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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Bien dans son corps dès sa naissance

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

BIEN DANS SON CORPS DÈS LA NAISSANCE

Georgette GILLET-POLIS, Ivan GILLET École des Parents de Liège

MOTS-CLÉS : COMPÉTENCE – PLAISIR – MOTIVATION – AUTONOMIE – RESPECT

RÉSUMÉ : De la naissance aux premiers pas, l’être humain apprend tout le temps en jouant avec son corps. Quand un bébé se met debout par lui-même pour la première fois, il découvre avec joie sa capacité de développement et le vécu de sa propre compétence. Comment respecter ce processus personnel d’apprentissage ? Comment préserver cette motivation pour la suite de sa vie ?

ABSTRACT : From birth to the first steps the human being is learning all the time while playing with his body. When a baby is standing up on his own for the first time, he feels joyful in discovering his development capacity and experiencing his own skill. How can we respect this personal process of learning ? How can we save this motivation for his following life ?

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1. INTRODUCTION

« L’Institut méthodologique Pikler-Loczy » a été fondé en 1946 à Budapest par la pédiatre hongroise Emmi PIKLER pour les soins et l’éducation des orphelins en bas âge. Nous connaissons cet Institut, par un livre, depuis 1951, et nous l’avons visité il y a une dizaine d’années. Dans cet Institut, les bébés sont « bien dans leur corps ». En effet, ils se meuvent en liberté sur le sol. Dans ce milieu de vie, ils découvrent l’harmonie, la sécurité, le calme, le bien et le beau ; ils grandissent à côté de l’adulte attentif et partenaire.

Lors de l’atelier de Chamonix, nous avons proposé aux participants d’être observateurs des bébés dans un film de l’Institut Pikler-Loczy et de prendre plaisir en voyant la souplesse des mouvements des enfants qui vivent à la pouponnière.

Les soins et les repas sont des moments de bonheur où chacun trouve son compte. Le maître mot à l’institut est qu’il ne faut jamais mettre un bébé dans une position qu’il n’a pas prise par lui-même. Le mot « respect » revient très souvent, que ce soit dans la maison ou pendant la promenade. Une trentaine de bébés vivent là-bas sous l’œil vigilant des puéricultrices, toutes soigneusement formées à l’Institut.

Le cinéma y est très important : les bébés y sont filmés pendant plusieurs séquences qui sont observées en profondeur par les adultes. Les jouets, les vêtements et les espaces sont minutieusement étudiés. Les bébés dorment paisiblement dehors. Chez ces enfants, qui ont subi le traumatisme majeur en perdant leur parents, le bonheur apparaît impressionnant. Lorsque nous avons visité Loczy, Anna Tardos nous a constamment tenu la main et chaque fois que nous entrions dans ces chaleureux espaces, elle demandait à la puéricultrice si nous ne dérangions pas. N’est-ce pas merveilleux ? Que d’émotions…

2. DE LA CONFIANCE À LA COMPÉTENCE

De la naissance aux premiers pas, l’être humain « vit » un apprentissage considérable, intense et continuel. Lorsqu’un enfant se met pour la première fois debout par lui-même, il fait là une des expériences humaines les plus fondamentales : la station debout. Dans cet instant essentiel, le bébé expérimente sa capacité d’évolution et de changement. Il éprouve un plaisir intense lié au résultat et développe sa confiance en lui. C’est le vécu de la compétence, ressenti globalement dans son corps. Mais, avant cela, que d’essais et d’expériences où il acquiert une conscience corporelle exacte de ses possibilités. C’est ainsi que nous avons vu un enfant expérimenter les effets différents d’un même geste selon qu’il saisisse un objet léger et mobile ou un objet lourd et fixe. Dans un cas, c’est

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l’objet qui bouge, dans l’autre, c’est son corps qui se déplace. Cette relation entre la mobilité des objets et les effets de ses efforts semble procurer à l’enfant une expérience vécue qu’il apprécie beaucoup.

Que devons-nous faire pour que nos bébés puissent vivre de manière heureuse tous ces apprentissages vers la station debout harmonieuse ? Que devons-nous faire aussi pour que ce plaisir d’apprendre se retrouve tout au long de la vie et entretienne ainsi la motivation ? Enfin comment s’y prennent les bébés, car ils ne jouent pas pour apprendre, mais ils apprennent en jouant ?

À l’« École des Parents de Liège », dans notre travail avec les jeunes parents, nous nous inspirons de l’approche éducative d’Emmi Pikler. Son attitude est basée sur le fait que chaque enfant a, en lui, les possibilités de croissance qui vont lui faire parcourir les différentes étapes de son développement moteur de manière harmonieuse. Ceci, de sa « propre initiative » sans avoir besoin de l’intervention directe de l’adulte.

Dès le début, le nourrisson est posé sur le dos, la colonne vertébrale au repos ; cela, aussi longtemps qu’il ne peut pas, de lui-même, prendre

une autre position. Ainsi au départ du sol ferme, son premier repère, il expérimente différents gestes à partir des bras, des épaules, de la tête et des jambes. Avec ses mains, il manipule des jouets simples à sa disposition. Ce sont les « p e t i t s mouvements intermédiaires » et, spontanément, en jouant avec son corps il s’entraîne sans se forcer. Il prend appui sur le sol et, de l’intérieur il se sent, il découvre et crée une variété infinie de mouvements qui deviennent toujours plus coordonnés jusqu’à ce qu’il arrive à se retourner sur le ventre par lui-même. L’acquisition de ce premier « grand mouvement » dure plusieurs mois. Le

bébé a ensuite plaisir à se rouler ainsi sur le sol pendant de longues semaines. De même que ses muscles, l’image de son schéma corporel se développe. Il faut respecter tout le temps du jeu au sol, c’est l’intégration harmonieuse globale de ce qu’il vient d’apprendre. Cette joie du mouvement va le conduire vers d’autres acquisitions. La motivation grandit en lui.

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L’enfant se déplace alors en glissant, en rampant, puis il se met à quatre pattes, il a des contacts différenciés avec le sol, avec les limites extérieures qu’il apprend ainsi par lui-même à évaluer et intégrer, c’est le début de l’autonomie. De plus en plus, son tronc quitte le sol et, en se soutenant avec ses bras et ses jambes, selon sa propre commodité, il

expérimente diverses positions semi assises. Il s’agrippe ensuite aux barreaux de son grand parc pour se hisser plus haut ; il se passera beaucoup de temps, des mois d’exercices avant qu’il se mette « debout tout seul ». C’est alors fabuleux, disent certaines mères de voir la joie de l’enfant qui fait ses premiers pas.

Pourquoi y a-t-il tant de joie ? Nous pensons que c’est

parce que l’enfant sent sa force d’évolution et qu’il éprouve le sentiment de sa propre valeur qui est lié au résultat. Il sait entreprendre un mouvement essentiel, comme ses parents, mais de sa propre initiative. De plus, grâce à l’entraînement qui a précédé, il a la possibilité de revenir par lui-même, à la position initiale s’il en a envie ou s’il est fatigué. Spontanément, il évitera les gestes qui pourraient, de l’intérieur, lui faire mal. Il peut compter sur lui et éprouver joie de se mouvoir de manière autonome.

Nous voulons insister sur l’expérience précoce de la compétence. Ce vécu peut avoir une influence considérable sur le développement futur de la personnalité et sur tous les apprentissages ultérieurs. Les bébés qui n’ont pas découvert la station debout à leur rythme et par eux-mêmes ont été quelque part « exclus » d’une expérience humaine fondamentale.

3. RÔLE DE L’ADULTE

Pour respecter toute cette richesse l’attitude de l’adulte est primordiale. L’adulte est présent, il regarde, écoute et découvre… Il apprécie l’activité autonome de l’enfant et partage avec lui son plaisir. Le bébé vit la confiance réciproque et il est « reconnu » dans ses capacités. C’est la vraie valorisation qui facilite le développement…

Concrètement, dans la vie de tous le jours, que faire ou ne pas faire ?

• Il faut que le bébé ait, dans un espace de sécurité, plus de place que nécessaire pour l’amplitude de ses mouvements.

• Jamais il ne faut mettre un bébé dans une position qu’il n’a pas acquise par lui-même. Par exemple, si nous asseyons un enfant avant qu’il ne soit capable de le faire, nous l’empêchons de saisir de l’intérieur la liaison entre l’acte (mouvement) et l’effet (être assis). Si son corps n’est pas

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prêt, il sentira des tensions corporelles. La motivation à s’asseoir se perdra car il va dépendre de l’adulte pour le faire. Il n’y a plus d’apprentissage harmonieux.

• Il est très important de respecter le rythme de progression du bébé. Certains sont rapides, d’autres plus lents mais tous y arrivent. L’essentiel n’est pas d’être en avance, l’essentiel est d’y arriver avec aisance et plaisir. • Quand un bébé est occupé à se mouvoir, à jouer, essayons de ne pas l’interrompre. Il expérimente, il est concentré, il se donne entièrement dans l’instant. Trop de jouets et des interruptions fréquentes favorisent la dispersion.

• Laisser l’enfant terminer ce qu’il a entrepris : lorsque l’on voit un bébé qui arrive presque à se retourner ou se mettre debout sans appui, c’est une grande tentation de donner le petit coup de pouce final. Il faut savoir que nous

lui « volons » alors le vécu de la compétence et le plaisir d’apprendre et de réussir.

• Favoriser toute situation où le bébé peut exercer ses aptitudes et son autonomie : il s’agit de l’environnement de l’enfant. Si nous utilisons, par exemple, le « relax » pour bébé, celui-ci ne peut plus se mouvoir en liberté et il n’y a plus d’occasion d’apprentissage. De plus, une habitude de dépendance va s’instaurer puisque c’est l’adulte qui doit alors ramasser les jouets. Les « objets pour bébé » ne sont pas toujours « bénéfiques pour votre enfant » attention à la publicité du marché de la petite enfance ! Un aménagement adéquat de l’espace est donc souhaitable. Une réflexion sur le rôle du jouet dans le jeu est également nécessaire. L’enfant doit pouvoir jouer et inventer avec les jouets : blocs de bois, tissus et tout ce que la nature offre à tous les sens : cailloux, sable, terre, feuilles, eau, etc… Maintenant, beaucoup de jouets pour l’enfant spectateur (jouets à remonter ou à piles).

• Il faut parler à l’enfant, lui dire ce que nous sommes en train de faire et l’en avertir. Dès la naissance, les mots accompagneront de manière cohérente la communication non verbale sentie par le bébé. C’est comme cela qu’il apprendra à parler et à parler VRAI. Il reconnaîtra ainsi, même sans les voir parfois, la présence et la voix sécurisantes de ses proches.

Enfin, la relation affective entre le bébé et l’adulte, avec la tendresse, les contacts et les caresses, alimente ce processus de croissance. Mais cette relation sera particulièrement authentique et valorisante si l’adulte émerveillé par les capacités de l’enfant le lui exprime d’une manière ou d’une autre…

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4. CONCLUSION

Il est essentiel d’insister ici sur l’importance fondamentale du lien qu’il peut y avoir entre ce que vit le bébé dès sa naissance et la qualité de son développement ultérieur.

Le plaisir vécu d’apprendre à son propre rythme, et de réussir, l’expérience précoce de la compétence et de l’autonomie ; tout cela est de nature à promouvoir, chez l’enfant qui grandit, la motivation à apprendre, à expérimenter et à se construire, par lui-même une culture qui lui permettra de comprendre le monde dans lequel il vit et d’agir en citoyen responsable face aux défis planétaires auxquels l’humanité doit faire face actuellement.

BIBLIOGRAPHIE

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Références

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