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Fukushima: Temps de la fin contre fin des temps

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Fukushima: Temps de la fin contre fin des temps

Cécile Asanuma-Brice

To cite this version:

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SCIENCES ET AVENIR NATURE & ENVIRONNEMENT NUCLÉAIRE

NUCLÉAIRE

TRIBUNE. Fukushima : temps de la fin contre fin des temps

5 années se sont passées depuis le tremblement de terre de 2011, le tsunami, l’explosion de la centrale nucléaire. Le lieu du drame véhicule désormais la catastrophe en son nom : Fukushima. Où en est-on ?

Par Rédacteur le 22.03.2016 à 20h00, mis à jour le 23.03.2016 à 09h29

© NEWSCOM/SIPA

La centrale de Fukushima photographiée le 11 mars 2016, 5 ans après la catastrophe.

Au monde de Sisyphe l’éternel rangement répond de l’absurde

Mises en scène et risques de la communication dans la

Tous les efforts sont faits. Tous les efforts sont faits pour nettoyer terres et esprits avant l'accueil des jeux olympiques de Tokyo en 2020, permettant de donner l'élan nécessaire à l'oubli. Le vent de fête olympique qui s'accompagne à l'accoutumé d'un nettoyage social et d'une montée nationaliste acceptés de tous, portera un

troisième fleuron : l'amnésie nécessaire à la poursuite du nucléaire. Malgré la mascarade qui se met en place, via la décision du gouvernement japonais de rouvrir la totalité de la zone d'évacuation autour de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi à l'habitat dès mars 2017, dans les faits, rien n'est réglé. écrivait William Faulkner. On ne peut trouver plus justes mots pour décrire la situation actuelle.

Plus de 9 millions de sacs poubelles contenant chacun 1 mètre cube de déchets contaminés sont répartis sur 114.700 sites au sein de la préfecture de Fukushima fin septembre 2015. Ces sacs plastiques enferment un temps, terre et déchets radioactifs. La terre ayant laissé ses graines germées au grès des saisons, les pousses difformes les ont éventrés pour laisser se diffuser à nouveau les débris contaminés, au gré des vents. Un coût néanmoins exorbitant pour une politique chimérique qui voit son budget plafonné à 91 milliards de yens pour 2016, soit 727 millions d'euros. Au total, depuis 2011, les dépenses pour la décontamination s'élèvent à 1 milliard 500 millions d'euros. Cette politique de décontamination qui berne les esprits en leur inculquant que tous les efforts sont faits pour protéger la vie, n'a qu'un seul objectif : rassurer pour mieux contraindre au retour.

S U R L E M Ê M E S U J E T REPORTAGE. Voyage au coeur de Fukushima "Je vous souhaite de ne pas avoir de Fukushima en France"

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société du spectacle

"Mon mari ne parle plus d’avenir"

Ce choix politique se met en place via une stratégie de communication sur le risque toujours plus perverse, assurant par exemple que le risque sismique, ou celui d'une éruption volcanique serait plus prégnant que le risque nucléaire (dixit Dr Kumagai Tomohiro, neurologue, Université médicale de Fukushima) , que l'obésité et la tension sanguine conséquentes du manque de sport (les personnes vivant dans les logements provisoires sur les zones contaminées limitant leurs sorties) seraient plus néfastes que l'irradiation (Dr Tsubokura Masaharu, hôpital général de Minamisôma, Université de Tokyo), ou encore enseignant aux élèves de primaires du

département de Fukushima les méthodes pour filtrer le césium se trouvant dans la terre (workshops organisés par le Pr. Mizoguchi Masaru, Université de Tokyo). Il en est d'autres, tel le Pr. Hayano Ryugo (Université de Tokyo, fervent acteur du programme Ethos Fukushima), qui habilement font signer un rapport sur la radioactivité et ses bienfaits sur la santé par des lycéens du département de Fukushima entre autre, mais également des lycéens français, américains et biélorusses, avec qui la CIPR (Commission internationale de protection radiologique) et le programme Ethos organisent des séminaires, leur permettant de publier leurs œuvres dans un journal scientifique international et les mettant en scène lors d'une conférence de presse au Foreign Correspondent's Club of Japan en décembre 2015. Car les soldats de la politique en faveur de la continuité du nucléaire ont bien compris le message concernant les générations futures et n'ont de cesse de les préparer à toujours mieux accepter leur avenir irradié à défaut d'être radieux.

Néanmoins, les habitants ne sont pas dupes, et malgré l'appel du gouvernement au retour à vivre dans les zones contaminées et sa décision de rouvrir la totalité de la zone d'évacuation en mars 2017, les voix s'élèvent. Non moins de 12.539 personnes ont ouvert un procès pour demander des dommages et intérêts, estimés au total à 895 millions d'euros (113 milliards de yens). Cela reste limité si l'on considère les 99.991 réfugiés officiels de l'accident nucléaire dont environ 50.000 à l'intérieur du

département de Fukushima. Parmi eux, 18.322 résident encore dans les logements provisoires, 30.000 habitent des logements du parc privé dont le loyer est pris en charge par l'Etat et 654 personnes vivent dans des logements publics. Tous verront leurs aides au logement prendre fin en mars 2017.

En outre, seuls 10 à 20% de la population du village d'Iitate, classé en zone prioritaire pour la reconstruction de la communauté , prévoient de revenir en cas

d'amélioration de l'environnement. Ce taux est également celui exprimé pour la totalité des communes interrogées. Lors d'un symposium qui s'est tenu à Fukushima le 27 février 2016 sur la question de la possibilité ou non de revenir vivre dans le village, le professeur Imanaka Tetsuji, Professeur en physique nucléaire à l'Institut de recherche sur les réacteurs nucléaires de l'Université de Kyoto, estimait que malgré une baisse naturelle du taux de contamination environnemental, celui-ci est encore par endroit 10 à 20 fois supérieur au taux d'avant l'accident. Selon lui, la politique du refuge reste d'actualité, d'autant qu'il est totalement impossible d'enlever la contamination des montagnes environnantes. Par ailleurs, M. Masuda Naohiro (directeur en chef de la Commission de la centrale nucléaire de Fukushima) a confirmé le 2 mars 2016, que les trois cœurs des réacteurs

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Le corps, lui, ne ment pas

Du Japon à la France, il n’y a qu’un pas : quand le taux tue

1, 2, et 3 avaient bien fondu et percé les cuves des réacteurs, mais qu'on ne savait pas où ils se trouvaient. Difficile de continuer à rassurer les foules dans un tel contexte.

L'information concernant la multiplication du nombre d'enfants atteints de cancer de la thyroïde est diffusée au rythme des annonces de la commission sanitaire chargée d'effectuer les tests dans l'indifférence internationale la plus complète. Nous en sommes, en février 2016, à 167 enfants de moins de 18 ans atteints d'un cancer de la thyroïde ou suspectés de l'être sur un échantillonnage de 370.000 individus pour un taux naturel de 1 pour 1 million.

Les spécialistes de la commission, dans la contradiction la plus complète, affirment qu'ils ne savent pas, tout en rapportant que l'on ne peut attribuer ces cancers aux radiations. L'argument avancé est le sur-diagnostic, soit le fait qu'un dépistage systématique engendrerait la prise de connaissance du nombre de cancer qui n'aurait pas été connu auparavant. Si ce raisonnement est tenable dans le cas d'un dépistage sur l'ensemble du territoire, il ne peut cependant l'être à partir du moment où l'on ne considère que la population à risque, ce qui est le cas ici, l'enquête sanitaire ne concernant que les habitants de Fukushima. Une étude sérieuse imposerait de généraliser les tests nationalement et sur l'ensemble des classes d'âge, afin de pouvoir effectuer des comparaisons par zone

géographique.

A l'inverse, la commission s'oriente vers une réduction des contrôles estimés trop coûteux. Le professeur Tsuda, épidémiologiste à l'université d'Okayama estime pour sa part qu'il est grand temps de s'alarmer. Lui et son équipe ont repris la totalité des données rassemblées d'octobre 2011 jusqu'en juin 2015. Ils ont mené une étude comparative, publiée dans la revue internationale Epidemiology, prenant en compte la moyenne connue de développement de cancer de la thyroïde sur l'ensemble du Japon par classe d'âge et par année afin de quantifier le rapport de causes à effets entre la pollution engendrée par les isotopes qui se sont répandus dans l'atmosphère après l'explosion de la centrale et l'accroissement du nombre de cancer de la thyroïde chez les enfants de moins de 18 ans dans la région.

La situation japonaise a pour but de prouver au monde que l'on sait gérer une catastrophe nucléaire alors qu'on ne le sait pas. Pour ce faire, les institutions

internationales jouent de tour de prestidigitation via le relèvement des taux de sécurité dits "acceptables" , afin de permettre la réouverture de la zone d'évacuation, au pied d'une centrale dont la déliquescence se poursuit au fil du temps. Ainsi, le Journal Officiel de l'Union

européenne (on notera ici que cela ne concerne pas uniquement le Japon), du 17 janvier 2014 préparait le terrain en annonçant : "Sans préjudice des niveaux de référence fixés pour les doses équivalentes, les niveaux de référence exprimés en dose efficace sont fixés dans l'intervalle de 1 à 20 mSv par an pour les situations d'exposition existantes et de 20 à 100 mSv (aiguë ou annuelle) pour les situations d'exposition d'urgence" (page L13/39 (Annexe I, article 1). Prenant le pas de la CIPR (Commission internationale de protection

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de l'Environnement japonais soutient, dans un rapport d' août 2014, qu'en-deçà de 100 msv/an, il n'y aurait aucune conséquence sur la santé au grand dam des

épidémiologistes, spécialistes de ces questions. A ce rythme, lors d'un prochain accident, on peut prévoir qu'il y aura une diminution considérable de la surface de la zone d'évacuation alors qu'il faudrait l'élargir. Cela permettra de faire chuter encore un peu plus le calcul du coût du risque de l'industrie nucléaire. C'est d'ailleurs ce que prévoit le plan CODIRPA (comité directeur pour la gestion de la phase post – accidentelle) élaboré pour la France par l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) en 2005 dont l'objectif est clair, puisqu'il s'agit de gérer . Pourtant, cette même Agence tire aujourd'hui la sonnette d'alarme. L'allongement de la durée de vie d'un parc nucléaire français déjà vétuste laisse le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, extrêmement prudent. Il a déclaré récemment, qu'il faut "imaginer qu'un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe"…

Expression empruntée à Günther Anders, , ouvrage paru en 2005, texte rédigé en 1959.

Déclaration du Dr Kumagai Tomohiro lors d'un séminaire de l'ICRP sur l'éthique organisé à Fukushima en juin 2015. Ancienne habitante d'Iitate, 42 ans (entretien à

Fukushima, février 2016)

Journal Asahi Shinbun, 6 mars 2016 Journal Mainichi, 8 janvier 2016

Cécile Asanuma-Brice vit au Japon depuis 2001. Directement confrontée à l'explosion de la centrale nucléaire de Fukushima en mars 2011, elle a orienté la totalité de ses recherches sur les questions relatives à la gestion de la protection de la population dans le cadre des catastrophes nucléaires. Se rendant chaque mois à Fukushima, elle a pu observer la mise en place de politiques de gestion du désastre qui l'ont amené à réaliser la nécessité d'éveiller les esprits sur ce qui se passe au Japon maintenant, et qui pourrait bien être à l'image de la France de demain.

DIAPORAMA. Les images marquantes de la catastrophe nucléaire de Fukushima

JAPON NUCLÉAIRE FUKUSHIMA FUKUSHIMA-DAIICHI

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Références

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