• Aucun résultat trouvé

Évaluation des représentations de soi et des représentations d'objet chez trois groupes de sujets de structure de personnalité différente

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Évaluation des représentations de soi et des représentations d'objet chez trois groupes de sujets de structure de personnalité différente"

Copied!
168
0
0

Texte intégral

(1)

mi

Évaluation des représentations de soi et des représentations d'objet chez trois groupes de sujets de structure de personnalité différente

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de !'Université Laval

pour l'obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

NOVEMBRE 1999

(2)

Mes remerciements vont d'abord à M. Louis Diguer, directeur de ce mémoire, pour son soutien et ses conseils précieux, qui m'ont permis de mener à bien ce projet, de même que pour la motivation qu'il a su m'insuffler, dès les premiers moments et tout au long de la réalisation de ce travail.

Je ne saurais passer sous silence l'appui considérable fourni par mes deux collègues Caroline Chiasson et Étienne Hébert pour la cotation des descriptions fournies par les sujets; je les remercie aussi pour les commentaires judicieux qu'ils ont pu formuler tout au long des périodes de formation aux instruments de mesure et de cotation, de même que pour la patience dont ils ont su faire preuve à certains moments.

Ma reconnaissance va également à Jean Descôteaux pour l'assistance qu'il m'a si gentiment et si souvent fournie dans la conception et la réalisation de mes analyses statistiques. À lui ainsi qu'à Jean-Pierre Rousseau vont également toute ma gratitude pour le support qu'ils m'ont maintes fois apporté, très souvent à leur insu; leur amitié et leur complicité ont été des ingrédients très importants tout au long des étapes qui ont mené à la réalisation de ce projet.

Enfin, je veux remercier mes amis France, Carole, Marie, Constant, Kathleen et Jean, qui, dès la première heure, ont su croire en moi, souvent plus que moi-même; à chacun et chacune je dois une part de ce queje suis devenue.

(3)

Cette recherche, qui a pour but de vérifier si les représentations de soi et les représentations d'objet diffèrent chez des sujets de structure de personnalité différentes, s'inscrit dans le champ des théories développementales de la personnalité et des relations d'objet. Pour vérifier cette hypothèse, cinquante sujets adultes (trente femmes et vingt hommes) vus en psychothérapie dans la région de Québec ont été répartis en trois groupes en fonction d'une évaluation structurale de leur personnalité : névrotiques (NÉV), limite de haut niveau (LIM) et limite de bas niveau (PSY). Les relations d'objet des sujets sont évaluées à l'aide de 1 Object Relations Inventory (ORI) et de 1'Assessment of Self Descriptions (ASD), instruments mis au point par Sidney J. Blatt et ses collaborateurs (1992, 1993) pour mesurer respectivement les représentations d'objet et les représentations de soi. Les résultats indiquent que certaines caractéristiques des représentations d'objet sont significativement différentes chez les sujets du groupe NÉV et ceux du groupe PS Y; quant aux représentations de soi, on observe le même type de différence pour une variable, alors que pour une autre, les sujets du groupe NÉV se distinguent de ceux des deux autres groupes. Cette recherche a aussi permis de générer des données sur la structure interne de l'ASD. Enfin, des résultats préliminaires semblent indiquer que la notion de représentation d'objet pourrait être en partie incluse dans celle de représentation de soi.

Sylvie Pelletier Louis Digùer, directeur de recherche

(4)

AVANT-PROPOS ... i

RÉSUMÉ ... n TABLE DES MATIÈRES ... in LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX ... vu INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

I. CADRE THÉORIQUE ... 5

1.1 Les théories des relations d’objet... 5

1.1.1 Introduction ... 5

1.1.2 Précisions notionnelles ... 8

1.1.2.1 La notion d’objet... 8

1.1.2.2 La notion de relation d’objet... 9

1.1.2.3 La notion de représentation psychique ou mentale . 12 1.1.2.4 La notion de représentation d’objet ... 13

1.1.2.5 La notion de soi ... 15

1.1.2.6 La notion de représentation de soi... ... 16

1.1.3 Le point de vue cognitif et psycho-affectif dans le développement des relations d’objet ... 18

1.1.3.1 L’aspect cognitif du développement de la notion d’objet chez J. Piaget ... 18

1.1.3.2 L’aspect psycho-affectif du développment de la notion d’objet chez M. Mahler ... 20

1.2 La conception intégrative de S. J. Blatt... 23

1.3 L’évaluation empirique des représentations d’objet et de soi... 29

1.3.1 Introduction ... 29

1.3.2 Historique ... 30

(5)

1.4 L·’évaluation de la personnalité ... 35

1.4.1 Introduction sur la notion de personnalité ... 36

1.4.2 La problématique de l’évaluation et de la classification des troubles de personnalité ... 37

1.4.3 La conception psychanalytique de !’organisation de la personnalité selon O. F. Kemberg ... 39

1.4.3.1 La personnalité normale... 40

1.4.3.2 Une proposition de classification des pathologies de la personnalité ... 41

1.4.3.2.1 Caractéristiques de !’organisation psychotique de la personnalité ... 44

1.4.3.2.2 Caractéristiques de !’organisation limite (borderline) de la personnalité ... 46

1.4.3.2.3 Caractéristiques de !’organisation névrotique de la personnalité ... 47

1.4.3.3 Une classification basée sur des continuums développementaux, structuraux et motivationnels ... 48

1.4.3.4 Établissement d’un diagnostic structural de personnalité ... 48

Π. OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES . . . ... 51

2.1 Objectif principal ... 51

2.1.1 Sous-hypothèses relatives aux représentations d’objet... 52

2.2 Objectif secondaire ... 52

m. MÉTHODE ... 54

3.1 Échantillon ... 54

3.2 Procédure ... 55

3.3 Instruments et cotation ... 57

3.3.1 Évaluation des représentations de soi et des représentations d’objet ... 57

3.3.1.1

Object Relations Inventory (ORI) ... 57

3.3.1.!Assessment of Self Descriptions (ASD) ... 60

3.3.2 Évaluation diagnostique de la personnalité : le PODF ... 62

3.3.2.1 Répartition des sujets en groupes diagnostiques PODF... 64

(6)

IV. ANALYSES ET RÉSULTATS ... 66

4.1 Fidélité interjuge ... 66

4.1.1 Nature des données et choix des indices... 66

4.1.2 Fidélité de la cotation de l’ORI... 68

4.1.3 Fidélité de la cotation de l’ASD ... 71

4.2 Normalité des données ... 73

4.3 Corrélations entre les dimensions de l’ORI ... 74

4.4 Pouvoir discriminant de l’ORI ... 74

4.5 Corrélations entre les dimensions de l’ASD et identification de facteurs ... 78

4.6 Pouvoir discriminant de l’ASD... 83

4.7 Mise en relation de l’ORI et de l’ASD... 86

V. DISCUSSION ... 89

5.1 Représentations d’objet, représentations de soi et structure de personnalité ... 89

5.2 Structure interne du concept de « représentation de soi » 93

5.3 Relations entre les concepts de « représentation d’objet » et de « représentation de soi » ... 94 5.4 Considérations métrologiques ... 96 5.4.1 Ori et ASD ... 96 5.4.2PODF ... 99 5.5 Limites de l’étude ... 100 CONCLUSION GÉNÉRALE ... 101 103 RÉFÉRENCES

(7)

Guide de cotation des descriptions de parents et de

personnes importantes ... 112

Guide de cotation des descriptions de soi ... 124

Personality Organisation Diagnostic Form ... 141

Consignes pour Γ obtention des descriptions ... 143

Consignes pour l’obtention des récits (RAP) ... 145

Feuille de cotation de l’ORI ... 147

Exemple de cotation d’une description d’un parent ... 149

Feuille de cotation de l’ASD... 152

Exemple de cotation d’une description de soi ... 154

Formulaire de consentement ... 157 ANNEXE A : ANNEXE B : ANNEXE C : ANNEXE D: ANNEXE E: ANNEXE F : ANNEXE G : ANNEXE H : ANNEXE I : ANNEXE J :

(8)

FIGURES

1. Articulation des trajectoires développementales de Mahler, Piaget, Klein et

Blatt ... 25 2. Interrelations entre les troubles de personnalité ... 45

TABLEAUX

1. Indices d’entente et de fidélité interjuges pour la cotation des dimensions de

l’ORI... 70 2. Indices d’entente et de fidélité intequges pour la cotation des dimensions de

l’ASD ... 72 3. Corrélations entre les variables de l’ORI ... 74 4. Analyses de variance factorielles univariées effectuées sur les dimensions de

l’ORI... 75 5. Moyennes et écarts-types des cotes obtenues pour les dimensions de l’ORI,

par groupe diagnostique ... 77 6. Corrélations entre les variables de l’ASD... 79 7. Analyse en composantes principales des dimensions de l’ASD ... 81 8. Moyennes et écarts-types des cotes obtenues pour les dimensions de l’ASD,

par groupe diagnostique ... 84

86

Corrélations entre les dimensions de l’ORI et les facteurs de l’ASD

(9)

Le concept de relation d'objet est aujourd'hui un construit théorique central, tant en recherche psychanalytique et en psychologie cognitive qu'en psychologie développementale. En effet, il est généralement admis que dès le début de sa vie, l'enfant intériorise, sous forme de représentations mentales globalement désignées par le terme « relations d'objet », les interactions qui ont lieu entre lui et les personnes qui en prennent soin, généralement ses parents, de même que le contexte dans lequel se déroulent ces interactions. Les premières représentations que l'enfant se fait de lui-même et des autres jouent un rôle déterminant dans !'organisation et la structuration ultérieures de sa personnalité, car elles constituent le prototype de toutes les futures relations interpersonnelles qu'il établira avec autrui. Les conditions dans lesquelles prennent place les interactions précoces de l'enfant avec ses figures maternantes constituent à cet effet un cadre de référence pour !'intériorisation graduelle des représentations que s'en fait l'enfant; en ce sens, un contexte maternant peu favorable ou exagérément exigeant peut éventuellement entraîner, chez le sujet, l'apparition de perturbations liées à diverses formes de psychopathologie.

À l'heure actuelle, la structuration de la personnalité constitue l'assise théorique sur laquelle bon nombre de théories psychanalytiques et psychodynamiques fondent leur compréhension des psychopathologies, celles-ci étant considérées comme des perturbations dans le processus développemental de structuration psychique. Ainsi, la plupart des modèles théoriques de la personnalité reconnaissent, quoiqu'avec quelques variantes, l'existence de trois grandes structures ou organisations de la personnalité (psychotique, limite ou borderline et névrotique), dont chacune représente l'atteinte d'un niveau développemental de plus en plus avancé. Chacune de ces organisations est notamment caractérisée par un type d'angoisse prédominant, !'utilisation de mécanismes de défense particuliers et la mise en scène, par le sujet, d'un type de relation d'objet privilégié.

Malgré le nombre grandissant de recherches portant sur les relations d'objet de même que sur le rôle des parents dans la structuration de la personnalité en général, relativement peu de recherches ont encore porté sur la façon dont des sujets conçoivent leurs parents (Quinlan, Blatt, Chevron et Wein,

(10)

1992; Bornstein et O'Neill, 1992). Par ailleurs, on déplore également l'absence de moyens d'évaluation des relations d'objet, compte tenu de leur intérêt croissant en clinique (Marziali et Oleniuk, 1990). Enfin, d'autres chercheurs soulignent la rareté des recherches empiriques menées sur l'évaluation du concept de représentation de soi, qui est pourtant un construit fondamental de la plupart des théories de la personnalité (Bers, Blatt, Sayward et Johnston, 1993).

Pour pallier ces lacunes, S. J. Blatt et ses collègues ont mis au point un instrument d'évaluation des représentations d'objet connu sous le nom de OBJ (Object Representations Inventory, 1992), qui s'appuie sur une conception à la fois développementale, structurale et cognitive des représentations d'objet, intégrant la théorie du développement cognitif de Piaget et de Wemer, les concepts psychanalytiques du développement des relations d'objet et les travaux de Mahler et de Stern sur le développement affectif (Blatt, Wiseman, Prince-Gibson et Gatt, 1991; Marziali et Oleniuk, 1990; Diguer, Morissette et Normandin, 1997). Cet instrument est appliqué à des descriptions que fait le sujet de certaines personnes importantes pour lui, notamment son père et sa mère. Un autre instrument, l'ASD (Assessment of Self Descriptions, 1993) a également été conçu par Blatt et ses collègues pour évaluer diverses dimensions des représentations de soi à partir de descriptions que les sujets font d'eux-mêmes (Blatt, Bers et Schaffer, 1993).

Cette recherche a pour principal objectif de vérifier, à l'aide de ces instruments, s'il existe des différences entre les représentations de soi et les représentations d'objet de sujets par ailleurs répartis en trois groupes selon leur organisation de personnalité, déterminée à l'aide d'un instrument, le PODF (Personality Organisation Diagnostic Form), mis au point en 1996 par Diguer et Normandin dans le but d'opérationaliser le modèle structural de la personnalité de O. Kernberg (1996). Selon son auteur, ce modèle tente de remédier aux lacunes présentées par les approches diagnostiques traditionnelles, trop axées sur les comportements externes des individus, sans égard à leur structure de personnalité sous-jacente. Abordant une approche fondamentalement dimensionnelle, le modèle de Kernberg présuppose l'existence d'un continuum entre normalité et pathologie et a pour caractéristique d'être basé sur une conception développementale des structures psychiques. Le type de relation objectale est l'une des quatre dimensions sur lesquelles s'articule ce modèle, dont

(11)

l'évaluation.permet de déterminer l'appartenance du sujet à l'un des trois groupes de structures de personnalité définis par Kemberg.

Par ailleurs, puisque la mise au point de l'ORI et de l'ASD est somme toute assez récente et que leur utilisation demeure encore relativement restreinte, nous comptons également, par les résultats de notre recherche, contribuer à !'accumulation de données sur la validité de ces instruments, de même que sur la structure interne de l'ASD. Enfin, nous poursuivons également un objectif de type exploratoire qui consiste à voir s'il existe des relations entre certaines dimensions des représentations de soi et des représentations d'objet.

Nous abordons la partie théorique de notre étude par une introduction aux théories des relations d'objet, dont nous présentons les éléments centraux et les principaux points de divergence par rapport à la pensée psychanalytique classique, dont elles dérivent. De cette filiation découle une évolution dans !'utilisation de certains concepts, ce qui nous amène à énoncer quelques précisions terminologiques relatives à ce champ d'étude. Nous poursuivons par un survol des théories développementales des relations d'objet élaborées respectivement par J. Piaget et par M. Mahler, dont S. J. Blatt s'inspire largement dans l'élaboration de sa propre conception théorique du développement des relations objectales; la présentation de cette dernière constitue le deuxième point théorique de notre étude.

En troisième lieu, nous effectuons une brève revue des méthodes empiriques d'évaluation des représentations de soi et des représentations d'objet, parmi lesquelles nous mettons surtout l'accent sur la description des travaux de S. J. Blatt et de ses collègue et sur l'évolution de leur contribution, puisque que notre recherche se situe dans le prolongement de ces travaux.

Enfin, nous nous penchons succinctement sur la notion de personnalité et sur quelques-unes des controverses majeures qui en marquent l'étude. La présentation de la conception psychanalytique de !'organisation de la personnalité d'Otto Kemberg et du modèle de classification qu'il propose pour !'établissement d'un diagnostic structural de personnalité constitue l'essentiel de ce dernier point théorique.

(12)

Les deuxième et troisième chapitres de cette recherche sont par la suite respectivement consacrés à la présentation des objectifs et hypothèses de la recherche, ainsi que de ses aspects méthodologiques. Le quatrième chapitre présente les résultats obtenus, alors que la discussion de ces derniers et de différents aspects méthodologiques propres à cette recherche fait l'objet du cinquième chapitre.

(13)

1.1 Les théories des relations d'objet

1.1.1 Introduction

Depuis quelques décennies, les théories des relations d'objet occupent une place de plus en plus grande dans les champs de la psychanalyse, de la psychologie développementale et de la recherche sur la psychothérapie (Smith, 1993). Ces théories, qui originent de la théorie psychanalytique classique, occupent un très vaste champ qui englobe toutes les formulations explicatives des aspects structuraux, développementaux et motivationnels de la nature humaine qui donnent une place centrale à !intériorisation, à la structuration et à la réactivation (notamment, en situation clinique, dans le transfert et le contre-transfert) des relations d'objet dyadiques précoces vécues par l'enfant (Kernberg, 1995).

À l'origine, les théories des relations d'objet ont souvent été désignées collectivement sous le nom d'« École britannique ». Étaient notamment réunis sous cette bannière les noms de Klein, Fairbaim, Guntrip, Balint et Winnicott, auteurs auxquels on limite parfois la « paternité » des théories des relations d'objet (Compton, 1995; St. Clair, 1986). Mélanie Klein, dont la position dérive directement de celles de Ferenczi et d'Abraham, est en fait la première à avoir élaboré une théorie des relations d'objet, posant qu'il existe un moi, donc des relations d'objet, dès la naissance (Compton, 1995).

Le mouvement de la théorie objectale a par la suite pris une extension considérable aux États-Unis, y rejoignant la ligne de pensée de la psychologie du moi (Ego psychology) de Hartmann, courant auquel se rattachent Erikson, Jacobson, Mahler, Loewald, Sandler et Kernberg, qui se définit comme le premier psychanalyste américain théoricien de la relation d'objet (Brusset, 1988). Les représentants de l'approche interpersonnelle en psychologie, comme Sullivan, Greenberg et Mitchell ont également contribué à !élaboration de ce champ théorique, tout comme H. Kohut, dont la psychologie du soi (Self Psychology) est considérée par plusieurs auteurs comme étant aussi une

(14)

théorie des relations d'objet (Compton, 1995; St. Clair, 1986).

Les théories des relations d'objet présentent entre elles un certain nombre de points communs. Tout d'abord, ce sont toutes des théories essentiellement développementales, qui ont repris la conception freudienne du développement par étapes successives mais en y substituant la notion d'étapes pulsionnelles (stades oral, anal, phallique et génital) au profit de celle d'étapes objectales. A l'instar également de la théorie psychanalytique classique dont elles s'inspirent, les théories des relations d'objet se penchent sur la façon dont le passé influence la vie actuelle de l'individu, mais en s'intéressant d'une façon particulière à ses relations et à la façon dont sa personnalité se façonne en fonction de ces relations. Ces théories accordent une importance spéciale aux relations que vit l'enfant en bas âge, dans l'optique où il est assumé que ces dernières laissent des traces durables dans son psychisme, traces qui, sous forme de représentations internes, détermineront la perception qu'aura ultérieurement l'individu des personnes de son entourage et des relations qu'il établira avec eux. La plupart des théoriciens des relations d'objet considèrent en effet que les individus interagissent non seulement avec des personnes réelles, mais également avec des représentations psychiques qu'ils se sont faites d'autrui et qu'ils ont intériorisées, représentations qui peuvent ou non correspondre avec ces personnes réelles (St. Clair, 1986). Intégrant les données empiriques sur le développement psycho-affectif, ces théories s'intéressent aussi aux aspects affectifs des relations s'établissant entre le soi et l'objet, qu'il s'agisse des relations réelles ou intériorisées sous forme de représentations (Kernberg, 1995).

Toutes les théories des relations d'objet s'accordent également pour voir l'émergence de relations d'objet intériorisées dans les manifestations transférentielles et contre-transférentielles que l'on peut observer en situation thérapeutique, et insistent sur l'importance d'analyser ces manifestations dans les contextes cliniques. C'est sous cet aspect que les théoriciens des relations d'objet abordent l'étude des psychopathologies graves, auxquelles ils s'intéressent plus particulièrement (Kernberg, 1995), contribuant ainsi de façon significative à faire évoluer la compréhension des difficultés relationnelles qui caractérisent la psychopathologie eh général.

(15)

quelques points principaux, dont le premier est leur intérêt préférentiel pour les stades précoces du développement du tout jeune enfant, qui se situent bien avant la période oedipienne, perçue comme l'enjeu majeur du développement par les tenants de la psychanalyse freudienne. Alors que ces derniers expliquent les perturbations dans le développement et la psychopathologie par des conflits entre les différentes composantes structurales de la personnalité (Ça, Moi, Surmoi), les théoriciens des relations d'objet, pour leur part, voient plutôt la psychopathologie comme résultant d'une interruption ou d'un arrêt dans le développement de la constitution des relations d'objet ou du concept de soi, et de leurs effets perturbateurs subséquents sur la structuration de la personnalité de l'individu (St. Clair, 1986).

En deuxième lieu, les théoriciens des relations d'objet se démarquent globalement de la pensée psychanalytique freudienne par la moindre importance qu'ils accordent aux facteurs biologiques et aux aspects pulsionnels comme facteurs déterminants dans le développement de la personnalité. St. Clair (1986) note toutefois qu'une assez grande divergence marque la pensée des théoriciens sur ce dernier point. Klein, Mahler et Jacobson, qui font une place importante à la théorie des pulsions dans le développement de leur théorie, y subordonnant les relations objectales, adoptent en fait une position assez voisine de la théorie freudienne, alors que d'autres auteurs comme Fairbaim, Sullivan, Greenberg et Mitchell, pour qui les deux sont essentiellement incompatibles, représentent la position résolument opposée. Kernberg (1995) compte, avec Winnicott, Loewald et Sandler, parmi les théoriciens qui adoptent pour leur part une position plus ou moins intermédiaire à cet égard.

Un autre aspect sur lequel divergent les théoriciens des relations d'objet est la place qu'ils donnent aux objets fantasmatiques par rapport aux objets réels dans leur conception. Les tenants de l'École britannique, plus particulièrement les théoriciens résolument klein!ens, insistent davantage sur la nature fantasmatique des objets alors que les représentants de la théorie interpersonnelle penchent plutôt pour une explication basée sur la réémergence, dans le transfert, de relations traumatiques réelles sur lesquelles !'intériorisation n'a produit que peu de modifications structurales. Certains auteurs, dont Jacobson, Mahler, Sandler et Kernberg occupent, également sur ce point, une position intermédiaire qui les conduit à mettre l'accent sur les modifications structurales qui peuvent résulter de points de fixation dans !'intériorisation des relations d'objet (Kemberg, 1995).

(16)

Les théoriciens des relations d'objet envisagent donc les relations, le développement et la structuration de la personnalité sous un angle différent de celui que propose la psychanalyse freudienne (St. Clair, 1986). Le déplacement théorique relatif produit par ce changement de perspective a entraîné une évolution dans !'utilisation de certains concepts, ce qui nécessite, à notre avis, l'apport de précisions notionnelles sur les termes utilisés pour les désigner. La signification plus particulière que revêtent les termes objet, relation d'objet, représentation mentale,

représentation d'objet, soi et représentation de soi dans le contexte précis des théories des relations

d'objet fait donc l'objet des paragraphes suivants.

1.1.2 Précisions notionnelles

1.1.2.1 La notion d'objet

L' « objet » est un concept qui, quoique largement utilisé aujourd'hui dans plusieurs champs de la psychologie, demeure néanmoins imprécis. Compton (1995) définit le terme dans son sens le plus large, disant qu'il désigne « tout ce qui, pour un sujet, est extérieur à lui-même ».

L'origine de !'utilisation « psychologique » du terme est à situer dans la théorie psychanalytique freudienne, dans laquelle il recouvre, selon Laplanche et Pontalis (1992), trois acceptions; en soi, ce fait laisse déjà présager de la complexité de la notion. Tout d'abord, l'objet peut être considéré en tant qu' « élément visé par une pulsion », c'est-à-dire ce en quoi et par quoi celle-ci cherche à atteindre son but. Dans cette acception, l'objet, qui peut être une chose ou une personne, réelle ou fantasmatique, totale ou partielle, est vu comme un moyen de satisfaire la pulsion. Selon une autre acception, relevant également de la théorie psychanalytique classique, l'objet, généralement représenté par une personne, est défini en tant qu' « objet d'amour, d'attirance pour un sujet ». Enfin, le troisième sens relevé par Laplanche et Pontalis (1992) pour le mot « objet », qui relève davantage de la philosophie et de la psychologie de la connaissance, concerne la désignation du sujet lui-même en tant que doué d'une faculté d'objectivation qui lui permet de percevoir et de connaître.

(17)

Ces définitions n'appréhendent toutefois l'objet que du seul point de vue du sujet, excluant de ce fait toute idée de relation entre ce sujet et son objet (Brusset, 1988). En effet, même si le modèle freudien fait une place aux relations en tant qu'élément de !'environnement ayant une influence sur le comportement humain et le développement ultérieur de la personnalité, Freud n'en fait à peu près aucune mention explicite dans ses écrits, à l'exception d'un passage des Trois essais sur la théorie

de la sexualité (1905), où il est question des relations mutuelles entre la mère et son enfant. Dans

la théorie freudienne, l'objet sert à satisfaire une pulsion, ou, en d'autres termes, à obtenir du plaisir ou à éviter du déplaisir. C'est d'ailleurs sur cette base que Freud explique les relations ou les transactions interpersonnelles, les concevant comme ce qui motive le sujet à chercher ou à aller vers ce qui est susceptible de satisfaire son besoin pulsionnel, généralement une personne. Selon la conception psychanalytique classique, cette motivation s'accompagne d'un investissement énergétique qui concerne davantage la représentation mentale de l'objet que l'objet réel (Novey, 1958; St. Clair, 1986).

C'est surtout après Freud que l'on assistera à de nombreux développements qui conféreront à la notion d'objet la place prépondérante qu'elle occupe aujourd'hui au coeur de plusieurs théories psychologiques donnant un rôle majeur à la dimension interpersonnelle, parmi lesquelles figurent les théories des relations d'objet (Brusset, 1988) En fait, c'est dans la théorie kleinienne des relations d'objet que le terme prendra toute la valeur que lui a donnée la psychanalyse, c'est-à-dire comme doté fantasmatiquement de caractères semblables à ceux d'une personne (Laplanche et Fontalis, 1992).

1.1.2.2 La notion de relation d'objet

Au sens le plus large, relation d'objet désigne le « mode de relation du sujet avec son monde », le mot « relation » étant entendu, dans cette définition, au sens d'« action réciproque, d'interrelation entre le sujet et ses objets » (Laplanche et Fontalis, 1992). L'acception contemporaine de la notion de « relation d'objet » provient du déplacement de la perspective freudienne, qui considérait l'objet du seul point de vue du sujet, vers une prise en considération de l'entourage de ce dernier. Cette

(18)

nouvelle perspective a pris une importance croissante, depuis les années 30, au point d'en venir à constituer la référence théorique actuelle majeure. Laplanche et Pontalis (1992) font d'ailleurs une mise en garde à propos de l'emploi de ce terme, qui, à cause de l'accent qu'il met sur la vie relationnelle du sujet, pourrait porter à considérer comme seules significatives les relations réelles qu'il a avec son entourage; ces auteurs rappellent la nature essentiellement fantasmatique que doit continuer d'avoir cette notion issue de la pensée psychanalytique post-freudienne.

En effet, le terme de « relation d'objet » désigne une notion qui ne fait pas vraiment partie de l'appareil conceptuel érigé par Freud, ce dernier n'en faisant que rarement mention (Golse, 1994; Laplanche et Pontalis, 1992). Rappelons que dans sa conception, l'objet est un moyen pour la pulsion d'atteindre son but; en ce sens, il est variable et soumis aux fluctuations de !'environnement. Même si Freud a bien établi que le premier objet d'amour pour l'enfant était le sein de sa mère, il est demeuré relativement vague sur la relation mère-enfant, ce qui, à la suite des divergences théoriques qui ont opposé ses successeurs sur cette question, a donné naissance aux deux principaux courants de pensée qui font actuellement école en ce domaine : la psychologie du Moi (Ego psychology) et les théories des relations d'objet (Ainsworth, 1969).

Les théoriciens de la psychologie du Moi considèrent pour leur part le développement des relations d'objet comme intimement lié avec le développement du Moi, donc dépendant de l'acquision de capacités cognitives absentes au moment de la naissance. Selon cette conception théorique, le fait que le nouveau-né soit un organisme presque totalement indifférencié l'empêche, au début de sa vie, défaire des distinctions entre lui-même et son environnement, de même qu'entre les différents objets qui constituent cet environnement. C'est donc dans son propre organisme qu'il situe tout ce qu'il ressent, aussi bien les états de tension que d'apaisement, puisqu'il ne peut encore distinguer sa mère de lui-même. Tous les auteurs appartenant à ce courant de pensée s'accordent pour situer l'apparition graduelle de la capacité du bébé de distinguer le soi du non-soi au cours de sa première année de sa vie, à l'issue d'un processus qui comprend trois phases principales : la phase d'indifférenciation, où l'objet n'existe pas, la phase intermédiaire, durant laquelle le développement de certaines fonctions du moi permet une différenciation graduelle entre le bébé et son environnement, et la phase des relations d'objet véritable, où le bébé devient capable de bien percevoir sa mère comme totalement

(19)

différenciée de lui et d'en conserver une représentation mentale en son absence. Pour ces auteurs, c'est autour de l'angoisse du huitième mois (Spitz, 1965), qui signe le début de cette troisième phase, qu'on peut associer la naissance des relations object aies et le commencement d'une véritable conscience de soi (Ainsworth, 1969; Golse, 1994).

Les tenants des théories des relations d'objet considèrent par contre les relations d'objet comme une capacité innée plutôt qu'acquise. Pour Mélanie Klein, qui est la première à avoir établi une théorie des relations d'objet et dont la position dérive directement de celle de Ferenczi et d'Abraham, il existe en effet un moi, donc des relations d'objet, dès la naissance. Sa théorie postule l'existence de quatre types d'objets partiels (le bon et le mauvais objet interne, et le bon et le mauvais objet externe), qui se transforment graduellement en objets totaux grâce à !'établissement de relations incessantes et mouvantes entre eux, tout au long de la traversée de deux stades développementaux (les positions schizo-paranoïde et dépressive) qui se déroulent normalement au cours de la première année de vie de l'enfant. L'influence de ce courant s'est surtout faite sentir en Grande-Bretagne; aux États-Unis, par contre, malgré l'extension considérable qu'y a pris le mouvement de la théorie objectale, la pensée dominante demeure axée sur la position de Y Ego psychology (Ainsworth, 1969; Brasset, 1988; Compton, 1995).

Le déplacement partiel de l'importance de la notion de pulsion au profit de celle de relation, marqué par les théories des relations d'objet, a entraîné une modification dans l'appréhension de la notion d'objet, considéré classiquement comme déterminé par le mode de relation (existence d'un objet typique pour chaque mode de relation : oral, anal, etc.) au profit d'une conception qui insiste plutôt sur son caractère singulier (dans l'histoire du sujet) et variable (en tant que moyen de satisfaire la pulsion). Ce déplacement théorique a également eu pour effet, en y arrimant les mécanismes de défense et le degré de développement de la structure du moi, de donner à la notion de relation d'objet une acception plus englobante, comprenant des composantes affectives, cognitives et structurales, qui retient beaucoup !'attention dans les études contemporaines du développement de la personnalité normale et pathologique chez l'individu (Laplanche et Pontalis, 1992; Stricker et Healey, 1990). La formulation conceptuelle de Kernberg (1995), qui intègre pulsions, affects et représentations d'objets, et sur laquelle nous reviendrons plus en détail au point 2.4.3, constitue une très bonne illustration de

(20)

cette position.

1.1.2.3 La notion de représentation psychique ou mentale

La représentation mentale est en soi un concept complexe, relevant classiquement de la philosophie, qui désigne « ce que l'on se représente, ce qui forme le contenu concret d'un acte de pensée » (Laplanche et Pontalis, 1992). Cette notion témoigne de la tendance naturelle, chez l'être humain, à se représenter mentalement tout résultat d'un processus mental.

C'est en particulier dans ses écrits sur le refoulement que Freud définit la notion de représentation comme l'une des deux composantes, avec l'affect, du représentant psychique de la pulsion (Compton, 1995; Golse, 1994; Laplanche et Pontalis, 1992). La pulsion elle-même, de nature somatique, ne pouvant agir au niveau du psychisme, la représentation en constituerait donc la trace sensorielle interne, inconsciente, qui subsiste de l'expérience. Pour la psychologie développementale et la pensée psychanalytique contemporaine, les processus de représentation mentale sont à la base de toutes les activités psychiques conscientes; ils occupent donc en ce sens une place centrale dans ces théories (Blatt, Chevron, Quinlan, Schaffer et Wein, 1992).

Le champ de la psychologie cognitive accorde également une importance grandissante à la notion de représentation mentale. Il est intéressant de noter que Novey, dès 1958, faisait un rapprochement entre le concept de représentation mentale et la notion d'aperception, qu'il pressentait influencée par les expériences préalables du sujet avec des personnes importantes pour lui. Plus récemment, les progrès incessants des sciences cognitives ont permis de raffiner la conception des représentations mentales, que l'on considère maintenant comme des modèles intériorisés que le sujet se construit de son environnement et de son action sur cet environnement, modèles qu'il peut utiliser comme sources d'information afin de réguler et de planifier ses conduites (Bloch et al., 1997). Les noms utilisés par les chercheurs pour désigner ces modèles varient selon leur position théorique; ainsi, les théoriciens de l'attachement parleront de « modèles opératoires internes » (internal working models, ou IWM), et les théoriciens des relations d'objet de schémas cognitifs-affectifs (Blatt, Auerbach et Levy, 1997).

(21)

La pensée psychodynamique et psychanalytique considère toutefois que le sujet ne peut, dans sa construction d'une représentation mentale, faire abstraction de son histoire et de ce qu'il est lui-même. Dans cette optique, la représentation est une entité qui, dans un contexte donné, rassemble toute l'activité fantasmatique du sujet (expériences antérieures, désirs, attentes, défenses), à laquelle s'associent des éléments de la réalité extérieure (stimulus, perceptions, caractéristiques de la situation agissant comme déclencheur). Faisant référence à des structures mentales (ou schémas) conscientes et inconscientes qui ont des composantes cognitives, affectives et expérientielles, les représentations mentales peuvent donc être plus ou moins fidèles à la réalité, car elles constituent des constructions particulières au sujet, qu'il met en oeuvre selon sa façon unique d'appréhender le monde extérieur en fonction de son histoire personnelle. En ce sens, les représentations mentales occupent donc un rôle central dans le développement et !'organisation de la personnalité (Blatt et al., 1991, 1997; Sandler et Rosenblatt, 1962).

Nous n'élaborerons pas plus avant sur la notion de représentation mentale en soi, qui ne constitue pas l'objet central de notre recherche. De cette notion en découlent toutefois directement deux autres, la représentation d'objet et la représentation de soi, construits théoriques qui échappent tout autant à !'observation directe que la représentation mentale elle-même, mais auxquels les instruments développés par S. J. Blatt tentent de donner accès en offrant un mode d'opérationalisation.

1.1.2.4 La notion de représentation d'objet

Le concept de « représentation d'objet » n'origine pas de la théorie freudienne, mais des théories psycho dynamiques contemporaines, qui le considèrent comme un cas particulier de représentation mentale portant sur un objet (le plus souvent une personne) caractérisé par un investissement d'énergie pulsionnelle (Compton, 1995).

La conception de la notion de représentation d'objet est fortement influencée par la théorie kleinienne. Selon cette conception, les représentations d'objet peuvent concerner des objets totaux, entiers, mais aussi des objets partiels, généralement une partie d'une personne, ou même de soi. En effet, les premières représentations d'objet que se fait un enfant sont souvent incomplètes et partielles, son

(22)

immaturité émotionnelle limitant sa capacité de perception à une seule ou à quelques caractéristiques à la fois de l'objet réel (habituellement la personne qui en prend soin). Ces représentations partielles réfèrent la plupart du temps à une impression de l'objet subjectivement ressenti par l'enfant comme bon ou mauvais, selon la sensation de plaisir ou de déplaisir que cet objet lui a fourni. Par exemple, la satisfaction que ressent le bébé en présence du sein maternel, ou la frustration qu'il éprouve devant l'absence de la mère, donc du sein, deviennent respectivement représentées, dans son esprit comme un « bon » et un « mauvais » objet. A ce stade de représentation, l'objet partiel « sein » représente la mère toute entière, alors perçue comme toute bonne ou toute mauvaise. Graduellement, la maturation physiologique et le développement psychique permettent à l'enfant de percevoir simultanément plusieurs caractéristiques de l'objet, mêmes si elles sont contradictoires; c'est ainsi qu'il parvient finalement à intégrer une représentation totale de l'objet réel (Golse, 1994).

D'importance primordiale dans les théories des relations d'objet, le concept de représentation d'objet peut être défini comme une trace, un résidu structural composé, de souvenirs, d'attitudes et d'affects· conscients et inconscients, associés à une interaction fantasmée ou réelle, qui sont interreliés pour former un modèle qui gouvernera le sujet dans sa façon de percevoir les événements de sa vie quotidienne et d'y réagir (Millon, 1997). La représentation d'objet est donc un facteur psychologique majeur dans la détermination des relations interpersonnelles d'un sujet, de même que, du point de vue développemental, dans la formation de sa structure psychique et mentale. Selon ces théories, en effet, les représentations d'objet qui se forment dans l'enfance ont un caractère permanent qui en font, malgré un certain degré de plasticité et d'adaptabilité, des modèles qui agiront durant toute la vie ultérieure du sujet (Compton, 1995). En ce sens, les représentations d'objet jouent un rôle déterminant dans la formation de la personnalité de l'individu. Lorsque leur formation n'a pas pu prendre place dans des conditions propices pour en assurer un degré suffisant de développement, de différenciation et d'intégration, les représentations d'objet, subistant sous des formes parfois primitives ou déformées, peuvent par ailleurs se traduire ultérieurement par l'apparition de psychopathologies (Blatt et al., 1991).

(23)

1:1.2.5 La notion de soi

Concept très général, le mot « soi » est couramment utilisé, tant dans la langue courante qu'en psychologie, domaine dans lequel son acception demeure souvent assez vague. En fait, ce terme est souvent employé en relation avec des notions voisines qui ne sont pas non plus toujours bien définies, ce qui n'est pas de nature à en faciliter l'appréhension. Par exemple, les auteurs d'allégeance psychanalytique, chez qui l'intérêt pour le soi est en fait relativement récent, opposent souvent « soi » et « Moi », précisant que les deux notions ne doivent pas être confondues, mais sans toutefois toujours bien établir ce en quoi elles diffèrent. De façon générale, ils ne considèrent pas le soi comme une instance psychique de base, mais plutôt comme une formation psychique qui dépend, selon les auteurs, du Ça ou du Moi; pour certains auteurs comme Mélanie Klein, par contre, le soi existe dès la naissance et représente l'unité fondamentale du sujet qui, comprenant à la fois le Moi et le Ça, recouvre sa personnalité tout entière non seulement dans la réalité, mais également psychiquement (Golse, 1994; St. Clair, 1986).

Outre Kohut, dont les travaux sont cependant davantage considérés comme étant à l'origine de la psychologie du soi (self psychology) que comme une théorie des relations d'objet proprement dite, Edith Jacobson est l'auteur, parmi les théoriciens des relations d'objet, qui s'est le plus particulièrement intéressée aux concepts relatifs à la désignation de l'identité. Constatant qu'il n'existe toujours pas de définition psychanalytique universellement reconnue de la notion de « soi », et soulignant l'ambiguïté résultant de l'indistinction fréquente entre « Moi » et « soi », elle s'efforce, dans le cadre de ses travaux sur l'identité, de clarifier les deux termes (Bers, Blatt, Sayward et Johnston, 1993; Jacobson, 1975). À cet effet, elle reprend à son compte la conception du soi élaborée par Hartmann, en 1950, qui réserve !'utilisation de ce terme pour désigner « la personne en tant que sujet, par opposition au monde environnant des objets » (Golse, 1994; Greenberg et Mitchell, 1983); elle établit par ailleurs clairement la nature fondamentalement structurale du Moi, qu'elle considère comme un système dont la constitution s'effectue parallèlement avec la découverte du monde objectai et la distinction graduelle entre celui-ci et le soi physique et mental du sujet (Jacobson, 1975).

(24)

La pensée psychanalytique actuelle n'a pas une position unique quant à la conception du soi (Bers et al., 1993; Greenberg et Mitchell, 1983); ainsi, le soi peut être vu comme un contenu de l'esprit, siège de !'organisation des expériences phénoménologiques, ou, selon la ligne de pensée de Kohut, comme le produit développemental du narcissisme. D'autre théoriciens, comme Kernberg, adoptent une perspective structurale dans laquelle le soi est considéré comme une instance intrapsychique située dans le moi, où s'effectue l'intégration des nombreuses représentations de soi et des affects qui y sont liés.

Pour ce qui est de la naissance du concept de soi, par ailleurs, diverses tentatives récentes d'intégration des perspectives psychanalytique, empirique et cognitiviste sur la question convergent vers l'idée que l'existence du soi ne peut être préalable à l'apparition, chez le sujet, d'une conscience de soi (self-awareness) ou d'une capacité de réflexion sur soi {self-reflectivity) (Auerbach et Blatt, 1996; Golse, 1994; Stem, 1989). Il est couramment admis que !'organisation de ces facultés ne peut avoir lieu avant l'angoisse du 8e mois, qui marque le début des relations objectales, pour atteindre leur plein développement autour du 15e mois.

1.1.2.6 La notion de représentation de soi

Tout comme celui de « représentation d'objet », le terme « représentation de soi » est absent de la théorie psychanalytique classique. Il a été proposé par Hartmann, en 1950, qui suggérait de l'utiliser comme équivalent de « représentations d'objet ». Cette conception a été reprise par Jacobson (1975) qui a toujours considéré cette notion comme fondamentale pour l'étude des troubles psychotiques, auxquels elle s'est particulièrement intéressée. Elle définit les représentations du soi comme des « représentations endopsychiques inconscientes, préconscientes et conscientes du soi corporel et mental élaborées dans le système du moi ». Elle soutient que ces représentations s'établissent à partir des traces mnésiques de plus en plus nombreuses qui subsistent à la suite des expériences pulsionnelles réelles et fantasmatiques, positives ou négatives que vit le jeune bébé, auxquelles

(25)

s'associent des sensations d'ordre perceptuel. C'est ainsi que se forment graduellement, dans le psychisme de l'enfant, des « images du soi » corporel et psychique, tout comme il s'en forme des objets d'amour. Tout d'abord très instables, plutôt indistinctes et facilement confondues avec les images des objets, ces images de soi se précisent et se développement pour devenir des représentations cohérentes, plus ou moins adéquates, du soi et du monde objectai (Jacobson, 1975).

La construction d'une représentation de soi requiert, chez le sujet, la capacité de réfléchir sur lui- même en tant qu'objet. À cet égard, la représentation de soi diffère de la représentation d'objet en ce qu'elle origine de deux sources de connaissances sur soi : la conscience de soi subjective et la conscience de soi objective. Cette dernière inclut la conscience, pour le sujet, d'être un objet non seulement à ses yeux propres, mais aussi aux yeux des autres. Cette capacité de se diviser afin de se considérer comme objet d'observation est une étape développementale qui se situe au cours de la deuxième année de vie de l'enfant, autour du moment où il se reconnaît dans le miroir et commence à pouvoir parler de ses actions et de ses préférences. L'atteinte de cette étape développementale marque, chez le sujet, le début de cette capacité à avoir une double perspective sur lui-même, l'une de nature subjective et l'autre de nature objective (Auerbach et Blatt, 1996). Dans le même ordre d'idées, Jacobson (1975) souligne aussi très clairement l'existence de deux sources d'information pour la constitution des représentations de soi : d'une part le monde interne du sujet, d'où originent les perceptions qu'il a de lui-même, fondées en grande partie sur ses expériences émotionnelles, ses activités fonctionnelles et ses sensations; d'autre part, l'accès à une autre source de perceptions sur lui-même, située à l'extérieur de lui, grâce à ses facultés d'introspection ou d'objectivation qui lui permettent de s'observer en tant qu'objet.

La capacité, pour l'individu, d'avoir une telle perspective objective sur lui-même est une prémisse essentielle à la possibilité que se construisent, chez lui, diverses représentations de lui-même qui fusionneront graduellement pour former son sentiment d'identité propre; étant donné ¡'importance centrale du sentiment d'identité dans le développement personnel, les personnes pour qui le développement de cette capacité d'auto-objectivation se trouve perturbée dans des conditions inadéquates sont susceptibles de souffrir d'atteintes psychopathologiques graves (Auerbach et Blatt, 1996).

(26)

Par ailleurs, c'est également cette capacité du sujet d'avoir une perspective objective sur lui-même qui lui permet de communiquer, notamment par la parole, des informations sur les représentations qu'il a de lui-même; en ce sens, ces dernières s'apparentent à des représentations d'objet, ce qui en rend possible une certaine opérationalisation destinée à en faciliter la compréhension et l'évaluation.

1.1.3 Les points de vue cognitif et psycho-affectif dans le développement des relations d'objet

L'appréhension des construits théoriques fondamentaux que nous venons d'examiner brièvement et leur articulation dans une théorie des relations d'objet saurait difficilement trouver une pleine cohérence sans l'apport d'éléments relevant de la psychologie développementale et de la psychologie cognitive, deux secteurs de la psychologie qui sont en nette expansion depuis quelques décennies. Parmi les nombreux théoriciens ayant contribué à faire avancer les connaissances dans ces domaines, nous retenons les noms de Jean Piaget et de Margaret Mahler, dont la contribution dans le domaine est marquante et largement acceptée. Nous présentons, dans les pages suivantes, leur conception respective du développement de la notion d'objet (abordée sous l'aspect cognitif chez Piaget et sous l'angle affectif chez Mahler), conceptions dont S. J. Blatt s'est particulièrement inspiré dans la conception de ses instruments d'évaluation des représentations d'objet et de soi. Son élaboration théorique du développement des relations objectales s'inspire notamment très directement des différents stades de structuration de la pensée qui jalonnent la formation du concept d'objet établis par Piaget.

1.1.3.1 L'aspect cognitif du développement de la notion d'objet chez J. Piaget

La conception du développement de !'intelligence selon une série de stades qui se succèdent d'une façon ordonnée et prévisible représente l'un des apports fondamentaux de la pensée de Piaget. Chaque stade de développement provoque !'établissement de structures mentales auxquelles Piaget a découvert une qualité d'« équilibration » : ainsi, à l'atteinte de chaque nouveau stade, les structures mentales existantes retrouvent un certain équilibre après l'intégration des apports propres au nouveau

(27)

stade, formant ainsi un nouveau système plus complexe, qui sera lui aussi sujet à !'équilibration. Piaget situe cette problématique dans le contexte d'une interaction incessante entre le sujet et le monde extérieur, confirmant ainsi là nature active et dynamique du développement de l'enfant (Golse, 1994; Piaget, 1964).

Piaget distingue essentiellement quatre grandes périodes dans le développement de !'intelligence : la période de !'intelligence sensori-motrice (de la naissance à 2 ans), la période de la pensée intuitive, ou pré-opératoire (de 2 à 6-7 ans) et la période de la pensée opératoire concrète (de 7-8 à 11-12 ans) précèdent une quatrième étape développementale, dont !'aboutissement est le stade de la pensée opératoire formelle et logique, qui se poursuit jusque vers l'âge de 14 à 16 ans (Legendre-Bergeron,

1980; Piaget, 1964).

Au début de la période sensori-motrice, qui est divisée en plusieurs sous-stades, !'intelligence de l'enfant ne contient pas encore de représentation mentale; elle est limitée à ce qui se passe dans !'ici- maintenant et est principalement constituée d'activités réflexes. L'organisation graduelle de ces dernières autour des sensations perceptuelles de l'enfant rend possible l'intégration successive d'habitudes acquises à partir de réactions ditès circulaires. Cette intégration s'accompagne de l'apparition progressive de l'intentionnalité, qui contribue à former l'expérience. Entre un an et demi et deux ans, l'enfant passe progressivement de l'action vers la représentation mentale, jusqu'au point culminant de cette étape, marquée par !'acquisition définitive du concept d'objet par l'enfant, c'est-à- dire de la capacité de percevoir les choses extérieures à lui, donc de se percevoir comme sujet distinct. Cela implique que l'enfant est désormais capable de représentation, condition nécessaire, selon Piaget (1964), à !'acquisition, durant cette période, du schème de la permanence représentative de l'objet.

Ce concept, qui est l'une des grandes découvertes de Piaget, est d'une importance fondamentale, puisqu'il est à la base de la fonction symbolique et marque le début de la pensée représentative (Legendre-Bergeron, 1980). Celle-ci se développe graduellement au cours du second stade identifié par Piaget, celui de la pensée pré-opératoire. À la fin de ce stade, l'enfai

(28)

mentales demeure toutefois, à cette étape, organisé en fonction de son expérience propre; sa pensée demeure intuitive et limitée, et il considère les représentations comme de véritables substituts de l'objet.

L'âge de 6-7 ans correspond à un point tournant dans le développement de !'intelligence : c'est l'étape où l'enfant acquiert la capacité d'effectuer des opérations mentales, ce qui lui donne accès à la réversibilité de la pensée, aux opérations de classification et de sériation, et à la notion de conservation. L'intelligence, à cette période, connaît cependant encore une limite : elle demeure essentiellement concrète, concentrée sur les objets, les idées ou propositions abstraites échappant encore aux capacités de traitement de l'enfant. Ces capacités ne seront acquises qu'après l'âge de 11- 12 ans, durant la période des opérations formelles. À ce stade, l'enfant arrive à se dégager du concret et à raisonner abstraitement sans avoir besoin de s'appuyer sur des manipulations comme au stade précédent. Cette période marque l'apparition du raisonnement hypothetico - déductif; !'intelligence parvient alors au degré de performance qu'on lui reconnaît habituellement (Golse,

1994; Piaget, 1964).

On peut remarquer à la lecture des paragraphes précédents, que les aspects affectifs sont presque totalement absents de la pensée théorique de Piaget sur le développement de l'enfant (Blatt et al, 1992). Il ne fait en effet qu'effleurer le sujet lorsqu'il reconnaît que la succession des stades développementaux, si elle s'opère dans le même ordre chez tous les enfants, peut toutefois être sujette à des déséquilibres en raisons des perturbations extérieures (problèmes, lacunes, conflits) qui peuvent affectent l'enfant (Golse, 1994). La pensée de Mahler vient en quelque sorte complémenter celle de Piaget à cet égard.

1.1.3.2 L'aspect psycho-affectif du développment de la notion d'objet chez M. Mahler

Margaret Mahler est l'auteur, parmi les tenants de la psychologie du Moi, qui a le mieux explicité !'acquisition de la permanence de l'objet, à partir de sa théorie du processus de séparation- individuation. Ses travaux, qui portent surtout sur le développement d'une représentation mentale

(29)

stable de la mère en tant qu1 objet affectif permanent, bénéficient d'une large reconnaissance auprès des spécialistes contemporains de la psychologie de l'enfant et de la psychologie développementale.

Sa théorie repose sur la reconnaissance, chez le nouveau-né, de l'existence d'un moi primitif, immature, mais doué de facultés perceptives autonomes qui permettent la fixation de traces mnésiques dans son psychisme. Elle pose trois temps dans le développement psycho-affectif de l'enfant : une phase autistique normale, qui va de la naissance à 1 ou 2 mois, suivie d'une phase de symbiose normale, qui s'étend sur quelques mois, puis d'une phase de séparation-individuation, subdivisée en 4 stades, qui chevauche la fin de la période précédente et qui s'étend jusque vers 3 ans (Golse, 1994; Mahler, 1974).

Durant la phase d'autisme normal, l'enfant ne connaît que des états de tension et de soulagement; il confond ses propres tentatives d'apaisement des tensions avec celles qui lui proviennent de la personne qui en prend soin. A ce stade, toutes les expériences qu'il vit s'inscrivent sous forme de traces mnésiques pouvant prendre deux valences affectives : bonne ou mauvaise. La phase suivante, dite de symbiose normale, voit apparaître un début de conscience vague d'une relation entre la présence de la mère et la réduction des tensions chez le nourrisson. Cela crée chez ce dernier, qui est alors en situation de dépendance absolue face à sa mère, le fantasme d'une unité fusionnelle toute- puissante où il n'existe aucune différence entre le Je et le non-Je. Les représentations du soi du bébé et de l'objet sont également fusionnées. Durant cette phase, la principale réalisation psychique du nourrisson est !'investissement de la mère en tant qu'objet partiel. Ce n'est que progressivement, à cause de la répétition des soins maternants, et plus particulièrement de leur absence ou de leur retard, que l'enfant va commencer à prendre conscience que cet objet partiel a une existence en soi et une certaine spécificité (Golse, 1994; Mahler, 1974).

La troisième phase est caractérisée par ce que Mahler (1974) appelle la « naissance psychologique de l'enfant », sorte de seconde naissance qui découle de la constitution du sentiment de soi et de l'autre dans son psychisme. Cette réalisation, qui constitue !'aboutissement normal du processus de séparation-individuation, doit cependant se dérouler dans un environnement maternant suffisamment stable et satisfaisant pour permettre une intégration harmonieuse de la maturation physiologique,

(30)

de l'organisation de la représentation de l'objet et du développement du concept de soi. Cette troisième phase se déroule en 4 stades, dont chacun contribue à la différenciation progressive des représentations de soi et de l'autre, de même qu'au développement des fonctions du Moi : durant la phase de la différenciation (de 5 à 10 mois environ), on assiste au premier déplacement d'investissement d'énergie libidinal vers l'extérieur, c'est-à-dire vers l'objet; la phase d'entraînement (ou des essais), qui s'étend de 9-12 mois jusqu'à 15-18 mois, est caractérisée par !'établissement d'une distance optimale dans !'interaction mère-enfant. Cette distance permet à l'enfant, qui se croit doté d'une toute-puissance magique, d'explorer le monde tout en restant à proximité de sa mère. A la phase de rapprochement (de 15-18 mois à 2 ans), l'enfant éprouve de l'angoisse et de la dépression du fait de sa toute nouvelle autonomie : il comprend en effet qu'il est vraiment séparé de sa mère, mais également qu'il pourrait en perdre l'amour. Cette double découverte génère chez lui des sentiments d'ambivalence face à sa mère : sa peur de la perdre crée chez lui le désir de s'en rapprocher, mais il craint également le ré-engloutissement dans la fusion symbiotique qui pourrait être provoqué par une trop grande proximité. Cette étape fragilise temporairement la stabilité de la toute récente représentation mentale que s'était faite l'enfant de sa mère. La capacité de cette dernière à faire preuve de disponibilité physique et émotionnelle est donc capitale à cette étape : elle doit en effet parvenir à soutenir les efforts d'autonomie de son enfant tout en continuant à lui fournir les soins et le soutien affectif nécessaires. La réussite de ce troisième stade est marquée par l'existence, chez l'enfant, d'une représentation d'objet fonctionnelle et bien séparée de la représentation qu'il se fait de lui-même; le fait que l'enfant commence à utiliser le pronom « moi » témoigne de l'atteinte de ce stade, La dernière phase, qui marque !'acquisition de la permanence de l'objet et la consolidation de !'individualité de l'enfant, commence vers 2 ans et se poursuit toute la vie durant. Elle est marquée par le développement de fonctions cognitives qui permettent à l'enfant de percevoir sa mère comme un objet appartenant au monde extérieur, doté de valeurs affectives tant positives et négatives; il devient aussi capable de se référer à l'image mentale qu'il conserve d'elle en son absence pour se sécuriser. La permanence de l'objet libidinal suit !'acquisition cognitive de la permanence de l'objet, au sens où l'a défini Piaget, qui en constitue donc une condition nécessaire mais non suffisante. En effet, la notion d'objet libidinal implique non seulement qu'ait pu avoir lieu, au sein d'une représentation mentale globale, la réunion des bons et de mauvais objets, mais également que l'enfant ait pu surmonter l'angoisse que lui a causé la séparation d'avec sa mère

(31)

(Golse, 1994).

Mahler, tout comme Piaget, appuie sa théorie sur un processus développemental séquentiel; cette position théorique entraîne le postulat que l'échec de certaines des tâches développementales attendues au cours du processus, que ce soit par inadéquation chez l'enfant lui-même ou par carence de !'environnement maternant, entraînera chez l'enfant des perturbations qui, selon leur gravité, auront des répercussions plus ou moins importantes sur !'organisation de sa personnalité. Dans cette optique, les théoriciens des relations d'objet envisagent les psychopathologies qui résultent de vicissitudes dans la traversée et la succession des stades de développement sous l'angle des perturbations dans la qualité des représentations de soi et des représentations d'objet plutôt que de les considérer comme des points de fixation possibles dans le développement psychosexuel, comme le font les tenants des théories psychanalytiques classiques. Dans le développement de sa propre théorie, S.J. Blatt tente d'établir un pont entre ces deux approches de l'étude de la personnalité (Bornstein, Galley et Leone, 1986), voyant notamment dans l'adjonction de la théorie du développement cognitif de Piaget et de Werner un moyen d'articuler de façon optimale les concepts de « relation d'objet », de « représentations d'objet » et de « représentations de soi » avec la conception psychanalytique du développement des relations d'objet. (Blatt et al., 1991).

1.2 La conception intégrative de S. J. Blatt

Dans leur conception, S. J. Blatt et ses collègues partent du principe que le concept de représentation mentale est un construit théorique central tant en recherche psychanalytique et en psychologie cognitive qu'en psychologie développementale (Blatt, Stayner, Auerbach et Behrends, 1996). En effet, les recherches effectuées dans ces domaines par plusieurs auteurs (Ainsworth, Blatt, Beebe, Bowlby, Kemberg, Kohut, Lichtenberg, Mahler, Pine et Bergman, Main, Kaplan et Cassidy, Piaget et Stem, cités dans Bornstein et al., 1986), convergent toutes vers l'idée que l'enfant intériorise très tôt, sous forme de représentations de lui-même (représentations de soi) et des autres (représentations d'objet), les interactions qui ont lieu entre lui et les personnes qui prennent soin de lui.

(32)

Pour Blatt et ses collègues, le développement des représentations de soi et des représentations d'objet s'effectue de façon épigénétique. Ils conçoivent en effet que la maturation de l'enfant s'accompagne de la formation continuelle de représentations mentales de niveau supérieur à partir de représentations de niveaux inférieurs, dont elles deviennent des versions graduellement plus complètes et plus efficaces, permettant à l'enfant de mieux en mieux organiser, vivre et orienter ses expériences personnelles et interpersonnelles (Diamond, Blatt, Stayner et Kaslow, 1995).

La conception de Blatt et de ses collaborateurs témoigne tout d'abord d'une volonté d'intégration des dimensions affective et cognitive du développement des représentations d'objet, qu'ils puisent à même les théories de Piaget et Mahler. Ce développement s'effectue, selon eux, en une série d'étapes qui transforment des représentations d'abord globales et indéfinies en représentations partielles plus ou moins différenciées, pour conduire ultimement à la formation de représentations d'objet définies, différenciées, bien intégrées et articulées, et correspondant d'assez près aux objets réels. Quatre niveaux de représentation objectale sont ainsi définis par Blatt et ses collaborateurs; ceux-ci s'inspirent assez fidèlement de la théorie du développement cognitif de Piaget dans la définition de ces étapes, auxquelles ils ajoutent cependant un aspect affectif constitué principalement par la qualité de !'investissement que le sujet confère à l'objet. La figure 1, en page 25, compare l'articulation des trajectoires développementales proposées par Piaget, Mahler, Klein et Blatt.

On trouve dans plusieurs écrits de Blatt et de ses collaborateurs (Blatt, 1974; Blatt et al., 1991, 1992; Blatt, Wein, Chevron et Quinlan, 1979) l'exposé détaillé de leur conception de la séquence développementale qui préside à la constitution des représentations d'objet et des représentations de soi, dont nous reprenons ici les principaux éléments :

1) stade senso rimoteur

Ce stade est marqué par !'impossibilité, pour l'enfant, de se distinguer de l'objet. Ce dernier étant inexistant, il n'existe pas non plus, à plus forte raison, de représentation de l'objet dans l'esprit de l'enfant, qui confond l'apaisement des tensions et l'objet qui en est la cause dans une expérience, affective et sensorielle diffuse. Peu à peu, il commence à percevoir l'objet de satisfaction comme distinct de la satisfaction elle-même, mais demeurant lié au contexte dans lequel il obtient cette

(33)

Position schizo- Position dépressive paranoïde

--- B►־

stade d'individuation

Sur la voie de la constance de l'objet Phase Phase -*4--- --— Séparation-individuation

---artistique; symbiotique stade de différenciation stade stade de début de la d'entraînement rapprochement phase

symbiotique

Pensée opératoire Pensée opératoire concrète formelle ---Pensée pré-opératoire

Permanence de l'objet

Période de !'intelligence sensori-motrice

Stade perceptuel Stade iconique interne Stade iconique externe Représentation d'objet conceptuelle Stade sensori-moteur

Stade phallique Stades anal I et II

Stade oral I Stade oral II

Figure 1. Articulation des trajectoires développementales de Freud, Mahler, Piaget, Klein et Blatt

R

KLEIN MAHLER PIAGET BLATT FREUD

(34)

satisfaction :־c'est le premier niveau de représentation objectale défini par Blatt, où l'objet est investi principalement en fonction de son effet d'apaisement de la tension, c'est-à-dire en tant qu'agent de ·satisfaction d'un besoin de l'enfant. Situées à un niveau sensorimoteur-préopérationnel, les premières représentations d'objet se traduisent, chez l'enfant, d'abord par des comportements de recherche de l'objet et, plus tard, par l'imitation des actions de ce dernier.

2) stade perceptuel

La répétition des expériences de satisfaction dans différents contextes amène l'enfant à différencier l'objet de l'expérience sensorielle de plaisir ou de douleur (ou de frustration) à laquelle il était jusque-là associé; l'enfant est également désormais capable de mieux définir l'objet et de le reconnaître malgré les changements dans !'environnement. Ce deuxième niveau de représentation objectale correspond à !'acquisition de la constance perceptuelle de l'objet. L'objet est maintenant perçu comme une entité concrète, fixe, globale, possédant en propre différentes fonctions; par ailleurs, !'investissement que place en lui l'enfant n'est plus assujetti aux expériences de gratification ou de frustration vécues par ce dernier, même si ces expériences contradictoires peuvent encore être source de grande confusion pour lui.

3) stade ¡conique

Ce stade se divise en deux sous-stades, le stade !conique externe et le stade !conique interne. À mesure que les parties et les fonctions des représentations sont intégrées dans une représentation totale de l'objet, les représentations acquièrent un véritable statut symbolique et commencent à jouer leur rôle véritable, qui est de permettre à l'enfant d'évoquer l'objet en son absence. Cette capacité d'évocation se produit d'abord sous forme imagée, concrète, à partir des propriétés manifestes de l'objet (stade !conique externe), puis, graduellement, sous une forme de plus en plus abstraite (stade !conique interne), à partir des propriétés plus internes ou abstraites de l'objet, spécifiques et permanentes : pensée, valeurs, sentiments. Malgré la progression qui s'effectue durant cette étape, les représentations demeurent tout de même limitées, basées sur des propriétés extrêmes ou très apparentes de l'objet. Elles sont très souvent ambivalentes ou contradictoires, teintées d'éléments hostiles ou agressifs, ou encore idéalisées.

(35)

4) stade conceptuel

À ce stade, durant lequel les représentations atteignent leur état d'achèvement, elles sont désormais bien intégrées et cohérentes; leurs valences positives et négatives apparemment contradictoires ont été iüsionnnées pour donner lieu à des représentations complètes et complexes. L'objet a à présent acquis une indépendance totale, possédant un éventail de caractéristiques spécifiques et permanentes dont quelques-unes seulement sont sollicitées dans une situation donnée. Ses qualités de stabilité et de continuité rendent possible sa représentation à partir de ses propriétés internes, en l'absence de l'objet réel. Ce niveau de représentation conceptuelle, ou symbolique, s'atteint avec le développement de la pensée opératoire formelle; il correspond aux dernières étapes du processus de séparation-individuation et à la résolution du conflit œdipien. Il permet également !'installation de représentations anticipatrices d'interactions inconnues ou encore inexpérimentées.

Au fil de leur développement, ces représentations, aussi appelées « schémas cognitifs-affectifs » par Blatt et ses collaborateurs pour bien marquer leur double nature (relationnelle et développementale), se généralisent pour devenir des modèles permanents sur lesquels reposeront ultérieurement le comportement interpersonnel de l'enfant devenu adulte, de même que sa conception de lui-même et d'autrui (Blatt et al., 1996). Lorsque la formation de ces représentations mentales ou schémas prend place dans un environnement satisfaisant, leur développement se poursuit normalement, c'est- à-dire qu'elles se différencient progressivement et évoluent vers une intégration qui définit l'identité propre de la personne (Bomstein, Leone et Galley, 1988). Par ailleurs, si !'environnement maternant est, de façon soutenue, exagérément exigeant par rapport aux capacités adaptatives limitées de l'enfant, le développement normal de ses représentations mentales sera compromis, voire interrompu à un stade plus ou moins avancé (Blatt et al., 1996).

Le fait d'accorder une place centrale aux interactions précoces entre le nourrisson et son environnement maternant comme facteur déterminant de la formation des représentations de soi et d'objet confère à la position théorique de Blatt et de ses collaborateurs un intérêt certain du point de vue clinique. En effet, les perturbations ou distorsions dans la formation des représentations de soi et des représentations d'objet pouvant résulter de conditions maternantes trop exigeantes peuvent être liées à diverses formes de psychopathologie, se traduisant par exemple par une structuration

Figure

Figure 1. Articulation des trajectoires développementales de Freud, Mahler, Piaget, Klein et Blatt
Figure 2. Interrelations entre les troubles de personnalité
Tableau 1. Indices d'entente et de fidélité interiuges pour la cotation des dimensions de l'ORI (n =  86  descriptions)
Tableau 2. Indices d'entente et de fidélité intermees pour la cotation  des dimensions de l'ASD (n= 18 descriptions)
+3

Références

Documents relatifs

survenue  d’un  TDP,  ont  épousé  une  méthodologie  quantitative  pour  mettre  en  exergue,  à  travers  la  mesure  psychométrique,  les  caractéristiques 

A new dedicated chamber with more than 20 ports integrates Energy Dispersive X-ray Spectrometer (EDX), Electron Back-Scatter Diffraction (EBSD), Time-of-Flight Mass

Faire appel à la chanson dans la classe de français langue étrangère n’est pas pour nous un.. objet de savoir mais une médiatrice de savoir:méthodologique, culturel, et également

The relative dilation between correlation wa- veforms before and after the event is therefore due to changes in seismic Green’s function, and not to changes in the source of the

Il est spécialement articulé pour prédire le cancer et les maladies coronariennes chez les personnes qui expérimentent certains types de stress et réagissent

Par ailleurs , attendu que les conjoints sont, selon les chercheurs, plus performants au niveau prédicteur que les pairs parce qu'ils ont une plus grande connaissance de

prolongées. Je joue toujours franc-jeu. je me sens en colère au point de voulOir détruire ou blesser autrui. sens jamais en colère au point de voulOir détruire ou

Ces résultats confirment l’importance de caractériser précisément les sujets dépressifs dans les études de réactivité émotionnelle, notamment car il semble