HAL Id: dumas-01722011
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La prescription de la contraception : étude qualitative
auprès des internes de médecine générale de La Réunion
en 2016
Daouda Ouedraogo
To cite this version:
Daouda Ouedraogo. La prescription de la contraception : étude qualitative auprès des internes de
médecine générale de La Réunion en 2016. Médecine humaine et pathologie. 2018. �dumas-01722011�
U
NIVERSITE DE BORDEAUX
U.F.R DES SCIENCES MEDICALES
Université de la Réunion – UFR Santé
****
Année 2018 N°10
THESE POUR LE DIPLÔME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE GENERALE
Par
OUEDRAOGO Daouda
né le 18/11/1982
Présentée et soutenue publiquement le 8 février 2018
LA PRESCRIPTION DE LA CONTRACEPTION
Etude qualitative auprès des internes de médecine générale de La Réunion en 2016
Directeur de thèse : Professeur FRANCO Jean-Marc
JURY
:
Mme le Pr Estelle NOBECOURT, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier Présidente
M. le Pr CASTERA Philippe, Professeur Associé des Universités
Assesseur
M. le Dr Sébastien LERUSTE, Maitre de Conférence des Universités
Assesseur
Mme le Dr THORE Emmanuelle, Praticien Hospitalier
Assesseur
Rapporteur :
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
U
NIVERSITE DE BORDEAUX
U.F.R DES SCIENCES MEDICALES
Université de la Réunion – UFR Santé
****
Année 2018 N°10
THESE POUR LE DIPLÔME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE GENERALE
Par
OUEDRAOGO Daouda
né le 18/11/1982
Présentée et soutenue publiquement le 8 février 2018
LA PRESCRIPTION DE LA CONTRACEPTION
Etude qualitative auprès des internes de médecine générale de La Réunion en 2016
Directeur de thèse : Professeur FRANCO Jean-Marc
JURY
:
Mme le Pr Estelle NOBECOURT, Professeur des Universités, Praticien Hospitalier Présidente
M. le Pr CASTERA Philippe, Professeur Associé des Universités
Assesseur
M. le Dr Sébastien LERUSTE, Maitre de Conférence des Universités
Assesseur
Mme le Dr THORE Emmanuelle, Praticien Hospitalier
Assesseur
Rapporteur :
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
Remerciements
A mon président de thèse,
Madame le Professeur NOBECOURT,
Professeur des Universités – Praticien Hospitalier dans le service Endocrinologie,
Métabolisme et Nutrition – Université de la Réunion.
Pour me faire l’honneur de présider cette thèse. Veuillez trouver ici l’expression de ma
gratitude et de mon respect.
Aux membres du jury,
Monsieur le Professeur CASTERA Philippe,
Professeur des Universités Associé de médecine générale – Département de médecine
générale, Université de Bordeaux.
Vous avez accepté de juger mon travail en participant à ce jury.
Veuillez recevoir mes respectueux remerciements.
Monsieur le Docteur LERUSTE Sébastien,
Maitre de Conférence des Universités – Département de médecine générale, Université de la
Réunion.
Pour sa disponibilité, sa réactivité, et sa perspicacité dans les nombreux regards posés sur
mon travail.
Sans vous, ce travail aurait été beaucoup plus difficile à mener.
Merci pour votre accompagnement.
Madame le Docteur THORE Emmanuelle,
Praticien Hospitalier – Médecine générale / Sexologue – Responsable du CEGIDD et du
centre de vaccination – Référente médicale de l’orthogénie – Coordinatrice du CEPS.
Veuillez recevoir mes sincères remerciements pour me faire l’honneur de siéger à mon jury de
thèse et de juger mon travail.
A mon directeur de thèse,
Monsieur le Professeur FRANCO Jean-Marc,
Professeur des Universités – Directeur du département de médecine générale, Université de
la Réunion – Maitre de Conférence à la Faculté de médecine de la Réunion.
Qui a accepté de diriger mon travail de thèse.
Qui a toujours, respecté mes idées, su accompagner mes vicissitudes, et m’a toujours
considéré chaleureusement.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
Pour son investissement sans faille dans la formation et l’accompagnement des étudiants en
Médecine générale. Avec mon profond respect.
A tous les médecins ayant participé à l’étude,
Madame le Docteur RIQUEL Line,
Merci d’avoir accepté d’être mon rapporteur de thèse.
Merci de m’avoir fait découvrir la richesse de la médecine générale.
Merci de la considération chaleureuse dont vous avez toujours fait preuve à mon égard.
Monsieur le Docteur Michel CUNIN,
Qui a accepté de me recevoir, et de m’aider dans la réalisation de mon travail.
Aux médecins rencontrés durant mon cursus universitaire,
Monsieur le Docteur BONNEFOY CUDRAZ Jean-Pierre,
Merci de m’avoir fait découvrir la psychiatrie. Votre enseignement m’aide au quotidien avec
les patients. Merci de la chaleur de votre accueil et de votre considération à mon égard.
Madame le Docteur DE HARTINGH Isabelle,
Pour son authenticité, pour son humilité, la confiance qu’elle m’a accordée. Vous êtes un
exemple à mes yeux. Merci encore.
A mes parents,
Pour toujours avoir fait de leur mieux, pour me préparer aux exigences de la vie.
Pour m’avoir transmis leur histoire, leurs valeurs et fait de moi en partie l’homme que je suis.
A ma compagne,
Merci pour ton accompagnement et ton soutien dans les derniers moments difficiles de la
réalisation de ce travail. Que de chemin parcouru depuis notre rencontre, une nouvelle
aventure nous attend déjà.
A mon frère,
Pour ton soutien durant l’ensemble de mes études. Je n’aurais pu accomplir tout ce chemin, si
je n’avais pas eu la possibilité de trouver refuge dans ta vie parisienne.
A la Beach Team,
Pour ce que nous sommes, et surtout la joie que vous m’avez apportée durant ces longues
études.
A mes frères pictaviens, Arnaud et Benji,
Je suis si heureux de vous avoir rencontré durant ces années. Merci pour ces moments
inoubliables.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
Liste des abréviations
DMG Département de Médecine Générale
DMP
Décision Médicale Partagée
EBM Evidence Based Medecine
GEASP
Groupe d’Entrainement à l’Analyse de Situations Professionnelles
HAS Haute Autorité de Santé
IMG
Interne de médecine générale
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ... 8
MATERIELS ET METHODES ... 10
I. Type d’étude ... 10
II. Population ... 10
III. Recueil des données ... 10
IV. Analyse des données... 11
V. Critères éthiques ... 11
VI. Critères de validité ... 11
RESULTATS ... 12
I. Caractéristiques des internes interrogés ... 12
II. Processus et dynamiques à l’œuvre ... 13
1. Le poids de la dimension sociétale ... 13
2. Dynamique interpersonnelle ... 14
3. Interaction avec la patiente ... 16
a) Processus partagé de décision ... 16
b) Démarche centrée sur la patiente ... 17
c) L’expertise des IMG ... 18
DISCUSSION ... 20
I. Prescription d’une contraception par les IMG de la Réunion : une expertise
médicale au nom de la patiente ... 20
II. Forces et limites de l’étude. ... 22
III. Mise en perspective des résultats ... 23
1. Le poids de la dimension sociétale ... 23
2. Dynamique interpersonnelle ... 24
OUEDRAOGO Daouda – Thèse de médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
CONCLUSION ... 29
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 30
FINANCEMENTS ET CONFLITS D’INTERETS ... 34
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
Université de bordeaux – Subdivision Océan Indien
Introduction
8
I
NTRODUCTION
Promulguée sous la présidence du Général de Gaulle, la loi Neurwith du 28 décembre
1967, autorisait l’accès à la contraception médicale. Elle abrogeait la loi du 31 juillet 1920 qui
réprimait la propagande et la divulgation de tout procédé contraceptif (1).
La contraception médicale demeure un progrès sociétal majeur du XX
èmesiècle. Elle fut un
des véhicules principaux de l’émancipation de la femme. Celle-ci accédait au contrôle de sa
maternité et à la libération de sa sexualité. Elle pouvait prétendre à l’égalité des sexes en
accédant plus facilement aux longues études et au marché du travail (2).
Dans la France de 1974, une femme sur six âgée de 15 à 49 ans prenait la contraception
orale (soit deux millions d’utilisatrices)(3). Un peu plus d’une femme sur deux (55,50 %) de
cette même tranche d’âge prenait la pilule en 2010 (4).
En 2013, 71 % des femmes utilisant une contraception orale se disaient confiantes
concernant les effets sur leur santé. Elles étaient malgré tout préoccupées par les risques
cardio-vasculaires (57 %), par la prise de poids (51 %) et le risque accru de développer un
cancer (45 %) (5).
En 2015, 80 % des femmes se sentaient bien informées sur la contraception (6).
Aujourd’hui sur le plan médical, la prescription d’une contraception demeure bien encadrée
par les autorités sanitaires, avec des recommandations clairement détaillées et exhaustives.
Les médecins peuvent s’appuyer sur des outils pratiques d’aide à la prescription d’une
contraception (7) (8).
Cependant, les recommandations concernant la contraception orale peuvent varier selon les
autorités compétentes, notamment concernant le risque de survenu de cancer du sein (9).
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
Université de bordeaux – Subdivision Océan Indien
Introduction
9
De plus, les déterminants de la prescription médicamenteuse du médecin généraliste sont
multifactoriels, influencés par les caractéristiques de la patiente, du médecin et aussi de la
consultation (10). De la même manière, il serait légitime de s’interroger sur l’influence du
progrès sociétal, du symbole féministe, ou encore de la manne financière (11) (12),
qu’implique la contraception hormonale.
Très peu d’études françaises ont exploré les déterminants de la prescription d’une
contraception par les médecins généralistes (13). Aucune n’existe concernant les internes de
médecine générale. Ces derniers connaissent les recommandations de bonne pratique mais
nous avons souhaité nous interroger sur les éléments qui déterminent l’élaboration de leur
prescription d’une contraception.
La question de recherche posée était : « comment les internes de médecine générale de La
Réunion abordent-ils la prescription d’une contraception avec leurs patientes ? »
L’objectif de ce travail était d’explorer les représentations, processus et dynamiques mis en
jeu par les internes de médecine générale de La Réunion, lors de la prescription d’une
contraception.
OUEDRAOGO Daouda- Thèse médecine générale 2018
Université de Bordeaux Subdivision Océan Indien
Matériels et méthodes
10
M
ATERIELS ET METHODES
I.
Type d’étude
Il s’agissait d’une étude observationnelle qualitative.
II. Population
La population cible était constituée par les internes de médecine générale de La Réunion,
inscrits en TCEM1, TCEM2 et TCEM3. Le recrutement a été réalisé par échantillonnage
orienté sur les groupes d’enseignement appelés groupes d’entraînement et d’analyse de
situations professionnelles (GEASP). Une proposition pour participer de manière volontaire
était envoyée par courriel à chaque interne via le secrétariat du département de médecine
générale (DMG), une dizaine de jours avant chaque séance de GEASP (Annexe 1). Le choix
des séances était dicté par le calendrier du chercheur.
Le critère d’exclusion était le refus de participer.
III.
Recueil des données
Le recueil des données était réalisé par entretiens collectifs (focus group), semi-dirigés. Le
canevas d’entretien était élaboré avec le directeur de thèse à partir des données de la
littérature.
Il comportait une question brise-glace : « Pouvez-vous me raconter la dernière fois que vous
avez prescrit une contraception ? » et quelques questions de relance. Il a été modifié au
cours de l’avancement de la recherche (Annexe 2 et 3).
L’animation de chaque entretien collectif était réalisée par des animateurs différents, tous
médecins généralistes enseignants membres du DMG de La Réunion.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
Université de bordeaux – Subdivision Océan Indien
Résultats
11
Un retour d’expériences entre l’observateur et l’animateur était programmé immédiatement
après chaque focus group pour échanger sur les premières impressions et les modifications à
apporter au canevas d’entretien.
L’observation des entretiens a été réalisée par le chercheur.
Les entretiens ont été enregistrés et filmés. (Smartphone et Appareil Zoom HQ4®). Ils ont été
intégralement retranscrits sur Word® et anonymisés.
IV.
Analyse des données
Les verbatims obtenus ont été analysés en utilisant le principe de la théorisation ancrée à
l’aide du logiciel NVivo QSR 11 Pro®.
Chaque entretien a fait l’objet d’un codage ouvert par le chercheur. Un codage axial puis
sélectif ont fait suite au codage ouvert.
V.
Critères éthiques
Une anonymisation des internes a été réalisée et utilisée pour toute référence orale des
participants. Une table de correspondance d’identité était conservée sur l’ordinateur
personnel du chercheur, dans un dossier crypté.
Un consentement écrit et signé avait été obtenu de chaque participant pour la prise de vue
lors des entretiens (Annexe 4). Chaque participant était en droit de quitter la séance à tout
moment.
VI.
Critères de validité
Le nombre d’entretiens collectifs a été conditionné par la recherche de la saturation
théorique des données.
La triangulation des données a été établie par la participation d’un expert qualifié en
recherche qualitative, à l’analyse des données.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
Résultats
12
R
ESULTATS
I.
Caractéristiques des internes interrogés
L’enquête a nécessité la participation de 21 internes de médecine générale, réalisant leur
internat à La Réunion. Les caractéristiques sont regroupées dans le tableau 1.
Tableau 1 : Caractéristiques des internes interrogés
Les entretiens se sont déroulés dans les locaux de la direction du centre hospitalier
universitaire de Saint-Paul durant les mois de février et mars 2016, lieu du déroulement des
GEASP. Les trois entretiens collectifs ont duré en moyenne 44,66 minutes (41, 54 et 39
minutes).
Interne
Genre
TCEM
Focus group
A déja prescit une contraception A réalisé son stage prat. A réalisé son stage de gynécologie
IMG 1
Homme
3
Focus group n°1
Oui
Oui
Oui
IMG 2
Femme
1
Focus group n°3
Oui
Non
Oui
IMG 3
Homme
1
Focus group n°3
Non
Non
Non
IMG 4
Femme
2
Focus group n°2
Oui
Non
Non
IMG 5
Homme
1
Focus group n°2
Oui
Non
Non
IMG 6
Homme
2
Focus group n°2
Oui
Non
Non
IMG 7
Homme
3
Focus group n°2
Oui
Oui
Oui
IMG 8
Homme
2
Focus group n°1
Oui
Non
Non
IMG 9
Homme
2
Focus group n°1
Oui
Non
Non
IMG 10
Homme
2
Focus group n°3
Oui
Oui
Non
IMG 11
Homme
2
Focus group n°1
Oui
Non
Non
IMG 12
Femme
2
Focus group n°3
Oui
Non
Non
IMG 13
Femme
4
Focus group n°3
Oui
Oui
Non
IMG 14
Femme
1
Focus group n°2
Oui
Non
Non
IMG15
Femme
2
Focus group n°2
Oui
Non
Oui
IMG 16
Homme
2
Focus group n°2
Oui
Oui
Non
IMG 17
Homme
3
Focus group n°1
Oui
Oui
Oui
IMG 18
Homme
1
Focus group n°2
Non
Non
Non
IMG19
Homme
2
Focus group n°1
Oui
Non
Non
IMG 20
Femme
1
Focus group n°2
Oui
Non
Oui
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Université de bordeaux – Subdivision Océan Indien
Résultats
13
La saturation théorique des données a été obtenue après le deuxième entretien collectif et
confirmée par le troisième entretien.
II. Processus et dynamiques à l’œuvre
1. Le poids de la dimension sociétale
Les IMG considéraient la contraception comme un droit de la femme « elles se sont battues
pour avoir un droit à la contraception » (IMG 11), « c’est un droit » (IMG 8) et un progrès
sociétal « s’en priver totalement euh … c’était quand même vachement ... fin … vachement
moins avancé dans les années soixante - dix » (IMG16).
C’est dans ce contexte qu’ils avaient à faire à des patientes averties, puisque c’était un sujet
que s’appropriaient les femmes, avant d’en parler avec le médecin généraliste « je pense que
c’est pas le médecin qui leur en parle en premier » (IMG19), « je pense qu’elles en parlent
entre elles » (IMG17).
Certains considéraient cette dimension comme problématique, à plusieurs niveaux :
- souvent en lien avec une ambiguïté qu’elle semblait générer « ben le problème c’est
que maintenant c’est un droit à la contraception, et maintenant, du fait qu’elles ont
ce droit c’est toutes les femmes devraient en jouir » (IMG 11), « ce n’est pas parce que
c’est un droit que c’est une obligation » (IMG 8).
- la banalisation qu’elle induisait « moi je pense que ça a été banalisé et que c’était une
bonne chose parce que ça permettait à toutes les femmes d’avoir accès à la
pilule » (IMG20), « c’est vraiment très très banalisé et du coup extrêmement, les
patients ne se rendent plus compte que … il peut y avoir des effets indésirables avec la
contraception » (IMG17)
- la puissance qu’elle conférait aux médias « il y a quelques années, quand j’étais
externe il y avait eu un scandale, enfin en France, ça y a beaucoup de personnes, de
femmes qui ont arrêté la pilule ou qui ont eu peur » (IMG21) « puis il suffit d’un cas
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
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Résultats
14
qui soit ébruité par les journalistes pour en fait euh, en faire justement euh,
contre-productif euh … c’est pas du tout euh, basé sur des données médicales, ni de
littérature quoi » (IMG12)
Une représentation positive de la dimension sociétale de la contraception et les
conséquences délétères qui en découlaient paraissaient coexister. Le récit des internes
semblait montrer que tout en validant le progrès et l’évolution sociétale en rapport avec la
contraception, ils étaient confrontés dans la pratique, à leurs conséquences. Ce qui les
amenait à se positionner sur un plan professionnel, en garde-fou d’une « idéologie » induite
par la contraception. Il semblait s’agir d’une ambivalence soulevée à l’égard de cette
dimension sociétale « et au final ben euh, on oublie le bénéfice et pourquoi les femmes se
sont battues pour euh, pour avoir accès à la pilule quoi … » (IMG12), probablement
sous-tendue par la rupture d’un idéalisme politique contre le réalisme de leur pratique.
2. Dynamique interpersonnelle
Plusieurs IMG objectivaient la considération de leurs expériences et surtout de leurs
convictions personnelles dans l’approche de la contraception. « J’ai un peu de convictions
personnelles » (IMG 7), « fin bon, j’ai des représentations … personnelles … euh … » (IMG14).
Parfois sans l’objectiver clairement, ils le signifiaient implicitement, en affirmant un point de
vue « faut pas oublier que justement ça à des risques, alors qu’on reste quand même sur euh
… sur du ‘fin … je vais peut – être (sourires) on reste quand même sur du confort, dans le sens
ou voilà … » (IMG6) ou en se confiant de façon plus intime « ben moi ce qui me touche en
particulier » (IMG14), « mais euh …’fin moi ça me gêne, ça me gêne vraiment quoi » (IMG 6).
Cette propension semblait émaner d’une distinction réalisée entre leur individualité, à
travers leurs propres valeurs et convictions, et leur fonction médicale, impliquant un rôle et
devoir du médecin. Cette dualité pouvait générer une ambiguïté dans leur positionnement
« c’est très teinté de convictions personnelles donc je pense que … dans … dans la démarche
de soins il faut arriver à être un peu plus neutre » (IMG14). Parfois même une certaine
conflictualité : l’IMG12, à propos d’une de ses amies qui refusait toute contraception quitte à
avoir recours à l’IVG, « donc nous en tant que médecin ça nous choque » laissait entendre
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
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Résultats
15
qu’elle supportait son amie sur un plan amical, bien qu’elle ne puisse pas accepter sa
décision d’un point de vue médical.
Cette dualité apparaissait clairement chez les internes de genre féminin, qui étaient à la fois
patiente potentielle et médecin dans l’approche de la contraception « mais c’est vrai qu’on
est beaucoup plus à l’aise pour parler de contraception que … mais parce que nous on en
parle entre nous depuis qu’on est jeune » (IMG 4). Parfois même au cours de l’entretien elles
pouvaient basculer d’une position de médecin à celle de patiente potentielle « faut qu’on
pense à se faire suivre, c’est juste le truc … » (IMG4), « moi mon médecin vasculaire m’a mis
sous progestatif alors ça m’inquiète un peu ce que tu dis (rires) » (IMG13). Il arrivait que leurs
convictions personnelles en rapport avec leur condition féminine se manifeste « moi je
propose qu’on les informe sur la vasectomie ! » (IMG20).
Il y avait donc chez les IMG interrogés sur leur approche de la contraception, l’expression
d’une dualité entre leur « être » et leur fonction de médecin. Elle laissait supposer qu’avant
même l’interaction avec la patiente, s’opérait déjà une confrontation en leur sein propre.
Bien que cette dernière pût créer une ambiguïté, elle était partie intégrante du processus
d’élaboration de la décision.
Cette dualité était parfois beaucoup plus flagrante, en s’illustrant par une certaine
ambivalence à l’égard de leurs attitudes. Tout en intégrant les enjeux de la contraception
« c’est un médicament » (IMG 8) « sur certains points ça devient plus un médicament euh …
enfin pas vraiment un médicament, mais un produit de tous les jours presque … » (IMG 1) ils
pouvaient être très complaisants lorsqu’il s’agissait de prescriptions réalisées en dehors d’un
cadre professionnel strict « un renouvellement pour une collègue, ouais donc euh, c’était un
renouvellement de sa pilule habituelle, où j’ai juste fait un interrogatoire euh … succinct en
fait, sans l’examiner, sans prescrire quoique ce soit de … bio, en … prescrivant euh … ensuite
pour les prochains 6 mois » (IMG 8), « j’ai renouvelé l’ordonnance d’une des infirmières du
service elle me demandait plus au niveau pratique si je pouvais la dépanner d’une
ordonnance … après euh … savoir quelle pilule que j’ai prescrite euh … et je n’ai pas fait non
plus trop de euh … » (IMG 1). Selon qu’il s’agissait d’une patiente ou d’une connaissance
semblait donc s’opérer une modulation de leur pratique, probablement en écho de cette
dualité énoncée plus haut.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
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16
3. Interaction avec la patiente
a) Processus partagé de décision
Les IMG soulignaient l’importance de l’information de la patiente « il y a aussi une
information à faire en aval à la patiente et … c’est une discussion à mettre en place avec la
patiente et … » (IMG 8) « donc euh, l’importance de, ben justement d’informer la patiente
… » (IMG12). C’était un facteur déterminant de la démarche de soins « ouais c’est
primordial, surtout euh en cabinet, médecine libérale » (IMG 3). L’information donnée devait
être large « expliquer les risques le pourquoi, pourquoi on changerait de contraception »
(IMG 3), « une information sur toutes les … méthodes de contraception » (IMG 13) « le
message que je leur disais, c’était plus sur la prise, après les complications c’est vrai qu’on en
parlait, mais un peu de tous les types de contraception … » (IMG17), « chez les jeunes, il y a
aussi les préventions des M.S.T … » (IMG 9).
Ce transfert d’information n’était pas unidirectionnel, il devait procéder d’un échange avec
la patiente et donc modulé selon sa demande et ses attentes « ‘fin de mettre l’accent dessus
alors qu’elle ne se sent peut – être pas concernée ou … » (IMG 6) « tu les informes aussi en
fonction des risques ‘fin, quelqu’un qui fume pas ... tu … voilà si quelqu’un … » (IMG20). Ce
moment donnait lieu, au-delà du terrain et des facteurs de risque, au recueil et à la
considération des préférences de la patiente « y en a qui sont anti-hormones et d’autres qui
ont plutôt d’avoir envie un stérilet, elles ont pas envie … » (IMG 4), « en général elles arrivent
avec quand même avec une idée préconçue de ce qu’elles veulent » (IMG20).
Ainsi les IMG se positionnaient dans un échange avec la patiente, comme conseillers « je
pense que c’est aussi le rôle du médecin généraliste de répondre aux questions et de
l’orienter vers la contraception qui lui va le mieux » (IMG 8) voire comme experts techniques
compétents « elle voulait changer euh … donc je lui ai expliqué que pour elle techniquement
euh, c’était le stérilet au cuivre qui allait être mieux » (IMG17). La prise de décision était
nécessairement le résultat d’une délibération avec la patiente et non pas un choix qu’ils lui
imposaient « bien expliquer les choix aussi pour que ce soit un choix et pas quelque chose que
le médecin impose » (IMG 5). Ils semblaient s’inscrire dans une relation de partenariat avec
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
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Résultats
17
b) Démarche centrée sur la patiente
Pour les IMG, l’expérience de la patiente était un élément clé « après ça dépend s’il y a déjà
eu d’autres contraceptions avant. Peut-être qu’elle vient et qu’elle a déjà eu une pilule qu’elle
a pas tolérée ou qu’elle a … qu’elle a déjà essayé Cérazette et qu’elle tolère pas donc du coup
l’implant c’est peut-être euh … pas une bonne idée euh … » (IMG 5). Elle participait à
déterminer de facto leurs prises de décision « j’avais opté pour l’implant parce qu’elle savait
qu’elle prendrait pas la pilule tous les jours, elle savait que … » (IMG14). La prise en compte
de l’expérience de la patiente semblait émaner d’un positionnement central de la
patiente, au cœur même de la démarche de soins. L’âge et le terrain étaient donc
déterminants « il y avait les deux cas de figure, la jeune et la patiente un peu plus âgée … »
(IMG 1). La patiente devait être considérée dans sa globalité « ça dépend de son profil aussi à
la patiente … » (IMG20) ; il s’opérait une personnalisation du soin « c’est pas à moi de lui
imposer la … concep … contraception que je juge la meilleure au monde, c’est en fonction de
sa vie et de ce qu’elle veut » (IMG18).
Même si les IMG pouvaient la percevoir comme profane « ouais c’est vrai qu’elles ne voient
pas ça comme un médicament … » (IMG17) « parce que ça nous semble évident mais je suis
sûr qu’une euh … qu’il y a des gens qui prennent la contraception … qui pensent que ça
protège du S.I.D.A, de l’herpès, des machins … » (IMG 8), les convictions de la patiente
faisaient force d’autorité « elle n’envisageait pas de … stérilets, parce que le … le corps
étranger entre guillemet dans l’utérus lui posait un problème et euh … » (IMG 7) « elles
veulent plutôt un implant ou un stérilet ou plutôt une contraception orale et dans ces cas là
on les oriente dans ces domaines euh … » (IMG20).
Cette crédibilité conférée à la patiente, pouvait être perçue comme problématique « du
coup c’est compliqué parce qu’il fallait savoir ce qu’elle voulait … » (MG14) et donner lieu à
une véritable confrontation dont l’issue, bien que contraire au souhait de l’IMG pouvait être
celle choisie par la patiente « j’ai une patiente qui est venue, parce qu’elle avait découvert
sur Facebook (sourires des autres internes) que il y avait des personnes qui étaient décédées
d’embolie pulmonaire, théoriquement reliée à la pilule, et du coup ça été Bagdad pendant
une demi-heure parce que j’ai essayé de lui expliquer que là ça faisait quasiment un an
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qu’elle prenait la pilule, qu’elle fumait pas, qu’elle avait pas d’antécédents particuliers dans
sa famille, donc que le risque qu’elle fasse une phlébite ou une E.P était quand même
minime, mais euh … j’ai pas du tout réussi à la convaincre … » (IMG17). C’était
probablement l’indicateur d’une complémentarité entre l’expérience de la patiente et
l’expertise de l’interne « lorsque je lui ai posé l’implant, elle me disait que c’était le moyen de
contraception qui lui correspondait le mieux, parce que elle n’envisageait pas de … c’était une
euh … une dame d’une quarantaine d’années mère de trois enfants, elle n’envisageait pas de
… stérilets, parce que le … le corps étranger entre guillemet dans l’utérus lui posait un
problème et euh … et que la pilule elle n’en voulait pas parce qu’elle l’oubliait trop souvent
… » (IMG 7).
c) L’expertise des IMG
L’expertise des IMG s’appuyait donc initialement sur le souhait de la patiente, considérée
dans sa globalité, à partir duquel ils formulaient une proposition. Cette dernière émanait du
savoir qui leur avaient été transmis « c’est ce qu’on nous a appris en tout cas » (IMG10), des
recommandations « parce que sur les recommandations ils disent que … » (IMG13), de leur
expérience professionnelle « comme je suis chez le praticien … parce que sinon je ne savais
pas, j’étais comme eux à l’hôpital avant, je ne faisais pas du tout ça » (IMG21) et de leurs
convictions ou expériences personnelles.
La balance risques encourus / confort de la patiente, paraissait être l’axe principal de leur
raisonnement médical « c’est pas juste pour l’embêter … c’est qu’il y a eu des cas, donc euh,
on ne peut pas se permettre de prendre des risques alors qu’il existe d’autres contraceptions
plus adaptées … » (IMG 3).
Derrière le confort de la patiente se jouait l’observance thérapeutique « elles préféraient
l’implant que … que prendre la pilule tous les jours » (IMG 13). Le confort n’impliquait pas
seulement la forme galénique « elle voulait que ça agisse, mais le plus longtemps possible,
donc je lui avais parlé du stérilet » (IMG15), elle intégrait aussi la tolérance de la
contraception « toute la répercussion psychologique sur la prise de poids, l’acné, les troubles
de la libido … euh … c’est évoquer aussi des … des … troubles de l’humeur toute la
répercussion après psychologique et sur la vie de la, la patiente, en fait qui peuvent … euh …
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Résultats
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qui peuvent ne pas être associées à la pilule initialement et toutes les répercussions que ces,
ces effets secondaires considérés comme bénins peuvent avoir … » (IMG7). Les IMG
intégraient l’ambivalence de l’information éclairée à l’égard du confort de la patiente. Il
valait mieux tronquer l’information afin d’optimiser l’adhésion au traitement « elle prend
une pilule tu luis dis ça, tu te retrouves aux urgences avec toutes les bartoches de … » (IMG 5)
« si on leur dit qu’en plus elles ne doivent pas fumer, ça fait une pierre deux coups, c’est pas
trop bon » (IMG 18).
Cela paraissait refléter que le risque de survenue d’une grossesse non désirée prévalait sur
les autres risques « tomber enceinte … pour une fille qui veut pas d’enfants, c’est quand
même euh … super compliqué quoi » (IMG10). Les IMG semblaient donc opérer une
hiérarchisation des risques dans laquelle le risque thrombo-embolique faisait figure de
proue, alors qu’ils faisaient part d’un certain relativisme autour du risque cancéreux « ben
surtout le risque thrombo-embolique euh … c’est celui-là qui moi je pense euh … plus que
l’imprégnation hormonale sur le long terme enfin … c’est … c’est … là c’est spontanément
c’est ce risque immédiat qui me marquerait le plus quoi … » (IMG18). Ce relativisme
s’expliquait par une notion de temporalité « aux patientes concrètement euh… le cancer du,
‘fin expliquer ce que c’est que le cancer du sein surtout que c’est quelque chose qui la
concerne dans, dans peut-être vingt ans, c’est pas quelque chose de, c’est pas comme le
tabac auquel on pense tout de suite » (IMG12), ou par convictions personnelles « ça me
ferait moins peur un évènement thrombo – embolique personnellement que … que … qu’un
cancer euh … » (IMG14) ou en raison d’un scepticisme scientifique supposé « quand on avait
eu le cours … on nous parlait des risques, mais ils insistaient sur le fait que il y avait plus de …
bénéfices à prendre la pilule par rapport à la protection contre d’autres cancers » (IMG10).
Ainsi les IMG s’inscrivaient dans une relation de partenariat où la patiente était
placée au cœur de la démarche. Ils réalisaient dès lors un soin personnalisé, quitte à se
confronter à la patiente, considérée dans sa globalité. L’opérateur du raisonnement médical
était la balance risques encourus / confort de la patiente. L’expertise formulée n’obligeait
pas la patiente et pouvait même être supplantée par le choix de cette dernière. C’était le fait
d’une complémentarité entre l’expertise des IMG et l’expérience de la patiente.
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Discussion
20
D
ISCUSSION
I. Prescription d’une contraception par les IMG de la Réunion :
une expertise médicale au nom de la patiente
DIMENSION SOCIETALE
CONNAISSANCES
EXPERIENCES et CONVICTIONS
DECISION MEDICALE PARTAGEE
E
X
P
E
R
T
I
S
E
D
E
M
A
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D
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P
A
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E
N
T
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Propose
CENTREE PATIENTE
I
M
G
CHOISIT
RISQUE
S /
C
ON
FOR
T
Dynamique interpersonnelleOUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018
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Discussion
21
Pour les IMG, la contraception était un droit de la femme. Cela conférait une relative
sacralité à la contraception, la patiente y avait droit en son nom propre et au nom de
l’histoire. C’est dans ce contexte qu’ils relevaient d’emblée un partage d’autorité sur la
question : les patientes arrivaient averties, avec la force de leurs envies et de leurs
représentations.
Une ambivalence de leur part se dégageait à l’égard de cette dimension sociétale : cet acquis
socio-sociétal était à la fois un progrès et un problème. Elle avait engendré une banalisation
de la contraception, conféré un pouvoir indiscutable aux médias sur la question, et généré
une ambiguïté, en érodant la nuance entre droit de la femme et devoir en tant que femme.
Dès lors, Ils se positionnaient en censeurs d’une « idéologie » médiée par la contraception.
Une certaine dualité émanait de leurs récits. L’élaboration de la décision, était le résultat
d’une confrontation entre ce qu’ils percevaient comme leur devoir en tant que médecin, et
de leur idiosyncrasie, notamment à travers leurs convictions personnelles. Cette dynamique
était parfois source d’une ambiguïté, dont ils avaient conscience. Cependant la projection
dont pouvait faire preuve les IMG de sexe féminin leur semblait renforcer le lien avec la
patiente.
Les IMG s’inscrivaient dans une relation de partenariat avec la patiente, à travers laquelle ils
se positionnaient volontiers comme experts techniques compétents. Jamais ils ne devaient
imposer une contraception à la patiente, il s’agissait d’un processus partagé de décision.
Ils conféraient une crédibilité significative à la patiente, pouvant conduire à une véritable
confrontation dont l’issue pouvait leur échapper. C’était l’indicateur d’une complémentarité
entre l’expérience de la patiente et l’expertise des IMG. Le mouvement de la démarche
partait de la patiente, considérée dans sa globalité, à partir de laquelle ils formulaient une
expertise. Ensuite la patiente choisissait : c’était une démarche centrée sur la patiente.
Leur expertise s’articulait autour de l’opérateur risques encourus versus confort de la
patiente. Sur le plan médical, elle se fondait sur les connaissances transmises, les
recommandations et leurs expériences professionnelles. Le risque de survenue d’une
grossesse non désirée était le premier risque qu’ils intégraient. Le confort de la patiente
était un concept élargi ; de la tolérance du traitement jusqu’à la juste mesure de
l’information donnée.
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Discussion
22
II. Forces et limites de l’étude.
Il s’agissait d’un travail original. La thématique avait été abordée à travers quelques
travaux de recherche nationaux. Des travaux de recherche s’étaient intéressés aux IMG et à
la contraception (14) (15). Seul un travail de thèse avait tenté d’explorer les processus et
dynamiques à l’œuvre lorsque des médecins généralistes abordaient la contraception avec
une patiente (13). Aucun n’existait concernant les IMG.
Le choix d’une approche qualitative a été parfaitement adapté. En effet, il s’agissait de
comprendre des acteurs dans une situation (16) : les IMG face à la patiente au cours d’une
consultation de contraception, donc de découvrir un processus et de le qualifier. L’intérêt
d’entretiens collectifs comme méthode de recueil des données était d’optimiser le matériau
initial : ils permettaient l’analyse des significations partagées et du désaccord, grâce à la
prise en compte des interactions qui se manifesteraient dans la discussion (17).
La réalisation des entretiens par un animateur différent du chercheur, a permis d’éviter la
constitution d’un biais d’investigation. La présence de l’observateur, bien que silencieuse,
aurait pu renforcer les biais externes de ce travail. Cependant le déroulement des séances
dans les lieux habituels de réalisation des GEASP, la collation qui était offerte avant chaque
entretien, et l’attention qu’avait porté chaque animateur au partage équitable du temps de
parole, ont limité ces biais.
Le choix des animateurs a été adapté aux participants, puisqu’il s’agissait de leur enseignant
habituel de GEASP. De plus ce dernier a veillé à reformuler le discours des IMG à la fin de
chaque entretien pour en vérifier la bonne compréhension. Les biais internes étaient ainsi
atténués.
En nous intéressant aux internes de médecine générale nous avons choisi une approche
générationnelle des acteurs de cette spécialité. Cette approche a permis de croiser une
appréhension horizontale (la culture des pairs) et verticale (la culture des pères) puisqu’on
se construit toujours entre ces âges et ces héritages (18). Par conséquent, elle a enrichi le
travail de recherche en y apportant une dimension contemporaine. Cela a créé un terrain
favorable à la mise en relief d’une éventuelle dimension sociétale de la contraception.
Enfin, l’obtention de la saturation des données a consolidé la validité externe de l’étude.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
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Une triangulation du chercheur aurait pu renforcer la validité interne de l’étude, en
doublant l’analyse et en confrontant les significations dégagées (19). Il demeure un biais
d’interprétation. Cependant, la supervision étroite de l’ensemble de l’analyse des données
par un expert en recherche qualitative, atténue ce biais.
Un codage sélectif, réalisant une analyse selon le genre des IMG, aurait pu être envisagé afin
d’ajouter une certaine pertinence aux résultats. En effet, compte tenu d’une thématique si
intimement liée au corps de la femme, il aurait été légitime de s’interroger sur l’existence
d’une différence dans leur approche de la contraception avec les patientes, selon cette
caractéristique.
III. Mise en perspective des résultats
1. Le poids de la dimension sociétale
Les résultats obtenus soulignent la prégnance du contexte historique et politique de la
contraception médicale dans la représentation des IMG. Le statut qu’ils accordent à la
contraception médicale renvoie aux luttes féministes du XX
èmesiècle d’émancipation de la
femme. La contraception leur apparaît comme un droit de la femme, une marque de progrès
sociétal qu’il convient de respecter. Ils intègrent la réalité historique de la contraception
médicale. Ces droits qu’ils considèrent aujourd’hui comme fondamentaux ont été acquis de
haute lutte et ont mis fin à des lois répressives qui avaient été adoptées au début du XX
èmesiècle (20).
Ils s’inscrivent aussi directement dans des objectifs de volonté politique. Marisol Touraine
ministre de la santé, rappelait en préambule de la journée internationale de la femme le 7
mars 2013, « le droit fondamental » de la contraception, la nécessité de « lever les barrières
qui entravent encore l’accès à ce droit fondamental » que « le combat des femmes n’est
jamais terminé », et qu’elle y « était pleinement engagée » (2). Le féminisme demeure une
réalité politique prégnante dans notre société actuelle, que formalise aujourd’hui le
secrétariat d’état en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes. La contraception y
fait figure de droit des femmes, en tant que droit à disposer de leur corps (21).
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
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Dès lors, une singularité est conférée à la contraception : c’est d’abord un marqueur sociétal.
Les IMG s’intègrent, dans le cadre de la contraception, dans un contexte plus global que
celui de la simple relation médecin patiente. Il s’agit d’un contexte traversé par une
dimension sociétale, fruit de l’histoire et formalisée par un pouvoir politique.
On retrouve ici l’articulation entre les idéologies et les institutions politiques décrites par
Loewenstein dans sa conception d’une société étatique organisée en tant que système
politique (22). Il décrit les idéologies comme force motrice du fonctionnement du pouvoir
politique et social, tandis que les institutions et les techniques forment l’appareil ou le
mécanisme à travers lequel l’idéologie engendre la réalité de l’action politique et sociale.
L’intervention d’un troisième acteur dans le couple IMG - patiente est objectivée : la société,
représentée par le décideur public. Ainsi les décisions médicales prises lors du colloque
singulier entre les IMG et la patiente, renvoie, au moins en partie, au modèle collectiviste de
décision médicale (23) (24). L’utilité collective, au nom d’une justice et d‘une équité
sous-tendue par le féminisme, devient prégnante dans l’offre proposée à la patiente. L’autorité
médicale s’en trouve de facto altérée, ce qu’illustre leur ambivalence à l’égard de cette
dimension sociétale.
2. Dynamique interpersonnelle
L’analyse du récit des IMG objective que leur démarche intègre leurs propres valeurs,
au-delà des recommandations ou des données de la science. La participation de leurs
convictions personnelles témoigne d’un schisme du soignant déjà connu, dont la clause de
conscience du médecin en définit un cadre légal. C’est le droit pour le médecin de refuser la
réalisation d’un acte médical qu’il estimerait contraire à ses convictions personnelles, ou
éthiques (25). Un rapport d’une commission parlementaire européenne de 2010 relatif à la
clause de conscience (26), met en exergue la propension des convictions personnelles à
impacter le corps médical lorsqu’il s’agit des questions de santé singulières à la Femme. Ce
rapport est intitulé « accès des femmes à des soins médicaux légaux : problèmes du recours
non réglementé à l’objection de conscience ». L’assemblée soulève la disparité des cadres
légaux des différents pays membres entourant la clause de conscience, et « s’inquiète tout
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
25
particulièrement de la manière dont la non réglementation de cette pratique touche
disproportionnellement les femmes » « surtout dans les domaines de la santé
reproductive ». La participation des convictions personnelles des IMG s’inscrit donc dans un
mouvement global, intrinsèque à leur statut de soignant, et potentialisé par le contexte :
celui de la sexualité de la femme.
Une étude qualitative menée par des anthropologues et des psychologues dans un centre de
lutte contre le cancer à Bordeaux (27) retrouve un résultat similaire. Les soignants enquêtés
utilisaient au quotidien une combinaison de valeurs issues tant de registres professionnels
que personnels. Au cours des échanges avec les patients, ils convoquaient des savoirs
médicaux, tout en exprimant (parfois malgré eux) des convictions individuelles, subjectives
et singulières.
La même ambiguïté consciente des IMG avait lieu : l’utilisation de registres différents et de
référents quasi contradictoires leur échappait souvent, et donnait lieu à leurs discours et
comportements, une dimension paradoxale souvent relevée par les soignants eux-mêmes.
L’étude montrait ainsi, des pratiques de soins très différentiées d’un patient à un autre en
dépit de recours à des protocoles et à des modes opératoires de plus en plus standardisés.
De la même manière, la démarche des IMG relevaient de cette idiosyncrasie.
Le travail de thèse de madame PERTUZIO-DA SILVA Isabelle (14) illustre remarquablement
cette dualité décrite précédemment. L’objectif du travail était de déterminer si les
recommandations de l’ANSM de 2012 sur la contraception avaient influencé la
contraception personnelle des IMG de la faculté de médecine de Paris 7. Ces
recommandations constituaient une mise au point sur les pilules 3
èmeet 4
èmegénérations,
dans les suites de l’affaire de la cyprotérone, éthynilestradiol (DIANE 35®) (28). Les résultats
retrouvaient que les IMG avaient appliqué les recommandations pour les prescriptions de
leurs patientes, alors qu’elles ne se les étaient pas appliquées pour elles-mêmes. Parmi les
IMG consommant une pilule de 3
èmeet 4
èmegénération seulement 17 % se sentaient
concernées par les recommandations pour leur consommation personnelle alors que 78 %
d’entre elles alertaient les patientes d’un surrisque thromboembolique. L’auteur supposait
que « pour elles-mêmes, les internes estiment certainement que les risques sont faibles et
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
26
basent sans doute leur décision médicale sur d’autres critères : valeurs personnelles,
croyances culturelles, éducation … ».
3. Interaction avec la patiente
L’analyse de l’interaction des IMG avec la patiente, montre qu’elle relève du processus de la
décision médicale partagée (DMP). Ce processus prend en compte deux étapes clés de la
relation entre un professionnel de santé et un patient (29). Le premier temps est consacré à
l’échange d’informations, au partage et à la délibération. Le deuxième temps est celui de la
décision, il se conclut avec le choix posé entre plusieurs options, par un accord mutuel. Ce
processus de DMP rentre en cohérence avec le contexte de la contraception, puisque les
situations qui s’y prêtent le mieux sont celles où plusieurs choix sont possibles, avec une
balance bénéfice/risque discutée et qu’il n’y a pas de consensus clair sur le meilleur
traitement (30).
Les IMG s’inscrivent dans le respect des recommandations de la Haute Autorité de santé
(HAS), qui positionne le principe de la DMP comme opérateur privilégié de l’interaction des
professionnels de santé avec leur patient (31). Ils répondent à l’enjeu posé par les
recommandations de pratique clinique françaises de 2004 : « la différence entre l’efficacité
optimale des méthodes contraceptives (celle des essais thérapeutiques) et leur efficacité en
pratique courante constitue un argument fort pour que la femme et le couple soient
impliqués dans un choix adapté à leur réalité quotidienne » (32).
Les IMG obéissent aussi aux recommandations de l’HAS concernant la contraception (33).
Elles mettent en avant, entre autres, la nécessité d’un choix personnalisé après une
information éclairée, de la réalisation d’une consultation dédiée d’aide dans la démarche de
choix, de la largeur de l’entretien tant au plan médical qu’au plan du vécu de la femme, et
des informations à donner sur les méthodes existantes.
Les résultats obtenus ici attestent donc de la qualité de la formation des IMG. L’analyse de
leur interaction avec la patiente fait ressortir les piliers fondamentaux du modèle relationnel
médecin patient prônés par les autorités sanitaires, ainsi qu’une adéquation de leurs
attitudes avec les recommandations émises au regard de la contraception.
OUEDRAOGO Daouda – Thèse médecine générale 2018 Université de Bordeaux – Subdivision Océan Indien
27
Le modèle de construction de leur expertise médicale répond directement aux objectifs
pédagogiques du deuxième cycle des études médicales à travers l’item n°3 du programme
des épreuves classantes nationales (34). Cet item comprend non seulement les principes de
la DMP, mais intègre aussi la démarche médicale dans le concept de la médecine fondée sur
les preuves ou evidence based medecine (EBM). Le raisonnement des IMG se calque sur les
principes de l’EBM dans laquelle « la décision résulte de la synthèse extemporanée des
données de la science, des choix du patient et des circonstances de soins, que la compétence
du médecin permet d’adapter au problème posé » (35).
On constate ici le niveau de compétence remarquable des IMG à l’égard de la prescription
d’une contraception. Leur attitude constitue une synthèse des connaissances acquises et des
recommandations des autorités sanitaires, dont la restitution pratique surprend par leur
spontanéité. Bien au-delà d’une approche purement théorique, ils s’inscrivent d’emblée
dans un pragmatisme à la mesure des enjeux de la contraception médicale. Ils apparaissent
sereins quant à leur raisonnement, conscients des problématiques, et sûrs de leur position
vis-à-vis la patiente durant la consultation.
Ce résultat traduit aussi l’achèvement d’un basculement du paradigme relationnel médecin
malade. Les évolutions majeures du XX
èmesiècle, notamment du système de santé, et la
transformation de la place du malade dans le champ de la santé ont remodelé la relation
médecin malade (24). La conception dominante de l’individu comme autonome et
responsable (36), a sonné l’obsolescence du modèle relationnel « paternaliste », qui
prévalait depuis la médecine grecque. Le médecin détenteur du savoir décidait seul pour
son malade au nom d’un principe de bienfaisance. L’approche globale centrée patiente dans
laquelle s’intègrent les IMG en matière de contraception fait voler en éclat ce modèle.
Ils illustrent l’efficience du changement de paradigme pédagogique en rapport avec la
formation des IMG annoncé par Jean JOUQUAN et Philippe BAIL (37). Ces derniers ont porté
l’idée d’une pédagogie « centrée sur l’étudiant », opérant un basculement du paradigme
d’enseignement vers un paradigme d’apprentissage. Claude Attali et Pauline Mazabrard (38)
étayent le concept « C’est ainsi que l’approche globale centrée patient, les processus de
décision partagée et la gestion du conflit des normes sont au cœur de ce que nous
proposons actuellement aux futurs médecins généralistes. A partir de situations
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