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Le point de vue de l’avocat sur la phase préliminaire du procès

pénal

Introduction

1. Quel regard un praticien peut-il porter sur la phase préliminaire du procès pénal, en ce début de XXIème siècle ? Voilà la question à laquelle il nous a été demandé de réfléchir en vue du colloque organisé par la Conférence du jeune barreau de Charleroi. Le sujet est vaste et passionnant. Un premier réflexe aurait pu justifier une réaction quelque peu impulsive. Il y a tant de lézardes, tant d’aberrations, tant d’anachronisme dans notre code d’instruction criminelle, que la critique semble, de prime abord, assez aisée.

2. Il nous a semblé préférable d’adopter un point de vue plus neutre et de déterminer, tout d’abord, de quoi l’on parle. Le regard de l’avocat sur la phase préliminaire du procès pénal ne peut qu’être fonction du rôle qu’il y joue. La première partie de notre contribution s’attachera donc à décrire les initiatives que l’avocat peut prendre, sur un plan procédural, durant la phase préliminaire du procès pénal. Sur la base de cet état des lieux, il sera alors temps de formuler certaines considérations/réflexions sur le déroulement de la phase préliminaire du procès pénal.

I. Examen de la position de l’avocat durant la phase préliminaire du procès pénal

3. Notre propos sera de recenser les interventions principales de l’avocat durant cette phase du procès pénal en distinguant l’information de l’instruction et de voir l’impact qu’il peut avoir sur le déroulement de la procédure. Nous examinerons donc dans quelles conditions l’avocat peut avoir accès au dossier, quel rôle il peut jouer pendant le déroulement de l’information/instruction et ce qu’il lui est permis de faire lorsque l’information/instruction touche à sa fin.

I.1. L’avocat et l’information préliminaire A) Accès au dossier

4. Le constat est simple : le caractère secret de l’information consacré à l’article 28, §1er, al. 1er du code d’instruction criminelle (C.I.C.) constitue le frein principal à la possibilité pour l’avocat d’intervenir de manière efficiente auprès des autorités judiciaires. Bien souvent, le rôle de l’avocat se limite à obtenir des renseignements de type administratif (n° de notice, nom du magistrat en charge de l’information) auprès des services « casier » du ministère public (procureur du Roi ou auditeur du travail).

5. L’accès au dossier répressif est en principe exclu, aucune règle particulière n’organisant la communication du dossier aux parties en cause. C’est donc à l’article 125 de l’arrêté royal du

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28 décembre 19501 portant règlement général des frais de justice en matière répressive et à l’autorisation du Procureur-général ou de l’Auditeur général qu’il convient de se référer2. L’on évoquera encore la possibilité d’obtenir quelques maigres informations, lorsqu’une personne est lésée par une infraction, par le biais d’une déclaration éponyme prévue à l’article 5bis du titre préliminaire du code de procédure pénale qui confère un statut intermédiaire entre le simple plaignant et la partie civile constituée comme telle. Pour rappel, la personne lésée bénéficie de différents droits, dont celui d’être assistée ou représentée par un avocat, de joindre au dossier tout document qu’elle estime utile et d’être informée du classement sans suite et de son motif, de la mise à l’instruction et des actes de fixation devant les juridictions d’instruction et de jugement.

B) Rôle de l’avocat au cours de l’information préliminaire B.1) Interventions habituelles

6. L’on peut isoler trois situations dans lesquelles l’intervention de l’avocat, au cours de la phase d’information préliminaire, semble, en principe, consacrée : l’audition d’une personne relativement aux faits qu’elle aurait commis, le contentieux du référé pénal et la procédure d’aliénation de biens saisis. Un même constat s’imposera : la place réservée à l’avocat est marginale, périphérique. Il ne dispose pas, à proprement parler, des moyens de remplir sa mission de défense.

a) Audition d’une personne relativement aux faits qu’elle aurait commis (article 47bis, §2 C.I.C.)

7. Il n’entre nullement dans nos intentions de livrer un énième commentaire sur la loi du 13 août 2011 qui permet désormais l’intervention immédiate de l’avocat dès la première audition par les services de police, d’une personne entendue comme suspect. Tout juste nous bornerons nous à rappeler que la transposition en droit interne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme s’est faite a minima et que la seule concertation préalable confidentielle avec un avocat est insuffisante pour respecter le prescrit de la Convention3. 8. Nous voudrions simplement mettre en exergue les limites de l’assistance de l’avocat telle qu’organisée désormais par l’article 47bis, §2 C.I.C. Pour rappel, si la personne est entendue à propos d’infractions qui pourraient lui être imputées, elle se voit reconnaitre le droit de se concerter confidentiellement avec son avocat préalablement à sa première audition. Ce droit est cependant soumis à une condition de proportionnalité en ce que les infractions pouvant être reprochées à la personne entendue doivent permettre la délivrance d’un mandat d’arrêt à son encontre4.

9. Ce droit d’entretien confidentiel avec un avocat préalablement à l’audition peut s’exercer selon deux modalités :

1 L’A.R. du 28 décembre 1950 a été remplacé par l’A.R. du 27 avril 2007, lequel a cependant été annulé par le Conseil d’Etat, dans un arrêt n° 188.928 du 17 décembre 2008. Dans l’attente de l’adoption d’un nouvel arrêté royal, c’est l’A.R. du 28 décembre 1950 qui continue à s’appliquer.

2 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Larcier, 2009, p. 248. 3 S. BERBUTO et E. BERTHE, “Le point de vue des avocat, on n’en a pas fini avec Salduz !”, in Actualité en

droit pénal, CUP, vol. 128, Anthémis, 2011, p. 143.

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 soit la personne a été convoquée par un écrit informant succinctement sur les faits, et dans lequel les droits reconnus à l’article 47bis, §2, alinéa 1er , 1° à 3° du Code d’instruction criminelle lui ont été rappelés. Dans ce cas, elle est présumée avoir déjà consulté un avocat préalablement à l’audition5. Ceci ne peut, du point de vue de l’intervention de l’avocat, être considéré comme une avancée majeure. Il devra préparer l’entretien avec son client, sur la base de la description succincte des faits reproduite sur la convocation. Il pourra encore informer ce client qu’il garde la liberté d’aller et de venir pendant tout l’entretien (auquel il a donc parfaitement le droit de mettre un terme à tout moment) et qu’il peut choisir de se taire et de ne pas répondre aux questions qui lui seraient posées.  soit la personne est simplement convoquée, sans avoir reçu, préalablement à l’audition et

par écrit, ni d’information succincte sur les faits, ni le rappel de ses droits tels qu’énoncés à l’article 47 bis, §2, alinéa 1er, 1° à 3° C.I.C. Dans ce cas, la personne convoquée pourra obtenir un (seul) report d’audition afin de consulter un avocat6. Le législateur, sans le prévoir explicitement, n’a en tout cas pas exclu que cet entretien confidentiel se fasse dans les locaux de la police préalablement à l’audition, ou même par téléphone7. Nous sommes d’avis que ce type de prestations ne risque pas de voir fréquemment le jour, en raison d’une part de la simplification qu’entraine, pour les autorités verbalisantes, la présomption de consultation liée à l’envoi d’une convocation écrite complète à la personne suspectée et, d’autre part, de la faible valeur ajoutée, pour le justiciable, de la consultation confidentielle d’un avocat vu que celui-ci n’aura, au préalable, reçu aucun accès au dossier répressif.

b) Saisie pratiquée par le ministère public – référé pénal (article 28sexies C.I.C.)

10. Le procureur du Roi peut, dans le cadre d’une information, ordonner la saisie de certains biens, soit ce qui semble avoir servi ou était destiné à commettre l’infraction, soit ce qui paraît en avoir été le produit, soit tout ce qui peut être utile à la manifestation de la vérité8, en vue d’en permettre la production à titre de preuves devant la juridiction appelée à statuer sur l’affaire au fond ou d’en faciliter la confiscation9.

11. La procédure de référé pénal, telle qu’organisée par l’article 28sexies C.I.C fait office de contrepoids à ce pouvoir de saisie extrêmement large puisqu’il peut porter sur des biens meubles, immeubles, des biens immatériels, tels des données informatiques10. Nous ne reviendrons pas sur les spécificités de cette procédure dans laquelle le justiciable lésé par un acte d’information serait hasardeux de se lancer sans le concours d’un conseil tant la matière présente des chausse-trappes. A titre exemplatif, nous rappellerons l’écueil formé par l’article

5 Art. 47 bis, § 2, al. 4 C.I.C. 6 Art. 47 bis, § 2, al. 5 C.I.C.

7Proposition de loi modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et le Code d’instruction

criminelle, afin de conférer des droits à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté dont le droit de consulter et d’être assistée par un avocat, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 2010-2011, n° 663/1, pp. 17-18 ;

Voy. en ce sens, C. DE VALKENEER, « L’application de la loi du 13 août 2011 au stade de la phase policière »,

J.T., 2011, pp. 838-844, spéc. pp. 840-841. 8 Articles 35 et ss. C.I.C.

9 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, La Charte, 2010, p. 407.

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35, §2, al.2 C.I.C. en matière de saisie d’un véhicule automobile mis à disposition de la police fédérale11 : le référé pénal ne peut être introduit que dans le mois suivant la saisie.

12. L’efficacité de cette procédure reste à démontrer : l’absence de mise à disposition de l’intégralité du dossier répressif handicape sérieusement la tâche du praticien tout autant que l’absence de délai contraignant endéans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision.

c) Aliénation des biens saisis ou leur restitution moyennant le paiement d’une somme d’argent (article 28octies C.I.C.)

13. Le législateur belge a introduit en 200312 la possibilité, pour le ministère public, vu la difficulté inhérente de conserver certains biens saisis, de les aliéner (le produit de la vente se substitue alors à celui-ci), d’en proposer la restitution moyennant le paiement d’une somme d’argent (laquelle sera subrogée au bien saisi) ou d’en attribuer la gestion au saisi ou à un tiers, éventuellement moyennant le paiement d’une caution13. Rien n’empêche les parties intéressées à introduire elles-mêmes auprès du procureur du Roi une demande gracieuse tendant à l’aliénation du bien ou à la restitution moyennant le paiement d’une somme d’argent14.

14. En matière d’aliénation de véhicules automoteurs, le législateur a prévu des particularités par rapport à la procédure évoquée ci-avant : le procureur du Roi devra nécessairement attendre trente jours depuis le début de la saisie pour procéder à l’aliénation du véhicule saisi pour cause de défaut d’assurance obligatoire ; en outre, le recours contre cette décision devra être introduit devant le tribunal de police15.

15. Un droit de recours est organisé par la loi au bénéfice des personnes auxquelles la notification de la décision a été adressée16. Dans la mesure où le procureur du Roi ne peut prononcer l’exécution provisoire de sa décision17, l’exercice d’un tel recours permet, en principe, à la partie lésée par l’acte de se faire entendre devant la chambre des mises en accusation. Les mêmes réserves que celles exprimées ci-dessus (pas de mise à disposition du dossier, absence de délai contraignant pour statuer) empêchent de considérer que l’on octroie ainsi un droit de recours plein.

11 Article 35, §1er C.I.C. : Lorsque un véhicule qui est saisi, dont le propriétaire est le suspect, celui-ci pourra être mis à disposition, pendant toute la durée de la saisie, de la police fédérale, laquelle pourra l’utiliser pour son fonctionnement normal, en bon père de famille. La moins-value découlant de l’usage du véhicule par la police fédérale pourra, au moment de la restitution de celui-ci à son propriétaire, faire l’objet d’une compensation. Cette possibilité de mettre à disposition de la police les véhicules saisis des suspects sans leur accord et avant tout jugement sur le fond de l’affaire, semble fort peu compatible avec le principe de présomption d’innocence, qui doit pourtant gouverner l’ensemble de la phase préliminaire du procès pénal (voyez H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 436).

12 Art. 6, § 3 de la loi du 26 mars 2003 portant création d’un organe central pour la Saisie et la Confiscation, et portant des dispositions sur la gestion à valeur constante des biens saisis et sur l’exécution de certaines sanctions patrimoniales, M.B., 2 mai 2003, p. 23681.

13 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 452. 14 Ibid., p. 453.

15 Art. 20 et 21 de ma loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, M.B., 8 décembre 1989, p. 20122.

16 Soit les personnes à charge et entre les mains desquelles la saisie est opérée ; les personnes qui se sont expressément manifestées comme lésées par l’acte d’information (la saisie) voire les créanciers connus selon l’état hypothécaire en cas de saisie immobilière (article 28octies, §3 C.I.C.).

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B.2) Interventions occasionnelles

16. De manière ciblée, le code d’instruction criminelle pénale permet à l’avocat certaines interventions de portée encore plus limitée. A l’aune de notre seule expérience, nous ne pouvons qu’observer que la mise en œuvre de ces dispositions est rarissime.

a) Demande de protection de témoins menacés (articles 104 et ss. C.I.C.)

17. Depuis la loi du 7 juillet 200218, des mesures de protection19 peuvent être prises à l’égard d’une personne en danger à la suite des déclarations qu’elle a faites, alors même qu’elle aurait été interrogée dans le cadre d’une information. De telles mesures peuvent également être prises à l’égard des proches parents du témoin menacé. Lorsqu’une personne souhaite bénéficier d’une telle protection, elle devra en faire la demande écrite et motivée au procureur du Roi, Procureur Général, Procureur fédéral selon les cas, éventuellement en précisant les mesures dont elle souhaite pouvoir bénéficier. Le magistrat compétent introduira cette demande, par requête écrite et motivée, à laquelle il sera joint une copie du dossier répressif, auprès de la Commission de la protection des témoins, laquelle prendra in fine, la décision d’octroi d’une mesure de protection20.

b) Demande de contre-expertise en cas de prélèvement sanguin (article 44bis, §4, al. 2 C.I.C.)

18. Un médecin peut être requis par le procureur du Roi afin de réaliser un prélèvement sanguin sur l’auteur présumé d’une infraction et/ou sur la victime, en cas de flagrant délit ou crime, pour déterminer le taux d’alcoolémie21. La personne en cause pourra faire procéder à une seconde analyse dans les 15 jours de la notification des résultats de la première analyse, si elle en conteste les résultats. Elle devra toutefois supporter les frais liés à cette analyse supplémentaire22.

19. En matière de roulage, les articles 63 et 64 de la loi relative à la police de la circulation routière organisent le prélèvement sanguin en vue de déterminer le taux d’alcool dans le sang ou la présence d’autres substances influençant la capacité de conduire. Pour la contre-expertise, l’article 64 renvoie à la procédure prévue par l’article 44bis, §4 C.I.C.

c) Demande de contre-expertise en cas de prélèvement d’ADN (article 44ter, §4 C.I.C.)

20. Lorsqu’une analyse ADN a été ordonnée par le procureur du Roi mais que ses résultats sont contestés par la partie concernée, celle-ci peut requérir le procureur, dans les 15 jours à compter de la notification des résultats, qu’il fasse procéder à une contre-expertise par un expert choisi par ses soins. Comme la contre-expertise en matière de prélèvement sanguin, les frais engendrés par cette seconde analyse devront être supportés par le requérant, sauf si cette

18 Loi du 7 juillet 2002 contenant des règles relatives à la protection des témoins menacés et d’autres dispositions, M.B., 10 août 2002, p. 34665.

19 Installation d’une alarme, organisation de patrouilles par les services de police autour du domicile de l’intéressé, protection physique rapprochée, relocalisation à l’étranger ou encore changement d’identité.

20 Art. 105 C.I.C. 21 Art. 44bis, § 1er C.I.C.

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contre-expertise ne confirme pas les premiers résultats obtenus. Dans ce cas, les frais avancés par l’intéressé lui seront remboursés ultérieurement par l’Etat23.

d) Autopsie – droit de voir le corps pour lui rendre un dernier hommage (article 44, al. 4 C.I.C.)

21. Lorsqu’une autopsie est sollicitée par le procureur du Roi (uniquement en cas de flagrant délit) le législateur a reconnu aux proches le droit de voir le corps du défunt afin qu’ils puissent lui rendre un dernier hommage24. Aucun refus ne peut leur être opposé par le magistrat ayant ordonné l’autopsie, sauf à remettre en cause leur qualité de proches25. Dans une telle hypothèse, la décision du magistrat n’est susceptible d’aucun recours.

e) Demande d’enquête sociale (article 2 de la loi du 29 juin 1964)

22. La personne suspectée d’avoir commis une infraction peut, dès le stade de l’information, demander au procureur du Roi, de charger le service des maisons de justice de procéder à une enquête sociale sur son comportement et son milieu de vie26. Une telle enquête peut s’avérer utile par la suite, en vue de proposer une mesure individualisée dirigée vers l’avenir de la personne en cause et sur la réparation des faits commis, que ce soit une suspension, un sursis ou le suivi d’une formation particulière27.

C) Rôle de l’avocat à l’issue de l’information préliminaire

23. A nouveau, la possibilité pour l’avocat de peser sur le cours de la procédure est quasi nulle, celui-ci ne disposant d’aucun levier pour influencer la décision du ministère public quant à l’exercice ou non de poursuites à l’encontre de l’auteur présumé d’une infraction.  Classement sans suite

Lorsque le ministère public prend la décision de classer un dossier sans suite, il est toujours possible, tant pour la partie préjudiciée que pour la personne en cause, de demander une copie du dossier. Une telle requête sera soumise à l’approbation du substitut en charge du dossier28.

 Transaction pénale (article 216bis C.I.C.)

La transaction pénale est une procédure non juridictionnelle par laquelle le procureur du Roi proposera à l’auteur présumé d’une infraction de payer une somme d’argent en échange de quoi il n’exercera pas les poursuites à son encontre. Pour rappel, la matière a connu de substantiels aménagements depuis la loi du 14 avril 201129. La personne

23 Art. 44ter, al. 4 C.I.C. 24 Art. 44 C.I.C.

25 Rapport de la commission justice, Doc. Parl., Sén., sess. ord. 1997-1998, n° 1-704/4, pp. 201-203.

26 Art. 2, § 2 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, M.B., 17 juillet 1964, p. 7812.

27 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., pp. 473-475.

28 Art. 96 du 27 avril 2007 portant règlement général des frais de justice en matière répressive, M.B., 25 mai 2007, p. 28209.

29 Art. 84 de la loi du 14 avril 2011 portant des dispositions diverses, M.B., 6 mai 2011, p. 26576 ; M. FERNANDEZ-BERTIER et A. LECOCQ, « L’extension de la transaction pénale en droit belge : une évolution en demi-teinte », Dr. pén. entr., 2011/3, pp. 219-238.

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suspectée d’avoir commis une infraction n’a pas de droit d’initiative à cet égard. Elle dépend totalement du bon vouloir du procureur du Roi qui prendra sa décision de manière unilatérale, et ne devra pas motiver un éventuel refus de proposer une transaction. Bien sûr, le conseil de la personne en cause pourra interpeler le procureur du Roi à ce sujet, mais cela se fera de manière informelle puisqu’un tel contact n’est pas prévu par le code d’instruction criminelle.

 Médiation pénale (article 216ter C.I.C.)

Tout comme la transaction, la médiation pénale se présente également comme une mesure alternative à la sanction pénale. Le procureur du Roi proposera à l’auteur des faits de mettre fin aux poursuites pénales moyennant le respect de plusieurs conditions, telles que la réparation du dommage selon les modalités déterminées, ou, le cas échéant, la réalisation d’une médiation entre lui et la victime afin qu’ils s’accordent sur l’évaluation du dommage et sur la méthode d’indemnisation de celui-ci, l’exécution d’un travail d’intérêt général ou le suivi d’un traitement médical30. La proposition de médiation pénale est également une décision facultative et unilatérale du procureur du Roi, relevant de son pouvoir de juger de l’opportunité des poursuites, ce qui n’empêche pas que l’auteur de l’infraction ou la victime interpelle le ministère public sur la faisabilité d’une telle médiation.

24. L’on peut enfin, à titre presque anecdotique, évoquer le contrôle de pure forme de la chambre des mises en accusation lorsqu’une mesure d’observation ou une infiltration a été ordonnée dans le cadre de l’information (article 235ter, §1er, alinéa 2 C.I.C.). Il appartient à la chambre des mises en accusation de se prononcer sur la régularité de ces méthodes, telles qu’elles ont été employées, avant que le ministère public ne puisse procéder à la citation directe du suspect devant le tribunal31. Il parait irréaliste que le suspect – qui ignorera encore l’être à ce stade de la procédure – puisse être convoqué à cette occasion et, d’ailleurs, pour quel bénéfice : il ne pourrait, au mieux, qu’être entendu séparément par la cour, en présence du Procureur Général, alors que ce dernier aurait préalablement été entendu par la cour hors sa présence32.

I.2. L’avocat et l’instruction préparatoire A) Accès au dossier

25. L’article 57, §1er C.I.C. pose le principe que, sauf les exceptions prévues par la loi, l’instruction est secrète. C’est donc sur des prémisses identiques à celles qui gouvernent l’information préliminaire que s’articule l’intervention de l’avocat durant l’instruction préparatoire : il est interdit à toute personne concourant à l’instruction d’en révéler le moindre renseignement recueilli à qui que ce soit33. Ce qui, comme nous allons le voir, hypothèque la mise en œuvre de droits que le praticien peut puiser dans le code d’instruction criminelle ou d’autres lois de procédure.

30 Art. 216 ter, §§ 1er et 1er bis C.I.C.

31 L’art. 47undecies C.I.C. prévoit que lorsque le dossier dans lequel ont été mises en œuvre les méthodes particulières de recherche d’observation et d’infiltration a fait l’objet d’un classement sans suite, un contrôle sera opéré par le Procureur général.

32 Art. 235 ter, § 2 C.I.C.

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26. Le secret de l’instruction souffre toutefois d’un certain nombre d’exceptions et d’atténuations34, au rang desquelles figure la procédure de demande d’accès au dossier de l’instruction (article 61ter C.I.C.).

27. Les modalités de mise en œuvre de cette procédure sont archi-connues : l’inculpé non détenu35 et la partie civile peuvent demander au juge d’instruction, à l’expiration d’un délai minimum d’un mois36, la possibilité de consulter le dossier répressif en cours d’instruction. Ce droit de demander l’accès au dossier ne débouche pas automatiquement sur sa consultation effective, le juge d’instruction pouvant en refuser, par ordonnance motivée37, l’accès. Il peut également décider de limiter l’accès au dossier aux pièces concernant les faits ayant conduit à l’inculpation pour l’inculpé ou à la constitution de partie civile pour celle-ci38.

28. Le droit conféré est de consulter le dossier, et non d’en prendre copie. Il en résulte une perte de temps substantielle, obligeant les conseils des requérants à rester des heures au greffe à retranscrire, dans des conditions parfois moyenâgeuses, des dossiers importants, dans lesquels la prise de connaissance de certaines pièces (voire de toutes), est indispensable à l’exercice des droits de défense du client.

29. Pour rappel, il est toujours loisible de demander, en application de l’article 125 du tarif criminel, la copie du dossier répressif au Procureur-Général. Cet article s’applique en toute matière criminelle, correctionnelle et de police, que ce soit au stade de l’information ou de l’instruction39.

B) Rôle de l’avocat durant l’instruction préparatoire B.1) Interventions habituelles

30. Par les initiatives qu’il peut prendre (constitution de partie civile, demande d’accomplissement d’actes d’instruction complémentaires) ou à l’occasion de contentieux liés aux actes d’instruction les plus intrusifs (contentieux du référé pénal en cas de saisie, contentieux de la détention préventive en cas de mandat d’arrêt), l’avocat est en mesure, dans sa pratique quotidienne, de jouer un rôle actif, voire parfois déterminant pendant le déroulement d’une instruction préparatoire. Même si, comme nous le verrons, certains tempéraments doivent être apportés.

a) Début de l’instruction : la constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction (articles 63 et 70 C.I.C.)

34 Ibid., p. 394.

35 Le fait que le législateur vise l’inculpé non détenu s’explique par le fait que ceux qui sont en détention préventive auront d’office accès à leur dossier dans le cadre du contrôle mensuel ou trimestriel opéré par les juridictions d’instruction quant à la nécessité du maintien en détention préventive.

36Pour la partie civile : au plus tôt un mois après sa constitution de partie civile ; pour l’inculpé, un mois après l’inculpation.

37 Il pourra ainsi refuser l’accès au dossier si les nécessités de l’instruction le requièrent, si la communication présente un danger pour les personnes ou porte gravement atteinte à leur vie privée; si la partie civile ne justifie pas d’un motif légitime à consulter le dossier ou lorsque la constitution de celle-ci n’apparait pas recevable 38 Art. 61ter, § 3, al. 2 C.I.C.

39A.R. du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive, M.B., 3 décembre 1950, p. 9095.

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31. Véritable correctif face au pouvoir de classement sans suite du ministère public40, la constitution de partie civile entre les mains d’un juge d’instruction est une des prérogatives (trop ?) fréquemment exercées à l’intervention d’un avocat. La victime d’une infraction peut, en agissant de la sorte, mettre en mouvement l’action publique (constitution de partie civile par action), obligeant de cette manière le juge d’instruction à instruire, sans toutefois qu’il soit tenu de procéder aux devoirs d’instruction indiqués par la partie civile41. Si le juge d’instruction est déjà saisi d’une instruction concernant les faits dénoncés, la victime se constituera partie civile, par intervention sans devoir dès lors consigner les fonds présumés nécessaires aux frais de la procédure.

32. Cette faculté de se constituer partie civile entre les mains du juge d’instruction perdure jusqu’à la clôture de l’instruction par la chambre du conseil lors du règlement de la procédure42. Il est donc possible que la partie civile, se constituant au moment du règlement de procédure, mette en cause des personnes non concernées par l’instruction. Or, la chambre du conseil ne peut statuer que dans les limites des réquisitions du ministère public et des inculpations faites par le juge d’instruction43. Confrontée à une telle hypothèse, la chambre du conseil n’aura d’autre choix que de surseoir à statuer afin de permettre au procureur du Roi de compléter ses réquisitions en vue d’y inclure les personnes nouvellement concernées44. Il pourra, le cas échéant, saisir le juge d’instruction complémentairement à l’égard de ces personnes, afin de lui demander de réaliser les actes d’instruction manquants (notamment, par exemple, l’audition de ces nouvelles personnes mises en cause par la partie civile)45.

33. Pour rappel, une plainte avec constitution de partie civile n’est soumise à aucune forme particulière. Elle pourrait d’ailleurs même être énoncée verbalement par la victime de l’infraction46. Celle-ci devra toutefois formuler explicitement les faits pour lesquels elle entend se constituer, sans nécessairement qualifier précisément les faits, mais pour autant que sa plainte indique clairement qu’il s’agit d’un crime ou d’un délit, pour lesquels le juge d’instruction peut être saisi47. La plainte peut être dirigée à charge de personnes déterminées si elle connait les auteurs des faits, ou à charge d’inconnus en cas de doute quant à l’identité de l’auteur de l’infraction.

b) Demande d’accomplissement d’actes d’instruction complémentaires (article 61quinquies C.I.C.)

34. Les parties à l’instruction ont la possibilité, au cours de celle-ci, de demander l’accomplissement d’actes d’instruction complémentaires. Cette possibilité leur permet de jouer un rôle plus actif dans le cadre de la manifestation de la vérité et dans la recherche d’éléments à leur décharge48. Le juge d’instruction a la possibilité de ne pas faire droit à la demande, lorsqu’il estime que l’acte sollicité n’est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ou qu’il serait préjudiciable à l’instruction49. Il peut aussi n’ordonner que l’exécution

40 M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, op. cit, p. 428. 41 Ibid.

42 Cass., 9 octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 132. 43 Cass., 15 novembre 2005, Pas., 2005, p. 2248.

44 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 748. 45 Ibid., p. 732.

46 Ibid., p. 541. 47 Ibid., p. 537. 48 Ibid., p. 697.

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partielle des actes d’instruction demandés, ou ordonner un autre acte d’instruction qui répondrait aux objectifs recherchés par la partie requérante50.

35. L’effectivité du droit octroyé doit être immédiatement relativisée : à défaut d’avoir un accès complet au dossier répressif, voire de disposer de la copie de celui-ci, il peut être hasardeux de solliciter, à l’aveugle, un acte d’instruction complémentaire. Par ailleurs, nous avons déjà rencontré des situations bien plus embarrassantes où la combinaison des deux droits prévus aux articles 61ter C.I.C. et 61quinquies C.I.C. peut se révéler désastreuse : un juge d’instruction avait accepté d’autoriser à une personne non encore inculpée l’accès au dossier répressif, suggérant qu’elle formule, dans la foulée, des demandes d’actes d’instruction complémentaires. Du point de vue des droits de la défense, une telle demande ne peut être admise : les actes d’instruction complémentaires n’ont de sens que si la personne mise en cause sait de quoi elle doit se défendre. Il nous semble donc difficile d’inviter un (assimilé à) inculpé à une approche proactive de l’instruction, sur la base de l’article 61quinquies C.I.C.

c) Le contentieux de la détention préventive (loi du 20 juillet 1990)

36. Le contentieux de la détention préventive offre à l’avocat l’occasion de son intervention la plus aboutie durant la phase préliminaire du procès pénal.

37. Il est désormais acquis que l’avocat a vocation, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2011, de prendre part aux premiers devoirs d’enquête, à savoir d’être présent dès le premier interrogatoire à la police d’une personne privée de liberté (même si cette présence est loin d’être satisfaisante au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme51).

38. Dès que la personne est placée sous mandat d’arrêt, la gamme des services offerte par l’avocat est relativement complète : entretiens confidentiels (sans restriction) à la prison, accès au dossier répressif avant chaque comparution devant les juridictions d’instruction, assistance aux audiences des juridictions d’instruction chargées de statuer sur le maintien de la détention préventive, exercice des recours prévus par la loi (pourvoi en cassation compris). L’on peut considérer que la loi relative à la détention préventive fournit à l’avocat un ensemble de moyens procéduraux qui sont de nature à influer le cours de la détention préventive :

 article 22, alinéa 3 : sur requête adressée au magistrat instructeur, l’inculpé ou son conseil peut obtenir la tenue d’un interrogatoire récapitulatif. Celui-ci prend la forme d’un entretien direct avec le juge d’instruction, en présence de l’avocat et du ministère public.. Il permet de faire le tour du dossier et à l’inculpé de faire acter les éléments qu'il juge utiles à l’instruction. Cet interrogatoire ne peut en aucun cas donner lieu à des plaidoiries de la défense ou à des réquisitions du ministère public. Le conseil peut cependant poser certaines questions sur l’instruction52.

 article 22bis : lorsque l’ordonnance de la chambre du conseil a une validité de trois mois, en matière de crime non correctionnalisable, l’inculpé a la possibilité d’introduire, de mois en mois, une requête de remise en liberté au greffe de la chambre du conseil qui sera examinée dans les 5 jours.

50 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 702. 51 V. notamment, Dayanan c/ Turquie, 13 octobre 2009, §§ 32-33.

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 article 25, §2 : le conseil de l’inculpé peut, à tout moment de l’instruction, inviter le magistrat instructeur à exercer la prérogative que lui reconnait la loi d’ordonner la mainlevée du mandat d’arrêt, par une ordonnance motivée.

 article 36, §1er : lorsque l’inculpé a été remis en liberté moyennant le respect de conditions, il peut demander ultérieurement le retrait ou la modification de tout ou partie des conditions imposées, par le biais d’une requête déposée au greffe de la chambre du conseil, qui statuera, à peine de caducité des mesures imposées, dans un délai de 5 jours à compter de la requête. La même solution devrait prévaloir en cas de libération sous caution : même si le législateur ne le prévoit pas explicitement, le cautionnement devrait pouvoir faire l’objet d’une modification quant à son montant, ou même d’un retrait lorsque des éléments nouveaux apparaissent en cours d’instruction judiciaire. Ainsi, s’il n’existe finalement plus d’indices sérieux de culpabilité à l’égard de l’inculpé, il apparait normal que dans une telle hypothèse, la caution lui soit restituée même avant que le juge ne statue sur l’action publique53.

39. Enfin, lorsque la détention préventive perdure, l’article 136ter C.I.C. prévoit la mise en œuvre d’un mécanisme de contrôle de sa durée. Si la détention dépasse 6 mois, sans que la chambre du conseil n’ait encore été chargée de statuer sur le règlement de la procédure, la chambre des mises en accusation opère un contrôle sur le déroulement de l’instruction. Lorsque le fait présumé commis par l’inculpé consiste en un crime non correctionnalisable, le contrôle ne sera pas réalisé de manière automatique, mais n’aura lieu que sur demande expresse de l’inculpé54.

d) Les devoirs d’instruction

40. Peu de différences à signaler par rapport à ce qui a été exposé dans le cadre de l’information préliminaire55 :

 Audition d’une personne relativement aux faits qu’elle aurait commis (article 47bis, §2 C.I.C.) : nous renvoyons à nos observations sur le sujet, dans le cadre de l’information56.  Saisie pratiquée par le juge d’instruction - référé pénal (article 61quater C.I.C.) : Comme

dans le cadre d’une saisie pratiquée par le procureur du Roi, le référé pénal constitue un contrepoids au pouvoir de saisie du juge d’instruction. La personne lésée par la saisie de ses biens pourra en demander la mainlevée au juge d’instruction, un droit de recours étant ouvert devant la chambre des mises en accusation. La procédure est, mutatis mutandis, identique à celle esquissée plus haut57. Nous réitérons donc les mêmes remarques : l’absence de mise à disposition du dossier et l’absence de délai endéans lequel la chambre des mises en accusation doit statuer compromettent l’efficacité de cette procédure.

 Aliénation de bien saisis ou leur restitution moyennant le paiement d’une somme d’argent (article 61sexies C.I.C.) : lorsque la conservation des biens saisis pose difficulté, le juge d’instruction a les mêmes prérogatives que celles offertes au procureur du Roi d’aliéner ces biens ou d’en proposer la restitution. Ainsi que nous l’avons vu, la loi organise un recours devant la chambre des mises en accusation dont on peut déplorer le manque

53 Ibid., pp. 860-861. 54 Art. 136 ter, § 2 C.I.C. 55 V. supra, point 6. 56 V. supra, point 7. 57 V. supra, points 10 et ss.

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d’efficacité58. Si, comme c’est très souvent le cas, le juge d’instruction prononce l’exécution provisoire de son ordonnance,59, ce recours sera de pure forme…

B.2) Interventions occasionnelles

41. Grosso modo, les occasions pour l’avocat d’intervenir de manière ponctuelle dans le cours de l’instruction sont identiques à ce que nous avons vu dans le cadre de l’information préliminaire. Nous ne commenterons donc que les dispositions qui prévoient de nouvelles opportunités tout en posant le même constat : leur mise en œuvre par les avocats est peu fréquente voire méconnue.

B.2.1) Interventions identiques à la phase de l’information préliminaire et d’instruction préparatoire

42. Pour les 5 devoirs d’instruction suivants, il peut être renvoyé aux développements relatifs à l’information préliminaire :

a) Demande de protection d’un témoin menacé (articles 104 et ss. C.I.C.)

b) Demande de contre-expertise en cas de prélèvement d’ADN (article 90undecies, §4 C.I.C.) c) Demande de contre-expertise en cas de prélèvement sanguin (article 44bis, §4, al. 2 C.I.C.)

d) Autopsie – droit de voir le corps pour lui rendre un dernier hommage (article 44, al. 4 C.I.C.)

e) Demande d’enquête sociale (article 2 de la loi du 29 juin 1964) B.2.2) Interventions spécifiques à l’instruction préparatoire

a) Demande d’audition d’un témoin sous couvert d’anonymat (article 75bis et 86bis C.I.C.)

43. Le juge d’instruction peut décider soit d’omettre certaines données d’identité de la personne entendue dans le procès-verbal d’audition60 soit de cacher complètement l’identité du témoin, en omettant de mentionner, non pas certaines, mais toutes les données permettant de l’identifier. Dans les deux hypothèses, le juge d’instruction peut prendre une telle décision soit d’office, soit sur réquisition du ministère public, soit à la demande du témoin lui-même ou de son avocat, de l’inculpé, de la partie civile, ou de leurs avocats61.

b) Descente sur les lieux (article 62 C.I.C.)

58 V. supra, point 15.

59 Art. 61sexies, §1er, alinéa 2 C.I.C. : « lorsqu’un retard peut entrainer un préjudice irréparable. »

60 Art. 75bis C.I.C. (par exemple, nom du témoin, profession, domicile, éventuellement remplacé

par l’adresse de service, état,…)

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44. La loi du 13 août 2011 autorise désormais la présence des avocats des parties (partie civile et inculpé). La reconstitution des faits acquiert un caractère contradictoire. L’article 62 est par contre muet quant au rôle exact de l’avocat présent sur les lieux. Il va de soi que la reconstitution ne peut donner lieu à des plaidoiries. Mais les parties pourront certainement demander sans difficulté au juge d’instruction de poser telle ou telle question, ou que tel ou tel geste soit montré. Le juge d’instruction doit veiller à ce que chaque partie puisse s’exprimer dans une juste mesure62.

c) Le caractère contradictoire de l’expertise

45. En principe, en raison du caractère inquisitoire et secret de la phase préliminaire du procès pénal, l’expertise ordonnée n’est pas contradictoire. La Cour constitutionnelle et la Cour de cassation ont chacune admis que le juge d’instruction puisse décider de conférer un caractère contradictoire à l’expertise, à condition que cela ne porte pas atteinte aux objectifs poursuivis par le caractère secret de l’instruction, à savoir ne pas nuire à l’efficacité de l’enquête et respecter la présomption d’innocence63. Ainsi, le juge d’instruction pourrait inviter l’expert qu’il désigne à accomplir sa mission de façon contradictoire, notamment en déposant un rapport intermédiaire qui serait soumis aux parties en vue qu’elles formulent leurs observations, tel que cela se produit d’ailleurs dans le cadre d’une procédure civile64. En outre, la chambre des mises en accusation, dans le cadre d’un contrôle de l’instruction en cours, peut également décider de conférer un caractère contradictoire à l’expertise ordonnée par le juge d’instruction. Elle peut également prendre une telle décision dans le cadre d’un appel interjeté par une des parties en vue de l’accomplissement d’un devoir d’instruction complémentaire, tel que la demande de procéder à une expertise contradictoire65.

46. Concrètement, la situation du praticien est à nouveau incommode. Bien souvent, et pour autant que le magistrat instructeur accepte de s’inscrire dans une approche contradictoire de l’expertise, il ne pourra disposer d’une copie du rapport d’expertise, et n’aura peut-être même pas accès aux annexes à ce rapport. Dans de telles conditions, il n’aura d’autre choix que de formuler des observations de nature essentiellement procédurales et sans pouvoir examiner le fond du dossier.

d) Ecoutes téléphoniques – droit de consultation des enregistrements (article 90septies, al. 6 à 8 C.I.C.)

47. Lorsque le juge d’instruction prend une ordonnance en vue de réaliser des écoutes téléphoniques, le législateur a prévu que toutes les communications recueillies doivent être enregistrées de manière intégrale66. La transcription, par contre, n’est opérée qu’à l’égard des passages jugés pertinents pour l’instruction, les autres ne faisant l’objet que d’une mention quant au sujet qui fût abordé67. Après ce premier tri effectué par les officiers de police judiciaire ayant procédé à l’exécution de la mesure, le juge d’instruction opèrera la sélection définitive des communications recueillies et présentant un intérêt pour l’enquête, en

62 I. DE LA SERNA, « La loi Salduz : la phase judiciaire », J.T., 2011, pp. 848-851, spéc. p. 850-851.

63 C.A., 24 juin 1998, n ° 74/98, J .T., 1998, p. 551 ; C.A., 13 janvier 1999, n° 1/99, Rev. dr. pén., 1999, p. 720 ; Cass., 19 février 2003, J.T., p. 464 et note A.-L. Fettweis.

64 Art. 976 du Code judiciaire.

65 H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, op. cit., p. 644. 66 Art. 90septies, al. 1er C.I.C.

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demandant éventuellement aux fonctionnaires de police de transcrire des passages qu’ils auraient jugés non pertinents68.

48. Le législateur reconnait aux parties ainsi qu’aux personnes dont la communication a été enregistrée, le droit de demander de consulter les enregistrements effectués. Dès le stade de l’instruction préparatoire, l’inculpé et la partie civile ou leurs conseils peuvent demander de consulter la totalité ou des parties des enregistrements qui ne sont pas transcrits, de consulter les transcriptions écartées par le juge d’instruction comme ne présentant pas d’intérêt pour l’enquête, ou de transcrire des parties additionnelles des enregistrements69. Une telle demande est traitée, du point de vue procédural, comme une requête en accomplissement de devoirs complémentaires70.

e) Mise en paiement des intérêts produits par une caution (articles 18 et 31 de l’A.R. n° 150 du 18 mars 1935)

49. En cas de remise en liberté moyennant le versement préalable d’une caution, celle-ci est productive d’intérêts au bénéfice de celui qui l’a constituée. L’on peut donc s’adresser à la Caisse des dépôts et consignation, aux fins de percevoir les intérêts produits par la caution. Ces intérêts sont payables par année. Ils se prescrivent par un délai de cinq ans, c’est-à-dire qu’à l’expiration de ce délai, il ne sera plus possible de les réclamer71.

B.3) L’avocat et le contrôle de la régularité de l’instruction

50. Le code d’instruction criminelle permet le contrôle de la régularité de l’instruction ou de son bon déroulement, à l’initiative de l’avocat de la partie civile ou de l’inculpé, par la chambre des mises en accusation. Nous rappellerons brièvement les contours de ces procédures :

a) Contrôle des instructions de longue durée (article 136, al. 2 C.I.C.)

51. Lorsque l’instruction dure plus d’un an, il est possible pour l’inculpé et la partie civile, de saisir la chambre des mises en accusation dans le cadre de sa mission de contrôle de l’instruction. Celle-ci sera saisie par requête motivée déposée au greffe. La chambre des mises en accusation entend les parties sur convocation. Aucun accès au dossier répressif n’est prévu. Aucun délai n’est prévu endéans lequel la juridiction d’instruction est tenue de statuer. L’arrêt rendu par la chambre des mises en accusation n’est pas susceptible d’un pourvoi immédiat. Une nouvelle requête ayant le même objet ne peut être introduite avant l’expiration d’un délai de 6 mois.

b) Contrôle de la régularité de la procédure (article 235bis C.I.C.)

68 Art. 90sexies, al. 2 C.I.C. 69 Art. 90septies, al. 6 et 8 C.I.C.

70 C’est-à-dire conformément à l’article 61quinquies C.I.C, en vertu de l’article 90septies, al. 7 C.I.C.

71 Art. 18 et 31 de l’A.R. n° 150 du 18 mars 1935 coordonnant les lois relatives à l’organisation et au fonctionnement de la Caisse des Dépôts et des consignations et y apportant des modifications en vertu de la loi du 31 juillet 1934, M.B., 7 mai 1935, p. 1778 ; R. VERSTRAETEN, Strafvordering, Antwerpen, Maklu, 2005, p. 552

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52. A chaque fois que la chambre des mises en accusation est saisie, peu importe le contexte de sa saisine, elle pourra contrôler la régularité de la procédure, soit d’office, soit sur réquisition du ministère public, soit à la requête d’une des parties72. Il s’agit donc d’une procédure incidente, qui vient se greffer sur une saisine préalable de la chambre des mises en accusation. Lorsqu’elle est saisie par une partie, le contrôle de régularité est obligatoire pour autant que la saisine soit régulière. Vu le caractère incident de la demande, elle peut être introduite par voie de conclusions, voire verbalement. Aucun accès au dossier répressif n’est prévu ni aucun délai endéans lequel la chambre des mises en accusation doit rendre sa décision. La décision de la chambre des mises en accusation est susceptible d’un pourvoi en cassation immédiat.

53. Enfin, le contrôle de la régularité des méthodes particulières de recherche, tel qu’organisé par les articles 235ter et 235quater C.I.C., ne peut que susciter un sentiment d’amertume. Nous le disons sans ambages : il s’agit d‘une parodie de procédure. Quel sens peut avoir le fait de comparaitre devant une cour pour formuler des observations (lesquelles au demeurant ?) sur la mise en œuvre des modalités d’enquête les plus intrusives lorsque l’on ne peut avoir accès au dossier confidentiel et que le vrai débat (pour autant qu’il y en ait eu un) se passe hors votre présence ?

C) Rôle de l’avocat à l’issue de l’instruction préparatoire C.1. Le règlement de la procédure (article 127 C.I.C.)

54. Le règlement de la procédure correspond au premier moment procédural où les parties (et leurs conseils) disposent du droit de consulter l’intégralité du dossier répressif mais surtout d’en prendre copie73. C’est donc parfaitement instruit des faits de la cause que l’avocat pourra formuler une demande d’accomplissement d’actes d’instruction complémentaires74 et plaider devant les juridictions d’instruction.

C.2. La transaction pénale (article 216bis C.I.C.)

55. Lorsqu’une instruction est en cours, ou a fortiori, à la fin de celle-ci, l’inculpé et son conseil peuvent désormais interpeler le procureur du Roi afin de solliciter une transaction pénale en vue de mettre un terme aux poursuites75. Dans une telle hypothèse, la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation selon le cas devront intervenir afin de constater l’extinction de l’action publique, après avoir vérifié le respect des conditions formelles relatives à la transaction pénale76.

Ainsi, lorsque la transaction pénale intervient au cours de l’instruction, le ministère public sollicitera le dessaisissement du juge d’instruction et tracera un réquisitoire de non-lieu pour cause d’extinction de l’action publique par la transaction pénale. La chambre du conseil

72 Art. 235bis, §§ 1er et 2 C.I.C.

73 Art. 127, § 2 C.I.C. 74 Art. 127, § 3 C.I.C. 75 Art. 216, § 2, al. 1er C.I.C.

76 Art. 216 bis, § 2, al. 9 C.I.C., tel qu’interprété par M. FERNANDEZ-BERTIER et A. LECOCQ, op. cit., pp. 231-232.

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constatera alors le respect des modalités et l’extinction de l’action publique, de même que le dessaisissement du juge d’instruction77.

Lorsqu’une transaction pénale intervient au stade du règlement de la procédure, le juge compétent pour constater l’extinction de l’action publique sera celui en charge du dossier répressif, c’est-à-dire la chambre du conseil en première instance ou la chambre des mises en accusation si la transaction intervient en degré d’appel78.

56. L’avocat a un intérêt manifeste à contacter le ministère public en vue de conclure une transaction pénale avant le règlement de procédure. L’inculpé qui contesterait une partie des inculpations mises à sa charge pourrait convaincre le ministère public de transiger pour certaines d’entre elles et de ne pas exercer les poursuites pour les autres, en vertu de son pouvoir d’opportunité. Une fois qu’une ordonnance de non-lieu a été rendue, une transaction doit être acceptée en bloc, au risque, dans la négative, de devoir comparaitre devant le tribunal correctionnel pour les préventions qui ne seraient pas couvertes par la transaction pénale. L'action publique ne sera en effet éteinte que pour les faits ayant fait l'objet de l'accord transactionnel, tout en restant en mouvement pour les autres faits79.

II. Réflexions sur le déroulement de la phase préliminaire du procès pénal II.1. Enjeu majeur versus lenteur des solutions

57. La phase préliminaire du procès pénal en représente un enjeu majeur. En effet, c’est souvent à ce stade que les mesures les plus énergiques sont prises par les autorités judiciaires : privation de liberté, blocage de comptes… Leur efficacité est d’ailleurs perçue comme telle par le justiciable qui sera plus sensible à une privation de liberté immédiate de quelques mois qu’à un risque d’incarcération de plusieurs années à un horizon indéterminé. Il en va de même pour les mesures patrimoniales : le blocage immédiat de tous les avoirs est plus dissuasif que le risque d’une condamnation à des peines pécuniaires lourdes par un tribunal correctionnel.

58. Il faut constater l’extrême lenteur avec laquelle il peut être remédié à ces situations. En ce qui concerne la détention préventive, il y est fait recours de manière trop fréquente80. Souvent, les détentions se prolongent inutilement. Le contrôle exercé par les juridictions d’instruction n’est pas opérationnel. Très peu de libérations sont ordonnées dans les 5 jours et il faut parfois attendre plusieurs mois pour que les choses se débloquent. La logique reste avant tout sécuritaire.

59. En ce qui concerne les saisies, le tableau n’est pas plus encourageant. On saisit comptes, véhicules, immeubles, en justifiant la mesure, notamment, par le fait que des confiscations pourraient être prononcées ultérieurement. La procédure de référé pénal ne compense que très partiellement cette situation qui a tendance à se prolonger indéfiniment. Toutefois, lorsque le

77 M. FERNANDEZ-BERTIER et A. LECOCQ, op. cit., p.232. 78 Ibid.

79Cass., 3 décembre 2002, Pas., 2002, p. 2335 ; Cass., 16 mars 2010, R.A.B.G., 2010, p. 866, et note L. DELBROUCK. V. aussi M. FERNANDEZ-BERTIER, « Analyse critique de l’extension du régime de la transaction pénale en droit belge », Actualités de droit pénal, 2011, pp. 201-240, spéc. p. 236.

80 V., pour une analyse récente, A. JONCKHEERE et L. KENNES, « Les solutions radicales pour limiter la détention préventive », in Détention Préventive : 20 ans après ? », Larcier, 2011, pp.164 à 169.

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maintien de la saisie parait excessif, la levée d’une saisie pénale dont la durée est contraire à l’exigence de délai raisonnable peut être ordonnée81.

II.2. Une évolution urgente : élargir l’accès au dossier répressif

60. La phase préliminaire du procès pénal reste avant tout dominée par le principe du secret qui entrave significativement les initiatives que les parties à la procédure (tant la partie civile que l’inculpé) peuvent prendre. Les difficultés qu’elles rencontrent pour prendre connaissance du dossier répressif constituent un frein à l’exercice de leurs droits de défense. Les droits actuellement conférés sont dérisoires : que dire du délai de 24/48 heures pour consulter des dossiers volumineux avant une comparution devant une juridiction d’instruction, dans le cadre de la détention préventive, voire du système archaïque qu’impose l’article 61ter C.IC. : le praticien se voit obligé de mobiliser des dizaines d’heures de travail pour retranscrire le contenu de pièces qu’il ne pourra utiliser que de manière limitée (cfr. article 460ter C.P.) avec le risque que les retranscriptions ne soient pas fidèles…

61. Les règles prévues par le Code de procédure pénale en projet apportent très peu d’évolution par rapport à la situation existante et ne rencontrent aucunement les attentes des praticiens : l’article 137, § 4 prévoit que, pendant l’instruction préparatoire, le procureur du Roi peut, de l'accord du juge d'instruction, autoriser une personne justifiant d'un intérêt légitime à prendre connaissance ou copie de tout ou partie des actes de la procédure. Il peut mettre des conditions à cette autorisation. Sa décision n'est pas susceptible d'appel82. L’article 213 maintient un droit de consultation du dossier pendant l’instruction, à l’instar de ce que prévoit l’actuel article 61ter C.IC.

62. Si l’on examine la situation dans les pays limitrophes, le tableau est tout différent.

 En France, l'accès au dossier répressif est très étendu83: l'avocat dispose du dossier de la procédure 4 jours ouvrables avant la première audition de la personne mise en examen ou de la partie civile. Par après, il peut en disposer à tout moment (sous réserve des nécessités liées au bon fonctionnement du cabinet du juge d'instruction). Les avocats peuvent ensuite, après la première audition ou le premier interrogatoire, se faire remettre, à leurs frais, une copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier, éventuellement sous une forme numérisée. Lorsque l'audition doit se faire rapidement, la personne qui doit être entendue par le juge d'instruction aura la possibilité d'être assistée d'un avocat qui pourra consulter le dossier (contrairement au droit belge) et communiquer avec la personne préalablement à l'audition84. Enfin, la loi prévoit la consultation du dossier ainsi que la possibilité pour les avocats des personnes mises en examen et des parties civiles de s'en faire remettre une copie à leur frais préalablement à la comparution devant la chambre d'instruction85.

 En Allemagne, l'accès au dossier répressif n'est pas aussi étendu qu'en France. L'accès au dossier en cours de procédure est visé par la section 147 du Code allemand de procédure criminelle86. La personne mise en cause n'aura jamais personnellement accès à son dossier

81 Mons (mis. Acc.), 27 mai 2011, avec note de F. KUTY, Rev. dr. pén., 2011, p. 916. 82 Doc. Parl. Sénat, sess. ord. 2005-2006, n° 3-450/21.

83Art. 114 du Code de procédure pénale français, http://www.legifrance.gouv.fr. 84Art. 116 du Code de procédure pénale français.

85Art. 197, al. 2 et 3 ; et art. 209 du Code de procédure pénale français. 86 http://www.gesetze-im-internet.de, avec traduction du Code en anglais.

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mais devra passer par un avocat. Celui-ci pourra se voir refuser l'accès au dossier pendant l'instruction si cela risque d'en compromettre le cours. Cependant, lorsque la personne mise en cause est en détention préventive ou, en cas d'arrestation provisoire, l'avocat devra avoir accès aux éléments permettant d'évaluer la légalité d'une telle détention, sans possibilité de se voir opposer un refus à cet égard. Par ailleurs, de manière générale (c'est-à-dire même si la personne n'est pas détenue), l'avocat aura toujours accès, à tous les stades de la procédure, aux procès-verbaux consécutifs aux interrogatoires de l'inculpé, à ceux relatifs aux opérations d'instruction pour lesquelles la présence de l'avocat aura été autorisée, ainsi qu'aux rapports d'expertise. En outre, lorsqu'il a le droit de consulter la totalité ou certaines pièces du dossier de la procédure, l’avocat recevra ces pièces chez lui.  Au Pays-Bas, le suspect ainsi que son avocat ont accès au dossier de la procédure durant l’entièreté de la phase préparatoire. Ils peuvent ainsi demander au ministère public ou au

rechter-commissaris, selon l’instance en charge du dossier, l’accès à l’ensemble des

pièces de la procédure87. Le ministère public ou le rechter-commissaris pourra toutefois refuser au suspect la consultation de certaines pièces du dossier au regard des nécessités de l’enquête88. Dans cette hypothèse, le suspect pourra toutefois contester une telle décision de refus89. Par contre, on ne pourra jamais refuser au suspect la possibilité d’avoir connaissance de son procès-verbal d’audition, des procès-verbaux rédigés à la suite d’auditions ou d’actes d’enquête auxquels le suspect ou son conseil ont pu assister, ainsi que les procès-verbaux dont le contenu lui aurait déjà été communiqué oralement90. En outre, à la fin de l’enquête, avant de comparaitre devant un tribunal, le suspect devra avoir accès à l’ensemble des pièces de la procédure91.

63. Cela doit changer : La Belgique ne peut pas rester l’un des derniers pays où l’accès complet au dossier répressif n’intervient qu’une fois l’instruction terminée !

II.3. Le contrôle de la phase préliminaire : exploiter les ressources de la loi

64. Les possibilités de contrôle de la régularité de la procédure - inexistantes en cas d’information préliminaire - sont bien réelles en cas d’instruction préparatoire. Pourtant l’on constate que c’est avec réticence que les plaideurs mettent ces procédures en œuvre, vu l’incertitude quant à leur issue favorable mais également le risque qu’une fois le contrôle effectué, l’on ne puisse invoquer l’argument devant la juridiction de fond92. Enfin, vu que la défense n’a pas d’accès complet au dossier, il peut apparaitre hasardeux d’exercer un tel recours sur une base incomplète.

65. Un arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 200993 incitera les plaideurs à solliciter sans hésitation le contrôle de la chambre des mises en accusation puisque la Cour y précise que lorsqu'elle est régulièrement invitée par une partie à exercer les pouvoirs que l'article 235bis C.I.C. lui confère, la chambre des mises en accusation est tenue de procéder au

87 Art. 30 et 51 du Code de procédure pénale néerlandais. 88 Art. 30 du Code de procédure pénale néerlandais, 89 Art. 32 du Code de procédure pénale néerlandais. 90 Art. 31 du Code de procédure pénale néerlandais. 91 Art. 33 du Code de procédure pénale néerlandais. 92 Art. 235bis, §5 C.I.C.

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contrôle sollicité ; il ne lui appartient pas de s'y dérober au motif que celui-ci pourra avoir lieu lors du règlement de la procédure.

II.4. Varia

a) les ressources de la jurisprudence Salduz

66. Outre l’entrée en vigueur de la loi « Salduz », la mise en œuvre des principes dégagés précédemment par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme offre à l’avocat l’occasion de saisir de nouvelles opportunités. Ainsi rien ne s’oppose à ce que l’avocat demande à assister à l’audition d’une personne non privée de sa liberté, voire qu’il sollicite d’assister à un devoir de confrontation.

b) le rôle des enquêteurs

67. Le rôle prépondérant des forces de l’ordre pose problème : dans nombre de dossiers, l’on constate que bien souvent ce sont les policiers qui mènent l’enquête. Si l’on ne sourcille plus à la lecture de procès-verbaux où des « suggestions » de devoirs d’instruction à accomplir sont soumis au magistrat instructeur, il n’en va pas de même lorsque l’on est confronté à une situation que nous avons déjà rencontrée, à savoir le refus d’exécuter la décision d’un magistrat instructeur ordonnant l’audition d’un suspect en présence de son avocat… Les principes énoncés aux articles 55 et 56 C.I.C. sont battus en brèche…

c) la coopération volontaire des personnes morales aux devoirs d’enquête

68. Une coopération volontaire aux devoirs d’enquête est souvent acceptée, contrainte et forcée, par les personnes morales sous investigation. Le risque de médiatisation négative autour des développements d’une affaire pénale (perquisition, inculpation, etc…) entraine la volonté de se montrer déférent par rapport aux sollicitations de la justice pénale. Il s’agit là d’un calcul à très court terme. Ce faisant, les sociétés/associations concernées mettent le doigt dans un engrenage infernal : au gré des invitations formulées par les autorités judiciaires, l’on passe progressivement d’un statut de coopérateur volontaire de la justice à celui de suspect potentiel. Comment réagir dès lors ? Cesser toute collaboration reviendrait à conforter les autorités judiciaires dans l’idée que l’on cherche à cacher quelque chose (forcément criminel) ; donner suite aux demandes peut revenir à s’auto-incriminer. Il faut sortir de cette ambiguïté procédurale…

d) débat tronqué devant la chambre du conseil ?

69. La liberté d’appréciation des juridictions d’instruction94 quant au caractère suffisant ou insuffisant des charges réunies par l’instruction, ne va pas sans poser de difficultés. Il est interpellant qu’une chambre du conseil puisse renvoyer un inculpé devant le tribunal correctionnel, sur réquisition de non-lieu du parquet, confirmée à l’audience et en l’absence de toute intervention d’une partie civile. Comment doit réagir le conseil de l’inculpé s’il veut

94 V. Corr. Bruxelles (ch. Cons.), 5 mai 2011, inédit qui s’exprime comme suit : « Il résulte des articles 128,

129, 130, 229 et 231 du Code d’instruction criminelle que le législateur s’en est remis à la conscience des membres des juridictions d’instruction concernant l’appréciation du caractère suffisant ou insuffisant des charges réunies par l’instruction pour justifier soit le renvoi de l’inculpé à la juridiction de jugement, soit une décision de non-lieu. ».

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éviter que son client ne coure le risque d’être renvoyé au terme d’un débat tronqué. Ne rien faire laisse le champ libre à une décision de la chambre du conseil qui s’écarterait des réquisitions du ministère public. Passer au crible le dossier répressif pour démontrer l’inexistence de charges peut convaincre la juridiction de la solution inverse, à savoir qu’il y a là, précisément, matière pour le juge du fond à conclure à la culpabilité de l’inculpé sur la base d’éléments contenus dans le dossier répressif.

III. Conclusion

70. Au terme de cette contribution, le regard de l’avocat sur la phase préliminaire du procès pénal est forcément critique. Le caractère inquisitorial de la procédure constitue la principale source de frustration du praticien. Ses interventions sont cantonnées au strict minimum (à l’exception du contentieux de la détention préventive) et l’on a l’impression que moins il en sait, mieux la procédure pénale se porte….

Les réformes engagées par de la loi du 12 mars 1998 ont quelque peu atténué le caractère unilatéral de la phase d’instruction. Mais beaucoup de chemin reste à parcourir. L’efficacité des droits conférés reste à démontrer (notamment le droit d’accès au dossier répressif et le contentieux du référé pénal).

Ceci est bien maigre au regard des moyens tant procéduraux que techniques dont les autorités judiciaires et policières disposent pour mener à bien leurs investigations (recours systématique aux écoutes téléphoniques et/ou aux méthodes particulières de recherche, saisies « à titre conservatoire » mais qui, en fait, perdurent jusqu’à la phase de jugement, jurisprudence de plus en plus « accommodante » concernant l’admissibilité de preuves recueillies de manière irrégulière). Il y a là un déséquilibre structurel entre les prérogatives de la partie poursuivante et les droits de la défense qui ne peut être compensé par le fait que, selon l’expression consacrée, « la défense a pu contredire librement tous les éléments apportés contre elle par le ministère public. ».

C’est en définitive à une refonte complète de la phase préliminaire du procès pénal qu’il faut appeler. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme incite à s’engager dans la voie d’un système plus ouvert, où les parties et leurs conseils joueraient un rôle plus actif avec pour corollaire l’obligation de (faire) trancher, sans plus attendre, les problèmes de procédure et de ne plus reporter, comme nous le constatons dans nombre de dossiers, leur solution devant le juge du fond.

Bruxelles, le 27 février 2012

Pierre MONVILLE Mona GIACOMETTI

Avocat associé (Joynlegal) Avocat (Joynlegal)

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