LA MESURE DE L'EXPRESSION
Pbysiogno11lonie et caractère
dans la
Nouvelle Méthode
de Jean-Jacqucs Lequeu
Jean-François Bédard
École d'Arcbitecture
Umversité
l\1cGilI,
Montréal
mars 1992
('Tl
màno/rt' SOllmlfil/Il
Faculté des Études Supérzeures et de la Recherche pour le parachèvement
des
eXIgences du grade de MaÎtrtse en Archlt'!cture.
L'œuvrc de Jcan-Jacques Lequeu
(1757-1826)
e'it souvent citée p.lr
IL·"
historiens dc l'architecture comme exemple de
la
dé.,agrqr.ltlo!1
dl''>principes de l'archltccture claSSique
à
la
fin du
XVIIr:
.,Iècle.
L.I
Nouvelle
Méthode appliquée
fIll.'\:Principes e1élllClltaires
du
dCWJl
rédigée
p.II
Lequeu en
1792,
méthode de deSSIn visant
à
obt<.!nir,
à
l'aide de figure ..
géométriques, les JUsrcs proportion<. du visage hun13ln,
nom révèle
:lUcontralre un architecte profondément ancré dans lc'i théone'i
architecturales de son
tl~mp'i.
Le,> affinIté!> remarquables
qUi
Ulll'i<.,elll
1.1
Nouvelle
Méthode
et la
DlSSertatton sur les espèces naturelles
du n,lturah.,lc
hollandais Petrus Camper
(1722-1789)
soultgnent l'nnportance de
la
notion de
caractère
comme
mécam~me
fondamental du
~avoir
J
l'il!!e
classique tel que l'a riépe1l1t Nhchel Foucault. A
la
fOl'i phy~lOgn()IlHlI11eet théorie de l'arcllltecture,
la
Nouvelle
J1étbode
démontre que la théoJïe
du caractère dans ces deux diSCiplines, lOin de contribuer
COJlll11Con
l'affirme souvent
à
l'émergence de
la
modernité,
~outIentau contr:me le
savoir
d~j'ordre qUI fonde l'archItecture
à
l'âge
da<;~iquc.A
BSTRA
cr
Tbe work ofJeil71-]acques Lequeu
(1757-1826)
is ofien used by
Imbttectllrtll }mtoruws ta dcmo71strate tbe erOjl0n of tbe prmciples of cla:iJ1clll
tlrcbttccture at the end or tbe ctgbtcenth co/tury Tbe
~ouvelle
.\léthode
appltquéc aux
Prmclpe,>
ékmcnt3lrec;
du
de~~Jncomp/etcd
hy
Lequeu zn
/792, a dra7l'Jllg metbor!
sbrrJ.'mg
tbe correct proportIOns of tbe
[tlCf
ohtallled
tbrough ge07JlClly, reveal another Lequeu, one sympatbettc ta tbe arcbitcctzmtl
tbeories oflJlj tt:ne. Tbe simiianttcs betu:een tbe
0Jouvclle Méthode and tbe
DI.,,,crtation
.,ur les espèces
naturelles by the Dutc/; naturalist Petrus
C/lmper
(/7?:!-/789)
rbrrL1) tbe tmponance oftbe notlon
~fcartlctèrezn
tbe
fln/cture of /.:7107l'ledge or the damcal age as portrayed hy JIicbei
FOUCtlult.
Simultaneol/s'v
/1tbeory of pbyswnomy and a tbeory of architecture, tbe
0Jollvcllc
~
\éthode demomtratcs tbat tbe tbeory of caractère
IIIbotb
disap/ms, jilr from mmouncmg
tlJè birth of the modern age,
if
central ta tbe
REMERClE~lE:\'TS
J'aimerais remcrClCr tout d'abord le directcur du programme
d'histoire et de théorie de j'architecture de l'UmversIté j\k(;dl,
il:
docteur Albcrto Pércz-Gomez : c'est grâce
à
'ion enthouslasmc, ,>on
dévoucment ct son grand savOIr que cc mémoire a pu vOIr le Jour.
Pour leurs commcntairc'i touJour') pcrtmentli, je remercie les
profcsscurs lIlvlté" : le doctcur ;\1arco FrasCJn, le docteur Donald
Kunze, le docteur D:1Vid Lcathcrbarrow ct le profes'icur Stcvcn Paru.:!!.
Je remercie aUS'!l les assistants d':1tclIcr Patnck
1
Iarrop,
1
Ici
111 utKLI""'l'1l
ainsi que \Vtlliam \Veima et Duncan Swain.
Je remerCIe MademOIselle ,\tarunc Salnt-Doult,
a.,~i~tantc
du
.,crVI(
l'
aux lecteurs du Cabinet des
E~tampcsde
la
Bibliothèque Nationale dl'
France pour sa patience et 'ia chiigencc.
Susie Spurdcns, assl!>tante du programme de maîtrise, dont le tr:1V:111
:1toujours été d'un grand secours.
Enfin, je remercie tout mes collègues pour les
di~cmsion~
enrichissantes sans lesquelles bien des idées n'auraient été développét:\
IIIAVERTISSEME~T
L:l tran'icnption du texte de la
Nouvelle IHétbode appliquée aux PrinC'pcs
élém('1I!IlITCS
du
dWlllde Jean-Jacques Lequeu a été réalisée à partIr du
manmcnt comcrvé
à
la BIbliothèque Nationale de France et de')
planchc)
publtéc~ dan~la monographIe de PhIlippe Duboy1.
~il'orthographe,
111la ponctuation
n'ont
été uniformIsées ou
modernlSé(;~,.Le'i symbole!'>
l l
marquent les passages
~uraJoutés
par Lequeu alors qu'un
trait verticJI
(1)
Indique une nouvelle page dans le manUSCrIt. Afin de
facihtcr les renVOIS, chaque section de la transcriptIon débute par un
c1llffrc cntre crochets ct chaque phrase par un c1llffre en surnotation :
le renvOI «(2:
1)>>
ll1diqucra
all1~1la première
phra~ede la deuxième
~ectJon.
Les note') de bas de page de Lequeu sont indiquées dans le
texte par un chIffre entre parenthèses.
1
B. N. Cah
E~t.,
Kt'. 17 m-4°.
VOirPhilippe DUBOY,
LeqIUU, an Archlttctu.ralElIIgma,
Cambndge,
.\la..sachusetts,
The
MIT
Press,
1987, pp 259-283.
1
•
I~TRODliCTIO~
En 1792,
JeJn-Jacquc~Lequcu1, dcs"imateur
d'archnel'lure,
tl'(L~T IItH'Nouvelle J/étbode
applrquée
{{1I,XPnnCIpes elémcntflllt'\ du
dt'\\I1l, Illld,1II1 "Fils de l'éheJ1lsre Jean-Jacques-FrançOls Lequeu,
Je,lIl-JJulUL'~1
equl'u l"t Iltle 14
septembre
1757
à Rouen,
Aprè~aVOIr étudlC.!,
à partir de
17MI,
a
l'hok
brratultc dc
dC~'iIn,de peinture ct d'architecture
(iL
l'Académie
dt:,
,Ul'IH
L''',dl"
bclles-lettrcs et de'i an, de ,a vIlle natale dIngée p,u
JL'JI1-lhpmtt:
()l"-Ulllp'>,d
part pour
Pan" en 1779; 11 e<;t adtTI1<;
la même
année
J
1',\L.1l1é11l11~ d',111hltL'lI\lIl'
grâce
à
l'appUI
deJulIen-Da\1\1
Lero}Emhauché d.lJ1'i
1':I~el1{ e(Il-
j.l\
que,-( ft !!ll!!!!Souftl()[ et
dam
cçlle
de ,on
neveu FrançOIS Soufflot,li
p,lrtlUpC ,1 1,1 rl',dl~,It!()1ld·
n~gh'ic S:llntc-Gene\1è\'e,
J
celle du Jardm de ChalOU
pour1
!
enn-Leolwd
III
J 1111,il
celle du parc .\lonccau pour
le
LOmtc d'Anol'i ct c<,t char!!é
(le
lJ
~unedl.uH
l'du
channer
del'hôtel .\ lontholon a Pan'i
~ommécn
17R6an.hltcul'
."",out:de
l'Académlc Royale
dcs
S(lencc~,de'i Belle'l-Lcltrt.!'i
ct
lb
\ft,>
de Rouen,
Il
dcvil,nt chef de, atelIer'> publIcs de la Fête de la Fédt:rJtlOll duraill k'i
.llllllT~li')()
ct
1791, Le
Bureau du Cadastre l'emhauche en tant
quede.,.,Illatcur
dt:
prCJllll'n'classe en
1
ï93,
Il
0(.(.upe
Ic~llll:meS toncllom
J!J
C()II11!lI,~I()lltin
tr.l\ Jll\ plIf,!!("en
1797
Il
c,t,
a partHde
1802,
prcrmer de,>,>matcur-urto!:-rraphc
.\\1 lkp.lrtl'lllt'l1tde canof!Taphle du Innmlèrc dl.' l'Intérieur
alor~qu'Il ouupe, de
lil)3
J1)\()2, Il'
post.:
,1.::
,k:,~,na{eur
d ...
dl..U\ll:llll:dJ~.,e
à itcole polytedml<]ue Lne pell\lOll de
retraltc lUI e,>t offerte le
18 'icptembre 1815, Il meurt le 2R
rnar~1H26
j!!é
de
fJ')ans, laIssant peu de blem
SIcc n'est une l)lbiiotheque composée
~lIrt()utde
tT.lltl·,perfectlO
Tl Ilcr grapblf/ucmcnt
le tracé de la tête de /'bo'lll11lc au
'lIlO)'C7ldL
tlrvcm:.r Fu;urn
gl:ométnquc\,
traJte
dc~proportlon<; du vI,>ag-e ct
méthode
de
dC<;<;ll1 permettant,
il
\':1Hic
de
fibTUrcs géométrlque'i, de reprodUIre
l'h:HIIHmlc
dc~forme,>
dc
la têtc hurnamc
1•En
U~25,un an avant S3
lIlort,
JI
lèg-uc
~on11l3l1u<;crit am'il que plusieurs de'isins, traités ct
d()rUnll~nt<,
d',lrchl\c,> -
dont
~J ...p'!ctaculalre
Arcbltecture C'irtlc
2 ,à
L1
BlbllOthèquc Royak, aUJOlml'hul
~3tl()nale3,-l.equeu,
lmArch,tecturùl
h'7I/,'f!'1a,
C.lInhndgc,
.\1a~~achusctts,Th \1\1' Prcs3, 19R7
(19R6),
pp
;53-H4
ct\Verner
SZ,\..\lBIE~,(.L'lll\'CntJlrc après décès de
Jean-) ,H:qUC'>
LCljUCll>o, dan~Rr:è'ue
dt'
l'.
ln,
n' 90, 1
<)I}O, pp
104-
\05
B :-..; C.d) hl, Kc 1'7 111-4
2 ./1Chllt'dUff
CI.
zif'
dt' 7c.m-].JCque, I.equm contenant nombre d'édifices de
dlJJérentf
PeuJJin
dllsnmnnsur lù
taT/.',
et
ùu nu desquels
sont
ICfl':lements
des
ombres,leurs l'ji,ts dlférl'ms produits p.lr lù lumIère rn/ùlre nu de corps enflammées sur leurs pl,J7lr,
ell't'ùtlo7lS
t'tproflh,
il
\(}llIlllC~,B
~.Cab, Est,
lIa RD
111-(°,lIa
~Oalll-fO, lIb
ROh Ill-t"
ctlia
~OcIll-f"
3
Le don Ll'qucu
,lUCablllct
de~ E~tampe~de
la
BI blIothcquc :-.Ja tJOn a le
lomprcnd, outre
1.1
.Vuu.:elle .\Iithode cll'.'lrchltccture
CI.-,zle,
le~documents
~Ul\alm.\téL/ln/que
(la36
In-I"'),l'o}age rn Iwl,e
(Ch
43d 111-4"),
Plan et décoratzons
znter/Cluel dl
j'J'IÎte!dl'
.Hontholo71 (\'e
()2lT1-fb);
Coupe et délai" de l'éghse de la
,\1ùddCJrlt' ,1 RIJ/lt'T/ (\\,Il R
111-1"),Prém methodlque pour üpprcndre
(Jgrü.:cr
leI.n'ls
ill'eùu forte
(Ye RH
In-H"),FIgures lalClves
(Ac25
m_t'b);TraIté de'. édlfiœs, meuMeJ,
hùblts.
m.uhl7lc'i,et mtmslles
dcs
chIT/OIS(Oc Ha
lI1-'P); /lrrhJtccturl'de SoufJlat
(l
la
41111-t") et
ql1c1quc~an
hl\c~(Yc. l
:\rchlvc~1631-19i4, voi.
18ü\J-I~26)Pour
Jc~ lll\'enlalrl'~du don
dqHm
1 R25,
HmP. DCBOY,
I.eqw:u,
pp 356-359, pour les
(l:u\'rc~ comcrY~e~dan.. les
autres departernenrs de la BlblIotheque natlonale ou
dam d'autres
111~t1t\1tlon~,\Olr P
DCBOY,
Lequeu,
p 360,
1 ntroduCtlon
En
1<)33,
avec
la publication du
1"011Ledoux bIJ
te
Corhllfit'rd'FlIltl
Kaufmann
1 ,Lequeu entre officiellement
(bm
le
mondc
dl' ,'hl"tlllll' d(
l'architecture:
Il
y
fi!"TUH' 'ion<; le., trait'i, comme .,c., cOJ1tcmpOl.lII1o.,
(.~tlenne-Louis
Boullée et Claude-Nlcola'i Ledo\lx. d'un Hlodcrnto.,tc
accomplI, père c;ptrituel du purisme corbw.éen quelque cent
Clllll li ,li II l'ans avant sa créauon
2 •SI,
dès lors, les
mterprétatl()n~
dl'''
1\1lt.~IHIl)!)"
dt'
Lequeu changent con'iidérablement : de moderIl1'ite
tI
dCVlcndr.l
romantique, -;urréall'itc,
dadal~tc.-;Ch17ophrenc.
pornographe
elml'l1lt'
l'dlter ego 'p.ltaphY-;lcien de .\-tarcel Ducl1.1mp .. Illcun de "c'"'
l'\C~l'It'''
III
mettra en doute le témoignage éloquent de
1.1
n.11 " ...
,111ce , \ cr., LI
tin dll
XVIn
eSiècle, de l'architecture de
la
modermté que nou" olfnr:\1cnt
k"
bâtiments contenus dans
l'Architecture Civt!e de Lequeu.
Ce mémOire
prop(}~c,J la lumière d'une an,lly.,e de
1.1
,VOUl'e/11'
,\létbodc
de Jean-Jacque., Lequeu, une lecture dlftërentc dc ', IIltCIIlIOl1o.,
de Lequeu. :\ l'mterprétatIOn qUI fait de lUI un excentrIque
l1largll1,dl'>~'
par la monarchie, ct plus tard par
1.1
républIque, dont le .. production,>
trahlfaicnt un c'ipnt oscillant entre
la
vengeance contre )e'i
Ifl',UtllIIOIl"de son temps ct
1.1
déraison, nom oppose rom celle d'un arcllltcltc
Emil
K.\CF~lA;-':;-':,Von I.edoux bIS I.e Corbuner, Ursprung und
J:nr':'lCk/un(;
der autonomen
,1,chli,kLU',
Vil..lIl1c ctLCil17.Jg,
Dr Rolf Pa,scr, 1933. Pour
Ie~auteurs qUi ont
écnt
~urLequeu avant Kaufmann \'Cm P. DlJBOY,
I.equeu,
pp
M-72,
profondément ancré dans les pratiques de son époque
1•
;'-!ous espéron'i
démontrer que, dam la rne'iure où
la
.Vouvcllc
Mitbode
sc préoccupe
(:.1calcul
des <'Juste'»> proportions du visage obtenues grâce
à
la
géométne
et où elle cherche
à cochfier l'expression de la dl\'ermé des caractères,
-
supportée da ne; cette tâche par la théorie de
la
physiognomonie,
-die ,,'in'iCflt .. am éqlllvoque dans
la
théofle de j'architecture de l'âge
cla<'<;I(]ue.
/ÎJ;c clflJJiquc ct
mathesls
Afin d'entreprendre une telle :iémonstratlOn, Il est Important tout
d'abord de préCiser cc que nous entcndom par la notIon d' «âge
c1as<;)(]ue». Empruntée
à
.\llchel Foucault
2 ,elle 'ie réfère
à une période
Ill'itonque, ·,'étend.ll1t
du milIeu du
XVIIe
~lecle
au début du
XI
Xc
Siècle
durant laquelle le ..
.,tructure~du savOIr Juraient
été
fondées <,ur
la
1.
Sa collahoratlon aux pnnclpales
1O~t1tut10nsdl' son
temp~,qu'li s'af,risse de
l'Académie d'archltccture, de l'Académlc de,; !>ClcnCC'i, des helles-lettre", et des art';
de Rouen, de l'I\olc des ponrs
ct
chaus~ée<; ou de l'Éwle polytechnIque - sam
compter 'ion travad
à
l'J~encede
Ja(quc~-GennalI1Soufflot -
~uffità
mettre en
doute la thè\e
qUI, pour
e\pltquer l' J'ipelt
111
u~ltéJe
\e~dC'SHlS,
voudrait que
Lequeu ait été un homme
~()lltam!à
iJ
santé mentale chancelante
2
Telle qu'li
l'J
dé"eloppœ parnrultèrcmcnt Jan<; son
ouvragl'
1l1t1rulé
Les mots
ftles choses, une allht:%,l',u des SCIences humames, Pans, Gaiillnaro, 1966
Cette
notIon a été \Jtllt\le dans
le contexte de
l'hl~tonogllphlede l'archnecrurc par
Françcme FIchet
dam <;a 'l'béane de l'archItecture
à
/'Jge
clùSSlque, cmn d'anthologIe
mt/que,
Brtlxellc~,.\
larda~a,1979
1
J j
IntroductIon
représentation et son analyse
1•Selon l'interprétation
de
Fouc.H1lt,
l.l
représentatIOn modifie sensiblement
à
cette époque l'orgaI11<;atIoI1 dll
visible: si celui-ci <;'ordonnait durant
la
Ren;m'tance -;e\on ,'éconoll1le
de la similimdc et de l'analogie, le lmlieu du XVIIe.:
~iècle VOltapp.lr.lltll'
l'analyse comparatIve comme principal mécanIsme du <;avOlr.
L',lll,dy~ecomparative, née du détachement du signe de la sub)tance même dc,>
choses opéré par ia représentation, transforme le savOIr de )';lge
claSSIque en une SClenœ de l'ordre et de la mc<;ure que Fouc.1ult
nOll1ml'matbesis. Au-delà des interprétations des histoïlcn<;
dc~'tclcnce\
eX,llle'>qui supputent l'importance d'une
mécam~ationou d'une
mathématIsation de la connaissance et de celles qUI retracent
Ie\
fortunes dIverses du cartésianisme et de
la
doctrine newtonlcnne.
Foucault souligne que c'cst avant tout le rapport du savoir à la
IJ/atbc.I"H
qU\permet
à
l'âgc classique d'orgal1lser les objets ct de
con~tttucr :l11l'>1chacun des domaines du savoir
2•Théorisée dès la Grèce préclaSSique,
la
mat/mIS obtlllt
à
cette cpoqlll'
le statut de forme canolllque du savoir, dont la plus parfaite cxprc.,.,io!l
aurait été
la
géométrie et le nombrc
3 •Plus tard, dan<; les systèmcs
analogiques du savoir de la Renaissance, elle devient la clef dc\ rapport\
de ressemblance entre
le~objets, le chtffrage
de~proportions
ab()utl~",l\lt1
M. FOUCAC"L T,
fû
;;;,vw itlès ,huses,
p
58
2
M. FOVCACL T, Les mots et les chuses, p. 71
3
Alberto
pt~REZ-GÔMEZ,
Architecture and
the
Crms of Modern SCIence,
lOutes au corps de l'homme. Attachée
à
cette époque
à
la chair des
chose'i, la
71lfltbeslS
donne
à
toute manipulation numérique, qu'elle soit
opérée
~lans
k doma1l1e des mathématIques ou de l'architecture. le
pouvoir d'une tral1'iformatlOn de la matIère, d'une maglC
1•A
l'âge
classique le nombre et la
'IlIltbesis
prennent le statut de représentatIons:
cessant de soulig:1er la re'isemblance, cette dernière devient alors la
science ordonnatrIce dont
l~
figure canonique seraIt le tableau
taxinonllque du botal11l,te.
Intimement lIée aux destinées du nombre et de
la
matbesis,
la théorie
de l'arclutcclure est elle amsi affectée par les transformations qui ont
marqué Je système du savoir
à
J'aube de J'âge classique. Le déclin du
règne de l'analogl<.' au profit de celui de la représentation marque le
début de la co(iIficJtlOn des modalités discriminatoires de l'ordre dans la
théOrie architecturale, modalités dont fait partic
la
notion de caractèrc
2 •Contrairement
à
J'op1l1lOn largement répandue
qUI
voudrait que la
théorisation du caractère à
1.1
tIn du
XVIIIe
siècle SOIt le signe des
bouleversements
qUIdétruÎs\lf"lt l'édifice de l'architecmre classique
pour donner naissance
il
id
modernité, nous soutiendrons que la
recherche du caractère est un
dc~
aspects
intrins~ques
de l'intérêt
1.
hl. FOUCAULT,
[,es mots et les choses, p.48.
2.
,,,\u conü,hrt!,
à l'âge cla<;slquc la théorie architecturale en tant que science
de l'Ordre ct de la ;"oporoon
c~tune voie canonique du savOIr. La représentanon,
clic-même dominée par le modèle vIsuel est une forme ultlme
du
savOIr.»
1
IntroductIon
ordonnateur de l'âge classique. Loin d'inaugurer le règne débridé dt'
l' «expressIOnnisme» ou de consacrer la destruction défin
lt1VCde ...
1 è~le.,architecturales, le caractère permet au XVIIIe ... ièclc finl<,-;al1l de
moduler son rnlassablc dISCOurs ordonnateur: chez
Jacqtle~-Franç01<;Blondel tout comme chez 0Jicolas Le Camus de
1\
Iblère<;,
la
discrimmatlOn et la illérarchlsanon des objets architecturaux ohtehllCS
par l'an:llyse de leur caractère permettent de dreo;<;er
\111véntablc
tableau des genres grâce auquel l'archItecte cartographie le vmble.
Physiognomonze et discours du corps
La notion de caractère ne s'est cependant pas développée dans la
seule théorie de l'architecture: elle informe
aus~i
le .. catégoriel)
analytIques de l'histOlre naturelle et fonde 'ieo; recherche ... au 'iujet de
l'homme ct de son corps, recherches dont
hit partlc
la
physiognomonie. Science consacrée à l'étude du tempérament de
l'homme et
à
la divination de son destII1, la phy'ilogn0Il1011Ic, durant
l'antiquité et la Renaissance, cherche
à
révéler par
la lecture des
marques gravées sur le visage de l'homme les hem analogIques qui,
unissant l'univers cosmolog1que au monde biologIque, gUIdent le dC!-lun
des hommes.
À
l'âge classique,
la
physlOgnomonlC quitte le domaIne
divinatoire des sciences ânalogiqdc'i .
:Wù51',hfkLt
d'ulle
pathognollJOllIe
anthropométrique, elle scrute le visage humam afin
d'y
J1Stinguer
rcpré'icntauon au détriment de celui de l'analogie a donc non seulement
modIfié le rôle de la
1I1f1tbesis
dans la constirution du savoir mais aussi la
nature même
de~ dl~cours à
propos du corps.
À
l'âge classique, le corps
'iaturé
d':lIlal()gle~
macroco<;miques des savants du
X\n:
csiècle laisse sa
place au
c()rp~
opaque et sans profondeur qu'enveloppe le regard du
physiologue carté"icn. Criblée par
la
grille d'analyse de
la
phy~lOgl1()mOnIe
ct par celle de
la
nosologie médicale, l'existence même
du
corp~
de l'hommc classique est réglée par l'expresslVlté de la mesure.
La modernité place le corps de l'homme au centre de tous les
regard~.
Brandissant la vitalité nouvellement conquise du corps, elle le libère de
J'emprise de l'ordre et de
la
représentation et fonde ses dIscours dans
la
biologie cie ses désIrs. S'éloignant des géométnes représentatives et des
calculs caracténels de la physIOgnomonie classique. l'anthropométrie
statistique,
1:1
crâniométne et la phrénologie modernes, vassales de la
l)lologic et de l'anthropologie, ne cherchent plus
à
délnTIlrcr la figure
précise du caractère: elles désirent au contraire découvnr, grâce
à la
ngueur empinquc des mathématiques et de la statiStIque, Ics
lois
qui
gouvcrnel:t lcs corps. C'est ce corps renouvelé par la modernité qui
devicnt l'objet de l'anthropométrIe statistique de
Lambcrt-Adolphe-Jacques Quetclet (1796-1874). Vers la fin du
XIX
csiècle ce statisticien
helge mettra définitivement terme aux recherches physiognomoniques
de
l'.îgc
c!:1!;sique : reprenant l'étude des proportIOns
caractéf1~dl1l
Id
beauté du corps huma1l1 auquel Lequeu avait consacré sa Nouvelle
1
IntroductIon
de l'ordre comme le faisait ses prédécesseurs.
Sa mi
sc
en
tableau
des
proportions de la bcauté chez les ancicm ct les modcrnc'i vise
à isoler
les principes qui pénètrent le corps moderne et
dOllt
la
beauté n'e'it
plus qu'un SImple prodUlt.
La modernité de l'œuvre théorique et architecnlral dc
Jean-Jacqlle~
Lequeu se mesure dans l'écaIt qui sépare le corps de l'âge classique de
celui de la modernité. Le corp'i que Lequcu observe n'eo;t pa'i celui
qUIoccupe la médecine et l'anthropologie du
XIX
csiècle: c'est tOlI)Ours
le
«physionorèglc» et le quadnllage du caractère
qUI
en dcs'itnent
L1
figure.
L'architecture issue d'un
tel corps n'est ni moderne,
111romantique
etencore mOInS
surréali~te.
Dans lcl mesure où l'Jrchitecture
il
l'âge
classique
n'e~tpas un «langage» d'élémcnt'i
~tandarchsé'ique l'architecte
réorganise suivant les nécessItés de la commande,
maI~
plutôt
l'affirmation deSSillée et construite de ses
ortgtne~
dans
la
géométrie
trouvée dans le corps humain, la vanété de
~e., forme~
n'mdlque pa" un
relâchement de ses pnnclpes. L'éclatement de J'apparente
homogénéité des normes formelles et typologHJues
n'e~t
pas
;1
la
,Ollrn:
du déclin de l'arcllltecture classique: cette dcrmcre
e~t
remi,e en
C1Lt-.Cdans ses fondements mêmes lorsque l'évidence de l'ordre et le pOUVOIr
du rituel, lorsque la représentation
ct le
caractère ne
sufli~ent
plus
ù
justifier son existence. Les calculs caractérIels ct proportionnel., de
la
Nouve!!e kIétbcd:]
de Lequcu
Il'cn
ébranle pas les bases.
,
.
'f
Introductton
S'tructure du mémoire
Afin de souligner l'unité des Intérêts ordonnateurs de la
physIOgnomonie dans l'histoire naturelle ct dans la théorie de
l'archItecture et de <;Jtucr
la
Nouvelle lHéthode
de Lequeu dans son
contexte
épl~témologlquc,
le premier chapitre .,era consacré
à
une
lectu
r ('comparative de
la
Nouvelle '\Iéthode
et de
la
Dissertatton sur les
varzétéï naturelles
{illicamcténsent les hommes des divers climats et des
différens âges
du naturaliste Petrus Camper (1722-1789). Nous
tentero"" d'y démontrer que, contrairement aux interprétations qUI
voient dans
la
théone de l'angle faczal de Camper la naissance de
l'anthropologie évolutlOnmste moderne, son objet pnnClpal est d'établir
les règles géométriques qUI prodUIsent la beauté chez l'homme. Nous
"ioulIgnerons
la
simIlarité des intérêts exprimés dans les
physiognomOnies de Lcqueu et de Camper et le rôle important qu'y
joue la notion de caractère.
Le deuxième chapitre traitera de l'Importance de la représentation et
de l'ordre dam le
~ystèmc
du savOIr de l'âge classique. Nous
y
esquisserons, sUivant l'interprétation de Michel Foucault, la fortune du
alractère
comme mécamsme d'une SCIence de l'ordre ayant vu le jour
vers le milieu du
XVIIe
siècle lors du déclin des savoirs fondés par
l'analogie. Nous montrerons l'influence qu'a exercée la pathognomonie
de Charles Le Brun -
vérItable physlOgnomome du caractère -
sur les
1
IntroduttlOn
sciences ct les arts en général et sur les théories de Lequeu ct
dl'
Camper en particulier.
Le troisième chapitre portera '1ur la théorie du caractère en
architecmre. Nous y démontrerons que le caractère, tel qu'II a été
théorisé par
J~cque5-FrançOls
Blondel ct ;\ficobs Le Camu,> de
Mézières, ne scrt pas la licencc archnccmrale
mal\)
permct
à
l'architccte de mcttre cn formc l'ordrc. Fn t.1I1t quc préscntatloll
chiffrée dcs proportions de la beauté architecturale dédUltc du corp'>
humain, nous avancerons que la
Nouvelle ,\létbode .,'inscrlt plc1l1eJ11CIlt
dans la tradition théorique de l'architecmre de l'âge c1a'>'1iquc.
L'épilogue cerncra
la
modernité dans le domainc de la
physiognomonie ct de l'architecture par
le déclin de la rcpré<;Cl1L1tlOn
dans le système du savoir et l'émergence d'un nouveau dlscour'l
à
propO\
du corps. Avec la naissancr du
«~ujet»,nous montrerons que le dl,>COlll ...
de la physiognomonie et celUI dc l'architecture ùmentent ver'l d'autre.,
recherches. Nous y exposerons, en prenant pour exemplc
le., travaux
de
Lambert-Adolp~le-Jacques
Quetelet,
la
transformation dc la
physiognomomc en une 'iClenCC des lois orgamques détermInant l'a''pecl
et le développement de l'homme et nous ,>ouhgneron'l l'rnnuencc de
ces changcments en archItccture. Nous
verron~
comment
Jean-Nicolas-LoUls Durand «révolutionnera»
IJ théorie architecturalc en une
méthodologie visant à démontrer les lois
qUIgouvernent la création ct k
,
IntroductIOn
fonctIOnnement des édifices ct comment celui-ci, ct non Lequeu,
naugure la modernité.
*
* *
Fortune cntique de Lequcu
L'hl'itonen de l'architecture allemand Emil Kaufmann inaubTUre
l'exégèse de l'œuvre de Jean-Jacques Lequeu qui,
à
quelques exceptions
près, n'avait pas piqué la cunoslté de ses collègues au pomt de ne
trouver que quelques pas'iages sur cet architecte avant la publication de
son article monographique de 1949
1.Dès 1933 ccpcndant
2 ,Kaufmann
avait placé Lcqueu aux côtés d'Étienne-LoUis Boullée et de
Claude-NIcolas Ledoux pour former le célèbre trIumVirat des «architectes
révolutionnalrc'i», réformateurs d'une architecture classique, alors
décadente
~clon
lui, et précurseurs, comme le démontreraient leurs
architecturc'i composées
à
partir de solides purs, de l'abstraction
1.
Emil
KAL:FAIAN~,«Jean-Jacques Lcqucu», dans
The Art Bulletm,
tomc
XXXI,
nO'>1-4, mars-décembre 1949, pp. 130-135, repns et aUf,TJTlenté dans son
«Jean-J
acquc~Lequeu», dans
17Jree RevolutlOnnary Archztccts, Boullée, Ledoux and
!,(qUe1J., PhliadclphlC, Transactions of thc Amencan PhtlosophlcaJ
SOClCty,nouvelle
séne, tome 42, 3
c
parne, octobre 1952, pp. 538-558.
2. VOIr p. n, note 4. KJufmann mentionne aussI Lcqueu dans son
«Éncnne-LOUIS
Boullée», dam
The Art
Bulletm,
\'01.XXI, nO 3,1939, pp. 212-217 et dans son
:Irchzlrcturr
lnthe
Age of Reason, Baroque and Post-Baroque
zn
Eng/and, Italy and
-or,
IntroductIon
corbuséenne
1•Helen RO'ienau pousse l'll1terprétatlon politique de
l'architecture de Lcqueu amorcée par Kaufmann en dl\cernant
chel
lUI
un plus grand patnotlsme que chc? ses collèguc.,2.
Pour \{o\enau.
1.1
«modernité» de Lequcu sc révèle non seulemcnt dam l',uiequ:ltlon de ...
formes qu'il emplOic ct dc ses intentions politiques m:m am.,1 par
c.;,1volonté d'amener l'architecture au-delà dc'i limites
pla ...
tique ..
ll11poc.;éc ...
par les propnétés des matériaux
utIlt~és
à
cette époquc
3
Flle trace
p:lr
ailleurs une voie largement empruntée par
Ic~ c!)mmcnt.ltcur~
t'lltur\
en
mettant en doute
la
~anté
mentale de Lequeu
4 •Reprenant le thème
dl'
la modernité de Lequeu, Louic.; IIautecœur, dans lia monumentale
histoire de l'architecture française, voit dans son œuvre la
nalS'ianCC du
romantIsme cn architectures.
Pour Gtintcr lvletken le goût du
xvnrc
'iiècle
fim~~ant
pour
le
pittoresque et l'exotique et la préférence des piranésleo<" françal'i
pOlllE. KAUFMAt'\TN,
'l'hree RevolutlOnary /Irchltects,
p
558
2
Helen
ROSE~AU,«Architccturc and the French Revolutlon jean j,l( quc
[sic]
Lcqucu», dans
'l'he Archltectural RCVIe7.:J,
tomc 106, nO 632,
août
1949,
pp.
J15-116.
Du même aureur
vOIraussI «Poscnpt on
Lcqueu>~,dam
'/'he /Irch,tettural
Revtew, tome lOR, nO 646,
octobre
1950,
pp 264-267
3 4 5
H. ROSE:\'AC,
"AII .. hlLl.Ltun. dlldthe FrcIlch
RevolutIOn»,
p.
i
j6
Il. ROSE;\TAC,
«Archltccturc
and
the FrcIlc.h
Revolution»,
p
III
LoUIS
HACTECŒCR,
llzstolre de l'archItecture ciaSSlque en France, tomc
V,
«Révolution ct Empire, 1792-1815», Pans, A. ctj. PIcard et
ce,
1953, p.9\.
hltToductlOn
l'archltccturc colmsale animcnt Ics ouvrages dc LCQucu'.
S'il
préfèrc
rninlll1lser l'a.,pect réformateur et révolutionnaire de son archltccture
tant du pOll1t dc vue formel que pohtiquc, c'est pour mieux la plaCL:I aux
'i()urcc~
du surréalisme et de l'art famastique avec qui elle partagerait une
prédilectIon pour les atmosphères oniriques
2 •La Pliychanalyse marque fortement l'interprétation de Jacques
Guillerrne ct trouve son plein épanoUIssement avec celle de
~lurielle
Gagnebin
3 •Guillerme expltque les descnptIons exhamuvcs que l'on
trouve Jans
l'Architecture Czvrle
de Lequeu, les courbes voluptueuses de
son architecture et ses deSSinS coqUinS par son «anahté» dont les signes
les plus clairs lieraient ses désirs sexuels hypertrophiés par une
fascinatIon pour
la
matière et son odeur ainsi que son ObscssIon
c1assificatnce
4 •Chez Gagnebll1 cc portrait caracténel s'étoffe d'une
négatIon de la figure paternelle et d'une angOIs!>e provoquée par
l'impO'isibilité de l'unIOn Iicxuelle
5•Guillerrne admet néanmOinS que les
'. Gunter METKE:\f, <<.Jean-Jacques Lequeu ou l'architecture rêvée», dans
Gazette des lIeaux-!lrts,
VIC pénode, tome 65,
nOs1152-1157, premlCr semestre
1965, pp 213-230.
2.
G.
l\1ETKEN,
«Jean-Jacques Lcqueu ou l'architecture rêvée», p 229.
3. Jacqllc~ ClJILLER~1E,
«Lequeu ct l'inventIon du mauvaIS goût», dans
Gazette des BI'ùux-llrts,
VIC pérIode, tome 66, n
()~
1 158-1163, deuXlèmc semestre
1965, pp 153-166,
.\lundlc
GAG~EBI~.«Cne patholOgIe de l'écan: le cas d.'
Jcan~Jacqu~sLcqueu'>, d.uls
L '[rreprésentable ou les st/mees de i"œuvre, Paris, Presses
UOlversltalrc~
de France, 1984, pp
227~243.4
J.
GUILLER.\1E. «Lequel! et l'mvention
du
mauvaIs goût», p. 158.
Introdudton
fantasmes de
la
perversion n'empêchent pas notre architecte d'c.\L'tel'!
la rationalité propre au technologue côtoyant Ic'i grand .. II1génlcur., dl'
son temps; selon GUlllerme, en maints endroit'>,
la
r~l1-;{)ntrtomphe dl''''
réquisits du déSIr comme, par exemple,
dam
les plus achevés de ..
co;
exercices géométriques'.
Dans un article ultérieur, Guillerrne peint un autre Lcqucu.
Cètte
foiS-CI solidaIre -
même
~ic'cst de façon quelque
pCU l'xCèntnquc
--des débats architecturaux qUi
lUI
,>ont contcmpor:lII1,,2. D'aprè.,
Guillerme, Lequcu se -;Itucralt au termc d'un mouven1l'l1t
qUI ameI1,l
l'architecture de 1'1lTIltanon réglée et normative dl' l'ordre
CO':. 1111que :\
une autre Jont l'intelligibtlité n'e\lsteralt que dam le., figure,> d'ulle
rhétorique plastIque propre
3
excIter l'émotIon e.,théttquc
du
spectateur. Lequeu, en broUillant volont:lIremcnt la 1I.,lbdlté de chacull
des fragments archItccturaux qu'il uuhscr;lIt
d.m.,
.,e.,
«;l ...,emblage.,»-lisibilité essentielle
à
une «rhétortque arcl1ltecrura!c» -
dépa-;.,cran
k.,
limites de l'architecture «irrégulière» du
XVIIIc
Siècle,
c'cst-à-dlfl~
celle qui ne se conforme pas aux Idéaux du classICI.,me, pour antiCIper
l'éclectISme du
XIX
cslède
3•Andre Cha.,tcl,
dam un
même
ordre
d'idées, explique la diversité formelle de l'architecture de Lcqucl! p,lr
son désir, qu'il auralt pUlsé
che?_ Jean-Jacque,>
Rou-..,cau ct que
1
J.
GUILLERME, "Lt.:llucu el l'mvcnoon du mauvm goût», pp.
15R
ct
i 5(,
2
J.
GUILLERME, «Lequeu cntre l'Irrégulier ct J'éclectHjue», dans
f)JX-hUItIème SIècle, nO 6, 1974,
pp.
167-180.
J
partagerait Ledoux, de «moraliser» l'homme en le soumettant au
pouvOIr de forme" qUI
expnmer~lent
physlOnomiquement les vertus ct
dont chacun dc
'iC~bâtIment'i ,>eralt l'crnblèrnc
1•
:\vcc le constat de
l'évolution divergente dc,> réputatIons de Boullée, de Ledoux et dc
Lc(}ucu. cc dernIer étant confiné de plus en plus dans
la
catégonc des
excentnque."
la
fin de') année" "oixante-dix marque le déclin de
l'interprétation de Kaufmann qUI plaçaIt Lequeu
à l'ongme du
mouvement modernc
2•En 19H6 Phd1(>pe Duboy publie la première monographie sur Lequeu
dans laquelle
c~t
reproduite
la
quaSI totalité des dessms et des écrits de
l'architecte conservé ..
à la Bibliothèque Nattonale
3 .Dans un jeu
complexe où Duboy multIplIe faits, conjectures et jeux de mots, Lequeu
devIent le produit d'une .:onspiratlon 'pataphYSique dont Marcel
Duchamp .,eran l'iI1"t1gateur et Le CorbU'iler
la
VIctime. L'année
<;lI\vante,
Anthony
Vldler nou') donne une collection d'essais sur
l'aïchltecture de la fin du
XVIIIe
sIècle dont un consacré en partie
à
André CIIASTEL, «ne Morahzmg architecture of Jean-Jacques Lequeu».
Art News
Ilnnua/, nO
32,1966, pp. 71-83.
2
Damel RABREAC. "EmIl Kauhnann, Tro/s arch/tedcs ré-uolutzonnazres,
Boullée, [,dou.x.
Lt'lUCÙ",Bulletin mrJ1lumental,
tome 137,
n"
1,
1979, pp. 79-81.
3
Phlllppc DlJBOY, Lequeu
lInArchztectural Emgma,
Londres, Thames and
IIudson, 1986 rcpubhé
par le .\lIT Press en 1987 ct cn françaIs la même année
chcl 1 Ivan sous
le
tItre Lequeu, une émgme .
IntroductIOn
Lequeu
1.
Lequcu,
qUl
'iclon Vieller 'iCralt
aft1lgé
d'une
~.lntcl11ent.dc
chancelante, s'affllreralt, d.1ns le" ba'i-fond<; de b
.,oClété
qu'Il
partageraIt avec Fourier et Sade,
il
u"urpcr le., procedé" r.ltlonnel., ct
encyclopédIques de la culture offiCIelle pour "c" propre" 1111 ..
subversives
2.L'hyp:.:Itrophle physIOnomIque que \'Idler
(1t"t1n~llC
d.lll.,
les ouvrages de Lcqul'u -- à la foi" dans la multlpllc.mon de.,
autoportraIts ct dan'i "cs façadc'i-vl<;age'i -
vl"cralt "don lUI
:1
llt"IOqucl
1.1
théone du caractère "ur bquelle la fin du XVIIIe: "lèclc fonderait
1.1
légltllnité de
~onarchltccture
3•Plus récemment, Jans une analy'le comparative entre
1'.I'Lblf('(/lilt'dvile de Lequeu et le Kosmos du naturaliste allemand ,\lex3ndcr von
Humboldt, Johannes Odenthal souligne
la
dl'iparité de leur" ul11ver,,-l
Si,
à
la
manIère
de~ encyclopédl~tc",
von
1 Iumboldt e""ale, pour
I.J
dermère
fOISdans l'hIstone
de~ "Clence~,d'englober la toulné du
monde, Lcqueu, sur la rIve
OppO<;Cl'de
lJ
fadle
qUIl1urquc
la
Il:m''.\IlCCde la modermté, le créeraIt de
toute~ plècc~
d.m,> "on
llllaglll.ltHJIl.Philip Larson et Liane Lefalvre soultgnent quant à eux lïl11port,JI1Cl: dll
corps dans l'architecture de Lequeu, un corps qUI,
c()ntraln~ment
;\ cdul
1.
Anthony
VIDLER,
(.Asylums of lIbertInage De Sade, ['ouner,
Ll:qlll:lI" d.1I1'>The Wntmg of the
Will/s, Princeton,
~ewJersey, Princeton Ardmect\lral
Pre~~,1987, pp. 103-123.
2
A.
V1DLEI~,Tb.: Wntmg of
the
Walls,
p.
i03
3.
A.
VIOLER,
The
~Vntmgof
the
1Valls,
p.
124.
4.
Johannes
OOE~'TIIAL,«Lequcu's
Arch/tecture (tv/le
and the
Kosmas
of
Alexander von Humboldt», Vaida/os, n° 34, 15 décembre 1989, pp.
~O-41.l
1 ntroductlOn
que présente l'anthropomorphl<,me architectural traditionnel, serait
fè)ftement <,exuali\é'.
Les commentaires sur /a
Nouvelle Méthode
Lee; pnncipaux exégèrcs de l'œuvrc de Lequcu ont peu étudié la
Nouvel/l' /Hétbode applrquée
flUXPrinCIpes élémentaIres du deSSlTl, tendant à
perji'ctlOllner grtlpbrquC1Ilent le tracé de la tête de l'homme au moyen dc
divcrses fig'ures géo7!lctnques.
Ilclcn Rmcnau mentIOnne
la
prcr11lèrc
l'existence de ce traIté medit dc Lcqucu, safls pourtant le commenter:;
elle
~ouligne
cependJnt le contenu
phy~lOnomlquc
de l'œuvre de
Lc(}ueu, expliquant que
S3 ~éncd'autoportram s'apparente aux études
eXpre'i~lVe\
dc
Charlee; Le Brun et de Franz-Xaver i\1esscrschmlclt : de
plU'i, Lequcu n'e<,t-I1 pas, nou'i fan-elle remarquer, un exact
contemporall1 de Johann Kae;par Lavater
3? Si Metken décrit
PhIlip LARSO:'\, «Jt:an-Jacqucs Lequeu's Monuments of the Mmd», dans
The Prmt Col/rdor's XC".::slrtter,
tomc XX, n° 4, scptcmbre-octobre 1989, pp.
145-147 ct
1.1,1IlCLEF:\IVRF, "Lcqucu An Archl!cctural
Enlf,'lna»,dans
DeSIgn
Book
RevlC"~,
net
1
~, ,lUtolllnelIJRR,
pp
54- 5 5 repubhé
sou~ letltre
de «Quel dlscolo ch
Lequcu'»,
d,li" :,',
:,,'~l',of,
,>upplémcnt nO 20,
octobre
1988, pp. 4-6
II ROSF:'\AC, ".\rchltccrurc and the Frcnch Rcvo!unon», p. Ill.
J
II
ROSE).':\C,,,
Postcnpt on Lcqueu
»,p.267. Cette séne
d'autoportraits
.,.
IntroductIon
brièvement le contenu du traité1, Guillerrne
y
trouve
1'1l1f1uencc
-assez superficielle. concède-t-il -
de la géométrie descnptlve
que
Gaspard Monge enseignait à l'
(.~colc
polytechmque
à partir
de
17()·~ ,llul'"
que Lequeu
y
était maître de dessin
2.Plus prè<; dc l'effort de Lequeu
"'l'situent, selon lUI,
la DissertatIOn
sur
les vanét{:s natureller qlll
mractcl/loil
la physionomie [ ... ] avec une ma1llère nouvelle de de.mner toute
l'Ort/' de tht
1de
Petrus Camper
3ct l'Essai sur le perjèctionne1!lcnt des Beau.x-Arts
pM
icI
sciences exactes
de Révéroni-Saint-Cyr
4. ~é'.lnJ11()ln",GUillermc
.,Ol!tlè11ll'hypothèse de l'influence sur
la
Nouvelle Jlétbode
des théOries de"
hommes de sciences et dc') mgénicurs que Lequcu côtoya ;llor" <]u' Il
éLII ten poste
à
l'f~colc
des ponts et chaussés et au ministère de
l'Intérieur
«Lcqueu a également esc;ayé en 1792 de schématiser ct de
COl1\tnurc JUmoyen du compas ct dc l'équcrrc, chaquc parne du
vJ~age»,G METKFN,
"jt.lJl-Jacques
L<:queu ou
l'arch'tccture rêvée»,
p 218
2,
J.
GUILLER.J\'lE,
«Lequeu
et l'mvcntlon du
mauval'> goût»,
p. 159 Pour
Iv.,
tâchcs
de
Lequeu
à
l'École
polytcchl1Jquc,
VOIr\\'crncr
SZAI\IBII·.;\!,
]CIJn-Mcolas-LoUls Durand 17fiO-IS34. De l'l7mtatlOn
à la norml',
PJrJ'i, Picard, It))\·l. Il
(l,'.note 1.
3,
PCt;US CAt\l PER,
DmertatlOT: sur ies 'i-'imelés nature/iLs qUI cûractém
t'nt/.l
physlonomze des hommes
des dIVers clImats et des dljJérens âges sUIvIe de rejlexlOfLI
Wl /"Beauté par:mûlèrement fUr celle de la tete, avec une manière nouvelle de dt'fsJnl'r
louit'sorte de têtes avec la plus grande e.r:actztude,
Pans, Il
J
Jamcn ct La 11.]1, e,
J \
.111Cll'ef,
1791.
Jo~ephRykwcrt
rn~ntlonJle aU~SI I~traité de
Pet! u, CJlTlperen
relation avec
la
Nouvelle Méthode,
vOIr
Joseph RYK\\'FRT, ..
Lequeu-DudwIlP-Duboy», dâli:.
CUJ/.bt:l/a,
tome LI, n° 535,
Illaij:;37, p
36.
4.
R' S*C" [Révérom-Saint-Cyr],
[;Ssal
rur
le peifectumnement des Beaux-Arts IJ.Il
les saences exactes,
tome II,
Pans, 1803;
J.
GüILLERME,
«LcqUt.;u
ct
l'lI1vcllllon
du
mauvaISgoût»,
p. 159.
IntroductIon
où
il
partlcipa, en tant que dessinateur-géographe,
à
la cartographie des
région'i viticolc,> de l'Empire, projet proposé par Charles-Étienne
Coqucbert de Montbret, chef de la DivislOn de
la
statistique durant les
année,> 1
~04
et 1805 et grand alTI! de Gaspard Monge
l•Dubay, dans les quelques lignes qu'il consacre
à
la
Nouvelle Méthode
reprend l'i Iltcrprétation courante qui y voit un mélange dcs recherches
physIOgnomonIques de Llvater ct de la géométrie descriptive Je
Monge. Selon lui, Lequeu auraIt utilisé le «physionorègle» d'Edme
Quenedcy pour élaborer
~améthode de dcssin2. Odcnthal souligne,
(omme Rosenau avant lUI, l'Importance du deSSin et de la science des
ombres -
la sClagraphlC -
pour les architectes de la fin du
XVIIIe
siècle: grâce au dessin, ceux-ci pourraient, sans construire les
1
j. GliILLERhlE, «Lcqucu ct l'invcnoon du mauvais goût», pp. 159-160.
2
P DUBOY,
I.equeu,
p 15. Edme Quencdey (1756-1830), graveur ct
mimatunstc, dut
~arenommée non pas au physlOnorègle malS plutôt au
phYSlonotracc.
,\ppal ellmventc vers 1786 par
GlIles-LoU1~Chréoen, musIcIen de la
Chambre du rOI,
qUIpermettait de tracer rapIdement et préCisément
à
l'aide d'un
pantot~aphe
monté "ur un
chas~isle profil d un modèle. Le
physzonorègle
que
Lequeu utilise (et dont Il parle dam les passages 32:2, 33:1 et 33:2 de la
NOUvelle
lHéthode)
e~tau contraire une trame géomémque
qUI,dessmée
à
l'aide d'un
compa~ct d'unc
rè~le,permet de placer les parties du \'1sage en relation correcte les unes
aux autrt.:' Au sUjet du
phy~lOnotraccvOIr
FrançOIS COURBOIN,
Graveurs et
Marchands ,i'l'J/ampes
au
,\'}'Ill
e
SIècle,
Pans, 1914, pp. 64-65. Pour Quenedey. VOlr
E. BItNI::zrr,
DIctIOnnaire mtlque
et documen,ùlre des pemtres, sculpteurs,
desslTlllteurs et
graveurs,
P.lri~,Librairie Grund, 1976 (1911-1923).
IntroductIon
bâtiments qu'ils dessinent, développer toute la
force
d'une
architecture
du caractère
1.'. J.
ODEI'HHAL, «Lcqucu's ArchItecture ctvzle
»,p.
34; H. ROSENAU,
«Architecture and the French Revolution»,
p.
114.
"