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L'aventure agricole montréalaise : une géopolitique urbaine quid de tensions?

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Academic year: 2021

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(1)

L'AVENTURE AGRICOLE MONTRÉALAISE: UNE GÉOPOLITIQUE URBAINE QUID DE TENSIONS ?

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN GÉOGRAPHIE

PAR PAS CALE NYCZ

(2)

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.0?-2011 ). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.,

(3)

REMERCIEMENTS

Après autant d'années de travail sur ce mémoire, Je tiens ICI à remercier mon directeur de recherche, Éric Mottet, pour ses précieux conseils, sa patience et sa disponibilité. Sans sa supervision et son soutien, ce mémoire n'aurait guère eu une structure aussi réfléchie.

Un grand merci à toutes les personnes qui ont collaboré à ce mémoire par leur temps et leurs idées. Vous m'avez permis une réflexion approfondie sur le sujet.

Mes pensées se tournent également vers mes meilleures amies, Annie-Claude et Joannie, pour leur soutien et leur compréhension à travers mes hauts et mes bas des cinq dernières années, ainsi qu'à mes parents, Marièle et Jocelyn, pour avoir cru à la réalisation de mon mémoire, même après ma renonciation et mon départ à l'étranger. Ce mémoire n'aurait point pris forme sans vous. Finalement, à mon partenaire en crime, Gonzalo, qui m'a poussée à écrire malgré mon désir de procrastination. Thank youfor being there. Always.

(4)

LISTE DES FIGURES ... vii

LISTE DES TABLEAUX ... xi

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ... xii

LISTE DES SYMBOLES ET DES UNITÉS ... xiv

RÉSUMÉ ... xv

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE I MISE EN CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE ... 1

1.1 Problème de recherche ... 1

1.1.1 Mondialisation et système agroalimentaire ... : ... 1

1.1.2 Pourquoi l'agriculture urbaine? ... 6

1.1.3 Brefhistorique de l'agriculture urbaine nord-américaine ... 9

1.1.4 Distinction entre les jardins communautaires et collectifs ... 12

1.1.4.1 Les jardins communautaires à Montréal ... 12

1.1.4.2 Les jardins collectifs à Montréal ... 16

1.2 Pertinence géographique du sujet de recherche ... 19

1.2.1 Rapport humanité/nature ... 21

1.2.2 L'espace vécu dans le territoire urbain ... 23

1.3 Question, objectif et hypothèse principale de la recherche ... 24

1.4 Questions et hypothèses secondaires de la recherche ... 25

CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE, CADRE CONCEPTUEL, CADRE OPÉRATOIRE ET DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ... 26

(5)

2.2 Conceptualisation de la recherche ... 29

2.2.1 Fondements et définition de l'agriculture urbaine ... 29

2.2.2 Fondements et définition de la méthode géopolitique ... 36

2.2.2.1 Représentations sociales ... 41 2.2.2.2 Représentations territoriales ... 42 2.2.2.3 Acteurs ... 43 2.3 Cadre opératoire ... 46 2.3.1 Type de recherche ... 46 2.3.2 Structure de preuve ... 47 2.3.3 Cadre spatio-temporel ... 48

2.3.3.1 Échelle municipale :Le Plateau-Mont-Royal.. ... 50

2.3.3.2 Échelle régionale: L'île de Montréal.. ... 53

2.3.4 Variables et indicateurs ... 57

2.4 Démarche méthodologique ... 62

2.4.1 Mode de collecte de données ... 65

2.4.1.1 Observation documentaire ... 66

2.4.1.2 Observation directe ... 67

2.4.1.3 Entretiens individuels ... 68

2.4.2 Type d'échantillonnage ... 69

CHAPITRE III PORTRAIT SOCIOÉCONOMIQUE DE L'AGGLOMÉRATION DE MONTRÉAL ET DE L'ARRONDISSEMENT DU PLATEAU MONT-ROYAL ... 68 3.1 Occupation du territoire ... 68 3.2 Démographie ... 74 3.2.1 Population totale ... 74 3.2.2 Situation familiale ... 77 3.2.3 Immigration ... 80 3.3 Conditions de vie ... 83

(6)

3.3.1 Indice de défavorisation ... 83

3.4 Marché du travail et économie ... 86

3.4.1 Revenu moyen des ménages ... 88

3.4.2 Déplacement domicile-travail. ... 94

3 .4.3 Taux de scolarité ... 95

3.4.4 Taux d'emploi ... 98

3.4.5 Taux de chômage ... 100

3.6 Perspectives démographiques de Montréal ... 101

3. 7 Chronologie des pressions urbaines sur le territoire montréalais ... 105

CHAPITRE IV PRÉSENTATION DES RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DE CAS EN AGRICULTURE URBAINE SUR LE PLATEAU-MONT-ROYAL ... 113

4.1 Potentialités du territoire agricole montréalais ... 113

4.2 Les initiatives agricoles du Plateau-Mont-Royal ... 115

4.2.1 Jardins communautaires ... 119

4.2.2 Jardins collectifs ... 124

4.3 Les impacts locaux de l'agriculture urbaine sur le territoire montréalais ... 133

4.3 .1 Effets positifs sur le territoire ... 133

4.3 .2 Effets négatifs sur le territoire ... 139

4.4 Représentations des acteurs en agriculture urbaine ... 149

4.4.1 Acteurs internes ... 149

4.4.1.1 La Direction de l'arrondissement Le Plateau-Mont-Royal. ... 150

4.4.1.2 Les coordonnateurs de projets de jardin ... 156

4.4.1.3 Les organismes communautaires ... 159

4.4.1.4 Les citoyens du Plateau-Mont-Royal.. ... 164

4.4.2 Acteurs externes ... 168

4.4.2.1 La Ville de Montréal ... 169

4.4.2.2 Les organisations non-gouvernementales ... 177

(7)

CHAPITRE V

ANALYSE DES RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DE CAS EN AGRICULTURE

URBAINE SUR LE PLATEAU-MONT-ROYAL ... 191

5.1 L'agriculture urbaine est-elle un objet de tensions ou de rivalités? ... 191

5.2 Dynamique territoriale des acteurs municipaux et nationaux ... 205

CONCLUSION ... 215

APPENDICE A CANEVAS D'ENTRETIEN POUR LES ACTEURS INTERNES ... 201

APPENDICEB CANEVAS D'ENTRETIEN POUR LES ACTEURS EXTERNES ... 205

APPENDICEC GRILLE D'ANALYSE DES ENTRETIENS POUR LES ACTEURS INTERNES ... 209

APPENDICED GRILLE D'ANALYSE DES ENTRETIENS POUR LES ACTEURS EXTERNES ... 211

(8)

1.1 1.2 1.3 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 3.1 3.2 3.3

Répartition de l'emploi en agroalimentaire (Métiers Québec,

2015) ... 4

Diversité des circuits courts de commercialisation (Bresson et

al., 2012) ... 8

Répartition des jardins communautaires et collectifs sur l'île

de Montréal (Goudreau, 2011) ... 15 Les multiples dimensions de l'agriculture urbaine

(Du chemin et al., 2008; Wegmuller et Duchemin, 201 0) ... 36 La logique économique, politique, résidentielle et

patrimoniale, environnementale des acteurs par rapport au

territoire (Subra, 20 12) ... 43

Densité de population de l'arrondissement

Plateau-Mont-Royal en 2011 (Ville de Montréal, 2014b) ... 51 Répartition des jardins communautaires et jardins collectifs

de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (AU/LAB, s.d.) ... 52 Population totale et superficie des arrondissements de la ville

de Montréal et des villes liées (Ville de Montréal, 2015a) ... 55 Répartition des jardins communautaire et jardins collectifs de la

région métropolitaine de Montréal (AUILAB, s.d.) ... 56

Division électorale de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal

(Election Montreal, 2012) ... 71

Répartition de la densité de population de l'agglomération de

Montréal (Ville de Montréal, 2011 b) ... 72 Répartition de la densité de population de l'arrondissement du

(9)

3.4 Pyramide des âges de l'île de Montréal et de l'ensemble du

Québec (Gagnon et al., 2015) ... 75

3.5 Évolution de la population totale de l'arrondissement du

Plateau-Mont-Royal, 1966-2011 (Ville de Montréal, 2014f) ... 76 3.6 Pyramide des âges de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal

(Apparicio et al., 2010) ... 77 3.7 Composition des ménages et les principaux groupes d'âge dans

l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, 2011 (Ville de

Montréal, 20 14d) ... 80 3.8 Proportion des immigrants de l'île de Montréal selon les

principaux pays de naissance, 2006-2011 (CMM, 2013) ... 82 3.9 Répartition de l'indice de défavorisation sur l'île de Montréal,

2011 (Gagnon et al., 2015) ... 85 3.10 Répartition du revenu moyen des résidents de 1 'arrondissement

du Plateau-Mont-Royal (Ville de Montréal, 2014b) ... 91 3.11 Répartition de la culture dans 1 'arrondissement du

Plateau-Mont-Royal (CDEC-CSPMR, 2012) ... 92 3.12 Répartition des groupes communautaires dans l'arrondissement

du Plateau-Mont-Royal (CDEC-CSPMR, 2012) ... 93 3.13 Population active de 15 ans et plus selon le mode de transport

utilisé pour se rendre au travail sur l'île de Montréal (Ville de

Montréal, 20 14e) ... 94 3.14 Population âgée de 25 à 64 ans selon la diplomation dans

l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, 2011 (Ville de

Montréal, 2014f) ... 96 3.15 Taux de scolarité de la population des 15 ans et plus des

arrondissements de l'île de Montréal (Gagnon et al., 2015) ... 97 3.16 Taux d'activité, taux d'emploi et taux de chômage sur l'île de

(10)

3.17 Population de 15 ans et plus selon le taux d'activité, le taux d'emploi et le taux de chômage de l'arrondissement du

Plateau-Mont-Royal, 2011 (Ville de Montréal, 2014f) ... 100

3.18 Part de la population de la RMR habitant dans 1' agglomération

de Montréal, 1986-2031 (Ville de Montréal, 2011 a) ... 103

3.19 Échanges migratoires entre 1 'île de Montréal et les régions

adjacentes, 2009-2010 (Ville de Montréal, 2011a) ... 104

3.20 Montréal et ses banlieues, 1875 (Tackabury et Walling, 1875) ... 110

3.21 Plan historique de 1 'île de Montréal et ses environs (Archives de

Montréal, 1928) ... 111

3.22 Répartition des parcs et espaces verts de l'agglomération de

Montréal (Ville de Montréal, 2004b) ... 112

4.1 Répartition des jardins collectifs et communautaires dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (Arrondissement Le

Plateau-Mont-Royal, 2012a) ... 117

4.2 Répartition des jardins communautaires, des jardins collectifs,

des jardins institutionnels et des jardins d'entreprises dans

l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (AU/LAB, s.d.) ... 118

4.3 Jardin communautaire de Lorimier (Rubin, 2013) ... 120

4.4 Jardin CûiTwmnautaire Mile-End (Hayeur, s.d.) ... 121

4.5 Jardin communautaire Baldwin(« Streetview- Jardin

communautaire Baldwin », 2016) ... 121

4.6a Jardin communautaire Rivard (Arrondissement Le

Plateau-Mont-Royal, 2012b) ... 122

4.6b Jardin communautaire Rivard («Jardin communautaire- rue

Rivard », s.d.) ... 122

4.7 Jardin Tournesol de la Maison d'Aurore (Vincent, 2015) ... 125

(11)

4.9 Le Mange-Trottoir dans l'arrondissement

Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension (Carignan, 2014) ... 127

4.1 Oa Jardin collectif de la Maison de 1 'Amitié (Jakab, 2009) ... 129

4.1 Ob Jardin collectif de la Maison de 1 'Amitié («Tu parles français?», 2015) ... 129

4.11 Toit vert du Santropol Roulant (Ligne verte, s.d.) ... 130

4.12 Jardin collectif de Franchère, 2016 (Cloutier, 20 16) ... 131

4.12 Jardin collectif du 175 avenue Laurier Ouest (Lopez, 2017c) ... 132

(12)

1.1 Différences entre jardin communautaire et jardin collectif

(Julien-Denis, 2013) ... 16

2.1 Cadre opératoire du concept clé : agriculture urbaine ... 59

2.2 Cadre opératoire du concept clé : géopolitique ... 61

2.3 Thèmes abordés durant l'entretien individuel.. ... 69

2.4 Les acteurs internes de l'agriculture urbaine ... 70

2.5 Les acteurs externes à l'agriculture urbaine ... 71

3.1 Population, superficie et économie (Lacroix, 20 15) ... 69

3.2 Répartition des familles avec conjoints, sans ou avec enfants, et des familles monoparentales sur 1 'île de Montréal et au Québec (Gagnon et al., 2015) ... 78

3.3 Composition des ménages dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, 2011 (Ville de Montréal, 2014d) ... 79

3.4 Répartition temporelle de l'immigration sur l'île de Montréal et au Québec, 1971-2011 (Gagnon et al., 2015) ... 81

3.5 Revenu moyen de la population de 15 ans et plus (Gagnon et al., 2015) ... 89

3.6 Revenu moyen des ménages de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (Apparicio et al., 2010) ... 90

3.7 Évolution de la population de l'agglomération de Montréal, 1986-2031 (Ville de Montréal, 2011a) ... 102

(13)

AU AU/LAB AP CA CDC-ASGP CDN-NDG CMM CRAPAUD CRDI CRET AU CTAU DD DUD FAO GTAU H HLM ISE MAMROT

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

Agriculture urbaine

Laboratoire en agriculture urbaine Agriculture périurbaine

Conseil d'administration

Corporation de Développement Communautaire Action solidarité Grand Plateau

Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce Communauté métropolitaine de Montréal

Collectif de recherche en aménagement paysager et agriculture urbaine durable

Centre de recherche en développement international

Carrefour de recherche, d'expertise et de transfert en agriculture urbaine

Comité de travail permanent de la collectivité montréalaise en agriculture urbaine

Développement durable Développement urbain durable Food and Agriculture Organization Groupe de travail en agriculture urbaine Humanité

Habitation à loyer modique

Institut des sciences de l'environnement de l'UQAM

Ministère des Affaires municipales et 1 'Occupation territoriale du Québec

(14)

MAPAQ MDDELCC N NDG OBNL OCPM ONG

ONU

PMR RMR SAM UPA UQAM

Ministère de 1 'Agriculture, des Pêcheries et de 1 'Alimentation du Québec

Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques

Nature

Notre-Dame-de-Grâce Organisme à but non lucratif

Office de consultation publique de Montréal Organisation non gouvernementale

Organisation des Nations Unies Plateau-Mont-Royal

Région métropolitaine de recensement Système alimentaire montréalais Union des producteurs agricoles Université du Québec à Montréal

(15)

CM2 Centimètre carré $ Dollar KG Kilogramme KM Kilomètre KM2 Kilomètre carré M Mètre M2 Mètre carré % Pourcentage

(16)

RÉSUMÉ

Depuis plusieurs années, la question du système alimentaire prend de 1' ampleur à Montréal. De nombreuses initiatives en agriculture urbaine (AU) prennent racine dans la métropole par une réappropriation citoyenne de l'espace public. Elles prennent la forme de jardins communautaires et collectifs, ou bien pour innover vers d'autres formes de production alimentaire en milieu urbain (toits verts, jardins à partager, etc.), mais sans toutefois réussir à se pérenniser dans 1 'espace et le temps.

Dans ce contexte, ce mémoire analyse la dimension géopolitique de la production alimentaire présente sur le territoire montréalais. Il aspire à mettre en lumière les raisons, les acteurs et les effets sur la ville de Montréal, spécifiquement sur l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, et d'analyser les interactions externes et internes entre les différents acteurs de l'AU, ainsi que les représentations et dynamiques territoriales qui les accompagnent et les soutiennent. Elle vise donc à mettre en évidence les interactions des acteurs locaux, régionaux et nationaux pour voir dans quelle mesure la question de l'AU est un objet de tensions entre les acteurs par l'interprétation de leurs représentations sociales et territoriales.

L'originalité de ce travail réside dans le fait qu'il constitue la première tentative à l'étude d'une géopolitique locale de l'AU. Ce mémoire s'attache à démontrer la pertinence géographique dans son cadre d'analyse et méthodologique. L'analyse fait preuve ici de sa capacité à être opérationnalisé dans une recherche priorisant la méthode géopolitique.

Les résultats obtenus permettent d'élargir les connaissances sur la question des potentialités, des acteurs et des représentations de 1 'AU sur le territoire montréalais et d'ouvrir de nouvelles perspectives sur la matière. La viabilité de l'AU est fonction de la prise en compte des spécificités du territoire, des politiques municipales, des représentations socio-territoriales des différents acteurs, des potentialités et des interactions entre les fonctions économiques, sociales et environnementales d'un territoire urbain. Malgré une forte volonté citoyenne pour l'implantation de projets en AU sur le teiTitoire montréalais, leur viabilité en est toutefois diminuée sans un soutien politique, par l'intermédiaire de politiques municipales, de programmes de subvention à court et long terme, et d'une accessibilité à des espaces cultivables peu dispendieux. Avec 1 'appui du politique, les projets en AU augmentent leur probabilité à être pérenniser dans l'espace et le temps.

MOTS-CLÉS : agriculture urbaine (AU), géopolitique, représentations socio-territoriales, dynamiques territoriales, ville de Montréal, arrondissement du Plateau-Mont-Royal

(17)

la population montréalaise pour le sujet de la production alimentaire en milieu urbain. Reconnue comme ayant le plus vaste réseau de jardins communautaires en Amérique du Nord, la Ville de Montréal affirme effectivement que 42 % de la population montréalaise cultive une forme d'agriculture urbaine (AU) (Montréal, 2015b). Pour être plus précis, les montréalais cultivent non seulement dans les jardin communautaires (8 %, et 12 %dans le secteur centre), mais également sur les toits (1

%), les façades ou les côtés de bâtiment (4 %), les balcons (34 %, et 43 % dans le secteur centre), et les cours arrières (63 %) (Montréal, 2013). Ce mouvement de l'AU à Montréal est principalement porté par des citoyens désireux d'intégrer la production alimentaire au mode de vie urbain : se rapprocher de la nature en ville, en éduquant la population à la provenance des aliments - de la graine à 1' assiette. La question se pose toutefois si la ville de Montréal peut être considérée comme une figure de proue en matière d'innovations agricoles en comparaison à d'autres villes canadiennes -Toronto, Vancouver.

Pour Éric Duchemin (2016), «Montréal est une ville nourricière qui s'ignore.» La question de la production alimentaire se confronte à des problématiques urbaines concernant son implantation et sa pérennité. Ceci étant dit, la Ville de Montréal n'a point pris une position claire sur la place de 1 'AU sur le territoire montréalais; aucune règlementation de la ville n'a encore été mise en place pour faciliter les initiatives agricoles citoyennes, à l'exception de quelques arrondissements qui ont développé leur propre règlementation pour faciliter son élaboration sur leur territoire. Comment se fait-il que la Ville de Montréal n'a toujours point développé une ligne directrice sur la question de la production alimentaire? Est-ce par un manque de ressources

(18)

humaines et financières, une absence de vision à long terme, ou bien par un manque d'espace pour la développer sur le territoire montréalais? Ce mémoire examinera ainsi les potentialités agricoles de la ville de Montréal, en plus de mettre en lumière les interactions entre les différents acteurs - internes et externes, les représentations et les dynamiques territoriales qui les accompagnent et les soutiennent.

La question du système alimentaire a une importance dans le raisonnement urbain d'une ville: attendu que se nourrir est un besoin de base que doit combler tout citoyen vivant en ville, elle se doit de collectivement réfléchir sur la provenance des aliments. Le phénomène de dissociation ville-campagne, s'étant particulièrement établi dans les années 50-60, a mis en péril la responsabilisation des citoyens envers leur alimentation. Pourtant, les projets en AU permettent un remodelage de l'espace urbain, une diminution des inégalités et une collaboration à nouveau entre la ruralité et 1 'urbanité. Dans cette optique, les concepts de 1' AU et du système alimentaire deviennent essentiels au développement des villes puisqu'ils peuvent avoir des effets sur le territoire. Selon 80 % des répondants au sondage de la ville de Montréal, un effet positif est l'amélioration des rapports de voisinage (Montréal, 2015b).

Autrement dit, l'AU serait plus qu'un rapport à l'alimentation, mais également une manière de socialiser dans la communauté avoisinante, de connaître ses voisins, de créer des liens communautaires de type grassroot. L'AU serait-elle donc un moyen pour l'amélioration de la qualité de vie des citoyens d'un quartier?

Ce mémoire se divise en cinq chapitres. La première partie débute par une mise en contexte de notre sujet de mémoire en lien avec les changements récents du système agroalimentaire causé par la mondialisation, suivie par un bref historique de 1 'AU ainsi qu'une distinction entre les deux types de jardins les plus communément

(19)

retrouvés sur l'île de Montréal, soit les jardins communautaires et les jardins collectifs. On aborde ici la question de la pertinence géographique de ce mémoire, incluant ici les questions, objectifs et hypothèses de recherche. Le deuxième chapitre présente le cadre conceptuel et théorique de la recherche, en y définissant les concepts de l'AU, la méthode géopolitique mobilisée, tout en posant le cadre opératoire, spatiotemporel et la démarche méthodologique, soit le mode de collecte de données - observation directe, entretiens semi-dirigés et observation documentaire. Le troisième chapitre se concentre sur un portrait socioéconomique de l'agglomération de Montréal et de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (PMR) pour mieux comprendre le contexte démographique, économique, social et culturel de notre lieu d'étude. Le quatrième chapitre s'attarde sur la question de la potentialité du territoire agricole à Montréal, pour ensuite présenter les effets positifs et négatifs de 1 'AU, et expliquer les représentations des acteurs internes et externes. Le dernier chapitre analyse les jeux de pouvoirs et les dynamiques territoriales entre les acteurs de l'AU. Avec l'aide des représentations socio-territoriales des acteurs et des effets positifs et négatifs de la production alimentaire en milieu urbain, l'analyse se questionne sur si l'AU peut être considéré un objet de tensions ou de rivalité sur le territoire montréalais, et qu'elles en sont les dynamiques territoriales à 1' échelle municipale et nationale.

(20)

«Chaque partie du monde reflète l'histoire du monde entier, la subit, s'en accommode. » -Braudel (1948)

1.1 Problème de recherche

1.1.1 Mondialisation et système agroalimentaire

L'agriculture n'est pas une pratique nouvelle, ni récente. II y a environ dix mille ans (Rastoin, 2008), la production agricole, soit une agriculture de subsistance, voire de production et négoce à une échelle locale, fut une étape radicale pour les sociétés et leur système alimentaire1; elle fut en effet un élément clé de la sédentarisation des

populations et du développement des villes. Ce type de production agricole ne changea guère jusqu'à la révolution industrielle, qui commença en Angleterre à la fin du 18e siècle. En Amérique du Nord, les États-Unis ne s'industrialisèrent qu'à partir du milieu du 19e siècle. En 1800 (ONU, 2001), seulement 2 % de la population mondiale était urbaine au point où l'agriculture était omniprésente en milieu urbain. Dans la ville de Montréal, le cadre bâti se voyait, au début de la colonie2 et jusqu'à 1' ère de 1 'industrialisation, que « secondaire par rapport aux jardins potagers qui étaient présents à l'intérieur des fortifications» (AU/LAB, 2016c). Dans les pays développés (Europe, Amérique du Nord), la révolution industrielle fit pencher la

1

Le système alimentaire est« la manière dont les hommes s'organisent, dans l'espace et dans le temps,

pour obtenir et consommer leur nourriture » (Mal assis, 1993). 2

(21)

balance en moins de deux siècles du rural vers 1 'urbain, et transforma également le système agricole et alimentaire.

De nos JOurs, « la moitié de la population mondiale vit dans les villes, dont la population augmente chaque jour de 180 000 personnes. Le processus s'est toutefois stabilisé dans les pays développés; environ 75 %de la population vivant déjà dans les zones urbaines.» (ONU, 2001) D'ici à 2030, 84 % de la population des pays en développement vivront dans les zones urbaines (ONU, 2001). D'autres sources estiment que seulement 66 % de la population mondiale vivra en zone urbaine en 2050 (ONU, 2014). Basé sur le« recensement de 2006, près de 80% de la population québécoise vit [déjà] en milieu urbain. À elle seule, la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal compte près de la moitié de la population totale du Québec» (Jean, 2012). Dans l'ensemble, les données s'accordent pour dire que la population des villes n'ira qu'en augmentant dans les prochaines années. La question qui se pose ici est : comment nourrir une population urbaine mondiale en croissance? Serait-ce par une modernisation de notre système alimentaire et/ou par une diversification de nos méthodes et techniques, dans le but de mieux répondre à la demande alimentaire mondiale? Voyons premièrement où se situe le système alimentaire mondial.

Progressivement au cours du 19e et 20e siècles, avec une accélération durant la seconde moitié du 20e siècle, le système alimentaire est rentré dans l'ère agro -industriel avec une généralisation du mode de production -industriel, notamment la standardisation et la fabrication en grande série, et de la consommation de masse (Rastoin, 2006). Ce modèle agro-industriel fut développé pour répondre à des besoins alimentaires en forte croissance à l'échelle mondiale, principalement causés par une

(22)

insuffisance de la production agricole. Avec la mondialisation de l'approvisionnement et des ventes, rendue possible par une succession d'innovations techniques (informatique, biotechnologies, traitements thermiques des aliments, etc.), le modèle agro-industriel s'est confirmé. Il se caractérise par une production de masse, des bassins de production agricole spécialisés, des intrants chimiques, un réseau mondialisé de transformation et de distribution de produits alimentaires standardisés (Fournier et Touzard, 2014). Pris en charge par de puissants groupes chimiques, pharmaceutiques et mécaniques (Rastoin, 2008), le système agro-industriel mondialisé s'est ainsi établi comme modèle dominant dans le but de nourrir les populations mondiales.

De par cette hausse substantielle de la production alimentaire, le système agro-industriel a permis une baisse des prix des aliments permettant une accessibilité mondialisée aux aliments - par exemple, la fraise est maintenant disponible au Québec, non seulement durant la saison estivale de juin à septembre (Les Fraîches du Québec, s.d.), mais à longueur d'année de par son importation de la Californie (États-Unis) (Mesly, 2015). Dans le contexte nord-américain, cette disponibilité des aliments provoque une diversification des pratiques alimentaires3 : l'ouverture vers des aliments atypiques de la région (couscous, pois chiches, figues, etc.), ainsi qu'une simplification [de la préparation] des repas par l'intermédiaire de plats congelés et tout-préparés. Ce modèle mise sur la standardisation des procédés, entre autres par des conditions hygiéniques de production et un étiquetage alimentaire. D'une perspective économique, l'industrie agroalimentaire est le secteur le plus important au Québec, et le premier secteur industriel au Canada (Canada, 2016), en y incluant 1 'ensemble de la chaîne bio-alimentaire - du producteur agricole jusqu'au

3

Les pratiques alimentaires dépendent de valeurs, de normes et de pratiques (Poulain, 2002)

(23)

consommateur (Figure 1.1 ). Le secteur alimentaire a permis la création d'emplois et la stimulation économique à une échelle nationale et provinciale, soit 6,6 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada (Canada, 2016).

Agriculture et pêche - 57

Transformation - 65

Commerce de gros et de détail

Restauration 1 91

Figure 1.1 Répartition de 1 'emploi en agroalimentaire (Métiers Québec, 20 15)

Des changements importants se sont produits en conséquence du remodelage de la production agricole et de 1' avènement des populations dans les villes. En effet, les processus d'urbanisation 4 et de mondialisation du système alimentaire ont reconfiguré les territoires ruraux - la ruralité - et par le fait même provoqué des mutations dans les espaces urbains- l'urbanité (Jean, 2012). Or, l'urbanité décrit les spécificités au fait de vivre en ville tandis que la ruralité fait référence à 1 'ensemble des caractéristiques propres aux espaces ruraux et à la vie dans les campagnes (Solidarité rurale du Québec, 2016), en plus d'être associée à l'activité économique primaire (agriculture, élevage). Au Québec, la ruralité ne peut pas se réduire qu'à son passé agricole5 puisque l'urbanité n'est pas uniquement signe de progrès (Jean, 2012).

Or, l'accroissement des villes nord-américaines des 100 dernières années a engendré une accélération de l'étalement urbain. Ce phénomène a provoqué une diminution des

4

L'urbanisation est un phénomène démographique se traduisant par une tendance à la concentration de la population dans les villes (Larousse, 2016b).

5

(24)

surfaces cultivables, qui ne totalisent que 2 % de la superficie totale de la croute continentale. La ville de Montréal et ses environs ne font pas exception à ces changements. Situés dans les Basses-terres du Saint-Laurent, ce territoire est considéré comme la région la plus fertile du Québec pour l'agriculture. De ce fait, 1 'étalement urbain de la région métropolitaine de Montréal, couplé à un système agro-industriel mondialisé basé principalement sur une agriculture industrialisée, intensive et de monoculture, génèrent de nombreux problèmes sociaux, environnementaux et territoriaux, de par la perte de la biodiversité (faune, flore), la dégradation de la qualité des sols (désertification) - causée par 1 'utilisation intensive d 'intrants chimiques, la machinerie lourde et les organismes génétiquement modifiés (OGM)6,

la déforestation et 1' élevage industrielle, la diminution des terres arables par l'étalement urbain, la pollution de l'air et la contamination des eaux, la dévastation des paysages et le dérèglement climatique (NP A, 2014 ). Ces impacts environnementaux de 1' agriculture intensive nécessaire au développement agro-industriel- eau, sols, biodiversité- menacent la durabilité du système, et représentent des couts indirects importants (Fournier et Touzard, 2014). Par ailleurs, le système agroalimentaire industrialisé a engendré un changement dans les sociétés de par leur alimentation qui incite à une normalisation de certains comportements-type, tel que les gaspillages alimentaires 7 (NP A, 2014 ); en d'autres termes, on perçoit « un " formatage " des individus et de leurs désirs par un univers marchand piloté par des grandes firmes dont la prospérité dépend de l'homogénéisation des comportements des clients.

»

(Stiegler, 2004) Malgré 1 'accroissement de la production alimentaire mondiale, le modèle agro-industriel ne parvient pas à enrayer le fléau de la faim et des carences alimentaires (Rastoin, 2008). A contrario, il crée une vulnérabilité dans les sociétés par une distribution inégale des aliments et une décroissance de leur

6

Les OGM, dont le canola, le soja GM et le maïs-grain, sont principalement commercialisés au Canada et au Québec à des fins d'alimentation animale (Québec, s.d.).

7

Le gaspillage alimentaire fait référence «aux aliments qui sont sains et nutritifs, produits pour la consommation humaine mais qui sont jetés ou détournés vers des utilisations non alimentaires le long de la chaîne d'approvisionnement, de la production primaire jusqu'au niveau du consommateur final. »

(25)

qualité- sucre, gras trans- en plus d'être une source de maladies ayant l'allure de

pandémies : obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers (Rastoin, 2008).

Pour le modèle agro-industriel, la nourriture n'est donc qu'une marchandise comme

une autre. Dans la double perspective d'une augmentation de la population mondiale

et de la diminution des terres arables, ce modèle basé sur la production d'envergure

fait face à de nombreuses contraintes qui pourraient être comblées par un scénario

alternatif fondé sur la proximité (Rastoin, 2008).

1.1.2 Pourquoi 1 'agriculture urbaine?

À l'échelle d'un quartier, ou bien d'une ville, l'agriculture urbaine (AU) se veut une

réponse viable, quoique partielle, au modèle agro-industriel mondialisé. L'AU

s'appréhende différemment de la production agricole en milieu rural, de par son

changement d'échelle, ses espaces restreints de culture et son organisation sociale

relevant de nouvelles réalités urbaines. Dans un monde où l'urbanisation et la

mondialisation sont devenues des enjeux majeurs, la reconnaissance de 1' AU par les

autorités urbaines est relativement récente (Ayalon, 2006). En effet, 1 'AU commence

à être intégrée dans la planification et l'aménagement des villes, même si sa pratique

est reconnue comme tout aussi ancienne que 1 'existence même de la ville (Mougeot,

2006).

L'AU est considérée comme un modèle alternatif, de proximité face au système

agro-industriel mondialisé. Une complémentarité des modèles de production alimentaire,

entre le modèle de proximité et le modèle agro-industriel, semble être une possibilité

(26)

(2014), le modèle agro-industriel ne s'est jamais imposé comme modèle unique. Or, une diversité de modèles de production et d'échange est reconnue et débattue dans la

société, et repérable par les analystes : systèmes locaux, production du terroir, commerce au long cours de produits spécifiques, agriculture biologique ou agro-écologie, etc. (Fournier et Touzard, 2014). Néanmoins, ces différents modèles sont encore en phase embryonnaire; même si certains existent depuis une quarantaine d'années, ils sont précaires et peuvent disparaitre si un projet d'envergure voit le jour à ce même endroit (Ibid.). Les initiatives en AU sont souvent impulsées par les collectivités locales, portées par des organisations non-gouvernementales (ONG), et appuyées par des mouvements citoyens. D'une part, l'AU encourage une réappropriation et une responsabilisation du territoire - concept de territorialité - par les citoyens ainsi qu'une sensibilisation des consommateurs sur les enjeux d'une alimentation durable. D'autre part, elle permet un renouement de l'Humanité (H)

avec la Nature (N) en plus de créer des possibilités pour un verdissement des espaces et du territoire urbain. Dans 1 'état actuel des villes nord-américaines, 1 'AU valorise les « surfaces perdues dans nos villes en espaces agricoles et potagers, principalement au cœur des grands bassins de consommation» (UrbAgri, s.d.); le fait de s'approprier

un territoire souvent vide et inoccupé, comme un terrain en friche, le transforme en un espace de pouvoir pour les citoyens (Ayalon, 2006). Elle génère un développement économique et social pour les populations locales, favorisant ainsi le développement de circuits courts qui facilitent 1' accessibilité de la production et distribution d'aliments frais et sain. Le modèle de proximité qu'est notamment l'AU,

se caractérise par un faible nombre d'intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs - circuits courts, vente directe (Figure 1.2). Le renforcement récent

de ce modèle dans les pays nord-américains ne doit pas occulter sa présence historique sur toute la planète, depuis le néolithique (Fournier et Touzard, 2014). Ce type d'initiatives agricoles locales sont une ressource qui contribue à alimenter les

communautés ainsi qu'à amélioration les conditions de vie des populations (Duchemin et al., 2008, cité dans Julien-Denis, 2013).

(27)

Vente en circuit court

Ve,. Yi8..., intBrmédlalnt et.tou Denee

du poch.dlllw- lors de la ,...,..

Figure 1.2 Diversité des circuits courts de commercialisation (Bresson et al., 2012)

De nouvelles formes d'AU font maintenant leur apparition là où la production alimentaire n'est plus le but premier. Dans certains cas nord-américains, l'AU se dissocie des besoins de base, de subsistance, et elle est ainsi pratiquée pour ses bienfaits sociaux, économiques et environnementaux, notamment pour le plaisir de cultiver des aliments frais et pour les effets bénéfiques qu'elle produit sur la santé mentale et physique. Recourir à l'AU en tant qu'alternative à l'agriculture industrialisée est une préoccupation dont le but est de valoriser le processus de développement urbain durable (DUD) (Reybum, 2006). Pratiquer 1 'AU est une façon de combler un manque provoqué par le modèle agro-industriel - diversité, qualité, proximité, etc. - de produire des aliments sains, sans intrants chimiques et modifications génétiques, de réutiliser les matières résiduelles en compostant pour contribuer à la récupération d'énergie et à la protection de 1' environnement, et de réduire les dépenses alimentaires (Boulianne, 1999).

(28)

1.1.3 Brefhistorique de l'agriculture urbaine nord-américaine

Les villes nord-américaines8 ont commencé à expérimenter avec 1 'AU au 19e siècle (Fairholm, 1999). Les premières initiatives nord-américaines du siècle dernier en matière d'AU ont encouragé l'aménagement de jardins domestiques et communautaires pour assurer une production alimentaire en période de crise économique (Mougeot, 2006). À cet effet, les premiers jardins communautaires au Canada ont débuté avec les Railway Gard ens ( 1890-1930), conçus et maintenus par le Canadian Pacifie Railwa/ (Fairholm, 1999). Ces jardins étaient situés à travers le pays, principalement dans les villages pourvus d'une gare de train, et étaient en quelque sorte une manifestation de 1 'esprit de communauté de 1' Ouest pionnier (Pedneault et Grenier, 1996). À cette même époque, entre 1900 et 1930, les écoles canadiennes ont vu l'apparition des School Gardens (Ibid.) : chaque étudiant se voit confier une parcelle de terrain où il doit cultiver des fleurs et des légumes, avec le principe - de la semence jusqu'à l'assiette - pour ainsi apprendre les rudiments agricoles en milieu urbain, par la transmission de la mémoire collective agricole. Pendant la Première Guerre mondiale, ces initiatives agricoles urbaines se sont multipliées et transformées en Relief Gardens. Aux États-Unis, les Relief ou Sustainable Gardens, créés par Herbert Hoover (Herbert Hoover Presidential Library and Museum, s.d.), furent davantage une réponse alimentaire au crash économique de 1929. Les municipalités nord-américaines ont également encouragés les Vacant Lot Gardens, considérés comme une méthode simple et facile d'améliorer la qualité de

8

La référence au terme« ville nord-américaine» y inclut également les villes canadiennes. 9

À l'origine, la compagnie ferroviaire Canadian Pacifie avait comme mission d'« établir une liaison concrète entre tous les Canadiens, d'un océan à l'autre.» (Canadien Pacifique, 2017)

(29)

vie des communautés locales, en fournissant une production alimentaire et du travail à volonté pour les personnes défavorisées (Fairholm, 1999).

Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Victory Gardens firent leur apparition en Amérique du Nord, aussi connus sous l'appellation de War Gardens ou Food Gardens for Defence (St. Catharines Heritage Committee, 2013). Au Canada, ces jardins n'ont eu que tardivement le soutien gouvernemental; le Ministère de 1' Agriculture croyait à 1 'époque que les amateurs fermiers allaient gaspiller les ressources - engrais, outils de jardin - dus à leur manque d'expérience agricole (Ibid.). Le besoin grandissant de ravitailler l'Angleterre dévasté par la guerre couplé à une pénurie de main d'œuvre pour les récoltes poussa finalement le gouvernement canadien à donner son appui en 1943 à la création de 209 200 Victory Gardens (Ontario Historical Society, 2010). Chaque jardin produisait environ 250 kg de légumes (Ibid.). Dans l'ensemble, le développement des jardins communautaires durant cette première moitié du 20e siècle fut généralement une réponse locale et agricole à des évènements politiques et économiques mondiaux qui ont produit un manque alimentaire sur les populations nord-américaines.

Les années post-guetTes amenèrent des changements au mode de vie nord-américain,

notamment avec l'arrivée de l'automobile, la vie en banlieue et les aliments transformés. Les jardins communautaires ont entamé un déclin du fait de 1 'abondance et l'accessibilité des aliments dans les supermarchés/grandes surfaces causé par le renouveau du système agro-industriel; la nécessité alimentaire n'est que du passé. À Montréal, le maire Jean Drapeau, «alors un jeune avocat, prend la tête d'un mouvement visant à " nettoyer la ville " et commence à fermer de nombreux marchés publics de Montréal» dans les années 50 (Musée McCord, 2016, cité dans Jacques,

(30)

20 12). À travers les villes nord-américaines, ce phénomène s'est également propagé aux jardins communautaires qui ont du fermé étant donné que le besoin n'y était plus. Avec la crise énergétique mondiale des années 70, le mouvement de contre-culture peace a fait renaitre l'AU (Jacques, 2012). Avec une inquiétude grandissante pour 1' environnement, mais aussi pour la conservation de 1 'énergie et 1' autonomie des communautés, l'AU se voulait une manière de se réapproprier le territoire urbain via les collectivités locales. Les jardins communautaires sont en fait le résultat du mouvement des années 70; leur légitimité dans le territoire urbain a ainsi été reconnu par les citoyens, et plus récemment par le gouvernement, car elle promouvait 1 'ouverture des espaces publics (F airholm, 1999) qui avaient jadis été abandonnés. À ce jour, la ville de Montréal possède le plus vaste réseau de jardinage communautaire en Amérique du Nord (Mougeot, 2006). À travers les 19 arrondissements de la ville, on compte maintenant 97 jardins communautaires (Ville de Montréal, 2016a; Arrondissement de Ville-Marie, 2005), dont 8 195 jardinets individuels (Ibid.), pour un total de 19,2 hectares (AU/LAB, 2016b), qui sont incorporés à une utilisation permanente des terrains municipaux. D'après un sondage réalisé auprès de la population de 1 'île de Montréal sur 1 'AU (Ville de Montréal, 20 13), la proportion des Montréalais qui pratique 1 'AU est de 42 %. De ce pourcentage, le ratio de gens augmente à 55 % chez les propriétaires et à 48 % chez les universitaires (Ibid.). Le taux d'agriculteurs urbains est de 44 % chez les gens qui habitent l'île de Montréal depuis 10 ans ou plus, en comparaison à 34 % pour ceux qui habitent 1 'île depuis moins de 10 ans. Les femmes pratiquent davantage que les hommes, respectivement 45 % et 38% (Ibid.). Au total, le jardinage cormnunautaire attire entre 12 000 et 15 000 personnes s'impliquant de façon directe ou indirecte dans plus de 97 jardins, tandis qu'environ 2 000 personnes sont impliquées dans plus de 75 jardins collectifs (Duchemin, 2010, cité dans Julien-Denis, 2013).

(31)

1.1.4 Distinction entre les jardins communautaires et collectifs

L'AU ne constitue pas un champ d'activité homogène. Il est ici important de différencier les deux principales formes pratiquées à Montréal, c'est-à-dire les jardins communautaires et les jardins collectifs, dans le but de mieux saisir les actions et les effets à l'échelle locale.

1.1.4.1 Les jardins communautaires à Montréal

Les jardins communautaires peuvent être considérés comme 1 'une des plus vieilles formes d'AU en Amérique du Nord. Sur l'île de Montréal, le premier jardin communautaire organisé par la ville de Montréal fut créé en octobre 1974 (Jacques, 2012), «suite à un incendie qui a anéanti un quadrilatère complet dans le Centre-Sud de Montréal. Quelques habitants de ce quartier défavorisé ont alors demandé la mise sur pied d'un jardin dans cet espace qui leur permettrait d'assurer [une production] alimentaire.» (AU/LAB, 2016d) Le quadrilatère situé à l'intersection des rues Alexandre-Desève et Lafontaine, prit la forme du premier jardin communautaire en collaboration avec l'Office d'embellissement de la ville de Montréal et du Jardin botanique (Ibid.). Dans la même année, trois autres jardins ont émergé dans le quartier Centre-Sud (Ibid.). Par ailleurs, leur création coïncida avec la crise énergétique des années 70; à cette époque, « les jardins communautaires qui émergent à Montréal ont une vocation utilitaire et tentent [principalement] de pallier à [un manque] alimentaire.» (Julien-Denis, 2013)

(32)

Ainsi, le Programme municipal des jardins communautaires a officiellement débuté

en 1975 sous l'administration municipale du maire Jean Drapeau (AU/LAB, 2016d),

le même maire qui avait auparavant fermé les marchés publics et jardins communautaires pour cause d'insalubrités en ville. En 1977, les autorités municipales

de Montréal ont décrété que 10 % du territoire serait dorénavant zoné espaces verts

(Reid, 2006), y incluant les jardins communautaires. À la fin des années 80, la Ville

de Montréal inscrit et intègre la planification, la coordination et l'harmonisation de ce programme municipal au sein du Service des sports, des loisirs et du développement

social de la ville de Montréal (Julien-Denis, 2013). Il s'ensuit une reconnaissance

internationale en 1996, avec l'avènement du 17e Colloque de 1 'American Community

Gardening Association, une organisation binationale -États-Unis, Canada - sur les pratiques de jardinage communautaire (Ibid.). Selon les données fournies par la Ville de Montréal, on comptait 43 jardins communautaires en 1981, 72 en 1996 et 76 en

2001 (AU/LAB, 2016d), pour un total présentement de 97 (Ville de Montréal, 2016a)

(Figure 1.3). Depuis le milieu des années 90, le programme municipal connait une

certaine stagnation au mveau du développement de nouveaux jardins,

particulièrement dans les quartiers densément peuplés de Montréal; la croissance se

fait davantage « en faveur du développement immobilier mais aussi pour des raisons

de contamination des sols, de coupes budgétaires au programme de la ville et de réduction du nombre de postes d'animateurs horticoles.» (Wegmuller et Duchemin, 2010)

Auparavant, les jardins communautaires relevaient de l'administration de la ville de

Montréal; «depuis 2002, avec l'adoption de la loi 170 sur la réorganisation

municipale, la gestion du programme est maintenant assumée par chacun des arrondissements.» (Ville de Montréal, 2016a) Les 19 arrondissements de la ville de

Montréal offrent des jardinets de 18m2

(33)

en famille ou en co-jardinage de deux personnes» (Wegmuller et Duchemin, 2010): chaque ménage est «responsable de sa parcelle, tant pour l'entretien que pour la récolte.» (Bouffe Action de Rosemont, 2016) Néanmoins, le fonctionnement du jardin communautaire - gestion, animation - est assuré par un conseil d'administration (CA) de jardin, élu en avril de chaque année, lors d'une assemblée générale annuelle (Ville de Montréal, 2016b), en plus d'être encadré par un agent de développement de l'arrondissement (Tableau 1.1). Dans certains cas, les arrondissements fournissent un animateur horticole, qui visite de manière hebdomadaire les jardins du quartier afin de prodiguer des conseils aux jardiniers (Ibid.). Couramment, le nombre de personnes qui cultivent sur l'île deMontréal dans un jardin commun~utaire s'élève à 8 %, et jusqu'à 12 % dans le secteur centre, situé dans l'axe nord-sud entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis (Ville de Montréal, 2013).

(34)

Jardins

coUectifs

et

communautaires

île

de

Montréal

2010

Superficie lmètre c1rré) Collectifs • 0 . 7 0 • 751 -2000 • 2001 . 1 588 Commun1ut1ires 0-750 751 -2000 2001 . 16588

Q

Limite d ' rrondrueroon i Figure 1.3 Répartition des jardins communautaires et collectifs sur 1 ' île de Montréal (Goudreau , 20 Il)

(35)

1.1.4.2 Les jardins collectifs à Montréal

Tableau 1.1 Différences entre jardin communautaire et jardin collectif (Julien-Denis,

2013)

Jardin communautaire Jardin coUectir

Division du jardin ParceUes individuelles Parcelle unique

Récoltes Individuelles Divisées entre jardiniers

et/ou offertes à un autre organisme

Gouvernance Hybride (Programme Par J'organisme et/ou

municipal avec OSBL) autogéré

Mission Mission ludique et alimentaire Mission en lien avec

organisme ou groupe

d'individus

Les jardins collectifs à Montréal ont été inspirés par des mouvements de sécurité

alimentaire et de jardinage communautaire (Stiegman, 2004), notamment par les

modèles de jardins communautaires new-yorkais, du modèle cubain ainsi que du

mouvement de jardinage collectif français (AU/LAB, 20 16d). Le premier jardin

collectif à Montréal, dénommé le jardin Cantaloup (AU/LAB, 20 16d), a vu le jour en

1997 dans l'arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG)

d'un partenariat entre Action Communiterre 10 et le Dépôt alimentaire NDG

(Stiegman, 2004; Action Communiterre, 2012). Ils développèrent le réseau des

jardins collectifs de la Victoire, qui doit son nom à la campagne canadienne

encourageant la population à cultiver leurs propres aliments afin de combler les

pénuries alimentaires lors de la Seconde Guerre mondiale (Action Communiterre,

10

Action communiterre est« un organisme à but non lucratif établi dans le quartier de Notre-D. ame-de-Grâce qui vise à promouvoir la sécurité alimentaire à travers un réseau de jardins collectifs ainsi que des activités communautaires et des ateliers éducatifs» (Conseil communautaire de Notre-Dame-de-Grâce, s.d.). Ce groupe a récemment fusionné avec le Dépôt alimentaire NDG (Dépôt alimentaire NDG, s.d.).

(36)

20 12). À travers ce réseau de la Victoire, les jardins collectifs ont vite pris racine à Montréal, et partout au Québec (Ibid.). Même s'il existe à l'heure actuelle un réseau de jardins collectifs dans sept arrondissements de la ville de Montréal (Stiegman, 2004), cette pratique n'est guère aussi bien établie que le réseau des jardins communautaires à Montréal. En 2008, les jardins collectifs se dénombraient à 42

(AU/LAB, 2016d) avec environ 2 000 citoyens impliqués tandis qu'en 2011, le

nombre s'élevait à plus de 75 sur le territoire montréalais (Ibid.).

Les jardins collectifs se distinguent du Programme de jardins communautaires de la

ville de Montréal par leurs objectifs, leur fonctionnement social et leur enracinement

communautaire (Tableau 1.1 ). Les jardins collectifs ne sont pas en tant que tel

propriétaires de leur terrain. Ces derniers doivent négocier avec une église, un centre

communautaire, une école, une habitation à loyer modique (HLM) ou un particulier

pour obtenir un terrain par engagement entre le propriétaire et le collectif de jardiniers

(Stiegman, 2004). Les jardins collectifs se subventionnent à partir des trois paliers

gouvernementaux - au municipal, provincial et fédéral - ou bien par des fondations

privées et Centraide11 (Ibid.). La gestion d'un jardin collectif relève d'une ONG, ou

bien d'une autogestion par un collectif d'individus, qui encouragent et supportent les

jardiniers-participants à cultiver leurs propres aliments dans le but de bâtir une

communauté et d'augmenter leur autonomie (Action Communiterre, 2012). Les

principales caractéristiques du jardinage collectif« constituent la mise en commun de jardinets dont la responsabilité relève de tous les participants. » (Bouffe Action de

Rosemont, 2016) En effet, le jardin collectif constitue une parcelle unique. Toutes ses

activités horticoles - plantation, entretien, récolte - se font en groupe (Julien-Denis, 2013), et les récoltes sont partagées équitablement entre les membres du jardin. De plus, une formation horticole est souvent associée à 1' activité de jardinage collectif

11

Centraide est «une organisation autonome qui recueille des dons pour distribuer aux groupes communautaires» (Stiegman, 2004).

(37)

(Ibid.). Ces jardins se veulent un endroit qui permet aux communautés locales

d'apprendre, de partager et de cultiver (Action ·communiterre, 2012) de manière

collective. Autrement dit, leur mission s'oriente sur la création d'un esprit de

communauté/collectivité autour de l'urbanité. Bien que chaque jardin collectif soit

unique par sa forme d'organisation, sa dynamique et ses participants, les jardins

collectifs au Québec peuvent être divisés en quatre catégories (Stiegman, 2004), c'est -à-dire :

(1) Les jardins collectifs de quartier: ils sont à la fois le résultat et l'élément

moteur de la concertation locale. Ils visent à la mixité sociale en impliquant des

jardinières représentant une diversité de profils économiques, culturels et sociaux. Les participants s'engagent pour une saison complète (généralement

de mai à octobre). Une animation soutenue assure 1 'atteinte des objectifs

sociaux.

(2) Les jardins collectifs rattachés à un organisme : ces jardins sont établis en lien direct avec un organisme communautaire ou avec un programme

spécifique. L'animation et la structure du projet s'adaptent aux objectifs du

groupe porteur.

(3) Les jardins-partage: ce sont des jardins partagés entre un résident du quartier qui offre son arrière-cour et un groupe de jardinières (généralement de

un à cinq). La coordination est assurée par un groupe communautaire qui fait le

lien entre le jardin-partage et un réseau de jardins collectifs. La dynamique collective et le suivi social sont moins importants que dans des jardins collectifs liés à des groupes plus grands ayant une animation plus soutenue. ( 4) Les jardins collectifs d'insertion : dans ces jardins collectifs, les jardiniers participent à un programme de réinsertion (Stiegman, 2004).

Selon les priorités de l'ONG ou du collectif d'individus en charge du jardin, leurs

principaux objectifs se centrent sur différentes thématiques, soit : la sécurité

(38)

promotion de l'égalité entre tous ou la conservation de l'environnement (Action Communiterre, s.d.; Stiegman, 2004).

1.2 Pertinence géographique du sujet de recherche

L'étude de 1 'AU n'est généralement guère associée au domaine de la géographie. Pourtant, une perspective géographique est essentielle à cette recherche attendue qu'elle contribue au savoir-faire géographique. Ce dernier est par ailleurs indispensable « à qui veut comprendre le monde sans subir la mondialisation »

(Renard, 2009), et par conséquent le système agro-industriel. La mondialisation est une homogénéisation du monde; elle transforme des envies en besoins et crée des inégalités au niveau international et à 1 'intérieur des États (Diabagate, 2008). La géographie s'intéresse à ces faits politiques, se passionnant aussi pour les mouvements d'opinion publique, pour les réseaux qui l'alimentent et pour les supports qu'elles mobilisent sur un territoire (Claval, 201 0).

Or, la géopolitique est à « 1 'intersection de la géographie, des sciences politiques et des sciences militaires.» (Badariotti, 2014) L'analyse géographique du politique se distingue par deux branches spécifiques : la géographie politique et la géopolitique (Breux, 2006). Malgré les divers courants théoriques, la géographie politique peut être définie par 1 'étude de la spatialité des phénomènes politiques, tandis que la géopolitique est l'étude des rivalités de pouvoir sur un territoire (Ibid.). Ces deux sujets d'étude sont «les produits d'un subtil mélange entre les sciences géographiques et la science politique. » (Ibid.) Le concept de géopolitique est

(39)

employé par d'autres disciplines, il n'est pas propre à la géographie. Néanmoins,

l'analyse géopolitique, comme l'étude de la géographie se rattache à la dimension

spatiale. Le territoire est un construit. Sa définition est multiple. Comme l'évoque

Lasserre et al., le territoire est une division politique, à diverses échelles :

supranationale, étatique et locale (Lasserre, Gonon et Mottet 2016). Comme savoir

scientifique, la géopolitique opère ainsi «un syncrétisme d'observations politiques,

économiques, géographiques, sociales, voire environnementales, [proposant] une

approche qui permet de rendre compte des enjeux de pouvoir sur des territoires et sur

les images que les hommes s'en construisent» (Ibid.).

Notre recherche s'oriente en outre vers cette approche géopolitique. Ceci nous

concerne puisque le territoire n'est plus simplement considéré comme un espace où

se déroulent seulement des jeux de pouvoir, mais « le cadre dans lequel les identités

se forgent.» (Clavai, 2010) Le pouvoir s'exerce généralement dans des aires délimitées, véhiculé par des réseaux dont il faut comprendre leur structure : certains

réseaux appartiennent à la société civile tandis que d'autres au système politique

(Ibid.). Si appréhender un territoire signifie «mettre en évidence les interactions entre

un groupe et son espace, c'est aussi placer ce dernier et ses interactions dans des

ensembles plus vastes et d'autres plus petits. » (Ginet, 2012) Un territoire forme un

système ouvert «qui entretient des échanges avec d'autres ensembles territoriaux

dans lesquels il s'insère ou qui le constituent, à des échelles différentes, depuis plus

ou moins de temps.

»

(Ibid.) Il faut tenir compte de cette complexité pour décrire,

comprendre et intervenir sur les dynamiques et représentations d'un territoire (Ibid.). L'intérêt de cette recherche pour la géopolitique met l'accent sur les rapports entre les

acteurs du territoire et leurs représentations, ainsi que sur leurs jeux d'influence et

(40)

désormais à toutes les échelles géographiques au lieu de seulement s'intéresser aux États et à la scène internationale (Clavai, 201 0).

L'étude de l'AU s'insère dans ce changement d'échelle de la géopolitique, vers une dimension plus locale. Notre recherche explore l'état de la situation en AU [sur un territoire spécifique] pour ainsi constater si elle est une réponse viable, quoique partielle, à la mondialisation du modèle agro-industriel. Dans une perspective sociale, notre recherche permet d'aborder les potentialités en AU, ainsi que ses dynamiques territoriales, et ses représentations sociales et territoriales des acteurs en interaction sur un territoire. Cette réflexion facilite notre entendement des effets positifs et négatifs sur le milieu de vie/l'espace vécu des acteurs en AU. Dans une perspective scientifique, notre recherche améliore notre savoir [scientifique] de la situation agricole sur un territoire d'une agglomération urbaine en Amérique du Nord, potentiellement dans le but de combler une lacune dans la littérature scientifique sur une telle thématique en sciences géographiques.

1.2.1 Rapport humanité/nature

La révolution industrielle changea la manière d'appréhender laN qui a donné à l'H une puissance sans commune mesure (Dorst, 2012). Dès lors, les interventions de l'H pouvaient être plus profondes et plus rapides sur la N,

«

entraînant de ce fait une rupture de l'équilibre qui avait été maintenu jusqu'à présent» (Ibid.). À travers le développement de nouvelles technologies, 1 'H pouvait enfin se rendre « maitre et possesseur de la nature.» (Ibid.) Ce sentiment de domination lui a donné l'idée de

(41)

créer et développer un monde artificiel que les progrès scientifiques et techniques ont

mis à sa portée avec la révolution industrielle, notamment par l'étalement des villes:

« toute société gère le besoin de tenir la nature à bonne distance et la nécessité de réguler ses liens avec l'environnement.» (Planche, 2011) L'H veut ainsi s'imposer dans son rapport à la N (Ibid.) par une humanisation des milieux naturels (anthropisation) et une spatialisation des activités humaines dans sa relation

espace/temps (Soulard, 2014). En effet, l'H encourage «l'individualisme et le

matérialisme qui, portés au pinacle par le triomphe du libéralisme économique, nous obligent à détruire peu à peu le milieu naturel et le tissu social » (Beek, 2001; Sen,

2003, cité dans Bédard, 2006). Ce phénomène entraîne une perte des identités locales

et de l'ancrage au territoire naturel. Depuis la fin des années 80, certains mouvements cherchent à contrer cette érosion et « dissociation au moyen d'une critique radicale des idées de croissance, de richesse et de déterritorialisation » (Augé, 1992; Badie, 1995, cité dans Bédard, 2006), étant associée à la mondialisation et au mode de vie

qu'elle convoie (Cary, 2003, cité dans Bédard, 2006). Avec l'avènement du 21e

siècle, le rapport H/N fait face à la création d'une société différente, sur fond de crise du paradigme agro-industriel, dont l'AU se voit en tant qu'alternative puisqu'elle promeut une réappropriation citoyenne et locale du territoire naturel urbain. Elle crée de la sorte un espace où l'H peut réconcilier ses liens et interactions avec la N, permettant un renouement avec sa territorialité. L'AU devient dorénavant un outil

pour concrétiser un rapprochement entre

HIN

à l'échelle locale; comme l'évoque

Raoul Blanchard en 1911, « en dépit des changements humains, la nature garde ses

droits, même sur un organisme aussi complexe qu'une ville» (Cosinschi et Racine,

(42)

1.2.2 L'espace vécu dans le territoire urbain

Le territoire est important par son articulation dans l'espace et le temps; il est à la fois le cadre et le moyen de reproduction de la société (Klein, 2011). Ces territoires « peuvent être définis comme les formes concrètes et symboliques, spatialement organisées et dynamiques, que produisent les activités des hommes. » (Di Méo, 2008) La notion de territoire implique nécessairement une dimension « vécue » (Géoconfluences, 2012). Le terrain de recherche est l'île de Montréal, avec une étude de cas axé sur l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal (PMR). L'étude d'un quartier permet de concevoir un territoire à travers une échelle locale : « les quartiers, les rues sont les produits involontaires de la multitude des grands et petits gestes de la vie quotidienne. [ ... ] ce que sont les individus, ils le doivent, pour une part, aux espaces où ils ont vécu et où ils vivent.» (Pinçon et Pinçon-Chariot, 1994) L'espace vécu se conçoit par les pratiques quotidiennes (espace de vie) et les interrelations sociales (espace social) perçues et représentées par les citoyens de leur milieu de vie (Géoconfluences, 20 12). Le territoire est ainsi une appropriation de ces espaces, « de la superposition des espaces physiques et symboliques, l'interface entre réalité physique et perception de l'espace. » (Bouteilles, 201 0) Cet espace physique, construit, délimité, intégré et approprié aboutit à un sentiment d'appartenance, se définissant en tant que concept de territorialité, entre un individu et son territoire (Ibid.).

Or, l'espace vécu correspond à l'espace habituel dans lequel se meuvent les résidents d'un qumtier, «composé d'une chaîne d'unités de voisinage plus ou moins vaste, plus ou moins lâche selon l'intensité des relations sociales, la densité des habitants. » (Bastié et Dézert, 1980) Son étude se présente en tant que tentative de compréhension

(43)

-en profondeur des relations qui uniss-ent les lieux aux (êtres] humains (André, 1998). Le rôle de la géographie vis-à-vis l'espace vécu est« de désarticuler une certaine aire et à isoler l'élément, ou les éléments, du milieu auquel une certaine culture accorde l'exclusivité ou pour le moins la primauté » (Gallais, 1984, cité dans Soulard, 2014 ). Basés sur les représentations des acteurs, ces espaces expriment quant à eux des symbolismes complexes, liés au côté clandestin et souterrain de la vie sociale (Martin, 2006). Dans le cadre de l'AU, ils peuvent prendre la forme d'initiatives citoyennes non-reconnues - ruelles vertes impromptues, guerilla gardening-ou bien reconnues - jardins communautaires, jardins collectjfs - par l'administration municipale. Cet espace vécu se définit à travers les images et les symboles qui 1' accompagnent grâce aux résidents du territoire : « c'est 1 'espace dominé et subi, que 1' imagination tente de s'approprier et de modifier. Il recouvre ainsi 1' espace physique en utilisant symboliquement ses objets.» (Ibid.) À l'échelle locale, un exemple de ce symbolisme urbain est la réappropriation d'un terrain à l'abandon par un groupe d'individus pour le reconvertir en un espace collectif de production alimentaire.

1.3 Question, objectif et hypothèse principale de la recherche

La question principale de cette recherche se pose comme suit : En quoi les potentialités, les acteurs et les représentations de l'agriculture sur un territoire urbain peuvent être considéré comme un enjeu géopolitique? L'objectif principal de cette recherche comporte deux volets. Il s'agit d'abord d'analyser les représentations des acteurs d'un arrondissement de la ville de Montréal, puis de voir dans quelle mesure la question de 1 'agriculture urbaine est un objet de tensions entre les acteurs par l'interprétation de leurs représentations sociales et territoriales. L'hypothèse principale de cette recherche s'articule autour de la viabilité de l'agriculture qui est

Figure

Tableau  1.1  Différences entre jardin communautaire  et jardin collectif (Julien-Denis ,
Figure 2. 1 Les  multiples  dimensions  de  1 'agriculture urbaine  (Duchemin  e t al
Figure  2 . 2  La  logique  économique ,  politique ,  résidentielle  et  patrimoniale ,
Figure 2.5 Population totale et superficie des anondissements de la ville de Montréal et des villes liées (Ville de Montréal
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Références

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