APPROCHE DIDACTIQUE DE LA NOTION DE MELANGE ET DE PROCEDURES DE RESOLUTION
OU
LORSQU'ON MELANGE C'EST LA CROIX ET LA MANIERE
G. FROSSARD
I.N.R.A.P. Dijon
MOTS CLEFS:
RESUME:
DIDACTIQUE DES MA THEMA TIQUES - FORMATION D' AGRICULTEURS - PROPORTIONNALITE - MELANGE
La qualification. professi(;lnnel1e d'expl?itant a~ricole suppose une certame competence en matIere de melanges d'aliments . Or les élèves ont du mal
à
acquérir cette compétence.Outre les difficultés provenant de l'acquisition de concept s mathématiques , il existe des problèmes au niveau de l'interprétation des résultats obtenus.
1. PREAMBULE
Le contexte de notre recherche se situe dans l'enseignement technique agri-cole et, plus spécialement, au niveau de la formation B.E.P.Agriagri-cole option
Agriculture-Elevage, conduisant à former de futurs agriculteurs. Plutôt que
de nous intéresser à l'ensemble de la formation, il nous a paru utile de
cerner un élément de la formation, aussi pertinent que possible, à savoir
la compétence à rationner le bétail.
1.1. Problème tel qu'il se présente à l'agriculteur
Prenons le cas d'un agriculteur dont une partie de la production vient de
l'exploitation d'une étable de vaches laitières. Son problème, concernant
ce poste de production peut se poser en ces termes (problème simplifié) Je dispose pour nourrir mes bêtes: d'ensilage de mals et de foin. Je puis me procurer des concentrés pour compléter leur alimentation. Quelle quantité de chaque aliment je distribuer chaque jour et dois-je compléter leur alimentation, avec quoi et en quelle quantité afin que mes vaches aient une production maximale et au moindre coût ?
1.2. Problème tel qu'il se présente à l'élève de B.E.P.Agricole
Dans une étape de la formation, on peut supposer le problème suivant: On dispose de deux aliments: Aliment 1 orge, Aliment 2 tourteau de soja dont les caractéristiques sont les suivantes (extraits)
Orge Tourteau soja UFL*/kg 1,03 PDIN*/kg 70 306 PDIN/UFL 70 297
Quelle doit être la proportion de chaque concentré dans un mélange équi-libré sachant qu'il doit contenir 140 grammes de PDIN par UFL apporté
par ce mélange ?
1.3. Deux méthodes de résolution 1.3.1. Résolution algébrique
La résolution algébrique comporte deux niveaux : les inconnues sont les valeurs des masses d'aliments et les nombres qui interviennent sont des rapports de PDIN par UFL .
• UFL : Unité Fourragère Lait
Elle peut se faire, soit par une équation linéaire à deux inconnues, soit par un système de deux équations linéaires à deux inconnues si l'on fait intervenir une équation supplémentaire: la somme des incon-nues fait 100 (kg par exemple).
1.3.2. Méthode de la croix des mélanges
Cette méthode n'est pas expliquée aux élèves, mais elle est fréquemment utilisée par les techniciens en zootechnie avec leurs élèves. Elle est par ailleurs la seule qui soit présentée, jusqu'à présent, dans les ouvrages techniques élaborés par les instituts techniques.
Présentation de l'outil par un exemple (extrait du document publié par
l'LN.R.A., l 'I.T.E.B., l 'E.D.E.).
Les élèves qui ont pensé à utiliser cette méthode ont en général un bon souvenir du remplissage des cases F, G, E, G-E et F-~ (entre paren-thèses, il s'agit de prendre les valeurs absolues et un groupe à été bloqué par la découverte d'un résultat négatif), mais au lieu de calcu-ler (G-E) x l et (F-E) x H ils ont calculé (G-E) x H et (F-E) x 1 ou G-E et F-E, c'est-à-dire si leurs souvenirs sont presque corrects,
1 H
mais ces résultats erronés montrent qu'ils ne savent pas vraiment interpréter la signification des nombres du tableau, cette interpréta-tion ne faisant pas partie de leur apprentissage.
Si jusque là le niveau cognitif est peu élevé, cette interprétation fait soudain élever le niveau cognitif à un niveau très élevé, quasi inaccessible par les élèves (et combien de collègues techniciens vont demander au professeur de mathématiques de leur expliquer cette croix
qu'ils utilisent avec leurs élèves i)
2. Les enseignants, que ce soit en formation initiale ou en formation adulte,
déplorent les difficultés des apprenants à raisonner une alimentation et
à bien l'équilibrer en fonction des besoins, d'où, d'importantes dépenses dans le budget des agriculteurs.
2.1. Comparaison de réussites
Pour en savoir un peu plus sur la nature des difficultés des élèves, nous avons donc construit un questionnaire en trois modalités décomposable
en 27 items, que nous proposons en annexe. Si nous ne retenons que les
items pertinents, nous obtenons le tableau suivant
B.E.P.A. I ! B.T.A.O. 1 2nde
Objet ITEM Renvoi Classe 1 Classe 2 Classe 3
.
Classe- 4.
Classe 51
"
] 92 73 79 fJ? 0 ; 2 69 33 80 88 83 :., -<1.1 o ...' c,... 3 ] 17 0 89 100 22 o~"
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< 4 1 44 27 B4 87 ô...
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5 2 12 27 47 73 b]:;;
~ mx B 3 0 0 16 7 9 ét c"'
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I I 4, 5 54 83 80 ]00 74 tli'W c<,., ]2 6, 7 20 9 26 33 43 ru m ~u '0 13 4, 5 33 100 67 71 83 ~ 15 8 20 18 2G 20 39 16 8 20 ]8 21 20 22•
"
~...
17 6, 9 0 9 0 33 4 CI!c"
~ ~ .~ 19 6, 10 8 9 16 13 4 ',li ... ::i-=::: 24 4, 5 38 50 30 63Signification des renvois
* ces classes ont le même professeur de mathématiques
(1) tableaux de proportionnalité
(3) somme des inconnues fixée
(5) caractéristique du mélange demandé
(7) quantités demandées
(9) 1 quantité fixée
(10) masse totale du mélange fixée
(2) 1 inconnue fixée
(4) quantités données
(6) caractéristique fixée
(8) le résultat attendu est
Ces résultats généraux montrent que l'apprentissage systématique des no-tions de proportionnalité dans les classes 3 et 4 produit un effet signi-ficatif sur la réussite pour les tableaux(items 3 et 4) et sur les réso-lutions d'équations (items 5 et 8) avec, toutefois un effet moindre à
l'item 8. Nous remarquons en outre que le passage par une classe de se-conde est profitable aux résolutions d'équations (classes 4 et 5) lors-qu'une inconnue est fixée.
2.2. Analyse des erreurs les plus fréquentes 2.2.1. Difficulté de la notion de fonction
Lorsque la question posée demande de "calculer en fonction de x et y ... ", il apparaît que de nombreux élèves commencent par donner des valeurs à x et à y avant de produire une valeur numérique. Ainsi, le résultat attendu étant une expression en x et y, celui-ci n'est pas considéré comme le résultat d'un calcul.
Les comparaisons de réussites entre B.E.P.A.II, 1ère B.T.A.O. et Se-conde montrent une légère progression des réussites aux items utili-sant la notion de fonction, du B.E.P.A. au B.T.A., ceci pouvant s'ex-pliquer par un apprentissage plus systématique de ce concept dans les classes de seconde.
2.2.2. Les rapports ou les pourcentages sont considérés comme des nombres di-mentionnés
La comparaison des questions portant, les unes sur les mélanges de ca-fés, les autres sur des mélanges d'aliments montrent qu'une même procé-dure utilisée, traduite par la formule ax% + by% = x% pour les
pourcen-a + b
tages, réussit sur les problèmes de cafés, mais échoue sur les mélanges d'aliments.
Nous expliquons ceci par un phénomène de sous-compréhension, lié aux unités que l'on manipule: il y a réussite lorsque les pourcentages ou rapports évoluent dans le même espace que les inconnues, alors qu'il y a échec dans le cas contraire.
2.2.3. Erreurs spécifiques à l'utilisation de la croix des mélanges
Ici encore. nous observons un phénomène de sous-compréhension de même nature qu'au paragraphe précédent, mais qui se traduit par un non achè-vement de la procédure sur les problèmes d'alimentation, alors que l'é-chec est quasiment inexistant sur les mélanges de cafés.
Outre l'inachèvement de la procédure, il existe des erreurs du type oubli de croiser les multiplications finales ou croisement des divi-sions, provenant d'une mémorisation imparfaite de l'utilisation de la croix, explication, ici encore, par le même phénomène de sous
compré-hension lié à la diversité des unités mises en oeuvre dans les calculs.
2.3. Utilisation de procédures 2.3.1. Croix des mélanges
Cette méthode est utilisée exclusivement par les classes bénéficiant d'un enseignement interdisciplinaire sur ces notions de mélange. L'observation des réponses aux items où cette méthode a été utilisée montre que les réussites et échecs sont équivalents à ceux observés sur les autres procédures de résolution. Ainsi cette méthode n'est ni meilleure, ni moins bonne qu'une autre.
Les difficultés de résolution ne tiennent donc pas à cette méthode,
mais bien plus au concept lui-même de mélange.
2.3.2. Procédure barycentrique (ou procédure d'équilibration)
Cette procédure consiste à compenser ses ignorances des procédures
ré-volvantes par une considération physique: par exemple, voulant
mélan-ger un café Aà 40
%
d'arabica avec un café B à 60%
afin d'obtenirun mélange à 55
%,
le raisonnement produit e s t : puisque 45 est 3 foisplus près de 40 que de 60, il faudra 3 fois plus de café B que de
ca-fé A, ce raisonnement conduisant à la réussite. Il s'agit donc, ici, d'une utilisation d'une procédure compensatrice pour pallier un manque dans la formation, même si cette procédure n'est pas reconnue comme suffisamment "rigoureuselt dans un contexte ct
1évaluation de type scolaire.
3. PROPOSITION POUR UN ENSEIGNEMENT MIEUX COORDONNE
Puisque nous observons de nets progrès sur la proportionnalité lorsqu'il y a enseignement systématique de cette notion, nous pouvons faire l'hypothèse que l'introduction explicite dans les programmes d'un enseignement sur le
concept de mélange, comprenant une part d'enseignement inter-disciplinaire
ne pourrait que profiter à l'acquisition de ce concept par les élèves.
Il reste à proposer en outre une part de formation basée sur les
représenta-tions dans cet apprentissage, et, peut-être aussi une introduction
heuristi-que à partir de manipulations concrètes d'équilibration telles qu'ont pu
Il est nécessaire de prendre en compte les recherches didactiques dans les propositions de formation, y compris interdisciplinaires et de former les enseignants à la didactique de leur discipline.
e'est à ce prix que l'on verra le savoir académique coopérer au développe-ment d'une véritable compétence professionnelle.