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La délinquance et les gangs de rue selon la perspective des jeunes contrevenants : un regard qualitatif

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Academic year: 2021

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THÈSE PRÉSENTÉE À L’UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

COMME EXIGENCE PARTIELLE DU DOCTORAT EN PSYCHOLOGIE (D.PS.)

PAR

ANNE-MARIE DEMERS

LA DÉLINQUANCE ET LES GANGS DE RUE SELON LA PERSPECTIVE DES JEUNES CONTREVENANTS : UN REGARD QUALITATIF

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réhabilitation (Association des centres jeunesse du Québec, 2011). La présente recherche s’inscrit dans cette optique. L’adoption de certains comportements délinquants est courante à l’adolescence. Néanmoins, 5 % des adolescents au Québec auraient une conduite délinquante qualifiée de persistante (LeBlanc, 2003). Les écrits scientifiques démontrent que les jeunes contrevenants ont un parcours développemental ainsi que des caractéristiques psychologiques qui les distinguent des autres adolescents de leur âge, notamment sur le plan de la santé mentale et des traits de personnalité. Parmi ces jeunes contrevenants, certains seront affiliés aux gangs de rue. Cette affiliation est associée à une plus grande implication à la fois dans des actes délinquants violents et non-violents ainsi qu’à davantage de symptômes sur le plan de la santé mentale (Barnes, Beaver, & Mitchell Miller, 2010; Corcoran, Washington, & Meyers, 2005). L’objectif principal de cette étude, de nature qualitative et exploratoire, est de mieux comprendre la délinquance et les gangs de rue, mais du point de vue des jeunes contrevenants. L’objectif secondaire vise à vérifier la présence de regroupements, selon des caractéristiques communes, au sein de l’échantillon de jeunes contrevenants qui ont participé à la recherche. Pour y parvenir, 10 entrevues individuelles semi-structurées ont été réalisées auprès de jeunes contrevenants en mise sous garde. Pour répondre à l’objectif principal, une analyse thématique des verbatims des entrevues a été effectuée. Les résultats démontrent que, selon les participants, dont la majorité considère faire partie d’un gang ou d’une « clique », l’affiliation à un gang de rue est un processus

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graduel qui permet de répondre à des besoins individuels et qui serait généralement le résultat d’un choix conscient. D’autre part, la description d’un gang de rue fait rarement consensus chez les jeunes contrevenants, suggérant que l’expérience du gang diffère d’un jeune à un autre. Toutefois, la violence et les activités illégales font partie intégrante de l’expérience du gang de rue. Par ailleurs, le désistement est considéré comme possible bien qu’il puisse être vécu difficilement. Les participants se considèrent également comme des délinquants. Afin de répondre à l’objectif secondaire, un processus d’analyse des verbatims et des notes d’entrevue a été nécessaire. Les résultats révèlent la présence de trois regroupements qui ont été établis en fonction du désir actif de changement manifesté par les jeunes et de la motivation sous-jacente aux comportements délinquants de ceux-ci. De plus, l’expérience du gang de rue et de la délinquance s’inscrivent différemment selon le développement et la situation personnelle des jeunes d’où l’importance d’aborder ces questions en intervention et mieux comprendre le sens qu’ils y donnent. Cette étude laisse présager que l’implication d’un psychologue à titre de consultant ou d’évaluateur auprès des jeunes contrevenants associés aux gangs de rue pourrait permettre de mieux comprendre leur fonctionnement psychologique, de dépister les problématiques sur le plan de la santé mentale et d’orienter les interventions de manière à les adapter aux besoins spécifiques de chaque jeune contrevenant.

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Sommaire ... ii

Table des matières ... iv

Remerciements ... viii

Introduction ... 1

Contexte théorique ... 5

La conduite délinquante chez les adolescents ... 6

Les facteurs prédisposant à la délinquance ... 8

Facteurs environnementaux ... 8

Facteurs de risque individuels ... 11

Facteurs de protection ... 12

Les gangs de rue ... 13

Définition ... 13

L’effet de l’adhésion ... 16

Hypothèses explicatives du phénomène des gangs de rue ... 18

L’émergence des gangs de rue ... 18

Les caractéristiques des membres des gangs de rue... 19

Le processus d’affiliation ... 21

Le fonctionnement du gang de rue ... 23

Le processus de désistement des gangs de rue ... 26

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Les troubles de santé mentale ... 27

Les traits de personnalité ... 32

Méthode... 46

Participants ... 47

Instrument de collecte ... 48

Déroulement ... 49

Analyse des données ... 50

Résultats ... 53

Données sociodémographiques ... 54

Les perceptions des participants : qu’est-ce qu’ils en disent?... 55

La perception d’un gang de rue ... 56

1.1 Les hypothèses explicatives de l’affiliation à un gang de rue. ... 56

1.1.1 Les besoins ... 57

1.1.2 L’environnement ... 57

1.1.3 La notion de choix ... 58

1.2 La description d’un gang de rue. ... 59

1.2.1 La définition du terme gang de rue. ... 59

1.2.2 Le fonctionnement d’un gang de rue. ... 60

1.2.3 Les activités illégales et l’argent ... 65

1.2.4 Le désistement d’un gang de rue ... 66

1.2.5 Caractéristiques des membres d’un gang de rue ... 67

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1.3.1 L’implication dans un gang de rue ... 71

1.3.2 Histoire d’affiliation ... 73

1.3.3 Abandon du gang de rue ... 76

La perception de la délinquance ... 77

2.1 Caractéristiques des délinquants ... 77

2.2 Perception de sa délinquance ... 81

Les jeunes contrevenants, tous pareils? ... 85

Non désir actif de changement/recherche de sensations fortes et impulsivité ... 87

Non désir actif de changement/pour les bénéfices du crime ... 90

Désir de changement ... 94

Discussion ... 99

Les gangs de rue et la délinquance, les points de vue des participants ... 100

L’importance de la définition ... 100

Le gang vu de l’intérieur ... 103

Qui sont les membres d’un gang de rue? ... 106

Les délinquants... 108

Pourquoi joindre les gangs de rue et devenir délinquant?... 110

Quitter les gangs et cesser d’être délinquant ... 115

Vers une vision plus nuancée des jeunes contrevenants ... 118

Suggestions pour l’intervention ... 126

Recherches futures ... 130

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Conclusion ... 134

Références ... 138 Appendice A : Critères diagnostiques du Trouble de la personnalité antisociale selon le DSM-IV-TR ... 148 Appendice B : Critères diagnostiques du Trouble des conduites selon le DSM-IV-TR 150 Appendice C : Guide d’entrevue ... 152

Appendice D : Tableau des catégories et des thèmes ... 156 Appendice E : Données sociodémographiques ... 158

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son encadrement, son soutien et sa passion pour la recherche. J’ai longtemps pensé que je n’arriverais pas à réaliser un projet d’une telle envergure, mais à chaque rencontre avec Mme Laurier j’en ressortais motivée et pleine d’espoir. Je tiens aussi à la remercier de m’avoir aidée à combattre mon plus grand obstacle : la procrastination. Ces apprentissages me serviront toute ma vie. Il n’est pas exagéré de dire que sans son soutien, le chemin aurait été beaucoup plus long et souffrant. Merci Catherine.

En deuxième lieu, je veux aussi remercier M Miguel M. Terradas qui a accepté de me diriger pendant plus d’une année, en remplacement de Mme Laurier. Je le remercie de sa patience et de son soutien chaleureux qui m’ont ainsi permis de terminer ma rédaction, une étape cruciale.

Merci pour le soutien financier du Centre jeunesse de Montréal- Institut Universitaire (CJM- IU) qui a facilité l’aboutissement de ce projet en m’octroyant une bourse de fin d’études. C’est une aide qui est grandement appréciée surtout dans un contexte (doctorat clinique en psychologie) où les soutiens financiers sont trop peu nombreux. Merci d’encourager la recherche.

Pour terminer, je tiens à remercier mon conjoint, Jonathan qui m’a encouragée et accompagnée durant les moments difficiles et qui a su demeurer soutenant et optimiste

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lors de mes grandes périodes d’incertitude. Je remercie aussi mes parents et ma soeur, Andrée, François et Maude pour leur soutien inconditionnel et leur compréhension tout au long de ce laborieux parcours. Je désire aussi remercier mes amis qui m’ont accompagnée durant toutes ces années. Merci à Miriam qui m’a permis de normaliser les émotions vécues tout au long du processus. Un merci spécial à Jean-Marc pour son aide précieuse pour la mise en page et à Julie, ma cousine, pour avoir pris le temps de s’assurer de la qualité de la langue.

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adolescents (Projet de loi C-10 adoptée en 2011) ont permis à l’Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ) de réitérer sa position à l’égard de l’importance de la prévention et de la réhabilitation des jeunes contrevenants (ACJQ, 2011). Afin de pouvoir prodiguer des services spécialisés et adaptés à cette clientèle, il appert essentiel de mieux comprendre ce qui caractérise ces adolescents et les enjeux qui y sont associés. Parmi ces enjeux, le phénomène des gangs de rue est sans doute un de ceux qui suscitent de nombreuses interrogations et inquiétudes de la part des autorités et de la population. En ce sens, les fonds ministériels accordés à la recherche sur les gangs de rue et la stratégie provinciale de prévention de ce phénomène témoignent de l’importance qui lui est accordée. La recherche « Évaluer pour prévenir : les caractéristiques de la personnalité et les risques pris par les jeunes contrevenants associés aux gangs de rue » effectuée par Laurier, Guay, Lafortune, et Toupin (2015) dans laquelle s’inscrit la présente étude, a d’ailleurs été subventionné par le Fonds de recherche québécois sur la société et la culture (FRQSC).

La majorité des écrits scientifiques sur la délinquance juvénile et les gangs de rue proviennent d’études réalisées aux États-Unis, les recherches sur les gangs de rue menées au Québec étant beaucoup plus récentes. Les travaux sur les gangs de rue au Québec ont pris leur essor en 1996, soit au moment de la mise sur pied du projet

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Jeunesse et gangs de rue par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) (Guay & Fredette, 2010). De plus, il existe une absence de consensus quant à la définition même de ce qu’est un gang de rue (Guay & Couture-Poulin, 2012). Cette absence de définition claire soulève l’importance de poursuive les recherches à cet égard. Une des stratégies fréquemment utilisées par la recherche pour pallier cette difficulté est l’auto-identification, méthode qui consiste à demander à la personne elle-même si elle considère faire partie d’un gang de rue (Esbensen, Winfree, He, & Taylor, 2001; Webb, Katz, & Decker, 2006). Dans cet esprit, les jeunes contrevenants eux-mêmes s’avèrent être une source d’information à privilégier pour mieux décrire et comprendre le phénomène des gangs de rue.

La présente étude s’intéresse à la perception qu’ont les jeunes contrevenants de la délinquance et du phénomène des gangs de rue ainsi qu’aux particularités et aux caractéristiques de ces jeunes. Afin de favoriser une intervention adaptée, une meilleure compréhension des caractéristiques psychologiques de cette clientèle est essentielle. Plusieurs études en provenance des États-Unis révèlent que les jeunes contrevenants présentent une forte prévalence de troubles de santé mentale (Abram, Teplin, McClelland, & Dulcan, 2003; Teplin, Abram, McClelland, Dulcan, & Mericle, 2002). Toutefois, ces recherches sont peu prises en compte dans les interventions actuelles en centres jeunesse qui visent principalement à remplacer les conduites délinquantes par des comportements adaptés afin que ces jeunes puissent se réinsérer dans la société et que les risques de récidive diminuent (Cournoyer & Dionne, 2007). Néanmoins, les

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jeunes contrevenants sont souvent réfractaires et acceptent peu de s’engager avec des professionnels œuvrant en santé mentale (Swearingen, 2002). Cette réticence pourrait être attribuée à la présence de certains traits de personnalité associés au trouble de la personnalité antisociale et à la psychopathie (Polaschek & Daly, 2013; Salekin, Worley, & Grimes, 2010).

En somme, cette étude vise à mieux comprendre le point de vue des jeunes contrevenants sur des thématiques qui les concernent directement soient la délinquance et le phénomène des gangs de rue. Elle cherche également à mieux cerner ce qui caractérise ces jeunes sur le plan psychologique. Ainsi, des regroupements parmi les participants seront effectués, à partir de la lecture des verbatims, en fonction de caractéristiques communes. La méthode qualitative est privilégiée, celle-ci permettant d’explorer les perceptions des participants et d’enrichir la compréhension d’un phénomène (Elliott, Fischer, & Rennie, 1999).

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qui y sont associés, et ce, principalement du point de vue de la criminologie. Il appert d’abord que la délinquance est une notion assez large du fait qu’elle regroupe une diversité de comportements très distincts, notamment en termes de gravité (Born, 2005; LeBlanc, 2010). À la différence de la conduite délinquante adulte, les comportements délinquants chez les adolescents comprennent également, en plus des actes illégaux définis par le Code criminel, les actes jugés illégaux pour les mineurs en raison de leur âge (p. ex., la consommation d’alcool), aussi appelés délinquance statutaire (LeBlanc, 2003).

Compte tenu de la grande diversité de comportements inclus dans sa définition, l’adoption de comportements délinquants est commune à l’adolescence. Ainsi, environ 80 % des adolescents admettent avoir commis au moins une infraction par année sans se faire arrêter (LeBlanc, 2003). Quatre-vingt-huit pourcent de ces transgressions avouées se rapportent à de la délinquance statutaire, soit des gestes qui n’ont pas respecté un statut ne s’appliquant qu’aux adolescents (p. ex., loi scolaire, consommation d’alcool). Néanmoins, 82 % des adolescents qui admettent avoir commis une infraction sans se faire prendre, ont également contrevenu au Code criminel et auraient pu être amenés devant les tribunaux. Pour la majorité des individus, la conduite délinquante à

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l’adolescence serait transitoire. Elle s’inscrirait ainsi dans une période d’apprentissage et n’affecterait pas de façon durable le développement personnel et social de l’individu (Fréchette & LeBlanc, 1987). Pourtant, 5 % des adolescents présenteraient une conduite délinquante qualifiée de persistante et seraient, à eux seuls, responsables d’au moins 60 % des actes délinquants commis par les adolescents qui sont connus par les services de police (LeBlanc, 2003). La conduite délinquante persistante se caractérise par l’assiduité et l’aggravation des délits de l’enfance à l’adolescence (LeBlanc, 2003).

LeBlanc (2003) propose une théorie du cycle de la conduite déviante selon trois mécanismes, permettant de mieux comprendre comment débute, s’amplifie et se consolide la délinquance chez les jeunes. Le premier mécanisme est celui de l’activation, qui réfère à la manière dont se développent les activités délictueuses lors de leur apparition et à la façon dont leur persistance est assurée. Plus les activités délictueuses sont précoces, plus celles-ci seront abondantes, durables et variées. Le deuxième mécanisme, l’aggravation, renvoie à la gradation des activités délictueuses qui passent de délits mineurs vers des délits plus graves. Le troisième mécanisme est celui du désistement, qui consiste à une cessation des activités délictueuses après un effet de saturation. En ce sens, plus la durée de l’activité criminelle est longue, fréquente, variée et grave, plus le désistement devient probable et ce, avec un effet de saturation (LeBlanc, 2003).

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Une distinction est établie dans les écrits scientifiques entre les délinquants à début précoce et ceux à début tardif (Moffitt, 1993). Les jeunes délinquants à début précoce ont des conduites délinquantes qui persisteraient à l’âge adulte (Henry, Caspi, Moffitt, & Silva, 1996; Moffitt & Caspi, 2001; Taylor, Iacono, & McGue, 2000). Or, la conduite délinquante qualifiée de persistante débute tôt dans la vie, généralement autour de l’âge de 10 ans, et commence par des infractions mineures (p. ex., vol à l’étalage) pour progresser vers des délits majeurs (p. ex., vols par effraction, délits graves contre la personne) et ce, avant l’âge de 15 ans (LeBlanc, 2003). De plus, le fait de commettre des délits en groupe, ce qui est particulièrement fréquent à l’adolescence, aurait pour effet d’augmenter la fréquence et la gravité des activités délictueuses (Andresen & Felson, 2012).

Les facteurs prédisposant à la délinquance

Étant donné que la conduite délinquante peut tendre à s’aggraver et persister à l’âge adulte, il est nécessaire de mieux comprendre ce qui amène certains adolescents à endosser des comportements qui dévient autant de la norme. Avant de s’attarder aux caractéristiques psychologiques spécifiques des jeunes contrevenants, il importe de s’intéresser aux facteurs prédisposant à la délinquance.

Facteurs environnementaux

Plusieurs études rapportent la présence de facteurs environnementaux qui seraient associés à l’émergence d’une problématique de délinquance chez les jeunes. Sur le plan

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des facteurs sociaux, une étude réalisée à partir d’un échantillon de 355 adolescents en mise sous garde au nord-est des États-Unis démontre que l’exposition à la violence dans la communauté serait fortement liée au développement de la délinquance sévère (Preski & Shelton, 2001). La pauvreté serait également un facteur de risque associé à l’émergence de la délinquance. En effet, Pagani, Boulerice, Vitaro et Tremblay (1999) ont analysé les données longitudinales (de la maternelle à l’âge de 16 ans) d’un échantillon de 497 garçons provenant de quartiers défavorisés de Montréal et sont arrivés à la conclusion que la pauvreté (avoir un revenu qui ne permet pas de répondre aux besoins de base) prédisait effectivement la délinquance. Toutefois, ce serait la pauvreté vécue par intermittence qui prédirait le mieux la délinquance grave (p. ex., battre un innocent, vandaliser une automobile). En effet, les auteurs émettent l’hypothèse explicative selon laquelle les jeunes qui ont vécu la pauvreté de manière intermittente, contrairement à ceux qui n’ont connu que la pauvreté, vivent davantage de frustrations dues au fait d’avoir fait l’expérience d’une situation économique plus favorable et donc vivent une perte associée au changement de statut économique. Ainsi, la frustration générée par cette instabilité économique pourrait les rendre plus à risque de développer une délinquance grave (Pagani et al., 1999). De plus, plusieurs études établissent que l’association à des pairs délinquants est à la fois un facteur qui prédit la délinquance au début de l’adolescence et augmente le taux de comportements violents et délinquants durant l’adolescence (Brendgen, Vitaro, & Bukowski, 2000; Craig, Vitaro, Gagnon, & Tremblay, 2002; Lacourse, Nagin, Tremblay, Vitaro, & Claes, 2003; Vitaro, Brendgen, & Tremblay, 2000).

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Sur le plan familial, une supervision parentale inadéquate, des pratiques parentales incluant peu de renforcement positif et une faible participation du jeune aux activités de la famille seraient des facteurs associés à l’émergence de la conduite délinquante chez les adolescents (Farrington, Loeber, Yin, & Anderson, 2002), tout comme la présence de conflits avec la mère (Claes & Lacourse, 2001). Des études provenant de données longitudinales collectées auprès de jeunes contrevenants émettent le constat que le fait d’avoir vécu en foyer d’accueil, la présence d’actes délinquants chez un membre de la famille, l’exposition à des comportements criminels et l’abus de substance augmentent significativement le risque de délinquance précoce (Alltucker, Bullis, Close, & Yovanoff, 2006; Preski & Shelton, 2001). Le fait d’être issu d’une famille séparée où l’enfant est privé de la présence d’un de ses parents biologiques est également considéré comme un facteur de risque (Juby & Farrington, 2001). Selon Juby & Farrington (2001), ce risque serait d’ailleurs accru lorsque la séparation des parents est le résultat de relations conflictuelles. Les auteurs soulignent que la séparation des parents a un plus grand impact lorsqu’elle survient durant la petite enfance (0-5 ans) et le début de l’adolescence (10-14 ans). Dans les cas où cette séparation est la conséquence du décès d’un parent, la mort de la mère est associée à un plus haut taux de délinquance que celle du père (Juby & Farrington, 2001). Il paraît ainsi clair que l’environnement, autant à un niveau distal que proximal, joue un rôle important dans le développement de la délinquance persistante.

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Facteurs de risque individuels

Certaines caractéristiques individuelles sont associées à un plus grand risque de développement de la délinquance (Murray & Farrington, 2010). Ces traits incluent un tempérament difficile (p. ex., peu d’autocontrôle, hyperactivité) et des lacunes aux plans cognitifs et neurocognitifs (Moffitt & Caspi, 2001). Sur le plan cognitif, plusieurs études démontrent que des résultats moins élevés aux tests d’intelligence et, plus précisément, des déficits sur le plan du raisonnement verbal et au niveau des fonctions exécutives caractérisent les jeunes contrevenants (Enns, Reddon, Das, & Boukos, 2007; Moffit & Caspi 2001; Taylor et al., 2000). Ces jeunes réussissent mieux aux tâches non verbales que verbales (p. ex., aux sous-tests Blocs et Assemblage d’objets) suggérant ainsi une meilleure performance (se situant au niveau de la moyenne) lorsque la tâche implique la manipulation d’objets concrets et un support visuel (Murray & Farrington, 2010). Conséquemment, la présence de lacunes au niveau de la manipulation de concepts abstraits pourrait se traduire par une plus grande difficulté à prévoir les conséquences de leurs actes et expliquer, en partie, leur tendance à commettre des délits (Murray & Farrington, 2010). De plus, plusieurs études font ressortir que l’impulsivité est un trait caractéristique des individus délinquants (Carroll et al., 2006; Murray & Farrington, 2010; Romero, Luengo, & Sobral, 2001). Au plan neurocognitif, Sibley et ses collaborateurs (2011) ont, à partir de données longitudinales en provenance de Pittsburgh aux États-Unis, comparé un groupe clinique de 288 garçons ayant reçu un diagnostic de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) entre l’âge de 5 et 12 ans à un groupe similaire sur le plan démographique, mais non clinique

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de 209 garçons. Les résultats de cette étude révèlent que le TDAH est un facteur de risque associé à la délinquance qui apparaît encore plus prégnant lorsqu’il est en concomitance avec le trouble des conduites. Certaines pistes génétiques sont également mises de l’avant comme facteurs prédisposant à la manifestation de caractéristiques individuelles associées à la délinquance (Iacono, Malone, & McGue, 2008; Taylor et al., 2000). Néanmoins, sans minimiser l’importance de la vulnérabilité génétique, il appert essentiel, dans le cadre de ce travail, de s’attarder aux éléments qui en favorisent l’émergence et le maintien.

Facteurs de protection

Les études sur les facteurs de protection permettent de mieux comprendre la conduite délinquante, mais sont beaucoup moins abondantes que celles sur les facteurs de risque. Les facteurs de protection contribuent à une diminution du risque de développer des comportements problématiques. Ils peuvent ainsi modérer l’influence des facteurs de risque sur le développement de la conduite délinquante (Jessor, Van Den Bos, Vanderryn, Costa, & Turbin, 1995). L’étude de Carr et Vandiver (2001), réalisée aux États-Unis à partir des archives de 76 jeunes contrevenants (43 garçons et 33 filles de 11 à 17 ans), révèle que des facteurs de protection jouent un rôle important au regard de la réduction de la récidive. Selon les conclusions des auteurs, les jeunes qui ne récidivent pas sont caractérisés par un sentiment de satisfaction envers eux-mêmes, l’impression d’avoir généralement une bonne entente avec les autres et d’avoir des amis, une attitude positive à l’égard de l’école et de la police ainsi que par la présence d’un milieu familial

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structurant et soutenant. Bien que la taille de l’échantillon demeure assez restreinte et que les facteurs de protection recherchés étaient limités à une liste préétablie, cette étude permet néanmoins de conclure que certains facteurs sont associés à un risque moindre de récidive chez les jeunes contrevenants. Une autre étude s’intéressant aux facteurs de protection a utilisé un devis mixte, combinant la méthodologie quantitative et qualitative avec un échantillon de 300 jeunes contrevenants (Simões, Matos, & Batista-Foguet, 2008). Les résultats issus de la partie quantitative démontrent, à l’instar de l’étude de Carr et Vandiver (2001), que la satisfaction envers l’école et les relations positives avec ses collègues de classe agissent comme facteurs de protection au regard de la délinquance. L’analyse qualitative réalisée à partir de l’étude de 24 participants souligne l’importance d’avoir des amis non-délinquants, des habiletés socio-cognitives, de percevoir les situations à risque, d’entretenir des relations positives avec le personnel scolaire et d’obtenir du soutien et de l’affection de la famille (Simões et al., 2008). Les facteurs de protection s’avèrent ainsi essentiels dans une optique de prévention de la délinquance et de la récidive.

Les gangs de rue Définition

Il importe de s’intéresser au phénomène des gangs de rue qui pourrait être considéré comme le versant extrême de la délinquance perpétrée en groupe. En effet, selon certains auteurs, l’effet du gang de rue sur les jeunes qui y sont associés serait spécifique et irait au-delà du fait d’avoir des amis délinquants (Gatti, Tremblay, Vitaro, & McDuff, 2005).

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Pour certains auteurs, le niveau d’organisation du gang de rue pourrait expliquer l’effet de celui-ci sur les comportements délinquants et la violence perpétrés par ses membres (Bouchard & Spindler, 2010). Il est cependant difficile de mesurer l’ampleur du phénomène étant donné qu’il n’existe actuellement aucun consensus dans les écrits scientifiques quant à la définition de ce qu’est gang de rue et de ce qui défini le « membre » de gang de rue (Guay & Couture-Poulin, 2012). Malgré ce constat, Hébert, Hamel et Savoie proposaient en 1997, suite à leur recension des écrits scientifiques, une définition du phénomène des gangs de rue qui est adaptée à la population québécoise :

Un gang réfère à une collectivité de personnes (adolescents, jeunes adultes et adultes) qui a une identité commune, qui interagit en clique ou en grand groupe sur une base régulière et qui fonctionne, à des degrés divers, avec peu d'égard pour l'ordre établi. En général, les gangs regroupent des personnes de sexe masculin dont plusieurs sont issues des communautés culturelles et ils opèrent sur un territoire, en milieu urbain et à partir de règles. À cause de leur orientation antisociale, les gangs suscitent habituellement dans la communauté des réactions négatives et, de la part des représentants de la loi, une réponse organisée visant à éliminer leur présence et leurs activités. (p. 41)

Cette définition demeure encore une référence aujourd’hui (Hamel, Alain, Newman & Domond, 2013). Les diverses instances gouvernementales ont également une compréhension du phénomène qui influence directement le système judiciaire, social et pénal. Selon le dernier rapport sur le crime organisé du Service canadien de renseignements criminels (SCRC, 2010), la structure, la composition et les membres des gangs de rue diffèrent d’un endroit à l’autre. En effet, le nombre, le sexe et l’âge des membres varient généralement selon le contexte démographique de la région. Certains

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gangs sont organisés selon leurs relations familiales ou amicales alors que d’autres sont hiérarchisés et ont une organisation plus complexe. Toutefois, certaines caractéristiques seraient communes à la majorité des gangs de rue telles que l’utilisation par les membres d’un emblème, d’un nom ou d’un symbole d’appartenance, d’un rituel d’adhésion et d’un code de conduites et d’obligations (SCRC, 2010). Selon le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), le trafic de drogue serait l’activité criminelle principale des gangs de rue, suivie du proxénétisme. De plus, l’utilisation d’armes à feu serait courante lors des crimes commis par les gangs de rue (www.spvm.qc.ca). Le SPVM propose d’ailleurs une définition des gangs de rue qui se trouve sur le site internet officiel de cet organisme :

Un gang de rue est un regroupement plus ou moins structuré d’adolescents ou de jeunes adultes qui privilégient la force de l’intimidation du groupe et la violence pour accomplir des actes criminels dans le but d’obtenir pouvoir et reconnaissance et/ou de contrôler des sphères d’activités lucratives.

Toujours selon le site du SPVM, il y aurait trois profils de gang de rue, soit la bande de jeunes, le gang émergent et le gang majeur. Ces trois groupes se distinguent par leur organisation et la gravité des infractions commises par les membres, la bande de jeunes étant la moins organisée et dont les infractions sont les moins sévères. Le nombre de gangs de rue majeurs sur le territoire de Montréal serait estimé à environ 20.

Selon Guay et Gaumont-Casias (2009), la définition d’Hébert et ses collaborateurs (1997) de même que celle du SPVM sont les plus fréquemment utilisées au Québec. En

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somme, malgré ces difficultés conceptuelles, certaines stratégies permettent d’étudier le phénomène. Parmi ces stratégies, celle de l’autorévélation ou de l’auto-identification, qui consiste à demander aux personnes elles-mêmes si elles considèrent faire partie d’un gang de rue, s’avère un moyen assez fiable et valide de distinguer les membres de gang de rue des non-membres (Esbensen et al., 2001; Webb et al., 2006). Ces stratégies comportent néanmoins des limites telles que la présence d’une grande diversité de perceptions relatives à l’appartenance et la difficulté à situer le niveau réel d’implication (Guay & Fredette, 2010).

L’effet de l’adhésion

La violence et les actes délinquants constituent des caractéristiques fréquemment associées aux gangs de rue. En analysant les données longitudinales, prises à trois temps différents, de plus de 14 000 adolescents provenant des États-Unis, Barnes, Beaver et Mitchell Miller (2010) font ressortir que l’adhésion à un gang de rue est associée à une plus grande implication dans des actes délinquants violents et non violents. Quant à eux, Thornberry, Krohn, Lizotte et Chard-Wierschem (1993) proposent trois modèles explicatifs permettant de mieux comprendre l’effet du gang de rue sur la conduite délinquante. Le modèle de la « sélection » propose que les jeunes les plus délinquants sont les plus enclins à s’associer aux gangs de rue. À contrario, le modèle de la « facilitation » avance que c’est l’association aux gangs de rue qui favorise l’utilisation de comportements délinquants chez les jeunes qui, avant de les joindre, n’étaient pas différents des autres adolescents. Le modèle « mixte » combine les deux visions et paraît

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l’explication la plus plausible. Il suggère que les jeunes qui joignent les gangs de rue présentent déjà un haut niveau de délinquance au départ et que l’expérience du gang de rue a pour effet d’exacerber leurs comportements délinquants (Thornberry et al., 1993). Une étude montréalaise réalisée auprès de 756 garçons sur une période de 6 ans (entre l’âge de 10 et 16 ans) confirme la validité du modèle mixte chez les jeunes qui s’associent aux gangs de rue de façon durable (au moins deux années consécutives) (Gatti et al., 2005). Il est à noter que cette étude longitudinale a été réalisée à partir d’un échantillon de jeunes non délinquants. Ainsi, au terme de l’étude, le nombre de jeunes ayant fait l’expérience du gang est somme toute beaucoup moins élevé et correspond plutôt à un échantillon de 276 participants. De plus, cette étude ne représente pas l’ensemble de la population délinquante montréalaise, l’échantillon étant composé uniquement de francophones canadiens provenant de milieux défavorisés. Ainsi, il pourrait être pertinent de mener ce type d’étude en incluant les milieux non défavorisés ainsi que les jeunes immigrants afin de dresser un portrait plus global. Par ailleurs, comme les auteurs le mentionnent, la majorité des études longitudinales sur les gangs de rue ont été menées aux États-Unis auprès d’une population afro-américaine. Il serait donc pertinent d’y comparer la situation des jeunes québécois de cette même origine ethnique. Le contexte sociopolitique étant différent au Québec, il se pourrait que les résultats issus des recherches provenant des États-Unis soient peu généralisables à la population québécoise.

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Hypothèses explicatives du phénomène des gangs de rue L’émergence des gangs de rue

L’étude du sociologue américain Frederic Milton Thrasher, bien que publiée en 1927, demeure encore pertinente pour comprendre le phénomène des gangs de rue (Wood & Alleyne, 2010). Selon Thrasher (1927), qui a étudié les gangs de rue à Chicago, ce phénomène prend naissance dans les milieux où règne la désorganisation sociale. Il est le résultat, entre autres, de la densité, de la pauvreté et de la mobilité des résidents. Comme conséquence de cette désorganisation sociale s’ensuit une détérioration des institutions sociales, telles que l’école et la famille, qui deviennent alors incapables de répondre aux besoins des jeunes. Ainsi, pour Thrasher, c’est dans un effort pour se créer une société qui réponde à leurs besoins que les gangs de rue se constitueraient. En ce sens, Spergel (1995) considère également que les gangs de rue servent les intérêts et besoins des jeunes vulnérables issus de milieux où les institutions sociales, économiques et religieuses ne fonctionnent pas adéquatement, et ce, surtout à l’adolescence et au début de l’âge adulte. Les gangs de rue permettraient de répondre à ces besoins en procurant une protection physique, un soutien social, un sentiment de solidarité et d’identité culturelle, une forme d’éducation morale ainsi que des opportunités pour augmenter l’estime de soi, la fierté et parfois même les gains économiques (Spergel, 1995). D’autres théories permettent de comprendre l’émergence des gangs de rue dans les centres urbains (voir, par exemple, Wood & Alleyne, 2010). Toutefois, dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons davantage aux variables proximales c’est-à-dire à

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celles qui réfèrent à l’environnement immédiat de l’individu ainsi qu’aux caractéristiques individuelles.

Les caractéristiques des membres des gangs de rue

Les jeunes provenant de milieux instables ne joignent pas tous, heureusement, les gangs de rue. Ainsi, certaines caractéristiques seraient spécifiques aux jeunes qui s’y associent. Selon la recension des écrits de Hébert et ses collaborateurs (1997), les membres des gangs de rue sont souvent des garçons issus des communautés culturelles récemment immigrées, âgés de 14 à 25 ans. Ils ont des parents ayant un statut économique peu élevé et ont une durée d’affiliation au gang généralement inférieur à un an. Dans leur recension des écrits, Hamel et ses collaborateurs (2013) constatent que cette tendance à répertorier l’origine culturelle des membres de gang aurait malheureusement eu comme effet subséquent d’inciter les chercheurs à étudier le phénomène des gangs de rue comme étant une manifestation de la criminalité des groupes ethniques. Néanmoins, selon Hamel et ses collaborateurs en 2013, la littérature actuelle traite maintenant les questions ethnoculturelles de manière différente en ce sens où l’attention est davantage dirigée vers l’hétérogénéité culturelle des gangs contemporains. Par ailleurs, bien que la vaste majorité des études sur les gangs de rue soit basée sur les garçons qui y sont associés, celles ayant ciblé les filles démontrent que l’expérience est fort différente et doit être mieux documentée ce qui ne permet pas d’inclure les deux genres à l’intérieur du même échantillon (Hamel et al., 2013).

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Étant donné que les jeunes qui joignent les gangs de rue pourraient également être des délinquants au départ (modèle mixte de Thornberry et ses collaborateurs (1993)), il appert pertinent de s’attarder aux facteurs qui sont spécifiques à l’affiliation aux gangs de rue. De façon générale, les délinquants associés aux gangs de rue proviennent de milieux familiaux désunis (présence d’un seul parent), avec un frère ou une sœur ayant des comportements délinquants où il y a peu de contrôle familial, peu de supervision parentale et d’affection dans la relation parent-enfant, ainsi que des attitudes favorisant la violence de la part des parents (Gatti et al., 2005; Hébert et al., 1997; Hill, Howell, Hawkins, & Battin-Pearson, 1999). En plus des difficultés familiales, les jeunes associés aux gangs de rue présenteraient également des difficultés scolaires. Selon une analyse de données longitudinales issues d’un échantillon de 808 jeunes de Seattle aux États-Unis, le manque d’aspirations, d’accomplissement, d’engagement et d’attachement envers l’école entre 10 et 12 ans ainsi que le fait d’être identifié comme ayant des troubles d’apprentissage à l’école primaire seraient des facteurs qui prédiraient l’association aux gans de rue plus tard (Hill et al., 1999).

Sur le plan individuel, les jeunes présentant des problèmes de comportements extériorisés (p. ex., l’hyperactivité et les comportements d’opposition), de bas niveaux d’anxiété et une difficulté à apprendre des alternatives pro-sociales exhibent des comportements délinquants plus précocement que les autres (Hill et al., 1999; Craig et al., 2002). L’association à des pairs délinquants serait également un facteur de risque associé à l’affiliation ultérieure à un gang de rue. Certains auteurs émettent l’hypothèse

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selon laquelle les problèmes de comportement précoces pourraient contribuer à un rejet de la part du groupe de pairs lorsque ces derniers ont tendance à émettre des comportements pro-sociaux, soit des actions volontaires ayant pour objectif d’en faire bénéficier les autres et de contribuer aux relations sociales (Eisenberg, Fabes, & Spinrad, 2006). Ces jeunes se retrouveraient alors mieux acceptés au sein de groupe de pairs déviants, rendant ainsi l’apprentissage de comportements pro-sociaux plus ardu (Craig et al., 2002).

En somme, c’est la prise en considération de l’interaction des facteurs de risque entre eux qui fournit le portrait le plus juste des jeunes à risque d’intégrer un gang de rue. Par exemple, les jeunes qui grandissent dans des quartiers défavorisés du point de vue socio-économique (facteur de risque environnemental) et qui présentent un haut niveau d’hyperactivité, un bas niveau d’anxiété et une faible tendance à manifester des comportements pro-sociaux (facteurs de risque individuel) seraient particulièrement à risque de s’affilier à un gang de rue (Dupéré, Lacourse, Willms, Vitaro, & Tremblay, 2007).

Le processus d’affiliation

L’affiliation à un groupe de pairs répond à plusieurs besoins tels qu’apprendre à être en relation avec des pairs ou partager des intérêts communs (Hébert et al., 1997). Chez les jeunes qui s’associent aux gangs de rue ces besoins s’additionnent à d’autres tout aussi fondamentaux qui semblent ne pas pouvoir s’assouvir dans leur environnement et

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auxquels les gangs de rue paraissent être capables de répondre. Selon Spergel (1995), ces besoins peuvent être reliés à la sécurité au plan physique, au désir d’avoir du plaisir, de bénéficier d’une sécurité financière (argent) ou encore au besoin d’avoir une famille substitutive. La violence serait utilisée dans les gangs car elle permet à la fois de satisfaire les besoins personnels des membres, notamment ceux de la reconnaissance, de la réputation et de statut et d’augmenter la cohésion entre les membres (Spergel, 1995). Une étude réalisée par Hamel, Fredette, Blais et Bertot (1998) à partir d’un échantillon montréalais composé de 31 jeunes ayant fait l’expérience des gangs de rue (21 garçons), offre un éclairage important sur la façon dont ceux-ci perçoivent les raisons de s’affilier à un gang de rue. Les principales raisons évoquées pour joindre les gangs de rue sont, en ordre décroissant d’importance; le besoin de reconnaissance, l’influence d’un ami, le besoin d’appartenir à une famille, l’intérêt pour l’image projetée par les gangs de rue, le besoin de protection, le besoin de valorisation, l’influence d’un membre de la famille et, finalement, le besoin d’argent (Hamel et al., 1998). Ces résultats soutiennent ainsi les travaux de Spergel (1995) à l’égard des besoins auxquels répond un gang de rue. En somme, l’affiliation aux gangs de rue permet de pallier plusieurs besoins personnels non comblés chez des jeunes vulnérables.

Le processus d’affiliation se fait habituellement de façon progressive en passant par les réseaux de connaissances (Hamel et al., 2013; Spergel, 1995). Les travaux de Hamel et ses collaborateurs (1998) soulignent que plusieurs jeunes ont été mis en contact avec les gangs de rue durant leur enfance, mais qu’ils en deviennent membres en moyenne

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vers l’âge de 14 ans pour les garçons. Certains participants évoquent la présence, dans le quartier où ils ont grandi, d’un historique relié aux gangs de rue. Toutefois, pour la plupart des jeunes de cet échantillon, la connaissance des membres d’un gang de rue se fait généralement à l’école par l’intermédiaire d’amis. L’entrée dans un gang de rue ne se fait pas de manière coercitive, puisque 96,8 % des participants rapportent ne pas avoir été forcés. Ils côtoient généralement les membres du gang de rue pendant un certain temps, développent des liens de confiance et s’impliquent de plus en plus auprès du gang. Les membres du gang de rue testent, pendant cette période de temps, leur loyauté et leur capacité d’être membres avant de les inviter à les joindre « officiellement » (Hamel et al., 1998). Il est toutefois important de rappeler que l’association à un gang demeure, pour la plupart, un phénomène transitoire (Gatti et al., 2005).

Le fonctionnement du gang de rue

Selon Hébert et al. (1997), la majorité des gangs de rue composée par des jeunes n’a pas un niveau d’organisation très complexe. Toutefois, l’étude de Hamel et ses collaborateurs (1998), révèle que plus de 80 % des participants ont été associés à un gang de rue possédant un nom, des signes de reconnaissance et un lieu de rencontre précis. La même recherche rapporte qu’environ 66 % des jeunes impliqués dans un gang de rue considèrent avoir eu un chef, une hiérarchie entre les membres ainsi que des règlements et une forme d’initiation. Toutefois, ces données provenant d’un petit échantillon sont moins généralisables à l’ensemble de jeunes impliqués dans des gangs de rue.

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S’inspirant des travaux de Spergel (1995), Hébert et ses collaborateurs (1997) ont proposé une typologie des membres d’un gang de rue selon cinq rangs. Il y a d’abord les membres centraux, qui s’assurent du fonctionnement du gang de rue, prennent les décisions importantes et recrutent d’autres membres. De par leur rôle de leaders, ils assurent la stabilité du gang de rue. Ils sont également les plus impliqués sur le plan de la participation aux activités criminelles et ils déterminent généralement le niveau de violence du groupe. En deuxième lieu, il y a les membres périphériques et associés qui sont considérés comme ayant un rang inférieur aux membres centraux. Ils ont une participation irrégulière aux activités du gang de rue. Ensuite, on trouve les membres flottants ou ayant un statut spécial, reconnus davantage comme des associés en ce sens où ils ne font pas clairement partie du gang de rue. Ils peuvent ainsi être en relation avec plusieurs gangs de rue et agissent le plus souvent de manière ponctuelle, lorsque le gang a besoin de leurs services. C’est un statut qui est généralement très respecté au sein du gang. Les plus jeunes adolescents constituent souvent les recrues. Ils ne sont pas encore membres, mais ils sont considérés comme des aspirants. Finalement, il y a les vétérans, qui ne sont plus des membres actifs, mais qui accomplissent un rôle de conseillers (Hébert et al., 1997). Selon la méta-analyse de Hamel et ses collaborateurs (2013), les membres décideurs qui forment le noyau dur, ne représenteraient que 10% de l’ensemble du groupe et les membres associés et périphériques seraient les plus nombreux et parmi lesquels les membres les moins âges se retrouveraient. Toutefois, les observations récentes sur la structure des gangs révéleraient que celles-ci seraient généralement très

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peu d’organisées (Hamel et al., 2013). Ainsi, il est possible de remettre en question la pertinence d’utiliser une typologie telle que proposée par Hébert et ses collaborateurs (1997). Toutefois, il est possible que certains éléments de cette typologie s’avèrent encore utiles à la compréhension des relations entre les membres du gang.

Pour démontrer leur appartenance et se distinguer des autres gangs de rue, les membres peuvent utiliser différents symboles. Ils peuvent également afficher les couleurs de leur gang de rue, utiliser certains types de vêtements ou d’accessoires vestimentaires (p. ex., mettre un « bandana » ou un foulard de la couleur du gang), arborer une coiffure ou des tatouages spécifiques, porter des armes distinctes (autre que les fusils et les couteaux), utiliser un jargon particulier et faire des gestes associés à leur gang de rue (Spergel, 1995).

Les activités criminelles associées aux gangs de rue seraient très diversifiées : vente de drogues, cambriolage, vols qualifiés (avec violence ou menaces de violence), introduction par effraction, fusillades au volant d’une voiture, vols simples, vols de véhicule, fraude, proxénétisme et homicide (Chatterjee, 2006; Hamel et al., 2013). Pour Spergel (1995), les activités criminelles et le recours à la violence sont des moyens qui répondent aux normes du gang de rue et qui permettent d’augmenter le statut et la reconnaissance du groupe aux yeux des autres gangs de rue. De manière plus spécifique, la violence aurait deux fonctions, soit augmenter la cohésion du groupe et satisfaire les besoins personnels et sociaux des membres (Spergel, 1995). Les données qualitatives

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issues de l’étude de Hamel et ses collaborateurs (1998) illustrent d’ailleurs la présence importante de violence au sein des gangs de rue montréalais. En effet, 96,8 % des participants affirment que les membres de leur gang de rue font ou ont fait usage d’armes. Il est possible de conclure que la violence apparaît comme étant un élément caractéristique de l’expérience de gang de rue.

Le processus de désistement des gangs de rue

Bien qu’il paraisse essentiel de comprendre le processus d’affiliation des jeunes aux gangs de rue, notamment afin de le prévenir, il est tout aussi important de comprendre le processus par lequel plusieurs les quitteront. Une étude réalisée en Arizona par Pyrooz et Decker (2011) auprès de 84 adolescents arrêtés et associés aux gangs de rue jette un éclairage sur le processus de désistement des membres des gangs de rue. Cette étude, de nature quantitative, utilise l’autorévélation pour mesurer l’affiliation à un gang de rue. Les auteurs ont analysé le désistement selon trois variables, soit les motifs pour quitter le gang de rue, la méthode utilisée pour l’abandonner et les liens qui demeurent avec le gang de rue malgré le désistement. Les résultats révèlent que les jeunes ont majoritairement quitté les gangs pour des motifs personnels tels que le désir d’éviter les conséquences négatives et la violence, ou encore, le fait d’être exaspéré du style de vie des gangs et pour des responsabilités familiales ou reliées au travail. En ce qui a trait à la méthode utilisée pour abandonner le gang de rue, la recherche révèle que le départ du gang s’est fait généralement de manière peu structurée, sans cérémonie et rarement de façon hostile. Ces résultats sont d’ailleurs assez semblables aux données issues de

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l’étude de Hamel et ses collaborateurs (1998), selon lesquelles 72,7 % des jeunes auraient quitté leur gang de rue sans représailles. Néanmoins, certains jeunes rapportent avoir des craintes et vivre un grand sentiment d’insécurité avant de prendre la décision de quitter (Hamel et al., 1998). Par ailleurs, malgré le renoncement à leur appartenance, de nombreux jeunes restent liés à leur gang d’origine (Pyrooz & Decker, 2011). Ainsi, le fait de ne plus s’identifier comme étant un membre d’un gang de rue ne signifie pas pour autant que l’individu se dissocie complètement du gang auquel il avait été lié. Il peut être difficile de se séparer totalement d’un gang de rue notamment puisque les membres du gang vivent dans le même quartier, sont des amis ou des proches (Pyrooz & Decker, 2011).

Les caractéristiques psychologiques des jeunes contrevenants Les troubles de santé mentale

Les études portant sur les facteurs de risque concernant la délinquance et l’affiliation aux gangs de rue permettent de cerner les caractéristiques des jeunes qui les joignent. Toutefois, elles fournissent peu d’information quant au fonctionnement psychologique de ces jeunes. Selon une étude réalisée à Chicago, aux États-Unis auprès de 1829 jeunes (1172 garçons), âgés de 10 à 18 ans, les troubles psychiatriques seraient un problème de santé majeur, touchant environ 60 % des jeunes contrevenants, et ce, même après avoir exclu le trouble des conduites (Teplin et al., 2002). Selon une autre étude, réalisée à partir du même échantillon, 45,9 % des jeunes contrevenants satisfaisaient les critères diagnostiques d’au moins deux troubles mentaux en concomitance (Abram et al., 2003).

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Parmi les troubles les plus fréquemment répertoriés, c’est l’abus de substance combiné au trouble du déficit de l’attention (TDA) ou à un autre trouble de nature comportementale (p. ex., trouble oppositionnel, trouble des conduites) qui serait la comorbidité la plus commune (Abram et al., 2003). Une étude réalisée à partir de données issues de l’évaluation de 890 jeunes inscrits dans des services spécialisés en toxicomanie de la région de Québec a permis de constater que les jeunes contrevenants constituent le groupe dans lequel se retrouve la plus haute proportion de jeunes consommant fréquemment du cannabis, de la cocaïne et des hallucinogènes (Tremblay, Brunelle, & Blanchette-Martin, 2007). Une autre étude réalisée auprès de 99 jeunes contrevenants en provenance du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire (CJM-IU) révèle une consommation d’alcool et de drogues élevée (Cournoyer & Dionne, 2010). Les données ont été recueillies à l’aide de questionnaires mesurant la consommation d’alcool et de drogues remplis par les jeunes contrevenants en quatre temps : lors de la prise en charge par le CJM-IU, à la fin de la mesure dont ils ont fait l’objet, six mois et un an après la mesure. Les résultats de l’étude démontrent que 58, soit 4 % des jeunes contrevenants consomment régulièrement (toutes les semaines) de l’alcool et que 40,4 % démontrent une consommation quotidienne de cannabis (Cournoyer & Dionne, 2010). Il existe donc une forte corrélation entre la consommation de drogue et la délinquance, les jeunes qui rapportent le plus de délinquance rapporteraient aussi la plus grande consommation de drogue sur plusieurs années (Dembo, Wareham, & Schmeidler, 2007). En ce sens, les membres de gangs de rue, dont les comportements délinquants sont de deux à trois fois plus élevés que les

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non-membres, auraient également une consommation de drogue de trois à quatre fois plus élevée (Gatti et al., 2005).

Dans une étude effectuée en Oregon, aux États-Unis, il a été observé que, parmi un échantillon de jeunes contrevenants, ce sont les membres de gangs de rue qui présentaient le plus de symptômes de santé mentale (Corcoran et al., 2005). Ainsi, ils auraient tendance à rapporter plus de tentatives de suicide, de désirs homicidaires, d’hallucinations, d’idées bizarres et délirantes, de pertes de contact avec la réalité et de symptômes anxieux (Corcoran et al., 2005).

Les études effectuées aux États-Unis, notamment celles réalisées sur un grand nombre de participants comme celles d’Abram et ses collaborateurs (2003), démontrent bien l’ampleur des difficultés sur le plan de la santé mentale chez les jeunes contrevenants. Notons toutefois qu’à notre connaissance, il existe très peu d’études sur la santé mentale de ces jeunes au Québec. Les études québécoises présentées précédemment démontrent cependant l’importance des problèmes de consommation chez les jeunes contrevenants, ce qui corrobore les résultats des études américaines révélant l’abus de substance comme un des troubles mentaux les plus fréquemment répertoriés chez les jeunes délinquants en mise sous garde (Abram et al., 2003). Il est donc possible de penser que les jeunes contrevenants québécois, de même que ceux associés aux gangs de rue, ont de fortes probabilités de présenter plus de troubles de santé mentale, ce qui les distingue par rapport à la population générale.

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Certains événements de l’histoire de ces jeunes pourraient permettre de mieux comprendre la symptomatologie qu’ils présentent. Selon Kerig, Ward, Vanderzee et Moeddel (2009), l’exposition aux traumatismes pourrait expliquer, en partie, la présence de troubles de santé mentale et jouerait un rôle de premier plan dans l’émergence et la persistance de problèmes psychologiques chez les jeunes contrevenants en détention. Cette étude en provenance des États-Unis et réalisée auprès de jeunes en mise sous garde (N = 289; 199 garçons), a évalué la présence de traumatismes à partir du Post traumatic stress disorder reaction index (PTSD-RI), un instrument mesurant l’exposition aux traumatismes ainsi que la présence des symptômes du trouble de l’état de stress post-traumatique (TSPT) selon la quatrième édition révisée du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR; American Psychiatric Association; APA, 2000). Les traumatismes les plus fréquemment rapportés par les garçons sont : l’exposition et l’expérience de la violence dans leur communauté, avoir vécu la mort d’un proche ou vivre un épisode impliquant un proche ayant subi des blessures graves, ainsi que l’exposition à la violence domestique (Kerig et al., 2009). Une autre étude utilisant le même instrument de mesure, réalisée à partir d’une banque de données fédérales des États-Unis (N = 658 adolescents ayant des problèmes avec la justice provenant de divers états; 303 garçons), révèle que les traumatismes les plus fréquents sont : la perte et le deuil d’une personne proche, une blessure ou un traumatisme affectant un parent ou le donneur de soins, l’exposition à la violence domestique, les mauvais traitements psychologiques et physiques ainsi que l’exposition à la violence dans leur communauté (Dierkhising et al., 2013). Ces résultats semblent différer de ceux

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de l’étude de Kerig et ses collaborateurs (2009). Il se peut que les résultats de Dierkhising et al. (2013) soient plus représentatifs de la population des États-Unis étant donné que les participants proviennent de divers états. De plus, les participants de l’étude de Kerig et ses collaborateurs présentent possiblement un niveau plus élevé de délinquance puisqu’ils se trouvent tous en mise sous garde. Toutefois, la comparaison de ces deux études révèle également des points de convergence, soient l’exposition à la violence dans la communauté, la perte d’une personne proche et l’exposition à la violence domestique. Une étude réalisée à Chicago auprès de 898 jeunes en détention a révélé que 90 % des participants rapportent avoir vécu au moins un événement traumatique au cours de leur vie (Abram et al., 2004). De ce nombre, 11,2 % des participants satisfaisaient les critères diagnostiques pour un trouble de stress post-traumatique au cours de l’année précédente (Abram et al., 2004). Dans l’étude de Dierkhising et ses collaborateurs (2013), c’est 23,6 % des adolescents de l’échantillon qui satisfont ces critères diagnostiques. Par ailleurs, le trouble de stress post-traumatique a davantage de probabilités de se développer lorsque le traumatisme est de nature interpersonnelle et implique d’être soi-même victime des attaques des autres (Kerig et al., 2009). Les membres de gang de rue présentent d’ailleurs un risque élevé d’être victimes d’actes violents (Taylor, Peterson, Esbensen, & Freng, 2007). Ces expériences traumatiques pourraient expliquer, en partie, la présence d’une symptomatologie plus importante sur le plan de la santé mentale chez ces individus.

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Les traits de personnalité

Selon LeBlanc (2010), les chercheurs québécois adoptent deux positions distinctes concernant la délinquance. Certains considèrent que la conduite délinquante est un symptôme d’un trouble psychologique et d’autres estiment que la délinquance est une conduite, le délit étant un phénomène en soi. La présente étude adopte la première position et s’attarde plus spécifiquement aux traits de personnalité des jeunes contrevenants associés aux gangs de rue.

Dans leur recension des écrits sur le développement des traits de personnalité, Morizot et Miranda (2007) soulignent que la plupart des théories postulent que le développement de la personnalité est le résultat de l’interaction entre le bagage génétique et l’environnement. De plus, l’enfance constitue une période de changements alors que l’âge adulte se situe plutôt dans une perspective de continuité. Selon LeBlanc (2010) ainsi que Morizot et Miranda (2007), un certain consensus existerait dans la communauté des spécialistes de la personnalité selon lequel les traits de personnalité se classent en trois catégories principales, soit la réactivité émotive (ou le névrotisme ou émotivité négative), la sociabilité (ou l’extraversion ou l’émotivité positive) et l’inhibition cognitive et comportementale. Le névrotisme constitue une propension à

éprouver des affects et émotions négatives face à des stresseurs provenant de l’environnement. La sociabilité réfère plutôt à la prédisposition à être énergique, positif et à la recherche de relations sociales et de sensations fortes. L’inhibition, pour sa part, sous-tend à la fois une propension à faire preuve d’attitudes pro-sociales et conciliantes

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envers les autres, ainsi qu’une capacité à contrôler ses impulsions, à respecter les normes sociales, à planifier et à organiser (Morizot & Miranda, 2007). Une faible maîtrise de soi, sous-tendant une réactivité émotive combinée à une sociabilité et une désinhibition cognitive et comportementale élevée (LeBlanc, 2010), serait liée à l’activité délinquante (Gottfredson & Hirschi, 1990). La faible maîtrise de soi est également caractérisée par de l’impulsivité, une préférence pour les récompenses immédiates, une recherche de sensations à travers la prise de risque, un manque de motivation, d’ambition et de persévérance ainsi que par la présence de croyances favorable à la délinquance (Agnew, 2009). Pour expliquer la présence de ces traits, le modèle théorique de la régulation sociale et psychologique permet d’intégrer la notion d’une faible maîtrise de soi dans un modèle d’interactions réciproques et fournit ainsi une conception plus complète de la conduite déviante (LeBlanc, 2010). Brièvement, ce modèle propose que la régulation s’effectue à travers les interrelations entre quatre composantes, soit les liens entre l’individu, la société et ses membres, la contrainte exercée par les institutions sociales, le niveau de développement de la maîtrise de soi et le degré d’exposition aux influences et perspectives pro-sociales (LeBlanc, 2010). Ce modèle apparaît intéressant et complet en ce qui a trait à la compréhension de la conduite délinquante, celui-ci intégrant plusieurs variables notamment sur le plan social. Toutefois, il ne nous semble pas être le plus approprié pour comprendre les éléments de la personnalité des jeunes contrevenants. En effet, ce modèle nous apparait concevoir la délinquance davantage comme une conduite et rend moins compte de la manière dont elle s’inscrit dans la construction de la personnalité.

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D’autres modèles, regroupant certains traits de personnalité, permettent de mieux comprendre ce qui caractérise les jeunes contrevenants au niveau individuel. Le DSM-IV-TR (APA, 2000), étant un outil de référence incontournable dans la classification des troubles mentaux1, il importe de s’attarder aux troubles de la personnalité et plus

spécifiquement à celui de la personnalité antisociale, les jeunes contrevenants étant plus à risque de le développer (Washburn et al., 2007). Le trouble de la personnalité antisociale (TPA) est caractérisé par un mode général de mépris et de transgression des droits d’autrui (voir Appendice A pour une description des critères diagnostiques du DSM-IV-TR). Ce diagnostic est exclusivement attribué à l’âge adulte. Cependant, certains symptômes doivent être présents depuis l’adolescence (depuis l’âge de 15 ans). Les individus répondant aux critères de ce trouble n’arrivent pas à se conformer aux normes sociales et accomplissent de manière répétée des actes passibles d’arrestation. De plus, l’impulsivité et l’irresponsabilité se manifestant dans diverses sphères de leur vie caractérisent également ces individus (APA, 2000). La présence d’un trouble des conduites durant l’enfance ou l’adolescence est un facteur associé au développement du TPA (voir Appendice B pour une description des critères diagnostiques du DSM-IV-TR). Ainsi, les résultats d’une étude réalisée à partir de données épidémiologiques nationales en provenance des États-Unis (N = 43 093) suggèrent que 75 % des jeunes

1 Bien que le DSM-5 (APA, 2013) soit maintenant l’outil de référence, c’est le DSM-IV-TR qui a été utilisé dans le cadre de l’élaboration de ce projet de recherche. Il est toutefois à noter, qu’au chapitre des troubles de la personnalité, la version du DSM 5 n’apporte aucun changement majeur sur le plan conceptuel.

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avec un trouble des conduites ont évolué vers un TPA (Gelhorn, Sakai, Price, & Crowley, 2007). Les adolescents en mise sous garde seraient également plus à risque de développer un TPA. C’est la conclusion à laquelle Washburn et ses collaborateurs (2007) arrivent suite à leur analyse des données longitudinales provenant d’un échantillon d’adolescents (N = 1829) en mise sous garde provenant de Chicago. En effet, plus d’un cinquième de ces adolescents ont développé un TPA (Washburn et al., 2007). Le TPA expliquerait ainsi en partie les traits qui caractérisent les adolescents en mise sous garde.

L’interaction entre le tempérament de l’enfant et la relation avec ses parents paraît une explication plausible du développement d’un TPA à l’âge adulte. En ce sens, une étude australienne effectuée auprès d’enfants de 10 à 12 ans (N = 2453) conclut que l’abus physique et la négligence parentale chez les enfants qui présentent une faible capacité d’autorégulation augmentent considérablement le risque de développer un TPA plus tard (Jovev et al., 2013). La notion d’attachement pourrait également fournir des pistes de compréhension quant à l’étiologie de ce trouble (Kernberg, Weiner, & Bardenstein, 2000). L’attachement réfère à la tendance innée du jeune enfant à établir des liens affectifs stables et sécurisants avec la figure qui lui prodigue les soins, qui est généralement un parent. Toutefois, cette relation d’attachement n’est pas toujours optimale et sera celle que l’enfant intériorisera et qui influencera sa manière d’établir des relations avec les autres (Bowlby, 1969). Ainsi, l’histoire d’attachement des jeunes développant un TPA pourrait avoir été empreinte d’écueils entrainant ainsi de

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l’insécurité et expliquerait leurs difficultés actuelles à établir des relations avec les autres (Kernberg et al., 2000; McGauley, Yakeley, Williams & Bateman, 2011). Selon Bleiberg (2004), ces enfants se seraient rapidement détournés de certains états internes (p. ex., détresse, douleur, vulnérabilité, désir de rapprochement, de réconfort et d’apaisement) normalement associés au développement de l’attachement, dans le but de s’adapter à un environnement inadéquat. En effet, dans leur relation à leur figure d’attachement, leurs demandes en lien avec ces états internes auraient été ignorées, ridiculisées et auraient même suscité l’abandon et l’abus. Afin de se protéger, ces enfants se seraient donc détournés de ces états qui ne peuvent être apaisés et dont la souffrance est même décuplée par la réaction de leur figure d’attachement (Bleiberg, 2004). Pour ces enfants, le fait de se détourner de ces états internes n’est pas sans conséquence. En effet, pour s’adapter, leur attention dévierait de leurs états internes pour se centrer sur l’environnement extérieur. Leur recherche de sécurité passerait alors par le contrôle et la manipulation de leur environnement (Bleiberg, 2004). Cette élaboration théorique pourrait d’ailleurs permettre d’expliquer la corrélation positive constatée par Jovev et ses collaborateurs (2013) chez les enfants ayant une faible capacité d’autorégulation entre l’abus physique, la négligence parentale et le risque de développer un TPA. Les parents pourraient avoir réagi aux états internes associés au développement de l’attachement de leurs enfants par l’abus ou par l’ignorance. Il est alors possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle les réactions inadéquates des parents pourraient avoir un impact exacerbé sur le développement de l’attachement chez l’enfant lorsque ce dernier possède une faible capacité d’autorégulation, ceci pouvant mener à un

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