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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Qu'est-ce qu'apprendre à modéliser un objet ou un système technique

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Academic year: 2021

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QU'EST-CE QU'APPRENDRE À MODÉLISER

UN OBJET OU UN SYSTÈME TECHNIQUE

Bernard HOSTEIN

1. INTRODUCTION 1.1. Cadre de ce travail

Les caractères attribués aux modèles et aux activités de modélisation en di-dactique des sciences expérimentales ont déjà été largement explicités par les travaux récents des équipes de recherche du LIREST* Leur problémati-que et les références à leurs recueils empiriproblémati-ques fondent ce travail. Ils me paraissent opérationnels pour caractériser les modèles et leurs usages dans les enseignements technologiques de Lycées, et plus précisément dans les options TSA et Productique de Seconde. Voici les propriétés essentielles prêtées aux modèles et à leur usage didactique, dont nous tenterons d'identi-fier et d'interpréter les manifestations :

a) les modèles remplissent des rôles, explicatif et prédictif ;

b) la position, non seulement médiane mais plus encore de médiateur, des modèles enclenche et enrichit le va-et-vient dynamique et évolutif des conceptions des élèves entre les théories explicatives et le référent agi ; c) leur caractère observable permet aux modèles de "matérialiser" les

re-présentations des élèves et celles qu'on leur propose, à travers les

* Les ouvrages cités dans cet article ne figurent pas dans la bibliographie de l'ouvrage-"princeps", auquel je renvoie le lecteur de cet exposé : COLOMB, P., MARTINAND, J.L., dir. (1990), Enseignement et apprentissage de la modélisation, Paris, RCP-INRP-LIREST, doc. multigraphié. (Je tiens à la disposition des demandeurs une bibliographie plus exhaustive sur la modélisation des systèmes techniques ; je n'ai ici retenu que les

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pulations des modèles eux-mêmes, et les simulations que, dans le regis-tre symbolique, ils traduisent ou appellent.

Ce dernier attribut, le plus étroitement lié aux pratiques d'enseignement, repose sur les traits du "sujet-apprenant" tels que les cerne la psychologie cognitive, décrivant le modèle comme interne, organisateur des contenus réels selon des codes (MOUNOUD, P., VINTER, A.), ou comme le produit des systèmes d'invariants, qui a pour fonction de conceptualiser le réel (VERGNAUD, G.), ou bien, à court terme en mémoire de travail, comme l'arrangement particulier de quelques concepts momentanément actifs (EHRLICH, S.)19. Sous cet angle, il semble bien que le statut d'un modèle

ne diffère pas principalement en fonction des disciplines. Par contre, il n'est pas exactement le même, du moins en technologie, selon la subjectivité particulière et le registre cognitif de chaque apprenant, qui entraînent des variations dans les types d'appropriation et les points de vue privilégiés concernant les objets techniques9, 18.

1.2. Modéliser quoi ? comment ?

Laissant de côté ici cet aspect psychologique, notons d'emblée que l'appro-che didactique de la modélisation nous contraindra à mettre en perspective multiréférentielle le point de vue disciplinaire privilégié momentanément. J'avouerai pourtant que c'est l'a-priori du respect de la variété des profils d'apprentissage, nécessaire à l'application du principe d'éducabilité au plus grand nombre, qui m'a fait remarquer la pléthorique diversité des "modèles" en usage dans les disciplines techniques. Et ce constat éclate d'évidence quand on étudie les pratiques de formation en entreprises pour les popula-tions dites "de faible niveau de qualification", par exemple à l'occasion d'introduction de démarches "qualité", "analyse de la valeur", ou bien de "nouvelles technologies".

Une première question se pose alors : les référents empiriques des modèles utilisés, leur registre, sont-ils identiques, ou même analogues, selon qu'il s'agit des entités industrielles par exemple saisies dans leur contexte propre, ou bien des techniques scolarisées ? La transposition didactique inévitable entraîne-t-elle une dénaturation des systèmes techniques étudiés ? Respecte-t-elle leur spécificité ?

Les réponses proposées à ce premier champ d'interrogations ouvrent des perspectives sur l'originalité empiriquement constatée des formations tech-nologiques (voire sur l'existence possible d'une didactique de LA technolo-gie!). Les originalités des activités de modélisation dans ce champ discipli-naire pourraient bien expliquer sa richesse et la façon privilégiée dont s'y développent les compétences chez de nombreux apprenants.

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2. DES MODÈLES STANDARDS 2.1 Les modèles en usage à l'école

Et pourtant, les élèves révèlent souvent l'inadaptation des modèles et stra-tégies proposés par les approches scolaires des entités techniques étudiées : pour les classes de Seconde TSA, le fonctionnement d'un système ne se dé-crit pas, il s'exécute ; ses diverses fonctions ne s'identifient pas hors d'une hiérarchisation spontanée à partir de sa fonction principale8 ; par contre, des

étudiants, après une licence de technologie, confondent le rôle de système symbolique de représentation du dessin industriel ("dimension phénomé-notechnique") avec la construction de modèles adaptés à une conception ("dimension phénoménographique"), et de ce fait ont beaucoup de diffi-cultés à percevoir précisément ce que l'informatique exige comme trans-formation dans l'enseignement du dessin technique.

Ces difficultés s'originent dans une réduction des phénomènes techniques à la scolarisation de leur image. La présentation du GRAFCET dans deux manuels de Seconde nous permettra d'illustrer ce constat. L'ouvrage de Du-nod organise sa première présentation du GRAFCET à partir d'une analyse des traitements nécessaires des opérations simultanées dans un processus inscrit forcément dans la durée ; le manuel proposé par Foucher présente l'utilisation de cet outil en fin d'ouvrage et dans une perspective de solutions aux problèmes de bouclage de cycles : ces deux approches abordent cha-cune leur sujet en cherchant à cerner de façon appropriée l'une des diffi-cultés repérées par J. GINESTIE comme principale dans la saisie des concepts du GRAFCET par les élèves ; ceux-ci se heurtent pourtant à un préalable, l'ignorance des diverses contextualisations de ce qui se réduit souvent en classe de Seconde à un outil d'explicitation d'un fonctionnement (registre descriptif), alors que ses fonctions industrielles visent la concep-tion de mise-en-œuvre des foncconcep-tions dans une temporalité fine (registre fonctionnel), et le repérage exhaustif et optimisé des ordres d'opération (re-gistre formel). A moins d'avoir été amenés eux-mêmes à expérimenter la complexité de définir dans une durée des événements rigoureusement as-servis les uns aux autres, puis réalisés par la fluidité de technologies auto-matisées, les élèves resteront perplexes face à la sophistication du GRAFCET. L'exemple le plus grossier n'est pas inutile pour assurer ce pré-alable : une vidéo sur un système de production de voitures, dont l'informa-tion sera centrée sur les phénomènes macro- et micro-temporels fournit par exemple un vrac de référents empiriques analysables pour imaginer les fonctions des outils méthodologiques nécessaires pour gérer cette com-plexité.

2.2. L'objet technique existe-t-il comme modélisable?

Mais une conception de l'entité technique trop simpliste empêche des mo-délisations efficaces. L'objet technique reste, dans l'"inconscient collectif"

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de l'enseignement technique français, à la suite d'un SIMONDON plus lar-gement cité que lu sans doute, un lieu de réalisation des lois scientifiques17 ;

cet anoblissement sorbonnard a surtout servi d'emblème dans la lutte contre le mépris social vis-à-vis de savoirs utiles scolarisés, et contre la hantise d'un système technicien totalitaire6. L'objet technique à modéliser est

d'abord, selon l'expression utilisée, "isolé" ; sa modélisation est aussi enten-due trop exclusivement comme la mathématisation de ce que l'on a pu ne pas négliger, en fonction des outils formels disponibles ; enfin, la visée ex-plicative des modèles issus du monde technique est repérée par les élèves comme retombée des théories scientifiques empruntées, et non comme greffée secondairement sur leur fonction principale, qui est de faciliter la conception et la mise-en-œuvre des référents empiriques.

L'exaltation de la technique par SIMONDON et sa diatribe finale contre le travail qui n'est pour lui que la preuve d'une défaillance de la concrétisation de l'objet, malgré sa coïncidence avec certains discours contemporains, ré-vèlent une vision très idéaliste du monde actuel. "L'objet technique, écrit-il, s'il n'est qu'utilisé devient analogue à un livre que l'on utiliserait comme cale ou piédestal"17. De telles analyses sont contredites par des historiens

des techniques (GILLE, DAUMAS, etc.), des auteurs antérieurs, Anglo-saxons pour la plupart il est vrai (ALSTED, BLOUNT, WOLF, REULAUX, etc.), mais aussi Français (LAFITTE). Mais le poids de SIMONDON sur les formations techniques en France a conduit à refermer chaque niveau d'approche des systèmes techniques sur lui-même, et du coup à insuffisamment repérer les continuités existant entre les divers modèles utilisés. C'est sans doute là que s'enracinent principalement les clivages les mieux entretenus entre les aspects professionnels, techniques et technologi-ques des divers niveaux et filières de formations scolaires traitant du monde des techniques.

L'objet technique de SIMONDON est un être-en-soi, une incarnation de l'essence technique, une image du concepteur, comme le monde l'est de Dieu dans une pensée théologique. Les modèles utilisés pour l'étudier cher-cheront à se rapprocher de ceux que les sciences ont utilisé dans leur âge le plus classique.

3. LES MODÈLES SPÉCIFIQUES 3.1 Complexité et spécificité

Le système technique, par opposition, est un être-en-relations ; d'abord in-ternes, car la justification de chacun de ses éléments passe par ses compati-bilités (mécaniques, chimiques, procédurales, économiques,...) avec les au-tres parties ; ensuite externes, car d' auau-tres composantes viennent déterminer le produit(le marché, la main-d'oeuvre, l'entreprise, etc.). Pour reprendre l'étiquette de ROQUEPLO15, il convient d'analyser les phénomènes

techni-ques comme éléments d'une techno-nature, dont les lois sont aussi univer-selles et contraignantes que celles de la nature, mais dont le principe

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organi-sateur est celui de finalité et non de causalité, et qui ne permet plus de fonc-tionner sur l'opposition culturelle millénaire de notre société occidentale entre théorie et pratique.

C'est au nom de la pluralité des composantes désormais présentes dans cha-que système technicha-que, cha-que les textes d'orientation et de définition des pro-grammes de l'enseignement en Lycées techniques se rattachent explicite-ment à une approche-système. C'est la nécessité d'une intercommunication de plus en plus complexe qui avait conduit déjà les entreprises à s'y référer. Le "système technicien" n'est donc pas totalitaire, sinon par confusion entre sa valeur spécifique d'inventivité et de créativité, et "les sens de la techni-que"16 qui ne sont absolument rien de technique, selon la formule célèbre,

parce que l'on y retrouve, comme le montre SCARDIGLI, toutes les ambi-guïtés des rapports entre l'homme et son environnement quel qu'il soit.

Dès lors, c'est avec les axes spécifiques des activités techniques actuelles que les modèles utilisés dans les disciplines technologiques doivent se met-tre en cohérence optimale. D. IDHE 10 caractérise les divers paradigmes qui

ont présidé à la description des rapports entre savoirs et techniques. Après l'idéalisme, le dualisme et le matérialisme qui ont voulu établir des féodali-tés ou des ruptures totales, le "systémisme" permet de situer et d'expliquer les interactions entre l'homme et l'environnement, celui-ci étant fait des rap-ports entre milieu naturel et techniques.

Toutes ces approches manifestent la vertu spécifique des apprentissages techniques : elle résulte du renversement des rapports théorie-pratique, cau-salité-finalité, discours-action, tels que les font vivre les autres disciplines scolaires. Sollicitant il est vrai G. VERGNAUD, on pourrait avancer que les techniques apparaissent alors comme des "théorèmes en acte", une entité matérielle unifiant logique(analyse fonctionnelle), technologie (compromis structurels), science (calcul, matériaux, indépendance des variables) et culture (les techniques conditionnent, modifient, développent, organisent la vie sociale)7. Ces considérations peuvent paraître bien éloignées de notre

propos. Hors le fait qu'elles appliquent leurs théorisations sur des exemples très proches de ce que les programmes proposent aujourd'hui, elles me pa-raissent indispensables pour faire éclater les carcans présents dans lesquels enferme la prégnance des modèles utilisés, empruntés aux autres disciplines scolaires ou bien à une représentation très vieillie de la technologie. Elles expliquent aussi les malaises qui peuvent naître chez certains enseignants entre leurs expériences industrielles et scolaires actuelles, les orientations pédagogiques nouvelles et les habitudes ou les instruments d'enseignement disponibles.

3.2. Variété et complémentarité

"Le modèle n'est rien d'autre que sa fonction; et sa fonction est une fonction de délégation"1. Cette assertion de S. BACHELARD nous rappelle la

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réfé-rence, de recenser les délégations confiées spécifiquement à des modèles technologiques. À défaut d'être totalitaire, la technique est globalisante. Dans une logique systémique, chaque modèle ne peut rendre compte que d'un point de vue particulier. Le domaine des techniques comprend une telle variété, les acteurs intervenant au cours du cycle de vie pullulent en si grand nombre, les étapes de vie et les interactions de tous ces facteurs s'imbri-quent tellement les uns dans les autres, que la première nécessité consiste à repérer les divers modèles, utilisés pour rendre compte du meilleur point de vue à un instant donné, dans une typologie qui permettra à l'élève d'inter-préter la position relative de ceux-ci, rencontrés à propos d'un système. Cette complexité des points de vue légitime certes la référence systémique, mais celle-ci se justifie plus encore à partir de l'indissociabilité des dimen-sions théoriques (versant "technologique") et pratiques (versant "techni-que") d'un système technique et de leur justification par les seules finalités intrinsèques et les projets humains (versant "professionnel") auxquels il ré-pond. Aucun de ces versants à lui seul ne peut justifier ni expliquer un sys-tème technique, même si l'accent porte davantage à un moment ou à un au-tre sur l'un ou l'auau-tre ; il faut donc que les modèles utilisés soient repérés sur le versant concerné, et complété même sommairement, par d'autres modèles esquissant la totalité seule porteuse du sens global. Beaucoup de difficultés dans les passages de "passerelles" entre les diverses filières des formations techniques, et dans les transitions, y compris des ingénieurs, vers la vie ac-tive, viennent de l'exclusivité qu'un enseignement technologique donné se réserve sur un seul de ces versants, sans même faire soupçonner l'existence des autres.

Un autre danger, souvent conjoint du précédent, vient de l'usage exclusif ou survalorisé d'un type de modèles. Une typologie des multiples outils de mo-délisation en usage dans les diverses formations technologiques du 2d cycle du Second Degré8 permet de repérer, selon leur fonction basique et leur

ni-veau d'abstraction, plusieurs catégories d'outils de modélisation. Il semble bien 2,17 que chacun ait ses fonctions et registres proprement adaptés à

cer-taines finalités de tel ou tel modèle, et que son adaptation aux tâches de modélisation des élèves y soit plus ou moins corrélée. Dans cette typologie, le modèle technologique se rapproche de l'un des trois pôles8 : figuratif(Cf.

dessins, organigrammes,...), et alors il s'oppose à d'autres modèles opéra-tifs(Cf. GRAFCET, algorithmes,...) ; construit (Cf. schéma cinématique,...), opposé à empirique (Cf. schéma éclaté) ; formel (Cf. mathématisation). Une vision importée des domaines scientifiques dans leurs âges les plus ca-noniques tend à privilégier, parfois exclusivement, les modèles les plus formels, au point que modéliser signifie, pour des étudiants de technologie, mathématiser. Nullement habitués aux méthodes de la "renormalisation", par laquelle les chercheurs de sciences expérimentales corrigent une loi mathématique par des approximations successives, les étudiants donnent alors au modèle un statut de théorie, réduisant l'activité de modélisation à un exercice de mathématiques. L'abstraction du modèle devient alors, plus

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gravement encore que dans les analyses de PIAGET portant sur d'autres champs, "une tromperie, déviation de l'esprit, ne couronnant pas une suite ininterrompue d'actions".

3.3. Exemple d'articulation

La nécessité d'emprunter des modèles situés à divers niveaux d'abstraction, et en positions différentes par rapport aux référents empiriques et aux autres modèles, a été manifestée par les travaux de BOYE & CUNY5. En

électri-cité, le schéma explicatif dit développé est un outil qui permet divers usages correspondant à diverses modélisations. Simple substitut du référent dans une première étape, il remplit dans un second temps une "fonction de com-plétion", et acquiert alors une valeur d'autonomie aussi bien par rapport au référent, qu'au regard de l'activité de l'apprenant. La chasse à l'implicite, assurée par le schéma électrique d'autre part, fait de celui-ci un outil d'ex-plicitation de ce que les auteurs appellent la "formalisation sémiologique", et que l'on peut certainement interpréter comme une activité de modélisa-tion observable sous la forme des schématisamodélisa-tions produites. Les situamodélisa-tions décrites, d'apprentissage et d'évaluation, ont pour effet de distancier les ap-prenants par rapport aux connaissances déclaratives mises en mémoire du-rant les séances de technologie d'une part, et dudu-rant les activités de schéma-tisation d'autre part ; ce qui conduit les élèves à plus de création et d'activi-tés procédurales dans chacun des deux types de travaux, la mise en corres-pondance favorisant particulièrement les activités de modélisations.

4. APPRENDRE À MODÉLISER 4.1. Ce qui se fait

La bibliographie tant anglo-saxonne que française comporte de nombreuses études sur l'introduction des modèles scientifiques, ou adaptés de ceux-ci pour la pédagogie ; elles manifestent la prégnance, au travers des acquis scolaires, des "modèles spontanés" souvent laissés dans l'implicite, et qui sur-déterminent l'évolution des représentations chez les élèves, constituant ce que DI SESSA appelle des "primitives phénoménologiques". La pensée symbolique, traduisant la logique naturelle3, à ce stade, réinvestit les

schè-mes dont l'élève perçoit la pertinence comme analogique avec la situation à traiter (RICHARD, 1984 ; GRECO,1990,...). Les outils de modélisation utilisables à cette étape permettent de faire construire aux élèves une ana-lyse fonctionnelle, que LEMEIGNAN et WEIL-BARAIS repèrent eux aussi comme préalable nécessaire en sciences physiques. Souvent, cette cons-truction est fournie comme un modèle achevé, alors qu'il est discutable, au sens le plus concret du qualificatif, puisque lié au point de vue qui la fonde. Peu formalisable, sinon dans sa forme, ce temps reste, pour les professeurs formés aux nouvelles directives pédagogiques, incontournable ; les élèves aussi expriment, en termes moins élaborés, ce postulat de la pensée systé-mique selon lequel le sens vient du tout et non des parties.

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Un second temps consiste alors à agir sur le système étudié, non plus comme dans l'étape antérieure selon le mode de fonctionnement normal, mais en simulant un certain nombre de conditions particulières. "L'action donne aux schèmes une structure, qui donne de nouveaux schèmes à l'ac-tion" (BIDEAUD, J. 1988). On est dans la phase que M. LEBRUN (Cha-monix,1992) caractérise comme étant plus spécifiquement celle de la mo-délisation, résultat d'expériences et d'observations. C'est aussi à cette straté-gie que P. GRECO attribue le passage chez l'enfant des schèmes aux opéra-tions cognitives.

Les modèles alors proposés rendent compte essentiellement des hypothèses produites par le dialogue homme-machine lors des expériences de fonction-nement, et des premiers modèles produits alors du point de vue de l'usager. Les seules pratiques de construction de modèles auxquelles j'ai pu assister produites par les élèves de Seconde s'arrêtent à ce stade. Encore faut-il noter que les modèles évoqués jusqu'ici sont le plus souvent fournies partielle-ment par le dossier sur lequel travaille l'élève.

Les modèles proposés aux étapes suivantes sont tous choisis et explicités par l'enseignant, l'activité des élèves consistant à vérifier la validité des mo-dèles, ou bien à préciser leurs conditions de validation.

4.2. Ce qui suit

Je devrais pouvoir, dans les mois qui viennent, passer à un autre stade de la recherche : construire avec des enseignants volontaires des séquences d'apprentissage optimi-sant les constats rappor-tés ici, et développant sur une phase de formation des stratégies plus expé-rimentales d'apprentis-sage des activités de mo-délisation. Les compé-tences à développer pour apprendre à modéliser correspondent à des conduites de différents niveaux taxonomiques.

CONCEVOIR DES DÉMARCHES DE MODÉLISATION

1 Définir les objectifs retenus dans les programmes

2 Repérer les obstacles auxquels les élè-ves peuvent se trouver confrontés

3 Définir les objectifs-obstacles

4 Lister les modèles présents dans les programmes

5 Définir les caractéristiques des modèles intermédiaires proposés

5.1 Point de vue dominant 5.2 Axe privilégié

5.3 Versant privilégié

5.4 N i v e a u x d e f o r m a l i s a t i o n souhaitables

5.5 Modèles disponibles

6 Activités de modélisations retenues 6.1 Niveau de compétence visé

6.2 Degré d'autonomie prévu Tableau 1

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Pour identifier un modèle, il s'agit pour l'élève de repérer sa fonction, son point de vue, ses composantes, son fonctionnement en termes de compro-mis, et ses articulations avec d'autres modèles connexes portant sur le même système. Pour créer le modèle adéquat, il doit définir lui-même les diverses variables énumérées ci-dessus, et vérifier leur adéquation au système de ré-férence. Entre ces deux niveaux extrêmes, il s'agit pour lui d'apprendre à utiliser les modèles, et d'être capable de les communiquer à d'autres. DUPIN et JOHSUA(1989) introduisent aussi une progression dans la maî-trise des modèles qui se retrouve en technologies : la modélisation analogi-que, qualitative, paraît devoir être travaillée avant des modélisations quan-titatives traduites digitalement.

Ces dernières, en effet, imposent au sujet une double traduction7, en les

ac-cordant d'abord avec la signification empirique dont elles sont issues, puis en validant la signification formelle que leur confère leur statut de modèle mathématique appliqué. G. VERGNAUD (1988) signale aussi la contrainte supplémentaire que constitue le langage mathématique qui impose au mo-dèle des contraintes syntaxiques dures.

4.3. Recherche & formation d'enseignants

Avec les étudiants de 1ère année d'IUFM en Génie mécanique et Génie ci-vil, nous avons suivi cette année un mode opératoire destiné à gérer la conception de séances de travail entraînant les élèves, mais ici de façon ponctuelle, aux pratiques de la modélisation (Tableau 1)

Je le livre tel quel, sans être bien sûr de sa valeur théorique, mais il a contri-bué à sensibiliser de futurs enseignants à la nécessité de donner aux élèves non seulement des contenus à apprendre, mais des démarches de formation méthodologique.

CONCLUSION

LE MOIGNE (1990, p.5) propose de la modélisation la définition suivante : "Action d'élaboration et de construction intentionnelle, par composition de symboles, de modèles susceptibles de rendre intelligible un phénomène per-çu comme complexe, et d'amplifier le raisonnement de l'acteur projetant une intervention délibérée au sein du phénomène ; raisonnement visant notam-ment à anticiper les conséquences de ces projets d'action possibles". Deux champs sémantiques interviennent massivement dans cette définition : celui de l'action (6 sèmes), et celui de la connaissance (6 sèmes) ; un autre appa-raît 5 fois, l'intentionnalité. Au moins au sens où l'entend l'approche systé-mique, la modélisation paraît exiger la conjonction et l'intégration de traits particulièrement présents dans les enseignements technologiques. Appren-dre à modéliser, cela constituerait-il une spécificité des formations techni-ques ? et une dimension fédératrice de leur didactique ?

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RÉFÉRENCES

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Références

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