -

3.5. La mise en perspective comparative ... - 79 -

Seconde partie ... - 81 -

Chapitre quatrième : ... - 82 -

La définition politico-administrative de la GIEBV ... - 82 -

4.1. Historique de la GIEBV au Québec ... - 82 -

4.2. Définition étatique de la GIEBV ... - 89 -

4.3. Précision du rôle des OBV ... - 89 -

4.4 Le modèle logique de la PNE ... - 91 -

4.5. La formalisation de la mise en œuvre de la GIEBV ... - 96 -

4.6. Analyse de la définition politico-administrative de la GIEBV... - 109 -

Chapitre cinquième : ... - 114 -

L’appropriation locale de la GIEBV ... - 114 -

5.1. L’autodéfinition ... - 115 -

5.1.2. L’analyse des slogans ... - 118 -

5.1.3. La définition de la GIEBV et de l’intégration ... - 119 -

5.1.4. Définitions comparées ... - 119 -

5.2. L’action stratégique – Du détachement ou de la loyauté ... - 120 -

5.2.1. Objets des publications ... - 121 -

(6)

VII

5.2.3. Définition médiatique de la GIEBV ... - 125 -

5.2.4. Définition médiatique du rôle des OBV ... - 128 -

5.2.5. L'identité médiatisée ... - 131 -

5.2.6. Analyse de la prise de parole en tant que stratégie de détachement institutionnel ... - 131 -

5.2.7. Conclusions sur l’appropriation locale de la GIEBV ... - 133 -

Chapitre sixième :... - 136 -

L’évolution des dynamiques d’intégration ... - 136 -

6.1. L’analyse structurale (ou réseau) ... - 138 -

6.2. Capacité de faire évoluer le système de relations de la GIEBV ... - 143 -

6.3. Approfondissement de la compréhension du système de relations ... - 148 -

6.3.1. Contexte des relations entre les OBV et les acteurs de l’eau ... - 149 -

6.3.2. Nature des relations entre les OBV et les acteurs de l’eau ... - 153 -

6.3.3. Avantages des relations entre les OBV et les acteurs de l’eau ... - 155 -

6.3.4. Corroboration entre la volonté politique et l'intégration perçue par les acteurs ... - 155 -

6.3.5. L’influence des facteurs socio-relationnels ... - 161 -

Les facteurs favorables à l’intégration... - 161 -

Les facteurs nuisant à l’intégration ... - 161 -

6.3.6. Fluctuation temporelle de l'intégration ... - 163 -

6.3.7. L'impact du redécoupage de l'unité de gestion ... - 164 -

6.4. Conclusions sur la dynamique d’intégration ... - 165 -

Chapitre septième : ... - 168 -

Évaluation du niveau d’implantation de la GIEBV en termes d’intégration ... - 168 -

7.1. Cas à l’étude ... - 170 -

7.2. Résultats de l’évaluation ... - 180 -

7.2.1. Sur l’implantation des institutions à vocation intégratrice ... - 181 -

7.2.2. Sur l’intégration financière ... - 187 -

7.2.3. Sur l’intégration de l’information ... - 189 -

7.2.4. Sur le partage d’un sentiment d’appartenance et/ou d’une identité ... - 190 -

7.2.5. Sur l’intégration des idées par l’entremise des principes du développement durable ... - 191 -

7.2.6. Sur l’intégration des intérêts ... - 192 -

7.2.7. Conclusions sur l’état de l’intégration ... - 193 -

(7)

VIII

7.4. Présentation des modèles de mise en oeuvre au Québec ... - 200 -

Chapitre huitième: Conclusion générale ... - 205 -

Références bibliographiques ... - 212 -

Annexes ... - 236 -

Annexe I ... - 237 -

Liste des références – Revue de littérature ... - 237 -

Annexe 2 ... - 244 -

Questionnaire d’entretiens préliminaires ... - 244 -

Annexe 3 ... - 246 -

Exemple de codage matriciel – Analyse structurale ... - 246 -

Annexe 4 ... - 247 - Grilles de sondage ... - 247 - Annexe 5 ... - 270 - Questionnaire d’entretiens... - 270 - Annexe 6 ... - 273 - Grilles d’évaluation ... - 273 - Annexe 7 ... - 276 -

Revue de presse – Liste de références ... - 276 -

Annexe 8 ... - 280 -

Indices de variation du pouvoir ... - 280 -

Annexe 9 ... - 281 -

Les caractéristiques des attributions des organisations décentralisées ... - 281 -

Annexe 10 ... - 282 -

Contexte des relations par type d’acteurs ... - 282 -

Annexe 11 ... - 285 -

Nature des relations par type d’acteurs ... - 285 -

Annexe 12 ... - 288 -

(8)

IX

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Matrice des acteurs de l’eau ... - 103 -

Tableau 2 : Raisons sous-jacentes au renforcement des capacités des acteurs sociaux ... - 106 -

Tableau 3 : Définitions des différentes appellations auto-attribuées par les OBV ... - 116 -

Tableau 4 : Moyenne d’implantation par variable d’action publique ... - 181 -

Tableau 5 : Indicateurs de mise en œuvre des institutions intégratrices (Degré d’implantation) ... - 181 -

Tableau 6 : Matrice comparative binaire (Oui/Non) ... - 196 -

Tableau 7 : Paradigmes de mise en œuvre d’une politique publique ... - 201 -

Tableau 8 : État des hypothèses ... - 210 -

LISTE DES FIGURES Figure 1: Type de documents publiés portant sur la GIEBV, 1995-2015 (en %) ... - 10 -

Figure 2: Répartition annuelle des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par occurrence) ... - 11 -

Figure 3 : Répartition géographique des articles portant sur la GIEBV, 1995-2015 ... - 12 -

Figure 4 : Discipline pratiquée par les auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par occurrence) ... - 13 -

Figure 5 : Attachement organisationnel des auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (en %) ... - 14 -

Figure 6 : Zones géographiques couvertes par les études sur la GIEBV, 1995-2015 ... - 15 -

Figure 7 : Modèles de GIEBV référés, 1995-2015 (par occurrence) ... - 16 -

Figure 8 : Les principaux enjeux de la GIEBV soulevés dans la littérature, 1995-2015 (par occurrence) - 18 - Figure 9 : Les éléments devant être intégrés dans le cadre d’une GIEBV selon la littérature, 1995-2015 (en %) ... - 20 -

Figure 10 : Impact des variables d’action publique (ou facteurs socio-relationnels) sur la mise en œuvre de la GIEBV selon la littérature, 1995-2015 (en %) ... - 21 -

Figure 11 : Proposition d’articulation des variables d’action publique ... - 71 -

Figure 12 : Répartition des OBV ayant participé au sondage ... - 78 -

Figure 13 : Découpage territorial de la GIEBV en 2002 ... - 87 -

Figure 14 : Découpage territorial de la GIEBV en 2009 ... - 88 -

Figure 15 : Modèle logique de la PNE ... - 93 -

Figure 16 : Processus de mise en œuvre de la GIEBV ... - 99 -

Figure 17 : Cycle de gestion intégrée de l’eau par bassin versant montrant les actions devant précéder l’élaboration d’un plan directeur de l’eau et les étapes du processus nécessitant une consultation publique . - 104 - Figure 18 : Répartition annuelle des objets médiatisés, 2002-2015 (par occurrence) ... - 122 -

Figure 19 : Répartition médiatique des objets couverts, 2002-2015 (par occurrence) ... - 122 -

Figure 20 : Nombre de publications par média, 2002-2015 ... - 123 -

Figure 21 : Nature des messages véhiculés par les médias, 2002-2015 (par occurrence) ... - 124 -

Figure 22 : Définitions de la GIEBV véhiculées par les médias, 2002-2015 (en %) ... - 125 - Figure 23 : Répartition annuelle des définitions médiatiques de la GIEBV, 2002-2015 (par occurrence)- 126 -

(9)

X

Figure 24 : Éléments devant faire l’objet d’intégration selon les médias, 2002-2015 (par occurrence) .. - 127 -

Figure 25 : Acteurs devant être intégrés selon les médias, 2002-2015 (par occurrence) ... - 128 -

Figure 26 : Attribution du rôle des OBV par les médias, 2002-2015 (par occurrence) ... - 129 -

Figure 27 : Répartition annuelle des définitions médiatiques du rôle des OBV, 2002-2015 (par occurrence) . - 130 - Figure 28 : Nombre de publications médiatiques annuelles sur la GIEBV, 2002-2015 ... - 132 -

Figure 29 : Graphe des relations existantes avant 2002 ... - 138 -

Figure 30 : Graphe des relations souhaitées en 2002 ... - 140 -

Figure 31 : Graphe des relations réelles à partir de 2002 ... - 141 -

Figure 32 : Contexte relationnel entre les OBV et les autres acteurs de l’eau sur trois périodes; avant 2002, 2002-2009, 2009-2013 (en %) ... - 149 -

Figure 33 : Structuration du réseau d’information de l’OBVHCN (2014) ... - 151 -

Figure 34 : Structuration du réseau d’information de l’OBVBM (2014) ... - 152 -

Figure 35 : Structuration du réseau d’information du GROBEC (2014) ... - 152 -

Figure 36 : Structuration du réseau d’information de l’OBVLSJ (2014) ... - 153 -

Figure 37 : Nature des relations entre les OBV et les autres acteurs de l’eau sur trois périodes; avant 2002, 2002-2009, 2009-2013 (en %) ... - 154 -

Figure 38 : Bénéfices perçus par les OBV associés aux relations avec les autres acteurs de l’eau sur trois périodes; avant 2002, 2002-2009, 2009-201 (en %) ... - 155 -

Figure 39 : Le pouvoir perçu par les OBV pour la période 2002-2009(en %) ... - 157 -

Figure 40 : Le pouvoir perçu par les OBV pour la période 2009-2013 (en %) ... - 157 -

Figure 41 : Le pouvoir souhaité par les OBV ... - 159 -

Figure 42: Facteurs favorisant la mise en place de l’intégration sociale selon les OBV, 2014 (en %) .... - 161 -

Figure 43: Facteurs faisant obstacle à l’intégration sociale selon les OBV, 2014 (en %) ... - 162 -

Figure 44: Principaux vecteurs de changement pour la prochaine décennie selon les OBV, 2014 (en %)- 163 - Figure 45: Unité de gestion pertinente selon les OBV, 2014 (en %) ... - 165 -

Figure 46 : ZGIRE gérée par l’OBVHCN ... - 171 -

Figure 47 : ZGIRE gérée par l’OBVBM ... - 173 -

Figure 48 : ZGIRE gérée par l’OBV-Capitale ... - 175 -

Figure 49 : ZGIRE gérée par le GROBEC ... - 176 -

Figure 50 : ZGIRE gérée par l’OBVLSJ ... - 178 -

Figure 51 : ZGIRE gérée par l’OBVT ... - 180 -

Figure 52 : Structuration des réseaux d’acteurs sociaux – OBVBM (2014) ... - 198 -

Figure 53 : Structuration des réseaux d’acteurs sociaux – OBVHCN (2014) ... - 198 -

(10)

XI

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

AFE : Agence française de développement

AQTE : Association québécoise des techniques de l’eau BAPE : Bureau d'audiences publiques sur l'environnement COBARIC : Comité de bassin de la rivière Chaudière CST : Conseil de la science et de la technologie GIEBV : Gestion intégrée de l'eau par bassin versant

GROBEC : Groupe de concertation des bassins versants de la zone Bécancour GWP : Global Water Partnership

LQE : Loi sur la qualité de l’environnement

MDDELCC : Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques

MDDEFP : Ministère du Développement Durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs MDDEP : Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et des Parcs

MRC : Municipalité régionale de comté

MRIQ : Ministère des Relations Internationales du Québec OBV : Organisme de bassin versant

OBVBM : Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi OBV-Capitale : Organisme des bassins versant de la Capitale OBVHCN : Organisme des bassins versants de la Haute-Côte-Nord OBVLSJ : Organisme de bassin versant Lac-St-Jean

OBVT : Organisme de bassin versant du Témiscamingue OBVZB : Organisme de bassin versant de la zone Bayonne OPDQ : Office de planification et de développement du Québec PDE : Plan directeur de l'eau

PNE : Politique nationale de l'eau PGIR : Plan de gestion intégrée régional

(11)

XII RIOB : Regroupement international des organismes de bassin

ROBVQ : Regroupement des organismes de bassin versant du Québec TNO : Territoire non organisé

USEPA : United States Environmental Protection Agency ZGIRE : Zone de gestion intégrée de la ressource-eau ZIP : Zone d'intervention prioritaire

(12)
(13)

XIV

(14)

XV

Remerciements

«La liberté académique aujourd’hui, ce n’est donc plus la liberté de penser à l’abri du monde, c’est la liberté d’agir dans le monde selon la pensée, pour empêcher la déshumanisation du monde et pour promouvoir un monde plus juste, plus ouvert et plus accueillant.» (M. Freitag)

Au XXIe siècle, réaliser des études doctorales au Québec s'avère un véritable combat. Le marché de l'emploi a bien peu à offrir aux doctorants et la reconnaissance sociale est presque inexistante. Obtenir un grade de doctorat est par conséquent une grande victoire morale et politique. Nul ne peut cependant accomplir un tel travail sans le soutien de ceux et celles qui persistent à croire en l'importance du rôle de la connaissance dans l'évolution et l'amélioration de nos sociétés, et sans l'affection et les encouragements des gens qui comptent pour nous. C'est pourquoi, je tiens à remercier :

Mon directeur de thèse, Louis Guay. Cher Louis, passionné, engagé. Ses cours, ses projets de recherche furent à l'origine de mon désir d'entamer des études doctorales. Son support, sa foi en nous, son côté rassembleur, une source de motivation à poursuivre ce projet. Sa croyance au pouvoir des acteurs de transformer la société, un objectif à atteindre.

Mon ami, Antoine Verville, qui, de par sa générosité naturelle et son grand engagement pour la protection des ressources en eau, m'a été d'une aide incommensurable. Merci Antoine.

Les organismes de bassin versant qui ont participé à ce projet. Ces organismes font un travail absolument extraordinaire et d'une importance capitale. Allez-les voir, soutenez-les, ils protègent vos biens les plus importants : votre santé et celle de votre environnement.

M. Pierre Hamel (Département de sociologie, Université de Montréal) et Mme Sylvie Lacombe (Département de sociologie, Université Laval) pour avoir cru en mon potentiel et pour m'avoir aidé à franchir les étapes nécessaires à l'obtention de ce grade.

Les organismes subventionnaires qui ont su voir tout l'intérêt de ma recherche et reconnaître mes compétences : Le Fonds de recherche sur la société et la culture, l'Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société, le réseau Villes Régions Monde, et sans oublier le Département de sociologie de l’Université Laval.

Mme France Gagnon (École des sciences de l’administration, TÉLUQ) la meilleure «patronne au monde», et toute l'équipe du Groupe d'études sur les politiques publiques et la santé : les «Geneviève» et les «Mélanie», Sandra, Wilfried, Mathieu-Joël. Avec vous, la recherche n'aura jamais été aussi amusante.

M. Pierre Bergeron, de l'Institut national de santé publique du Québec et Mme Sarah Curtis, de l'Université Durham (Royaume-Uni), qui m'ont offert très généreusement leur soutien. Bien que j’aie décidé de ne pas poursuivre d'études postdoctorales, je vous remercie de votre intérêt pour mes projets. Votre support m'a été très précieux.

Mes collègues des quatre coins du monde : Ange, Emiliano, Claudia, Georges, Hélène, Jean-François, Julie, Yuan. Nos échanges, notre amitié, vos travaux, vos idées, ont été une source d'inspiration et de réconfort. Je vous souhaite la meilleure des chances pour la suite. De chaleureux remerciements également à mes homologues français, Frédéric, Geoffrey, ainsi que brésiliens, Anna Lucia, Thiago, Rosa qui, en m'accueillant dans leurs pays, ont su colorer cette aventure. Merci. Obrigada.

(15)

XVI

À mes amis : merci de m'avoir aimé suffisamment pour que notre amitié demeure inébranlable malgré mon absence. Sans oublier mes collègues et amis du ministère qui ont su trouver les mots d'encouragement nécessaires pour finir cette thèse.

Merci à ma famille et à ma belle-famille. Je peux lire dans vos yeux toute votre fierté. Pierre et Lorraine, sans votre aide, cette thèse n’aurait jamais pu être déposée. Namasté.

Enfin, une éternelle reconnaissance à mon amoureux, David, qui partage ma soif insatiable de connaissances, mon obsession pour la rigueur méthodologique, et qui a su se montrer aidant, patient et compréhensif même si partager mon quotidien pouvait s'avérer parfois aussi terrorisant que de marcher dans un champ de mines. T'es le meilleur chéri !

(16)

- 1 -

Propos introductifs

«Que penser d’une démocratie qui ne confère pas le pouvoir de décider collectivement de protéger un bien indispensable à la vie ?» (N. Klein, 2016)

Comment l’implantation d’une idée aussi ardemment défendue à l’échelle internationale, peut-elle aboutir à un inachèvement mondialisé ? La première fois, je n’ai pas compris. La seconde, je n’ai pas voulu comprendre. Puis, c’est arrivé encore. C’était il y a huit ans, hier et aujourd’hui. Accusation : la conjuration1.

Motif : la volonté de puissance2. Moyen : le 20e stratagème3 – Plan pour les batailles à partis multiples

«Troubler l’eau pour prendre le poisson». Victimes : L’eau. Vous. Moi. Mais, pour être jugée recevable, la preuve devait s’appuyer sur des faits étayés. Je me suis donc mise au travail.

C’est en 2002 que le Québec se dotait d'une Politique nationale de l'eau (ci-après, PNE) faisant de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (ci-après, GIEBV) son modus operandi. En 2009, l'adoption de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection est venue officialiser et consolider la pertinence de recourir à ce modèle de gestion pour assurer le développement durable des ressources en eau. On entend par GIEBV, un mode de gestion qui permet aux acteurs d’agir de manière intégrée et concertée en prenant en compte l’ensemble des usages des ressources en eau ainsi que les différents éléments impliqués (culturel, économique, environnemental, politique, social) dans un bassin versant4. La mise en oeuvre de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant demeure cependant

problématique, au Québec comme dans d’autres provinces et pays, en raison de plusieurs facteurs. On peut citer, à titre illustratif, la juxtaposition des logiques administratives, la variété des points de vue des acteurs, la multiplicité des buts poursuivis par les organisations, et la difficulté à établir des liens entre les secteurs d’activités concernés par la gestion de l’eau. La gestion de l'eau est, à ces égards, une problématique d'ordre social, mais également systémique.

De surcroît, en dépit de l’adoption de nouveaux dispositifs institutionnels et des modifications apportées à la législation en place (inspirés des principes de précaution, du développement durable et de l’approche écosystémique) la protection des ressources en eau au Québec semble régresser depuis quelques années, au profit de l’exploitation des ressources naturelles (forage de puits de pétrole, mines) et de grands projets

1Dans le sens de «concours de plusieurs personnes à une action commune».

2Au sens nietzschéen du terme : devenir plus ou dépérir. Nietzsche se détourne du sens traditionnel de la notion de volonté, et lui substitue l'idée selon laquelle il y a «quelque chose» dans la volonté qui affirme sa puissance. En ce sens, la volonté de puissance désignerait un impératif interne d'accroissement de puissance, une loi intime de la volonté exprimée par l'expression « être plus ». NIETZSCHE, Friedrich (1997) Fragments

posthumes (Été 1882-Printemps 1884). Paris. Gallimard.

3Tiré de Les 36 stratagèmes, San Shi Liu Ji.

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de développement énergétique (gaz de schiste). L’adoption récente sous bâillon de la Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives, tout comme l’avait été la Loi modifiant la Loi sur les mines en 2013, en témoignent. Ces lois ont été vivement critiquées, notamment pour leurs impacts sur la protection des ressources en eau. Le combat de Ristigouche contre la pétrolière Gastem et la saga de la municipalité de Gaspé avec Pétrolia, pour ne citer que ces cas, illustrent bien également les difficultés que rencontrent les acteurs locaux, dont font partie les citoyens, à protéger leurs ressources et par le fait même, leur santé. Enfin, que dire des amendements proposés à la réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement en matière d’autorisations environnementales (projet de loi no 1025) -

nouveau régime d’autorisations venant remplacer celui actuellement applicable à certains prélèvements d’eau et aux installations de gestion et de traitement des eaux ? «Depuis 1978, la LQE reconnait le droit à la qualité de l'environnement et celui de tout citoyen de pouvoir prendre une injonction pour faire respecter les conditions d'autorisation. Ce droit est tout à fait illusoire si, comme le permettra l'amendement adopté, les conditions d'autorisation demeurent secrètes au gré de la volonté des entreprises» (Baril & al, 2017). Ces exemples éloquents devraient être suffisants pour comprendre pourquoi la gestion intégrée des ressources en eau ne peut être achevée dans de telles conditions. En effet, à quoi bon multiplier les instances participatives si les décisions continuent d’être l’apanage de certains acteurs économiques, aidés de leurs consorts politiques, alors que la participation de ces acteurs, dans le cadre de la GIEBV, devait constituer un gage de décisions durables pour les ressources en eau et les communautés ? Le gouvernement québécois ne savait pas si bien dire lorsqu’il affirmait en 2002, dans la PNE, que l’un des principaux défis auxquels nous devions faire face était celui de la mondialisation économique. En fait, il est trop souvent oublié que l’adoption de la gestion intégrée de l’eau visait notamment au départ à renforcer la cohérence des interventions politiques face aux pressions instiguées par la mondialisation économique. La rareté est un concept économique bien connu, mais qu’en est-il de l’abondance ? Car c’est bien d’abondance que souffrent les ressources en eau au Québec. Et c’est cette même abondance qui entraîne une propension à l’exploitation à outrance de ces ressources. Comme le disait le célèbre Aristote (Ed. 1940), ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet des soins les moins attentifs. Mais tout ceci n’a rien de nouveau. Au cours du siècle suivant l’établissement des premiers colons sur les terres de ce qui sera la province de Québec, le premier grand usage qui a été fait des ressources en eau fut celui du commerce. À cette époque, les ressources en eau constituaient un fer de lance pour l’économie. Comme le mentionne Henri Brun dans son Histoire du droit québécois de l’eau, « au lieu d’une crainte ou d’une simple indifférence à l’endroit de l’eau, c’est une volonté claire d’user de cet élément, ou plus exactement d’en

5 Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions

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- 3 -

abuser, qui émane alors d’une suite de textes de nature semi-législative, à partir du milieu du XVIIe siècle.» (Brun.1968: 9) Deux siècles plus tard, en 1856, la Législature du Canada-Uni, à la suite de la décision de la Cour seigneuriale, décide d’autoriser les propriétaires riverains « […] à utiliser dorénavant de façon extraordinaire toutes eaux longeant ou traversant leurs propriétés. Vu que l’exploitation des cours d’eau serait un grand moyen de prospérité pour le pays. [...]» (Brun.1968: 37) C’est la Loi sur le régime des eaux et clairement une expression du libéralisme économique de l’époque.

Comme le rappelle à juste titre la journaliste et essayiste Naomi Klein (2016), l’économie capitaliste est en guerre contre de nombreuses formes de vie sur terre, y compris la vie humaine. Dans ce contexte, que nous est-il permis d’espérer ? Pour répondre à cette interrogation kantienne, il importe de valider dans quel état d’avancement se situe les transformations sociales, politiques, économiques et environnementales que devait instiguer la GIEBV. À partir de ce portrait, des mesures cohérentes entre elles, avec le contexte ambiant, mais surtout avec les objectifs de départ visés par la GIEBV, pourront alors être développées. L’objectif de développement durable sous-tendant la GIEBV devrait obliger les systèmes politique, économique et social à évoluer. Les impératifs de la durabilité devraient contribuer à l'émergence de nouvelles formes de régulation entre les sociétés et leur environnement, voire entre les usages sociaux des ressources naturelles, telles que les ressources hydriques. «Ces nouveaux modes de régulation, empiriquement observables, sont caractérisés par un mouvement conjoint de ré-articulation des logiques sectorielles, de redéfinition des périmètres territoriaux et des échelles de régulation pertinents, ainsi que de redéfinition et de redistribution des droits d’usage sur les ressources.» (Nahrath & al, 2009 : 1)

Une gestion durable, concertée et intégrée des ressources en eau comporte toutefois une double complexité : complexité du système d’une part, structuré par l’interconnexion des dynamiques physiques et sociales, les interactions portées par l’espace, les échelles spatiales et temporelles multiples et étendues. D’autre part, la complexité processuelle dû à la transformation des modes d’organisation administratifs traditionnels, à la multiplication des acteurs et des objectifs à prendre en compte, et à l’obligation de règles de gestion négociées, adaptées et compatibles avec les institutions à la fois locales, nationales et internationales.

Une gestion intégrée devrait reposer sur une bonne coordination au sein de chaque politique sectorielle, mais surtout entre les politiques d’exploitation et de protection des ressources en eau. Or, à cet effet et comme le souligne le géographe Alexandre Brun, « [l]’efficacité des politiques de l’eau mérite d’être débattue. [...] De deux choses l’une : ou bien les objectifs que les gouvernements s’assignent sont hors d’atteinte, auquel cas il faut les redéfinir, ou les principes directeurs des politiques de l’eau sont inadéquats ou encore inappliqués » (Brun, 2006 : 1). Dans les deux cas, il s’agit de problèmes de nature

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- 4 -

essentiellement politique. En effet, des questions telles que, qui devrait avoir accès à la ressource, de quelle manière devrait-elle être utilisée et au bénéfice de qui, etc. - sont des questions politiques qui sont susceptibles de générer des conflits d’ordre politique. (Linton, 2006).

La présente thèse s'appuie ainsi sur cette prémisse : la gestion des ressources naturelles, en l’occurrence celle des ressources en eau, s’avère être un exercice social et politique. «En effet, bien que l’exploitation directe des ressources soit majoritairement le fait de compagnies privées, la structure organisationnelle et institutionnelle encadrant cette exploitation relève de l’État. Celui-ci est en majeure partie propriétaire des ressources et, par conséquent, érige un système à l’intérieur duquel les jeux de pouvoir ont lieu» (Gagnon, 2012 : 10). Cependant, force est d’admettre que le politique est fortement influencé par le poids relatif des différents acteurs en présence qui vont tenter d’orienter une politique publique vers l’exploitation ou au contraire la protection des ressources en eau (Reynard, 2000).

La problématique de cette thèse devrait donc s'exprimer ainsi : Qu'est-ce que le mode de gestion intégrée d'un point de vue social et politique, et donc comment l’intégration se déploie-t-elle en termes de dynamique d’action publique et collective? Pour y répondre, il importe d’analyser les politiques constitutives de ce mode de gestion dans une perspective sociologique, d’observer les acteurs (leur appropriation de ce mode de gestion, leur position dans le système d’action et leurs dynamiques relationnelles) et d’identifier les facteurs socio-relationnels (idées, intérêts, institutions, informations, identités) - c’est-à-dire les variables d’action publique qui tissent (ou non) un lien social entre les acteurs, qui les relient, qui les intègrent, et qui contribuent ou non au niveau actuel de déploiement de la GIEBV.

Plus particulièrement, l’étude se penche sur l’impact de l’agrandissement du territoire à gérer effectué en 2009 – passage du bassin versant aux zones de gestion intégrée des ressources en eau (comprenant plus d’un bassin) - sur la cohésion et la fonctionnalité des modes d'intégration des acteurs prévus pour gérer les ressources en eau à partir du bassin versant. Enfin, ce projet permet d'établir quelques orientations pour renforcer les capacités d'action des acteurs de la GIEBV. En consolidant ces capacités, la protection des ressources en eau devrait par le fait même être renforcée à son tour.

Les principales questions de recherche auxquelles tente de répondre la présente thèse sont les suivantes :  Comment la GIEBV est-elle définie en termes d’intégration et donc de participation des acteurs (Qui est

acteur ? Qui est intégré ? Comment ?) ?

 Comment cette définition est-elle appropriée par les acteurs chargés de sa mise en œuvre, en l’occurrence les OBV ?

 Comment est vécue l’intégration en termes de dynamique du système d’action?  Qu’est-ce qui facilite ou pas l’intégration ?

 Quelle évolution dans le temps ?

(20)

- 5 -  Quel(s) modèle(s) se distingue(nt) au Québec ?

L’observation se situe donc à trois niveaux. D’une part, dans une perspective macro, une analyse de la définition étatique de la GIEBV, mais également de la constitution étatique du système d’acteurs et d’action (en termes relationnels) nécessaires à sa mise en oeuvre. En second lieu, au niveau méso, une reconstruction des dynamiques réellement établies entre les acteurs. Enfin, d’un point de vue micro, un questionnement de la capacité des acteurs de s’approprier un mode de gestion dicté par l’État et de le faire évoluer pour assurer son implantation.

La principale thèse que nous souhaitons démontrer est que les difficultés d’implantation de la GIEBV ne résultent pas seulement d’un manque de ressources financières, mais également d’une incapacité des acteurs locaux à faire émerger une action collective transformatrice, à l’échelle provinciale, pour palier aux lacunes du projet de GIEBV, tel qu’élaboré par l’État. Cette incapacité repose sur deux principaux facteurs : l’incertitude régnant autour de la définition même de l’acteur, puis de la manière dont l’intégration doit s’effectuer.

À notre connaissance, peu d’études (Voir par exemple, Vachon, 2004 et Gagnon, 2010) ont été tentées jusqu’à maintenant sur ce sujet. De plus, aucun travail n’a encore permis de retracer l’évolution de l’implantation de la GIEBV au Québec depuis l’adoption de la PNE jusqu’à aujourd’hui, à partir de l’évaluation des blocages d’ordre socio-relationnel à une réelle intégration des acteurs. C’est par conséquent le défi que tentera de relever cette thèse.

Le modèle de gestion intégrée a été adopté dans plusieurs champs d'action publique : eau, santé, agriculture, foresterie, déchets, etc. Plusieurs ont vanté les mérites d’une telle approche, mais trop peu se sont questionnés sur les conséquences sociales et politiques du passage d'un système sectoriel à un système intégré. Considérant que toute transformation d'un système dont la nature et les règles le régissant se modifient, entraîne des changements en termes de gains et de pertes de pouvoir chez les acteurs appelés à y participer, il apparaît intéressant, dans une perspective sociologique, de tenter de mesurer ces effets en terme d’intégration.

Par ailleurs, peu de chercheurs se sont penchés sur ce que l’on entend par «intégration sociale» dans ce contexte, et ce qui la constitue. Encore moins de chercheurs ont mis l'emphase sur la dimension relationnelle de l'intégration. La définition de l’intégration des acteurs et de la cohérence des pratiques d'intégration souhaitées pour assurer la mise en œuvre de la GIEBV n’ont pas été considérées comme des priorités, tant du point de vue de la recherche que de la politique.

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- 6 -

En outre, la pertinence scientifique de ce projet réside tout d’abord dans le traitement symétrique6 entre

échecs et succès de la gestion intégrée. En effet, la majeure partie des travaux tend davantage à faire ressortir les succès afin de conforter cette nouvelle idée. L’intégration et les approches intégrées sont de plus en plus présentées comme des manières «supérieures» de prendre en considération l’environnement en matière d’élaboration de politiques et de prise de décision (Scrase and Sheate, 2002), mais sans jamais véritablement requestionner ses principes fondamentaux. D’autre part, la majorité des travaux s’attardent à décrire le fonctionnement de la gestion intégrée en se cantonnant à un seul cas. Bien que cette méthode ait le mérite de permettre une compréhension approfondie d’un phénomène, notre position épistémologique penche davantage vers une multiplication modérée des cas qui nous a permis à la fois de travailler en profondeur nos analyses et d’assurer une plus grande validité externe à notre travail en permettant une généralisation à des cas similaires.

Le projet se concentre principalement sur la GIEBV dans la province de Québec. La période à l'étude s'étend de 2002 à 2014. L’analyse est structurée en trois phases :

avant la publication de la Politique nationale de l'eau (2002) ;

de la publication de la Politique nationale de l'eau (2002) jusqu'au redécoupage en zones de gestion intégrée des ressources en eau (ci-après, ZGIRE) et à la publication de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (2009) ;

 de 2009 à aujourd'hui.

La thèse est divisée en huit chapitres. Le premier chapitre dresse un portrait théorique de la GIEBV à partir d’une revue de la littérature scientifique. Ce portrait permet de poser notre hypothèse principale de recherche. Le second chapitre présente le cadre théorique sociologique et les hypothèses secondaires qui en découlent. La gestion intégrée n’est pas un champ d’étude proprement sociologique. Or, plusieurs approches concernant l’intégration, le lien social, la mise en œuvre et le changement de l’action publique s’avèrent fondamentales pour l’appréhension de notre objet d’étude. De plus, c’est justement le recours combiné à ces théories qui contribue à l’originalité du traitement de cet objet. Le troisième chapitre fait état de la stratégie de recherche ainsi que des méthodes utilisées pour la collecte et l’analyse de données. La triangulation méthodologique est privilégiée. Le quatrième chapitre présente les résultats de l’analyse des documents constitutifs de la GIEBV et expose le modèle logique à la base du programme gouvernemental. Au cinquième chapitre, les résultats de l’analyse documentaire sont observés et comparés à l’aune de l’analyse de discours du principal acteur de la mise en œuvre de la GIEBV, à savoir les OBV. Ce chapitre permet de voir comment les acteurs locaux s’approprient la GIEBV telle que définie au palier supérieur. Le sixième chapitre fait état des résultats de l’analyse réseau et de l’évolution temporelle des dynamiques

6 Cette méthode a été particulièrement exploitée par la sociologie des sciences et la théorie de lʼacteur réseau (À ce sujet, voir par exemple :

JACQUEMAIN, Marc et FRÈRE, Bruno (2008) Épistémologie de la sociologie. Paradigmes pour le XXIe siècle. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur).

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- 7 -

relationnelles entre acteurs, et donc de leur intégration. Le rôle évolutif des facteurs socio-relationnels sur le niveau d’implantation de la GIEBV est également retracé à partir de l’expérience vécue par les OBV. Le septième chapitre est consacré à l’évaluation formelle de l’état de la mise en œuvre de la GIEBV, en termes intégratifs, à partir de six études de cas et des indicateurs développés pour la présente thèse. Ce chapitre propose également une classification des modèles de GIEBV pratiqués au Québec. Enfin, les conclusions générales de cette étude sont présentées au dernier chapitre.

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- 8 -

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- 9 -

Chapitre premier : Le modèle de la GIEBV

Toute recherche sociologique devrait débuter par la déconstruction de son objet d’étude (le retranchement du sens commun de l’objet), puis s’engager dans sa reconstruction (la mise en exergue du sens sociologique de l’objet). Cette double procédure exige principalement de questionner le vocabulaire utilisé et les concepts. De fait, l’étude sociologique consiste alors surtout à faire émerger de nouveaux questionnements de l’objet, de nouvelles problématiques. (Paugam, 2008)

Pendant longtemps, l’on a cru à tort que les problèmes liés à l’eau n’exigeaient que des solutions techniques. Par conséquent, les sciences sociales se sont un peu détournées de leur étude. Toutefois, avec la montée de la sociologie des sciences et de l’environnement, nous savons dès lors que sans un contexte social et politique propice, les solutions techniques ont peu de chance d’atteindre leurs objectifs. Ce premier chapitre a pour finalités de mieux comprendre, théoriquement, la GIEBV et ses déclinaisons. Pour ce faire, une revue de littérature faisant état des connaissances de la GIEBV s’imposait. C’est à partir de cette recherche compréhensive que notre principale hypothèse a pu être posée. Plus particulièrement, la recension a permis d’identifier, dans une perspective sociologique, la manière dont les communautés scientifique et professionnelle définissent la GIEBV, ses principaux enjeux et les facteurs qui contribuent à ses échecs et ses succès, ce que l’on doit intégrer, le rôle que l’on attribue aux OBV, ainsi que les modèles valorisés.

1.1. Portrait statistique des publications sur la GIEBV

D’entrée de jeu, mentionnons qu’à notre connaissance, aucun exercice de recension de la littérature n’a été publié pour la GIEBV. Par conséquent, il s’avère pertinent de présenter, d’abord, un portrait sommaire de cette littérature qui pourra servir aux prochains travaux de recherche sur le sujet. La recension des écrits7 a

été réalisée à partir des treize bases de données suivantes :  Érudit ;

 Francis ;  Google Scholar ;  JSTOR ;

 Open Access Theses and Dissertations ;  Repère ;

 Science Direct ;

 Social Science Research Network ;  SocIndex ;

 Springer Link ;  Taylor and Francis ;

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- 10 -  Thèses Canada (anglais et français) ;

 Web of science.

Au total, 478 ouvrages ont été recensés entre le 8 et le 12 avril 2015 à partir des mots-clés présents dans le titre (et le texte, dans le cas du moteur de recherche Google Scholar)8 :

 gestion intégrée de l’eau ;  integrated water management.

101 documents ont été retenus en fonction des trois critères suivants :  pertinence avec les questions de recherche ;

 disponibilité en ligne pour consultation ;  source scientifique.

Une majorité des documents répertoriés (36 %) sont des articles scientifiques (Figure 1). Figure 1: Type de documents publiés portant sur la GIEBV, 1995-2015 (en %)

Source : Nancy Emond (2015).

Les documents recensés ont été publiés entre 1995 et 2015 et donc sur une période de vingt ans. Il a cependant été impossible d’identifier la date de publication pour neuf documents. C’est au cours de l’année 2009 qu’un plus grand nombre de publications a été enregistré (Figure 2). Un premier sommet avait été observé dix ans auparavant (19999). Depuis 2009, nous remarquons une décroissance du nombre de

publications portant sur la gestion intégrée de l’eau, à l’exception de l’année 2013 qui a connu une légère augmentation.

8Une recherche préliminaire a permis d’observer que les documents ne présentant pas le concept de gestion intégrée dans leur titre ne faisaient que citer ce concept sans en faire un sujet d’étude en soi.

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- 11 -

Figure 2: Répartition annuelle des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par occurrence)

Source : Nancy Emond (2015).

57 % des publications sont de langue française (contre 43 % de langue anglaise).10 36 % des publications

sont rédigées par des auteurs affiliés à des organisations québécoises, principalement universitaires. Les États-Unis (12 %) et la France (11%) arrivent respectivement aux second et troisième rangs (Figure 3).

10 Données non présentées. Pour des questions de compréhension, les documents rédigés dans une langue autre que le français et l'anglais ont été

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- 12 -

Source : http://www.jump-voyage.com/tag/carte-du-monde (2015)

La majorité des auteurs sont issus du domaine de l’environnement - sciences et génie en particulier (Figure 4). La sociologie est peu présente (4 documents sur 101), ce qui confirme la pertinence de la présente thèse. Les sciences sociales sont davantage représentées par la science politique (14/101).

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Figure 4 : Discipline pratiquée par les auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par occurrence) 11

Source : Nancy Emond (2015).

Les auteurs exercent principalement dans le milieu universitaire (74 %) et dans une moindre mesure, au sein d’organismes internationaux et du gouvernement provincial québécois - particulièrement au niveau du ministère de l’environnement (Figure 5).

11 N.B. Le total des disciplines n’égale pas 101 compte tenu du fait que certains documents sont rédigés par plus d’un auteur et que ces auteurs

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- 14 -

Figure 5 : Attachement organisationnel des auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (en %)12

Source : Nancy Emond (2015).

La majorité des travaux recensés utilisent les méthodes qualitatives – analyse critique, étude de cas. Très peu de travaux de nature quantitative ont été répertoriés (Données non présentées).

38 % des documents sont théoriques et n’étudient pas une zone géographique en particulier. 13 % procèdent à une comparaison géographique (4 concernent plus d’un continent, 1 des pays du Moyen-Orient, 1 des provinces canadiennes et 1 des pays d’Europe). 31 % des études de cas porte sur le Québec (Figure 6).

12 N.B. Le total des organisations n’égale pas 101 compte tenu du fait que certains documents sont rédigés par plus d’un auteur et que ces auteurs

n’exercent pas nécessairement dans la même organisation.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Attachement organisationnel

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- 15 -

Source : http://www.jump-voyage.com/tag/carte-du-monde (2015)

Les expériences menées par d'autres pays et les modèles développés sont la plupart du temps pris en compte par les chercheurs. Les États-Unis, la France, le Canada et l'Espagne sont les modèles les plus couramment cités (Figure 7). Dans le cas des études portant sur le Québec, il est fréquent de retrouver des mises en perspective comparatives avec les autres provinces canadiennes. La référence aux États-Unis, à la France et à l'Espagne s'expliquent par leur longue histoire en matière de GIEBV.

(31)

- 16 -

Figure 7 : Modèles de GIEBV référés, 1995-2015 (par occurrence)

Source : Nancy Emond (2015).

1.2. La définition de la GIEBV

La définition la plus courante de la GIEBV est celle formulée par le Partenariat mondial sur l’eau dans le cadre du Sommet de Johannesburg en 2002, à savoir «un processus promouvant une gestion et un développement coordonné de la ressource dans le but de maximiser le bien-être économique et social de manière équitable et sans impacter la durabilité des écosystèmes». Très peu de travaux remettent en question cette définition. Environnement Canada (2010) précise cependant qu’il s’agit d’un processus itératif et donc non figé dans le temps. En ce sens, la GIEBV ne serait pas un programme politique définitif. «Elle vise plutôt à mettre en place un ensemble d'outils décisionnels qui lui permettraient de se transformer selon les différents contextes et d'évoluer comme le font les systèmes naturels et sociaux». (Fourneaux, 2009 : 30) Selon Tremblay (2010), dans son étude portant sur les tensions et les synergies entre le paradigme de la gestion intégrée et celui de l’approche du développement basé sur les droits humains, les concepts normatifs qui devraient guider l’opérationnalisation de la GIEBV se résument au principe de subsidiarité, à la participation élargie, à l’internalisation des coûts, aux principes d’utilisateur/payeur, de prévention et de précaution, à la transparence et à l’imputabilité. Ce qui fait dire à certains auteurs que la GIEBV est une forme nouvelle de gouvernance (Anderson et al., 2009; Fourneaux, 2009; Milot, 2009). Affeltranger et Lasserre (2003), dans leur étude sur la gestion du Mékong, vont encore plus loin en affirmant que la GIEBV contribue à la reconstruction des espaces de gouvernance dans le but d’accorder l’échelle spatiale de

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- 17 -

gestion des ressources avec l’échelle politique des niveaux de gouvernement (local, régional, provincial, national, international).

Par conséquent, la GIEBV représenterait un changement de paradigme devant entraîner des modifications dans les comportements des acteurs, notamment par la transformation des structures de gouvernance déjà en place (Ducros & Watson, 2002; Kidd & Shaw, 2007; Hashemi, 2012; Ward, 2013), et donc par une réforme politique à tous les niveaux (Ko, 2009). En fait, la gestion de l’eau ne concernerait pas tant la ressource que les gens qui l’utilisent (Birkholz, 2009). La mise en œuvre de la GIEBV devrait toutefois prendre en considération le système d’acteurs qui existe et sa dynamique (Grandgirard, 2007) et composer avec les relations et les jeux de pouvoir existants (Aubin, 2007). Fourneaux (2009), dans son mémoire sur les transformations politiques de la GIEBV au Burkina Faso, affirme pour sa part que la GIEBV contribue à redéfinir les rôles des différents acteurs en restructurant les relations établies traditionnellement, notamment entre les gouvernements et les autres acteurs. Dans leur ouvrage sur la gestion intégrée, Laurent et Hellier (2011) vont jusqu’à dire que la GIEBV vise à développer la solidarité locale. En fait, la redistribution des relations sociales de pouvoir serait l’essence même de la GIEBV (Affeltranger et Lasserre, 2003). Enfin, l’idée d’«objet-frontière» est partagée par quelques chercheurs (Tremblay, 2010; Ward, 2013). Star et Griesemer (1989), définissent les objets frontières comme des objets, abstraits ou concrets « […] dont la

structure est suffisamment commune à plusieurs mondes sociaux pour qu’elle assure un minimum d’identité au niveau de l’intersection tout en étant suffisamment souple pour s’adapter aux besoins et contraintes spécifiques de chacun de ces mondes. Ces objets-frontière sont supposés maximiser à la fois l’autonomie de ces mondes sociaux et la communication entre eux. La notion est donc étroitement liée aux questions de signification partagée et d’interprétation» (Trompette et Vinck, 2009 : 8).

1.3. Les principaux enjeux de la GIEBV

La littérature rapporte cinq grands enjeux liés à la GIEBV (Figure 8). D'une part, l'approche même de la GIEBV apparaît problématique. Plusieurs études avancent que la GIEBV est un concept flou (De la Porte, 2007; Tremblay, 2010; Agyenim, 2011), une approche complexe (Kidd et Shaw, 2007), traversée par des tensions dialectiques entre l'intégration et la régulation partielle et sectorielle (Bibeault, 2003), et difficile à opérationnaliser (Formiga Johnsson, 2001; Lloyd et coll., 2005; Fourneaux, 2009; Saunders, 2012). En second lieu, les acteurs appelés à participer à la GIEBV constituent un enjeu (i) de par leurs comportements (Thomas, 1999; Lapierre, 2009), notamment ceux des acteurs municipaux, (ii) de par leurs pouvoirs (Formiga Johnsson, 2001; Ser, 2006) - certains usagers auraient davantage d'influence sur les décisions, et puis finalement, (iii) de par leur niveau d’ouverture au changement. En effet, certains acteurs percevraient davantage la GIEBV comme une contrainte (Affeltranger et Lasserre, 2003). L'absence

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- 18 -

d'acteurs, tels que les communautés autochtones est aussi considéré comme un problème important (Rizvi, 2010). Enfin, certains soulignent l'ambiguïté du partage des rôles et responsabilités des acteurs de l'eau (Anderson et coll., 2009; Laberge, 2009), voire de la fragilité du rôle des OBV concernant le cas du Québec (Brun et Lasserre, 2010).

Les effets résultants de la GIEBV sont perçus comme étant un enjeu, que ce soit en termes de durabilité des ressources en eau (Medema, 2008; Tulloch, 2010) ou d'amélioration de son état (Stucki, 2011). L'intégration est considérée également comme étant discutable de par sa difficile voire rare mise en oeuvre (Grandgirard, 2007; CST, 2010; VGQ, 2013). Pour certain (Keskinen, 2010), cela s'expliquerait par le fait que l'intégration est seulement un concept à la mode en gestion environnementale. Enfin, le territoire de gestion est jugé problématique par plus d'un auteur, que ce soit à cause de sa taille (Griffin, 1999; Aubin, 2007), ou encore des frontières politico-administratives qui persistent (Fourneaux, 2009).

Figure 8 : Les principaux enjeux de la GIEBV soulevés dans la littérature, 1995-2015 (par occurrence)

Source : Nancy Emond (2015).

1.4. L'intégration13

La présente revue de littérature nous a permis d’identifier deux niveaux d’intégration de la gestion des ressources en eau : l’intégration intra (à l'intérieur d'une catégorie d'éléments) et inter (entre catégories d'éléments). Quelques études (Partenariat mondial pour l’eau, 2000; Environnement Québec, 2004; Karambiri, 2007; Kidd & Shaw, 2007; De la Porte, 2007; Agyenim, 2011; Cohen & Davidson, 2011) opèrent

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aussi cette distinction de base : intégration des systèmes naturels et humains. D'autres (Reynard, 2000; Rey-Valette & Roussel, 2006; Fourneaux, 2009; GWP et RIOB, 2009; Conseil de la science et de la technologie, 2010; Lebel & al, 2013) utilisent plutôt, ou de manière complémentaire (Kidd & Shaw, 2007), la distinction entre intégration verticale (entre les acteurs d’un même niveau) et horizontale (entre les acteurs de niveaux différenciés). Le facteur territorial est aussi considéré assez fréquemment comme variable d'intégration.

Nous avons pu également distinguer quatre principaux types d'éléments à intégrer : des processus, des moyens, des acteurs et des résultats. Compte tenu la multitude d'éléments pouvant être intégrés – Biswas en dénombrait 41 en 2008 de manière non exhaustive - le recours à des catégories d'éléments, telles que les variables d'action publique classiques (que nous nommons également facteurs socio-relationnels) et que sont les idées, les intérêts et les institutions, auxquelles nous ajoutons les variables informationnelle et identitaire, permettent de rendre intelligible et lisible le phénomène d'intégration, comme nous le verrons plus en détails au prochain chapitre.

Si l’on admet que les processus étudiés sont tout à la fois portés par des conflits et des compromis entre les intérêts concernés, formatés par les institutions héritées du passé et formulés au travers de cadres cognitifs, normatifs et rhétoriques, alors la première tâche de la recherche vise à décomposer l’objet étudié en unités constitutives basées sur les « trois I ». Analyser les politiques publiques consiste dès lors à décomposer un réel complexe en dimensions (ou variables) identifiables, non pour le simplifier, mais pour le rendre compréhensible au moyen des catégories d’analyse existantes, pour permettre ensuite d’effectuer la comparaison avec d’autres phénomènes similaires et pour tester enfin un certain nombre d’hypothèses fondées sur ces variables, telles qu’elles ont été déjà parfois formulées au sein de la littérature (Palier et Surel, 2005 : 11).

Pour le moment, mentionnons seulement que selon la littérature, les institutions (règles, normes) sont considérées comme étant les principaux éléments à intégrer; les intérêts des différents acteurs, se classent au second rang (Figure 9). Ces résultats reflètent assez fidèlement la distinction courante entre intégration verticale (sectorielle) et horizontale et de fait, la mise en relation entre le système et les acteurs. Les acteurs arrivent au second rang, en tant que porteurs d'intérêts, mais surtout en tant que condition essentielle et composante de la GIEBV. La littérature aborde davantage la question des rôles et responsabilités des acteurs plutôt que celle de leur compréhension de la GIEBV, de la conception de leur statut et de leur identification au nouveau territoire de gestion. De plus, plusieurs études abordent l'intégration des acteurs, mais sans spécifier de quels acteurs il s'agit. Les études qui se différencient à cet effet abordent le rôle des OBV (ou autres organismes homologues) ou encore des acteurs locaux, en particulier les municipalités (ou autres entités équivalentes à l'extérieur du Québec).

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Figure 9 : Les éléments devant être intégrés dans le cadre d’une GIEBV selon la littérature, 1995-2015 (en %)

Source : Nancy Emond (2015).

Lorsque nous posons la question des facteurs favorisant ou défavorisant la mise en oeuvre de la GIEBV, les constats suivants ressortent de la littérature. D'une part, l'ensemble des variables d’action publique (ou facteurs socio-relationnels) apparaissent constituer autant des facteurs favorisant que défavorisant la mise en oeuvre de la GIEBV. En effet, les écarts sont très faibles, voire quasi-inexistants (Figure 10) entre les variables. Toutefois, nous pouvons observer que l'échange d’information et les institutions sont davantage considérés comme des facteurs facilitant la mise en oeuvre de la GIEBV, alors que l'identité, dans le sens d’un partage d’une identité commune et d’un sentiment d’appartenance au bassin versant, apparaît plus problématique.

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Figure 10 : Impact des variables d’action publique (ou facteurs socio-relationnels) sur la mise en œuvre de la GIEBV selon la littérature, 1995-2015 (en %)

Source : Nancy Emond (2015).

1.5. Le rôle des OBV (ou autres entités homologues)

Concernant les OBV (ou autres entités homologues), nous pouvons constater l’absence de consensus par rapport à leur définition : principal acteur de la GIEBV, institution de gestion de l'eau, table de concertation, non acteur, etc14. Or, globalement, ces organismes sont perçus comme des facteurs favorisant la mise en

œuvre de la GIEBV. En ce sens, l’action de ces organismes devrait être au coeur de la GIEBV (Raachi, 2007). Pour Fourneaux (2009), les OBV devraient permettre d’assurer un contrôle plus démocratique sur les orientations privilégiées par l’État. Laberge et al. (2011), dans leur bilan de la GIEBV au Québec, ont néanmoins observé une grande diversité entre les OBV ayant des conséquences sur le degré de mise en œuvre de la GIEBV : contraintes différentes selon la taille du territoire et le nombre d'usagers qui doivent se concerter, problèmes environnementaux et solutions différenciés, fonctions différentes et évolutives (par exemple, certains OBV avaient au départ une vocation davantage environnementale), niveau variable de reconnaissance locale et d’autonomie financière, priorités diverses, etc.

1.6. La GIEBV – un modèle ?

Une majorité d’études affirme qu’il existe plusieurs modèles de GIEBV15. Ces modèles sont structurés en

fonction du contexte historique, culturel, géographique et économique (Gouws et al, 2010) ou encore, du rythme d’implantation, ainsi que des caractéristiques des OBV et des zones de gestion (Laberge & al,

14Données non présentées. 15Données non présentées.

Figure

Figure 2: Répartition annuelle des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par occurrence)
Figure 3 : Répartition géographique des articles portant sur la GIEBV, 1995-2015
Figure 4 : Discipline pratiquée par les auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995-2015 (par  occurrence)  11
Figure 5 : Attachement organisationnel des auteurs des publications portant sur la GIEBV, 1995- 1995-2015 (en %) 12
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