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Renouveaux des campagnes françaises : évolutions démographiques, dynamiques spatiales et recompositions sociales

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00764869

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Submitted on 13 Dec 2012

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démographiques, dynamiques spatiales et recompositions

sociales

Pierre Pistre

To cite this version:

Pierre Pistre. Renouveaux des campagnes françaises : évolutions démographiques, dynamiques spa-tiales et recompositions sociales. Géographie. Université Paris-Diderot - Paris VII, 2012. Français. �tel-00764869�

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UFR Géographie, Histoire, Sciences Sociales

Thèse présentée pour obtenir le grade de Docteur

de l’Université Paris Diderot (Paris 7)

Discipline : Géographie

Pierre PISTRE

Renouveaux des campagnes françaises

Évolutions démographiques, dynamiques spatiales

et recompositions sociales

Sous la direction de Catherine RHEIN, Directeur de recherche, CNRS

Membres du jury

Catherine BONVALET, Directeur de recherche, INED (rapporteur)

Henry BULLER, Professeur, Université d’Exeter (rapporteur)

France GUÉRIN-PACE, Directeur de recherche, INED (président)

Olivier ORAIN, Chargé de recherche, CNRS (examinateur)

Frédéric RICHARD, Maître de conférences, Université de Limoges (examinateur)

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Aboutissement d’un parcours universitaire qui m’a conduit d’Albi à Toulouse, puis d’une escale suédoise à la capitale parisienne, le présent travail de doctorat n’aurait pu être mené à bien sans le concours, le soutien et les encouragements de nombreuses personnes. Je tiens ici à remercier chaleureusement toutes celles et tous ceux qui, de manière plus ou moins directe, ont contribué à la réalisation de cette thèse, à son avancement et à son achèvement.

Catherine Rhein a accepté d’encadrer et d’accompagner ce projet de recherche à dominante rurale, et je lui en suis pleinement reconnaissant. Merci pour le suivi régulier et la confiance accordée depuis la fin du Master 2. Merci également pour les partages d’expériences scientifiques et professionnelles qui ont jalonné nos discussions au cours des années de thèse.

Olivier Orain a été le premier à me donner envie d’engager de longues études en géographie, finalement jusqu’au doctorat, et à me faire prendre conscience que j’en avais les capacités. Merci pour les remarques et les conseils toujours pertinents et constructifs. Merci aussi pour les initiations enthousiasmantes à l’épistémologie de la géographie et à la géographie rurale, qui ont été des prémices essentielles à la réalisation de ce travail de recherche.

J’adresse ensuite de sincères remerciements à Catherine Bonvalet et Henry Buller, qui me font l’honneur de participer au jury de cette thèse en tant que rapporteurs.

Merci à France Guérin-Pace d’avoir accepté de présider ce jury et permis de prolonger mes réflexions sur les comportements migratoires à destination des campagnes françaises, par la mise en œuvre d’analyses biographiques à partir des données de l’enquête Histoire de vie.

Merci également à Frédéric Richard pour les accueils successifs à l’université de Limoges et les échanges enrichissants, à poursuivre, autour des processus de gentrification rurale.

Ce travail de thèse à dominante quantitative et statistique a été rendu possible par l’accès à de nombreuses bases de données. Alexandre Kych — du Centre Maurice Halbwachs — et les responsables et personnels qui participent au bon fonctionnement de la procédure d’accès dite du CASD sont en particulier à remercier.

Trois enquêtes de terrain réalisées en 2011 ont été l’occasion de belles rencontres et découvertes rurales. J’adresse ici de sincères remerciements à tous les élus, les personnes ressources, les professionnels, les habitants, qui m’ont accordé de leur temps lors de passages — que j’aurais souhaités bien plus longs ! — dans les Alpes de Provence, en Haute-Vienne et dans le Haut-Languedoc. Merci à l’Observatoire de Haute-Provence (OHP) et à Michel et Jean-Marc pour les conditions optimales d’hébergement, en terres provençales et limousines. Outre Frédéric Richard, je tiens aussi à saluer Greta Tommasi et Julien Dellier de l’université de Limoges pour leur accueil et leurs conseils.

Lors de manifestations scientifiques et de présentations de mes travaux de doctorat, j’ai reçu de nombreux encouragements, avis, questions, qui ont conforté l’orientation de cette recherche et l’ont fait évoluer. J’adresse ainsi de sincères remerciements à tous ceux qui — même par des remarques et des échanges succincts — ont contribué à l’avancement de cette thèse. Par ordre approximativement chronologique, je pense en particulier à Jean-Claude Bontron, Christophe Terrier, Jean-Yves Authier, Alain Rozenkier, Anna Cristina d’Addio, Christine Zanin, Xavier Browaeys, Gunnel Forsberg, Anne Honegger, Pascal Chevalier, Marc Dedeire, Guy Desplanques, Jean-Yves Pineau, David L. Brown, Lorna Philip, Neil Argent, Claude Grasland, Françoise Cognard, Claire Aragau, Christophe Imbert, Odile Plan.

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Cette recherche de doctorat doit également beaucoup aux structures de recherche et d’enseignement dans lesquelles elle a été menée. L’UMR Géographie-cités et ses locaux au cœur de Paris ont été un environnement particulièrement favorable pour la réalisation de cette thèse sur les campagnes françaises ! Merci à sa direction (Léna, Nadine, Céline) de m’avoir permis de présenter et défendre mes travaux à plusieurs reprises en France et à l’étranger. Merci à Martine, Véronique, Saber, Hélène, Liliane, Timothée, Guilhain, Sébastien, François, Antonin, pour les aides occasionnelles dans les dédales administratifs, informatiques, cartographiques et statistiques. Je n’oublie pas bien sûr de saluer et remercier les doctorants and co, anciens et nouveaux, habitués du cinquième étage de la rue du four — ceux qui choisissent la chaleur de la salle commune ou le calme de la bibliothèque, les enracinés et les oiseaux de passage, les adeptes du sandwich et les incontournables du Coolin — : Marion, Hadrien, Thomas, Sylvain, Mathieu, Charlène, Delphine, Anne-Lise, Florent, Sébastien, Clara, Stavros, Caroline, Julie(s), Antoine(s), Camille, Magali, Jean-Baptiste, Ioanna, Dimitra, José, Élodie(s), Elfie, Zoé, Solène, Clémentine, Robin, Henry… J’ai également une pensée amicale pour les anciens du Master 2 Carthageo (Sylvain, Laurent, Daniel, Lucie, Boris, Muriel, Bertrand…) et les anciens représentants des doctorants au conseil de l’école doctorale (Sylvain, Antoine, Ioanna, Delphine, Cécile, Abra, Maria). En parallèle du travail de thèse, j’ai eu le plaisir d’enseigner, comme moniteur puis ATER, au sein du département de géographie de l’université Paris 7. Je mesure aujourd’hui la chance donnée et la confiance accordée. Par ordre grossièrement chronologique, je tiens à remercier les différents collègues rencontrés et côtoyés au cours de ces années d’enseignement : Claire O., Sylvain C., Gabriel M., Myriam B., Camille S., Sophie B.-M., David G., Stéphane A., Marianne M., Samuel R., Elsa V.-B., Christine Z., Élodie B., Marianne G., Émilie L., Sarah D., Sandrine B., Laurent F., Élodie M., Catherine M., François B., Mélanie P., Zoé B., Marie-Fleur A., Emmanuel T. (merci aussi pour un petit programme SAS qui m’a été bien utile !), Jean-Christophe F., Claude G.

J’adresse un remerciement tout particulier à ceux qui m’ont été d’une aide précieuse dans la dernière ligne droite, notamment pour les relectures finales : ma cara mamà, Olivier, Laurent (et pour plein d’autres choses), Christine et Julien, Hadrien, Aline (thanks !).

Enfin, comment ne pas saluer amis et famille qui m’ont offert les espaces nécessaires de respiration au cours des années d’étude et de thèse. Remerciements géographiques aux anciens d’Albi et de Toulouse, pour les bons moments passés ensemble et ceux à venir. Une pensée pour Mat, Cécilia, Liliane, Malcom, et les enfants, du côté de Stockholm et de Söderköping. Merci aux amis parisiens, de Belleville et d’ailleurs, pour les soirées et les week-ends de détente (un peu moins lors des derniers mois de thèse !). Salut amistos als sudistas, santsignols et brassaguais — d’origine ou de passage régulièrement à la mi-juin et au début du mois d’août — qui ont égayé mes retours aux sources sans trop tenir compte de quelques intonations parisiennes !

Merci à Lucie, Xavier, Inès et Éloïse pour votre soutien sans faille ; j’y associe cousins, cousines, oncles et tantes. Une pensée émue pour mes grands-parents qui, avec simplicité, m’ont transmis l’importance des liens familiaux et des origines (rurales). Enfin, grandmercé a mos

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Sommaire

Introduction générale ... 1

Partie 1. Dynamiques démographiques et migratoires en France rurale ...15

Chapitre 1. Définir et analyser les renouveaux démographiques des campagnes

françaises

... 17

Chapitre 2. Renouveaux des campagnes françaises et diversité des migrations

résidentielles

... 49

Chapitre 3. Analyses biographiques des mobilités résidentielles vers les campagnes

françaises

... 105

Partie 2. Processus de gentrification et renouveaux des campagnes françaises .... 151

Chapitre 4. Étendre les limites de la gentrification : études rurales et perspectives de

recherche

... 153

Chapitre 5. Structures du parc de logements et gentrification dans les campagnes

françaises

... 165

Chapitre 6. Groupes sociaux et

gentrification dans les campagnes françaises

... ... 197

Partie 3. Populations retraitées et renouveaux des campagnes françaises ... 235

Chapitre 7. De la diversité des populations retraitées dans les campagnes françaises

... ... 237

Chapitre 8. Vieillissement et populations retraitées dans les campagnes françaises

... ... 247

Chapitre 9. Migrations et mobilités résidentielles de retraite vers les campagnes

françaises

... 271

Conclusion générale ... 293

Annexes

...

299

Bibliographie

...

343

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Citations, sigles, documents et logiciels

La citation d’un auteur dans le corps du texte — exception faite des renvois bibliographiques entre parenthèses — se compose du prénom et du nom de famille en toutes lettres s’il s’agit de la première mention dans la thèse. À partir de la deuxième mention, seule l’initiale du prénom et le nom de famille sont indiqués. Ce procédé vaut également pour des travaux collectifs : seul le premier auteur est alors signalé en toutes lettres, suivi de la mention et al.

Les notions ou expressions en langue étrangère, essentiellement anglaises, sont indiquées en italique dans le corps du texte — quelques citations plus longues sont traduites par l’auteur. Il en va de même pour les citations françaises mises en valeur dans un paragraphe autonome. Les catégories spatiales, qui composent la typologie nationale des bassins de vie à la base de la plupart des analyses statistiques et cartographiques (p. 29), sont aussi mentionnées en italique. Enfin, quelques termes sont occasionnellement mis en italique pour appuyer la démonstration, notamment dans l’introduction générale et dans le chapitre 1.

La signification des sigles utilisés dans la thèse est donnée lors de la première utilisation, à l’exception de certains acronymes institutionnels. Elle est rappelée à plusieurs reprises pour les plus récurrents, notamment pour les acronymes statistiques (sources, variables, nomenclatures). Le glossaire qui suit détaille les différents sigles utilisés.

De nombreux documents produits par l’auteur sont présentés et commentés dans la thèse. Ils sont répartis en trois grandes catégories : carte, figure, tableau. Pour les planches de documents, les mêmes termes sont utilisés au pluriel. La numérotation est continue sur l’ensemble de la thèse. Elle est par contre spécifique pour les documents placés en annexe.

Plusieurs logiciels ont été utilisés pour la réalisation des analyses statistiques présentées dans cette thèse : SAS 9.2, Excel 2003, XLSTAT 2010, SPAD v7. Le logiciel libre Philcarto (versions 4 et 5) a été exclusivement utilisé pour les représentations cartographiques (Waniez, 2010) et Adobe Illustrator CS2 pour la mise en forme des documents.

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ACP : Analyses en Composantes Principales BTP : Bâtiment et Travaux Publics

BV : Bassin de Vie

C. C. : Communauté de Communes

CAH : Classification Ascendante Hiérarchique

CASD : Centres d’Accès Sécurisé Distant aux données

CCBTA : Communauté de Communes Bandiat Tardoire Avenir

CCMHL : Communauté de Communes de la Montagne du Haut-Languedoc CCFML : Communauté de Communes de Forcalquier Montagne de Lure CCHP : Communauté de Communes de Haute-Provence

CCM : Classification par les Centres Mobiles CDC : Caisse des Dépôts et Consignations

CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CPIS : Cadres et Professions Intellectuelles Supérieures

DATAR : Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale DGFiP : Direction Générale des Finances Publiques

EDORA: European Development Opportunities in Rural Areas (Programme européen ESPON) ENL : Enquête Nationale Logement (INSEE)

HDV : Histoire De Vie (enquête INSEE/INED)

IGN : Institut national de l’information Géographique et forestière INED : Institut National d’Études Démographiques

INRA : Institut National de la Recherche Agronomique

INSEE : Institut National de la Statistique et des Études Économiques NUTS: Nomenclature of Territorial Units for Statistics (Eurostat)

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique ESPON: European Spatial Planning Observation Network

PBVF : (les) Plus Beaux Villages de France (label touristique) PCS : Professions et Catégories Socioprofessionnelles

PER : Pôle d’Excellence Rurale PNR : Parc Naturel Régional

PNRHL : Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc PNRPL : Parc Naturel Régional du Périgord Limousin PUCA : Plan Urbanisme Construction Architecture QL : Quotient de Localisation

RGA : Recensement Général de l’Agriculture

RGC : Répertoire Géographique des Communes (IGN) RP : Recensement de la Population (INSEE)

SAFER : Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural

SDT : Suivi de la Demande Touristique (enquête de la Direction du tourisme) SEGESA : Société d’Études Géographiques Et Sociologiques Appliquées SV : Station Verte (label touristique)

UU : Unité(s) Urbaine(s) (INSEE)

ZAU : Zonage en Aires Urbaines (INSEE)

ZAUER : Zonage en Aires Urbaines et aires d’emploi de l’Espace Rural (INSEE) ZPIU : Zone de Peuplement Industriel et Urbain (INSEE)

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Introduction générale

« 2,4 millions de citadins affirment vouloir engager d’ici 5 ans une démarche active afin de s’installer

durablement à la campagne. 42% des habitants de communes de plus de 100 000 habitants souhaiteraient vivre et travailler en zone rurale. […] Les citadins valorisent en particulier un mode de vie perçu comme moins stressant par rapport à la ville (36%), une vie globalement moins chère (27%) et un environnement moins pollué. » 1

« Les citadins rêvent de vivre à la campagne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et le confirment. Aujourd’hui, 43% des citadins habitant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants, soit près de 11 millions de personnes, expriment un désir de campagne. Parmi eux, 2,36 millions affirment leur souhait d’engager des démarches concrètes d’installation dans les 5 années à venir. Les motivations premières de ces citadins restent principalement la recherche d’une meilleure qualité de vie (66%) et d’une meilleure qualité de l’environnement (60%). » 2

« Alors qu’ils sont une très grande majorité à vivre en ville (presque 60% d’entre eux vivent dans des communes de plus de 20 000 habitants), 65% des Français préféreraient vivre à la campagne. […] Même les plus urbains (ceux habitant des communes de plus de 100 000 habitants) sont 52% à regretter de ne pas vivre à la campagne. À noter aussi, que vivre à la campagne plairait plus souvent aux hommes (69%, contre 61% des femmes), aux CSP– (73%, contre 66% des CSP+) et aux sympathisants Verts (71%). Seule exception : pour les habitants de l’agglomération parisienne, les résultats sont inversés. 63% préfèrent vivre en ville, contre seulement 37% préférant la campagne. » 3

¹ ² ³ Ces commentaires sont extraits des résultats de trois sondages réalisés au cours des années 2000 par différents instituts nationaux. Par ordre de parution et de citation : IPSOS (2003), L’installation des citadins à la campagne, pour la région Limousin ; IFOP (2009), Vivre et travailler au vert, pour la 5e foire « Projets en campagne » ; BVA (2011), Ville

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Les campagnes font envie, comme l’expriment les sondages qui régulièrement interrogent les Français sur leurs désirs résidentiels4. Des envies individuelles qui correspondent à la volonté d’un autre mode de vie et pour certains de retour aux sources. Des envies familiales guidées par le souhait d’une meilleure qualité de vie et d’un environnement naturel souvent idéalisé. Des envies collectives qui paraissent ne pas se démentir et qui vont de pair avec une image médiatique toujours plus positive des campagnes5. Des envies répandues dans la société, dont les incidences spatiales iront croissant si elles se concrétisent par des changements résidentiels de plus en plus fréquents.

Les campagnes françaises suscitent des envies : nombre d’individus, de couples, de familles décident d’ailleurs de s’y implanter durablement. Ces installations constituent de ce fait le principal moteur de croissances rurales désormais reconnues et qui ont été confirmées par le dernier recensement de la population (Morel et al., 2006 ; Laganier et al., 2009). Là encore, la presse s’en fait régulièrement l’écho6. Des ouvrages de type « mode d’emploi » proposent

d’éclairer les citadins en mal de ruralité dans l’évaluation et la conduite de leur projet de « changement de vie »7. D’autres publications grand public prennent la forme de témoignages

d’installations réussies et de véritables plaidoyers pour la vie rurale8. Dans un autre registre, des

acteurs nationaux du développement rural, comme le Collectif Ville-Campagne, le Réseau Rural Français et ses antennes régionales, se donnent pour mission d’accompagner ceux qui désirent s’installer et créer en campagne9. Autant de signes qui reflètent l’attrait rural contemporain, qui

non seulement ne semble pas s’estomper mais aurait plutôt tendance à se renforcer.

Les campagnes françaises contemporaines sont donc source d’intérêt et accueillent des volumes non négligeables de population. Elles restent toutefois inégalement concernées par les implantations résidentielles et les reprises démographiques induites. Un angélisme de discours autour du renouveau rural — qui risquerait de supplanter avec un même excès les chantres de la désertification — ne doit pas conduire à masquer des disparités géographiques et sociologiques. Il s’agit bien là d’un objet d’étude multiforme, évolutif, à analyser comme tel, et ce d’autant plus que les conjonctures économique et énergétique actuelles conduisent de nombreux acteurs et observateurs à s’interroger sur la pérennité du phénomène. Un principe de diversité est ainsi indispensable à considérer et a été placé au cœur de ce travail de doctorat.

Renouveau démographique il y a, renouveau démographique il y a eu depuis les années 1970-1980, et l’un des objectifs centraux de cette thèse sera de le montrer et de le détailler. Mener une étude nationale des évolutions et des croissances de population dans les campagnes françaises a été l’ambition première. Cette volonté s’est doublée de réflexions géographiques, de découvertes conceptuelles, d’ouvertures disciplinaires, d’approfondissements méthodologiques. Ceux-ci sont venus nourrir un examen élargi, à visées analytique et explicative, du renouveau démographique rural, qui rendrait compte de sa pluralité et de ses nombreux contrastes, nationaux et locaux.

4 Si les extraits préalablement cités font référence à la campagne, nous avons pris le parti de pluraliser ce terme dès

l’introduction générale. Ce choix terminologique sera privilégié tout au long de la thèse. Il sera justifié dans le chapitre 1, mais il vise surtout à rendre compte de la diversité intrinsèque des entités rurales contemporaines.

5 Cf. plusieurs articles récents de presse qui en attestent : Feltin, 2008 ; Le Guen, 2010 ; Pineau, 2010. 6 Cf. quelques articles tirés de la presse nationale : Thiolay et al., 2006 ; Cluet, 2010 ; Moreau, 2010.

7 Cf. à titre d’exemples : voir Juéry et al., 2002 ; Farinelli, 2006, 2009 ; Capo-Chichi et al., 2008 ; Delbove, 2011 ;

Roger, et al., 2011.

8 Cf. à titre d’exemples : voir Gevaert, 1993 ; Calmettes, 1996, 2006 ; Boniteau, 2004 ; Farinelli, 2008. 9 Cf. pour de plus amples informations : http://www.installation-campagne.fr et http://www.reseaurural.fr

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Une géographie nationale du renouveau démographique rural

Un objet d’étude se construit et évolue. Il peut correspondre à des intérêts anciens ou résulter d’un hasard relatif. Un parcours personnel, nourri par des origines, des rencontres successives, peut aussi conduire à des choix et des positionnements de recherche. Quels ont été ainsi les tenants et les aboutissants qui ont contribué à faire du renouveau démographique rural, l’objet d’étude central de ce travail de doctorat de géographie ?

Faut-il déjà être originaire d’un petit village ou vivre dans une commune considérée comme rurale pour s’intéresser au devenir démographique des campagnes ? Certainement pas. Mais pour ce qui nous concerne, des pratiques régulières et anciennes de territoires ruraux du Sud-Ouest de la France, associées à des résidences successives, permanentes et occasionnelles, dans les mêmes types de territoires, ont forgé des habitudes, des attachements à des paysages, à des formes de sociabilités et des modes de vie que l’on peut encore dire ruraux. Ces expériences sont ensuite à rapprocher d’une spécialisation progressive de notre cursus universitaire en géographie humaine et rurale, avec une attention plus générale portée aux études rurales en sciences humaines et sociales. C’est dans la deuxième partie de ce cycle académique que s’est construite l’idée de travailler sur le renouveau des campagnes françaises. Notre intérêt personnel s’est alors notamment développé sur la base de constations empiriques et de discours reçus qui pouvaient paraître ambivalents. La découverte des visions optimistes défendues collectivement ou en solo par Bernard Kayser (1989, 1993a, 1994, 1996), Bertrand Hervieu et Jean Viard (1996, 2001) et — dans une moindre mesure — Philippe Perrier-Cornet (2002a, 2002b), fut ressentie comme un contrepoids salutaire à des visions médiatiques souvent fatalistes et nostalgiques. Cependant, si cette posture semblait correspondre à un réel attrait pour les campagnes, elle ne trouvait que peu d’écho dans nos expériences locales, au sein de territoires ruraux marqués par un assoupissement prolongé. Une forme de contradiction s’est ainsi instaurée entre des observations privées et le contenu des discours faisant autorité sur les tendances nationales, qui n’a fait que renforcer notre intérêt pour ce thème de réflexion devenu objet de recherche.

Ce parcours personnel est à l’origine des trois principaux positionnements ayant contribué à la construction de l’objet d’étude, et ce dès les premières formulations du projet. Un premier principe, simple mais néanmoins essentiel, fut de vouloir défendre et illustrer les études actuelles sur le rural. Il s’agissait de souligner la persistance de mondes ruraux (Bessière et al., 2007), marqués par de profondes transformations — économiques, démographiques, sociologiques, culturelles, politiques —, par la montée d’antagonismes internes et l’ouverture à de multiples extérieurs. Malgré des influences urbaines toujours plus fortes, l’objectif était de considérer le

rural comme une catégorie d’analyse à détailler mais toujours pertinente et opératoire.

Un recentrage sur des considérations démographiques s’est ensuite opéré. Sachant que le temps imparti à un travail de thèse ne permettait pas d’explorer toutes les facettes du renouveau rural, mettre l’accent sur les évolutions de population était un moyen de saisir la diversité des transformations ayant marqué ces espaces particuliers. Du fait de reprises de plus en plus généralisées, les aspects démographiques auraient gagné en importance pour expliquer les dynamiques récentes des campagnes françaises. Le développement des installations résidentielles — en particulier lorsque l’on considère les plus éloignées des centres urbains — serait le principal fait marquant, et il résulterait notamment de conciliations individuelles et familiales, où les choix de vie auraient pris en partie le pas sur des déterminants socioéconomiques. De fait, il importait de concentrer l’attention sur les (nouvelles) populations, leurs profils et leurs motivations, afin d’analyser l’évolution des pratiques résidentielles tournées vers les campagnes.

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Enfin, prendre acte d’un renouveau dès la délimitation de l’objet d’étude a eu pour vocation d’inscrire nos recherches dans la continuité de géographes qui ont plaidé, à partir des années 1980-1990, pour une analyse plus positive des changements ruraux. Nous pouvons en particulier (re)citer B. Kayser et Jean Renard (2000, 2002), qui ont défendu — par l’entremise des expressions « renaissance rurale »10 et « campagnes vivantes »11 — un renouvellement du regard scientifique sur les situations rurales contemporaines12.

Deux choix méthodologiques majeurs ont enfin influencé la construction de l’objet d’étude. Le premier tient à l’ambition nationale de cette recherche et le deuxième à une primauté donnée aux analyses géographiques et cartographiques des campagnes françaises.

La volonté d’une étude hexagonale du renouveau démographique rural fait suite pour partie à des frustrations en termes de généralisation des résultats, ressenties à l’issue de premiers travaux de recherche menés aux marges de l’agglomération toulousaine (Pistre, 2010). Elle s’est surtout renforcée en constatant que la tradition de productions géographiques utilisant une perspective nationale (Bontron et al., 1966, 1977 ; Calmès et al., 1978 ; Béguin, 1984 ; Brunet, 1984, 1992 ; Collectif, 1984 ; Mathieu et al., 1985 ; Chapuis, 1986 ; Brun et al., 1989 ; Auriac et

al., 1998), n’avait guère d’équivalents contemporains, et qu’un travail d’actualisation,

d’approfondissement était largement à faire dans le champ de la géographie rurale.

Pour ce qui est de la dominante géographique de cette recherche de thèse, elle doit forcément beaucoup à notre appartenance disciplinaire mais pas seulement. Plusieurs points ici esquissés — mais qui seront développés dans les prochaines pages — sont à prendre en compte. Il y va d’une posture de recherche considérant la diversité du renouveau rural, notamment temporelle et sociodémographique, comme devant prioritairement être analysée en termes de différenciation spatiale. D’autre part, une étude pluriscalaire a été envisagée dès les débuts du projet, afin d’associer une approche statistique nationale avec des enquêtes locales, dont la valeur heuristique n’avait pas été oubliée. La sélection de situations intéressantes aurait pour vocation de concrétiser et d’exemplifier les tendances statistiques nationales. Enfin, la volonté d’une analyse géographique du renouveau démographique rural a été renforcée par la découverte et la lecture de nombreux travaux anglo-américains de géographie rurale13 et de géographie de la

population. Ceux-ci ont été reçus comme des sources d’inspiration pour l’étude du cas français, et comme l’opportunité d’opérer des parallèles avec des contextes nationaux variés, même si une démarche comparative n’a pas été directement mise en place dans ce travail de thèse.

Sur la base d’un parcours personnel, de positionnements et de méthodes de recherche, une analyse géographique nationale des campagnes françaises a donc été entreprise. L’objectif premier était d’actualiser et d’approfondir l’étude des évolutions démographiques contemporaines, en accordant une attention particulière aux dynamiques migratoires, considérées comme le principal moteur des reprises rurales actuelles. Il s’agissait également de mettre l’accent sur les inscriptions spatiales des temporalités et des dimensions sociologiques qui ont contribué à un renouveau démographique différencié à l’échelle nationale.

10 La primauté d’utilisation en France de cette expression doit plus précisément être attribuée à un collectif de

chercheurs de l’université de Toulouse, lors d’une publication sur le plateau du Larzac (Pilleboue et al., 1972).

11 Signalons à ce sujet le colloque qui s’est tenu à Nantes, les 18 et 19 mai 2000, sur la thématique des campagnes

vivantes, et qui a donné lieu à une publication des actes en l’honneur de J. Renard (Croix, 2000).

12 Leurs positionnements se sont notamment démarqués de publications plus pessimistes réalisées par le géographe

Roger Béteille (1981 ; 1994 ; et al., 1995). Des compléments d’état des lieux seront développés dans le chapitre 1, sur l’opposition de ces « modèles explicatifs » qui a marqué la géographie rurale française des années 1980-1990.

13 Les publications suivantes à dominante épistémologique donnent un bon aperçu des recherches anglo-américaines

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Un renouveau évolutif, pluriel et contrasté des campagnes françaises

La notion de métropolisation s’est aujourd’hui imposée pour penser les processus d’urbanisation dans les pays industriels avancés. Elle se caractériserait surtout par la concentration des activités économiques, des centres de décisions et des populations, dans de vastes ensembles territoriaux comprenant les principaux centres urbains. Le développement des techniques de l’information et de la communication, et des transports, aurait notamment contribué à la mise en réseau des grandes métropoles et à l’étalement urbain vers des périphéries de plus en plus lointaines (Leroy, 2000). François Ascher (2003, p. 613) appelait ainsi à ne pas considérer la métropolisation comme un « simple phénomène de croissance des grandes agglomérations ». C’est selon lui « un processus qui fait entrer dans l’aire de fonctionnement quotidien de ces grandes agglomérations, des villes et des villages de plus en plus éloignés et qui engendre ainsi des morphologies urbaines mais aussi « rurales » de type nouveau ».

La métropolisation doit-elle de fait être considérée comme le schème principal constitutif des croissances de population dans les campagnes françaises depuis les années 1980-1990 ? Le renouveau démographique rural relève-t-il d’une voie explicative unique ou doit-il se conjuguer au pluriel, tant les populations et les processus impliqués ont été nombreux ?

Deux perspectives ont été suivies pour apporter des éléments de réponse à ces interrogations : la première consiste à analyser le renouveau rural dans ses évolutions temporelles, alors que la deuxième s’intéresse à son pluralisme contemporain. D’une manière générale, le principe d’une diversité inhérente aux reprises rurales contemporaines a été privilégié ; le fait de parler de renouveaux des campagnes françaises, en titre de cette thèse, découle directement de ce positionnement scientifique.

De nombreux travaux récents ont défendu l’idée d’un renouveau démographique des campagnes françaises (Le Bras, 2007 ; Talandier, 2007 ; Aubert, 2009 ; Merlin, 2009 ; Cognard, 2010 ; Hirczak et al., 2011). Néanmoins, ce consensus dans le diagnostic ne peut exonérer, bien au contraire, d’en faire la démonstration dans des termes actualisés. Cette tendance s’est-elle bien confirmée au cours des années 2000 ? Correspond-elle à une stabilisation ou à une amplification du phénomène ? Quelles sont les disparités spatiales qui persistent en France rurale ? Une hypothèse générale peut ici être posée : l’originalité des reprises récentes tiendrait avant tout à leur extension vers des campagnes de plus en plus en marge de l’attractivité urbaine, en termes de proximité géographique et de mobilités quotidiennes de leurs (nouveaux) habitants. Cette idée ne prétend pas à la nouveauté. B. Kayser (1989) par exemple soulignait déjà à la fin des années 1980 le regain connu par des communes rurales peu soumises à l’influence urbaine, et de récentes analyses des données de recensement tendent à l’avaliser (Morel et al., 2006).

Depuis les premières réflexions interdisciplinaires sur l’urbanisation des campagnes (Juillard, 1961, 1973 ; Rambaud, 1969 ; Rouzier, 1967 ; Coyaud L-M et al., 1973) et la rurbanisation/périurbanisation (Bauer et al., 1976 ; Berger et al., 1980 ; Jaillet, 1982), une approche urbano-centrée des dynamiques rurales est restée dominante. Le meilleur exemple est certainement les classifications officielles et successives INSEE — des Unités Urbaines (UU), du Zonage en Aires Urbaines (ZAU) —, qui ont donné la primauté aux composantes urbaines et à un principe polarisateur. Une telle approche se justifie en partie par la poursuite et l’extension importantes des processus de périurbanisation et de rurbanisation. Néanmoins, le constat de reprises rurales qui tendent à se généraliser demande d’introduire du pluralisme pour analyser d’autres processus qui y participent, et en particulier pour les campagnes que l’on disait isolées. La néoruralisation peut-elle notamment être un pendant explicatif à la périurbanisation, pour développer une analyse moins urbano-centrée des reprises rurales récentes ? (chapitre 1)

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Remettre en cause la seule rationalité socioéconomique pour expliquer les pratiques migratoires à destination des entités rurales, développer des analyses par trajectoires et cycles de vie des territoires concernés et des populations actrices des croissances démographiques, sont autant d’approches pertinentes à développer (chapitres 2 et 3). L’étude de processus de gentrification rurale à la suite de précédents britanniques (Phillips, 1993, 2009)14, constitue une autre voie intéressante à explorer. Elle peut être l’occasion de tester une ouverture conceptuelle, des comparaisons avec d’autres contextes nationaux, et sa capacité à caractériser certains processus du renouveau rural français (partie 2). Enfin, il est indispensable de détailler les rôles et les comportements, évolutifs et spécifiques, de certaines populations au cœur des reprises rurales. Des analyses détaillées autour des âges, des catégories socioprofessionnelles, des compositions familiales restent à mener. Le cas des retraités paraît important à prendre en compte pour approfondir la compréhension des dynamiques rurales aux marges de l’attractivité urbaine (partie 3). Il s’agit notamment d’analyser des pratiques migratoires moins contraintes par la nécessité professionnelle de s’implanter à proximité d’un pôle urbain. Peut-on établir une relation entre les croissances démographiques rurales et la progression d’installations de retraités, résultant pour partie du passage accru en retraite des générations du baby-boom ? Au-delà d’un vieillissement structurel des populations rurales, la place des retraités dans le renouveau démographique des campagnes françaises ne serait-elle pas ainsi à revaloriser ?

Un deuxième enjeu complémentaire est de mettre l’accent sur les tendances récentes et les populations impliquées dans les reprises des années 2000. En lien avec une diversification supposée des processus à l’œuvre, une attention centrale doit être portée à l’hétérogénéité des groupes qui participent aux renouveaux actuels des campagnes françaises. Les différences peuvent être générationnelles ou socioéconomiques, se rapporter à des motivations et des parcours résidentiels variés, ou être marquées par une connaissance et un attachement au territoire d’installation très disparate. Là encore, l’idée n’est pas nouvelle. De nombreux chercheurs ont étudié les populations attirées par certaines campagnes françaises depuis les mouvements post-soixante-huitards de « retour à la terre et à la nature » (Micoud, 1976 ; Léger

et al., 1979, 1983 ; Lacroix, 1980), jusqu’à une France « d’extra-urbains » récemment nommée par

J. Viard (2012), en passant par le cas médiatique des implantations d’étrangers d’Europe du Nord, amorcées dans les années 1960-1970 (Buller et al., 1994a ; Barou et al., 1995 ; Diry, 2008).

Néanmoins, si la pluralité des nouveaux résidents des campagnes françaises n’est pas en soi une découverte, l’accentuation de la diversité des populations actrices du renouveau rural pourrait expliquer des reprises qui semblent se renforcer, accompagnées par une certaine démocratisation de l’attrait campagnard (partie 1). En outre, l’examen des inscriptions et des différenciations spatiales du phénomène peut mettre en évidence des formes de spécialisation sous formes de profils sociaux ou individuels, attirés par telle ou telle campagne. Inversement, beaucoup de territoires ruraux devenus attractifs sont confrontés à des arrivés très hétérogènes, notamment sur le plan des niveaux de vie (partie 2). Cela nécessite de conduire des analyses en termes d’inégalités et de ségrégations sociales engendrées, mais aussi de formes de concurrence spatiale. Enfin, une même perspective socioéconomique, associée à des considérations générationnelles, doit amener à détailler la composition des groupes impliqués, trop souvent considérés comme homogènes, en particulier les retraités (partie 3). Il s’agit indiscutablement de populations hétérogènes, avec des envies, des motivations d’installation, des origines migratoires, des parcours résidentiels et des influences variables, qui font ressortir la pluralité des renouveaux démographiques ruraux actuels.

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Démarche et diversité méthodologique : approches et données

La méthodologie mise en œuvre dans ce travail de thèse est plurielle dans les techniques et les matériaux mobilisés. Elle repose sur le couplage d’approches quantitatives et qualitatives, et elle accorde une place centrale à une analyse pluriscalaire des renouveaux des campagnes françaises, entre des tendances nationales, régionales et des situations locales.

Un premier volet méthodologique correspond aux études quantitatives et statistiques réalisées durant le temps de thèse. Elles s’appuient sur des bases de données variées (tableau 1) — du point de vue des producteurs, de leur objet et de leur précision spatiale —, et celles-ci ont été rassemblées au fur et à mesure de l’avancée des recherches pour s’ajuster à l’évolution des questionnements. Pour satisfaire aux ambitions nationale et géographique déjà énoncées, elles ont donné lieu à des traitements statistiques et cartographiques à l’échelle hexagonale. De plus, par souci de précision et de liberté pratique, elles ont privilégié — lorsque l’accès était possible — une exploitation des fichiers détail de ces sources de données15.

Parmi les bases utilisées, le recensement de la population (RP) occupe une place centrale. D’une richesse indiscutable, il a permis de mener des analyses approfondies des transformations démographiques rurales, des années 1960 aux années 2000. Hormis pour des raisons d’accès aux données détaillées et de fiabilité statistique, le RP 1968 s’est imposé comme la source ancienne à privilégier pour les traitements évolutifs menés à partir du recensement. Il occupe en effet une position symbolique dans la littérature sur le renouveau des campagnes, étant souvent considéré — avec celui de 1975 — comme l’époque où se clôt un long épisode d’exode généralisé, augurant d’une stabilisation et des reprises qui s’amorcent (Kayser, 1989 ; Bontron, 1993). En outre, le fait d’étendre les analyses sur une quarantaine d’années a permis d’inscrire et de comparer les dynamiques récentes avec celles des décennies précédentes. Il s’agissait aussi de défendre l’idée d’un cycle démographique du renouveau rural, qui aurait débuté au tournant des années 1960-1970 et qui se poursuivrait aujourd’hui sous des formes multiples.

Parallèlement, les études statistiques ont multiplié les analyses structurelles et les études de flux, pour mettre en valeur le rôle des migrations résidentielles dans les croissances démographiques rurales. Elles ont mobilisé des indicateurs variés sur les individus — âges, catégories socioprofessionnelles (PCS), lieux de naissance, nationalités, trajectoires résidentielles — et sur les logements — les statuts d’occupation, les catégories de logement, l’ancienneté du bâti, les fonctions touristiques le cas échéant, les prix immobiliers —, avec pour objectif de rendre compte de la pluralité du renouveau des campagnes françaises.

Une démarche statistique exploratoire a été privilégiée. Les études univariées et bivariées composent la majorité des analyses, complétées par quelques traitements multivariés ciblés, notamment de classification et de modélisation statistique. La majorité des traitements quantitatifs sont nationaux et des mailles spatiales fines (commune, bassin de vie16, département) ont été

privilégiées pour la cartographie, par souci de généralisation et de précision. Le principal objectif des analyses quantitatives a été de donner un aperçu général des renouveaux des campagnes françaises, avec en corollaire de mettre en lumière leurs disparités régionales voire plus locales.

15 Les fichiers détail, aussi appelés fichiers individus, sont des tableaux non agrégés où chaque ligne rassemble les

informations d’un individu statistique. Par leur finesse et les marges de manœuvre offertes, ils présentent un grand intérêt pour l’étude de petits échantillons de population et pour construire ses propres variables interprétatives.

16 Le bassin de vie est une unité spatiale statistique, créée en 2003 lors d’une étude dirigée par l’INSEE pour la

DATAR, sur la structuration de l’espace rural français. Représentant un total de 1916 unités spatiales, les bassins de vie ont été définis en fonction de l’accès aux « services et à l’emploi » (INSEE, 2003 ; Julien, 2007) (chapitre 1).

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Un deuxième volet plus qualitatif a été développé en parallèle. Il repose essentiellement sur des enquêtes locales, qui ont été réalisées en 2011, dans le but d’exemplifier, de concrétiser et de nuancer certaines des tendances observées à l’échelle nationale Trois terrains ont été choisis : un premier à l’ouest du département des Alpes de Haute-Provence, un deuxième dans le sud de la Haute-Vienne et un dernier entre l’Hérault et le Tarn (carte 1, encadré 1).

Carte 1. Localisation des terrains d’enquête Ces enquêtes ont reposé sur l’enchaînement de trois formes d’investigation (encadré 2). Des observations initiales ont permis de s’imprégner des cas d’étude, de leur organisation spatiale, de leur occupation démographique et de signes d’évolutions.

Des études statistiques ont ensuite exploré le contenu et la diversité des formes locales de renouveau rural, en utilisant des indicateurs similaires à ceux des analyses nationales.

Enfin, des entretiens avec différents acteurs et observateurs ont été d’une aide précieuse pour contextualiser et expliciter l’observable et les résultats statistiques. Des entrevues avec de nouveaux habitants, surtout retraités, ont aussi permis de recueillir des exemples de parcours résidentiels et de motivations d’installation dans les terrains d’étude. C’est un usage avant tout « complémentaire » des entretiens qui a été fait au cours des enquêtes locales, pour enrichir « la compréhension des données » statistiques, les compléter, et par moment, faire naître des idées de traitements nationaux (Blanchet et al., 2001, p. 47).

Encadré 1. Sélection géographique des territoires d’enquête (terrains 1, 2 et 3)

Plusieurs critères sont intervenus dans la définition des terrains d’étude. Tout d’abord, nous voulions étudier des campagnes sous influence urbaine limitée et présentant des fluctuations de population peu conditionnées par la proximité directe d’une ville d’envergure. Il s’agissait ensuite de choisir des situations en stabilisation ou en reprise démographique, plus ou moins anciennes et prononcées, avec de possibles disparités internes parmi les communes des terrains. Enfin, nous souhaitions respecter un certain équilibre hexagonal, pour satisfaire à l’ambition nationale de la thèse. Ce dernier critère n’a finalement pu être honoré qu’en partie, et des enquêtes envisagées en Normandie et dans le nord de la France ont dû être abandonnées faute de temps pour les réaliser.

D’innombrables situations locales pouvaient correspondre à ces critères généraux de sélection. Certaines circonstances et des envies personnelles ont de fait eu leur mot à dire pour déterminer les aires régionales où auraient lieu les enquêtes. La définition précise des terrains d’étude s’est ensuite opérée à partir d’explorations statistiques à une échelle intermédiaire. Celles-ci ont alors conduit à déterminer des ensembles communaux qui paraissaient pertinents et cohérents. Enfin, une conciliation entre les résultats communaux des explorations statistiques et les périmètres de communautés de communes a été réalisée. En effet, cet échelon administratif a semblé le plus approprié, pour le temps de présence sur les terrains, pour l’étude de réalités intercommunales similaires et/ou disparates, et pour sa (re)connaissance par les acteurs locaux et les habitants. Celui-ci a été préféré au canton, souvent plus petit, et émanant de constitutions plus anciennes.

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Les enquêtes de terrain occupent ainsi une place importante dans le travail de thèse, en regard des résultats quantitatifs, nationaux notamment. De plus, les études locales ont surtout analysé les correspondances et les déviations, par rapport aux tendances statistiques hexagonales. Pour ces raisons, un rôle transversal a été donné aux résultats des enquêtes de terrain dans le rendu écrit de la thèse. Ils viennent en effet enrichir les différentes parties et sous-parties, sous la forme de développements autonomes, qui sont à considérer comme des incises thématiques et spatiales, pour exemplifier et approfondir les évolutions démographiques générales des campagnes françaises.

En définitive, la démarche méthodologique de cette recherche repose sur l’association continue d’analyses quantitatives — nationales et locales — dominantes, et d’approches plus qualitatives, mises en œuvre dans un échantillon d’une quarantaine de communes françaises. Des méthodes de recherche variées, tenues pour complémentaires, ont été de fait mise au service d’une même étude du renouveau démographique rural. La volonté précédemment exprimée de diversifier les cadres conceptuels et d’analyse, pour appréhender les dynamiques rurales contemporaines, passe notamment par le développement de méthodologies combinées.

Encadré 2. Précisions sur le déroulement des enquêtes locales (terrains 1, 2 et 3)

Chacune des trois enquêtes a reposé sur les mêmes pratiques de recherche. Il s’est agi premièrement d’effectuer des études statistiques en amont, durant et — pour la majorité — après l’immersion temporaire dans les terrains d’étude. Des portraits démographiquesévolutifs ont été réalisés, avec pour vocation de rendre compte de la diversité locale — assurément non exhaustive — du renouveau des campagnes françaises. Une deuxième approche correspond aux observations directes effectuées lors des présences sur les terrains d’étude, et qui émanent surtout d’une découverte des lieux par leur pratique (à pied, en vélo, en voiture). Mis à part la nécessité de se familiariser avec des territoires relativement inconnus, l’objectif était de saisir leurs principales caractéristiques et de réinterroger au fur et à mesure les premières perceptions issues des analyses statistiques exploratoires. Enfin, un troisième volet a consisté en la réalisation d’entretiens semi-directifs, qui ont — quasiment tous — donné lieu à la prise de rendez-vous, à un enregistrement des échanges et à des retranscriptions suivies de leur contenu.

Trois principaux profils d’interlocuteurs ont été rencontrés (annexes 1a et 1b, pp. 300-304), pour la majorité des observateurs et des acteurs des territoires d’enquête. Il s’agit d’élus (maires, adjoints), de responsables de structure intercommunale, d’érudits locaux ou de membres actifs du secteur associatif. Ces entrevues ont permis d’accroître la connaissance des terrains d’étude, de questionner leur ressenti à l’égard des tendances démographiques locales, et de nous aiguiller vers d’autres interlocuteurs. Des entretiens plus spécifiques ont été menés avec des professionnels du marché immobilier, agents et notaires. En complément des précédents, ils ont apporté des informations sur l’évolution de l’attractivité des campagnes étudiées, et notamment pour les tendances les plus récentes. Un dernier ensemble d’individus/de couples a été rencontré. Ces entretiens ont été surtout réalisés auprès de retraités installés au cours des deux dernières décennies. Ils ont pris la forme d’échanges à dominante biographique sur leur choix d’implantation (territoire, logement), leurs motivations et leur parcours résidentiel.

Sur un plan pratique et de calendrier, les déplacements sur les terrains d’enquête ont eu lieu en 2011, à la suite de prospections réalisées — pour les terrains 2 et 3 — en juillet et août 2010. Pour les terrains 1 et 2, j’ai été présent sur place durant une vingtaine de jours, du 25 avril au 17 mai pour le premier, et du 10 au 29 juillet pour le second. Concernant le terrain 3 — le plus familier —, les observations ont été poursuivies au mois d’août 2011, et une dizaine de jours au mois de novembre 2011 (du 16 au 26) a été dégagée pour la passation de quelques entretiens auprès d’observateurs et d’acteurs locaux. Le manque de temps et des activités régulières d’enseignement en région parisienne sont les principales explications d’un volume moindre d’entrevues réalisées pour ce dernier terrain d’enquête.

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« Sur des chemins de traverse » : plan de la thèse et transversalités

En présentant successivement l’objet d’étude, le cadre problématique et la méthodologie de recherche de cette thèse, des éléments de son organisation générale sont apparus en filigrane. Pour conclure cette introduction générale, l’objectif est de remettre en ordre et d’expliciter les points déjà mentionnés. Dans un deuxième temps, nous présentons certaines passerelles, entre les parties et entre les chapitres, qui correspondent à des complémentarités thématiques et analytiques au-delà de la structure linéaire.

Ce travail de thèse se compose de trois parties et de neuf chapitres (figure 1). La première partie, la plus dense et la plus englobante, dresse un panorama général des reprises démographiques dans les campagnes françaises. La question de leur définition est tout d’abord posée, discutée, et associée à des éléments d’état des lieux sur le renouveau rural (chapitre 1). Une typologie statistique nationale des bassins de vie est notamment présentée ; celle-ci est ensuite utilisée comme le cadre d’analyse des campagnes françaises tout au long de la thèse. Les deux chapitres suivants approfondissent l’étude des reprises démographiques rurales, leur évolution depuis les années 1960 et les profils des populations impliquées. Le chapitre 2, après avoir corroboré le renouveau rural français, détaille les migrations résidentielles qui en sont le moteur principal. Le chapitre 3 développe différentes analyses biographiques des mobilités tournées vers les campagnes françaises, pour rendre compte de motivations et de processus migratoires variés. Ces deux chapitres mettent en lumière la diversité des processus et des populations qui participent aux renouveaux démographiques des campagnes françaises.

Les deux parties suivantes ont un caractère plus spécifique. Elles ont pour vocation de développer certaines branches thématiques et dimensions méthodologiques de la précédente. La partie 2 examine l’existence de processus de gentrification17 dans les campagnes françaises et leur importance supposée dans le renouveau contemporain. Le recours à cette notion anglaise est tout d’abord questionné, puis défendu avec certaines nuances pour l’étude du cas français (chapitre 4). Le chapitre 5 en propose ensuite une première application à travers l’analyse détaillée des évolutions des structures rurales du parc de logements. Il est l’occasion d’identifier des indices de gentrification, et plus globalement, de constater les transformations du bâti dans les campagnes françaises depuis les années 1970-1980. Le chapitre 6 se focalise de son côté sur les recompositions sociales des populations rurales, découlant pour partie des installations récentes. Des signes d’embourgeoisement rural sont recherchés et parfois observés ; l’évolution générale des catégories socioprofessionnelles et la diversité sociale constatée soulignent plus largement l’intérêt de développer des analyses sociodémographiques des populations rurales.

Si la deuxième partie s’intéresse à des processus potentiellement moteurs du renouveau rural, le dernier temps de la thèse se concentre sur le rôle de populations spécifiques, en l’occurrence les retraités. L’importance de décomposer ces groupes âgés et de développer des analyses plurielles de leur influence rurale est tout d’abord défendue (chapitre 7). L’accent est mis sur la diversité sociale de ces populations, selon les anciennes professions et les revenus. Une analyse structurelle des présences rurales des retraités est réalisée dans le chapitre 8. Elle souligne le vieillissement en cours des campagnes et des compositions sociodémographiques différenciées à l’échelle nationale. Le chapitre 9 se concentre sur les migrations effectuées au moment du passage en retraite ou au cours de cette période d’inactivité. Les influences sur les évolutions rurales apparaissent hétérogènes selon les campagnes et les groupes de retraités.

17 Au début du travail de thèse, nous envisagions de mener de concert une analyse de processus de gentrification et

de paupérisation, ces derniers relevant inversement des replis vers les campagnes de la part de populations fragiles ne pouvant plus résider en ville. Cet aspect de la recherche a dû être abandonné pour alléger un projet initial trop ambitieux, mais nous tâcherons d’y faire quelques références tout au long de l’écrit.

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Le plan général de la thèse repose ainsi sur trois parties : chacune est composée d’un chapitre d’état des lieux et de positionnement personnel (chapitres 1, 4 et 7) ; les deux suivants présentent les résultats nationaux et locaux, quantitatifs et d’enquête (chapitres 2, 3, 5, 6, 8 et 9). Enfin, les introductions et conclusions des parties ont vocation à préciser les questionnements et les hypothèses de travail, et à faire des bilans intermédiaires, notamment par la réalisation de synthèses statistiques des résultats, sous la forme d’analyses factorielles et de classification.

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Enfin, pour compléter la présentation du plan de thèse, il est important de signaler différentes passerelles qui font le lien entre les parties et les chapitres (figure 2). Celles-ci correspondent tout d’abord à des indicateurs statistiques qui sont utilisées à plusieurs reprises (Age, PCS, parcours résidentiels, logements), mais pour des populations plus ou moins restreintes. Elles renvoient également à des objectifs et des perspectives de recherche énoncés dans les chapitres d’état des lieux, et qui sont mis en application dans les chapitres suivants de résultats. La possibilité de prendre connaissance de différentes analyses, au-delà de la structure linéaire, concerne enfin les résultats d’enquête qui sont disséminés tout au long de la thèse.

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(26)

Partie 1. Dynamiques

démographiques et migratoires

en France rurale

« Le succès croissant, sur l’ensemble du territoire français, des cours de cuisine ; l’apparition récente de compétitions locales destinées à récompenser de nouvelles créations charcutières ou fromagères ; le développement massif, inexorable de la randonnée, et jusqu’à l’outing de Jean-Pierre Pernault, tout concourait à ce fait sociologique nouveau : pour la première fois en réalité en France depuis Jean-Jacques Rousseau, la campagne était redevenue tendance. » (Houellebecq, 2010, p. 87)

« Les campagnes heureuses sont le motif que je m’exerce à écrire […] Il peut y avoir quelque impertinence à entretenir le songe d’une histoire qui n’a plus cours et qui, sans doute, n’a jamais été. Cependant, aux premiers accents âpres, rugueux, où tout, du sillon aux moindres rides, est ouvragé, je reconnais une émotion qui a pour moi valeur d’injonction. Et soudain, je me retrouve dans l’érudition vermeille des petites fraises des talus du Guerveur. [ …] Aujourd’hui encore, songeant aux Campagnes heureuses, j’éprouve le gaudium, c'est-à-dire « le plaisir que l’âme ressent lorsqu’elle considère la possession d’un bien du futur comme assurée. » (Le Dantec, 1996, pp. 9-10)

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Introduction de la première partie

Les principaux choix qui ont guidé la construction de l’objet d’étude ont été mentionnés dans l’introduction générale : travailler sur le rural français, approfondir l’analyse de son renouveau, privilégier des études nationales et géographiques du phénomène, et se concentrer sur les processus

démographiques à l’œuvre. Ce dernier point mérite quelques compléments d’explication. S’il n’est

pas en soi des plus originaux — il pourrait même paraître naturel —, il est un marqueur central du positionnement scientifique donné à ce travail de doctorat, et dont les objectifs et les réalisations les plus larges sont développés dans cette première partie.

Un postulat de départ découle déjà de la primauté donnée aux aspects démographiques : les transformations contemporaines des campagnes françaises relèveraient en premier lieu de dynamiques de population (surtout migratoires), un prisme d’analyse estimé ainsi central pour saisir la teneur des évolutions en cours, économiques et sociologiques ou culturelles et politiques. Par ailleurs, ce positionnement est à rapprocher des questionnements qui ont accompagné la réalisation de cette recherche. Francis Aubert (2010) s’interrogeait récemment sur l’émancipation des « choix résidentiels des ménages des contraintes de localisation de l’emploi ». Nous avons eu tendance à répondre de manière positive, en faisant l’hypothèse qu’au cœur du renouveau démographique des campagnes françaises, il y a des pratiques migratoires de moins en moins guidées par de seuls déterminants économiques (Font, 2000). Dans une certaine mesure, cette voie de recherche se rapproche de travaux nord-américains, qui depuis les années 1980-1990 ont remis en cause des approches jugées trop rationnelles des migrations rurales, au profit de la revalorisation d’aménités culturelles et naturelles (Chipeniuk, 2004 ; Moss, 2006 ; Nelson, 2006). En s’interrogeant ensuite sur les motifs des reprises démographiques rurales, et à l’instar d’un Michel Houellebecq qui a fait mention d’une campagne redevenue tendance, l’hypothèse d’une démocratisation — au sens de rendre populaire et accessible au plus grand nombre — de l’attractivité rurale a été posée. Celle-ci se concrétiserait par une diversification tant spatiale (de plus en plus de régions concernées) que sociologique (des profils impliqués de plus en plus variés : en âge, catégories sociales, compositions familiales, parcours résidentiels, motivations), et appellerait des adaptations méthodologiques pour en rendre compte.

Derrière la priorité donnée aux dynamiques de population, il y a donc des principes et des hypothèses de travail, mais aussi un constat épistémologique. À l’inverse d’études rurales américaines et internationales qui accordent une place de choix aux dimensions démographiques (Kandel et al., 2006 ; Brown et al., 2011 ; Kulcsar et al., 2011), ces dernières sont plus marginales chez leurs équivalentes françaises, du moins en termes d’analyses quantitatives et systématiques. La géographie rurale hexagonale ne fait pas ici exception, et un constat identique a été fait outre-Manche (Milbourne, 2007 ; Smith, 2007). À la suite de ces géographes britanniques qui ont appelé à un repeuplement des études rurales, ce travail de doctorat entend participer d’une revalorisation des dynamiques démographiques dans les analyses des campagnes françaises.

Cette première partie comprend trois chapitres, neuf sous-chapitres, et présente une étude générale des formes de renouveau démographique en France rurale. Un premier temps a pour objectif de positionner la démarche de la thèse par rapport à la littérature scientifique existante, sur les plans terminologique, thématique et méthodologique. Le chapitre 2 propose une étude englobante des reprises rurales françaises, en croisant des analyses temporelles des structures de population et des flux migratoires. Le chapitre 3 approfondit l’analyse des mobilités résidentielles, en s’intéressant aux pratiques spatiales selon les âges détaillés, les parcours résidentiels et les liens avec les lieux d’installation (lieux de naissance, lieux de vacances).

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Chapitre 1. Définir et analyser les renouveaux

démographiques des campagnes françaises

En juillet 2008, le Sénat publiait un rapport d’information sur l’espace rural français (Poncet et al., 2008). La même année, les résultats d’une mission prospective initiée par l’INRA, sur les nouvelles ruralités françaises à l’horizon 2030, étaient connus (Mora, 2008). En octobre 2009, Michel Mercier, alors ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, lançait les assises des territoires ruraux. Le mois suivant, un appel à projets au titre des pôles d’excellence rurale de deuxième génération était rendu public, et il faisait suite à une première vague de labellisation en 2006. Le rural était encore bien présent — à cheval sur plusieurs systèmes spatiaux — dans les réflexions prospectives menées dans le cadre du programme Territoire 2040, et dont les conclusions ont été publiées l’année dernière (DATAR, 2011). On retrouve ici les signes de l’attention politico-institutionnelle récemment portée à la situation des entités rurales. Qu’en est-il des travaux scientifiques, francophones et dans une moindre mesure anglophones ?

Un des objectifs de ce premier chapitre est — sans prétendre à l’exhaustivité et sachant que des compléments seront apportés dans les deux chapitres suivants — de réaliser un état des lieux des productions en sciences humaines, sur le renouveau démographique des campagnes françaises. Celui-ci permettra d’analyser la vigueur des études scientifiques, mais surtout de positionner la démarche de cette thèse par rapport à la littérature existante. Les items indiqués en italique structurent le chapitre en trois parties ; chacun y est questionné sur le plan terminologique, de sa caractérisation et de son appréhension méthodologique. Enfin, plusieurs encadrés se rapportant aux terrains d’étude complètent le discours général. Une présentation de ces territoires d’enquête est notamment faite dans les encadrés 7, 8 et 9 (pp. 42-47), placés en fin de chapitre. Il s’agit implicitement de justifier leur choix, par rapport aux objectifs de recherche auparavant explicités.

1) « Où en est le

rural

? », un univers spatial à cerner

Avant de questionner son supposé renouveau démographique, il convient déjà de discuter ce qui fait aujourd’hui le rural. Comment les géographes et les chercheurs en sciences humaines (historiens, sociologues, économistes, démographes) s’en saisissent-ils ? Quelles évolutions ont marqué l’analyse de cet objet d’étude historique, qui a été à l’origine de spécialités « fortement cloisonnées » (Micoud, 2002) et en opposition à leurs pendants urbains (sociologie rurale versus sociologie urbaine, et de même pour la géographie ou l’économie) ? Mais pour débuter l’analyse, intéressons-nous à la manière dont il est (a été) désigné dans la littérature scientifique.

a) (le) Nommer : des choix liés à des tendances disciplinaires et de société

Les dénominations d’espace rural, de campagne, de territoire rural, ou de monde rural, sont aujourd’hui les plus utilisés, avec une préférence indéniable pour leur emploi au pluriel. Une certaine diversité se dégage des recours terminologiques autour du rural, qui sont par ailleurs rarement justifiés. Quels choix et positionnements ont-ils été adoptés dans cette thèse ? Comment doit-on comprendre que le terme de campagne soit de plus en plus plébiscité, après de moindres utilisations dans les années 1970-1980, au profit de celui d’espace rural ?

Figure

Tableau 1. Synthèse des bases de données utilisées au cours du travail de thèse
Figure 1. Structure de la thèse et objectifs des différentes parties et sous-parties
Figure 2. Principales passerelles entre les parties et les chapitres de la thèse
Figure 3. Variables sélectionnées pour  la constitution d’une typologie des bassins de vie français
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