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Violences dites « domestiques » : des frontières spatiales aux frontières identitaires

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aux frontières identitaires

Réjane Sénac

To cite this version:

Réjane Sénac. Violences dites “ domestiques ” : des frontières spatiales aux frontières identitaires : Le cas français. Traverse. Revue d’Histoire/Zeitschrift für Geschichte, éditions Chronos, 2005, pp.84 -100. �hal-01557923�

(2)

84

VIOLENCES DITES

«

DOMESTIQUES

»

:

DES FRONTIERES

SPATIALES

AUX

FRONTIERES

IDENTITAIRES

LE CASFRANÇAIS

REJANESENAC-SLAWINSKI

Les violences dites «domestiques» sont-elles des violences différentes des

autres? Cette interrogation prend sens dans une société française marquée

aujourd’hui par la remise encausede

l’invisibilité

des violencesàl’encontre des femmes,1 et en particulier de cellessedéroulant dansl’espace privé. De

quoiparle-

t-

onlorsqu’ons’intéresseàce type de violence? Lesviolencessont généralement définies par le

fait

qu’elles constituentune atteinteà

l’intégrité

de la personne.2 Longtemps considérées comme une contradiction, les vio-lences

dites «domestiques» secaractérisent à la

fois

par l’espacedanslequel ellesont

lieu,

celui dudomus, de lamaison, etpar les relations deproximité, familiale ousentimentale, entrel’auteur etla victimedeviolences.Fondée sur

la séparation des sphères privée etpublique, cette qualification renvoie non seulement à des frontières spatiales, maisaussi àdes frontières identitaires, liées en particulier au status familiae. En effet, cette dichotomie spatiale, présente dès lacitéantique dans la disjonction entrelegouvernementdomes-tique

etle gouvernement politique,3 est unedesconditionsdel’exclusiondela

famille

ducontrat démocratique.4Enenlevantàla famillesonstatutpolitique,

elle situeles relations « domestiques» dans unregistre qui ne peut et ne doit pas être celui de

l’égalité.

5 Le clivage privé-public contribue donc,à la fois

à désexualiser lepolitique età dépolitiserle privé. C’estainsi qu’Habermas

fait

de l’exclusion des femmes «un élément constitutif de la sphère publique

politique, ausens oùcelle-cin’était pas seulement dominéepar les hommes de façoncontingente, mais déterminée, dans sa structure et son rapport à la

sphère privée,selonuncritère sexuel».6En soulignant ladimensionpolitique des inégalités hommes-femmesdans lasphèrediteprivée, les gender studies7

ont contribué à mettre enlumière lesliens entrel’autonomie privéeetpublique. Elles introduisent en effet la sexuation au sein de la notion de citoyenneté

– comprise non seulement comme «la capacité d’exercer des droits liés à la

participationpolitiquedetypedémocratique»,8 mais aussicomme une iden-tité

plurielle, articulant les dimensions

civile,

sociale etpolitique.9 Ellesdénon¬

(3)

85

sexuelle de la vie ensociété»10et sacralise uncitoyen unisexué.11 Danscette perspec-tive, lesviolences domestiques ne sontdoncpas desviolencescomme

les autres dansla mesure où

la

tolérance sociale plus ou moins grande à leur égardexprime nonseulement un certain ordresexuémaisaussisocialet poli¬ tique. En effet, si comme

l’illustre l’article

12de laDéclarationdes droitsde

l’Homme etdu citoyen,12 lemonopolede

la

violencelégitime est unebasede

l’Etat moderne,13 soninterventionnisme

limité

etrécentàl’égarddesviolences

domes---tiques révèle leur acceptationplus oumoins tacite.

Ainsi,longtempsassociées à des violencesinterpersonnellesliées àla sphère privéeetdoncnonsoumisesaujugementpublic,lesviolencesdomestiquesfont aujourd’hui l’objetd’enquêtespubliques,dedébats d’experts etdepoli-tiques.

La pénalisationaccrue deces violences necorrespond pasà une exten-sion de laréalitéduphénomène

lui-

même,mais bienà uneévolutiondela«sensibilité collective» y compris celle des acteurs de la sphère publique. Après avoir examiné les enjeux de l’évolution de

l’état

de

droit,

nous nous pencherons

sur lesdifficultés pourdire, dénombrer et punir les violences domestiques. L’analyse de la définition et du traitement des violences do-mes-tiques nous

permettrademettreà jourles enjeux sociauxet politiques desfrontières spa¬

tiales etidentitaires séparant

le

publicet leprivé.

L’EVOLUTION DU DROIT

«Pendant plusieurssiècles, en France, la

loi

a nonseulement toléré que les violences physiquessoientexercéesparle

chefdefamille›mais a d’unecer¬

taine manière réglementé une sortede justiceprivée

qu’il

pouvait – et même parfois devait– exercer.

Il

seraitillusoire decroirequeces textessesont com¬

plètementeffacés et

qu’il

n’en subsisteplus aucune trace.

[…]

Le droit deces

violences est de toutes façonsindissociables du

droit

dela

famille

elle-même qui a connu d’importants bouleversements. Le père et mari a été dé-pouillé

progressivement de presque tous ses privilèges de

juridiction domes-tique›.

La

famille

s’est largement démocratisée.»14

L’emploi du terme «démocratisation» par Serge Portelli, Président de la chambre correctionnelle au tribunal de grande instance de Paris, pour qua¬

lifier

lesrapports au sein de la

famille

est intéressant.

Il

illustre le

fait

que

loin

d’être antidémocratique, l’exclusion politique des femmes et

la

toute) puissance du père est une conditionde lacitoyenneté telle qu’ellea été pen¬ sée et consti-tuée lorsde laRévolution française.L’historienneAnneVerjus a analyséle lienentre «lesuffrage universel,le chefde

famille

et la questionde

(4)

86

représen-tations politiques, règne une conception dominante, assimilant tout

citoyen au chef de famille, entendu au sens romain16 depater familias: sont considérés comme chefs de

famille

tous ceux quipeuvent l’être, c’est-à-dire tous les hommes,y compris les célibataires.Cette conception «

familialiste

»

de

l’individu

politique définit le citoyen sur labase de la

famille,

dont

il

est

le représen-tant natureldans la cité.17

LESENJEUX

DU

DEBAT:

LA

LIGNE DE PARTAGE ENTRE LE PRIVEETLE PUBLIC

L’histoire et l’évolution de

la

notionde gender18 sont marquées par une ra-dicalisation

dela critiqueinitialesur la naturalisationdesdifférences hommes¬

femmes.19D’aprèsSusan Carollet Linda

Zerilli,

20

la

posturecritiquedesétudes

surlegenre,s’articuleautourdetroisétapesanalytiques et/ou chronologiques distinctes.21 Danscetteperspective, l’inclusion22 dugenre dans la citoyenneté

demande d’opérerune réflexion conceptuelle, qualifiableaussi deluttecogni-tive,

s’articulant autour de trois processus: la critique des théories politiques traditionnellespour leur cécitéàl’égarddusexeamèneen effetdansunpremier temps à les questionner à la lumière duconcept de genre et dansun second temps, à repenser ce qu’elles appellent «the existing dominant frameworks

of

political analysis » Les gender studies lancent donc un défi aux sciences

hu-maines etsociales,celui deprendreconsciencedeslimitesdecescadres de

pensée etde la nécessité de lesdépasser. Cestravaux universitaires soulèvent

des questions en cequi concerneà la fois la légitimité des objets et dessujets étudiéset la manière dont

ils

sont analysés. D’unepart, en y intégrant

la

pro¬

blématique du genre,d’autre part, faceàl’inadaptation deces cadresà penser les femmescommeactrices,

ils

conduisentà un travail dere-con-cep-tualisation.

En effet, si le corps politique, dont l’appartenance est condition-née au

fait

d’être citoyen,sedistingue radicalementetartificiellementdela sphèreprivée où sont reléguées les femmes,alors la mise en visibilitédes femmes comme partieprenante duchamppolitiqueimpliquela remise enquestion dela césure

public-privé.Corollaire etpoint nodal de lamiseen relation du genre et dela

citoyenneté, le débat relatif à cette dichotomie a été particulièrement nourri

dansles années1980–1990 par les contributions d’auteurestellesque Carole Pateman,23JeanBethkeElshtain,24MaryDietz,25

Iris

MarionYoung26 ouChan¬

tal

Mouffe.27 Nous n’examinerons pas

ici

ces théories dans le détail,28 nous

souligneronssimplement qu’au-delà deleursdivergences, elles déclinentune préoccupation commune:déconstruire le cli-vage privé-public en sexualisant

(5)

87

Afin

de comprendre les enjeux de la politisation du privé àtravers

la

démo-cratisation

de la famille et ses conséquencessurlecontrôle social etjuridique

desviolences domestiques, analysonsles liens complexes,voirecontradic-toires,

quiunissent aujourd’huilasphèreprivée,enparticulierla famille,etla sphère publique, incarnée par les instances étatiques.

Les sociologues français de la famillesoulignent la tendance au repli sur la sphèreprivée pour fairedela

famille

le lieudel’accomplissementd’unpro-jet

communetdela réalisationdesoi.29Cetteaspirationà uneauto-régulationde

l’espace privé, coupléeàune protection du privéface à

l’intrusion

dupublic, se confronte à la nécessité croissante de

le

solliciter face à la vulnérabilité

so-ciale et économique.30

Comme le souligne Jacques Commaille, directeur de recherche au CNRS,

cette contradictionprésentedans

la

sphère privéeestàmettre en relation avec unelonguetradition denon-interventiondela sphèrepubliquedans l’espace

privé, en particulier dans le domaine des violences intra-familiales. Après avoir exclu un mode d’explication fondé sur le souci de la protection de la privacy, chère auxAnglais, etqui suscite a

priori

de

l’hostilité

àl’égard de toute interven-tion publique,31

il

avance une hypothèsepour le cas français.

Pour

lui,

«latradition familialistedanslaquelles’inscritunepolitiquepublique ambitieuse à l’égard de la

famille

même si

l’évolution

va dans le sens d’un

sensible affaiblisse-ment de cette tradition) est venueprendre le relaisdece

modèle patriarcal qui rejetait, sauf exceptions,lasphèrepubliqueauxportes

de l’espaceprivé. Ne peut-on en

effet

supposer qu’une politique

familiale

fondéesurunereprésenta-tion extrêmement valorisantedel’espace privérend plus

difficile

l’émergence d’une politique publiqueconsacréeaux violences

intra-familiales et qui serait justifiée précisément par des comportements

con-tredisant cette représenta-tion? »32

Cettetradition denoninterventionnismedansla sphèreprivéeestcependant à

nuancer au regardd’uneautretradition,celleducourantindividualistequidès

laRévolutionfrançaiseconsacraitla primauté de

l’individu

sur

l’institution.

Le droit

civil

a consacrédans sestransformationscontemporainesl’autonomie

etlaliberté des individusdans leurespaceprivé.Cetteconsécrationjuridique

de l’individualismeexige la mise en place

d’un droit dit

social fondésur la protection des individus les plus «vulnérables» par l’intervention publique.

Serge Portelli,magistrat,

lie

cette évolution du

droit

àune modification des

valeurssociales faisant de l’exigence denon-violenceune exigencepublique. «L’action publique se met en marche.

Il

n’est plus possible d’attendre une plainteimprobable.L’Etat prend

l’initiative.

C’est ainsique peuà peule

droit

civil

a cédé la place au

droit

pénal pour essayer de maîtriser lesviolences

(6)

88

DE LAPENALISATION DESVIOLENCESDOMESTIQUES

Le droit

n’a

jamais conçu globalement la

famille,

espace supposérégi par

des sentiments d’amour, comme unlieu de violence. Les règles protectrices et ré-pressives ont été constituées progressivement, voire«presque involon-taire-ment

»34 pour reprendre l’expression deSerge Portelli. Compte tenu de

la placeprééminenteque jouait

le

père, c’est d’abord pourle protéger quele droit est intervenu. C’est bien longtemps après que l’enfantet la femme ont

bénéficié d’une protection particulière.

Ainsi,

la pénalisation des violences

domes-tiques est marquée par

l’histoire

du parricide, longtempsutilisé pour

désigner aussi bien le meurtre du père que celui du

roi.

Cette infraction a

disparu du Code pénalfrançais de 1993,en même temps que

l’infanticide.

A

l’inverse, le meurtre du conjoint, et plus particulièrement dela conjointe, n’était pas consi-déré comme une circonstanceaggravante; bien aucontraire

le Codepénalprévoyait une excuse deprovocationdans l’ancienarticle 324 aliéna 2.35

Il

a

fallu

attendre la

loi

du 11

juillet

1975 pour que cettedisposi-tion

soit abrogée.Face à cette tradition detolérance sociale et juridiqueaux violencesdomes-tiques exercées par le«chefde

famille

»

l’évolution

du droit pénaldont les dispositifsne cessent d’être renforcésenfaveur dela protec-tion

del’enfant et de la femme, confirme

l’évolution

vers un contrôle social

desviolencesdo-mestiques. Nouspartageons

le

pointdevuedeMarie- Victoire Louis, chargée derecherche auCNRS etfondatrice de

l’AVFT,

36lorsqu’elle

affirme que «

s’il

est vrai que ‹le code pénal a toujours été le témoin

écrit

de l’âme d’un peuple›,37 les débats

qui

ont eu lieu en France,

fin

1991, à

l’occasion du vote par l’Assemblée nationale et le Sénat du nouveau code pénalfran-çais, 38 présententunintérêtpourlescitoyen-nes,leshistorien-nes,

les socio-logues et les ju-ristes ».39

Premièrerévision globale depuisle code Napoléonien de 1810, cenouveau code pénal est entré en vigueur le 1ermars1994. Le 8mai 1989, le garde

des Sceaux, Pierre Arpaillange, magistrat de profession,

affirmait

que ce

nouveau code pénal avaitpour ambitionde «redéfinir les valeurs de notre société, ou, plusprécisément encore, celles de la société du troisième mil¬ lénaire

qui

commence» Pour reprendre lestermes du ministre délégué à la

Justice,GeorgesKiejman,40 avocatdeprofession,

il

s’agitde «protéger, pour

la première fois dansune

loi

pénale cettevaleursuprême que sont les droits

de l’homme».41

Il

est à noter quela Conventionde

l’ONU

sur

l’élimination

de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, dite

conven-tion CEDAW,

n’a

pasété évoquéeparmiles textesinternationaux ra¬

tifiés

parla France qui auraient, selon le gouvernement,justifié

la

nécessité

(7)

89

Dans son ébauche d’une analyse féministe dunouveau code pénalfrançais,

Marie-Victoire Louis souligne le

fait

qu’alors que l’immense majorité des

crimes et des délits sont le

fait

d’hommes, aucune analyse sexuée de la vio-lence

n’a étéfaite. Elledénonce aussi lesilencesurlaquestiondes violences contre les femmesennotantqueseuleMarie-NoëlleLienemann Socialiste)a évoqué«lesnouvelles agressions»enprécisant le

fait

quele«problèmese pose

surtoutpour les femmes».42

Il

est ànoter que le ministre dela Justice évoque

les «mauvais traitement dans le couple» comme une des formes d’atteintes aux droits de la personne

qu’il

faut réprimer plus fermement.

A

l’occasion

du votede

l’article

concernant«les violences habituelles

[…]

ayant entraîné

la mort de la victime»

le

ministre qui évoquait «les violences habituelles auxquelles le gouvernement nepeut trouver d’excuses» s’est vuerécusé par le sénateur socialiste

Michel

Dreyfus- Schmidt ences termes: «C’est

vite

dit,

monsieur le

Ministre:

les auteurs dece genre de crimes sont très souvent des

personneselles-mêmesvulnérables

[…]

souvent plus à plaindre encore qu’à

condam-ner ».43 Ce sénateur a aussi proposé au nom de la «modernité» de

correctionnaliser ces meurtres.44 Rappelons qu’en matière correctionnelle,

toute peined’emprison-nement fermedoit êtrespécialementmotivée etquela

tentative n’est punis-sable quesi la loi le précise.

Le traitement juridiquedes violences domestiquessetrouve dans

le

Livre

II

intitulé«Des crimeset desdélitscontrelespersonnes» etplusparticulièrement

dans le chapitre

II

«Des atteintes à

l’intégrité

physiqueou psychique de la personne» Cesviolencessont abordéesencestermes:«D’autresatteintes aux droits de la personne) sont de tousles temps,mais revêtentplusqu’autrefois

un caractère intolérable pour notre sensibilité, tels les mauvais traitements

dans le cadre du couple et de la famille.»45 Cette affirmation s’appuie sur

une cam-pagne médiatique qui introduisit, du 15 novembre au 5 décembre

1989, pourla première

fois

le thème de la violence conjugale dans lesfoyers

fran-çais. Un spot télévisé, notamment, disait ceci: «Pour certaines femmes,

il

existe aujourd’hui un endroit plus dangereux qu’une rue mal éclairée ou un parking souterrain,c’est leur propre foyer. Et l’hommele plus susceptib¬

le de les maltraiter, de les violenter, n’est pas un étranger, mais leur propre

compa-gnon. L’homme avec

qui

elles vivent. C’est parce que trop d’hommes s’ima-ginent avoir tous les droitsdansleur foyer que près dedeux millionsde

femmes sont battues régulièrementenFrance. La violenceconjugale,comme touteforme de violence est inacceptable.»46

Dans

le

nouveau code pénal, le

fait

que les violences soient exercées par

l’époux ou

le

concubinde la victimeest considérécomme une circonstance aggravante parce que, selon le ministre délégué à la justice, «l’auteur des

(8)

90

mais également parce que la victime est, le plus souvent, en raison même de sa cohabitation avecl’auteur des violences, en situation de vulnéra-bilité

face à cetabus».47

Il

estcependantétonnant que face auchiffrede 2 millions de femmesbattues régulièrement, même

s’il

s’agit

d’uneestimationen l’absence detoute statis-tique

fiableen la matière, le nouveauconcept de «délinquance homicide de

masse» introduit par le ministre,

n’ait

pas étéappliqué à ces violences do-mestiques

quesontles violencesconjugales. Ceconceptn’a recouvertque«la

délinquance routièreet lesaccidents dutravail»48 pourlesquels

il

aétépré-cisé

que «

l’opinion

ressentaitcomme choquantle fait quela volonté prend part à

cescomportements qualifiéstropfacilement d’involontaires».49

A

l’instar

du

ministre dela Justice de l’époque, nouspensons que le

fait

que l’expression

«violence conjugale»nesoitpascitée danslenouveaucodepénal, cetteréa-lité

n’étantpastraitéedansunarticle maisdansdesalinéas, està mettre enrela-tion

avec«l’attachement de tous àla protection dela vieprivée».50

DENOMBRER POUR PUNIR

«Grâce aux mouvements de femmes, dont on oublie trop souvent

qu’ils

ont

été à

l’origine

de nombre d’avancées en matière de droits de la personne,

nous assistons actuellement àun réel bouleversement dela conception de la

poli-tique – encoreinsuffisammentanalysé:lesthèmesautrefoisenfermésdans

la sphèreprivée deviennent des problèmespolitiques.»51

LADIFFICILEAPPLICATIONDU DROIT

L’intervention de la

loi

et du juge face auxviolences domestiques est très récente. L’évolution s’estfaite parallèlement à la progression du droit de la

famille

où le pèreet maria progressivement perdusesprivilèges dejuridic---tion

familiale.

Afin

que chacun des membres de la

famille

soit protégé des

violences deses proches,et

qu’il n’y

ait

plusd’immunitéde droit oude

fait,

le droit pénal a pris le relais du droit

civil.

Mais qu’en est-

il

des pratiques

judiciaires?

En confrontant le dicton populaire «

il

faut laver sonlinge saleen famille» à laréalité des traitements des plaintes pourviolences conjugales dans trois

tribu-naux deCharente-Maritime Rochefort, La Rochelle, Saintes), Jacques

Faget,52 chercheur au CNRS, professeur à

l’Institut

d’Etudes Politiques de

Bordeaux,soulignela persistance despudeurspubliques àl’égarddesconflits privés.Pour

lui,

lamanière dont cesplaintes sontaccueillies et traitées parle

(9)

91

analyse des 180 dossiers traités du 1er

juillet

1994au 30

juin

1995 dans les trois

juridictions

67 àRochefort, 50à La Rochelle, 63à Saintes)l’amène à

dé-noncer la persistance implicite, mais réelle, dutraditionnel non inter-ven-tionnisme

étatique. Deplus,

l’unité

apparente dela notion de «violencesdo¬

mestiques» cache une hétérogénéitédes traitements juridiques.Letraite-ment

des violences envers les enfants et envers les femmes au sein de

la famille

n’est pas appréhendé de la même manière.53 Cesviolences ne sont pas trai¬

tées dans les mêmesinstanceset avec les mêmes moyens, la reconnais-sance

collective et institutionnelle de la gravité des violences conjugales étant en retrait parrapport à celle des violences envers les enfants.

La question des violences sexuelles dans le couple illustre l’importance de

l’interprétation du droit, et en particulier de la jurisprudence, compte tenu

des lacunes légales. «Le

viol

est possible entre époux. Contrairement aux idées reçues, la jurisprudence

l’a

admisdepuis longtemps.Dès1839,laCour

de cassation Crim. 21/11/1839, S.1839.817) en avait posé

le

principe.

Il

s’agissait d’interdire au mari des actes contre nature estimés contraires aux fins du mariage

[…].

Dansles années qui ontsuivi la réforme législative de 1980 élargissantla notion de

viol,

laCourde cassationa nettement élargiles

conditionsdanslesquellesle

viol

entreépouxpeutêtre retenu.

[…]

Il

fut

donc enfin admisdans notredroit

positif

quelafemmenepouvaitse

voir

contrainte parlaviolenceà desrapports sexuels, quel’auteurdel’agressionsoit untiers, leconcubin ou le conjoint.»54

Face aupoids delatolérance sociale setraduisant dansletraitement policier etjudiciaire des plaintespourviolencesdomestiques, laDirectiondesaffaires criminelles etdesgrâcesduMinistèredela Justicearendupublicen septembre 2004 le guidede l’action publique sur«la lutte contre lesviolences au sein ducouple» Partantduconstatde

la

difficile

application dudroitdesvictimes dans le cadre de violences domestiques, le garde des Sceaux, Dominique

Perben, affirme que «si les dispositifs de protection des victimes en France comptent parmi les plus completsenEurope, force est deconstaterque, dans

lapratique, les conditionsd’accueil des victimesde violencesintra familia¬ les, les circuits

d’information

et le traitement judiciaire dece type de faits

doivent êtreamé-liorés en raison de la spécificité de ce contentieux» C’està

l’occasion de saréunion plénière du 23 octobre 2003 à la Chancellerie que le Conseil nationald’aideaux victimes CNAV) a décidé de constituer un groupedetravail rela-tif auxviolences conjugales chargé deréaliser un guide

des bonnespratiques à destinationdesmagistratsainsique de l’ensembledes

profes-sion-nels concer-nés.

«Nous devonsmontrer le caractèreinacceptable de la violenceet notamment

(10)

92

de la Justice, tandis que laministre à la parité età l’égalité professionnelle,

Nicole Ameline, a évoqué des «pratiques anachroniques dans notre monde moderne»

Au

cours de la réunion, plusieursdes intervenants réunis dans le groupe de

travail– magistrats, médecins, représentants d’associations, avocats–ontmis en avant leursdifficultés,notamment pourfaire établir par lajustice laréalité

des violences conjugales.

« Les médecins traitants font parfois preuve decécitésocialepour diagnosti-quer une violence conjugale. On a du mal àimaginer qu’un patient que

l’on

a dans son cabinet est chez

lui

untortionnaire. Et si on détecte des plaies et

des bosses sur son épouse, on a du mal à faire un lien» aestimé leDocteur Isabelle Gautier, représentante de

l’Ordre

desmédecins.

«La première questionque nous posent les femmes a trait à leurprotection:

est-ce quesije vais déposerplainte jevais êtreprotégée?Ornous avonsextrê-mement

peu de réponses à apporter» puisquecela dépendra des cas et de la

réponse judiciaire à la plainte, a soulignél’avocate Anne Mezard.

DESDIFFICULTESPOURDIRE ETDENOMBRER

Il

ne fautpasnégligerles étudesquiontétéfaites avantl’enquête nationalesur les violences enversles femmes en France ENVEFF).55 En particuliercelles

qui

ont été élaborées à partir des donnéesextraites de

l’activité

quotidienne

d’un observatoire privilégié, le numéro national d’écoute sur les violences faites aux femmes. C’est ainsi par exemple qu’en1997,Viviane Monnier, de Violenceconjugale femmes info-service,dressa,sansprétendreàl’exhaustivité statistique, le

profil

de la violenceconjugale à partirde 50’000 appels reçus sur une période de 58 mois.56 Elle conclut cette étude enaffirmant que ces ap-pels téléphoniques confirmentles donnéesdéjà recueilliesdanslesaccueils

spécifiques, àsavoir que la situation économique d’une grande partiede ces

femmes est précaire comparéeàcelle deleurconjoint:seulement 35pour cent

d’entreellesontun salaire ou des revenus.Elleconstate égalementl’isolement desvictimes, culpabiliséespar leurentourage,etleurs difficultés pourobte-nir

un certificat médical avec interruption temporaire de travail

ITT),

souvent

le seulélément de preuve retenupar la justice française. Dans 86 pour cent

des situations, les auteurs de violencesont les maris, lesconcubinsou les ex ami, mari, concubin)des victimes.

Ils

ne sontque 4pourcentàêtre violents aussiavec d’autres personnes.

Les débats, voire les controverses, qui ont accompagné la publication de

l’ENVEFF

sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils témoi-gnent

de

la

dimension socialeet politiquede la catégorisation des violences

(11)

93 en1997 par le Servicedes droits des femmesdu ministèrede

l’Emploi

et de la Solida-rité, est la première réalisée sur ce thème en France. Conduite par

MaryseJaspard, corresponsable de

l’unité

genre et sociétéde

l’Institut

natio¬

nal d’étudesdémographiques INED)avec MichelBozon,cette enquêtevient

«infirmer lesens communselon lequel les violences physiquesou sexuelles seraientl’apa-nage desmilieux les plus modestes» Le décèsdel’actrice Marie

Trintignant, le 1er août 2003, à

la

suite d’une dispute avec son compagnon, lechanteur du groupe «

Noir

désir» Bertrand Cantat, illustre tristement cette réalité. LaMarchedesfemmes des cités, du1erfévrierau8 mars 2003,sous la banderole du mouvement «

Ni

putes,ni soumises» apermis derendrevisibles

les violences subies par les filles des quartiers dits défavorisés– notamment après

le

décès de Sohane,17 ans,brûlée vive à

Vitry-

sur-Seine par son co¬

pain en octobre 2002. Dans ce contexte,

la

publication à la Documentation française, en juin 2003, de

l’ENVEFF

a suscité un choc. L’annonce, le 25 novembre 2003, de la création par desélus locaux del’Association «Elu(e)s

Contre lesViolences faites aux Femmes» ECVF)illustre untournant dansla reconnaissance ins-ti-tutionnelle et politiquedes violences envers lesfemmes.

L’une des premièresactions deleur appel

intitulé

«Concerné(e)s» visaà sen¬

sibiliser les candi-dats aux élections régionales de 2004 afin de faire intégrer

dans leurs programmes électoraux des propositions d’actions concrètes sur

cethème. Cette associa-tion a été créée à

l’initiative

de femmes politiquesde gauche, en particulier de FrancineBavay Verts), vice-présidente du conseil régional

d’Ile-

de-France, de Geneviève Fraisse, alors députée européenne du groupe de la gauche euro-péenne unitaire, etd’Anne Hidalgo Socialiste)

1ère adjointe au maire de Paris. Sa particularité est qu’elle a été à

l’origine

d’un consensus politique

qui

transcende les clivages très forts de la société française. Ellecompte en effet parmi sesmembres des représentants emblé¬

matiques de la majorité présiden-tielle telsque Jean-Luc Romero,conseiller

régional

d’Ile-

de-FranceetPrési-dent¬ fondateur d’ElusLocaux ContreleSida,

etValérie Pécresse,députée desYvelines UMP).

Le questionnement sur les difficultés d’une quantification précise des vio-lences

domestiques, et en particulier conjugales, illustre les liens entre les enjeux épistémologiques etpolitiquesdes modalités de saisie de cetteréalité. Les tenants d’une approche dite compréhensive57 dénoncent les limites du décompte des manifestations physiquesdela violence

qui

ne font pas appel

ausensconféré à ses pratiques.

A

l’inverse,certainsmettentencause laperti-nence

del’enquêteENVEFF.Auprintemps2003, ElisabethBadinterdénonce

dans Fausse route58 l’entreprise de «victimisation»desfemmes. Cetteagrégée

de philosophie, aujourd’hui maître de conférence à l’Ecole Polytechnique, actionnaire majoritairedu groupe Publicis par son héritage paternel, est un

(12)

94

personnagecontroversédel’intelligentsiafrançaise etdes mouvementsfémi-nistes.

Penseuse engagée à gauche, elle défend, comme son mari l’avocat et sénateur Robert Badinter Socialiste),une certaine idée dela démocratieso-ciale

àtravers ses écrits. «Elisabeth Badinter, donne l’exemple d’unchiffre

de l’enquête ENVEFF

qu’il

n’aurait à son sensjamais

fallu

établir de cette manière précisément parce que certains médias

l’ont

mal interprété.

Il

s’agit du fameux 10% de femmes, victimesde violences conjugales, physiquesou

psychologiques, que certainesradios ont transformé en‹10%de femmesbat-tues›

alors

qu’il

comprend des insultes répétéespar exemple, des privations

d’argent etc.»59 De leur côté, lajuriste Marcela Iacub etle démographeHervé

LeBras déplorent, dansunarticle publiédans LesTemps modernes, relayé par l’Express le 24

avril

2003,le continuum établientre pressionspsycholo-giques

et physiques. Poureux, cetteenquête ne répond pas auxcritères de scientifi-cité

dans

la

mesure où elle a pourfonction delégitimer un projet politique.

Ils

lui

reprochentd’orienter l’analysedesviolences enverslesfemmesafinde

confor-ter l’action publique de répression decette violence.

Ils

mettent pour

cela en relation la persistance des inégalités entre les sexes avec la domina¬

tion

mas-culine par

l’utilisation

dela violence:«

[

…]

l’infériorisation

sociale

des femmes est entretenue par une organisationde la violence,exercée par les hommes sous ses formes les plus diverses, dont

l’effet

unique sinon le butestdedominer l’autresexe; on neremédiera donc à cettesituation qu’en

révélant laviolence, cachée par les victimes etétouffée par lesbourreaux, et en punissant enfinles responsables.»60

Le

fait

de nommer, de compter et de jugerles violences domestiques est en Franceun processus historique, socialet juridique encore en cours. En effet,

cesviolences ont longtemps été justifiéeset tolérées aunom delatoute-puis¬ sancepaternelle et maritale. La pénalisation des violencesdomestiques, leur dénonciation socialeetpolitiquetémoignentd’unetransformationdesnormes régissant les rapports au sein de la sphèreprivée, et plusparticulière-ment de

la

famille.

L’enquêteENVEFF a catalysélescontroverses non pas seulement

parce qu’ellearenduvisible uneréalitéinacceptable maisaussi etsurtout parce qu’elle a transformé des faits dits «divers» en phénomène de société, voire

en règles tacitement acceptées. Cette enquête quantitative remet en effet en

causeles explications psychologisanteset socialesdesviolences do-mestiques

en montrant qu’elles concernent toutes les catégories socio-professionnelles.

Danscette perspective,lestentatives dedénigrement decetteenquêteillustrent

l’affirmation selonlaquelle«distinguerlapertinencedece

qu’il

estlégitimede

généraliser,enl’opposant à ce

qui

estrenvoyéauparticu-lier et aucontingent,

n’estpasseulement uneopérationcognitivemaisparti-cipe d’unjugement

qui

(13)

95

La violence conjugale ayantétéenfin reconnuedans cequ’elle ade général et

non plus seulement de particulier etdecontingent, elle est en passede deve-nir unenouvelle causenationale enFrance.Notonsparexemplequ’à la veille

du25 novembre 2004, proclamée Journée internationale pour

l’élimination

de laviolence à l’égard des femmes, depuis le 17décembre 1999 par la résolu-tion

54/134 de l’Assemblée générale des Nations Unies, Nicole Ameline, ministre de la parité etde l’égalité professionnelle,s’est saisie du sujet dans

unecommunication auconseil desministres, en annonçantdix mesures d’un

«plan globalde luttecontre les violences faites aux femmes»

L’objectif

af¬

fichéest la mise enplace d’un dispositifcomplet pour permettre auxfemmes

violen-tées de quitter le domicile conjugal. «Notre idée est d’organiser un

parcours sécurisant,del’appeldedétressedesfemmesjusqu’à leur autonomie

retrou-vée » explique-t-elle. En premier lieu, des hébergements leur seront

réservés dans différentes structures: chaque département doit se doter

d’ici

trois ans d’un plandépartemental d’accueil et d’hébergement prévoyant un lieu d’accueil de jour, des places danslescentres d’hébergement d’urgence

et les centres deréinsertion sociale ou dans les familles d’accueil pour les

personnesâgées ou handicapées.

Pour aider les femmes dans le domaine de

l’emploi,

en cas de changement

dedomicile pour s’éloignerdu conjoint violent,

il

estprévude reconnaître la démission deson postedetravail comme «légitime»

Il

suffirait aux femmes

deprésenter auxAssediclacopiede

la

plainteou son récépisséde dépôtpour

ouvrir les droits auchômage. Sur le plan judiciaire, en l’état actuel du droit,

la

loi

française reconnaît les violences faites auxfemmes. La

loi

relative au

di-vorce du 26mai 2004 prévoit undispositif sur

l’éviction

du conjoint vio¬

lent afin d’éviter d’ajouter l’errance à lasouffrance des femmes a expliqué Nicole Ameline. La

loi

portant création de la Haute Autorité de luttecontre ladiscrimination et pour l’égalité Halde) comporte des mesures pourlutter

contreles discrimination faites aux femmes. Comme

l’a

indiqué laministre,

cela signifie la reconnaissance du «droit aurespectet àla dignité» Plusieurs modifications législatives sontenvisagées: la ministre veutétendrela circon¬ stanceaggravante liéeà la qualité deconjoint ou concubin pour les meurtres

et violences sexuelles; l’éloignement du domicile conjugal serait précisé

dansles contrôles judiciaires comme pourles sursis avec mise à l’épreuve.

A

l’appelduCollectifnationalpourledroitdesfemmes CNDF), unequarantaine

d’asso-ciations et les partisde gaucheont manifesté,samedi 27novembre2004

à Paris, pour réclamer une «

loi-

cadre» surle modèle espagnol. C’estle sens

de

la

proposition de

loi

des groupes socialiste et Verts du Sénat, déposée le 23 no-vembre etqui, sur lemodèle de

la

loi-

cadre espagnole, souhaitemettre enplace undispositif globalderépression avec des peines alourdiespourles

(14)

96

con-joints) etd’aide aux victimes «tendantàlutter contreles violencesàl’égard

des femmes et au sein du couple»

A

partirde l’examen de ces textes par la

commission des lois et ladélégation auxdroits des femmes, une proposition de

loi

renforçant laprévention etla répressiondes violencesauseinducouple

a été examinée en première lecture au Sénat le 29 mars 2005 et renvoyée à

l’Assemblée Nationale le30 mars 2005.

L’analyse des difficultés pour dénombrer et punirles violences domestiques permet de mettre au jour les liens entre le choix des critères définissant ces violences et ceux définissant lesidentités de genre.En effet, ces choix

déter-minent les principes de justice et les critères d’égalité62 qui doivent

régir le contrat social entre hommes et femmes. Longtemps associées à des

vio--lences interpersonnelles liées à

la

sphère privée et doncnon soumises au

jugement public, la reconnaissance de la dimensionpolitique des violences

dome-stiques témoigne de

l’évolution

des frontières séparant

le

public et le

privé. Ces frontières ne sont pas seulement spatiales mais aussi et avant tout identitaires puisqu’elles déterminent à

la

fois ce que doit être un homme, ce

que doit êtreune femme etquel doit êtrele «genre» de leurs rapports.

Notes

1 Marylène Lieber,«La doubleinvisibilitédesviolences faites aux femmesdanslescon¬ tratslocauxde sécuritéfrançais» Cahiersdugenre,«Laviolence,lesmots,lecorps»35

2003), 71– 94; Evelyne Pisier,EleniVarikas,Del’invisibilitédugenre dansla théorie politique – Ledébat Locke/Astell, Christine Bard,ChristianBaudelot, JanineMossuz-La¬ vau dir.), Quandles femmess’en mêlent –Genre etpouvoir, Paris 2004,64–79;

MichellePerrot, Lesfemmesou Lessilencesdel’histoire,Paris1998.

2 Cf.LucienneGullioz,JacquelinedePuy,VéroniqueDucret, Dominationet violence envers lafemmedansle couple, Lausanne 1997.

3 Geneviève Fraisse,Les deuxgouvernements:lafamilleetlacité, Paris 2001; ChristineFau¬

ré,Ladémocratiesans les femmes – EssaisurlelibéralismeenFrance, Paris 1985;Sylvie Mesure,AlainRenaut,Alterego–Les paradoxes de l’identitédémocratique,

Paris1999.

4 CarolPateman, The sexualcontract,Cambridge 1988.

5 Cf.:Mary Astell,PoliticalWritings,ed. parP.Springborg,Cambridge TextsintheHistoryof

PoliticalThought 1996; John StuartMill,L’asservissement des femmes,Paris1975. 6 JürgenHabermas, Préfaceàl’édition de 1990, L’espacepublic: archéologiedelapublicité

commedimensionconstitutive dela société bourgeoise, Paris1993,II–XXXV.

7 Cf.NajmaChowdhury, BarbaraJ.Nelson,«RedefiningPolitics:Pattern’sofWomen’sPoliti¬ cal Engagementfrom aGlobalPerspective»inWomenandPoliticsWorldwide,

NewHaven1994, 10:

Genderisdefinedasthesocialconstruction of therelations between woman andmen andamongvariousgroupsofwomenandmen. Sexisdefinedasthebio-logical

similaritiesanddifferences between andamong womenandmen.” 8 Philippe Braud, SociologiePolitique,Paris2000.

9 ThomasHumphreyMarshall, CitizenshipandSocial Class, Cambridge 1950 conférence prononcée àCambridge en 1949).

(15)

97 10 Dossier «L’histoiredes femmes.Cultureet pouvoirpolitiquedesfemmes:essai d’histo-riographie

» in Annales ESC2 1986),289.

11 Cf.:SylviaWalby,«Lacitoyennetéest-ellesexuée?» in Thanh-HuyenBallmer-Cao,Véro-nique

Mottier,Léa Sgier éd.),Genreetpolitique,Débatset perspectives,Paris 2000, 51–87;

PierreRosanvallon,Le sacre ducitoyen: histoiredusuffrageuniverselenFrance, Paris 2001. 12 Art.12 dela Déclaration desdroitsdel’Hommeet ducitoyen:«Lagarantiedesdroits

del’hommeetducitoyen nécessiteuneforce publique; cette forceestdoncinstituée pour l’avantagedetous,et nonpour l’utilitéparticulièredeceux auxquelselleestconfiée.» 13 Cf. MaxWeber, Le savant etlepolitique,Paris2000,125: «Il fautconcevoirl’Etatcon-temporain

comme une communauté humainequi,dansleslimites d’unterritoiredéterminé –lanotiondeterritoireétantune desescaractéristiques–,revendiquent avec succèsle monopoledeviolence physiquelégitime.Ce qui est eneffet le proprede notreépoque, c’estqu’ellen’accorde àtous lesautresgroupements, ouauxindividus,ledroitdefaire

appelàlaviolenceque dans la mesureoùl’Etatle tolère:celui-ci passedoncpourl’unique sourcedu‹droit›àlaviolence.»

14 SergePortelli,«Crimesetdélitsdefamille–L’étatdedroit» LesCahiersde lasécurité intérieure28 1997), 76.

15 Alain Corbin,JacquelineLalouette, MichèleRiot-Sarcey dir.),Femmesdanslacité: 1815–1871, Grâne1997,401–413.

16 Cf.Roederer,Réflexions surl’ouvrageducitoyenGuiraudet, intitulé: Delafamille,con-sidérée

commel’élémentdes sociétés. Journald’économie publique,20 thermidoran V 7août 1797).

17 Corbin/Lalouette/Riot-Sarcey voirnote 15),403.

18 Cf.en particulier IlanaLöwy,HélèneRouch coord.),«Ladistinctionentresexeetgenre – Unehistoire entre sexe et genre» Cahiersdugenre 34 2003).Le premierarticleest celuideR.J. Stoller,Sexand Gender,NewYork 1968; Trad. française:Recherches sur l’identité sexuelle, Paris1978;Christine Delphy,L’ennemiprincipal vol. 2 Penser le genre);Marie-ClaudeHurtig, Michèle Kail,Hélène Rouch,Sexeet genre.Delahiérarchie entreles sexes,Paris1991.

19 Cf.:Thomas Laqueur,La fabriquedu sexe: essaisurle corpsetlegenre en Occident, Paris 1992; Judith Butler, Bodies that matter:on the dicursivelimitsof«sex» NewYork 1993; ElsaDorlin,«Autopsiedu sexe» Les Temps modernes619 2002).

20 SusanJ.Carroll, LindaM.G.Zerilli, «Feminist Challengesto PoliticalSciences»inAda

Finifter éd.),PoliticalScience:The State oftheDiscipline,Washington1993,55–76. 21 Ibid.,55: “Thisessay willexamine the questionsposedby womenandpoliticsresearch

about whatwestudyaspoliticalscientistsandhow westudyit inthecontext ofthree analyticallydistinctcategoriesof research. Thefirstcategoryconsists ofcritiquesofthe waysinwhichpoliticaltheory andempirical researchinpoliticalscience havetraditionaly excluded women aspoliticalactorsandrendered themeitherinvisibleorapolitical. The secondcategory consistsofresearchthathasattemptedtoaddwomenintopolitics, to makethemvisibleas politicalactors, while accepting theexistingdominant frameworks

ofpoli-tical analysis.Thethirdcategory consistsofresearchthatcalls existingframeworks

andassumptionsintoquestion; workwithinthis categorysuggeststhatour dominant

frame-works cannotaccomodatetheinclusion of womenaspoliticalactorsand thatmany

offrameworks, assumptions, anddefinitionscentral oftheframeworks,assumptions,and definitionscentralto politicalscience mustbereconceptualized.”

22 BérengèreMarques-Pereira,«Inclusionpolitiquedesfemmes: unedémocratisationsans qualités?» inJavier Santiso, Alarecherchedeladémocratie–Mélangesofferts àGuy Hermet, Paris 2002,71– 90.

23 Pateman voirnote 4).

(16)

98

Be-kerley 1994;Nancy Hartsock, Money,Sex,andPower,New York1983.

25 Mary Dietz,«Féminismes etthéoriedela citoyenneté» inBallmer-Cao/Mottier/Sgier

voirnote 11), 129–130.

26 IrisMarionYoung,Inclusion andDemocracy, Oxford 2000.

27 ChantalMouffe éd.), DimensionsofRadicalDemocracy:Pluralism,Citizenship, Community, London 1992.

28 Cf.enparticulier Ballmer-Cao/Mottier/Sgier voirnote 11).

29 François deSingly,Sociologiedelafamillecontemporaine, Paris 1993; FrançoisdeSingly, Lesoi, lecoupleetlafamille,Paris1996.

30 Robert Castel, Métamorphosesdela questionsociale. Une chronique dusalariat, Paris 1995.

31 JacquesCommaille,François deSingly, La questionfamilialeenEurope,Paris 1997. 32 JacquesCommaille,«Pointdevue:Violencesintra-familiales: L’exigence d’une politique

publique» Violencesenfamille,Les cahiers desécuritéintérieure 28 1997),12. 33 Portelli voirnote 14), 77.

34 Ibid.,78.

35 Art.324 alinéa 2: «Danslecasd’adultère quiétaitalorsun délit)lemeurtrecommis par l’épouxsur sonépouse,ainsiquesoncomplice,à l’instantoù

il

lessurprendenflagrant délit dansla maison conjugale, estexcusable.»

36 L’AssociationcontrelesViolences Faites auxFemmes auTravail AVFT)mèneun combat

en particuliercontrele harcèlement sexueletla prostitution. Elle publiaitune revuePro-jets féministesetpubliemaintenantlaLettredel’AVFT.

37 M.Jolibois,rapporteurdela commission desloisdu Sénat,Débats, Sénat,23.4.1991,601. 38 Les débatsparlementaires ont eulieuenpremièrelecture,auSénatles23avril1991

Journalofficiel,596–616);24avril 625–680);25avril 724–744);29avril 789–793); 30avril 799–842);14mai 925–965);22mai 989–1003),àl’Assemblée Nationale,

le 21juin 3419–3469);le 22juin 3489–3575).Afind’allégerlesréférences,les pages seulesetnonles datesdu Journalofficiel serontcitées.

39 Marie-Victoire Louis,«Apropos des violences masculinessurlesfemmes. Ebauche d’une analyseféministe du nouveau code pénal français» Projets féministes3 1994),

40–69.

40 Compte tenude la nomination, survenueau coursdesdébats,deMadame Cresson comme PremièreMinistre, enremplacementdeM.Rocard,le projetsera défendue successivement pardeux ministres délégués àlajustice, M. KiejmanetM.Sapin.

41 Journalofficiel596,23.4.1991. 42 Journalofficiel3431,21.6. 1991. 43 Journalofficiel664,24.4.1991. 44 Journalofficiel662,24.4.1991. 45 Journalofficiel597,24.4.1991.

46 Cf.Marie-Victoire Louis,«Violences conjugales. Femmesbattuesoufemmesabattues?»

LesTempsmodernes 525 1990),132–168. 47 Journalofficiel598,24.4.1991.

48 Journalofficiel3421,21.6. 1991. 49 Journalofficiel597,23.6.1991. 50 JournalOfficiel,951,14.5.1991. 51 Louis voirnote 38),67.

52 Jacques Faget, «Conflitsprivés,pudeurs publiques– Letraitementdesplaintes pourvio-lences

conjugales» Les Cahiersdelasécurité intérieure28 1997),101–112.

53 JoséfinaAlvarez,«Violencesintra-familiales:desréponsesjuridiquesetjudiciairesduales»

LesCahiersdela sécuritéintérieure 35 1999),111–132.

54 Serge Portelli, «Crimesetdélitsdefamille–L’Etatdedroit» LesCahiersdelasécurité intérieure 28 1997), 87–88.

(17)

99 55 MaryseJaspardetal.,Les violencesenvers lesfemmesenFrance–Uneenquêtenationale,

Paris2003;MaryseJaspardetal.,«Nommeretcompterlesviolences enversles femmes: unepremièreenquêtenationaleenFrance» Populationetsociétés364 2001).

56 VivianeMonnier, «Violences conjugales–Elémentsstatistiques» Lescahiersdesécurité intérieure,Numérospécial: Violencesenfamille28 1997),69–73.Cet articleest une mise

à jour d’une étudepubliée dansTraiter la violence conjugale, Paris 1996, 195–201. 57 NadègeSéverac,«Comment évaluerlesviolencesconjugales?L’approchecompréhen¬

sive

» Les cahiersdesécuritéintérieure28 1997),Numéro spécial: Violencesen famille, 59–67.

58 ElisabethBadinter,Fausseroute, Paris2003.

59 JanineMossuz-Lavau,«Les moulinsàvent» Travail, genreet sociétés 10 2003), 229. 60 MarcelaIacu,Hervé LeBras,«Homo mulierilupus?A proposd’uneenquêtesurlesvio-lences

enversles femmes» LesTempsmodernes 623 2003), 114.

61 Bernard Conein, LaurentThévenot dir.),«Cognition etinformation» Raisonspratiques8 1997), 224.

62 Jean- Paul Fitoussi, Pierre Rosanvallon, Lenouvel âge desinégalités,Paris1996,99.

ZUSAMMENFASSUNG

DIE SO GENANNTE HÄUSLICHEGEWALT:

VON DERRÄUMLICHEN ZURIDENTITÄREN GRENZZIEHUNG. DER

FALL FRANKREICH

Ist die so genannte häusliche Gewalt anders geartet als andere Formen von Gewalt? Diese Fragezustellen macht Sinn in einerfranzösischen Gesellschaft,

in derheutedie Unsichtbarkeit der Gewaltgegen Frauen diskutiert

wird,

und zwar besondersdie Gewalt, die sich

im

privaten Raum abspielt. Derim Sep¬

tember 2004veröffentlichte Leitfadenfür die Kampagne zum «Kampfgegen Gewalt innerhalb vonPaarbeziehungen» derDirectiondes affairescriminelles

etdes grâces

illustriert

dieAktualität dieser Infragestellung der spezifischen Eigenschaften häuslicher Gewalt und insbesondere diejenige der Gewalt in

Paarbeziehungen.Wovonspricht man,wennman sich fürdiesenTypvon Ge--walt

interessiert? Gewalt ist ganz allgemeindadurch definiert,dass sieei-nen

Angriff

auf die persönliche Integrität konstituiert. Lange ZeitalsGegensatz

betrachtet,

wird

die so genannte häusliche Gewalt gleichzeitig durch den Raum, in dem sie stattfindet– demjenigendes Hauses –, unddurchdieNähe derBeziehungen–familiäroder emotional–zwischen dem Urheber unddem Opferder Gewalt charakterisiert.

Während die häuslicheGewalt lange

mit

der privaten Sphäre in Verbindung gebracht und

folglich

der öffentlichen Beurteilung entzogen wurde, ist sie

heute Gegenstand von öffentlichen Erhebungen und wissenschaftlichen und politischen Debatten. Dass derartige Gewalttaten neu unter Strafe gestellt

(18)

100

werden, istnichtin einerZunahmedes Phänomens anund fürsichbegrün-det,

sondern hängtvielmehr

mit

einer kollektivenSensibilisierungzusammen,die auchAkteuredes öffentlichen Raumsumfasst.

NacheinerDarstellungdergesetzlichenEntwicklungenbehandelt derBeitrag die Schwierigkeiten beider Benennung,Quantifizierung und Bestrafung häus¬

licherGewalttaten. Eingriffe vonRecht und Rechtsprechung gegenüberhäus-licher Gewalt habenerstvor Kurzem eingesetzt.Diese Entwicklung erfolgte parallel zu Fortschritten im Familienrecht, in dem der Vater und Ehemann nach und nach seine Privilegien innerfamiliärer Rechtsgewalt verlor. Damit

jedes Familienmitglied vor Gewalt von seiten seiner Nächsten geschützt ist

und damit eskeine rechtliche oder faktische Immunität von häuslichen Ge¬

walttätern mehrgibt,istdasStrafrechtandieStelle des Zivilrechtesgetreten. Gegenwärtig

wird

die Praxis der Rechtsprechung an die Entwicklung des

Strafrechts angepasst.

Die Analyse der Definition und des Umgangs

mit

«häuslicher» Gewalt er-laubt

uns, die sozialen und politischen Implikationen der räumlichen und identitären Grenzziehungenzu beleuchten, durch welche dasÖffentlicheund

das Private getrennt wurden.

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