• Aucun résultat trouvé

La mobilité pendulaire interurbaine en France face aux enjeux du changement climatique : caractérisation socioéconomique, analyse spatiale et potentiels de report modal

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La mobilité pendulaire interurbaine en France face aux enjeux du changement climatique : caractérisation socioéconomique, analyse spatiale et potentiels de report modal"

Copied!
389
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01524369

https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01524369

Submitted on 18 May 2017

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

enjeux du changement climatique : caractérisation

socioéconomique, analyse spatiale et potentiels de report

modal

Benoit Conti

To cite this version:

Benoit Conti. La mobilité pendulaire interurbaine en France face aux enjeux du changement cli-matique : caractérisation socioéconomique, analyse spatiale et potentiels de report modal. Archi-tecture, aménagement de l’espace. Université Paris-Est, 2016. Français. �NNT : 2016PESC1174�. �tel-01524369�

(2)

Thèse de doctorat de l’Université Paris Est Aménagement de l’espace et urbanisme

-

École doctorale Ville, Transports et Territoires Laboratoire Ville Mobilité Transport

Benoit CONTI

La mobilité pendulaire interurbaine en France face aux enjeux du

changement climatique : caractérisation socioéconomique, analyse

spatiale et potentiels de report modal

Thèse dirigée par Anne AGUILÉRA, et encadrée par Florent LE NÉCHET

Soutenue publiquement le 7 décembre 2016 Jury : Anne AGUILÉRA, Chercheur HDR en aménagement, IFSTTAR, directrice de thèse. Sandrine BERROIR,

Maître de conférences en géographie, Université Paris-Diderot,

examinatrice.

Xavier DESJARDINS,

Professeur des universités en aménagement de l’espace, urbanisme, Université Paris-Sorbonne,

rapporteur.

Florent LE NÉCHET,

Maître de conférences en aménagement de l'espace, urbanisme, Université Paris-Est Marne-la-Vallée,

encadrant de thèse.

Catherine MORENCY,

Professeure titulaire,

École polytechnique de Montréal,

rapporteure.

Thomas THÉVENIN,

Professeur des universités en géographie, Université de Bourgogne,

(3)
(4)

En premier lieu, mes remerciements s’adressent à Anne Aguiléra et Florent Le Néchet pour avoir dirigé et encadré cette thèse. Merci de la confiance et de la liberté que vous m’avez accordées durant ces quatre années qui m’ont permis de faire évoluer le sujet de cette thèse. Merci pour votre soutien et votre disponibilité, j’ai eu beaucoup de plaisir à réaliser cette thèse avec vous. Et au-delà de l’encadrement, j’ai en plus eu la chance de voir Florent dessiner la thèse au fur et à mesure de sa conception et d’apprendre quelques pas de danse avec Anne !

Merci à Catherine Morency et Xavier Desjardins d’avoir accepté d’être rapporteurs, ainsi qu’à Sandrine Berroir et Thomas Thévenin d’avoir bien voulu participer à ce jury. Je remercie également Xavier Desjardins et Sandrine Berroir pour avoir assisté à un comité de thèse qui a confirmé les orientations de cette recherche.

Merci également à certaines personnes et institutions qui ont rendu possible ce travail : à l’IFSTTAR pour son financement durant les trois premières années de thèse (2012-2015) au sein du Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT) ; à l’Université de Cergy-Pontoise et en particulier au département GLT de l’IUT d’Argenteuil pour m’avoir accueilli dans son équipe depuis 2015. Merci en particulier à Florence Pirard et Virgnie Augereau pour leur accueil chaleureux et leurs conseils. Merci à plusieurs enseignants-chercheurs qui m’ont aiguillé durant mon parcours universitaire au sein de l’Université de Marne-la-Vallée. Merci Matthieu Delage, Armelle Choplin, Karine Marot, Emre Korsu et Sandrine Wenglenski. Armelle et Matthieu m’ont fait confiance et permis de faire mes premiers pas dans la recherche. Merci !

C’est le moment de remercier les personnes qui m’ont accueilli et accompagner durant ces quatre années au sein du LVMT. Merci à ce laboratoire pour sa diversité et sa richesse disciplinaire ; pour la disponibilité des chercheurs, enseignants et personnels administratifs ; pour son ambiance, sa culture sportive, œnologique, culinaire et festive.

- Merci à la team PUCA pour m’avoir permis de sortir un peu de la thèse de temps en temps et réfléchir sur les « méchants périurbains » : Anne A., Olivier, Monica, Florent, Hélène, Laurent P., Patricia, Vaclav, Laurent T. et Mariane T. ont composé cette équipe.

- Merci à la LVMTeam (association multisport) qui m’aura coûté deux genoux durant ces quatre années mais également permis d’organiser des paris illégaux lors des compétitions internationales de foot. Merci à Emre, Laurent T., Laurent P., Alexis, Yves, Matias, Jeff et Julian avec qui j’ai fait des une-deux bien avant mon transfert pour 3 ans, avec 1 an en option, au LVMT !

(5)

à la responsable du CE, Julie C. Merci à ces quatre personnes qui sont devenues bien plus que des amis pour moi.

- Merci aux doctorants du LVMT pour leur solidarité, leurs conseils, leur écoute qu’ils soient devenus adultes ou non : Virginie, Vincent B., Élisabeth, Étienne, Eloïse, Jeff, Carolina, Clément, François, Cyril, Vincent LB., Julie C., Julie P., Teddy, Manu, Maylis, Mathias, Aude, Matthieu, Shadi et Jean-Baptiste.

- Merci à plusieurs membres du laboratoire pour leur aide tout au long de ce travail, aussi bien technique, lors de mes errances sur TransCAD, R et SAS, que lors de mes moments de questionnement sur le pourquoi du comment des sciences sociales et plus simplement pour leur humour et convivialité au sein du LVMT. Merci à Alexis, Laurent P., Cyril, Vincent LB., Vincent B., Florent, Emre, Sandrine W., Samuel, Jeff, Natalia, Leslie, Mariane, Marianne, Caroline, Laurent T., Philippe, Gwendal, Nicolas, Gaëlle, Sophie et à toute l’équipe qui fait tourner le labo : Pierre, Sophie, Sandrine V., Sandrine F. et Virginie D.

- Merci tout particulier à la dream team de relecteurs que j’ai eu le privilège de mobiliser. Cette thèse n’aurait clairement pas cette forme sans vous : Anne, Florent, Leslie, Mariane, Virginie, Eloïse, Vincent LB., François, Manu, Julie P., Marianne et Benjamin.

Je voudrai remercier encore deux personnes chères à mon cœur, surtout le lundi matin, qui ont eu un rôle crucial pour mon équilibre psychique durant ces quatre années, mes deux cobureaux Julie C. et Mariane. Je suis arrivé en stage et commencé ma thèse au LVMT en même temps que Julie C. avec qui j’ai partagé un bureau mais surtout les débuts de la thèse. Merci à Mariane qui m’a accueilli dans son bureau lors de l’emménagement du labo à Bienvenüe et avec qui j’ai le bonheur de partager un espace de travail, le plus convivial du labo, en toute subjectivité.

Merci à mes amis, Totof, Mag, Viet, Marine, Vincent B., Omar, Alex, Sarah et F-X. pour leur soutien durant ces années universitaires. Merci à toute ma famille. Merci à mes parents qui m’ont laissé une grande liberté, très tôt, dans la conduite de mes études. Merci également à mes deux frères et ma sœur Yanou, Milie et P’tit Flo qui ont toujours été là pour moi. Je crois qu’il est temps d’aller en récré !

Enfin, je voudrai remercier la personne qui a eu un rôle primordial dans cette thèse, en me confrontant à mes idées et en me relisant jusqu’au bout, mais surtout en m’épaulant quotidiennement. Merci Julie P.M.A. pour ton soutien sans faille, ta patience et ton affection.

(6)

Remerciements... 3

Sommaire ... 5

Introduction générale ... 7

Partie I Les actifs interurbains : enjeux de connaissance, enjeux de politiques publiques ... 17

Chapitre 1 Mobilité interurbaine : changer de périmètre pour analyser les déplacements liés au travail ... 21

Chapitre 2 Les actifs interurbains : une diversité de profils et de pratiques de mobilité ... 69

Chapitre 3 Quantification du volume des émissions de CO2 liées aux déplacements domicile-travail des actifs interurbains des aires urbaines grandes et moyennes en France ... 121

Partie II Les déplacements des actifs interurbains : le report modal comme levier de réduction des émissions de CO2... 175

Chapitre 4 Élaboration de scénarios permettant de mesurer des potentiels de report modal des déplacements des actifs interurbains ... 179

Chapitre 5 Potentiels de réduction des émissions de CO2 des déplacements interurbains et conséquences sociales de ces politiques ... 217

Chapitre 6 Les enjeux politiques de la mobilité pendulaire interurbaine : une lecture par la hiérarchie urbaine et les systèmes urbains ... 259

Conclusion générale ... 315

Bibliographie ... 327

Sigles et Acronymes ... 349

Table des matières ... 353

Table des cartes ... 361

Table des figures ... 363

Table des tableaux ... 365

(7)
(8)

« 7 h 09, gare de Joigny1. Le brouillard enveloppe des silhouettes endormies postées

sur le quai. L’inimitable voix de la SNCF [Société Nationale des Chemins de Fer français] vient d’annoncer le train pour Paris. Christelle l’attend, comme chaque matin. Si tout se passe bien, elle sera à son bureau à 8 h 45 et rentrera ce soir à 18 h 49, juste à temps pour aller récupérer sa fille à l’étude. »

L. Noualhat, Libération, 20 février 2014. Christelle vit et travaille dans deux communes différentes, comme deux personnes sur trois ayant un emploi en France en 2013 (Coudène, Levy, 2016). Toutefois, son déplacement est différent de ceux de la plupart des actifs puisqu’en se déplaçant de Joigny à Paris, elle parcourt plus de 150 km en un peu plus d’une heure. Or, cette pratique n’est pas celle de la majorité des actifs en France qui travaillent dans une commune d’emploi plus proche de leur domicile (Floch, Lévy, 2011). En effet, en France, la portée moyenne d’un déplacement pendulaire entre le lieu de résidence et d’emploi, d’après la dernière Enquête nationale transport et déplacement (ENTD) menée en 2008, est de 15 km et d’une durée moyenne de 23 min (François, 2010). Les recherches sur la mobilité domicile-travail ont démontré que ces déplacements pendulaires s’organisent principalement autour d’un pôle d’emploi, le plus souvent situé dans le cœur des plus grandes villes2 (Baccaïni, 1996 ; Boulahbal, 2001 ; Aguiléra, Mignot, 2002 ; Le Breton, 2008 ; Aguiléra,

Mignot, 2011). Ainsi, les communes de résidence des actifs ne sont pas toujours connectées physiquement à ces grandes villes et peuvent être situées en dehors du tissu urbain aggloméré. L’usage de la notion d’espace fonctionnel, pour définir des périmètres incluant ces zones liées par les déplacements des actifs bien que déconnectées physiquement des villes-centres et de la banlieue, est peu à peu préféré au terme de ville (Bruneau, 1998 ; Newman, Kenworthy, 2000 ; Villeneuve et al., 2005 ; Terral, Shearmur, 2008 ; Orfeuil, 2008). L’espace fonctionnel peut alors être entendu comme le périmètre cohérent d’étude de l’ensemble des déplacements organisés autour d’un ou plusieurs pôles d’emploi. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) propose la notion de « Functional Urban Areas » pour étudier ces espaces fonctionnels alors qu’en France, l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études

1 Joigny est une commune française située dans le département de l’Yonne, en région Bourgogne-Franche-Comté et

située au sud-est de Paris, à plus de 150 km en voiture (source : https://maps.google.com/).

2 En France, une ville est statistiquement définie par « la notion d’unité urbaine [qui] repose sur la continuité du bâti

et le nombre d’habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ». Site de l’INSEE :

(9)

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/unite-Économiques) utilise celle d’« Aire urbaine ». Cette dernière est un périmètre statistique largement utilisé en France. Les recherches sur la mobilité domicile-travail se concentrent, pour une très large majorité, sur les déplacements dont l’origine et la destination sont contenues dans ces périmètres. En France, l’étude des déplacements effectués au sein de ces aires urbaines, nommés dans cette thèse « intraurbains », porte notamment sur les liens entre mobilité quotidienne et organisation de l’urbanisation (Mignot, 2007 ; Le Néchet, 2010).

En se déplaçant chaque matin entre l’aire urbaine de Joigny et celle de Paris, Christelle questionne les outils classiques de lecture et d’analyse de la mobilité utilisés par les chercheurs en sciences sociales. Nous parlerons dans cette thèse d’actifs « sortants » pour désigner les actifs qui travaillent en dehors du périmètre de leur aire urbaine de résidence, et d’actifs « interurbains » pour évoquer ceux qui vivent et résident dans deux aires urbaines distinctes. Notre travail sera principalement centré sur les actifs interurbains car ils constituent, nous le verrons, une part importante des actifs sortants et dessinent une forme particulière de lien entre les aires urbaines. Dans quelle mesure cette pratique de mobilité interurbaine est-elle observée en France ? Cette question a été le préambule de cette recherche qui nous a conduits à construire de nouveaux outils d’étude de la mobilité quotidienne afin d’y apporter des éléments de réponse. En faisant cela, nous nous sommes aperçus que certaines pratiques de mobilité interurbaines constituent un angle mort de la recherche, aux enjeux peu identifiés. L’étude de ces déplacements sera l’objet de ce travail de thèse.

Concentrés sur les déplacements au sein des aires urbaines, que nous nommons dans cette thèse intraurbains, beaucoup de travaux de recherches s’intéressent aux facteurs explicatifs à l’origine des grandes caractéristiques des déplacements quotidiens, telles que leur longueur ou le mode de transport utilisé quotidiennement (Gallez, Orfeuil, 1998 ; Orfeuil, 2000 ; Massot, Orfeuil, 2005, Kaufmann, 2005). L’augmentation de l’usage de la voiture individuelle depuis une cinquantaine d’années, en créant une forme de norme d’accessibilité, a provoqué une différence importante entre les automobilistes et ceux qui utilisent d’autres modes de transports (Dupuy, 1995 ; Gallez, Kaufmann, 2009). Des études ont montré que les différences constatées entre les pratiques des individus, en termes de temps et de distance de déplacement et d’usage individuel de la voiture, tiennent principalement de deux éléments : d’une part de choix et contraintes personnels, d’autre part de l’organisation et de la distribution spatiale des lieux de résidence et des différentes activités, en particulier l’emploi (Newman, Kenworthy, 1989 ; Wiel, 1999). La séparation entre d’un côté les espaces des villes-centres, territoires de la marche et des transports collectifs, et de

(10)

l’autre des espaces peu denses et éloignés du centre historique, lieux de l’utilisation de la voiture sur des distances importantes, est alors proposée (Berger, 2004 ; Baccaïni et al., 2009). Si cette division de l’espace est nettement identifiée, elle n’est pas pour autant déterministe dans les usages : certaines personnes vivent dans des espaces éloignés des centres urbains et utilisent les transports collectifs pour leurs déplacements pendulaires lorsqu’ils se rendent dans les centres-villes, en particulier des plus grandes aires urbaines (OMNIL3, 2012 ; Aguiléra et al., 2014a).

Le déplacement des actifs interurbains est différent. Il se rapproche davantage de ce que certains sociologues et géographes appellent la grande mobilité liée au travail, qualitativement différente des déplacements intraurbains (Meissonnier, 2001 ; Öhman, Lindgren, 2003 ; Lanéelle, 2006 ; Beauvais et al., 2007 ; Marion, Horner, 2008 ; Viry et al., 2009 ; Orfeuil, 2010 ; Sandow, Westin, 2010 ; Ravalet et al., 2014). Toutefois, cette grande mobilité n’a pas de définition uniformément adoptée en France ou dans les autres pays. Elle désigne des temps ou des distances domicile-travail particulièrement importantes, au-dessus de la moyenne nationale. En France, ces travaux sont principalement constitués de monographies, et n’ont pas vocation à donner une image représentative à l’échelle nationale. Ils éclairent des traits importants de cette forme de mobilité, et notamment les facteurs explicatifs de l’entrée et du maintien dans la grande mobilité et les modes de vie qui peuvent y être associés. Toutefois, en France, ils se concentrent principalement sur un cas de figure bien précis d’actifs interurbains : ceux qui travaillent dans une très grande ville, Paris, et s’y rendent en train. En effet, le poids de Paris et de sa région est unique en France, rassemblant plus de 18 % de la population, 5,7 millions d’emplois et affichant un produit intérieur brut (PIB) régional représentant 30 % du PIB de la France métropolitaine (Godonou, 2014). L’accessibilité de l’agglomération parisienne, de par la densité du réseau, autoroutier et ferré, et l’importance de l’offre de transport, participe de cet attrait pour la capitale. Mais pour autant les actifs interurbains travaillent-ils majoritairement dans l’aire urbaine de Paris ? Plusieurs recherches en géographie consacrées aux échanges entre villes mobilisent les flux interurbains dans leurs travaux et montrent que ce n’est pas le cas (Aubert et al., 2012 ; Berroir et al., 2012 ; Coutrot et al., 2013 ; Gingembre, Baude, 2014) : des actifs interurbains ont d’autres communes de travail que la capitale. Toutefois, l’objectif de ces études n’est pas de quantifier ce phénomène, mais de comprendre les liens qu’il peut y avoir entre les agglomérations ou les aires urbaines. Dans ces travaux, le mode de transport, l’aspect quotidien du déplacement et l’ensemble des caractéristiques sociodémographiques individuelles de ces interurbains sont moins étudiés. Or, ces éléments participent selon nous à la définition d’une forme particulière de pratique de

(11)

mobilité, insuffisamment explorée compte tenu des enjeux qui lui sont rattachés en matière de connaissance scientifique (profil socioéconomique des actifs et compréhension du système spatial de mobilité à différentes échelles) et d’action publique (contribution aux émissions de GES [Gaz à effet de serre]).

En effet, bien que les études sur les grands mobiles et les actifs interurbains mettent souvent en avant l’usage des transports collectifs en direction de la capitale française, les recherches citées précédemment montrent que Paris n’est pas toujours le lieu de travail des interurbains. Le croisement de ces résultats conduit à s’interroger sur les modes de transport utilisés par ces actifs qui se déplacent à destination d’aires urbaines moins bien desservies par les transports collectifs que la capitale française. Cette question du mode de transport et notamment du poids de l’usage de la voiture dans les pratiques de mobilité des interurbains est importante. En parcourant des distances relativement importantes en automobile, les actifs interurbains seraient émetteurs d’un volume non négligeable de GES, moteur du changement climatique. Or, cette question des émissions est aujourd’hui largement considérée par les acteurs publics à l’échelle internationale, depuis la formulation en 1987 dans le rapport de la Commission Brundtland du concept de développement durable (Brundtland et al., 1987)4 jusqu’aux accords de Paris de 2015, qui fixent

comme objectif de limiter le réchauffement climatique à une hausse maximale de 2 °C d’ici 2100 en réduisant les émissions de GES (ONU, 2015), en passant par les accords du protocole de Kyoto (ONU, 1998) précisant des objectifs pour chaque pays de réduction de ces GES. Aujourd’hui, les chercheurs travaillant sur les questions environnementales liées aux émissions de CO2 se concentrent surtout sur les habitants des espaces périphériques des agglomérations. En

effet, les résidents de ces espaces, nommés les périurbains, ont en moyenne un usage plus important de l’automobile sur des distances également plus longues que les résidents des centres urbains. Ainsi, ils participent de façon importante aux émissions de GES lors de leurs déplacements en regard des actifs vivant dans les communes villes-centres (Desjardins, Llorente, 2009 ; Calvet, 2010 ; Cavailhès, Hilal, 2012).

4 En 1987, le rapport de la Commission Brundtland définit le concept de développement durable comme un

développement qui correspond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Depuis de la conférence de Rio (sur l’Environnement et le Développement) en 1992, le principe de développement durable est acté dans les engagements internationaux (ONU[Organisation des Nations Unies], 1992). La définition se construira autour de trois axes de développement : l’environnement, le social et l’économie. Le développement devant être proposé afin de répondre aux problématiques de ces trois piliers. En 1995, ce concept est élargi afin d’intégrer l’ensemble des aspects relatifs aux solidarités sociales, abordés par le sommet pour le développement social organisé par les Nations Unies à Copenhague.

(12)

L’identification de ces catégories de personnes est un enjeu pour les politiques publiques, car elle permet d’imaginer ou de mettre en place des stratégies visant à diminuer ces émissions. Plusieurs types de politiques sont aujourd’hui proposés par les chercheurs et acteurs de l’aménagement en France, comme favoriser les modes de transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile, limiter l’étalement urbain ou encore promouvoir des solutions technologiques telles que la voiture électrique (Cervero, Kockelman, 1997 ; Newman, Kenworthy, 2000 ; Vincent-Geslin, 2008 ; Windisch, 2013). Dans les mesures qui sont déclinées à partir de ces grandes catégories de politiques publiques, les déplacements des actifs interurbains sont rarement pris en compte, du fait du manque de connaissances ou de l’absence de travaux de quantification ou d’identification de ces actifs. Leur cas peut paraître peu problématique du point de vue des émissions de GES si effectivement ils se déplacent en train, qui est un mode de transport moins émetteur de CO25.

L’analyse des déplacements interurbains devient alors un enjeu double : à la fois de connaissance pour le chercheur afin de déterminer la proportion d’interurbains se déplaçant en automobile, mais également pour l’acteur public qui vise à réduire les émissions liées aux déplacements domicile-travail.

Les actifs intraurbains, soit vivent et travaillent dans l’espace urbain dense du centre-ville ou de la banlieue des villes, soit se déplacent sur de plus longues distances à partir des espaces périurbains. De nombreuses recherches mettent en avant différents profils d’actifs en fonction du type de lieu de résidence et de travail (Van Der Laan, 1998 ; Bertaud, 2004 ; Aguiléra, Mignot, 2011). En fonction de ces deux critères, ces études proposent de comparer les différentes formes d’organisation de l’espace fonctionnel d’une agglomération. Plusieurs termes émergent alors pour qualifier les déplacements intraurbains tels que flux centrifuges, centripètes, internes au centre ou à la périphérie. À ces différents types de flux correspondent différents types de leviers visant à réduire les émissions de CO2 liées aux déplacements pendulaires.

La connaissance, au sein des aires urbaines, des lieux de résidence et de travail des actifs interurbains est également un enjeu de connaissance afin d’être une source de réflexion pour les leviers visant à réduire les émissions de CO2 des déplacements interurbains. Or, les études sur les

interurbains citées précédemment proposent un nouveau type d’espace fonctionnel, les systèmes urbains (Aubert et al., 2012 ; Berroir et al., 2012 ; Coutrot et al., 2013 ; Gingembre, Baude, 2014) : l’aire urbaine est dans ces recherches considérée dans son ensemble, comme un point de départ ou d’arrivée. Elles ne détaillent pas où se situe le lieu de résidence et de travail des interurbains, ni

5 D’après le site de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), basecarbone.fr, une

(13)

dans l’aire urbaine de résidence ni dans celle de travail. Nous ne savons pas si les actifs vivent et travaillent dans les communes du centre des agglomérations, en banlieue ou dans une commune périurbaine. Il nous paraît intéressant d’analyser ces éléments, étudiés par les chercheurs travaillant sur les déplacements intraurbains, pour le cas des déplacements interurbains, dans la perspective de répondre à l’enjeu de territorialisation d’une action publique qui doit définir des mesures finement adaptées aux différentes échelles de territoires.

Les actifs interurbains constituent donc l’objet d’étude principal de cette thèse qui s’inscrit dans la problématique générale du lien entre pratiques de mobilité quotidienne et aménagement de l’espace. L’analyse de la géographie des déplacements pendulaires interurbains à travers le prisme des politiques de transport qui ont pour finalité de réduire les émissions de CO2 liées à ces

déplacements portera notre réflexion. Cette problématique générale est organisée autour de trois grands objectifs, pour lesquels nous chercherons à valider quatre hypothèses de recherche.

(i) Le premier objectif vise la connaissance au niveau national des actifs interurbains et de leurs déplacements domicile-travail. De ces actifs, nous nous attachons à mieux identifier les caractéristiques sociodémographiques individuelles telles que la profession et catégorie socioprofessionnelle, l‘âge, le statut professionnel, la localisation résidentielle, le type de logement ou encore le statut d’occupation. Concernant leurs pratiques de mobilité, nous cherchons à connaître les caractéristiques de déplacement telles que le mode principal utilisé, le temps, la distance, le coût. La mobilisation de bases de données nationales va nous permettre de dresser un portrait plus complet des actifs interurbains en France, de mesurer le poids des déplacements vers Paris, et d’identifier les espaces concernés par ces déplacements (ville-centre, banlieue ou espace périurbain).

(ii) Le deuxième objectif est de mesurer le volume d’émissions de CO2 des déplacements des

actifs interurbains en France. Le choix du mode de transport et la longueur des trajets sont les deux facteurs qui influencent les niveaux d’émissions. L’étude des pratiques de mobilité des interurbains nous permettra, grâce à une méthode originale développée dans cette thèse, de mettre en regard leurs émissions et celles des autres actifs en France. La comparaison avec les actifs périurbains des aires urbaines, surreprésentés dans le volume des émissions par rapport à leur poids dans la population active, constitue un enjeu de connaissance important.

(iii) Le troisième objectif que vise l’étude des déplacements des interurbains découle du résultat obtenu concernant le volume d’émissions de CO2 liées aux déplacements des

(14)

le troisième objectif de cette thèse. Les mesures visant à réduire l’usage de l’automobile sont nombreuses. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons plus particulièrement aux politiques publiques visant à jouer sur le coût et le temps de déplacement des individus et aux conséquences sociales que ces mesures peuvent avoir. Ces deux variables, rendues disponibles grâce à un travail de modélisation, sont en effet souvent mises en avant par les économistes des transports pour expliquer le choix du mode de transport (Crozet, Joly, 2004 ; De Lapparent, 2005).

À partir de ces trois objectifs, nous chercherons à valider quatre hypothèses de recherche :

(1) Nous supposons qu’une diversité importante de profils d’actifs existe, à la fois en ce qui concerne leurs caractéristiques individuelles ainsi qu’en matière de déplacement.

(2) Nous cherchons à mesurer le poids de l’usage de la voiture, que nous estimons être le mode de transport principalement utilisé par les actifs interurbains d’une part, et de ce fait, nous supposons que leur volume d’émissions de CO2 est important par rapport aux intraurbains.

(3) Les politiques et mesures testées visant à réduire les émissions de CO2, pensées aujourd’hui à

différentes échelles, auraient selon nous des impacts différents dans leur capacité à diminuer les émissions des déplacements des interurbains.

(4) Enfin, nous formulons l’hypothèse que le facteur spatial est un élément important de différenciation de ces politiques dans leur capacité, variable, à réduire les émissions de CO2

liées aux déplacements des actifs interurbains : par la localisation des lieux d’emploi et d’habitat au sein des aires urbaines d’une part, et les différents types de lien entre aires urbaines d’autre part.

Cette thèse en aménagement de l’espace repose sur une approche qui est interdisciplinaire en mobilisant des travaux de recherches qui s’inscrivent principalement en aménagement et en géographie, mais également en sociologie et en économie. Elle a la France continentale pour terrain de recherche. L’importance du poids de Paris dans l’économie française, la présence de nombreux sièges sociaux et la taille du périmètre de son aire urbaine en font un cas particulier et un cas d’étude très présent dans la littérature scientifique. Nous quantifierons les actifs interurbains qui y travaillent au niveau national dans une sous-partie du chapitre 2, avant de nous concentrer dans le reste du manuscrit sur tous les autres interurbains des aires urbaines grandes et moyennes en France.

Pour cela, une méthode quantitative a été développée, à partir principalement des fichiers du recensement de la population, afin de valider nos hypothèses. Le cas particulier de ces

(15)

déplacements rend complexe la mobilisation d’enquêtes sur les déplacements quotidiens des Français construites à l’échelle des aires urbaines. De plus, les enquêtes menées au niveau national, telles que l’ENTD que nous avons citée, sont peu représentatives à l’échelle des aires urbaines. Or, c’est ce croisement des échelles d’analyse qui est l’enjeu de notre travail puisqu’il s’agit, d’une part, d’apprécier les liens entre aires urbaines à l’échelle nationale et, d’autre part, d’analyser la localisation des origines et destinations à l’intérieur des aires urbaines. Pour ces raisons, un travail méthodologique important a été initié dans le cadre de cette thèse afin de proposer de nouveaux outils d’étude et d’analyse de la mobilité pendulaire. Au-delà des apports thématiques et théoriques de cette mobilité interurbaine, notre contribution est également méthodologique : (i) constitution d’une base de données nationale à partir des fichiers du recensement de la population permettant de quantifier et caractériser les interurbains ; (ii) croisement des fichiers du recensement et de l’enquête nationale transports et déplacements afin de disposer de nouvelles variables qualifiant la mobilité des interurbains présents dans le recensement ; (iii) création d’un distancier multimodal à l’échelle nationale de commune à commune permettant d’estimer pour chaque déplacement le coût financier, la distance kilométrique, la distance-temps et les émissions de CO2 ; (iv) construction d’un indicateur

permettant de mieux qualifier l’organisation des aires urbaines au sein de systèmes urbains. En plus de ces apports, plusieurs régressions et modélisations sont également mises en œuvre. Tous ces outils d’analyses étant différents pour presque chaque hypothèse que nous souhaitons valider, nous avons fait le choix de revenir, au fil de la démonstration et des hypothèses explorées dans les différents chapitres, sur les méthodes élaborées et les données mobilisées.

La thèse est structurée en deux parties. La première partie est articulée en trois chapitres développant deux enjeux de connaissance des actifs interurbains en France : quantifier et caractériser ces actifs et leurs pratiques de mobilité ; quantifier leur poids dans les émissions de CO2 liées aux déplacements pendulaires par rapport aux autres actifs.

Afin de cerner la place de la mobilité interurbaine dans le champ de recherche des mobilités domicile-travail, le chapitre 1 présente l’évolution de la mobilité quotidienne et en particulier des déplacements liés au travail en France. Avec l’appui d’une revue de la littérature, nous définirons plus spécifiquement la position de notre objet de recherche, les actifs interurbains, par rapport aux recherches sur les modes de vie des actifs grands mobiles et travaux de géographes portants sur les flux entre aires urbaines. Nous reviendrons plus précisément sur les quatre grands enjeux de l’étude de ces déplacements interurbains, et nos hypothèses les concernant.

(16)

Le chapitre 2 a pour principal objectif d’identifier et de caractériser les actifs interurbains. Nous reviendrons tout d’abord sur les travaux qui ont traité des raisons (choix et contraintes) de cette forme de mobilité. Nous présenterons ensuite la méthode nous permettant de quantifier les actifs interurbains, en distinguant ceux qui se déplacent vers la capitale des autres. Les outils développés dans ce chapitre permettront également une qualification de ces actifs à l’échelle nationale par la mobilisation notamment d’un outil de régression. Enfin, nous proposerons une caractérisation spatiale des interurbains en quatre profils en fonction de la localisation de leurs lieux d’emploi et de résidence au sein des aires urbaines.

Les actifs étudiés dans cette thèse apparaissent à la fois comme un enjeu de connaissance des mobilités pendulaires en France, mais également un enjeu de politique publique en raison de leurs pratiques et du volume de leurs déplacements. Le chapitre 3 répond à l’objectif de quantification des émissions de CO2 des déplacements des actifs étudiés. Ce chapitre présente un enjeu

méthodologique important puisqu’il détaille une méthode de calcul des émissions de CO2 des

déplacements domicile-travail. L’originalité de ce travail repose sur l’intégration de données à l’échelle nationale et l’évaluation de différents facteurs pouvant influencer les émissions de CO2

tels que la vitesse de déplacement, le mode de transport utilisé ou la méthode de calcul de la distance choisie. Un autre apport du travail que nous avons développé est de prendre en compte les déplacements des actifs qui utilisent plusieurs modes de transport : ceux qui utilisent leur voiture de leur domicile jusqu’à la gare pour prendre ensuite le train.

Dans une seconde partie plus prospective, nous proposerons de confronter, à partir d’un travail de modélisation et de scénarisation, ces actifs à différents leviers de réduction des émissions de CO2 liées aux déplacements interurbains.

Le chapitre 4 détaille un travail de scénarisation qui a été mis en place afin de tester les conséquences de mesures politiques visant à réduire les émissions de CO2. Le modèle développé

dans le chapitre 3 nous a permis de calculer des variables apportant de nouvelles informations sur les caractéristiques de temps et de coût de déplacements des actifs en France. C’est principalement à partir de ces deux variables que seront élaborés différents scénarios de mise en place de mesures en faveur de la réduction de l’usage de l’automobile et des émissions de CO2.

Le chapitre 5 propose un modèle de choix discret nous permettant d’estimer des perspectives de réduction des émissions de CO2 par le calcul de potentiels de report modal. Par ce modèle, nous

(17)

chapitre 4. Les variables de localisation des logements et des emplois seront mises en avant comme facteurs explicatifs de la disparité de ces effets. Les conséquences sociales, en termes d’impact sur le coût de transport pour les différentes professions et catégories socioprofessionnelles, des mesures politiques proposées seront également étudiées.

Le chapitre 6 propose un changement de l’échelle d’analyse. L’étude de nouveaux périmètres mobilisés dans des analyses géographiques, les systèmes urbains, permet d’approfondir la compréhension et l’étude des déplacements interurbains. Loin de l’image d’actifs se déplaçant sur plus d’une centaine de kilomètres vers Paris, ces déplacements relèvent avant tout d’une logique de proximité et dessinent des systèmes d’interactions fortes au sein des villes françaises. La confrontation de ces nouveaux périmètres fonctionnels avec ceux du découpage institutionnel français permettra de faire émerger le rôle que peuvent tenir les différentes collectivités territoriales dans la mise en place des leviers identifiés dans les chapitres 4 et 5.

(18)

Partie I

Les actifs interurbains : enjeux de

(19)
(20)

Introduction de la partie I

La vie quotidienne et familiale des actifs interurbains qui passent plus de temps dans les transports ou se déplacent sur des distances plus importantes en moyenne que les autres individus questionne les chercheurs en sciences sociales. L’objectif de la première partie de cette thèse est de réaliser un travail d’identification, de quantification et de qualification d’actifs ayant un profil précis : ceux qui sortent de l’espace fonctionnel classique (l’aire urbaine pour le cas français) dans lequel ils résident, pour se rendre sur leur lieu d’emploi. Parmi ces actifs « sortants » des aires urbaines, notre travail sera concentré sur un profil particulier : ceux qui travaillent dans une autre aire urbaine, que nous nommerons « actifs interurbains ». Nous proposons de tester deux hypothèses concernant ces actifs en particulier : d’une part, qu’une diversité de profils est observée, notamment en matière de caractéristiques sociodémographiques et de choix de localisation résidentielle ; d’autre part, que ces actifs sont responsables d’un volume d’émissions de CO2 liées aux déplacements pendulaires, expliqué par les caractéristiques de déplacements qui

font ressortir l’usage de la voiture particulière comme mode de transport principal. Notre démonstration permettant de tester ces deux hypothèses est structurée en trois chapitres.

Le chapitre 1, en dressant un état des lieux des recherches sur la mobilité domicile-travail, nous permettra de croiser les enjeux soulevés par ce motif de déplacement pour le cas spécifique de la mobilité des actifs interurbains. Les recherches sur la grande mobilité liée au travail étudiant les modes de vie des actifs et les travaux sur les échanges de flux entre aires urbaines nourriront notre réflexion. Quatre enjeux de connaissance des caractéristiques de ces actifs seront mis en avant.

Dans le chapitre 2, nous expliquerons la création d’une méthode originale permettant de caractériser ces actifs : nous quantifierons leur importance parmi l’ensemble des actifs à l’échelle nationale et étudierons leurs caractéristiques individuelles. Nous proposerons également dans ce chapitre d’étudier ces actifs à partir de certaines caractéristiques de localisation de leur lieu de résidence et d’emploi. Une typologie à partir de ces éléments sera proposée.

L’objectif du chapitre 3 de cette première partie consistera à mesurer le volume d’émissions de CO2 liées aux déplacements domicile-travail de ces actifs. Cette quantification nous permettra de

tester notre seconde hypothèse. Par la mise en place d’un travail de modélisation développé dans le cadre de cette thèse, réalisé à partir du croisement de plusieurs bases de données, nous serons en mesure de fournir une estimation du volume de ces émissions par rapport à celui de l’ensemble des actifs en Franc.

(21)
(22)

Mobilité interurbaine : changer de périmètre pour analyser les

déplacements liés au travail

Introduction du chapitre 1

L’étude de la mobilité quotidienne atteste d’un rôle important joué par l’automobile depuis le milieu du XXe siècle, soutenue par un développement des infrastructures routières et autoroutières en Europe et en Amérique du Nord (Gallez, Kaufmann, 2009). L’augmentation des vitesses permise par l’automobile bouleverse la portée des déplacements et conduit à de nouvelles formes de peuplement et d’organisation urbaine, notamment dans les pays développés. Simultanément, les activités et les emplois se concentrent davantage dans les espaces urbanisés, principalement dans les métropoles, au détriment des espaces ruraux, alors que les espaces de résidence des individus se déconnectent des centres (Wiel, 1999). À partir du milieu des années 1960, le processus de périurbanisation augmente fortement en France, notamment en Île-de-France : « les quatre départements de la Grande Couronne6 sont les principaux bénéficiaires

de cette redistribution de la population : en 1999, ils regroupent 44 % de la population francilienne, contre 30 % en 1968 » (Callen, 2011, p.44). Ce processus connaitra un développement plus tardif dans les autres régions françaises, au milieu des années 1980 (Berger, 2004 ; Baccaïni et al., 2009). Les vitesses de déplacement admises par la voiture permettent aux actifs de se localiser plus loin de leur lieu de travail, les emplois étant souvent concentrés dans le cœur des agglomérations. Ces liens entre les pratiques de mobilité quotidienne et les formes d’organisation spatiale des lieux d’emplois et d’habitat (formes urbaines) ont fait l’objet de nombreuses recherches (Camagni et al., 2002 ; Aguiléra et al., 2004) depuis les travaux de Peter Newman et Jeffrey Kenworthy (1989).

À partir du milieu des années 1980, l’usage intensif de l’automobile, qui est au cœur du système de déplacement d’une majorité d’actifs en France, commence à être remis en cause (Newman, Kenworthy, 1989 ; Dupuy, 1995). Il est jugé responsable d’un certain nombre de problématiques multisectorielles : sociales (dépendance automobile), économiques (dépendance énergétique) mais

(23)

surtout environnementales (pollutions diverses). Parmi les nuisances environnementales, l’usage de la voiture est décrié pour son rôle dans la production de gaz à effet de serre (GES), moteur du réchauffement climatique. En effet, la voiture à moteur thermique émet certains de ces GES : du méthane (CH4), du protoxyde d’azote (N2O) et du dioxyde de carbone (CO2)7. Le CO2 représente

plus de 95 % des émissions de gaz à effet de serre produites par l’usage de l’automobile7. D’autres

constats participent de cette remise en cause tels que son poids important dans le budget des ménages ou la mise en place d’une « dépendance automobile », en particulier dans le périurbain et le rural (Dupuy, 1999 ; Orfeuil, 2006 ; Nicolas et al., 2012). Ces changements sont problématiques et remis en question par les acteurs publics qui cherchent à agir sur les facteurs favorisant l’usage de l’automobile : l’organisation urbaine et le développement des espaces périurbains ainsi que le « système automobile » (Dupuy, 2006). Certains objectifs d’action publique ont alors été identifiés afin de favoriser d’autres formes de déplacement : maîtrise de l’étalement urbain (Renard, 2011) ou développement des modes alternatifs (covoiturage, transports collectifs, modes doux) (Vincent-Geslin, 2008).

En France, à partir du périmètre fonctionnel des aires urbaines, élaboré à partir des déplacements pendulaires, nous observons que 88 % des actifs résident et travaillent dans la même aire urbaine. Mais l’articulation entre les périmètres fonctionnels et les périmètres institutionnels est une problématique classique de l’action publique : c’est sur les périmètres institutionnels, c’est-à-dire sur les territoires d’exercice des compétences des autorités publiques, que sont mises en œuvre les mesures permettant de réduire les nuisances soulevées précédemment. L’objectif de ce chapitre est de montrer qu’il existe un déficit de connaissance sur certains flux pendulaires, absents des réflexions sur la coïncidence entre périmètre fonctionnel et périmètres d’action. Nous proposons un changement d’échelle de l’analyse de la mobilité pendulaire, afin de montrer que les déplacements sortants des aires urbaines, et en particulier interurbains, constituent un enjeu de recherche et doivent être mieux intégrés aux réflexions sur les liens entre aménagement du territoire et mobilité durable.

Ce chapitre qui présente le contexte dans lequel s’inscrit notre travail sera divisé en trois parties. Nous présenterons tout d’abord les évolutions récentes de la mobilité domicile-travail en France (section 1), puis la façon dont les sociologues et les géographes se saisissent des déplacements interurbains pour étudier les modes de vie de ces actifs et ce que leurs déplacements nous disent

7 Site de l’ADEME : http://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/basecarbone/donnees-consulter/liste-element/categorie/

(24)

des échanges entre aires urbaines (section 2). Ces deux premières parties ont pour objectif de mettre en regard la mobilité interurbaine et les évolutions de la mobilité pendulaire, et de nous permettre, dans une troisième partie, de présenter les enjeux des déplacements interurbains développés dans cette thèse (section 3).

1. Mutation des pratiques de la mobilité domicile-travail en France

L’enjeu de cette première partie est de montrer l’évolution des pratiques de mobilité domicile-travail en France dans les distributions de distances et les modes de transport utilisés. Nous présenterons la place qu’occupent les déplacements pendulaires parmi l’ensemble des trajets quotidiens et montrerons leur rôle central dans l’organisation du quotidien (section 1.1). Nous reviendrons ensuite sur la définition du périmètre fonctionnel des aires urbaines en France et définirons ce que nous nommerons dans cette thèse les actifs « sortants » et « interurbains » (section 1.2). Enfin, nous soulignerons le rôle de la localisation résidentielle au sein des aires urbaines et des caractéristiques sociodémographiques individuelles (section 1.3) comme éléments importants de différenciation des pratiques de mobilité entre actifs.

1.1. La mobilité domicile-travail structurante de la mobilité quotidienne

La mobilité est une notion utilisée par un ensemble de champs disciplinaires faisant référence à des flux, le plus souvent d’informations, de capitaux, de marchandises ou de personnes, dans un but précis (Bavoux et al., 2005). Elle peut également désigner un changement de statut à l’échelle individuelle lorsque les chercheurs parlent de mobilité sociale ou professionnelle (Bourdieu, 1971 ; Vignal, 2006).

Dans ce travail de thèse, nous étudierons la mobilité spatiale qui est un terme rassemblant des pratiques qui peuvent concerner des temporalités et des échelles très différentes. Vincent Kaufmann (2000) propose une lecture de cette mobilité spatiale selon quatre formes en fonction de deux critères, le temps et la portée géographique du déplacement (Figure 1) :

- le voyage qui renvoie à une temporalité courte associée à une mobilité vers un espace spatialement éloigné, par exemple vers une autre région ou un autre pays ;

- la migration est associée à un éloignement géographique important et à une temporalité beaucoup plus longue et le plus souvent irréversible, à la différence du voyage qui est associé à un retour au domicile à court terme ;

(25)

- la mobilité résidentielle est le pendant de la migration sur un espace géographique de proximité, souvent effectuée dans la même région ou le même pays ;

- la mobilité quotidienne renvoie quant à elle à l’ensemble des déplacements journaliers ancrés spatialement dans un bassin de vie et associés à un retour quotidien au domicile.

Figure 1 Quatre formes de mobilité spatiale

Source : réalisation de l’auteur à partir de Kaufmann (2000).

Toutefois, les recherches se concentrant sur la mobilité spatiale se focalisent le plus souvent sur une de ces quatre formes et les croisent plus rarement (Kaufmann, 2000). Certaines pratiques de mobilité spatiale se situent parfois à la frontière de ce découpage en quatre groupes (Bassand, Brulhardt, 1980). Par exemple, la birésidentialité, soit le fait d’avoir deux lieux de résidence, s’insère entre deux types de mobilités spatiales : certains actifs, ne voulant ou ne pouvant pas déménager à proximité de leur lieu d’emploi, choisissent de prendre un second logement situé à proximité de leur lieu de travail tout en conservant une résidence principale (Vignal, 2006). Quand un retour quotidien est effectué au domicile secondaire tous les jours de la semaine et qu’un aller-retour est réalisé les weekends avec la résidence principale, comment qualifier cette forme de mobilité ? S’agit-il d’une forme de mobilité résidentielle temporaire ou d’une mobilité récurrente mais non quotidienne sachant qu’un aller-retour au domicile principal est possible en milieu de semaine ? Pouvons-nous parler d’hybridation des pratiques de mobilité associées à un ancrage résidentiel et une forme particulière de mobilité quotidienne ? Ces questions ne concernent pas uniquement la mobilité pendulaire ou les déménagements, mais interrogent plus globalement les interactions entre les diverses pratiques de déplacements, sur des temporalités plus ou moins longues et des portées plus ou moins importantes. Pour prendre un autre exemple, nous pouvons évoquer le cas des excursions ayant une durée dans le temps très limitée (une journée). Les pratiques touristiques de courte durée avec l’usage d’un mode de transport à grande vitesse comme le train ou l’avion permettent de réaliser des excursions ou des courts séjours le

(26)

temps d’un weekend dans des temps de déplacements qui peuvent s’apparenter à des pratiques de mobilité quotidienne mais sans le caractère récurrent de celles-ci.

Dans ce travail de thèse sera étudiée la mobilité quotidienne qui fait référence à l’ensemble des déplacements cycliques des individus, centrés sur leur lieu de résidence. Ces déplacements donnent donc lieu à un retour quotidien au domicile et recouvrent un ensemble de motifs diversifiés comme faire ses achats, se rendre à son lieu de travail ou effectuer une activité de loisir. Parmi ces différents motifs de déplacement, nous concentrerons notre recherche sur la mobilité liée à l’emploi. Celle-ci occupe une place importante dans l’organisation quotidienne des programmes d’activité des individus et reste le motif de déplacement qui regroupe une part prépondérante des distances parcourues par les actifs. De ce fait, les déplacements pendulaires, auxquels il est difficile de renoncer, pèsent fortement sur le bilan environnemental d’émissions de CO2.

Au niveau national, les données sur les pratiques de mobilité des Français sont principalement fournies par une enquête : l’Enquête Nationale Transports et Déplacements (ENTD)8, réalisée

conjointement par l’INSEE, l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux) et le SOeS (Service de l’Observation et des Statistiques). La dernière enquête a été réalisée en 2008.

En 2008, les trajets vers le lieu de travail habituel, même s’ils restent le premier motif de déplacement, ne comptent que pour 18 % du total des déplacements. Toutefois, ces 18 % représentent encore une part importante des kilomètres parcourus par les actifs quotidiennement (41 %) (Le Jeannic, 2010). Ces trajets, qui ont une portée plus importante que celle des autres motifs, présentent un caractère structurant dans l’organisation des déplacements quotidiens selon David Brion et Marie Léger (2012). De ce fait, pour ces auteurs, les trajets domicile-travail constituent « un levier d’action des politiques publiques, compte tenu de leur caractère contraint et stable dans le temps » (p.1). Une étude des déplacements des actifs de la région Île-de-France (Aguiléra et al., 2010) atteste de ce rôle important dans le chainage des activités quotidiennes et

8 « Elle succède à l’enquête transport et communication (ETC) de 1994, les précédentes ayant eu lieu en 1967, 1974

et 1982. L’objectif de cette enquête est la connaissance des déplacements des ménages résidant en France métropolitaine et de leur usage des moyens de transport tant collectifs, qu’individuels. Elle décrit tous les déplacements, quels que soient le motif, la longueur, la durée, le mode de transport utilisé, la période de l’année ou le moment de la journée. Pour comprendre les comportements liés à la mobilité, elles s’intéressent aussi aux possibilités d’accès aux transports collectifs et aux moyens de transport individuels dont disposent les ménages. ».

Source : site de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sources-methodes/enquete-nomenclature/1543/139/enqu

(27)

montre que les individus qui travaillent font en moyenne moins d’activités hors de leur domicile dans la journée que les jours où ils ne travaillent pas. Par ailleurs, ces autres activités se situent préférentiellement à proximité soit du lieu de travail soit du lieu de résidence. Ce constat est d’autant plus vérifié que la distance domicile-travail est longue : plus les actifs parcourent des distances importantes, plus les activités secondaires se concentrent autour du trajet réalisé à proximité immédiate du lieu de résidence ou de travail (Boulahbal, 2001 ; Aguiléra et al., 2010). L’investissement en temps dans l’activité travail semble être proportionnel à la distance parcourue pour gagner le lieu d’emploi : « la relation montre en effet que plus le temps d’accès au travail est long, moindres sont les activités hors travail et hors domicile, et plus les temps passés au travail sont importants. Dès lors qu’ils ont fait un grand trajet, les actifs ont tendance à amortir le temps d’accès sur l’activité la plus longue en augmentant sa durée » (Aguiléra et al., 2010, p.40). Le rôle structurant de la mobilité pendulaire dans l’enchainement des différentes activités quotidiennes semble d’autant plus important que les distances parcourues sont longues en termes de temps et de distance. Depuis 1982, ces distances sont en augmentation constante, passant de 9 km en 1982 à 12 km en 1994 jusqu’à près de 15 km en 2008 (François, 2010). L’évolution de la distribution des distances de déplacement domicile-travail entre 1982 et 2008 (Figure 2) fait apparaître que les distances inférieures à 5 km sont celles qui ont diminué le plus fortement. Elles ont pratiquement été réduites de moitié, passant d’un peu moins de 25 % à environ 12,5 %. Dans le même temps, les distances des déplacements domicile-travail supérieures à 10 kilomètres ont augmenté très fortement. Plus précisément, les distances comprises entre 20 et 40 kilomètres ont doublé, passant de 10 % à 20 % en 2008, alors que les très longues distances, supérieures à 80 km, ont en revanche peu augmenté.

Figure 2 Répartition des actifs selon la distance du trajet pour se rendre au travail (en %)

(28)

En plus de vingt-cinq ans, les distances kilométriques moyennes à l’échelle nationale pour motif domicile-travail ont augmenté de 170 % alors que durant la même période les durées moyennes de ces déplacements n’ont crû que de 10 %, passant de 20,5 minutes en 1982 à 20,9 minutes en 1994 jusqu’à 22,6 minutes en 2008. L’accroissement des vitesses moyennes de déplacement grâce à une diffusion de l’usage de l’automobile dans les pratiques de mobilité participe à cet allongement des distances kilométriques sans augmentation associée des temps de déplacements (François, 2010). Ces résultats vont dans le sens des observations empiriques de Yacov Zahavi (1979) et de leurs interprétations (Crozet, Joly, 2004). Les résultats de la dernière ENTD confirment cette évolution, avec une place occupée par la voiture qui est croissante au cours du temps : la part modale9 de l’automobile comme mode de transport principal est ainsi passée de

54,5 % en 1982 à 72,5 % en 2008 pour les déplacements domicile-travail. Son utilisation est loin devant celle des transports collectifs (13,5 %), de la marche (9 %), des deux-roues motorisés (3 %) et du vélo (2 %). Dans cette thèse, nous avons fait le choix de nous concentrer uniquement sur ce motif domicile-travail pour trois raisons principales :

- Son rôle est structurant dans la mobilité quotidienne. Il est d’autant plus fort que la distance est importante. Or, les actifs interurbains parcourent de grandes distances.

- La part modale de l’automobile est prépondérante pour les déplacements domicile-travail. Or, cet usage de la voiture est central dans les questions environnementales (émissions de CO2).

- Méthodologiquement, ces déplacements sont plus faciles à traiter à l’échelle nationale que les déplacements pour autres motifs, grâce aux fichiers du recensement de la population10.

Plusieurs éléments peuvent influer sur les pratiques de mobilité pendulaire décrites précédemment et notamment la localisation résidentielle dans l’espace fonctionnel. Afin de comprendre ces différences en fonction de cette variable, nous allons dans la sous-partie suivante revenir sur l’évolution de la définition de la ville et de l’aire urbaine.

1.2. Définir la ville : du périmètre communal à l’aire urbaine

De nombreux travaux de comparaisons sur la définition du concept de ville, notamment à l’échelle européenne (Le Gléau et al., 1996), attestent d’une richesse de critères mobilisables afin

9 Répartition de l’utilisation des différents modes de déplacements.

10 « Le recensement de la population a pour objectifs le dénombrement des logements et de la population résidant en

France et la connaissance de leurs principales caractéristiques : sexe, âge, activité, professions exercées, caractéristiques des ménages, taille et type de logement, modes de transport, déplacements quotidiens. ».

(29)

http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/recensement-de-la-de définir ce qu’est une ville. Notre ambition ici n’est pas http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/recensement-de-la-de proposer une nouvelle définition http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/recensement-de-la-de ce terme, mais de montrer comment la prise en compte de la mobilité des actifs a eu une influence sur la manière de le définir. Le processus de périurbanisation a rendu moins nette l’opposition entre le rural et l’urbain et participe à une nouvelle manière de définir la ville.

Quand un statut administratif particulier n’est pas mobilisé pour définir une ville, deux critères principaux sont souvent pris en considération : un critère démographique, le seuil de population ; un autre morphologique, l’espacement du bâti (Le Gléau et al., 1996). En Europe, une multitude de seuils démographiques et de distances d’espacement des habitations est utilisée : par exemple, pour délimiter la ville en Écosse, la distance maximum entre les bâtiments doit être de 50 m alors qu’elle est de 200 m en Autriche, en Grèce ou en Irlande. Aux États-Unis, un seuil de densité est utilisé pour définir les « Metropolitan Districts » (Bretagnolle et al., 2008). La recherche d’harmonisation des découpages et limites du bâti des agglomérations peut être aujourd’hui effectuée par l’analyse de données satellitaires. L’Agence européenne de l’environnement propose un découpage morphologique des « Urban Morphological Zones » européennes à partir de la base de données Corine Land Cover11 (Bretagnolle et al., 2016). En France, l’INSEE aussi n’utilise

plus le terme de ville pour définir ces regroupements spatiaux de populations et lui préfère le terme d’unité urbaine12 depuis 1954 :

« La notion d’unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d’habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Si l’unité urbaine se situe sur une seule commune, elle est dénommée ville isolée. Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs communes, et si chacune de ces communes concentre plus de la moitié de sa population dans la zone de bâti continu, elle est dénommée agglomération multicommunale. »

Il est intéressant de noter au moins deux éléments à partir de cette définition de l’INSEE :

- Agglomération est préférée au mot ville. Ce terme permet de définir les regroupements de communes possédant une zone de bâti continu et de prendre en compte le processus de croissance urbaine à l’œuvre depuis le début du XXe siècle. C’est ce terme qui a été mobilisé

11 « Le produit CORINE Land Cover est un service du programme européen Copernicus (Agence européenne pour

l’environnement). CORINE Land Cover offre tous les six ans une photographie complète de l’occupation du sol français réalisée par photo-interprétation d’images satellitaires » (CGDD [Commissariat général au développement durable], 2015).

12 Site de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/unite-urbaine.htm, consulté le

(30)

jusqu’à présent dans ce travail et nous continuerons de le préférer au mot « ville », trop polysémique et pas assez précis.

- L’INSEE utilise le mot « ville » uniquement dans sa formule pour décrire ce qu’il entend par « ville isolée ». Cette utilisation peut paraitre contradictoire avec la définition initiale du mot ville désignant le regroupement d’individus, car ici le terme de « ville isolée » rassemble les communes qui n’ont pas connu de développement de leur emprise bâtie suffisant pour être rattachées à une autre commune.

Aujourd’hui encore, l’INSEE mobilise cette définition des unités urbaines et donc des agglomérations multicommunales. Ces unités urbaines servent de « briques » de base à la construction des aires urbaines qui, elles, sont définies à l’appui des déplacements domicile-travail des individus.

« En France, en 2013, 16,7 millions de personnes quittent quotidiennement leur commune de résidence pour aller travailler, soit deux personnes ayant un emploi sur trois » (Coudène, Levy, 2016, p.1). La commune n’est plus une échelle fonctionnelle pertinente pour définir et surtout pour délimiter la ville. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, un bouleversement majeur du système de transport a modifié l’organisation urbaine : l’avènement de l’automobile. Le passage de la ville pédestre à la ville de l’automobile, décrit par Marc Wiel (1999), montre comment la ville a été transformée au cours des années 1970 : le centre-ville historique, associé à des espaces piétons, fait place à de grandes agglomérations reliant des périphéries à un centre par la mise en place d’infrastructures de transport routières et autoroutières. Dans cette évolution, la ville tend à s’adapter de plus en plus à l’automobile, ce qui rend ses frontières plus floues du fait des nombreux flux connectant des espaces spatialement disjoints. Ces évolutions ont conduit à de nouveaux critères de définition des villes, au-delà des critères morphologiques (limite de l’espace bâti, hauteur des bâtiments), démographiques (seuil de population minimal, densité de population) ou de ceux attachés aux modes de vie (pratiques de consommation, formes de sociabilité).

Une lecture fonctionnelle par les déplacements quotidiens a été alors proposée : par l’INSEE en France avec la notion d’« aire urbaine » ; par le Bureau du recensement aux États-Unis avec les « Standard Metropolitan Statistical Areas » (Bretagnolle et al., 2008) ; par l’OCDE avec les « Functional Urban Areas » (OCDE, 2013). Dans ces trois cas, les flux domicile-travail entre les espaces périphériques et les agglomérations permettent de construire un périmètre fonctionnel autour de celles-ci. Les seuils définissant le cœur de l’aire fonctionnelle et les limites de son

(31)

périmètre sont là encore variables d’un pays à l’autre, avec des changements au cours du temps (Bretagnolle et al., 2008).

Dans le cas français, la construction statistique de l’aire urbaine (AU) procède d’ajustements antérieurs. Dès 1962, l’INSEE propose un nouveau découpage pour mieux cerner les relations entre les espaces et utilise pour la première fois les flux domicile-travail entre communes ainsi que d’autres indicateurs tels que le nombre d’emplois non agricoles ou encore le nombre et la taille des entreprises pour construire les Zones de Peuplement Industriel et Urbain (ZPIU). Elles sont censées représenter les liens entre les unités urbaines et les espaces plus ruraux, avec pour chaque unité urbaine, une ZPIU. L’INSEE dénombre 844 ZPIU en 1962 qui regroupent 24 % des communes françaises ; ce nombre passe à 603 en 1990, rassemblant 78 % des communes13. Pour

le recensement de 1999, les ZPIU seront abandonnées, car les critères de définitions ne sont plus jugés assez discriminants : presque l’ensemble des communes françaises est rattaché à une ZPIU suivant ce zonage. En 1999, un nouveau découpage du territoire français est donc proposé : le zonage en aire urbaine. Il sera utilisé pour la première en 1999 et mis à jour en 2010. Élaboré en 1997 (Bessy-Pietri, Sicamois, 2001), ce nouveau zonage des communes françaises a été mis en place à partir des déplacements pendulaires des actifs. Son objectif est d’identifier le lien fonctionnel entre les communes agglomérées de la zone centrale (l’agglomération, l’unité urbaine ou le pôle urbain) et les communes dont la population entretient des liens avec ce pôle (communes périurbaines) grâce aux navettes domicile-travail. Les aires urbaines sont définies comme :

« Un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 1 500 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci »14.

Le dernier zonage en aires urbaines a été réalisé en 2010 à partir des déplacements domicile-travail des actifs du recensement de 2008. Elles sont au nombre de 792, distinguées en trois groupes en fonction du nombre d’emplois présents dans le pôle urbain : les unités urbaines des petites aires urbaines ont entre 1 500 et 5 000 emplois (elles sont 420) ; les unités urbaines des aires urbaines moyennes comptent entre 5 000 et 10 000 emplois (elles sont 131) ; les

13 Site du sénat : http://www.senat.fr/rap/r97-415/r97-4153.html, consulté le 16 juillet 2016.

14 Site de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/aire-urbaine.htm, consulté le 23

(32)

grandes aires urbaines sont construites autour d’un pôle urbain rassemblant plus de 10 000 emplois (elles sont 241) (Carte 1).

Carte 1 Le zonage en aires urbaines de 2010

Source : INSEE, zonage en aires urbaines 2010.

À chaque agglomération correspond un espace fonctionnel défini à partir des flux domicile-travail. En France, ces espaces sont appelés « aires urbaines » au sein desquelles nous distinguons trois types de communes : celles de la ville-centre et celles du pôle urbain (ou de la banlieue) qui

Figure

Figure 2 Répartition des actifs selon la distance du trajet pour se rendre au travail (en %)
Tableau 2 Synthèse des valeurs choisies pour définir la grande mobilité liée au travail
Figure 4 La place de la grande mobilité liée au travail dans le système de mobilité spatiale
Figure 6 Consommation énergétique et densité de population des métropoles mondiales (1980)
+7

Références

Documents relatifs

Evaluer la capacité d’ adaptation au changement climatique (CC) et de pratiques de gestion pour assurer la stabilité et la résilience des populations Objectif...

■ Le cèdre de L’himaLaya (Cedrus deodara) Originaire de l’Ouest de l’Himalaya, ce cèdre présente une bonne croissance mais est plus sensible à la séche- resse [12] et

Le peuplement et la mise en valeur de l’Amérique du Nord française suivent des rythmes et des orientations différenciées : en Nouvelle-France, une colonisation seigneuriale et

Les travaux de recherche présentés dans ce manuscrit sont une contribution à la conception et à l’optimisation d’antennes reconfigurables en polarisation ou en directivité à

Bangladais sinistés après la passage du cyclone Fani à Khulna, 2019... Une digue

Cette première section vise à examiner par quels mécanismes le changement climatique peut légitimement constituer un enjeu de sécurité humaine : comment par ses impacts les plus

8.. « L’automobile est une prothèse qui nous permet de supporter la “pénible réalité” de notre espace-temps social. Ce travail introduit dans un premier temps les

Le développement de la conscience du réchauffement climatique confère à un territoire de moyenne montagne au relief spécifique une image de refuge permettant de fuir la canicule,