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Vivre dans les Ardennes occupées durant la Grande Guerre : le journal de Marthe Gilbin de La Moncelle (février-décembre 1915)

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Vivre dans les Ardennes occupées durant la Grande

Guerre : le journal de Marthe Gilbin de La Moncelle

(février-décembre 1915)

Nicolas Charles

To cite this version:

Nicolas Charles. Vivre dans les Ardennes occupées durant la Grande Guerre : le journal de Marthe Gilbin de La Moncelle (février-décembre 1915). Le Pays Sedanais, 2014. �hal-01722479�

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Vivre dans les Ardennes occupées durant la Grande Guerre

: le

journal de Marthe Gilbin de La Moncelle (février-décembre 1915)

Nicolas CHARLES1

FEVRIER

Lundi 8 soir : Manquer de nous faire choper, gendarmerie fait ronde, nous serrons contre la maison

et filons vite avec des caoutchoucs pour éviter le bruit

Mardi gras : Allons à Bazeilles. Ce jour on ramasse tout le monde Maria Sauvage et son neveu

Marcel sont ramenés à Sedan . Maria y reste emprisonnée 3 jours.

20 : Les al. viennent labourer nos champs !! Arthur est bien

découragé-Vers 10 h ils arrivent à 4 me disent bonjour. Ce sont les perquisitionneurs j’en suis bien flattée !!!

21-Dimanche Nous n’osons aller à la messe à Bazeilles

Ed et M viennent on assiste au salut on craint qu’on enlève les vaches fraiches à lait , ils en ont demandé la liste.

22 : On a pris 2 vaches chez MV et 1 chez Jules. ils en sont bien triste

Les gendarmes arrêtent tout le monde je fais la lessive

23 : Je vais à la coupe avec Léonard acheter une corde de bois, j’en ai 4 stères pour 9 Ordre est

donné de tenir maison très propre

24 : Je lave ma lessive il fait très froid. Il faut des œufs j’en promets 1 par semaine.

On défend de chanter aux saluts – on ch. Quand même

25 : Je recommence à scier mon bois !! J’en ai pour longtemps il faut des œufs et du beurre. 26 : 3 offices pour la paix communication à l’école pour la cultivation Il ordonne de nettoyer

les maisons. Tout le monde s’exécute on remet des rideaux propres. On visite les poulaillers

27 : Nouvelle visite au poulailler. MV est prise !! Béhin- On recompte les poules 28 : on raffle toujours - Dauby est pris

(llisible) Coquin pour fausse déclaration en a pour 6 semaines et 100 marks d’amende.

Nous allons visiter la tour Marie et Ed et Lucien sont venus. Marie m’apporte une poule il faut des œufs et du beurre je fournirai sur 6 poules 2 œufs par semaine

MARS

1 Professeur agrégé au collège de Monthermé. Doctorant à l'université de Paris I sous la direction de Nicolas Offenstadt.

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1 : nous avons du pain complet pas mauvais

2 : 7 ½ On visite encore les maisons d’émigrés pourquoi ? –on espère

3 : on entend le canon –On a des nouvelles de Jean on est heureux- posons dentelles N D de

Lourdes

4 : on fait la visite des chevaux- pourquoi

Nouvelles affiches- toutes les denrées sont saisies on est menacé de voir prendre ses p. de terre – Nouvel ordre de culture je commence à nettoyer le jardin espère aller aux pissenlits en allant à Bazeilles on me déconseille presque chez Valie et j’ai peur aussi-Enfin essayons ! A la grâce de Dieu. Marie vient nous chercher et nous ramène – faisons bon voyage

Les demoiselles Accard viennent me voir Marie m’apporte une poule.

5 : je fais un peu de jardinage on n’entend rien 6 : j’ai la migraine je couds un peu

7 : Dimanche messe dite par les enfants

Les enfants de chœur sont en surplis sans curé , c’est navrant. On prie bien quand même Il faut la liste des hommes femmes enfants aptes à travailler

8 : nouvel ordre de travailler dans les champs par quel temps que faire je bêche la plate bande

mais il fait trop froid

9 je scie et couds On a la photographie de Jean prisonnier

10 je scie et je couds- On entend …. Rosalie.. !! (Nom donné au canon)

11 : Marie vient. Il paraît qu’il faut s’approvisionner pour 5 à 6 semaines et cacher ses provisions.

Elle vient avec un couteau ramassant de la salade !! Elle m’apporte de la viande qu’elle a caché dans son corsage

12 : on entend Rosalie fort. Chez Arthur inquiétude on leur a dit que ce serait long. Nous mourrions

de faim dit-il ? à la grâce de Dieu j’ai bêché

13 : Je bêche Filoine vient avec une bêche sur son dos apporter des provisions.

14 : On a la messe Léone (sa fille) joue. Ed et M viennent, on se dit au revoir, on se dit qu’on sera 6

semaines isolés. Le soir Arthur nous décourage encore, on en a pour jusqu’à octobre. Nous mourrons de faim !

15 : lundi je bêche suis fatiguée repique ail et échalotes et sème salade Rosalie tonne au loin 16 mardi : je vais à Sedan avec Mr Dautet qui va à la farine c’est la dernière livraison ! que

fera-t-on après ? On nous promet 125 gr de pain par jour et par persfera-t-onne j’ai la migraine je suis bien découragée ! Arthur aura-t-il raison ? Aura-t-on faim ? J’ai été chez un entrepreneur de tricotage, on me promet de l’ouvrage avantageux je crois – enfin je dois y retourner

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18 : branle bas réunion à 1h à l’école. on nous dit qu’il faut déclarer ce qu’on a de pommes de terre

et d’aller planter jusqu’au 21. Ce qui restera appartient à la commandanture il faut les y porter. On est bien malheureux. Que fera t’on sans p. de terre. On visite encore une fois les écuries on ne vient pas chez nous on commente !! Rosalie tonne

19 vendredi : St Joseph. Je vais à la messe à Bazeilles avec Mélie nous y communions. Je lave et

repasse il fait un froid de loup il gèle fort.

20 samedi : Je viens de Sedan on parle d’évacuer la ville mais ce n’est pas vrai je voulais presque

retourner mais j’ai fait bon, voyage avec Mr Dautet nous portons beurre et œufs à la commandanture je rapporte de la laine, je vais essayer

Dimanche 21 : Jules V nous conseille de ne pas aller à la messe au dehors défense de sortir d’ici

mardi. Marie vient avec Lucie Leroy

22 lundi :je scie avec Mr Devie qui m’aide 2h.Marie vient encore on parle d’évacuer les bouches inutiles on peut aller dans le midi de la France. Ed. ne veut pas s’en aller. On prédit la famine à bref délai je refais encore quelques provisions

Mardi 23 : on nous invite à la mairie pour voir ceux qui veulent partir -pas un – On a le cœur bien

serré on pense qu’on aura faim. Je fais de la bière. On commente le départ. Je me demande si on, ne ferait pas bien c’est peut être une perche de salut qu’on a tort de ne pas saisir mais abandonner tout !!

Jules V ayant été convoqué nous apprend qu’il en faut 16 qui doivent partir à LM. Qui prendra-t-on, les indigents ? mais pas un ne veut plus l’être. On espère avoir du ravitaillement mais très peu. Mercredi 24 : le conseil municipal réuni ne veut pas la responsabilité d’inscrire d’office on ne répond pas –qui prendra-t’on de force ? à la volonté de Dieu !!

On parle des vieillards et des enfants ah si pa vivait encore dans quelle trance je serais. Il est bien heureux, plus que nous.

En sortant du salut on entend bassiner. Le maire prévient qu’on va avoir à loger 2 compagnies d’allemands ! Je suis dans tous mes états je pleure, pourvu que je n’en ai pas. Non ils logent dans les maisons creuses ou des émigrés. Tant mieux

Par 3 fois il faut montrer l’écurie mais j’échappe….

Arthur vient me chercher je me disposais à coucher chez nous. Il y en a 3 chez eux. Bien gentils on rit ensemble !!!...

Le matin au réveil c’est le même coup d’œil qu’avec les français mais quelle différence, des gris !! L’ennemi quoi !!! Ils sont pourtant gentils mais on ne comprend rien ils disent « com » à Mimite

(le chien) mais le pauvre petit en a peur ! Nous avons la cuisine sur notre pavé ils se débarbouillent

tous à notre cuvette. Toute la journée quel va et vient, ils viennent faire chauffer leur gamelle

(illisible) je ne puis m’absenter une minute le soir échange de cartes !!! quelle compensation pour

moi !!

26 : même aspect qu’hier ils cherchent à parler français j’en ai toute la journée un surtout George

qui joue avec Léone , je ne peux sortir . Marie vient après 4h on parle d’émigration on est bien triste ! 16h C de B est enlevé, pourquoi ?

Le soir j’en ai 5 puis des capotes qui sèchent quel tableau ça sent le Boch….. !! J’ai réussi à avoir des cartes je vais essayer Dieu veuille que je réussisse !! Ils passent la revue bottes en main c’est grotesque ! On en entend des (illisible)

Ça me fait penser aux Lanciers de mes pauvres gamines ! Où sont-ils bien Mon Dieu, plus heureux que nous sans doute.

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Samedi27 J’en ai servi toute la matinée ils donnent du chocolat à Léone et du cacao l’après midi

revue même qu’hier mais les tuniques et les calots à la main en place des bottes. Quel prestige !! Faut pas avoir connu nos petits rouges quand les reverrons-nous ? Je vais arranger les fosses et de là le cœur bien gros je les entends chanter et jouer du tambour et des hourrah !!! J’épluche des scorsonères pour demain plat traditionnel dit Jules !!

Dimanche Rameaux 28 Marie venue à la messe avec Lucie Leroy, elle est triste chaque année elle

rencontrait pa près de Mr Marny !! triste journée ! Nous dinons nous 2 Léone ! Les boches sont partis à Sedan la journée est bien calme nous avons les vêpres ça fait diversion. Le soir 2 viennent

(illisible) pas longtemps. Chez M V ils boivent quinquina suis obligée de trinquer !!! à votre

santé !! Ironie

Lundi 29 Ils sont revenus hier avec leurs armes et font l’exercice prononcent des sons gutturaux

qui vont au cœur ! Maintenant la musique il ne manque plus que ça tout le monde pleure ! Je descends chez Marie V il y en a un qui joue du violon sans arrêt et plein la chambre les autres déballent les balles horreur c’est pour tuer les nôtres. Le soir le violon racle toujours. Visite d’un capitaine et d’un officier il dit que Monmond a l’air bête pour dire qu’on dirait qu’il est en cage on rit.

Mardi 30 rien d’anormal exercices habituels, le fritz de chez Valie vient me scier du bois. Mercredi 31 rien d’anormal aspect habituel. L’un d’eux est (illisible) parce qu’il est en train

d’écrire chez nous.

Jeudi 1er avril : Ils vont au tir ils font des cibles on s’habitue à les voir et à leur causer celui de

chez MV est tordant, on ne peut s’empêcher de rire avec lui, on se le reproche après. Georges apporte des gâteaux à Léone

Vendredi Saint 2 Ils vont à l’église adorer la croix ils sont protestants. Marie vient elle en a aussi

allons à l’église

Samedi 3 ils vont à Bouillon et reviennent trempés. J’ai à faire sécher les capotes !!

Dimanche Pâques 4 Allons messe à Daigny. Sommes cramponnées par un boche jusqu’à 3h. Il

pleut toute la journée on est triste et morose. On est menacé de plus belle de famine. On a plus de pain à Sedan depuis 4 ou 5 jours. A Daigny depuis 14 jours.

Lundi 5 dernière fournée de pain, plus de farine. Allons à Bazeilles Marie a des B aussi, ils sont

gentils.

Mardi 6 On fait des tranchées énormes, ils sont partis à 3h du matin pour les faire, il y en a même

au-delà de Villers on se battra de nouveau par ici sans doute ça fait réfléchir dans quelle situation sommes nous !

Mercredi 7 Ils sont encore partis il a fallu prêter les bêches. Je vais avec Léone voir la tranchée et

je reviens le cœur bien serré de voir tout ça et quand je les vois en nombre avec leurs piques ! quelle horreur ça me rend malade !

Jeudi8 mon tricotage va bien suis bien payée et ai de la besogne je vais à Sedan avec Mr Dautet

et rapporte 11 apprenons qu’on va avoir du ravitaillement ça encourage un peu puis on nous dit que ça va bien reprenons espoir. Nos boches sont partis ils viennent dire au revoir et des poignées de main on leur souhaite bon voyage mais si seulement …

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Vendredi 9 Marie et Lucie L viennent faire leurs Pâques les leurs sont partis aussi – quel désordre

à l’école tout est gaspillé même les archives si pa était là comme il gémirait ! Marie m’apporte du cacao.

Samedi 10 il neige à force et fait froid- rien d’anormal – nous aurons de la farine

Dimanche 11 J’apprends la mort de M Bernard ! Ed et M viennent à la messe on dine nous allons

voir les tranchées on est perplexe.

Lundi 12 Vais à l'enterrement à [1 mot illisible] on voit des connaissances et le sujet principal est

qu'on a faim. On parle aussi d'émigration. Serons nous [2 mot illisible]

Mardi 13 Réunion à l'école pour le ravitaillement il faut un cautionnement ! On est soulagé. Mercredi 14 Je vais planter mes pommes de terre à la petite terre et tricote.

Jeudi 15 Je vais ensemencer à la petite terre et le reste de notre jardin. Marie vient après-midi rien

de neuf.

Vendredi 16 Messe et communions. M. De Kauter vient je vais chercher une [1 mot illisible] de

bois.

Samedi 17 Rien de neuf On reparle d'émigration.

26 Je n'ai pas écrit mes impressions la semaine dernière elles étaient trop tristes et mouvementées.

On a émigré 1500 personnes à Sedan prises à tout hasard et principalement les veuves ou dames de soldats. Quelle journée j'ai passé dimanche nous avions été à Buz avec Céline et promener à la gare ! Quelles pensées ! Et toute la semaine j'ai préparé nos affaires. Il [2 mot illisible]. C'est remis à plus tard pour les villages et on dit qu'on prendra les indigents dans ce cas je ne serai peut-être pas du nombre. Que Dieu le veuille, je suis un peu rassurée Marie et Ed sont venus hier ils ont eu bien peur aussi !

Maintenant il faut donner [1 mot illisible] par mois pour les chiens. Pauvre Mimitte il faut le sacrifier pauvre petite bête si intelligent et si beau ! Enfin il y a de plus grands malheurs. Oh triste guerre.

Mardi 27 C'est aujourd'hui qu'ils doivent avoir [1 mot illisible: vendu ? ] J'ai bien travaillé toute la

journée puis j'ai planté des haricots à notre jardin.

Mercredi 28 Marie vient on décide de tuer nos chiens pauvre bêtes.

Jeudi 29 Je suis malade et [1 mot illisible] aussi nous pensons à notre pauvre Mimitte pauvre petit si gentil si caressant ça me fait bien du mal et pourtant il le faut. Oh les [1 mot illisible]

Vendredi 30 Dernier délai je n'en ai pas dormi je remets toujours et je ne peux me résoudre à le

faire tuer.

Marie vient après 4h un allemand le voudrait bien j'aime encore mieux le lui donner que de le faire mourir il est parti et m'a bien embrassée la pauvre petite bête !! Enfin !

Samedi 1er Mai On a de la farine blanche mais ça diminue toujours. Je vais à la petite terre planter

haricots et cornichons. Semer carottes d'hiver M.Nivoise vient m'aider ce serait trop pour moi à midi il fait un orage et pleut. Vais à l'enterrement du petit de Georgette et Dauby.

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Dimanche 2 Messe à Daigny. Dîner à Bazeilles avec Céline et Léone. Mlle Vagnon veut bien

Léone. Il pleut j'ai la migraine nous rentrons à 6h Rien de neuf. Il tonne de toute manière. Avons revu Mimitte pauvre petit quelle joie de nous revoir il pleure en nous voyant partir s'appelle Jempy.

Lundi 3 Je vais conduire Léone et reviens soule, dine seule pas bien gai, je fais un petit pain et une

galette pour Léone.

Léone est revenue mercredi elle se plait bien à l'école mais moi je m'ennuie je travaille à forcer.

Vendredi Nous avons la messe et communion M. le curé déjeune chez nous ainsi que Marie et

Lucie L on espère tout de la St Vierge.

Samedi Nous allons à Sedan avec Valie et Yvonne on me paie mais je n'ai plus d'ouvrage.

Dimanche Nous allons au muguet il y en a beaucoup la journée passe agréable Léone retourne le

soir avec Marie

Lundi Nous faisons un autel à Jeanne d'Arc c'est beau.

Mardi 11 mai Rien de nouveau cette semaine. J'ai mal la jambe

16 Messe et vêpres à La Moncelle solennité de Jeanne d'Arc beaucoup de monde étrangers.

Mardi 18 messe à La Moncelle communion beaucoup de monde on dit que Lille est reprise par les

français

Mercredi Je vais Bazeilles

Pentecôte Allons messe Daigny restons chez nous le reste Lundi allons diner Bazeilles revenons par la gare tout est désert.

Trinité Ed. et Marie viennent à la messe à La Moncelle beaucoup de monde.

Lundi Vais à Sedan avec M passons chez [1 mot illisible] je vais marcher sans me faire [1 mot

illisible] rien de nouveau.

Juin Le mois de mai est passé et nous attendons Juin. On dit que ça va bien mais c'est long il

repasse des trains de morts allemands avec les têtes coupées. On a pris tous les instruments de cuivre à Rubécourt puis chez M. Montagnac. Va-t-on perquisitionné de nouveau ?

Vendredi Messe à La Moncelle 33 communions On paie les laisser passer. Devie et Aristide sont

pincées et relâchés le lendemain. Zelie et sa sœur Nimie Bahier Gabrielle 2 jours de boite prises sur la route sans provisions pourtant.

Dimanche Messe et vêpres à Daigny

Lundi 7 Passe journée à Bazeilles. Ed au lit sciatique. Mercredi 9 Ed ne se lève pas encore et Marie une faiblesse. Mardi 8 Je fais de la bière. Défense de rentrer ses foins.

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Jeudi Je plante des fèves.

Vendredi le mien est coupé je le rentrerai pourtant ! J'arrange nos fosses et repique des choses à la

P ter [Petite terre]

Dimanche 13 Fête du Sacré Cœur messe et vêpres à La Moncelle beaucoup de monde belle

manifestation enthousiasme.

Léone rate son tantum mais joue bien son cantique. Marie venue seule retourne vers 6h. Ed va mieux mais ne se lève pas. Fête de St Antoine.

Lundi 14 Je rentre mon foin dans de bonnes conditions.

Mardi 15 Je vais à Escombe avec Zélie et Laure Vivoix. Bien difficile et bien fatiguant passons à

travers champs et foin Défendu les routes ! Je rapporte 5 litres de beurre à [1 mot illisible] sous.

Mercredi Je vais à Bazeilles Ed va mieux et se lève un peu. Jeudi Je fonds mon beurre j'en ai un beau pot me [1 mot illisible]

Vendredi Je vais en Belgique avec Céline Zélie et Mélie. Quelles précautions grand Dieu. Enfin

nous rentrons à bon port. Je suis bien contente j'ai de bonnes provisions qui coutent moins cher. J'irai encore pour nous [1 mot illisible].

Dimanche Messe à Daigny allons dîner à Bazeilles. Ed va mieux Léone revient avec moi se [1 mot

illisible] et retourne avec Léonie [1 mot illisible] coucher à Bazeilles.

Lundi 21 Partons à 4h du matin pour aller aux Mouches avec Zélie Yvonne Elysée et Mélie.

Faisons bon voyage mais quelle chaleur rentrons à midi et manquons de nous faire choper au dessus des jardins. Céline avait couru nous prévenir. Je n'en puis plus je me change et me couche je n'ai pas le courage de me faire à dîner j'avais 23 livres. Bonne journée je gagne 9 [1 mot illisible] pour nous 2 [1 mot illisible]. Je me repose.

Mercredi Je retourne à Escombres danger toujours plus grand. Je regrette d'être partie laissons nos

parapluie à Francheval sommes à Escombres en peignoir coton souliers toile sans parapluie il pleut à verse et nous ne trouvons rien à rapporter à midi on se décide à battre le beurre pour nous Zélie le tourne à une maison et nous chez sa cousine.

Nous rapportons tout de même chacune 7 livres de beurre et 3 douzaine d'œufs, nous n'avons pas trop de pluie mais sommes trempées jusqu'aux genoux. En partant nous nous perdons et marchons une heure de trop sommes à [2 mot illisible]. Retour bien difficile et bien dangereux. St Christophe nous protège nous rentrons à 9h du soir étions parties à 4h du matin. On était bien [1 mot illisible] chez Marie V. triste temps que la captivité allemande. Quand sera ce terminé ? On se décourage de plus en plus enfin nous aurions de la graisse mais je me souviendrai de ces jours.

24 juin 8ème anniversaire de la mort de Léon. Il est plus heureux que nous ! Marie veux ramener

Léone. Ed n'est pas encore guéri ! Nouvelle affiche de défense de circulation !! Tout est défendu pour vivre on n'a qu'à se laisser mourir.

25 juin 40ème anniversaire de ma naissance. Bien sombre j'ai des tristes pressentiments j'ai

l'estomac comme dans un [1 mot illisible] J'ai envie de pleurer il pleut. Nous venons d'apprendre que Clément est prisonnier. Aurons-nous des nouvelles de lui ? Tout le monde en a excepté nous. Où sont-ils ! Plus heureux que nous sans doute !

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Dimanche 27 Allons à Daigny après-midi chercher du miel. Messe à [1 mot illisible]. Marie ne

vient pas.

Lundi et mardi rien de neuf tout le monde se fait ramasser.

Mercredi 30 on voit des prisonniers russes mais on n'ose s'approcher un chef le défend. Si pa était

là il serait content de voir les russes qu'il a tant réclamé.

Jeudi 1er Juillet On rabotte tout ceux qui vont porter du bois. Blot est du nombre ils sont 7 et

passent 1 jour et 1 nuit en boite. Zélie et Céline en a pour 3 jours.

Ninie [1 mot illisible] Gabrielle et [1 mot illisible] ont passé 1 journée et 1 nuit à Bouillon et arrivent à temps pour en empêcher 4 autres de se faire prendre. Aristide et [1 mot illisible] ne veulent rien croire et se font choper au four à chaux. Aristide en a pour 14 jours. On en ramène 24 près au fond de [1 mot illisible].

Vendredi 1er du mois Messe à [1 mot illisible] Marie et Lucie viennent M. le curé déjeune avec

nous. Le soir la ronde nous dit d'aller coucher. Personne ne rebiffe

Dimanche Messe à Daigny. Il fait chaud. Vais à Bazeilles avec Arthur et [1 mot illisible] après 4h Mercredi 7 Je fais confiture le soir violent orage.

Jeudi 8 Vais rechercher Léone M Stocanne est là rien de nouveau.

Vendredi 9 Nous échappons belle 2 fois. 5mn plus tôt je me faisais choper dans les [1 mot illisible]

avec Léone en revenant j'entends une auto je me cache derrière les buissons. Quand donc sera ce fini ce métier là !

Samedi 10 cette fois-ci nous sommes sacrifiés tout est saisi récoltes de moisson et les légumes je

vais quad même arracher mes 6 semaines j'en ai 2 doubles.

Dimanche 11 Messe à [1 mot illisible] Ed et Marie viennent on est bien découragé il faut encore

payer une contribution de 3000 marks ou de grandes représailles où ira-t-on les chercher Léone est malade mal aux dents !

Lundi 12 Le maire réunit tout le monde pour lire la sentence que va-t-on faire ! La circulation de

plus en plus difficile. Tout le monde cherche des provisions qui sont bien chères on a de bien mauvais pressentiments j'ai mal l'estomac. Ceux qui sont de l'autre coté sont heureux.

Mardi 13 Il faut verser la somme ou gare aux représailles qui sont [1 mot illisible] suppression de

ravitaillement. Léone ayant mal aux dents ne va pas à l'école nous allons dans les tranchées faire un bouquet tricolore pour Papa. Léone fait une gerbe pour son père.

Mercredi 14 Allons dîner à Bazeilles Marie et Lucie reviennent avec nous pour chercher des

provisions.

Jeudi 15 [4 mot illisible] d'indique le nombre des arbres et ce qu'ils pourront donner de fruits ! Dimanche Messe à Daigny M. le curé vient administrer [3 mot illisible] Lucie et Marie viennent à

la messe à Daigny. On va au ravitaillement on s'ennuie.

Du 18 au 25 Menace de perquisition pour les cuivres c'est fait à Balan où il y a beaucoup de [1 mot

illisible] Colson nous dit qu'un chef vient de lui dire qu'ob nous prendra tout qu'il nous faudra courir les champs pour trouver de quoi ne pas mourir de faim.

Réunion à la mairie pour la somme nous convenons d'être solidaires pour les obligations données. Sommes une vingtaine les [1 mot illisible] refusent Jules et Victoire se disputent.

On va glaner 2 jours il y a foule c'est défendu avant d'enlever les récoltes. Zélie est encore prise une fois ainsi que Gabrielle et Laure.

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Dimanche 25 Messe à [1 mot illisible] tout Bazeilles y vient et reporte des provisions. On nous

promet du pain blanc on s'en réjouit. Les pommes de terre sont saisies défense d'en arracher on va nous en vendre tout le monde en arrache.

Mercredi je vais rechercher Léone jusque Bazeilles j'ai peur je n'irai plus. La circulation est

impossible. [1 mot illisible] couche une nuit à la boite tout ceux qui vont au bois sont pris et reconduits à Douzy. Mme Maury Thiébaut et Grand fils Paul Huson s'enfuient abandonnant bretelles et vêtements. On rit quand même de les voir revenir. Les autres sont relâchés de Douzy mais on a leurs noms. Grégoire est repris et [1 mot illisible] de marchandises.

Vendredi Laure Zélie et Gabrielle ne sont pas revenues on est très inquiets à [1 mot illisible]. J'écris

à Clément. On a des nouvelles de Paul ils sont à Paris. Pourquoi n'en avons-nous pas ! M. Maréchal est emmené à Balan. [1 mot illisible] se bat avec Collignon de Bazeilles pour de la monnaie. Paul Gallot est prisonnier je luis écris le 3 juillet.

Samedi la somme est versée serons nous plus heureuses. Dieu le veuille car quelle [1 mot illisible] Dimanche 1er Juillet Allons à la messe à Daigny. Edmond et [1 mot illisible] rentre à Bazeilles on

rafle toujours beaucoup. Les 3 prisonniers ne reviennent pas c'est bien inquiétant on parle de lettre trouvée sur Laure.

Vendredi 1er du mois Messe à La Moncelle 53 communions Mlle Vagnon et M. le curé viennent

déjeuner on dit que c'est long. Léone est en vacance.

Dimanche Messe et [1 mot illisible] à La Moncelle Ed et Marie viennent on est dans l'anxiété car

on craint qu'on se rebatte ici ! 22ème anniversaire de la mort de Maman. Zélie et Laure reviennent sans Gabrielle qui y est encore pour 8 jours il n'y avait pas de lettre elles sont revenus par

Neufmanil Charleville et Sedan.

Mardi Les bandits ils demandent toute notre monnaie nous n'avons plus droit qu'à des billets de la

ville. On reporte à la mairie toute sa monnaie !! C'est triste. On en prend encore une trentaine au fond Givonne. La ligne tonne.

Mercredi 12 ou 13 Léonie est prise.

Vendredi Rien de nouveau on se demande maintenant ce qu'il va falloir donner ! Il paraît qu'on

nous appelle en France les martyrs des Ardennes. Combien on a raison ! Je suis tout à fait

découragée et la perspective de l'hiver me rend folle. Sans lumière se sera bien gai. Oh que le bon dieu veuille donc venir à notre secours. Que la St Vierge fasse donc un miracle en nous délivrant. On a des nouvelles de Jau Daulet elle a une petite fille. M Thiebaut aussi a eu des nouvelles. Il n'y a que nous !

Léone est avec moi on ne fait plus l'école Marcelle Valot ayant été prise il est défendu aux enfants de sortir. Il nous sera impossible d'aller à Bazeilles.

Dimanche 15 Août Assomption anniversaire des premiers coups de feu. Les petits butins ayant tiré

après l'aéroplane on avait eu de l'émotion mais qui était [1 mot illisible].

Messe à Daigny. Léone y va aux vèpres. Avec [1 mot illisible] et [1 mot illisible] Ed et Me viennent après [1 mot illisible] Collignon vient chanter les vèpres. Ca va bien. Léone retourne à Bazeilles On est toujours inquiet concernant la somme. On ne peut liquider nos titres !

Mardi Je vais au bois chercher du petit bois pour allumer le feu il y en a du monde c'est incroyable

on a le droit le mardi.

Mercredi Je m'ennuie affreusement Léonie ne revient que demain.

Jeudi 19 Il fait beau tout le monde arrache des pommes de terre passent 2 gendarmes vite tout le

monde est prévenu on se couche dans son champs. Aristide monte la 3ème marche de son escalier à la hâte il est blanc comme un mort. Il était temps il a échappé ! Personne n'est vu mais quelle panique.

Vendredi Messe et communion pour l'assomption. Enfin on a des nouvelles de Marie me passe le

billet à la messe ca me fait un drôle d'effet que j'en ai la migraine. C'est peut mais enfin on est content tout de même.

Samedi Réunion à l'école [1 mot illisible] il faut encore de l'argent !! Personne n'en a plus. Je vais

arracher des pommes de terre à la petite tere. Je tremble j'écoute toujours si j'entends les sabots de cheval ou si j'aperçois des vélos j'irai me cacher dans les pois. Il pleut je rentre fraiche et

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mécontente. Il y a 1 an que nous portions les fleurs à l'artillerie qui montait en Belgique pour nous défendre! Quelle ironie !!

Dimanche 22 : Messe et vêpres à La Moncelle. Ed et M. viennent c’est magnifique il y a une grotte à ND de Lourdes. M. le curé nous fait prier, on pleure et on espère… !

Lundi : Je vais finir d’arracher mes pommes de terres par petites [dossées ?] et en tremblant je me cache derrière les pois à plusieurs reprises. Qu’on a donc du mal on est pas fort et avec ça l’esprit n’est jamais tranquille.

Je viens de l’échapper belle Saint-Antoine était avec moi pendant que je goûtais il est passé 2 gendarmes. Dédé est attrapé par Pignolet ainsi que le père Dohan enfin j’ai fini grâce à Dieu j’ai de belles pommes de terre. Seront-elles pour nous ! On nous assure la délivrance pour octobre Oh que le Bon Dieu le veuille ! !

Mardi : Il y a un an à pareil jour qu’on se sauvait. Nous allons au bois avec [un mot illisible] et Marcelle Valot.

On assure bien sûr que ce sera terminé pour l’hiver. Octobre disent les uns septembre même disent d’autres. Les nouvelles sont bonnes suivant les pronostics mais les bonnes langues vont bon train ! C’est déjà fini à les entendre. Je n’espère pas tant moi ! On parle aussi d’évacuation car on suppose qu’on se battra de nouveau par ici. On dit même que Beaumont est évacué ! Où irons nous Grands Dieux ! ! On dit aussi que la Commandanture Sedan Land vient au Montvillers !

Mercredi jeudi vendredi je fais ma lessive et lave nos affaire pour l’hiver où serons nous en hiver ? Oh quelle vie !

Dimanche : messe à Daigny. Marie vient seule après midi et reprend Léone on dit que ça va bien ! ! Lundi : Par ordre des allemands il faut faire l’école, ce qui était impossible il y a un an pour Jules V. est fait cette année en 2 jours de temps. Nous avons nettoyé l’école et Mle Malaizé vient

commencer vendredi. On a manqué d’avoir [mot ratturé] ! ! !Horreur ! Ils sont intelligents à LM on en reparlera ! Oh non je n’en reviens pas ! Je vais rechercher Léone mardi et manque 2 fois de me faire rabattre. Y échapperai-je toujours !

Mercredi 1er septembre : Les Français devaient être là pour ce jour. ! On entend plus rien dire on est de plus en plus découragé et moi désespérée je suis un peu malade et naturellement portée à la mélancolie, il me semble que je broie du noir pour le restant de ma vie !

Toujours la contribution de guerre Jules V va à Sedan tous les jours. C’est de plus en plus défendu d’arracher ses pommes de terre. On y va de plus belle les uns font le guet…

Vendredi : On fait l’école. Nous avons été toutes les mères nettoyer l’école qui était bien sale on commence aujourd’hui. Léone après avoir fait la grimace y va avec plaisir.

M. le curé vient déjeuner ainsi que Mle Cordier l’institutrice et Marie. Beaucoup de communions à la messe.

Dimanche : Messe à La Moncelle il y a foule il fait beau tout le monde ne tient pas dans l’église. Léone joue la messe sans se tromper et est félicitée. Grand-père aurait été bien content. Ed. et Marie viennent et retournent le soir. Réunion à la mairie il faut des inscriptions aux portes contenant les noms de tous ! !

La commmandanture est à Montvillers il sera de plus en plus difficile de sortir il y a des [postes ?] à tous les coins on ne veut plus donner de laisser passer tant qu’on n’aura l’argent !

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mais les Ulhans sont encore venus fiche la panique et menacer commandateur j’ai été au Bochet on est plus tranquille. Tout Balan est au bois Chevalier les demoiselles Accard y vont aussi ! !

[Marthe ?] Colson il faut bien si on veut se chauffer à l’hiver.

Jeudi 9 : il fait beau tout le monde est aux pommes de terre après 5h du soir moment le plus propice Yvonne y est aussi derrière chez nous. Alerte ! En voilà ! ! Grégoire entre en courant chez Maury Adèle et Marthe se précipitent dans le corridor Manchal. Léone rappelle nos poules c’est le signal pour Yvonne ! C[ ?] qui garde les vaches plus haut sur l’autre route doit rappeler son chien. Toutes les cloches d’alarme donnent à la fois on se couche et se cache partout. Il n’y a personne de pris ! Samedi 11 septembre : je vais arracher un panier de pommes de terre dans la terre d’Arthur pas d’alerte !

Dimanche : fête à La Moncelle, messe et vêpres belles cérémonies chants et acclamations on prie supplie la Sainte-Vierge de nous venir en aide, c’est touchant tout le monde pleure. M. le curé de Givonne fait de belles cérémonies.

Lundi : Il a tout de même un laisser passer et vient chanter la messe des morts. Ed et Marie viennent c’est l’anniversaire de la mort de notre [1 mot illisible] père. Nos pensées communiquent sans doute hier et aujourd’hui avec Jules. Savent-ils que pa est mort. Ils auront pensé et parlé de la fête. Marie seule était venue hier. Il y avait encore alerte nous avons passé une bien triste journée en nous voyant seules. On a parlé galette et pâtés de chaque année et nous manquions de pain ! ! ! Marie avait apporté un gros lapin mais avait oublié son pain.

Lundi après-midi nous avons cueillis nos pommes avec Ed. Ils sont repartis après 4h. Je suis allée aux pommes de terre Yvonne et Céline y sont aussi. Léone fait le guet. Petiit vite on se cache. Ce n’est rien. C’est 2 qui vont chez Jules par la ruelle, on se remet au travail jusque tant qu’on y voit plus.

Mardi : Il pleut. Impossible d’aller au bois le matin, j’y vais tout de même 2 fois après-midi. On a bien du mal le chemin du Bochet est mauvais et sale, je suis fatiguée. L[illisible] y ont été aussi du bois Chevalier je ne les vois pas.

On ne donne plus de beurre mais du lait c’est Valie qui le porte à Sedan. Tous les jours la ration sera diminuée pour les gens de La Moncelle. Ceux de Balan n’en ont plus et pleurent pour les petits enfants quel malheur.

Mercredi : Léone retourne avec M Malaisé et revient vendredi avec elle. Marie a 3 allemands et leur fait à manger elle ne se plaint pas trop. Je vais arracher un panier de pommes de terre tous les après 5h. Yvonne y vont aussi, pas trop d’alertes ! !

Je rentre les pommes de terre à la cave et range {1 mot illisible] au grenier. Abat les prunes pour un pot de confiture et vais aux pommes de terre les après 4h.

Dimanche 19 : Fête à Daigny il fait beau nous allons à la messe Ed. et M viennent après midi et nous apprennent la mort de cette pauvre Louise Moutarde ! Mourir seule avec son petit garçon c’est triste ! Rien de nouveau pour la guerre Mon Dieu que c’est long ! ! ! Et on dit que ça va bien ! mais que serai-ce si ça allait mal !

Mardi 21 : réunion à la mairie. Il faut reporter des pommes de terre c’est à dire faire un magasin tout le monde en porte il y a un gros tas et on cache le reste -quel métier- je vais au bois 3 fois et suis fatiguée. Les gendarmes sont encore là avec leurs menaces, on passe quand même. [1 mot illisible] de Balan sont accompagnés d’un boche et n’y vont qu’une fois ils sont passés tous ensemble e matin, quelle foire ! !

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Mercredi 22 : je range des pommes de terre. Léone va à Bazeilles avec Mle Malaisé je vais au ravitaillement, il est boh [ ?] ! Je couche chez Valie.

Le canon tonne.

Jeudi 23 : on arrache toujours les pommes de terre pour les allemands nous n’avons droit qu’à ½ livre par jour et par personne. Avec notre ½ livre de pain nous allons devenir de plus en plus gras ! Il est défendu de circuler vers le ban sans laisser passer ou gare les représailles mes lapins vont mourir je ne saurai plus aller rafourées [ ?] !

Vendredi 24 main : le canon fait rage la maison tremble ! Est-ce la délivrance. Que Dieu le veuille qu’on saute d’un côté ou d’un autre tout le monde est résigné ou demande la délivrance à grands cris coûte que coûte !

Samedi 6h matin je me lève de bonne heure pour déménager pommes de terre que c’est donc malheureux on ne fat que ça et toujours sur le qui vive. Le roulement du canon s’accentue c’est effrayant tout le monde a l’estomac resserré que va-t-il arriver on dit qu’il arrive de la troupe à Bazeilles, les caissons descendent la côte Bourland. Allons-nous encaisser.

Midi - tout est calme le bruit du canon est très éloigné il n’y a pas troupe.

Dimanche – Messe à La Moncelle. Très peu de monde. Ed. et M. ne viennent pas on s’ennuie, je profite du dimanche où les gendarmes sortent moins pour aller à la rafourée. Le canon reprend vers midi quel tapage on dit que ça va bien mais que nous repasserons au bombardement. Les jeunes gens de Vouziers sont dit-on à Sedan. Le canon cesse vers 6h du soir.

Lundi 27 : rien de nouveau.

Mardi 28 : on distribue les laisser passer pour aller au bois. Je n’en n’ai pas ça me fait gros cœur. Zuléna [ ?] me prête le sien et je fais u voyage une bonne charge. Je coupe un potiron qui pèse plus de 20 livres !

Mercredi 29 : Rien de nouveau. Céline prépare des sacs pour si on nous évacue, quelle perspective. Ce serait mon plus grand malheur !

Jeudi 30 : Je vais à la petite terre où je constate qu’on m’a volé 6 ou 8 beaux choux, des carottes et haricots ! !

Vendredi 1er du mois d’octobre : Messe où il y a beaucoup de monde et 65 communions, les

institutrices viennent déjeuner ainsi que M. le curé qui me dit que nous les aurons encore à Pâques, ça me remut [ ?] bien ! et pourtant tout le monde dit que ça va être fini Blot et Elysée disent que les Français seront là dans 15 jours, Vouziers Machault Monthois sont repris ou il paraît que ce fut terrible !

Samedi 2 : on a évacué Donchery Nouvion Vrigne-Meuse ! Pourquoi ? On dit que ça va être notre tour je suis dans tous mes états et demande plutôt la mort. Mle Malaizé me rassure. Qui croire ? Le Bon Dieu ne veut donc pas se laisser toucher par nos supplications. Ceux qui sont à Carizez [ ?] sont bien heureux !

C’est redéfendu de circuler dans les rues du village après 6h du soir.

Dimanche 3 : Toute la semaine se passe dans l’anxiété il faut 30.000 marks ou on évacue tous les villages de Sedan Land 800 pour La Moncelle mais on est responsable l’un pour l’autre, tout le monde prépare ses affaires pour partir. On est bien triste. Je vais chercher un laisser passer pour aller au bois on me le donne sans observation. Marie est bien triste et prépare tout aussi. Bazeilles

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ne trouve pas la somme. La Moncelle l’a qu’allons nous devenir ?

On apprend samedi que la somme est donnée, on respire en attendant autre chose. Le canon tonne fort on espère la délivrance, on fait déménager tous les écarts.

Dimanche 10 : Ed. et Marie viennent, on est un peu plus gai. Léone retourne mercredi avec Mle Malaizé et revient vendredi. La demoiselle s’est fait prendre avec les 2 instituteurs. On a plus de beurre et plus qu’un sou de lait c’est bien peu ça me manque beaucoup, la ration de pain est diminuée, oh il n’y a pas à dire, on a faim !!!

Dimanche messe à Daigny. Prêtes à partir un gendarme arrive et nous défend d’y aller. Fait

retourner Mr Husson Maury et à Daigny nous allons dire notre messe à La Moncelle. Léone joue les jeunes filles chantent.

Marie vient lundi avec Mle Julie, elle n’a plus ses Boches. On n’entend plus rien. M De Kanter me renvoie de l’ouvrage, suis heureuse.

Léone revient vendredi de Bazeilles et nous donne des nouvelles de Clément Jules et la famille. Pauvre Bonneville !

Vendredi 22 : Il y a de l’artillerie à Bazeilles Balan Daigny allons nous en avoir. Que la Sainte-Vierge nous en garde. Il paraît qu’il faut toujours se tenir prêts à partir ça peut nous arriver d’un moment à l’autre. Que je suis donc triste !

Dimanche 24 : Messe à La Moncelle. Très peu de monde je reste chez nous à préparer de l’ouvrage. Lundi : je fais des ch p [ ????]

Mardi : Je vais 2 fois au bois mais bien du mal, il a plu on enfonce. J’ai des nouvelles de tous mes parents de Saint-Michel, je suis bien contente.

Léone va à Bazeilles les Boches y sont toujours bombance nous nous n’avons rien. Dimanche 31 : messe à Daigny nous y allons sans encombre mais on court en revenant. 1er Novembre Toussaint

Messe à La Moncelle jouée par Léone qui s’en tire bien nous sommes seules Marie ne peut venir elle vient seule le lendemain après-midi. J’ai de l’ouvrage en masse et m’y tient je suis tranquille je ne sors pas entends pas de ramage. C’est tuant tous ces dires après l’un et l’autre on n’en sort pas triste guerre que de désunion et de méchanceté et de vols elle aura entrainés. Tout le monde vole à qui mieux mieux c’est affreux on serait pourtant bien tranquille en ce moment on n’entend plus rien.

Vendredi 1° : messe et 2 communions à La Moncelle. Personne de Bazeilles les Boches partent et viennent voler le charriot d’Arthur qui est bien ennuyé. On nous annonce du ravitaillement nouveau d’un comité de Charleville je demande houille et carbure.

Samedi : Léone va à Bazeilles bien contente pour aller à l’enterrement de M. Stocanne dimanche. Ed. n’y va pas.

Dimanche 7 : La petite Stivalet est malade.

Lundi : Elle meurt du croup. Quel affolement dans le village tout le monde a peur.

Mardi 9 : Enterrement les enfants n’y vont pas même pas un enfant de chœur. Léone et Marcelle garnies de camphre guettent dans toutes les maisons. Nous lui achetons une belle couronne de 13 francs je rends 6 francs à la mère, pauvre petite femme !!

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Vendredi 12 : M. Ducloux écrit à Jules V et donne des nouvelles de tous les soldats de La Moncelle pauvre Charles excepté ! Vais à Bazeilles chercher laisser passer.

Samedi : vais à Sedan avec Marie V. Je suis payée. J’ai des nouvelles de Paul Gallot. Dimanche 14 : Ed. et Marie viennent il pleut et fait froid.

Du 14 au 21 : je travaille à force et n’ai guère le temps d’écrire mes impressions rien d’important. Mle Malaizé apporte son diner et mange avec nous. On n’a vraiment guère de pain on a toujours faim. On fait des gâteaux de riz et pommes et pommes de terre. C’est bon. Des gaufres au riz moulu enfin ce qu’on peut pour se nourrir. Maudite guerre on nous la prédit encore 5 ou 6 ans !!!

Du 21 au 28 : nous avons un peu plus de pain mais c’est de la farine allemande il n’est pas bon surtout rassi. Nous avons de la houille je suis heureuse mais pas encore de carbure ! Et j’ai à travailler ?

Du 23 au 25 j’ai fait pour 64 de chais

28 novembre : messe à La Moncelle il gèle et fait très froid pas grand monde à la messe. Léone joue et étudie la messe de Noël !

Du 28 au 5 : semaine ordinaire on parle de paix je n’y crois pas. M. Lieure ne vient pas le 1er

vendredi il pleut. Léone Mozaive est chez nous il est question de faire partir les femmes de …ffière elle écrit à Jules la verte de Léone est faites et va bien.

Cette brève présentation de la vie dans les Ardennes occupées par les troupes allemandes a pour but de tracer les grandes lignes de cette période afin de faciliter la lecture du carnet d'occupation écrit à La Moncelle à cette époque. Cette source inédite à ce jour apporte des précisions nouvelles sur l'occupation germanique durant la Grande Guerre dans les Ardennes. Ce texte a été publié tel qu'il a été trouvé, sans modification, afin de laisser le lecteur en prise directe avec cette source. La présentation qui suit s'attache à montrer des faits identiques à ceux décrits dans le témoignage de la Moncelle afin de démontrer que la situation vécue par les habitants de ce village se retrouve dans tout le reste du département, voire même à l'échelle de toute la zone occupée.

Les relations interpersonnelles sont au cœur de la vie et des préoccupations des civils et des soldats allemands qui les occupent entre 1914 et 1918. Aussi bien sur le plan des représentations que des pratiques, ce sujet est central dans l’étude de la vie quotidienne dans les régions françaises sous domination allemande. Depuis de nombreuses années, les travaux de recherche, derrière les

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nombreux écrits d’Annette Becker2, sont essentiellement orientés autour des problématiques de violences subies par les civils. Un des buts de cette recherche historique était de chercher des germes de la Seconde Guerre et de la violence qui se déroule entre 1940 et 1945 en Europe dans la Grande Guerre. Ainsi, avec le phénomène des déportations de civils vers l’est de l’Allemagne entre 1914 et 1918, les historiens qui traitent de la violence ont voulu y voir, par anticipation, la naissance du système concentrationnaire que développent les nazis quelques années plus tard. Même si la violence est au cœur des relations entre civils français occupés et soldats allemands, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas le seul type de relations entretenues entre les deux parties.

Depuis la fin des années 1990, à la suite des travaux de John Horne et d’Alan Kramer3, il y a un renouvellement des perspectives historiques, en particulier pour ce qui concerne les représentations. En effet, désormais, avec les travaux de Philippe Nivet sur l’occupation dans l’Oise4 et ceux de Benoît Majérus sur la Belgique (en particulier Bruxelles)5, de nouveaux champs de l’histoire culturelle de la Grande Guerre sont ouverts.

Comme nous venons de le voir, l’histoire culturelle de la Grande Guerre a peu traité des relations interpersonnelles entre civils occupés et soldats allemands qui les administrent. Pourtant, de leurs relations quotidiennes qui peuvent être violentes certes, mais aussi amicales voire amoureuses, naissent un certain nombre de représentations et de pratiques, comme le montre le manuscrit publié dans cette revue, rédigé dans le village ardennais de La Moncelle, proche de Sedan.

L'arrivée des Allemands : un choc pour les civils ardennais.

2

BECKER Annette, Oubliés de la Grande guerre : humanitaire et culture de guerre, 1914-1918 : populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Noêsis, Paris, 1998.

BECKER Annette, Journaux de combattants et de civils de la France du Nord dans la Grande Guerre, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve-d'Ascq, 1998.

BECKER Annette et BENSSOUSSAN Georges, « Violences de guerre, violences coloniales, violences extrêmes avant la Shoah », Revue d'histoire de la Shoah, 189 (2008).

BECKER Annette, Les cicatrices rouges 1914-1918, France et Belgique occupées, A. Fayard, Paris, 2010.

3

HORNE John, KRAMER Alan, German Atrocities, 1914. A History of Denial, Yale University Press, New Haven and London, 2001.

4

NIVET Philippe, Les Réfugiés français de la Grande Guerre, les boches du nord, 1914-1920, Economica, Paris, 2004.

NIVET Philippe et CARPI Olivier, La Picardie occupée du Moyen-Age au XXe siècle, Encrage, 2005.

5

MAJÉRUS Benoît, « Bruxelles, 1918 : révolution et sortie de guerre » in CHASSAIGNE P. et LARGEAUD J.M. (dir.), Villes en guerre, Paris, Armand Colin, 2004, pp 196-207.

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Août 1914, la guerre éclate en Europe à la suite de l’assassinat à Sarajevo le 28 juin 1914 de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois. Par le jeu des alliances, Français et Allemands se retrouvent entraînés dans ce conflit.

Depuis 1870, de chaque côté du Rhin, beaucoup souhaitent en découdre avec l’ennemi. Du côté français, il faut laver le déshonneur qui frappe l’armée depuis l’humiliation de Sedan. Pour les Allemands, il s’agit de transcrire leur domination économique sur l’Europe au domaine politique, eux qui, dans l’aventure coloniale, sont en retard par rapport aux Anglais et aux Français. Les protestations de quelques pacifistes européens deviennent inaudibles après l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 19146 en France. Le grondement du canon a pris le dessus et les deux nations sont sur le pied de guerre.

Les populations frontalières sont inquiètes et les premiers jours du conflit semblent leur donner raison. Alors que l’armée allemande progresse et que rien ne semble pouvoir l’arrêter durant cet été 1914, les Ardennes paraissent vouées à subir le même sort qu’en 1870. En quelques jours, les armées françaises sont repoussées de Belgique. Elles se replient. Dans les Ardennes, elles ne peuvent tenir leur ligne de défense sur la Meuse. Après la chute de Givet et la prise rocambolesque du fort des Ayvelles, rien ne semble pouvoir arrêter les soldats de Guillaume II. Les Ardennes sont envahies7. Les exactions allemandes à Haybes8 et dans d’autres villages, ainsi que les rumeurs les plus folles qui circulent sur des atrocités commises par les troupes germaniques, effrayent les populations civiles du nord du pays. Ceux qui le peuvent, parce qu’ils en ont les moyens ou parce qu’ils savent où aller, décident de fuir. Cet exode est toutefois loin d’être massif, tout du moins dans un premier temps, car beaucoup de civils n’ont que peu de biens et ne veulent pas les abandonner aux armées du Kaiser. La fuite est donc très désordonnée. Les autorités sont dépassées9. La majorité de ceux qui fuient dès les premiers combats sont des personnes aisées (comme Boucher-Leheutre, maire de Charleville) qui se replient sur Paris où elles possèdent souvent un logement. Ainsi une grande partie de la bourgeoisie, principalement industrielle et commerçante, décide dès les premiers 6

La grève générale, imaginée par les socialistes français et allemands pour empêcher le conflit, ne peut s’organiser après la mort du plus farouche opposant à la guerre, Jean Jaurès. Partout, c’est « l’union sacrée » et la plupart des partis socialistes européens ne s’opposent pas à la guerre, voire même votent les crédits de guerre comme en France.

7

Pour plus de précisions sur le déroulement des combats dans les Ardennes, voir ANDRÉ Stéphane, L’invasion des Ardennes, août 1914, in Occupations Besatzungsteiten, éditions Terres Ardennaises, Charleville-Mézières, 2007 pp 28-48.

8

Ibid.

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jours du conflit de mettre à l’abri familles et richesses. En automobile et en train, elle gagne la capitale où elle pense que la guerre ne les atteindra pas. Au final, le nombre de personnes qui ont fui l’avancée allemande est relativement faible. La majorité est restée chez elle, sauf bien sûr les hommes qui ont été appelés sous les drapeaux dès la mobilisation générale10.

Après la bataille de la Marne, l’armée allemande reflue mais le front se stabilise au nord de Reims. Les Ardennes et le Nord, comme plusieurs autres départements français, sont occupés, au moins en partie11. Face à cette situation qui semble devoir durer, les populations civiles de ces départements s’apprêtent à subir une occupation qui devait durer plus de quatre années et qui allait les séparer totalement du reste du pays.

Créer la loi : le cadre administratif mis en place par les troupes d’occupation. Qui sont les occupants en face des civils français ?

La population des Ardennes sous la botte allemande doit, dès le mois de septembre 1914, se soumettre aux nombreuses injonctions des occupants. En effet, dès les premiers instants de leur présence, les autorités militaires germaniques déploient tout un arsenal de lois. De nombreux décrets, dont beaucoup sont visibles aux Archives départementales des Ardennes, organisent la vie des Français occupés qui ne peuvent désormais plus circuler librement. Présenter des nouveaux papiers d’identité délivrés par la Kommandantur locale, ne pas circuler aux heures du couvre-feu, obstruer les fenêtres des maisons le soir pour ne pas fournir de repères la nuit aux bombardiers franco-britanniques, autant d’obligations quotidiennes pour les populations occupées. Les Allemands justifient ces règles drastiques par la crainte d’éventuels actes de sabotage12. Des avis, souvent bilingues13, explicitent les nouvelles règles aux habitants. Ils sont placardés dans toutes les régions passées sous le joug germanique. La liberté d’expression est supprimée14.

10

Le 1er août 1914, la France décrète la mobilisation générale. Le tocsin est sonné dans toutes les communes de

France pour appeler les hommes qui ont satisfait au service militaire à se rendre dans leur unité de combat.

11

Le Nord-Pas-de-Calais, l’Aisne, l’Oise, la Somme, la Marne, la Meuse, la Meurthe et Moselle, les Vosges sont aussi touchés.

12

Cette peur est née lors de la guerre franco-prussienne de 1870 et surtout lors de l’occupation qui s’ensuit. Lors de l’invasion de 1914, les soldats de Guillaume II ont en tête les récits colportés par leurs prédécesseurs et se méfient fortement des populations civiles.

13

AD 08 : 21 Fi 15. Voir annexe n°1. Avis bilingue des autorités allemandes sur les laissez-passer que doivent posséder les civils.

14

AD 08 : 21 Fi 18. Voir annexe n°2. Affiche qui réprime la diffusion d’une caricature sur Guillaume II à Anzin (Nord).

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Les sources privées françaises mettent en lumière qui sont ces personnes qui doivent faire appliquer cette législation contraignante aux civils qui sont sous leur coupe. Il y a tout d’abord les militaires qui sont rattachés au Quartier Général pour le front de l’ouest qui se trouve à Charleville. La plupart sont des gradés de haut rang. Il y a aussi les officiers supérieurs qui commandent les différentes zones d’étapes15. Les Kommandanturs locales sont, elles, dirigées par des officiers. Nous le voyons donc, l’administration allemande est organisée de façon pyramidale. La plupart des règlements, émanant de l’État-major ou du siège de « l’étape » sont réalisés par des officiers supérieurs qui ont fait leur carrière dans l’armée. La rigueur prussienne est souvent leur marque de fabrique. À l’inverse, les Kommandanturs ne sont pas forcément dirigées par des militaires de carrière. Les soldats, quant à eux, sont souvent issus de régiments territoriaux, des gendarmes ou des soldats de ligne qui se retrouvent quelque temps à l’arrière pour se reposer. Ce dernier cas est par exemple décrit par Ersnt Jünger16. Il y a ensuite les gendarmes qui sont là pour faire appliquer les règlements et faire régner l’ordre. Ce sont les occupants les plus redoutés par les habitants, comme on peut le lire dans les nombreux carnets que nous avons étudiés. La Feldgendarmerie est donc le bras armé des autorités d’occupation. La plupart des contrôles et des arrestations de civils sont de leur ressort. Les soldats territoriaux forment la dernière catégorie de soldats au contact de la population. Ce sont les plus appréciés, ou tout du moins ceux que les civils détestent le moins, car ils sont souvent des soldats âgés, pères de famille, moins farouches et moins méprisants que les autres. Nous en reparlerons plus loin.

Dès les débuts de l’occupation, la loi martiale entre en vigueur dans les zones françaises occupées. L’armée de Guillaume II maîtrise ces espaces, considérés comme des zones militaires sensibles, car situés à l’arrière-front. Espace vital pour l’approvisionnement de la zone des combats, ils font l’objet de précautions particulières pour éviter de nombreux problèmes dont le plus redouté est le sabotage. Il pourrait désorganiser les troupes au front et leur ravitaillement. C’est une des raisons qui poussent à la mise en place de règles de vie draconiennes pour les populations occupées. Les contrôles deviennent systématiques, il faut se déplacer en permanence avec ses papiers, comme nous le montrent les différentes sources privées étudiées dans les Ardennes. Les Allemands, par souci constant d’efficacité, multiplient les recensements de population. Les habitants doivent, tout

15

Les régions françaises ou belges occupées sont divisées en plusieurs zones d’étapes. Ce sont des circonscriptions qui sont toutes dirigées par un haut gradé, souvent un général, comme le montrent de nombreux affichages allemands.

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au long de la guerre, déclarer tout ce qui se trouve dans leur maison : personnes, animaux, richesses, comme en témoignent de nombreuses affiches17.

Si les règles édictées par les Allemands ne sont pas respectées, la répression s’abat implacablement sur tout le monde, hommes ou femmes, avec la même sévérité et exemplarité des peines. Le plus souvent, il s’agit d’amendes. Celles-ci apparaissent exorbitantes aux populations qui ne peuvent souvent pas les payer. C’est alors en prison que les fautifs se retrouvent. Des petites cellules sont aménagées dans toutes les Kommandanturs, souvent dans les caves du bâtiment. Les municipalités se voient, elles aussi, infliger de lourdes amendes si les demandes des occupants ne sont pas respectées en temps voulu.

La loi martiale allemande en place, les Ardennes, à l’instar des autres régions françaises occupées, passent sous la coupe de l’armée allemande. Celle-ci met en place une législation importante et l’arsenal répressif qui va avec. Les civils occupés ne sont plus libres de leurs mouvements et doivent respecter de nombreux règlements qui rendent la vie quotidienne difficile. Pourtant, selon les personnes auxquelles ils ont à faire, les civils, dans leurs témoignages, nous révèlent que l’application de la loi varie d’un soldat impérial à l’autre.

La plupart des carnets étudiés par les historiens dans les Ardennes18 mettent en avant la dichotomie dans l’attitude des Allemands, liée à leur unité mais aussi à leur personnalité. Il ressort de ces études que les membres de la Feldgendarmerie, mais aussi les gradés qui dirigent les Kommandanturs sont les plus inflexibles et appliquent la loi et les réquisitions avec le plus de zèle comme le montre ce témoignage de Jules Carlier : « le capitaine d’Hannogne accusait les notables du village d’avoir caché leur argent et leur vin. Aussitôt, les soldats fouillèrent les maisons »19. Plus loin, il montre l’attitude méprisante des officiers de la Kommandantur voisine : « L’après-midi, les officiers d’Hannogne qui étaient en goguette, bras dessus, bras dessous, donnent l’ordre de sortir des maisons les grains de farine ; les soldats fouillèrent jusque dans les lits et trouvèrent des petits sacs de farine cachés »20. Ces deux témoignages, issus du même carnet, nous montrent bien que ce sont les officiers qui appliquent les réglementations avec le plus de zèle. Sans doute par obligation car ils 17

Voir annexe n°3. Affiche allemande pour répertorier les personnes qu’il y a dans un logement. Cette affiche était à apposer sur la porte d’entrée. AD 08 : 21 Fi 28.

18

AD 08 : 1 J 325 : anonyme à Charleville, 1 J 326 : Mlle Chappe et Mme Anciaux, 1 J 330 : Alice Serisier, 1 J 331 : Mme Letrange, 1 J 545 : Alphonse Pia, 1 J 700 : Pierre Hubert-Maquant, 1 J 829 : Ernst Singevin, 1 J 874 : pasteur Cosson. Sources privées : Jules Carlier et Louise Lemoine.

19

Journal de Jules Carlier, 22 mars 1915. Source privée.

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sont avant tout là pour montrer l’exemple aux troupes. Toutefois, dans aucun des témoignages étudiés, nous n’avons vu transparaître une description positive des officiers, sauf dans la correspondance de Louise Lemoine21. Il serait donc réducteur d’affirmer que tous les officiers en poste dans les Ardennes appliquent les lois scrupuleusement, sans jamais faire preuve d’humanité, même si cela semble être la tendance. À l’inverse, au niveau des hommes de troupe, surtout dans les régiments territoriaux, il semble qu’il y ait plus de laxisme. Toujours selon les carnets des civils occupés, en plus des descriptions souvent plus favorables que celles des officiers, il apparaît que ces soldats territoriaux, au contact quotidien de la population, appliquent les ordres des officiers, mais avec plus de laxisme. Leur volonté de ménager des civils déjà bien opprimés par la présence ennemie et ses nombreuses demandes émerge des témoignages22.

Contourner la loi : une résistance passive ?

Le terme résistance passive implique l’idée que les populations occupées ne soutiennent pas la présence allemande. Il s’agit ici d’un pléonasme puisque, dès août 1914, tous les civils souhaitent un départ rapide des occupants. À part quelques collaborateurs qui y voient un intérêt, l’immense majorité des civils tente de survivre à cette occupation, sans se compromettre avec les Allemands. Il ne s’agit pas non plus de leur faciliter la vie. Tous les règlements mis à place par l’administration germanique ne sont pas appliqués au pied de la lettre. Les civils cherchent en effet souvent à gagner du temps, ce qui pousse les occupants, très souvent, à prendre des sanctions, parfois très lourdes, comme des peines de prison. Se met alors en place entre les deux parties un jeu du chat et de la souris, en particulier lors des réquisitions, surtout celles de nourriture. Beaucoup de témoignages font état, un jour ou l’autre, de nourriture cachée pour ne pas que l’ennemi la réquisitionne. Il s’agit de préserver ses intérêts, car la nourriture disponible n’est pas suffisante, mais aussi de faire resurgir la fibre patriotique, car certaines annotations des carnets concernant les aliments dissimulés sont suivies de phrases anti-germaniques ou de poncifs nationalistes. Ainsi, quand il s’agit de frauder les nombreuses réquisitions allemandes, souvent peu efficaces sur certains produits, vu les nombreuses fois où ils sont notés dans les carnets (surtout le cuivre pour lequel on compte, par exemple, quatre réquisitions à Revin dans l’année23). Ici, le geste est vécu comme un acte de résistance aux

21

Qui tombe amoureuse de l’officier logé chez elle à Mézières.

22

A J 326 : Mlle Chappe de la Neuville-les-Wasigny, 1 J 545 : Alphonse Pia de Levrézy

23

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occupants et partagé par de nombreux Ardennais24. Mme Anciaux25, elle-même, y a recours lorsqu’à la fin de l’année elle tue ses lapins plutôt que de les donner aux Allemands, car elle a conscience d’une éventuelle réquisition à la fin de l’année 1916. Toute la nourriture qui a pu être substituée aux occupants l’a été dans les Ardennes avec l’assentiment silencieux de toute la population, consciente de se retrouver véritablement en première ligne et accomplissant un acte patriotique censé ralentir l’effort de guerre allemand. La plupart du temps, les civils du Nord et des Ardennes obéissent aux réquisitions la mort dans l’âme. Ainsi, Jules Carlier est fier de sa récolte de trèfle du début de l’année 1915, mais il est furieux et dépité lorsqu’il apprend qu’elle doit être réquisitionnée et envoyée en Allemagne : « récolte admirable de trèfle violet en graine. Le lendemain, la Kommandantur fait annoncer qu’elle va saisir toutes nos récoltes en gerbes et en grains et toutes nos provisions pour les besoins de l’armée. Consternation. […] Un jeune Allemand me dit que mon trèfle sera battu et expédié en Allemagne »26. Les exemples de refus de réquisition ou tout du moins de réquisitions avortées sont présents dans tous les carnets. Nous étudierons dans la suite de nos recherches plus en profondeur ce type d’exemple d’accommodement détourné à la présence allemande. Celle-ci pousse la majorité des civils à frauder, pour se préserver de la faim et soutenir la patrie.

De la chambre à l’immeuble, quels sont les lieux transformés en logements pour des troupes ?

Une fois le front stabilisé vers septembre-octobre 1914, les Allemands s’installent mais doivent faire face à une pénurie de logements. Les casernes désertées par l’armée française comme à Sedan sont réinvesties dès le mois de septembre. Ensuite, tous les hébergements importants comme les lycées, gymnases ou terrains de sport sont transformés pour accueillir des troupes ou des hôpitaux provisoires. C’est le cas du lycée de Givet ou du lycée Chanzy au centre de Charleville27. À Revin (Ardennes) plusieurs usines deviennent des prisons28 ou des antennes médicales29 destinées à

24

Voir DÉROCHE Gilles: « Les pommes de terre cachées à l’ennemi, un exemple de résistance villageoise », RHA n°41, Charleville-Mézières, juin 2010.

25

AD 08, 1 J 326.

26

Journal de Jules Carlier, 4 et 5 janvier 1915. Source privée.

27

Pour ces deux hôpitaux militaires allemands, voir photographies en annexe n°4.

28

Ainsi les usines Hainaut ou les écoles.

29

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s’occuper de blessés qui refluent du front. Dans les gros bourgs, une grande maison est souvent transformée en Kommandantur, abritant tous les services administratifs de l’armée d’occupation. Malgré cela, le manque de lieux d’hébergement est encore important, surtout dans les zones rurales, ce qui pousse l’armée allemande à réquisitionner des logements entiers ou tout du moins des chambres chez des particuliers. D’après Mme Anciaux, des officiers sont logés à Revin dans les belles maisons patronales : « un groupe d’Allemands se fait photographier devant la villa Baudet »30. Les quartiers ouvriers sont, eux, réservés au logement des soldats : « Les Allemands visitent les maisons de la Bouverie pour y loger des soldats »31. Les personnes qui possèdent des jardins doivent souvent ouvrir leurs maisons aux soldats avec des chevaux32.

La vraie cohabitation avec les troupes d’occupation commence. La littérature présente régulièrement ce sujet sur les trois guerres franco-allemandes entre 1870 et 1945. Merveilleusement décrite par Vercors dans le Silence de la mer 33 pour la Seconde Guerre mondiale ou la fresque ardennaise de Jean Rogissart, Les Mamert34 (qui présente la vie d’Ardennais de la fin du XIXème siècle à la fin de la dernière guerre). Cette présence allemande jusque dans la sphère privée a été une véritable épreuve pour de nombreux civils et cela transparaît dans les sources aussi bien publiques que privées.

Dans les sources publiques, de nombreuses plaintes se retrouvent dans les minutes des interrogatoires des évacués à leur arrivée en Haute-Savoie35. Si cela n’a pas été fait à ce moment-là, les cours d’appel de toute la France enregistrent leurs dépositions durant toute la guerre36, ce qui

30

Le 2 juillet 1916.

31

Le 25 mars 1916.

32

Le 15 décembre 1916 : « Aujourd’hui, on attend de la cavalerie : bien des personnes auront à loger chevaux et soldats ».

33

VERCORS, Le silence de la mer, Éditions de Minuit, février 1942. Cette nouvelle écrite par Jean Bruller sous le pseudonyme de Vercors est publiée dans un premier temps clandestinement. La nouvelle est notamment inspirée par les réflexions de l'auteur suite à sa lecture de « Jardins et routes » d'Ernst Jünger qui y raconte comment il a vécu sous uniforme allemand le début de la Seconde Guerre mondiale.

34

ROGISSART Jean, Les Mamert, éditions Terres Ardennaises, Charleville-Mézières, 1982.

35

AN, site du CARAN, F 23-12 à F 23-14.

36

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nous permet là aussi d’analyser que l’essentiel des plaintes traite de vols ou de violences perpétrés par des Allemands sous le toit de leurs hôtes. Suite à ces dénonciations, des actions en justice sont menées. Des listes de soldats dénoncés comme fauteurs de troubles sont dressées pendant toute la guerre37, par des civils passés en France libre. Des enquêtes sont menées dès la libération et pendant toutes les années 1920 et aboutissent à des jugements dont les peines sont prononcées la plupart du temps par contumace, les soldats incriminés n’ayant pas été extradés d’Allemagne.

Dans les sources privées, les deux types de témoignages positifs et négatifs sur l'attitude des soldats allemands sont présents. Dans de nombreux cahiers, des civils décrivent des soldats allemands logés chez eux comme des hommes bien. Les cas ne sont d’ailleurs pas rares que de l’accommodement des premiers jours, le civil narrateur et le soldat deviennent ensuite amis, voire amants, si on se réfère au cas de Louise Lemoine, tombée amoureuse de l’officier logé chez ses parents38. Mais dans la majorité des témoignages étudiés, les civils se plaignent des Allemands logés à leur domicile, le plus souvent à cause de leur manque de savoir-vivre ou des destructions que leur présence occasionne. Ainsi, Jules Carlier se plaint de l’officier logé dans sa ferme : « le capitaine des troupes cantonnées dans le village est très exigeant avec ma sœur ; on lui a dit que mon beau-frère était gradé dans l’armée française et, pour cette cause, il l’accable de vexations »39.

Afin de mieux contrôler le territoire sous leur juridiction, les Allemands réquisitionnent donc toute sorte d’immeubles, fermes ou maisons qui sont mis à la disposition des troupes selon les besoins. À Charleville, par exemple, le quartier de la gare est réquisitionné pour loger les troupes qui composent le Quartier Général du front de l’ouest. Les maisons bourgeoises sont toutes mises à disposition des hauts gradés de l’État-major. L’empereur et sa famille ne sont pas en reste et logent dans les plus belles villas de Charleville40 qui sont situées dans ce quartier de la gare. Ces logements, entièrement vidés de leurs habitants41, sont entièrement destinés aux personnalités impériales. La présence de soldats dans leur demeure gêne au plus haut point les civils, car ils ont le 37

AN, Site du CARAN, F 7-14820. Pillages par les Allemands, procès après guerre dans l’Aisne et le Nord. AN, Site du CARAN, F 7-14821. Dossiers d'Allemands et de Français condamnés (ou accusés) pour vol entre 1919 et 1940 suite à la Première Guerre mondiale.

AN, Site du CARAN, F 23-13. Menaces proférées par les soldats allemands logés chez les occupés.

38

Correspondance de Louise Lemoine-Evers après son exil en Allemagne pour suivre son mari. Source privée.

39

Extrait du journal de Jules Carlier, le 24 janvier 1915. Source privée.

40

Guillaume II loge dans la villa de Georges Corneau, riche industriel et homme politique carolopolitain qui a fui en 1914.

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