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Processus de conception et pédagogie du projet

Olivier Tric

To cite this version:

Olivier Tric. Processus de conception et pédagogie du projet. Lieux Communs - Les Cahiers du LAUA, LAUA (Langages, Actions Urbaines, Altérités - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes), 1994, pp.77-93. �hal-03173437�

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Laboratoire "Architecture, Usage, A lté rité "

PROCESSUS DE

CONCEPTION ET

PEDAGOGIE DU PROJET

O livier TRIC

l a recherche sur le processus de conception architecturale a été engagée à partir du tra­ vail de quelques architectes contemporains, parmi lesquels on mentionnera Pierre SORIA, Jean NOUVEL, Norman FOSTER, Dominique PERRAULT et W illiam ALSOP. Les premières observations et entretiens ont permis d'iden ti­ fier les quatre concepts à p a rtir desquels s'ini­ tie la démarche. Quels que soient le budget, le programme, la pratique particulière à chaque architecte et les objectifs fixés par le maître d'ouvrage, la démarche se développe autour de questions de coût, d'enveloppe, de struc­ ture & systèmes, et d'usage (fonctionnement interne et confort des gens).

Ces quatre composantes de la conception ar­ chitecturale sont étroitement liées et forment des étapes spécifiques qui sont de toute façon traversées à de nombreuses reprises et dans une succession chaque fois différente par l'ar­ chitecte ou l'équipe de conception. Le chemi­ nement est en effet im prévisible et varié et même s'il doit se développer en toute liberté, il se confronte toujours aux quatre compo­ santes qui nous apparaissent comme quatre pôles autour desquels tourne sans cesse la conception.

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Nous nous proposons donc, à travers quel­ ques exemples, de suivre la démarche des concepteurs en restant attentifs à identifier les différentes composantes et l'ordre dans lequel

elles se succèdent.

Toutefois, dans l ’étude qui va suivre et qui sert de base à une expérimentation pédagogi­ que à Nantes, nous avons renoncé à prendre en compte la composante "coût" pour pouvoir nous inscrire plus facilement dans la pédago­ gie actuelle; celle-ci en effet, à Nantes comme dans la plupart des écoles, n'aborde pas véri­ tablement la question du coût dans l'ensei­ gnement du projet.

TRO IS IM M EUBLES :

TRO IS SEQUENCES DIFFERENTES

L'étude de la démarche de conception de Jean Nouvel, Pierre Soria et J.M. Ibos concernant la réalisation de trois immeubles d ’habitations nous semble particulièrement significative. Pour ces immeubles, dont les études se déve­ loppèrent successivement en 1982-84 pour Saint-Ouen, 1985 pour Nemausus et 1990-91 pour Bezons, le préalable à la conception fut, autant pour les architectes que pour les maîtres d'ouvrage, la volonté d 'o ffrir de grands logements : "Rendre de l'espace au

logement mais aussi de la lumière, du volume, une échelle différente permettant d'échapper aux organisations spatiales traditionnelles" 1 furent

les objectifs de J. Nouvel et P. Soria à propos de Saint Ouen.

saint-ouen

A partir de ces considérations sur l'usage, la première formalisation n’a pas porté à St- Ouen sur l'organisation intérieure des cellules mais sur la structure du batiment. "Le maître

d'ouvrage nous a laissé en première phase une liberté totale dans la conception et dans la manière dont on pouvait, dans le même temps, consulter les entreprises pour savoir comment

1- rendre l'espace au logement, p. 3, Plan Construction et Architecture, 1990.

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optimiser la structure. Cela nous a permis de définir une structure par plateaux (1) à grande trame de type industriel, sans se référer à la trame traditionnelle du logement social à refends perpendiculaires tous les 4,5 ou 6 m .Une

structure, la plus simple et la moins chère possible, formée de plateaux de 8 m sur 12 avec un seul refend fu t décidée et répétée à l'identique verticalement et horizontalement. Après avoir défini la structure, l'étude se porta sur l'usage. De m ultiples propositions d'organisations spatiales différentes (42 cellules différentes sur un total de 48 loge­ ments) furent proposées en simplex, duplex et triplex (2). Elles introduisaient des modes de

vie si éloignés de l'ordinaire que certaines furent absolument refusées par le maître d’ouvrage: Ainsi, un logement de 90 m2 formé de quatre serres (3), cuisine, salle d'eau et deux chambres, disposées aux quatre angles du sé­ jour.

La dernière phase de l'étude concerna l'enveloppe : La peau, prévue initialem ent en béton armé, fu t jugée trop chère. Elle fu t réétudiée alors que le chantier était démarré et réalisée en bardage métallique sur ossature bois (4).

La séquence que nous proposons pour résu­ mer la succession des principales phases de la conception de Saint-Ouen, Etude de la structure puis de l’usage et finalement de l’enveloppe, peut s'écrire :

Structure —> Usage —> Enveloppe Cette séquence ne se veut pas exhaustive dans un premier temps, mais synthétique. Il est bien évident que le processus réel est bien plus complexe et manifeste des fréquentes rétro-actions sur l'une ou l ’autre des trois composantes que nous avons définies : usage et confort, structure et système, enveloppe et symbolique.

Nous étudierons cette plus grande complexité du processus dans la troisième partie de notre

2- interview de Pierre Soria réalisée par Olivier TRIC le 06-06-1991.

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exposé ; nous nous bornons actuellement à mettre en valeur l'existence de ces trois com­ posantes, leurs importances relatives et leurs successions dans le temps.

nemausus

La conception de Saint Ouen était à peine achevée que J. Nouvel entamait avec J.M. Ibos l'étude d’un nouvel ensemble de 114 loge­ ments à Nimes.

Même im pératif d'usage partagé par le maître d'ouvrage : "une belle pièce, un bel appartement,

c'est d'abord un grand appartement. Nemausus, c'est la quantité d'espace comme préalable esthé­ tique 3... esthétique architecturale et esthétique de vie" 4.

Deux autres décisions sont prises avant toute formalisation : l'une concerne la structure en choisissant d'utiliser le même principe struc­ turel formé d'un refend qui porte un plateau; l’autre concerne le confort : le clim at permet­ tant de vivre souvent dehors, les architectes décident de concevoir des coursives-balcons de part et d'autre d'un logement traversant. Les premières études par croquis et dessins sur ordinateurs (5) manifestent une recherche sur la volumétrie générale de 2 ou 3 bati­ ments et sur leurs enveloppes. Ces dessins révèlent le choix d'une esthétique plus contemporaine encore que celle de Saint- Ouen : continuité des balcons-coursives cein­ turant complètement les différents niveaux, façades tout-métal (6) formées de composants industriels finis, parking sous pilotis.

L'étude des cellules (7) définissant un confort & usage approprié à la région semble avoir été menée ensuite. Ce fu t l’essentiel des études. Celles-ci s'attachèrent à déterminer 17

3- Jean Nouvel, Némausus, p. 3 Plan Construction et Archi­ tecture, 1990.

4- J. Nouvel, in L'œ uvre récente 1987-90. p.6, publication de l'ordre des architectes catalans, 1990.

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types d'organisations spatiales intérieures d if­ férentes qui toutes avaient un séjour ouvrant en toute hauteur (8) et largeur sur le balcon extérieur au sud, donnant ainsi sa figure essentielle à la façade (9). "Je ne cherche pas la

façade. C'est la nature même de chaque chose qui crée la façade : A Nemausus, c'est le garde corps, le dessous qui est rouge, (10) c'est le détail, les

porte-à-faux des poutres, c’est l'essence de chaque chose et non pas une proportion de fenêtre ou de plein... C’est très rare ici (à l ’agence) qu'on ait cherché une proportion : ou le principe est bon ou il ne l'est pas" 5.

La suite de l'étude fu t consacrée à la mise au point de la structure, en particulier au niveau du RDC pour ménager le parking sous l'immeuble.

bezons

Cette confiance dans l'esthétique d'une façade qui trouve sa forme essentielle jusque dans le détail de considérations autant intérieures qu'extérieures, se retrouve à nouveau dans le dernier immeuble de Bezons, en cours de construction.

Ici le climat différent de Nimes et les n u i­ sances sonores dues à un im portant traffic automobile imposent un repli sur l'intérieur du logement. C'est de l’usage q u 'il part et c'est la recherche du confort des gens qui va l’amener à créer à l'intérieur du logement "un jardin d'hiver" (11), espace clos par deux parois totalement vitrées, l'une s'ouvrant sur l’inté­ rieur, l'autre sur l'extérieur. "A Bezons, le loge­

ment se prolonge par un balcon fermé (12), sorte

d'alvéole traitée en jardin d'hiver qui forme un tampon thermique et protège du bruit intense de la rue. Les hauteurs sous plafond sont un peu plus basses; c'est le seul moyen que j'a i trouvé pour sortir des normes H.L.M. et pouvoir dégager le financement de ces jardins d'hiver, car dans la loi, on ne sait pas comptabiliser de telles surfaces" 6.

5- J. Nouvel, interview réalisé par Olivier Trie le 26 février 1992.

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13 V . T *1- m

Dans ce dernier cas, à la différence des deux précédents, le processus de form alisation em­ braye sur l'usage et le confort, passe ensuite à l ’étude de l'enveloppe mais s'aventure fort peu à innover dans la structure.

On peut donc au terme de cette première étape résumer synthétiquement le processus de formalisation de la démarche de concep­ tion suivie pour ces trois immeubles d'habita­ tion par les séquences suivantes :

St-Ouen : Structure -> Usage -> Envelopppe, Nemausus : Enveloppe -> Usage -> Structure, Bezons : Usage -> Enveloppe -> Structure. Nous constatons que le processus de form ali­ sation débute dans ces trois cas de façon chaque fois différente, mais qu'elles sont chaque fois sous tendues par des considéra­ tions préalables sur l'usage.

DEM ARCHES IN IT IA L E S

Dans un deuxième temps, nous nous propo­ sons d'étudier quelques exemples d ’autres architectes dans la mesure où nous sommes renseignés sur leurs démarches initiales.

par la structure

Chez N. Foster par exemple, qui va prendre connaissance du site systèmatiquement ac­ compagné par une équipe comprenant tou­ jours l'ingénieur en structure, démarrer la conception par l'étude de la structure est fréquent. Celle-ci peut être même porteuse d'une image symbolique forte : "Pour le centre

Renault, écrit N. Foster, la structure est l'élément clé du projet (13). Elle permet d ’éviter de s'encombrer de toute un signalisation en ca­ ractérisant fortement le bâtiment et en donnant une image très représentative de la société " 7.

7- N. Foster p. 30 in N. Foster. IFA & Electa Moniteur. 1986.

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De même pour les bureaux de Stockley Park (14) : "Le promoteur de ce projet a une grande

expérience des constructions à prix réduit. Il ne nous avait accordé qu'un budget extrêmement serré et nous choisîmes en conséquence de construire le bâtiment de manière répétitive afin d'abaisser le coût de chaque unité de base, et de mettre à profit la part de budget ainsi économisée pour une étude plus fine de la toiture... Un programme de ce type, peu cher et mené rapidement, est très intéressant pour nous car il nous permet de former les collaborateurs que nous recrutons à la sortie de l ’université, et de les entraîner à penser une structure, et à faire tenir debout un batiment" 8.

C'est aussi par la structure et ses im plications dans la conduite future du chantier, que commence véritablement l'étude de la Hong Kong Bank (15) : "Je rappellerai que le client ne

nous avait fourni aucun programme précis, et notre raisonnement en grande masse à l'intérieur de l'espace était une part du dialogue à établir avec lui8 afin de définir une programmation rigoureuse et détaillée... Le bâtiment et sa structure étaient envisagés comme une réponse aux principes nés des souhaits du client que nous avions préalablement analysés, puis remis en question avec lui" 9 . L'étude fonctionnelle des

espaces internes ne vin t que beaucoup plus tard et l'étude de l'enveloppe ne fu t jamais dé­ terminante pour l'évolution du projet.

par l'enveloppe

Il est intéressant sur ce même type de cons­ truction, l'Immeuble Grande Hauteur, de rap­ procher la démarche de N. Foster et Ove Arup de celle de J. Nouvel et J.M. Ibos à propos de la Tour sans fins. Le concept architectural posé en préalable est celui de l'enveloppe et pas du tout de la structure, dont l'étude vin t après, liée à des considéra­ tions d'usage. "La question était la signification

8- Tony Fitzpatrick & David Nelson, p. 49, 71, 79 & 101 in Actes du colloque, N. Foster et O. Arup, IFA, 1989. 9- cf. les études sur la Hong Kong Bank par S.Williams et D.Treiber.

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d'un objet ici, par rapport à un bâtiment aussi symbolique que l ’Arche et par rapport à un bâtiment qui me paraît important en tant que jalon historique, le Cnit.

Spreckelsen lui même avait parlé du minaret, de la mosquée, du campanile par rapport à ce bâti­ ment (16). ]e crois qu'effectivement la verticalité >

permet de mieux décaler cette masse carrée, ancrée. Nous sommes partis dans cette voie, en essayant de creuser le contraste, de faire en sorte qu'une synergie puisse se créer entre les bâti­ ments(17), que depuis l'un on ait envie de regarder l'autre, et qu'autant l'un pouvait être massif, défini, épais, troué, autant l'autre devait être en marge, ailleurs, sans limite, sans définition. Pour ce qui est du départ, on peut supposer que cette tour part du centre de la terre, qu’elle jaillit d'un cratère, qu'on ne voit pas son point de départ. Pour ce qui est de l'extrémité, il est hors de question qu'on lise la limite de cette tour et du ciel : il faut qu’elle disparaisse dans le ciel. C 'est pour cela qu 'elle est haute" 10.

Toute l'étude va se plier à ce concept d'enveloppe, même la structure Celle-ci doit être la moins apparente possible : "Ce qui me

plait bien, d it J. Nouvel à propos de la tour, c'est que la présence structurelle est la moins forte possible"11. Elle d o it renforcer même

l'idée de disparition(i8), ce qui pour une struc­ ture est presque une gageure. "La peau qui est

autour est toujours là même. On lit, à travers cette peau, on lit derrière quelque chose, et à partir d'un certain moment on lit cette fameuse structure seule, cette structure qui se dématéria­ lise? C'est un travail sur l'épaisseur de la matière, sur la dématérialisation (19); c'est un travail sur l'immatériel, sur la matière, presque sur l'épaisseur de l'air" 10

Des considérations différentes mais issues d'une même volonté de toujours chercher la réponse la plus appropriée à une situation donnée, amènent l'architecte à privilégier dans sa demande de conception un des trois termes.

10- J. Nouvel, lors de la présentation de la tour devant le jury du concours in A.A. n°262 , A vril 89.

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L'étude de l'enveloppe est, dans la conception d'immeubles de bureaux, la préoccupation souvent essentielle. Les études de Dominique Perrault pour la société d ’inginierie "Technip" montrent que la recherche de l'enveloppe in itie toute la suite des études : "L 'exemple de

Picasso est parfait. Dans une petite salle du musée Picasso de Barcelone, on voit différentes oeuvres sur le thème : la femme et les colombes. C’est époustouflant. En trois jours, il a fait six tableaux avec les mêmes éléments. Les émotions sont toutes différentes. La variation sur un thème est la base de toute expression. C'est extrêmement riche pour l'architecture et pour le professionna­ lisme de l'architecture. Les trois projets pour Technip sont tous aussi intéressants. Cela ne veut pas dire que je n 'en préfère pas un . Mais les trois permettent d'engager un vrai dialogue" 12.

Voici les maquettes d’étude résumant ces trois propositions que D. Perrault a bien voulu me laisser photographier en 1989. Elle montre cette idée de séquence dont il parle et les émotions toutes différentes que chacun des projets provoquerait :

- Un bâtiment ascendant en forme de U (20),

- Six petites tours rondes posées sur une plaque de verre (21),

- une tour (22).

Ces maquettes montrent aussi la m aturation de l'idée d'enveloppe, modélisée à partir d'une étude sommaire du programme, celui- ci se traduisant essentiellement par une quan­ tité de m2 à réaliser.

Les premiers dessins relatifs au concours de la Bibliothèque de France manifestent la même volonté de privilégier la recherche d'une volu­ métrie extérieure, mais ici avec une préoccu­ pation symbolique majeure (23) :

- une colonnade

- un temple - un château

12- D. Perrault interviewé par A. Pelissier in T & A n°385, 1989.

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- une manière de lire (24)

- un écran d'ordinateur (25) ?

Cette démarche rappelle celle du concours de l'Arche de la Défense dont le programme était encore moins défini. L'objectif essentiel, dans ces deux exemples, est de produire du symbole, et la composante d'usage interne, même symbolique dans le cas de l'arche, est reléguée au second plan, (Les Droits de

l'Homme), par rapport à l'image extérieure, la

plus forte : "une fenêtre ouverte sur le

monde" (26).

Concevoir un bâtiment à p a rtir de son enveloppe est un mode de conception qui a pris une certaine ampleur aux Etats-Unis dans les vingt dernières années. En effet, les Maîtres d'ouvrages demandent fréquemment aux architectes de ne concevoir que l'enve­ loppe, se reservant de faire appel à d'autres concepteurs plus spécialisés pour l'aménage­ ment intérieur. Un bon exemple de ce type de programme se trouve réalisé dans le Centre Commercial Bercy-2 à Paris. Renzo Piano a été chargé de concevoir et réaliser l'envelop­ pe (27). Forme, nombre et hauteur d'étages ne sont en rien dépendants de l'enveloppe dont la structure sophistiquée repose sur des piles.

par l'usage

L'adéquation à l'usage est probablement la référence la plus sollicitée par tous les architectes défendant la crédibilité de leur projet. C'est pourtant la notion qui pose le plus de problèmes, qui est probablement la plus complexe et donc la plus d ifficile à résoudre, et que l'architecte a tendance à contourner le plus facilem ent.

Il y a néanmoins des exemples où l'articula­ tion rationnelle des espaces, le confort des gens, ou d'autres nécessités fonctionnelles ou symboliques crées par l'usage sont particuliè­ rement prises en compte.

Nous l'avons vu dans les trois exemples de logements de J. Nouvel, mais nous pouvons le constater aussi chez D. Perrault dans les

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projets de l'usine des eaux de la Sagepv dans le centre Berlier, ou dans la dernière proposi­ tion de la tour Technip où l'occupation plus ou moins grande des bureaux crée l'image de façade (28) : "D'un point de vue fonctionnel, c'est

l'intérieur qui crée la façade. La peau restant l ’interface minimale la plus mince possible, la ' plus monotone, entre le dedans et le dehors. C ’est donc l ’organisation interne et de vie qui va créer la façade. L ’image donne un sens au bâtiment. C’est vraiment l ’avenir de l ’architec­ ture" 13.

Une autre expression du souci de fonctionna­ lité et de son importance en architecture se retrouve aussi dans la flexibilité des espaces (5000 m2 totalement dégagés à chaque étage) du centre Pompidou de Piano et Rogers (29), ou du siège social de W illis Faber and Dumas à Ipswich par N. Foster (30).

Cette dernière construction manifeste une attention toute particulière à un ensemble de données d'une grande complexité : respect de l'échelle urbaine, enveloppe suivant systéma­ tiquement le périmètre des différentes parcelles, unités de bureaux flexibles et autonomes pour permettre la sous-location, terrasse sommitale plantée et piscine au niveau bas "pour favoriser l ’adaptation du per­

sonnel muté de Londres”14

Mais c’est probalement à l'aéroport de Stansted que la prise en compte du confort et de l'usage (sous l’angle du fonctionnement) a été à la base de la conception.

Spencer de Grey s'en explique : "Les diverses

fonctions du bâtiment ont véritablement dicté le parti général ainsi que la trame structurelle. C 'est la surface nécessaire à chaque comptoir d'embarquement qui a conduit à adopter une trame carrée de 36m de côté (31) et une structure en arbre traversant les différents niveaux et sur lesquels reposent les dômes qui constituent la

13- D. Perrault cf. note 12.

14- Spencer de Grey, Acte du colloque, N . Foster-ove Arup,

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couverture... L'ensemble du terminal est clos par un habillage totalement transparent afin de ménager uniformément des points de vue à travers tout le hall" 8(32).

La démarche de Stansted peut se synthétiser par la séquence :

usage —> structure —> enveloppe.

PED A G O G IE D U PROJET

A insi à travers ces nombreux exemples que nous avons volontairement simplifiés, nous avons pu constater que ces trois compo­ santes de la conception sont des passages obligés de la démarche de cocception archi­ tecturale. Nous avons remarqué qu'elles se combinent chaque fois différemment sui­ vant le progamme, le site, les im pératifs du maître d'ouvrage, le tempérament des ar­ chitectes et leur niveau de savoir faire, et qu’elles sont indissociables.

C'est le désir de clarifier la pédagogie de projet, son contenu et ses méthodes, qui nous a invité à expérimenter un processus de projet par permutation de ces trois com­ posantes :

usage - confort - appropiation. structure - ingéniéries systèmes, enveloppe intérieure et extérieure.

Séquences

Nous avons institué dans l'année d 'in itia tio n au projet (2ème année du D.E.F.A.) trois projets annuels. Chacun de ces projets se dé­ veloppe donc sur trois mois à p a rtir d'un programme adapté à l'expression de ces trois étapes et valorisant chaque fois une démarche initiale différente.

L'étudiant est invité à suivre les étapes d'une séquence prédéterminée qui lu i fa it traverser successivement les notions d'usage, de struc­ ture et d'enveloppe avant l'étape finale de globalisation. Chacune de ces étapes est com­ muniquée au groupe sous forme d'esquisses, dessins, maquette, photomontage ou D.A.O. (cf. schéma en bas de page )

étape initiale étapes secondaires étape fin a le 1er pro je t

2e p ro je t 3e p ro je t

enveloppe usage structure

globalisation structure enveloppe usage

usage structure enveloppe

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Cette démarche pédagogique a l'avantage de donner à l'étudiant une première image du processus de conception. Il aura en effet par­ couru au cours de l'année trois cheminements différents et traversé dans des successions diverses les trois composantes majeures de la conception architecturale. Il aura eu, nous l'espérons, un pressentiment de la complexité du processus, du mouvement d’interaction des idées qu 'il lu i faut effectuer, du processus cybernétique d'émission et de correction dont parlent J. Nouvel et N. Foster en particulier, et qui est certainement au centre de cet exercice mental qu'est le projet.

SEQUENCE COMPLEXE

Bien qu'encore trop sim plifié par rapport à la réalité, l'exemple qui suit va nous montrer une plus grande complexité.

Norman Foster a bien voulu nous résumer lu i même, par un commentaire illustré d'une vingtaine de diapositives, le processus de conception qu 'il a suivi en 1988 pour Crescent Wing, l'aile adjointe au Sainsbury Center construit 10 ans auparavant. Cet exemple explique bien ce mouvement cybernétique de la démarche, ce va et vient de la pensée à la recherche d'une solution satisfaisant à de m ultiples données qui interfèrent entre elles. * L'étude débute par des considérations sur le fonctionnement et l'usage (33) pour détermi­ ner la localisation du nouveau bâtiment sur le site déjà "habité" par le Sainsbury Center for Visual Arts (34)". Nous avons développé une

étude pour une construction "cachée" dans les bois au sud-ouest mais cela impliquait la réalisa­ tion d'un couloir enterré de 200 mètres de long!" * "La solution nouvelle consistait a créer un bati­ ment enterré, mais ouvert à l ’est par une baie vi­ trée rendue possible par le profil en pente du ter­ rain (35). En fait, un tel croquis avait été fait lors des études de la conception du premier batiment, 10 ans auparavant."

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* Le premier travail de form alisation concerne

donc cette ancienne proposition d'enveloppe. Cette "solution droite" fu t visualisée par un photomontage noir et blanc (36), mais fu t aus­ sitôt abandonnée, "son impact dans le paysage

était considéré comme trop dur" écrit-il.

* De nouvelles considérations sur l'usage amènent le maître d'ouvrage à augmenter considérablement les surfaces à construire (37).

* Echec d'un nouveau dessin d'enveloppe :

"Le nouveau programme poussait le concept vers le lac et obligeait à construire trop de choses hors la terre (38). De plus cela faisait apparaître une insuffisance de vitrage", donc de confort.

* Un accord se réalise sur une troisième enve­ loppe qui "offre un éclairement suffisant et

respecte le profil naturel du site" (39).

* Etudes de structure (40).

* Recherche du fonctionnement interne (41). * "Je ne sais combien d'étude sur ordinateur, écrit Norman Foster, pour trouver l ’exacte géométrie

de la forme” (42) et adapter l'enveloppe à l'usage (distribution et forme des espaces intérieurs, hauteurs, éclairement)

* Ce plan précis ne dément pas les centaines d'é­

tudes pour résoudre la distribution intérieure ren­ due difficile par la juxtaposition de formes radi­ cales et rectangulaires. Ceci fut résolu d'un seid coup en réalisant un large espace triangulaire et en le situant au sud de la ligne d'axe du mur ex­ térieur du batiment existant" (43).

* Etudes des systèmes d'éclairement, de chauffage et mise au point de la structure (44).

"Une des clés du développement de la forme en croissant fut, contrairement à la solution droite, l'inclinaison du mur extérieur qui permit de ré­ soudre les problèmes posés par le mur de soutai- nement (45). De même les études de persiennes intérieures!extérieures débouchèrent sur la solu­ tion du "frittage"(46)... En se plaçant devant les bureaux, le couloir courbe (47) devint un amortis­ seur thermique... De même le plancher des

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sitions fut abaissé pour une plus grande hauteur et celui des bureaux réhaussé pour disposer un plancher chauffant. Cette moindre hauteur dimi­ nue d'autant l'entretien de la paroi vitrée inclinée et permet à celle-ci de mieux s'intégrer dans le paysage".

* Impact de ces aménagements sur l'image in ­

térieure et extérieure de l'enveloppe (48). * "Peu à peu, le projet émerge d ’un ensemble de

nécessités techniques et fonctionnelles, dit il, il devient un ensemble unique et invite réellement à découvrir la construction en la parcourant.” C'est

ici l'étape finale de la globalisation (49).

* Pourtant la dernière image q u 'il présente re­ vient sur un détail de la conception. Elle montre l'importance que Norman Foster accorde à l'aspect extérieur et au confort des gens puisqu'il souligne la présence de la sérigraphie du verre, le frittage, qui joue un rôle de brise soleil.15 "Ceci est une vue du mur

extérieur d'où vous pouvez voir l'effet de frittage gradué (graduated frit pattern)'(50).

Cette dernière image et son commentaire ap­ paraissent comme un "flash" synthétisant les 3 pôles de sa démarche : enveloppe, confort et invention technologique.

En conclusion de cet exemple précis que l ’on peut considérer comme un "récit autorisé", nous pouvons tirer une séquence plus com­ plète, et donc plus complexe que les précé­ dentes et qui pourraient se résumer briève­ ment comme suit :

Réflexion sur le programme et l'usage —> proposition d'enveloppe —> usage inadapté - —> nouvelle proposition d'enveloppe s’inspi­ rant d'un croquis très antérieur —> impact trop dur dans le paysage —> nouvelle réflexion sur l'usage m odifiant le programme —> nouveau dessin d’enveloppe —> confort insuffisant —> troisième dessin d'enveloppe

-15- Notons au passage l'utilisation différente, technique mais aussi symbolique, de la sérigraphie à l'I.M .A. de J.Nouvel.

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Laboratoire "Architecture, Usage, A lté rité "

—> confrontation de cette enveloppe aux complexités de l'usage —> étude de la structure —> étude approfondie du fonc­ tionnem ent interne —> dessin de l'enve­ loppe intérieure et extérieure —> organisa­ tio n intérieure définitive —> mise en place de la structure et des systèmes — > impact sur l’enveloppe intérieure et extérieure —> proposition globale ultim e.

Une étude plus fine du commentaire, qui contient d'autres vues accompagnées d’ex­ plications, ferait apparaître que chacune de ces étapes se subdivise en micro-processus, de type systémique, déclinant à nouveau la trilogie : usage - enveloppe - structure.

Cet exemple est intéressant dans la mesure où il montre que le cheminement est impré­ visible et varié, q u 'il d o it pouvoir se déve­ lopper en toute liberté, mais qu’il se confronte toujours aux trois composantes16 qui nous apparaissent comme trois pôles autour desquels tourne sans cesse la conception.

P E D A G O G IE D U PROJET

Ce qui semble devoir être retenu de tous ces exemples que nous avons cités c'est l'im ­ portance de la démarche in itia le comme si le processus consistait à mettre en place une stratégie, et c'est cette stratégie qui détermine la spécificité du processus et de son cheminement ; un même programme, un même problème, induisent des démarches initiales différentes selon les expériences acquises, les préoccupations de l'architecte, l'idée q u 'il se fa it de la chose. Il nous semble donc que cette méthode des trois pôles pourrait être expérimentée au delà des années du D.E.F.A, en 1ère et 2ème année du D.P.L.G. (soit la 3ème et 4ème année des études) en l'ouvrant chaque fois plus pour libérer l’in itiative de l'étudiant.

Nous réfléchissons en ce moment, aux im plications et aux applications ultérieures de cette méthode.

La première application pourrait consister en 3ème année, sur un programme identique pour tous les étudiants, à ne plus fixer que la composante in itia le de la démarche (soit l'enveloppe, soit la structure, soit l'usage) et laisser ensuite l'étudiant dé­ terminer sa stratégie et parcourir comme il l'entend les étapes suivantes.

La deuxième in itiative pédagogique, qui pourrait être prise l’année suivante, en 4ème année, avec les mêmes élèves, serait de laisser à l’étudiant l'in itia tiv e de sa démarche du début à la fin du projet, mais en lu i demandant de nous en communiquer les étapes au fur et à mesure et d'en faire la synthèse à la fin, pour faire apparaître quand et comment elle aurait pu s'orienter différemment.

Il serait souhaitable d’autre part d 'intro­ duire dans la pédagogie, au cours du cycle D.P.L.G., la 4ème composante identifiée dans la démarche de projet : le coût. En effet l'enveloppe budgétaire, qui est donnée à l'architecte en même temps que le pro­ gramme, intervient dans toutes les phases du projet et même au cours du chantier 17. Le prix des matériaux et de leurs mises en œuvre influence continuellement le cours de la démarche. Et ces questions de coût sont vécues comme une contrainte perma­ nente si forte, qu'elles sont parfois à l'o ri­ gine de la stratégie adoptée par le concep­ teur18. Il semblerait donc judicieux d 'in itie r dans les écoles d'architecture, une réflexion sur cette question : comment introduire la

notion de coût dans la pédagogie du projet?

16- sans compter celle du"coût”

17- cf. la conception de l'immeuble "T.G.S." de la Rue An­ selme à Saint-ouen par O. TRIC, in "Le processus de conception architecturale" D.E.A., Université de Rennes II, 1992.

18- comme nous l'avons vu pour Norman Foster à propos des bureaux de Stocldey Parie ; cf. supra p. 7

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