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La contradiction dans l'oeuvre d'André Breton.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

NIEDOBA, Arlette

LA CONTRADICTION DANS L'OEUVRE D'ANDRE BRETON

DEPARTMENT OF FRENCH LANGUAGE AND LITERATURE McGILL UNIVERSITY

MASTER OF ARTS

ABSTRACT

Face au "mythe André Breton", et aussi paradoxal que cela puisse parattre, face au succès littéraire et artistique d'un mouvement qui a sa naissance se posait comme anti-art et anti-littérature, face aux nombreuses recherches consacrées au surréalisme,pour la plupart louangeuses, une attitude critique s'impose •••

Dans quelle mesure le surréalisme tel qu'apprivoisé par l'histoire de l'art et de la littérature reflète-t-il fidèlement "l'Esprit surréaliste"? Dans quelle mesure, André Breton sacré "Pape du mouvement" a-t-il respecté cet esprit? C'est ce que nous nous proposons d'étudier dans cette recherche, intitulée naturellement "La contradiction dans l'oeuvre d'André Breton".

Toutefois cette critique ne se veut pas négative; elle ne nous empêchera pas de souligner le mérite du surréalisme, car s'il

emprunte la sombre route de l'inconscient, ne fait-il pas aussi ressortir, en vertu du contraste, certaines zones de clarté ?

(2)

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by NIEDOBA, Arlette A thesis submitted to .' ,,1 . ~ I ( 1 ,

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the Faculty of Graduate Studies and Research McGill University

in partial fulfilment of the requirements for the degree of

Master of Arts

Department of French Language and Literature

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Nieàoba, Arlette April, 1970 1970- , "

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INTRODUCTION CHAPITRE l -.. j : :"

TABLE DES MATIERES

LA CONTRADICTION DANS L'OEUVRE POLEMIQUE CHAPITRE II

LA CONTRADICTION DANS LES ECRITS LITTERAIRES DE BRETON

CHAPITRE III

LA CONTRADICTION DANS L'ORIENTATION QUE BRETON A DONNEE A,U MOUVEt-lENT DU SURREALISME

CHAPITRE IV

CONTRADICTION DEJA AMORCEE PAR LES CRITIQUES CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ' 1 , . " " ' • >'11, l , . i : .. , " ,,' : ;.'1, .. ' , .i,: j1," p. 1 p. 3 p. 40 p. 67 p. 84 p.l13 p.117

(4)

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"J'ai l'intention de ne plus écrire d'ici très peu de temps" déclare Breton à Vitrac qui lui renvoyait la question de littérature : pourquoi . écrivez-vous ? ( •• '.) Désormais je désire tout

ignorer, revues, livres, journaux, etc ••• Je _n'aurai aucune activité littéraire. Littérature

ne paraîtra plus." 1

Or, en 1974 apparaiss~nt du même auteur Les Manifestes du Surréalisme eXposant la théorie d'un mouvement qui se disait anti-art et anti-littératurë.

En, 1924 1926 ,1927

Les Pas perdus, Editions Gallimard, Paris, Légitime défense, Editions Surréalistes, Paris Introduction au discours 'sur le peu de réalité Ed; Gallimard, Paris

1928 Le surréalisme et la peinture, N.R.F. Paris 1928 Nadja, Editio~s Gallimard, Paris

1930 Second Manifeste du Surréalisme, Editions Kra 1931 L'Union libre, Editions Surréalistes, Paris

" 19~2 'Misère de la poésie:" Editions Surréalistes, Paris , ..

1~32. Le,révo1ver' à cheveux blancs, Editions des Cahiers libres

1932 Les v~ses communicants, Editions des Cahiers libres, Paris 1934 'Point du jour, Editl.ons Gallimard, Paris

1935 Position politique du Surrealisme, Ed. du Sagittaire,Paris 1936 'Au lavoir noir , G.L.M. Paris

1937 De l'humour noir,'Ed. G.L.M. ~ Paris , 1937 Amour fou, Ed~ Gallimard, Paris'

'1940 Anthologie de l'humour noir, Ed. du Sagittaire, Paris

1. M. Sanoui'11et, 'Dadaà Paris, p. 377 (Le journal du peuple, "7 avril 1923)

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(6)

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. ; ~ : ," " ~ !.,. :: . : J • ,1942 1942 1948 1963 1963 1966 2

-Arcane 17, Ed. Pauvert, Paris

Prolégomènes à un 3e Manifeste, Ed. Pauvert, Paris Poèmes, Gallimard, Paris

La clef des champs, Ed. Pauvert, Paris

Martinique charmeuse de serpents, Ed. Pauvert, Paris Clair de 'terre, précédé de Mont de Piété suivi de Le revolver à cheveux blancs et L'air de l'eau, Coll. Poésie, Ed. Gallimard, Paris

Ceci, n'est qu'un exemple des 'nombreux paradoxes qui jalonnent la vie et l'oeuvre, de Bre'ton. D'ailleurs, n' a-t-il pas affirmé lui-même "Je crois à la toute",:puissance de la contradiction" (Pas Perdus) ?

Que faut-il en pen~er ? Simple boutade ? Imposture ? Seules une étude approfondie'et une confrontation de la vie et de l'oeuvre nous le diront. Pour toute critique, je me contenterai donc d'opposer Breton à lui-même •

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CHAPITRE l

LA CONTRADICTION DANS L'OEUVRE POLEMIQUE

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, ' 'réalité est réelle

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Quelle réalité engendreiles;rêves ? Quel rêve est vrai ? 'II ' ,', ,','

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Hans ARP

, (Préfàce~a~"catalogue du Salon de

Mai, 'Paris i959)

A. Les Manifestes

"Absolùment incapab+e de prendre mon parti du 'sort qui m'est fait ••• je me garde d'adapter

'mo~ existence aux conditions dérisoires de

toute 'existencel l 1

Voilà bien le refus initial de toute prise de conscience surréaliste. Mais étan~, donné que le surréalisme se définit davantage par un état. ~'esp'rit plut~t,; que 'par une série d'affirmations théoriques, voyons non seulement dans quelles mesures nous retrouvons les constantes du surréalisme, dans les Ma~ifestes, ce coran, cet évangile du mouvement mais aussi à quel point la révolte surréaliste a été vécue par celui qu~, ' à tort oU,à raison,fut appelé. "le pape du surréalisme".

Disons-le tout de.suite, quand en 1924 Breton jeta les traits du surréalisme,dans son pr~mier Manifeste, il avait mis à jour tout un programme intéressant et' d'envergu~e. Cependant, pour faire la part des choses, nous devons, bien admett!e que le ~urréa1isme, ,mouvement de

révolte, et de'rupture n''est pas oeuvre spontanée mais remonte au romantisme,

(9)

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4 ...

tradition qui a é~é r.ep.rise. et app~ofondie successivement par différentes écoles (notamment le symbolisme, le ~ubisme, l'expressionnisme).

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Le surréalisme, tel que defini'par Breton

"Automatisme psyéhique pur par lequel 'on se propose

.d'exp~imer soitiver~em.ent, .. soit pà.r écrit, soit de toute autre.

manière le fonct10nnement réel de la pensée. Dictée de,la'pènséeJen l'absence de tout' contrôle exereé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale" 1

non seulement se proposait i'ambitieux programme devant lequel tant de précurseurs, avaient ,d'une façon 'ou d'une autre, démissionné, mais surtout, il semb~ait détenir "les clefs du royaume","l'itinéraire'vers la toison d'or", cet 'éternel Graal.

Dire que,dans toutes les données du premier Manifeste Breton fait oeuvre nouvelle, c'est méconnaître les sentiers déjà battus et faire preuve d~ courte.vue. Par contre nier totalement l'originalité du surréalisme c~est avoir un part~ pris indigne de toute critique objective. '

Examinons avec précaution les différents points auxquels s'attarde Breto~: tout d'abord ~e surréalisme exalte la nostalgie de l'enfance:

"L~homme ce' rêveur définitif(. •• ) S'il garde quelque

lucidité,~lne peut que se retourner alors vers son

enfance, qui pour massacrée qu'elle ait été par le . soin 'dès dresseurs, ne lui en semble pas moins pleine

'de charmes" 2'

1. André Breton., Manifestes du Surréalisme, Paris, Ed.Ga1limard, ~9.66.:, p. 37 .

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Ibid, p. 11'. '., "

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On se~t ici quelques,réminiscences de Rousseau auxquelles font écho toutes les écoles ~déniq~~s •. Quant à la recherche d'une liberté absolue: "le seul mot de liberté est 'tout 'ce qui m'exalte encore" 1.

1

1

Cela a, je perise, été le rêve non seulement de tout poète mais aussi de tout être conscient de la condition humaine. , , Il est vrai toutefois que le surréali~me a mis sur la sellette l'enfan't, le primitif, le sauvage, l'aliéné.

"Les ç.onfidences des fous, je passeraiS ma vie à

les provoquer~ Ce sont des gens d'une honnêteté

scrupuleuse et dont l'innocence n'a d'égale que la . mienne." 2

et par là même airigé les réflecteurs litté~aires vers des valeurs plus ou moins négligées,mais cet intérêt porté' vers l'exceptionnel n'est-il pas une conséquences inévitable dù romantisme? par ailleurs, Breton reconnaît lui-même l'influ~nce, de Freud; "Tout préoccupé que j'étais par,les recherche de Freud." Cependant ces découvertes étaient exploitées dans un esprit e~ un but différents; alors que Freud en fait une méthode scientifique curativë, Breton lui, veut en faire (qu'il se l'avoue ou non) une nouvelle'forme d'art.

"Je veux qu'on se taise quand on cesse de ressentir" 3 ajoute Breton quelques pages plus loin, or il nous confesse:

l. Ibid. , p.

2. Ibid., p. 3. Ibid. , p. 4. Ibid •• p.

.. ' ,

'''Le poème forêt· noire relève exactement de cet état d'esprit. J'ai mis six mois à l'écrire et l'on peut croire 'que je ne me suis pas reposé un seul jour

C

••• )

Je me doutais d'ailleurs qu'au point de vue poétique

je faisais fausse route mais je me sauvais la mise comme je pouvais." bravant le lyrisme à coups de défini-tions et de recettes." 4 12 14 16 30 , .. ,

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(11)

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6

Non seulement Breton ~ait oeuvre longuement mûrie, mais il tente de forcer l'inspiration •. Pareille affirmation se concilie fort mal, no~s en conviendrons, avec"l'aq,tomatisae psychique pur" et le

.

.

"louable mépris de ce qui pourrait s'ensuivre littera:lrement."

D'ailleurs, le ~~ouillon des Ch~ps magnétiques éta:lt zébré de nombreuses ratures nous affirme Sanouillet. Or, personne n'ignore que lés Champs magnétiques se.v~ul~it "premier. écrit purement automatique". Parlant de ce même livre, Breton 4ira:

"Je dois", par contreJlui '(Soupault) rendre cette

ju~tice. qu'il s'opposa toujours de toutes ses

forces/au mpindre remaniement, à la moindre correction au cours de tout passage de ce genre qui me semblait plutôt mal venu.a 1

et pour retenir' ~'inspiration il conseille:

"Si le silence titenace de s'établir pour peu que vous ayez commis une faute { ••• }, rompez sans

hésita~er ~vec une ligne trop claire. A la

suite du mot dont l'origine vous semble suspecte, pose·z une lettre quelconque, la lettre L par

exemple, toujours la lettre L et ramenez l'arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivral l

• 2

Cela' ne l

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tnpêche pas d'affirmer en même temps:

"L'automatisme psychique pur qui conmande le '. surréalisme opposera le débit d'une source qu'il

., . ne ,s'agit q,ue d'aller prospëcter en soi-même assez

loin et dont on ne saurait prétendre diriger le cours sans'être assuré. de la voir aussitôt se tarir". 3

Breton So,! dépe'n6eencor~

..

. en recettes; pour faire des discours et IIpour

écrire de' faux; romans", il, aj oute, "Vous serez riche et l'on s'accordera

..

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-à reconnaître que ,vous avez quelqùe chose dans le ventre". Derrière ce prétendu humour, se èache le vrai Breton. Ne.voilà-t-il pas des conseils qui .jur~nt avec l'idéal surréaliste anti-valeurs bourgeoises? "Le surréalisme tel que je.l'envisage déclare assez bDtre non-conformisme absolu". 1

Cette palinodie est inhérente aux sentiments mêmes de Breton: ceux-là dont il parle en tant qu'amis il les excommuniera plus tard:

"Pour aujourd'hui je pense à un château dont la

~oitié n'est pas forcément 'en ruine; ce château

m'appartient. ( ••• ) Quelques uns de mes amis y

sont installés à demeure€ •• )Voici Robert Desnos et Roger Vitrac~~t Georges Limbour et Georges

Limbour, (il y a toute une haie de Georges Limbour)( •. ) Antonin Artau~.»uis Jacques Baron et son frère,

beaux et cordiaux."· 2

Dans un autre passage, 'Breton claironne:Contre la mort:

"Que mes' amis détruisent jusqu'au dernier exemplaire ;L'édition du Discours sur le Peu de Réalité". 3

Qu'à cela ne·tienne,pourquoi.ne pas s'en assurer lui-même de son vivant? Et d'ailleurs pourquOi.l'avo!r.réqigé ?

Bre·ton parle encore de"l' écriture mécanique" qu'il a tenu à mettre à la portée de tous. Pareil programme ne comporte-t-il pas . quelque présomption~ L'autom~tisme se peut-il mettre à la portée de

tous? Ne dit-il pas. lui-même "l'atteinte du but véritable ne dépend

.,

plus que de l'endurance du voyageur? 4

1. ~., p. 63· .'. 2. ~., p. 27 3~Ibid., .p. 46

.

4.

~., p. 29 '. ~ . :"" I l l l

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."11 importe de-réit~rer et de maintenir ici .1e«Mai'anatha'h!ies alchimistes)p~acé """au seuil de

l'oeuvre pour arrêter les 'p~pfanes'! 1

• 1 o '

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Est-ce'

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tort si. 1 'on se demande alors : le surréalisme tel que l'envisage Breton est-il oui o,u non à mettre à la portée de tous ou relève-t-il ,de ,l' és'qtérisme et" se fait alors' en vase clos" apanage des seuls initiés? A en croire M. Sanouillet, Breton recrutait des adeptes un peu partout:

",On sentait distinctement qu'une école était en voie de formation. Pour meubler les numéros

suiv~nts iqui deviiient paraitre avec une régularité

étonnante (pour une petite revue), Breton et ses amis firent appel)par contacts directs ou par personnes interposées J par" .le ttres le p lus souvent J

à tout ce que Paris comptait de l~ttérateurs de quelque importance, pourvu qu'ils restassent en âeçà d'une certaine ligne moderne". 2"

Voilà qui contredit de façon flagrante pareille affirmation de Breton:

'~Nous ne voulons .rien avoir de commun avec les

petits ni.avec les grands épargnants de l'esprit." 3 Breton nous dit encore:

"Il est même permis d'intituler poème ce qu'on

obtient par l'assemblage aussi gratuit que possible ( •.. ) de titres et de fragments de titres découpés dans les. j ournau~. Il 4 '

Et ailleurs il 9Pp~~e:

"Plus question de faire servir la libre association des idées à l'élaboration d'une oeuvre littéraire". 5

1. ~., p. 138

, 2. Sanouillet, Michel, Dada à Paris, Ed. Pauvert, Paris, 1965, p. 107

,

3. Breton, 'Andre, Manifestes du surré.alisme (extraits du volume

collect~f),Ed. Gallimard, Paris, 1966, p. 83.

4.

Ibip.

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Ibid., p .. 181 ; ',' ~ " 1 ···JI :.~~~: , ",

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-Nous sOIlllnes déjà loin de sa recette.pour faux romans. C'est un vrai dédale •••

Pour ce qui est de l'importance du rêve, les romantiques allemands, notamment Jean-Paul et Novalis insistaient déjà sur le fait que le rêve,n'est pas limité au ,monde du sommeil, mais qU'il communique avec la vie quotid,ienne. Nerval aussi l' avait so~ligné, toutefois Breton avait violemment .rejeté cet héritage dans

Les vases communicants. Mais'des déclarations. véhémentes ne suffisent pas à nier ce qui est évident, et.quelle que soit la réinterprétation .

.

. . de Breton il reste que le sentiment de rêve est un 'trait d'union entre l'homme et les mondes occultes.

Qua~t à cette .recherche du lieu commun:

"Tout porte à croire qu'il existe un certain point de

l~esprit rl'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire,

le,passé et le futur~ le communicable et l'incommunicable, le· haut et le b~s cessent d'être perçus contradictoirement~ 1 N'est-ce 'pas une redite? Les symbolistes n'avaient-ils pas prôné cette

théori~ des correspondances? Et les alchimistes eux-mêmes, si l'on en

croit' Carrouges,;

,

, .' "Mais.;ll es t plus .important encore de constater que .ces

no'Qls app'artiennent aux ca tégories .les plus contradictoires comme si les alchimistes avaient entrevu ou voulu faire entrévoir qu'ils entendaient. rechercher l'unité des

c~ntradicto~res,. le point suprêmeC., •• ) 2

Mais le programme. est loin d'être épuisé. Breton veut aller à la

découvert;e dU'merveilleux:

"n n'y

a même que le merveilleux qui soit beau" 3

1.

--

Ib·id., p~:: 76 . " ' . .

2. Car"rouges,Michel, André Breton et 1e~ données fondamentales du surréalisnie,Ed .• Gallimard, Paris, 1950, p. 86

surr(>al:i.sme (extraits du volume collectif)

(15)

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et il ajoute IIl'accent doit être mis sur le pouvoir de dépassement, fonction du mouvement de la ;liberté.1I

1

Or, dans quelles. mesure Bret9n a-t-il,pratiqué le

dépas-. "

sement de soi ? 'Car immanquablement on en revient au véritable surréalisme

, .

qui est attitude plus que verbiage et par conséquent bonne ou mauvaise foi. Mais comment déceler. la mauvaise conscience et où co~ence-t-elle ? Qui pour!a nous dire, se'demande Sanoui1let, quand le Breton Dada a fait place au Breton Surréa1iste~ Même une critique interne de ces textes ne peut le révéler, tant il est. évident qu'à un moment donné on se

laisse pren9re, au sêrieux de l'oeuvre: une fois que l'inspiratoin trouve son effet eatalytique, la'foi entre en jeu: à témoins les collages bien

faits, le

c~nt~e

d,'intérêt qu'en a fait le propre créateur du Dadacoon, etc ••• Cette ambiguité est propre au dadaisme

pictural,objecterez-vous en raison de la distraction apportée par le souci du côté plastique. Soit •• ~ mais en poésie' et en littérature nous admettrons que langage et

écriture,~ s'ils permettent à.l'nomme de s'exprimer, ne sont toutefois

pas l'expression, pure de son moi. Nous a,spirons à nous exprimer pleine-ment, mais nous' ne ie pouvons pas. La poésie se vit bien plus qu'elle

ne se dit, par conséquent même l'automatisme, s'il est possible, ne peut véhiculer le' moi pur. Ai~si l'expression (fut-elle orale ou é~rite) étant imparfaite, on e~ revient fatalement à l'art, donc

à

un tiers monde d'où activité illusoire et dans un certain sens subterfuge, mauvaise foi. Le succès même

au

surréalisme ,orthodoxe nous laisse matière à réflexion

", '1.

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quant à la bonne foi de ses, adeptes., Comment expliquer qu'après avoir

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nié avec tant de véhémence le 'sérieux du mouvement on en vienne à s'accommoder d-'une image sclérosée de révolte collective.

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D'autre, pàrt,. Breton p'ar1e'ci,'une . remontée aux sources de l' imagination

~Qétique'

et

qu~ plu~ ~st,~ ~e

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Certes, c 'es t une belle ambi tion et, l"orig~na1ité 'réside· plutôt dans I.e moyen

à employer pour ,y, parvenir "cet .automatisme psychique pur". Or ce passage de l'inconscient au conscient implique un certain traumatisme

qui déforme l'image ,perç'le et déflore pour. ainsi dire la vision intérieùre, traumatisme'propre d'ailleurs à tout accouchement qu'il soit physique ou spiri tuel. ;Par conséquent, ,automatisme si l'on veut, pur non ! et cela en raison même de :la,coIhplex::i.t~ de l'homme, c'es~ ce qui fait d'ailleurs le tragique dé notre, condition.'

Courte vue ou mauvaise conscience, il en résulte de la part de Breton, une ,terrible imposture. 'Une autre erreur que commet le théoricien du mouvement:

"Il en va des images' surréalistes, comme de ces images . de'l'9pium que l'homme n'évoque plus mais ,qui

«s'offrent ~ lui spontanément, despotiquement. Il ne 'peut pas les congédier, car la volonté n'a plus de force et ne goùverne plus les facultés~" 2

/ ' Ne voilà-t-il pq.s ·une contradiction flagrante avec le but même que

prétend poursuivre le s~rréalisn\e: celui d'atteindre une liberté absolue 1 Il semble que la thèse'de Breton se détruise par elle-même. Et cela n'est, pas tout, je'mentionne à tout hasard, la fondation du bureau de recherches

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, 1. ~., p. 29, 2. ~ •• p.' 50

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(17)

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surréalistes, 15 rue de Gren~lle, Paris:

"Le Bureau. de recherches surréalistes s'emploie à recüeillir par tous 'les moyens.appropriés les communications relatives p.~ ~i'yerses. formes qu'est susceptible de prendre l'activité inconsciente de l'esprit. A~cun domaine n'est spécifié à priori . pour cett'e entreprise et le surréalisme se propose

de rassembler le plus grand nombr.e de données expé-rimentales à une' fin qui ne peut ~ncore apparaître." "Toutes ~es personnes· qui sont en mesure de contribuer) de quelque manière que ce soiSà la création de véri-tables archives surréalistes)sont instaunnent priées de se faire connaître.tous les jours sauf le dimanche

de 4~. à 6~. ~ " l'

N'est-ce pas là encore une façon 'de' codifier, de classer, de canaliser une révolte qui, à sa naissanq~ se voulait gratuite ? Lui-même le déplore:

"L'.intraitable manie qui 'consiste à ramener l'inconnu au connu,' au classable, berce les cerveaux. Le désir d'analyse l'emporte sur les sentiments" 2

C'est là· qu'on constate à quel point lè véritable esprit surréaliste celùi dont ont fait· preuve les para-surréalistesJa su se passer de titre et d'étiquette et s'est gardé e~ marge du surréalisme orthodoxe, bretonnant. En effet, Sade, Rimbaud, Lautréamont, Tzara, Bataille, Michaux et tant

d'autres ont ~tébien plus loin dans ·leur expérience individuelle. "On conçoit, soutient Breton, que le 'surréalisme n'ait 'pas craint de se faire un dogme de la révolte absolue)

de l'insoumission totale, du sabotage en règle et

qti~il.n'attende encore rien que' de la violence". 3

1. Nadeau, Maurice, Histoire du surréalisme, Ed. du'Seuil, Paris, 1964, p. 22l'(Fragment ,de communiqué envoyé à la Pr~sse- La révolution surrealiste, n~ 2, 15 janvier 1925)

2. Breton, Andre,. Manifestes du surréalisme (extraits 'du volume collectif)

Ed. Gal11ma~d~

.

Paris,\ 1966, pp. 17-18

, . . 3, Ibid., p.: 78 .' ~ .. ,'~': 1.", l " • \ -, ~ 1 . 1 ~. l , ;{ " " ; , ' .

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-Si tel était le cas; le surréalisme n'aurait pu se scléroser, se coaguler en un mouvement avec Manifestes à l'appui; il aurait dû alors ·suivre le même chemin 'que Dad~ et. serait voué à se résorber, rongé

•• J

par son propre ac~de.. Comment donc tout en incarnant "la révolte absolue" contre toute fo~e aurait-il lUi-mgme pris forme ? Breton ne dit-il pas plus loin:

"Il Y a bei et bien· torpillage de l'idée au sein de la phrase qui l'énonce, quand bien même cette phrase serait nette de toute charmante liberté prise avec son sens. Le dadaisme avait surtout voulu attirer

l'attention sur ce torpillage. On sait que le surréalisme s',est p·réoccupé;par l'appel à l'automatisme,clemettre à l'abri .de ce torpillage un bâtiment quelconque: quelque chose Comme un vaisseau fantôme." 1

Ainsi la révolte surréaliste ·telle que la conçoit Breton n'est pas absolue puisqu'elle cOmpQrté ·une certaine réserve; car enfin il existe d'une part, un état d'esprit, ~n c~mportement surr~aliste qui lui est éternel, entendu comme une attitude de révolt~ gratuite, de refus perpétuel de toute valeur établie. Cette"soif de liberté éternellement inassouvie au coeur de

l'homme. c'est la rançon que s'engage à payer tout être trop lucide de l'absurdité de sa condition. Cet éta~ de révolte se nourrit de lui-même et trouve sa.fin en lui. C'est le propre du vrai dada. Tzara n'avait-il pas prédit:lIles vrais dadas sont contre dada"

?

Toutefois, il Y eut· à proprement parler un mouvement surréaliste vécu par de's h01llIJles s'·exprimant par la poésie, la prose, la peinture, la sculpture, bref, se manifestant par une succession de faits et d'oeuvres et figés en "plein cours ·par les "flashes" publicitaires. C'est contre ce surréalisme orthodoxe que ceux qui avaient réellement l'esprit surréaliste

1 •

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p. 117 * ~ . .. ·...:.0, .

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(19)

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se sont retournés (noü~ le verrons à la partie,"qui traite des dissidences). Ces hommes, s'ils voulaient rest~r, fidèies à leur' . principe de révolte

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gratuite devaient s'opposer gradueilement à" t~~te"C;rganisation de masse,

,,!

se placer hors de~ cadres, en marge de toute école, de tout mouvement. ",., , . " Il' est clair qu"une telle gratuité ne'va pas de pair avec le titre de, IIpape, du surréalisme".

Néanmoins Breton joue à l'anti-bourgeois:

1111 reste.lpar ailleurs)qu'au bout de vingt ans je

'me vois dans l'obligation)comme à l'heure de ma

jeuness~~de me p~ononcer contre tout conformisme

et de viser,Jen disant'celaJun trop certain confor-misme surréaliste aussi." 1

Or, ce conformisme surrêaliste, n'en es~-~l pas le principal artisan ?

N'a-t-il pas excommunié ceux q~i s'y opposaient' ? D'autre part, le ,chef claironne:

!'L'acte surréaliste 'le plus simple consiste;revolvers

laux poings à desc~ndre dans la rue' et à tirer au

, 'hasard, tant qu'on, peut dans la foule" 2

Cette affirmation est bien la plus, grande imposture qui soit et Breton dont le ,flair est subtil se doute bien de la chose puisqu'il se hâte d'ajouter en note:

"

,1. Ibid: , p.

2. Ibid. , p. 3. ~., p.

.IICet ,acte que je dis' le plus simple, il est clair que mon intention n'est pas de le recommander entre tous "parce qu'il est simple et me chercher querelle à ce

propos rèvient à demander bourgeoisement à tout non-conformiste pourquoi il ne se suicide pas, à tout

révoiutionnaire pourquoi il ne va pas vivr.e en U.R.S.S." 3

i69 " ,78

(20)

, ",,6,

(:,1.

: " . . ,1 '. - 15

Aill~urs je rëlève encore cette remarque du maître:

, 1

"Je suis contre l'érudition et même contre la culture".l

C~nnaissant à quei point Breton est un homme cultivé, pareille affirmation • 1 ~ •

è.étonne. Nais il se contredit lui-même en r~~on:naissant:

"On s'étonnéra alors que, serrant la vérité d'aussi près que nous l'avons fait, nous ayans pris soin "dan9 l'ensembl~ de nous ménager un alibi littéraire

. ou autrel~ •• 2

Est-ce à tort que Robert Desnos s'exclame:

"Ah! 'je vous prie de croire qu'il ne perd pas le

nord. Une phrase, une seule proposition de Lautréamont l'a frap'pé: le.droit.de se contredire et je vous

garantis qu'·il s'en est servio" 3

Mais trgve de parenthèses. Rey~nons au second manifeste.

En dépit de certaines constantes, telles que la question de révolte, la recherche de l'idéai surréaliste dans la théorie des correspondances, la haine ,du pourgeois,Breton cherche plutôt à préciser sa position

politique. Il se perd qans une dialectique et se fourvoie en s'efforçant d'expliquer logiquement ce qui est l'apanage de l'imagination.

-,',' :

"L'imagination est' peut-être sur le point de reprendre ses droits. Si ·lés profondeurs de notre esprit recèlent " d'étranges forces capables d'augmenter ceU.es de la

surface,ou de lutter victorieusement contre elles,

'il, y

a:

tout intérêt à les capter ~ à. les' capter d'abord" pour les : soumettre ensuite, s'il y a l'ieu au' contrôle de notre

;' ra,ison." 4

,1. Jones,: Henri. 'Le Surréalisme ignoré, Montréal, Centre Educatif et Culturel, .1969, p •. 79 . .

,

'.

",1' •

2. Breton,. 'André, Manifestes du, surréalisme, (extraits du volume

collect+~),Par1s. Ed •. Gallimard, 1926, p. 12.l

". ,'.. ' .

' , . ; : . ! , '

3.

Nad~~Ui~icè,

Op. ·cit."pp •.

309 -

310

~:

: 4 .

B:r:~~o~i.\~~J.~tManifestes

·du surréalisme, (extraits' du

i~?;j:}')'::I:-I::

CO~le<?ti"),~;:, ~~~~"

Ed. Çiallim'lrd 1926, p. 19

volume

~~i,''1 ,;., i' ,1., C ",

(21)

..

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Or la pénetration de soi ne peut se faire par des moyens dialectiques. L'erreur est de ,vouloir tout expliquer, tout rationaliser. Là encore éclate le divorce qui existe non seulem~nt entre l'idéal et la pratique de Breton mais au sein même de ,sa théorie .• N" a-t-il pas qualifié lui-même "d' 1ntraitabl~ manie" c47 qui' rtconsiste

à.

ramener l'inconnu au connu"?

D'·sutre.part, Breton prône toujours au deuxième manireste la

révolte absolue et' gardée à .~' état' libre. "En matière de révolte aucun de nous

.' 1

ne doit avoir besoin d'ancêtres". Tant d'influences déjà mentionnées (nous le verrons plus. particulièrement dans la partie qui traite des

précu~seurs) ne peuvent que nous. faire douter d'une telle affirmation.

Quant à la revue de B'reton Le surréalisme au service de la révolution (30-33) n'est-elle pas lourdement chargée de polémiques doctrinales? Tout cela . .

passe encore ma~s .Breton se sert de son SecomManifeste pour régler des querelles p.ersonnelles,. ce qui me semble incompatible avec une oeuvre qui prétend exposer objectivement la théorie d'un mouvement. Bref, ce

.

.

"pape" frappe'.d' interdi t' ,plusieurs de ses dis-ciples: Artaud pour sa

représentat~on du songe de Str~ndberg,·Philippe Soupault pour son

orientation trop lit.téraire, Desnos, qui trop absorbé par l'écriture automatique, se désintéresse des problèmes concrets.

"J'estime, ~crit-il, en tout cas, que ce n'est pas trop d.e.mander aux' uns et aux autres que de cesser 'de ,s'exhiber complaisamment et de se produire sur

les tréteaux'.' 2 1.

- - .

Ibid., p. 80 2. Ibid., p. 139 "

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Mais Breton 1ui-mênÎe'est-il toujours resté ~ l'oinbre des "flashes" publicitaires? Ce n'est pas ce qu'en pense Sanoùi'llet: . . , ' .

"A.u.ske·tch, s'ii vous platt,de Bret'on et Soupault cor-respondai t le sketch., Vous m' pub lierè z . des mêmes ( ••• )

~l existe une photographie des quatre protagonistes en costume (Eluarci, Soupault, Breton et' Fraenkel) prise pendant la représentatio.n' de "'Vous m'oublierez .Pa.rue dans Comedia du 21 Mai~· •• l

D'ailleurs le's

ripos.~es

contre Breton dans Un caàavre jettent une lumière crue sur l'h~mme accusant ainsi un profond divorce entre ·ses grands principes surréalistes et la pratiq'A~ quotidienne de sa vie.· D'autre part, un~ 'simp1e ~ecture du texte Avertissement pour la réédition du second Manifeste 1946, nous pennet de constater à quel point Breton revient sur ses propres jugements et affirmations.

'.'J·e 'me persuade en laissant paraître aujourd 'hui le .second·manifeste du surréalisme, que le temps s'est

chargé pour moi' d'émousser ses angles polémiques.

Je so~haite que de soi-même, il ait corrigé 'fnt-ce

jusqu ':à \ln certain point à mes dépens, les jugements . pat'fois hâtifs que j 'y ai portés sur divers compor-, ,tements individuels' tels que j'ai cru les voir se

dessiner alors". 2 Et en manièr~ d'excuse il ajoute:

'.'Je crois qu.' outre le jeu d'une certaine

. ambiv.~lence· de sentiments à laquelle j'ai déjà

·fait allusionJil en faut incriminer le malaise . des temps et aussï 1 ''influence' formeL1e.d'une··'

bonne. partie de la littérature révolutionnaire.!'. 3

1. Sanouil1et, Michel, Dada à Paris, Paris, Ed.

J.J.

Pauvert, 1965, ?p. 174-177· .•.

2. Breton, André, Manifestes du surréalisme (extraits du volume collectif), Paris, Ed. Gallimard, 1966, p. 67

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(23)

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18

-Une telle palinodie'ne l'einpêchera pas de reprendr~ quelques pages

.

plus loin son ton grand~loqu~n't

: "L'esprit n'est pas une girouette,tout ~~ moins n'est pas seulement une girouette"

et cela dit pour critiquer'

!'Certains intellectuels que je connais, et dont les déterminations morales sont plus que sujet'tes à caution". l

Pour reprendre ~'express~on' de Breton, à propos de Le Moine, je dirai que "le :ien n'est.i~possible à qui sait oser" donne chez Breton toute s~ mesure convaincante. Il reprend' sa théorie:

"L'esprit de démoralisation a élu domicile dans le château et c'est à lui que nous avons i:

.. " 1

affaire chaque fois,qu'il est question de relations avec nos semblables." ,2 '

Là encore Breton n'innove pas. Cette provocation constante à toutes les conventions. bourgeoises était déjà le mot de passe de Lautréamont: "J'ai fait un.pacte avec la prostitution 'afin de semer le désordre

'3

dans les famil:les";

Dans le Second Manifeste aussi, Breton reprend cette quête vers le poin~ central de la croix où se neutralisent toutes les contradictions, où se rejoignant l'Alpha et 1'~mégaJce point dont parlent tant de·religions (Islam, .le Bo'udhisme, etc) Il parle de concilier Dieu et' Satan de sorte à,les fusionner en un "Dieu noir"" ,

.

Dieu ayant"réintégré les forces du mal, bref le retour à l'origine

l. Ibid. ,pp~' 99~lOO

,2. Ibid: ,pp~ ~-

27-! 1 ",

(24)

1"' . '

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..

avant l'anathè~e lancé par Dieu contre Lucifer ••• un nouvel Osiris

ayant enfin retrouv~ l'unité perdue. Mais comment ne pas mettre en doute sinon la bonne foi, du moins la cohérençe de ses ,idées lorsqu'il

reconnaît lui-même l' utopi~ d '.un ~el rêve

"Je crois à la résolùtion future de ces delPC états, en apparence .si·contradictoires)que sont le rêve et la réali té en une sorte de réalité absolue, , de surréalité, Si l'on peut

ainsi

ôjn~~ c'est à sa conquête que je vais certain de n'y pas

parvenir ••

':1

Et plus loin."C'e~t encorel~i l'onveut)un bien artificiel paradis~' 2

Bref, ce rêve quoique c<;ms·tant 'dans le premier et le deuxième manifeste de Breton, n'en est pas moins contesté par l'auteur lui-même. Pareille

.

.

hypothèse qui se détruit'par elle-même nous dispense de tout commentaire. Non content, par ailleurs, de canaliser la révolte surréaliste Breton se p~opose de la mettre au service de la révolution politique:

"Je pense qu'on ne s'étonnera pas de voir le surréalisme,chemin faisant,s'appliquer à autre . chose.'qu'à la' résolution d'un problème

psycho-logique, si intéressant soit-il. C'est au nom de la reconnaissance impérieuse de cette nécessité que·' j'estime que nous ne pouvons pas éviter de nous poser de la fac;.on la plus brûlante 1 .. question du régime social' sous lequel nous vivons) je veux dire

·de l'accep~ation ou de la non-acceptation de ce

régime'.' 3

Ainsi, le sut:réalisme tel que défini par Breton "Automatisme psychique pur" dévie en dialec~ique ce qui est le moins qu'on puisse dire

1. Breton, André, Manifestes du Surréalisme (extraits du volume collectif) Paris, Ed. Ga~limard, 1966, pp. 23-24

2. Ibid., p.

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(25)

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contradictoire à moins que'Breton n'ait oublié de redéfinir son surréalisme ••• , "

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Et cela n 'est p~s tout, Breton"'papillonne de 'rrotsky dont

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il cite un p'assage de Révolution et culture clarté 1er Novembre 1923,

à Marx:

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1 ~.: :

"Certes le surréa1isme,que nous avons vu ,socialement ado~ter de propos délibéré la

formule marxiste •• '." 1

puis il flirte avec"l' idéolog~efouriériste, fait allusion aux phalanstères, •• Nous en reparlerons dans les controverses et les alliances po1i~iques,'de Breton. Revenons à la réalité. En 39. C'est la guerre entrainant inévitablement la.désintégration du mouvement, la . .

dispersion du groupe: 'que fait Breton pour qui la révolte est vitale ?

, .

MObilisé pour un certain temps, il finit toutefois'par se rendre en Amérique, et là encore il continue à faire oeuvre littéraire. Il publie à New-York' en i942 Les prolégomènes à un troisième manifeste du

surréalisme 'ou non, ôù il commence par:

,1. '!Sans doute y a-t-il trop de nord en moi pour

. que je sois jamais l'homme de la pleine adhésion~ 2 Mais sur le ~~an de la théorie, Breton se plait à rappeler

,", "Il n'est ·pas de grande expédition. en art 'qui ne's'entreprenne au péril de la vie ••• . ' et que', chaque artis te doi t reprendre seul

'la pour~ui te de' la Toison d'or." 3 " 1. Ibid., p. 118 2. ~., p. 161': 3. Ibid., p.

170

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(26)

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~;~:{Y~i:'r:i'~:~~?::;'".

;!'.' '. ".,',., Ou encore: ". 21

-liCe que nous, demandons est,pensons-nous)de: ,nature à entraîner un consentement, un refus

total et non à se payer de mots, à $'entretenir

,'d'esp~irs velléitaires. Veut-on,oui ou nO~ltout

risquer pour la seule joie d'apercevoir au loin, toui: au fond.du creuset ~~ nousproposon~

de je~er nos pauvres commodités ( ••• ) la lumière

,q~i cess~ra' d'être défaillante". 1

Que penser d'une te~le' co~tradiction

?

Conseiller les autres alors

qu'on se rétracte,soi-même ? Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. Reconnaissons 'toutefois que c'est grâce à ce côté de Breton' toujours axé vers la réussit~,qu'à chaque fois les marrons ont été tirés du feu' à ~emps', et que le mouvement a pu être sauvegardé

(j'entends 1~ mouvement dans son sens orthodoxe). Néanmoins, une telle attitude jure lamentablement 'avec le véritable esprit surréaliste dont ont fait preuve les para-surréalistes qui, soucieux de leur intégrité ont .tenu à saper toute imposture en gardant leur révolte à l'état de'perpétuelle revendication.

Si le "vrai dada est co.ntre dada",o Breton' lui est nettement pour la survié du surréalisme~ il semble avoir défendu le mouvement en

tant' qu'une entrep:rise don,t .sa réputation dépendait. On a peine à croire par conséquent pareille affirmation:

."

"bnme pardonnera de penser, que'contrairement au lierre, je meurs si je m'attache .. " 2

Cela n'empêche p~s Sanouille:t de rendre justice à Breton: . ~ .. '

..

:

. 1. 'Ibid~ ,l'P.~"1~9 -15"~ , "

2.. Breton,'Aridié, fragm~n:t d'article relevé par Sanou1llet Michel iu'Dada,a::l'aris. Paris, Ed. Pauvert, 1965, p. 341

.'.

(27)

, .. ' , . • , ••• 1 1 : ' ~ 1 ~ '. 1.:,' " . . ";', ; ' .. :..' 22

-"Il ·semble·bien en effet 'que ,l'avènement du Surréalisme· ait répondu à un besoin profond,

peut-être inconscient , de remise en ordre, de

réorg~nisation, qe clar:ification,resenti en

France après le déferlem~nt de la vague dadalste;

C

.•• )

On sut gré à Breton d'avoir endigué ce

flot incontrôlableJet dt~voir su tirer de

. l'inextricable'enchevêtrement d'idées dadaïstes, une théorie intellectuellement acceptable." "Il ne fait ~ucun douté,toutefois:' ajoute-il, tique

ce·t élagage apparut aux Dadaïstes comme un . rétrécissement, voire un appauvrissement de

leur propre doctrine~ 1

Une autre contradiction propre à.Breton: cet humble retour aux principes, de relativité d'Einstein après avoir tant claironné des projets grandiloquents et absolus. Nous concilions difficilement le surhomme nietzchéen avec cette idée empruntée à Novalis et à la thèse d'Emile Ducl~ux: à s~voir, ce ,mythe de l'homme parasite vivant aux dépens d'un grand transparent •

. Serait-ce un retour de Breton sur lui-même? sur ses idées qu'il croyai't ind~bitables ? 'Je veux bien l'admettre, mais alors pourqu~i

ressasser dans ses prolégomènes. cette recherche du point absolu où se rejoignent toutes les contradictions? C'est à se demander s'il y a une que:lconque sui·te d'idées dans Les Manifestes' ou s'ils ont été rédigés au ffl du hasard.

Breton semble y appliquer et cela à un rythme accéléré, la contradiction prônée par Lautréamont ce qwà son avis r~glerait toute discussion •.

1. ~'.' p. 425

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Parmi les const~ntes

du

surréalisme,'du~Jnqins sur le plan

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~!1t5oriG.ue, mentionnons l'idée de révo~te, le

principe,anti-convention-, . . '", 1

1 • ~ . !

nel,. anti-bourgeois et enfin le' raj

~un~,s~ème~t" d~

i'

amour et un nouvel " J !'. ~ . : .

l , ;';'"

a:-.niversair~ pour la c~lébrati.otr de la femme, (j'en parlerai plus

" ,.', . " , . . . .

longuement dans l'amour fou). Il estfo,rt regrettable que sur le plan de la pratique ce soit surtou.t la mauvaise conscience qui ait jalonné le surréalisme de·Breton. J'aurais bien voulu sur ce point lui laisser le bénêfice du doute, mais certains faits ,sont flagrants: "Il ne faut laisser aucune t~ace'de son passage sur la terre" avait-il affirmé et pourtant ce chef du 'surréalisme 's'est perpétué dans sa postérité (sa fille Auror~), dans ses oeuvres '(il en a publié un grand nombre) et dans le patrimoine. qu ~ il avai t prudenunent amassé par le trafic des tableaux de' peinture. Breton était en effet un habitué des galeries ,

.

d'art; il en est qùestion dans Nadja:

, ,

, "Nadja étant venue chez moi a reconnu ces cornes . pour êtres celles d'un grand masque de Guinée

qui a naguère appartenu à Henri Matisse et que ,j'ai toujours aimé et redouté ( ••• ). Elle a : reconnu dans un tableau de Braque (le joueur de

guitare) ( ••• ) ••• le tableau triangulaire de

~hirico, L'angoissant voyage ou l'énigme de la

fatalit,é' •• ) un masque conique en moelle de sureau rouge et rose~ux de Nouvelle Bretagne, une petite 'statue de 'cacique assis, un tableau de Max Ernst

(Mais les honunes n'en sauront rien), un autre

~éti~he, •• },un autre de l'Ile de Pâques qui est

:I.e p:remier objet sauvage que j'aie possédé.1I

1

10 • ,,::'t'

Attitude capitaliste ! Connaissant' ce côté de sa personne, on voit mal Breton tendant 'la main aux ouvriers: frères

!

l.Breton, An~re;'NàdjCi, ~~ris, Gallimard, 1928, p.

147

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(29)

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24'-Faux-frère, flic et curé ! répondra Georges Ribbemont Dessaignes dans ,Un cadavre. On voit encore moins ,Breton exhortant au renoncement total:

','Lâchez tout. Lâchez Dada.Lâ,chezvotre femme ,lâchez votre maîtresse ~ Llchezvos espérances et Vos craintes. Semez vos

.enfants au co~n d'un bois~tâchez la proie pour l'ombre. Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu'on vous· .donr,e pour une situation d'avenir. Partez sur 'les routes~ 1

'. '

Oui, d'autres, ont. pris Breton au pied de la lettre, ont tout lâché et sont ,partis. N'est-ce pas ,Jacques Vaché ••• Nadja ••• Crevel., •• Archille Gorki. ••. ,Kurt Seligmann •• '. Mme Tanguy... Jean-Pierre Duprey ••• Oscar Domingue~.· •• ·Wolfgang Paalen. ~. et tant d'autres. Ceux-là ont été plus loin que le· surréalisme de Breton,· ils ont rejoint leurs ancêtres précurseurs, 'Sade, ~autréamont, Rimbaud •••

Mais

i~ n~,prend

pas fin· l'ambitieux programme de Breton. Il parle d'ésotérisme, d'occultisme, mentionne les lames du tarot, j ongle avec

la

.politique pour s' arr'èter à l'amour, nous parle de la femme-enfant, "puis des grands transparents, bref nous entraine dans un labyrinthe carnple~e qui demande pour le 'suivre beaucoup de souffle. Certes Breton est un homme fort q.lltivé, quoi' qu'tl en dise ("Je suis contre toute érudition et même contre toute culture") mais cela lui

permet-iL d ',avo~r. sot;l mot à dire dans tout domaine et de faire intervenir le tarot dans

sa'

dialectique? Ne dit-il pas lui-même:

, !

1. Breton,~dré, ·Lâchez tout, recueilli dans les Pas Perdus et

relevé ,dans 'Sanouillet Michel:' Dada à Paris t Paris t Bd. Pauvert,

1965 t, p. '342:,:; ,," 1. • . './ i., .~ ~:, \: '.'! .

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"L"universalité de 1 ',intelligence n'ayant sans doute

j~mais été donnée à l'homme et l'univ~rsalité de la

connaissance ayant en tout cas cessé de lui être départie, il convient de faire toutes réserves sur la prétention que peut avoir l'homme de génie de trancher de questions qui débordent son champ d'investigation et excèdent donc sa compétence~ 1

• • 0 . .

Revenant ·encore sur la question de l'intuition poétique, Breton nous certifie:

"Elle seule nous pourvoit du fil qui remet sur le chemin de la Gnose,en tant que connaissance de la Réai·ité suprasensible ,«invisiblement visible dans un éternel mystère~»2

Etant donné so~ hy~othèse des grands transparents barrant à l'homme la route du point supr~me, on conçoit mal que ce même homme puisse détenir à la fois l~ ·fil "qui remet sur le chemin de la Gnose" •.

Inutile d~insister davantage sur les contradictions qui jalonnent l'oeuvre màitresse de Breton. Bref, pour résumer, je dirai que l'originalité du surréalisme réside non dans ~e but qu'il se proposait d'att~indre: cette quête de l'infini prônée par Rimbaud et continuellement remise à jour depuis, mais plutôt dans l'automatisme. Là encore, l'erreur a été de croire que c'était Ille moyen" d'y parvenir la formule qui ouvrirait le sésame. L'automatisme, en littérature plus qu'en art peut-être, contribue il est vrai à la libération de l'homme en mettant à jou'~ 'une' partie' de son subconscient; quant à atteindre la

liberté absolue, nous le savons, ce rêve est utopique. La grande méprise

1. Breton, André, Manifestes du Surréalisme (extraiodu volume collectif) Paris, Ed. ~a1Iimard, 1966, p. 172

2. ~., p. 188

(31)

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-a été de vite crier à l'absolu alors qU'il ne ser~ jamais question que

de relatif, étant donné l'homme et sa complexité. Ceci}Bataille et d'autres l'ont compris~qui ont tenu à garder leur révolte à l'état libre.

Quoique érigé en mouvement anti-art et anti-littérature, il a fallu au surréalisme, bon gré, mal gré, se servir de mots ••• Mais ces mots, disons-le, nous rapprochent de nous-mêmes. Ainsi les constantes du

surréalisme dans les Manifestes d'André Breton dépassent le mouvement et représentent au sens large, la plus récente tentative du romantisme pour rompre avec lice qui est", poussant la suspicion du réel à son paroxysme.

Un psychologue dénoncerait ici une confusion de l'objectif et du subjectif, nous dit Marcel Raymond, dans De Baudelaire au Surréalisme; il n'en demeure pas moins qu'à la réalité ces poètes substituent lasurréalité où se trouve la vraie vie et qu'ils se pro-posent de la conquérir dangereusement au moyen de l'automatisme.

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"

B. Les controverses politiques

, "Je" suis - es t-c~ à tord-personnellement enclin à penser quelâe la part de Breton, en politique, on peut s'attendre à tout"l

écrit Henri Pastoureau dans Le Surréalisme ignoré d'Henri Jones. Pareille confidence de la part d'un contemporain et collaborateur de Breton ret~ent notre attention.

Le groupe surréaliste, officiellement implanté par la fondation du, bure,au de" recherche~, 15 rue de Grenelle, s'oriente en

1926 politiquement dans les voies de 1"' Internationale communiste (S.F.I.C.) influencé par Be~nier et Pierre Naville. Vers 1927, la plupart des textes ~ont s~gnés par Aragon, Breton, Eluard, Péret,Unik.

La décision "de Louis: Aragon, de s'affilier au parti communiste oblige Breton à e~iiquer officiellement la position des surréalistes:

"Notre adhésion aux principes du matérialisme

, historique~"il'n~y a pas moyen de jouer sur ces

, "mots. Que cela ne dépende que de nous - je veux dire pourvu que le Parti communiste ne nous trai te pas

seulement en bêtes curieuses destinées à exercer dans ses rangs la badauderie et la défiance~et

·~ous nous montrerons capables de faireJau point

de" vue révolutionnaire,tout notre devoir~ 2

C'est là qu~"le chef "perd pie~ et se fourvoie en une dialectique marxiste, se doutant ou pas,· qu'il est aux antipodes 4e "l'automatisme psychique pur" prôné par sa px:opre définition •

.

;

1. Jones, ,~enri," Op.'èit., p. 126

"

2. Nadeau;

Matiiif~'

:Op. "cit., p. 401

,.

' ! , " . - •

(33)

" " , i • ~ : . . " ~ : "/' ~, ; . ... 28

.

,

Dans une lettre aux surréalistes non' communistes signée par les mêmes cinq ,qui forment le directoire, je souligne: , ,

1

"Avec nous vous avez été d'avis que le surréalisme, p'Qur exis'ter J n'à jamais: cessé de faire sienne la dialectique hégélienne.", l,

Or, le surré~lisme en tant que "cri ,de l'esprit qui relrQurne vers

lui-, ,

mêmell est-il cçmciliable avec une dialectique quelconque fut-elle

hégélienne ? ~ous l'avons déjà mentionné,- la pénétration de soi ne peut se faire' par un mpyen dialectique.

Mais B~eton s'acharne à démontrer le caractère socialement révolutionnaire du mouvement.

• Il "

ilLe sur.réalisme n'est pas une forme poétique. (que, penser alors de son livre Poèmes, édité chez Gallimard ?)."1l est un cri de l'esprit qui retourne vers lui-même et est bien décidé à broyer désespérement ses entraves~et au besoin 'par des marteaux matérielsL" 2

Toutefois, il tient à rappeler l'autonomie du groupe

"Qui parle de disposer de nous, de nous faire aontribuer à l'abominable confort terre8tre~ Nous' ,voulons, nous aurons4l' au-delà<<de nos jO\lrs.1I

3

Et pour rester' fidè'le .à la contradiction, thènle cher à Breton:

1. Nadeau,

2. Ibid.,

3. Ibid.,

4. Ibid. ;

ilLe surréalisr:1ejimpliquant l'adhésion totale et sans réserve au principe du matérialisme

dialectiqu'e, ses fins ne sauraient en rien se dist:Lnguer des fins mêmes du prolétariat". 4

.Qe..cit •• p. 265 p. 21~

p • ,226

(34)

..

' . , j . t .' :/1 ~~I ': ': . ' "- 29

Ailleurs je relève 'encore:

"Nous ne s01iU&les animés d'aucune hostilité d'ascète contre le bien-être de~ bourgeois •. Ce que nous voulons, c' es t faire part;ager le bien-être à tous ceux qui l'ont produit.!' '1 : ....

~ ,.'.

Et pour comble.œ·impost~re: . , ,

, "~otre cause est celle des ouvriers et des paysansll 2

Or, nous n' ignor~ns pa,s que sur le plan théorique Breton a rejeté le travail comme dégradant pour·l'homme. Comment peut-il alors se placer sous' la banniè're de la doctrine marxiste qui, . on le sait, est entièrement' basée sur le travail ?

"L'on ne voit pas conunent il eut été possible à

Breton d'adméttre les bienfaits de la dialectique en se déroban't à son mécahisme même dans ce qu'il a de fondamental." 3

Venant à la défense.du prolétariat, Breton claironne:

,"Il n'est pas un de. ces mots d'ordre dont noûs contestions l'opportunité ni la portée: Défense

des ~alaires. Respect intégral des huit heures.

L~tt~ ,contre le chômage, contre la rationalisation

capitaliste et la vie chère." 4

Comment' donc .7 Çeux-là mêmes qui considéraient le travail comme avilissant

.

, pour la d~gnité de l'homme se révoltant contre "la prétendue vie gagnée" .. etlll' abominable con,fort terrestre" ••• · lutteraient en même temps contre

le chômag~ ? ..

Cette'~1n~ompa:ÙbÙité

des principes' surréalistes avec la doctrine • ' , 1 ; " " .... i ,

.

"' . 1. Nadeau, ,Ha~rice:~:,cip.cit. ,p~ .436

2~'

Ibid ••

- ,

~.4J7:·.:

. .

';,,;, :, 3. JoneSt·H~n:x::i,:.,Op"cit." pp.32-33

4""l~ade~Ù~':·'Mâ~ri~'·~"'bp".cit.,

p.,272 ',' ; , , ,il/ ' , . , .~,.,'. \ ' • ,.; : t '1 ~; , ,.;':.' : ' ) . ' •

. . . ,' ,',

:,J::!~~i;!f:;Î;;;?:;':.'

:'i

(35)

"

.

'.

30

-marxiste, le parti' comm~niste:l'avait bien réalisée:

"

'. "si

vous êtes' marxiste, braillait vers, cette époque

Michel'Marty à l'adresse de l'un de nous, vous n'avez pas besoin d'être surréaliste." 1

. !

D'ailleurs, le 'parti'communiste n'aurait accepté les surréalistes en son sein, que "pre;:;sé par les i'ntellectuels de gauche" nous affirme

H.

Jones.

D'autre ~art, Ferdinant Alquié détecte avec sagacité les contradictions qui, e~ po1itiqu~, opposent le surréalisme au marxisme:

"A. Breton déclare que «toute la démarche psychologique du surréalisme a été guidée»par un"tel<<souci

d!\.lnification"»(. ••• ) la réalisation de l'unité de

l'ho~~e par la rencontre des deux voies opposées

où nous engage notre désir: celle de l'imaginaire, de la poésie,et peut-être 'de la folie, celle de la science, de l'activité pratique et de la réalisation ,politique. Hais vou1oir)même de toutes ses forcesr

unifier ces deux voies n'est pas nécessairement réussir à opérer cette unification,ni même démontrer qù'e1le est possible ( ••• ). Pourra-t-il suivre pour aùtant les deux voies opposées où il nous engage? ,(.; .. ) le marxisme,qui est une théorie politique,

d~vait voir dans le travail le rapport fondamental

de l'homme et de la Nature. Mais le désir peut

pr~ndrè une autre route, celle de l'imaginaire •

. 11 déréalise alors ce monde, oublie ses lois • .'~ 2

En 1926, le parti communiste lui-même très sceptique quant à l'intégrité de 'l'adhésion surréaliste manifeste son hostilité:

~"Oui ou non,cete révolution souhaitée est-elle

c'elle'de l'esprit à priori,ou celle du monde "'des faits '? Est-elle liée au marxisme,ou aux

théories contemplatives, à l'épuration de la vie :i;ntérieure '?"~3

1. Breton,

André"

Manifestes'du'Surréalisme (extraits du volume collectif)

Paris?" Edo'" Galliaard,

1966,

p.

98

.2. Alquié,"Ferdinan'd, Philosophie du surréalisme, Paris, Flammarion,

~. 1956 ,pp~ .80 ;-81.,;, , ":',-, i. , 3. Nade'au,'~urice~ Op. ci t., p. 237 "' '" . ," . ;J.' • ':~: ::. '.:' :!'::~~

(36)

Et Breton de

.'

::

;':\', . , : , :, \" .J .... " . " ~ 31 . ,"

se débattre tant bien que mal dans légitime défense: "Il n'est personne de nous qui ne souhaite le

passage du pouvoir des mains de la bourgeoisie

à celles du prolétariat.~ En attendant, il n'en est pas moins nécessaire.Jselon nous, que les expériences de la vie intérieure se poursuivent et cela,bien entendu,sans contrôle extérieur, même marxiste."l· .

Quelque temps après, le Congrès pour la Défense de la Culture organisé

par le parti communiste est le théâtre de violents débats entre surréalistes et communistes. L~ rupture qui s'annonçait déjà depuis q~elques années est alors consommée.

Le poème Front Rouge d'Aragon soulève encore une controverse: à savoir: l'inspiration poétique est-elle.oui ou non mêlée à la politique? Là encore, Breton se perd dans des arguments contradictoires sous le titre de Misère de la poésie:

"Je ferai observer qu'il y a huit ans, dans le Manifeste du surréalisme,j'ai tenu,au nom de la conception poétiqu~ ••

dégager entièrement la responsabilité de 1 auteur pour le cas où seraient incriminés certains textes de caractère«automatique» incontestable." 2

Et ailleurs: "Il.ne saurait exister de trucs idéologiques ni de recettes techniques pour écrire des poèmes

révolutionnaires." 3

Néanmoins, il se permet d'ajouter:

"Ces analyses de poèmes pourraient être envisagées comme un des nombreux moyens de déterminer des directives poétiques,de poser des jalons qui ne

sauraie~t être que provisoires."

4

1. Breton, André, Légitime défense in la Révolution surréaliste no. 8, 1er décembre 1926, in Nadeau, I"Îaurice ,Op. ci t., p.

2'J1

2. Nadeau, Maurice, Op.cit., p. 346.

3.

ng.,

p. 389

4.

-.

Ibid. ,p •. 391

(37)

'" , ' ~ ~.

'

..

32 Ailleurs il affirme:

"ou bien encore le texte automatique et le poème surréaliste sont non moins interprétables que le récit de rêve,et que rien 'ne ,doit être négligé pour mener à bien7chaque fois qu'on, peut être mis sur cette· voie,de 'tel~e~: interprétations." i

"L'art authentique d'aujourd'hui a partie liée avec l'activité sociale' révolut:lonnaiÎ'e,il tend comme elle à la confusion et à la destruction de la société capitaliste."

2.

Cet art authentique, on se le demande est-il oui ou non une fin en soi, ou est-il utilitaire et implique alors la responsabilité de l'auteur? Une autre imposture propre au surréalisme de Bret,on: cet anathème lancé contre la société capitaliste par les nombreux tracts édités à propos de l'exposition coloniale de Vincennes: Ne visitez pas l'exposition coloniale

~

Or, ces mêmes personnes (et en l'occurence le chef) qui crient au scandale contre le colonialisme et l'exploitation de l'homme par l'homme, ne sont-ils pas les premiers à affectionner les trafics de

,

tableaux de peinture et autres objets d'art? Breton1lui-même,énumère des objets d'art qu'il possède)dans Nadja et Robert Desnos le dénonce dans un Cadavre:

"Pourquoi: reste-il son ami et pourquoi écrit-il

les louanges de son oeuvre ? Parce que Paul Eluard / ••. ) est lotisseur et que l'argent des marécages vendus aux ouvriers est utilisé à acheter tableaux et objets nègres dont tous les deux font commerce."

••• Pourquoi se réconcilie-t-il

?

parce que Tristan Tzara achète des fétiches nègres et des tableaux ~t <!\J" André Breton en ve,nd. ,

1. Breton,

André,

Manifestes du Surréalisme, Paris, Pauvert, p. 272

l , '" . 2. j . ;

J

3'.

\ ,: : 1 •

Nadeau, Maur1ce~ Op.cit., p. 409

Figure

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