ELEMENT POUR UNE PEDAGOGIE DE LA TECHNOLOGIE
N. DELRUE
RESUME: Deux ouvrages récents stimulent la pédagogie de la technologie dans J'enseignement secondaire général en j'ouvrant àses dimensions socio-culturelles ,
Carr.ent penser une peûélgcgie de la technolcgie dans l'enseignerrent se=ndai-re ? Cornent construise=ndai-re une ocucation tedl."lOlcgique de base ?
En effet, s'il paraît évident d'introàuire une clir.Ension réflexive et cri-tique èians les réseaux d'enseignerrent technique, il est aussi urgent d'in-tégrer dans toute culture générale s=laire l'une des carp:Jsantes-clés de notre s=iété: le fait teclmolcgique. Le né><;liger aujourd'hui, n'est-ce pas rranquer de culture ?
Pour cette tâche, deux ouvrages récents qui énanent de professeurs d'univer-sité, de philosophes des sciences apportent une aide efficace: &iucation pennanente et =ntrêlle des technologies , Systrrœs teclmolcgiques et autcgestion. (l)
Les auteurs, sensibles à la din-ension humaine, sociale et politique de leur engagerœnt, veulent susciter une évaluation teclmique et scientifique des teclmologies - tec~olcgies nouvelles, tec~olcsiesbanalisées - ainsi qu'une estir;lation des ?Ossibilit:és réelles d'une appropriation culturelle et s=iale de oes teclmologies. Les analyses dynamiques des Actes du Cours de l'Inter-University Centre de Dubrovnik stimulent toute pédagcgie de la teclmologie en l'ouvrant i'i ses Gilœnsions socio-culturelles, épistérrologi-ques et éthiépistérrologi-ques. (2) Jerre propose cle le rrontrer en trois flash(:s.
(1) illucation permanente et =ntrêlle <.les technologies, sous la direction de Peter Kemp et G..."Orges Thill, Presses Universitaires ue "Jamur,1983. Systèrres technologiques et autogestion, sous la direction de Georges Thill, Peter Ker:!?, Vlaüimir 'Iuljevic, Presses lTniversitaires de Namur, 1985.
(2) L'Inter-University Centre de Jubrovnik (IUC) s'aàresse aux universitai-res et ')()stgraclués c.:u niveau 3èrœ cycle. Depuis Qix ans, l'
rue
dévelop-pe une ê:oop6ration internationale, U'1 prcxJraET,~ acaé:&nique interclisci-plinaire en sciences humaines, articulées aux sciences naturelles,1. Eléments socio-culturels
Face aux mutations technologiques, le professeur peut poursuivre deux fina-l ités opposées: soit adapter ses élèves 3 l'avancée teclmologique, soit au =traire inviter les jeunes à se li.bérer de l'ordre technologique établi. De toute façon, l'enseigna'1t èiffuse l'un de œs deux projets pC'<iagogiques, technocratique ou hunaniste, qu'il en ait conscience ou non. (3)
Devant l'envahisserœnt technologique - infonnatique surtout - ii l'é=le, Peter
I:eq,
suggère que des disciplines alternatives foment les élèves au sens critique. En philosophe, il propose des cours de philosophie. ')r, que constate-t-on dans beaucoup de systèrres scolaires: "Lehors la philosophie, place à l'informatique." Qu'on choisisse la philosophie ou tout autre rroyen de réflexion, il est essentiel de partager en classe des rroyens de recul, de distanciation, qui perr.ettent à chacun/chacune de dépasser un regard tedmiciste.Aux yeux de P. !\eI:lp, l'école représente un espace décisif pour refuser une culture technocratique irlposée, prograrrrnée, et pour la remplacer par lID.e autre culture, plus fid~leà des =nvictions sociales. C'est un coMbat. Il CŒT(eIlce à l'école, lorsque professeur et éli'ves cherchent ensemble à sai-sir cx:I'iTI'er.t une société agit sur elle-m§rrE.
L'auteur présente les défis scio-culturels que notre éducation tedmologi-que doit relever: réveiller la créativité, apprendre '1 sauver la vie rela-tionnelle rœnacée, critiquer avec rigueur lID.e technologie donnée, en
(:Œl-para.'1t ses =ntraintes et ses avantages, rœttre tout en oeuvre pour qu 'lID.e technologie serve un autre projet, une autre culture: d'autres choix de so:iété.
Georges Thill, pour qui "le savoir se =njugue nécessaireruent au pluriel", présente les exigences socio-culturelles de la forrr.ation technologique sous fonœ de questionnerœnts.
(3) Peter Kenl', Ec~ucationoennanente et contrOle de l'informatique , (1) , p. 16, 23, 26, 27, 30 et 31.
Tout en actant que nous vivons d6j,'i. " en zone occupée " 6e 5'}stŒ-eS techno-logiques orientés - informatique, télécarmunications, robotique,
bureauti-qt.E, biotechnologies - cx:r.rrent lutter contre le fatalisrre technologique ?
Cament caTpEiser avec les technologies sans tanber soi--rrême dans le pi"ge technocratique? (4)
Olel quotidien technologique inventer pour tous ? (5) Cament éduquer à la cr'5ativité sociale?
Cament transforner la Qutation technologique en des changerœnts sociaux et culturels?
~ Elénents épist§:x:)logiques
Dès le secondaire, l' iXlucation aux sciences et l' fuucation aux technologies deivent se concevoir ensemble mais se distinguer, s'articuler mais rester autonares. Pour atteindre œs objectifs, \..0rard Fourez crée une tennino-logie f2conùe. Il présente les sciences ca,me des tec!1llo1ogies intellectu-elles , tandis qu'il réserve aux technologies au sens usuel du te:rre le rrot de technologies matérielles. (6)
" les sciences ne tanbent pas éiu ciel ", ces technologies intellectuelles sont le procluit d'une société éionnée, il en est <le ITêrre pour les techno-logies matérielles.
Ted1llo1ogies intellectuelles et matérielles fonctionnent Ce rcanii're analo-gue. i'insi, aujourd'hui, ce sont les sciences elles-rœrœs qui c"éterminent quels problèrres scientifiques I:'.éritent 6es recherches.
ce
rrêne pour les technologies rnatérielles: œ sont ellesqui dffinissent les nouveaux pro-Uèrres technologiques. Bien plus, scienoes et technologies gf,nèrent parfois des décisions, des fins, alors qu'elles devraient rester de l'ordre des rroyens. les scienoes came les technologies sont ùevenues de vastes mad1i-nes, de vastes systèrœs. C'est le systèrre scientifique; c'est le systrrre tedmologique qui prenè des décisions, et non pas les 'Jens.(4) crorges Thill, Techrlologies à la question: en crise et en éducation permanente. (1), P. 197, 19B.
(5) Georges nlill, Envci. (1), ? 266, 267, 269.
(6) Gérard Fourez, ïëSSciences caille ted1llo1ogies intellectuelles, (1), P. 63, 64, 69, 70, 7! •
3. Elérrents ét'liques
LEs technologies envahissant tout le ch~ s=ial jusqu'à sa dimension éthi-que, celle-ci doit évoluer, et s'élargir.
Evoluer d'abord. I.e systèrœ Technologique - que certains é=ivent avec T ma-juscule - lirnite dangereusEment notre autonanie. Peter Kenp affinne néan-lOOins que l'éthique, qui inplique de choisir entre plusieurs fins, reste pessible. (7)
LE travail technologisé - laboratoires, bureux d'études, usines, ateliers, réseaux de marché - ~naoe notre vie en relation avec les autres. "LE tech-nostress " bloque la carrmmication dans la vie professionnelle, dans toute l'existence.
Pour pr~servernotre autonanie et la qualité de nos relations, peur nous sauver du technostress, l'auteur suggère l' ét'lique du face-à-face: il s'agit de restaurer le dialogue, de prarouvoir les échanges infonnels . F. l ' éoole d'abord. !'lais cette respensabilité ét'lique ne suffit plus, elle deit s'élargir. D'une part, les multiples problèrœs posés par la technologie roodeme nous obligent à organiser de nouvelles actions oollectives, des so-lidarités de groupe. D'autre part, l'éti'ique àes relations personnelles proches doit déboucher sur une éthique à longue distance.Longue distance dans le terrps, longue distance âans l'espaoe: décisions de l'éoologie, è.e
la télér.Iatique, par exerrple.
L'ét'1ique du faoe-à-face reste néanrooins le I!lJdèle de ces élargiss~ts: bien conduite, elle mène à la dirrension pelitique.
(7) Peter K6l1p, Autonanie éthique et systèrres technologiques. (II), P. 209, 212, 213, 221, 224.
