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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Éducation scientiflque et développement du Jugement religieux : dissonance ou harmonie ?

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EDUCATION SCIENTIFIQUE ET DEVELOPPEMENT DU JUGEMENT RELIGIEUX DISSONANCE OU HARMONIE ?

K.H. REICH A. BUCHER

Mots clés Dissonance cognitive - Psychologie du développement, Enseignement des sciences.

Résumé :

Lors d'une étude empirique à Fribourg, nous nous sommes aperçu que certains adolescents souffrent d'une dissonance cognitive provenant d'enseignements discordants d'une part en religion et d'autre part en sciences, alors que d'autres adolescents rejettent leurs vues religieuses antérieures sous l'impact de l'éducation scientifique, et qu'un troisième groupe en revanche "intègre" les deux enseignemts en saississant leur complémentarité.

Une deuxième étude a permis de mettre en relief certains des mécanismes qui semblent amener une personne donnée dans le premier, le deuxième ou le troisième groupe. En conclusion, de premières suggestions pour l'enseignement sont présentées. Elles sont basées sur l'importance de bien saisir la notion de complémentarité : sur le plan de la moti-vation, elle stimule la recherche d'une "intégration" d'explications apparemment incompatibles, sur le plan de la logique, elle rend une telle "intégration" admissible.

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1. INTRODUCTION

Depuis trois ans, nous explorons le développement de l'image du monde chez l'enfant et chez l'adolescent. Nous avons constaté le problème suivant chez certains élèves: Ce qu' ils ont appris par l'enseignement religieux et les informations données par les maftres des sciences ne concordent pas. Un extrait d'interview concernant la question de l'origi-ne du monde illustre cette problématique:

"A l'école, j'ai appris qu'une explosion est A l'origine du monde. Et selon la catéchèse, c'était Dieu qui avait fait le monde. Je ne sais plus ce qu'il faut penser maintenant." En revanche, la même question ne crée pas de difficulté A un autre sujet:

"Le discours de la théorie physique sur l'origine du monde n'est pas en contradiction avec une image religieuse du monde. Tous les deux sont des modèles de son origine." De toute évidence, ce jeune homme est capable de coordonner deux théories différentes con-cernant le méme phénomène. Ou, alJtrementdit, il sait penser en termes de complémentarité. Pour explorer le développement de cette aptitude, nous avons réalisé une étude empirique. 2. COMPLEMENTARITE - QU'EST-CE QUE C'EST?

Nous avons opérationnalisé une présentation du concept de complémentarité plus étendue que celle des physiciens qui se définit comme suit: C'est la mise en relation de deux possibi-1ités di fférentes, mais nécessaires toutes deux, pour exp] iquer le même phénomène. Deux théories complémentaires sont compatibles, puisqu'elles se réfèrent au méme phénomène. Elles s'excluent, parce que elles ne peuvent être appliquées en même temps. l'exemple clas-sique est celui de la lumière, décrite soit comme particule, soit comme onde.

Pour notre enquête, nous posons: Deux théories expliquent le même état de chpse de manière différente. Pour interpréter en profondeur et de manière satisfaisante le phénomène, il faut coordonner ces théories. L'objet de notre étude, c'est donc le développement y-relatif. le phénomène étudié peut être aussi bien du domaine scientifique ou technique que du do-maine historique ou sociologique, ou encore du dodo-maine philosophique ou religieux. 3. LA METHODE

Nous avons interviewé 25 personnes, âgées de 6 â 66 ans, sur 9 évènements (items) que cha-que fois deux "théories" di fférentes (A et B) prétendent expl icha-quer:

1) La performance d'une pianiste s'explique par:

A. héritage d'un don musical; B. un entraînement intensif.

2) L'évincement du style roman par le gothique au moyen âge a été provoqué par: A. des raisons économiques; B. un changement des sentiments religieux.

3) Les prévisions météorologiques:

A. sont sûres; B. ne sont pas une source autorisée pour prendre des décisions. 4) l'obésité d'un élève est causé par:

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5) La guérison d'une fille néphrêtique peut être assurée par: A. un chirurgien; B. un guérisseur utilisant des moyens naturels. 6) L'être humain est:

A. un conglomérat de cellules, comparable il une machine; B. l'instrument de l'âme. 7) La chute fatale d'un planeur est provoqué par:

A. des causes soit techniques, soit naturelles; B. le destin. 8) L'empêchement d'un accident de voiture prévisible est causé par: A. un hasard; B. la Providence divine.

9) L'origine du monde est expliqué par:

A. la théorie du "Big Bang"l B. l'acte créateur de Dieu (interprétation biblique). Aprês la présentation de chaque événement, nous avons posé les questions suivantes: Qui a raison, A ou B? Et pourquoi? Si A a raison, cela veut-il dire que B a tort? Pourquoi? Est-ce qu'il y a une relation entre A et B? Si tel est le cas: Comment la charact~riser? Cornn~ntle sais-tu? Ces questions visaient donc ildécou~rirla structure du nenser. 4. EXTRAITS TYPIQUES DES INTERVIEWS ET LEUR ANALYSE

En analysant les interviews, nous avons constaté que la capacité de penser en termes de complémentarité est sujette~un développement. c'est-ii-dire que l'enfant doit construire cet-te faculté au cours de son développement cognitif général ii force d'analyser des théories différentes sur le même objet et de se rendre compte de l'effet de ces analyses sur l'orga-nisation de son mode de penser. Au stade présent de l'étude. nous préconisons 5 étapes~

ce développement. qui sont illustrées par des extraits typiques des interviews sur le No 6: Theo (8 ans): "Qui a raison? - A. car l'hollllll! est une machine. - Pourquoi? - C'est diffici-lè de l'expliquer. J'ai ça dans la tête. Dieu le Père me l'a mis dans la tête. Lui. il sait flrouver 1a vérité. Les hommes trouvent la vérité au fur et ~ mesure. car Dieu, il ne leur dit pas tout ~ leur naissance."

Ce garçon n'est pas encore capable de réunir A et B; sa tendance est alternative, et ses raisons sont externes: Dieu est la source des connaissances vraies.

Klara (14 ans): "A a raison, car tous les organismes consistent en cellules. Ça doit foncti-onner tout seul. Mais B est aussi juste. Peut-être que B a encore plus raison. A joue un rôle pour la construction de 1'homme. B pour ce que 1'homne fait et ce qui se passe en lui. - Conment sais-tu tout cela? - C'est diffile ~ dire. - Tu le penses simplement? - Oui." Klara s'efforce de voir les choses plus ouvertement, mais son argumentation reste encore

tr~s incertaine. Elle essaie de transformer les arguments externes, mais elle ne sait pas encore formuler clairement le processus de coordination.

Carole (16 ans): "A, nous l'avons déjà appris à l'école, ça marche automatiquement, mais moi-même, je préfère B et je crois que chaque personne décide elle-même comment va la vie. Le conglomérat de cellules ne peut pas décider ce qu'il faut faire dans des situations dif-férentes. C'est l'affaire du sujet lui-même. - Pourquoi? - Je pense tout simplement comme ça. Je ne suis pas tout ~ fait sure, mais à mon avis, tout ça ne peut pas être complètement prédéternliné. D'une manière ou d'une autre. A est en rapport avec B, c'est certain. Et peut-être que ça fonctionne comme ça. Mais après, l'âme dit quel que chose de différent. et ça se dél"oule autrement. Tous les deux (A et B) agissent ensemble. mais l'âme a la prééminence." Carole se demande si aussi bien A que B sont nécessaires à une explication complète du phé-nomène et elle examine leur relation. Sa réflexion personelle joue un rôle três important.

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Rudi (étudiant, 25 ans): "Naturellement, A n'a pas complètement raison, car A n'explique pas tout. Evidemment, l'homme est composé de cellules, mais ça n'explique pas l'homme dans sa totalité. Alors, je suis d'accord avec B. Mais je ne dirais pas que c'est le plus impor-tant. L'âme sans corps ne peut pas choisir et décider librement. C'est une relation d'inter-dépendance: l'un ne peut pas exister sans l'autre. L'homme, fabrique de produits chimiques, cette explication ne suffit pas .•. Je sais ça par la lecture, et j'ai réfléchi. Quelques au-teurs s'en sont occupé. Mais il est difficile d'en faire la preuve, je ne saurais pas convnent'~

Le sujet a aussitôt réuni A et B, et il met l'accent sur le fait que ni A ni B n'a complète-ment raison. On a besoin d'A et de B pour expliquer suffisamcomplète-ment la nature de l'homme. Reto (physicien, 66 ans): Je perçois le conglomérat de cellules et l'âme comnre deux aspects complémentaires d'une entité compliquée, dont nous ne saurons jamais saisir toute la vérité. Un dé rouI ement automatique, c'est complètement faux. C'est un déroulement cybernétique bouc1 é qui est exceptionnellement compliqué. Parfois, je l'influence, mais ce qui m'y a déterminé, je ne le sais pas. Je ne sais pas non plus comment on skie, mais j'en suis capable." Déjà au début de sa réponse, Reto examine les deux explications conm~ les deux aspects com-plémentaires d'un n~me état de choses. Parce que cela dépasse (encore?) le savoir humain, il ne construit pas une supertheorie généralisée. Mais il en indique quelques éléments visant aussi ~ démontrer d'une manlêre scientifique pourquoi une théorie isolée de l'autre théorie ne peut pas être vraie. Son argumentation bénéficie de ses connaissances et de sa réflexion. 5. LES 5 ETAPES DU DEVELOPPEMENT DU PENSER EN TERMES DE COMPLEMENTARITE

Aprés l'examen des 225 jeux de réponses sur les évênements, nous avons essayé d'en tirerd~s

généralités. Pour le moment, nous discernons 5 étapes dans le développement du penser en termes de complémentarité. Par ailleurs, nous n'avons pas voulu utiliser le terme stade, car nous ne savons pas encore dans quelle mesure un mécanisme~ la Piaget expl ique le tout. A la première étape, les sujets examinent isolément A ou B, c'est-~-dire: A est juste et B a tort ou l'inverse. La tendance est A l'alternative, et la justification des réponses est externe. P.ex.: "Maman l'a dit", ou "Je l'ai appris

a

l'école".

A la deuxième étape, on examine la possibilité que les deux explications soient justes. A a raison, mais B est peut-être aussi vrai. La justification se fait par des argunœnts repris d'autres personnes, mais formulés indépendamment.

A la troisième étape on examine la nécessité (et non plus la possibilité comme Ala deuxième borne) d'utiliser les deux théories pour expliquer de manière satisfaisante le phénomène en question. Ni A seul ni B seul n'a raison, on a besoin des deux. La justi fication se fait par des expériences et des arguments personnels, qui peuvent être généralisés.

A la quatrième étape, les sujets réunissent aussitôt les deux explications, et ils sont ca-pables d'expliquer la relation entre les deux. P.ex.: B ne peut pas exister sans A, ou B rend possible d'exploiter A, etc. Justification par des chaines d'arguments internes et (ou) externes.

A la cinquième étape, les sujets savent normalement construire une superthéorie généralisée pour expliquer le phénon~ne,d'où ressort le rôle complémentaire des deux théories

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différen-tes. Justification par une argumentation scientifique, soutenue par l'expérience et la ré-flexion personnelles, ainsi que par le rêsultat de discussions avec des experts.

6. LES RESULTATS

La fig.l montre qu'une correspondance existe entre les étapes et l'âge des sujets interview-és. Les él~ves de l'école primaire (7 ~ 11 ans) se trouvent sans exception aux deux

premi-~res étapes. Lors de la i'réadolescence (11 il 14 ans) , le développement s'accél~re, pour ra-lentir chez les adultes. La figure montre aussi que le développement n'est pas terminé lors-que les sujets parviennent au stade des opérations formelles selon Piaget -lors-question Asuivre.

66 29 25 27 23 21 15 17 19 13 11 9

-~.li JI X X f---~- - - . - f-I••

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II III IV

Fig. 1: Correspondance entre les étapes du développement du penser en termes de complémentarité 1àV et l'âge des sujets (années) pour l'interview No 6 (l'être humain)

Nous avons vérifié cette tendance du développement pour presque tous les événements, excepté les trois derniers, 'lui traitent de la relation entre la matiere et une entité ultime (Dieu. destin. etc.). Certains sujets ont mis en doute l'existence de ces entités, d'autres en sont tellement surs qu'ils ne se posent plus de questions. Comme conséquence, dans leur raisonne-ment sur la relation entre A et B. ni les uns ni les autres n'ont appliqué leur potentiel il

penser en termes de complémentarité.

Nous sommes conscients de ce que les "théories" des No 7il 9 ne sont pas fatalement recon-nues conltle complémentaires. même pas par des "experts". Tel est néanmoins le cas pour cer-tains sujets. CO~fie le jeune homme cité dans l'Introduction. Nous ne pouvons pas développer nos arguments ici. faute de place. Disons simplement que nous concevons une complémentarité. si religion ou religiosité n'est pas comprise co~ le transfert. respectivement l

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'accepta-tion aveugle d'un système dogmatique. mais la reconstruc'accepta-tion individuelle de par une inter-rogation existentielle concernant la question (transcendante) du sens et de la cause de l' étre et de j'existence. Nous pensons que les sujets qui traitent les événements No 7

a

9

COlJJn'C les événements No 1

a

6 ont cette attitude.

Quant au groupe d'âge des 6

a

10 ans. les resultats les moins bons (étape 1) ont été o~tenus pour la pianiste (No 1) ainsi que pour l'origine du monde (No 9), et le meilleur resultat (étape Il) pour la guérison (No 5). Est-ce un reflet de l'état du développement de notre société (occidentale) ? Peut-on donc stimuler ce développement chez les enfants?

Les différences indiquées s'atténuent pour le groupe d'âge des 11 â 15 ans et disparaissent prat i quellient au-delà (toujours exception fa i te des sujets qui n'admettent pas 1a campI émen-tarité pour les No 7 à g). En fait. cette uniformité. cette transituationnalitéintra-sujet et inter-sujets nous a surpris. Ni le domaine du savoir, ni la relation particuliêre entre A et B (les deux soit s'additionnent, soit sont "identi1ues" puisqu'analogiques. soit ne se rapportent pas exactement au même objet. soit expliquent respectivement le court et le long terme. soit sont complémentaires au sens strict, ecL), ni la nature particul iêre de A ou de B (description soit d'une structure, soit d'un processus ou d'un déroulement, moti-vation d'une action humaine, explication d'une relation de cause à effet, interprétation d' ,,"e final ité, etc.) ne semblent influencer de manière marquée les résultats (voir les sta-tistiques détaillées dans la version complète de ce rapport). Serait-ce une expression de nutre désir inné de reconnaître â travers les variations particul ières ce qui "colle" à la réalité, de saisir la vérité dans toute circonstance?

7. QUELQUES SUGGESTIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES

Nous vivons dans une société où la division du travail est poussée três loin et où par con-séquent les conceptions, les normes, les attitudes. les croyances varient énormément. Si l' on définit le but central de l'école et de l'enseignement comme la tâche de familiariser les jeunes avec cette société pluraliste, il convient d'activer aussi la faculté du penser en termes de complémentarité. Jean Charon va même plus loin: "Quand le comportement ration-nel veut encore approfondir sa représentation du monde extérieur ou du monde intérieur •..il

fait appel à deux formes de logique (complémentaires); ces logiques se nonment la Raison (logique de groupe) et l'Intuition (logique booléenne. qui suppose dês le départ qu'une cho-se est à la fois ce qu'elle est et son 'complément' au Tout)".

Dans l'enseignement des sciences, il faut donc faire preuve de tolérance envers d'autres disciplines qui expliquent la réalité d'une autre manière. surtout dans le domaine des émo-tions et sentiments humains, sans même parler du sens de la vie - et inversément. Par exem-ple, lorsque les observations sur la nature de la lumière sont expl iquées en termes de com-plémentarité, ne pourrait-on pas indiquer d'autres phénomènes susceptibles d'êtres mieux compris dans une telle optique, tels que "justice et sol idarité" ."société et individu". Yin et Yang? Dans ce cas, si du côté de l'enseignement religieux on fait de même. la réponse à notre question-titre est: HARMONIE.

Figure

Fig. 1: Correspondance entre les étapes du développement du penser en termes de complémentarité 1 à V et l'âge des sujets (années) pour l'interview No 6 (l'être humain)

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