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L'institutionnalisation de l'éthique au sein de deux organisations québécoises et le rôle que joue la GRH : une étude de cas

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(1)

L’institutionnalisation de l’éthique au sein de deux

organisations québécoises et le rôle que joue la GRH :

Une étude de cas

Thèse

Jennifer Centeno

Doctorat en relations industrielles

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

(2)

L’institutionnalisation de l’éthique au sein de deux

organisations québécoises et le rôle que joue la GRH :

Une étude de cas

Thèse

Jennifer Centeno

Sous la direction de :

(3)

iii Résumé

La mise en lumière d’inconduites, au sein d’organisations privées et publiques, ne sont que quelques-uns des facteurs qui ont entrainé, au cours des dernières décennies, des questionnements quant au rôle que devraient jouer ces organisations sur le plan éthique et social. La mise en place de dispositifs ayant pour but de soutenir l’éthique en milieu de travail donne dès lors forme à des efforts d’institutionnalisation de l’éthique. Or, une grande confusion persiste – au sein du discours public, managérial et même théorique – quant au mode de régulation sociale que constitue l’éthique. Ainsi, les initiatives déployées sous ce libellé s’inscrivent parfois dans des visées fort variées. En parallèle, la fonction ressources humaines, ainsi que les professionnels qui la composent (PRH), est soumise à une évaluation sévère de leur performance. Le rôle de ces derniers à titre de gardiens du contrat social des employés est pour sa part largement remis en question.

C’est dans ce contexte que la présente thèse vise à explorer la forme que prend l’éthique organisationnelle, ainsi que les liens pouvant être tissés entre l’institutionnalisation de cette dernière et la fonction ressources humaines. Pour ce faire, deux organisations québécoises de grande taille (N=2) sont étudiées. Afin de contraster le discours organisationnel du discours des PRH, une analyse documentaire est effectuée et 35 entretiens semi-dirigés (N=35) auprès de PRH sont complétés. Les résultats suggèrent qu’en l’absence de formalisation, des pratiques informelles – voire une forme de corégulation – émergent afin de pallier à un manque de sens et de lignes directrices. Des facteurs tels que la nature politique et hiérarchique de l’organisation et de certaines prises de décision peuvent toutefois faire dévier celles-ci ainsi que les efforts d’institutionnalisation. De même, l’analyse de la place qui est accordée à l’éthique au sein d’un milieu de travail donné ne peut être évaluée par biais du seul concept d’infrastructure éthique. En effet, il doit être bonifié par la prise en considération des éléments de l’infrastructure RH touchant à l’éthique. De plus, dans le but de favoriser le développement de la compétence éthique – tant au plan individuel qu’organisationnel –, les infrastructures auraient avantage à incorporer les dimensions morales telles que les trois éthiques (sollicitude, justice, critique), et ce, pour un développement optimal. La présente thèse donne ainsi forme au développement du concept d’armature organisationnelle en soutien à l’éthique ainsi qu’à une modélisation du processus d’institutionnalisation de l’éthique au sein d’une organisation.

(4)

iv Abstract

The bringing into light of misconducts, observed within private and public organisations alike, is only one of the factors which has in recent decades led to a questioning of their social and ethical roles. The implementation of mechanisms which aim to sustain ethics within the workplace thus shaped institutionalisation of ethics efforts. However, a great confusion persists – within the public, managerial and even theoretical discourse – as to the social regulation mode that is ethics. Consequently, initiatives deployed under this labelling often pursue very different aims. In parallel, the human resources function, as well as its professionals (HRP), is subjected to a severe performance evaluation. Notably the role of these professionals, as guardians of the social contract uniting employees to the organisation, is often called into question.

It is in this context that this thesis aims to explore the form that organisational ethics take as well as the links which may be established between the institutionalisation of ethics and the human resources function. To achieve this, two large-size Quebec organisations (N=2) are studied. In order to contrast the organisational discourse to that of the HRPs, a documentary analysis is completed as well as thirty-five (N=35) semi-directed HRP interviews. The results suggest that in the absence of formalisation, informal practices – and even a form of coregulation – emerge to mitigate the absence or lack of sense and direction. However, factors such as the political and hierarchical nature of the organisation and of some of the decisions can make these, as well as institutionalisation efforts, deviate. Similarly, it is posited that the place that is granted to ethics within a given workplace cannot be evaluated by the sole concept of ethical infrastructure. Indeed, this concept must be complemented by the taking into consideration of the elements of the HR infrastructure which pertain to ethics. Moreover, in order to favour an optimal development of ethical competence – at both the individual and organisational levels –, infrastructures would benefit from the incorporation of moral dimensions such as the three ethics (care, justice, critique). This thesis thus gives shape to the concept of organisational framework in support of ethics as well as to a model of the institutionalisation process of ethics within organisations.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des figures ... x

Liste des tableaux ... xi

Liste des abbréviations et des sigles……….………...xiii

Remerciements………xiv

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique de recherche ... 3

1.Mise en contexte du projet de recherche……….………...………... 3

1.1 L’éthique au sein des organisations ... 3

1.2 L’institutionnalisation de l’éthique en contexte ... 8

1.3 Le contexte spécifique de la GRH ... 10

1.4 La place de l’éthique en relations industrielles et en GRH ... 17

2. Les relations industrielles et la gestion des ressources humaines ... 28

2.1 Origines et survol historique ... 28

2.2 La vision de la GRH dans les théories des relations industrielles ... 32

2.3 Les études critiques de management ... 33

2.3.1 Les théories critiques ... 34

2.3.2 Analyse paradigmatique de la GRH critique ... 37

2.3.3 L’apport des études critiques en management à la thèse ... 38

3.L’éthique ... 44

3.1 Les modes de régulation sociale ... 44

3.1.1 Le droit ... 45

3.1.2 La déontologie ... 46

3.1.3 La morale ... 46

3.1.4 Les mœurs ... 47

3.2 Les défis d’une définition ... 48

3.2.1 L’éthique normative ... 48

3.2.2 L’éthique descriptive ... 53

3.2.3 La métaéthique ... 54

3.3 Les principaux courants en milieu de travail ... 58

3.3.1 L’éthique des affaires ... 59

3.3.2 L’éthique organisationnelle ... 63

3.4 L’éthique en tant que compétence ... 65

4.Conclusion au chapitre 1……….74

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 77

A) ... Première partie : Les concepts clés entourant le modèle d’armature organisationnelle en soutien à l’éthique ... 78

1.L’infrastructure RH ... 78

(6)

vi

2. L’influence de deux courants théoriques ………..……. 82

2.1 L’influence de la gestion stratégique des ressources humaines ... 82

a) Un regard global sur les pratiques ... 83

b) L’identification de niveaux d’analyse ... 84

c) L’importance de la contingence interne ... 86

2.2 L’influence de la théorie institutionnelle ... 88

a) La reconnaissance du contexte ... 88

b) Une infrastructure socialement construite ... 90

c) Une infrastructure située ... 91

d) Une co-construction légitimée ... 92

3. L’infrastructure éthique ………..94

3.1 Mise en contexte du concept ... 94

3.2 Évolution du concept dans les écrits ... 96

B) Deuxième partie : L’armature organisationnelle en soutien à l’éthique ... 103

1.Exemples de dispositifs appartenant à l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique...105

2.Caractérisation des dispositifs au regard de la compétence éthique ... 108

2.1 L’éthique de la critique ... 109

2.2 L’éthique de la justice ... 110

2.3 L’éthique de la sollicitude ... 110

3. Une armature organisationnelle en soutien à l’éthique teintée par les trois éthiques ... 111

3.1 Une armature teintée par l’éthique de la critique ... 113

3.2 Une armature teintée par l’éthique de la justice ... 114

3.3 Une armature teintée par l’éthique de la sollicitude ... 115

4.Phase 1 du cadre théorique : Données émergeant du discours organisationnel ... 116

5. Phase 2 du cadre théorique : Données émergeant du discours des PRH ... 117

6. Modélisation du cadre théorique…...………. 118

7.Conclusion au chapitre 2 ... 120

Chapitre 3: Méthodologie ... 121

1.Le cadre épistémologique ... 121

1.1 Le socioconstructivisme ... 121

1.2 La théorie de la structuration de Giddens ... 124

1.3 Le cadre épistémologique et l’éthique ... 126

2. L’approche de recherche... 129

2.1 L’approche qualitative ... 129

2.1.1 Les critères de rigueur scientifique ... 133

2.1.2 Les mesures de précaution ... 137

2.2 Rappel des questions et des objectifs de la recherche ... 138

3. La stratégie de recherche: L'étude de cas……..………..139

3.1 L’importance de la triangulation des données ... 141

4.Les méthodes de collecte et d’analyse de données ... 141

4.1 L’analyse documentaire ... 142

4.1.1 Les informateurs clés ... 143

4.1.2 Les entretiens ... 144

(7)

vii

5.1 La présentation des terrains sélectionnés ... 148

5.1.1 Les précautions méthodologiques en matière de confidentialité ... 149

5.1.2 Les terrains sélectionnés ... 151

5.1.2.1 L’organisation A ... 152

5.1.2.2 L’organisation B ... 153

5.1.2.3 Les précautions méthodologiques propres à l’étude de cas ... 154

5.2 Les méthodes retenues ... 155

5.2.1 L’analyse documentaire ... 155

5.2.1.1 La grille d’analyse documentaire ... 155

5.2.1.2 La collecte de données ... 155

5.2.1.3 L’analyse de données ... 156

5.2.2 Les entretiens semi-dirigés ... 157

5.2.2.1 Le guide d’entretien ... 158

a)Prétest et validation du guide ... 159

b) Structure du guide d’entretien final ... 160

5.2.2.2 La collecte de données ... 161

5.2.2.3 L’analyse de données : NVivo ... 165

5.2.3 La triangulation des données ... 167

6.Limites de la recherche ... 167

7.Conclusion au chapitre 3 ... 172

Chapitre 4 : Présentation des résultats ... 173

A)Phase 1 : Présentation des résultats émergeant du discours organisationnel ... 174

1.La définition et la conception de l’éthique au sein du discours organisationnel ... 174

1.1 Analyse de l’organisation A ... 175

1.1.1 Le cadre de gouvernance ... 175

1.1.2 La conception ou la définition de l’éthique offerte ... 176

1.1.3 Les lignes directrices : Mission, vision, valeurs ... 176

1.1.4 La place de l’éthique au sein du discours RH ... 178

1.1.5 Précisions additionnelles en provenance de l’informateur clé ... 178

1.2 Analyse de l’organisation B ... 179

1.2.1 Le cadre de gouvernance ... 179

1.2.2 La conception ou la définition de l’éthique offerte ... 180

1.2.3 Les lignes directrices : Mission, vision, valeurs ... 182

1.2.4 La place de l’éthique au sein du discours RH ... 183

1.2.5 Précisions additionnelles en provenance des informateurs clés ... 184

1.3 Analyse comparative A/B ... 184

2.Identification et caractérisation des dispositifs qui composent "l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique", selon le discours organisationnel ... 188

2.1 L’infrastructure éthique ... 188

2.1.1 Analyse de l’organisation A ... 188

a) Les principes ... 188

b) Les politiques ... 189

c) Les programmes ... 190

d) Précisions additionnelles en provenance de l’informateur clé ... 191

2.1.2 Analyse de l’organisation B ... 192

a) Les principes ... 192

b) Les politiques ... 193

(8)

viii

d) Précisions additionnelles en provenance des informateurs clés ... 196

2.1.3 Analyse comparative A/B ... 198

2.2 L’infrastructure RH ... 201

2.2.1 Analyse de l’organisation A ... 201

a) Les principes ... 201

b) Les politiques ... 203

c) Les programmes ... 205

d) Précisions additionnelles en provenance de l’informateur clé ... 207

2.2.2 Analyse de l’organisation B ... 208

a) Les principes ... 208

b) Les politiques ... 208

c) Les programmes ... 210

d) Précisions additionnelles en provenance de l'informateur clé………...212

2.2.3 Analyse comparative A/B ... 213

B) Phase 2: Présentation des résultats émergeant du discours des PRH ... 216

1.La définition et la conception de l’éthique chez les PRH ... 217

1.1 Analyse de l’organisation A ... 218

1.1.1 Cadre de gouvernance ... 219

1.1.2 La conception et la définition de l’éthique ... 220

a) L’éthique axiologique ... 221

b) L’éthique collective ... 221

c) L’éthique relationnelle ... 223

d) L’éthique normative ... 223

e) L’éthique individuelle ... 224

f) L’éthique en tant que compétence ... 224

1.1.3 La place accordée à la trilogie mission-vision-valeurs ... 225

1.1.4 La place de l’éthique au sein du discours organisationnel ... 227

1.2 Analyse de l’organisation B ... 228

1.2.1 Le cadre de gouvernance ... 228

1.2.2 La conception et la définition de l’éthique ... 230

a) L’éthique axiologique ... 231

b) L’éthique collective ... 232

c) L’éthique normative ... 233

d) L’éthique relationnelle ... 234

e) L’éthique en tant que compétence ... 235

f) L’éthique individuelle ... 235

1.2.3 La place accordée à la trilogie mission-vision-valeurs ... 236

1.2.4 La place de l’éthique au sein du discours organisationnel ... 238

1.3 Analyse comparative A/B ... 239

1.3.1 Le cadre de gouvernance ... 239

1.3.2 La conception et la définition de l’éthique ... 240

1.3.3 La place accordée à la trilogie mission-vision-valeurs ... 247

1.3.4 La place de l’éthique au sein du discours organisationnel ... 247

2.Identification et caractérisation des dispositifs qui composent "l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique", selon les PRH ... 248

2.1 L’infrastructure éthique ... 249

2.1.1 Analyse de l’organisation A ... 249

a) Identification des dispositifs de l’infrastructure éthique ... 249

b) Caractérisation des dispositifs de l’infrastructure éthique ... 251

(9)

ix

a) Identification des dispositifs de l’infrastructure éthique ... 252

b) Caractérisation des dispositifs de l’infrastructure éthique ... 256

2.1.3 Analyse comparative A/B ... 258

2.2 L’infrastructure RH ... 261

2.2.1 Analyse de l’organisation A ... 262

a) La place de l’éthique en gestion des ressources humaines ... 262

b) Identification des dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique ... 263

c) Caractérisation des dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique ... 265

2.2.2 Analyse de l’organisation B ... 266

a) La place de l’éthique en gestion des ressources humaines ... 266

b) Identification des dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique ... 267

c) Caractérisation des dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique ... 273

2.2.3 Analyse comparative A/B ... 273

C) Discussion sur les résultats……….277

1.L’organisation A………. 281

1.1 La définition et la conception de l’éthique ... 281

1.1.1 Discours organisationnel versus discours PRH ... 281

1.1.2 Éléments ressortant du discours des PRH quant à leurs pratiques ... 283

1.2 L’armature organisationnelle en soutien à l’éthique ... 287

1.2.1 Discours organisationnel versus discours PRH ... 287

1.2.2 Caractérisation de l’armature à la lumière des trois éthiques, selon le discours PRH quant à leurs pratiques ... 288

1.2.3 Éléments ressortant du discours PRH quant à leurs pratiques ... 294

1.3 Progression de l’institutionnalisation de l’éthique ... 299

2. L’organisation B ………303

2.1 La définition et la conception de l’éthique ... 303

2.1.1 Discours organisationnel versus discours PRH………303

2.1.2 Éléments ressortant du discours des PRH quant à leurs pratiques ... 305

2.2 L’armature organisationnelle en soutien à l’éthique ... 308

2.2.1 Discours organisationnel versus discours PRH ... 308

2.2.2 Caractérisation de l’armature à la lumière des trois éthiques, selon le discours PRH quant à leurs pratiques ... 309

2.2.3 Éléments ressortant du discours PRH quant à leurs pratiques ... 315

2.3 Progression de l’institutionnalisation de l’éthique ... 319

3.Conclusion au chapitre 4……….. …321

Conclusion générale ... 323

Bibliographie ... 328

(10)

x

Liste des figures

FIGURE 2.1 : L’institutionnalisation de l’éthique………...96

FIGURE 2.2 : Composante de l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique………..104

FIGURE 2.3 : Phase 1 de l’analyse………..…117

FIGURE 2.4 : Phase 2 de l’analyse………..…118

(11)

xi

Liste des tableaux

TABLEAU 2.1 : Exemples de dispositifs appartenant à l’infrastructure éthique………...…....106 TABLEAU 2.2 : Exemples de dispositifs appartenant à l’infrastructure RH touchant à l’éthique………...………..107 TABLEAU 2.3 : Actions ou gestes moraux……….……….112 TABLEAU 3.1 : Répartition des répondants de l’organisation A, selon le genre et l’expérience………...…………163 TABLEAU 3.2 : Répartition des répondants de l’organisation B, selon le genre et l’expérience………...………165 TABLEAU 4.1 : Résultats de l’analyse du discours organisationnel quant à la définition et à la conception de l’éthique de l’organisation A………..……...179 TABLEAU 4.2 : Résultats de l’analyse du discours organisationnel quant à la définition et à la conception de l’éthique de l’organisation B………..………...184 TABLEAU 4.3 : Comparatifs des thèmes émergent du discours organisationnel des organisations A et B quant à la définition et à la conception de l’éthique………..…….187 TABLEAU 4.4. : Résultats de l’analyse de l’infrastructure éthique de l’organisation A, selon le discours organisationnel……….………...…….192 TABLEAU 4.5. : Résultats de l’analyse de l’infrastructure éthique de l’organisation B, selon le discours organisationnel……….………..……….………….198 TABLEAU 4.6 : Analyse de l’infrastructure RH de l’organisation A, selon le discours organisationnel………..……...…207 TABLEAU 4.7 : Analyse de l’infrastructure RH de l’organisation B, selon le discours organisationnel……….…………....213 TABLEAU 4.8 : Répartition des répondants de l’organisation A, selon le genre et l’expérience………..……….218 TABLEAU 4.9 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation A quant au cadre de gouvernance en place……….…………..…….220 TABLEAU 4.10 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation A quant à la définition et à la conception de l’éthique……….…………..…...220 TABLEAU 4.11 : Répartition des répondants de l’organisation B, selon le genre et l’expérience………..…………..…………..228 TABLEAU 4.12 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation B quant au cadre de gouvernance en place………...…….230 TABLEAU 4.13 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation B quant à la définition et à la conception de l’éthique………..231 TABLEAU 4.14 : Comparatif des scores des thèmes émergeants du discours des PRH des organisation A et B quant au cadre de gouvernance en place……….………...240 TABLEAU 4.15 : Comparatif des thèmes émergeant du discours des PRH des deux organisations quant à la conception et à la définition de l’éthique………241 TABLEAU 4.16 : Dispositifs éthiques identifiés par les répondants de l’organisation A………..…………250 TABLEAU 4.17 : Dispositifs éthiques identifiés par les répondants de l’organisation B.………252

(12)

xii

TABLEAU 4.18 : Comparatif des dispositifs des infrastructures éthique relevés par les PRH des deux organisations.…………...………...……….259 TABLEAU 4.19 : Comparatif de la caractérisation des infrastructures éthiques des deux organisations, à la lumière des propos des PRH………...260 TABLEAU 4.20 : Dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique identifiés par les répondants de l’organisation A………..……….264 TABLEAU 4.21 : Dispositifs de l’infrastructure RH touchant à l’éthique identifiés par les répondants de l’organisation B………..……….268 TABLEAU 4.22 : Comparatif des dispositifs d’infrastructure RH touchant à l’éthique relevés par les PRH des deux organisations………..272 TABLEAU 4.23 : Comparatif de la caractérisation des dispositifs d’infrastructure RH touchant à l’éthique des deux organisations, à la lumière des propos des PRH………....275 TABLEAU 4.24 : Analyse comparative interphase quant à la définition et à la conception de l’éthique : Organisation A……….…………..280 TABLEAU 4.25 : Analyse comparative interphase quant à l’infrastructure éthique : Organisation A………..………..………….…………285 TABLEAU 4.26 : Analyse comparative interphase quant à l’infrastructure RH : Organisation A………..………..……….286 TABLEAU 4.27 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation A quant à ce qui guide leur prise de décision……….295 TABLEAU 4.28 : Analyse comparative interphase quant à la définition et à la conception de l’éthique : Organisation B………..….302 TABLEAU 4.29 : Analyse comparative interphase quant à l’infrastructure éthique : Organisation B………..………..…….306 TABLEAU 4.30: Analyse comparative interphase quant à l’infrastructure RH : Organisation B………..………..……….307 TABLEAU 4.31 : Scores des thèmes émergeants du discours des PRH de l’organisation B quant à ce qui guide leur prise de décision……….316

(13)

xiii

Liste des abréviations et des sigles

APEC Association des praticiens en éthique du Canada ECM Études critiques de management

GRH Gestion des ressources humaines

GSRH Gestion stratégique des ressources humaines

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques PRH Professionnels de la gestion des ressources humaines

RI Relations industrielles RH Ressources humaines

RSE Responsabilité sociale d’entreprise

SHRM Society for Human Resource Management T.O. Théories des organisations

(14)

xiv

Remerciements

À mes parents, Louise et Marco, ainsi qu’à mon frère, Pierre Alexandre, pour votre sagesse, votre humour et votre amour toujours inconditionnel. Vous avez été – et demeurez – une grande source d’inspiration, de force et de courage. Merci d’être ma constante.

À Axel, qui en donnant forme et couleurs à la vie après la thèse, m’a permis de mener ce projet à terme avec force. I love you and I could not ask for a better, more supportive, partner. Thank you for coming along for the ride and for refusing any other alternative.

À « mes amis d’une autre vie » qui ont su me suivre et m’appuyer à travers ce changement de cap. Michele, Julie et Jeff, votre présence et votre soutien m’ont été particulièrement précieux. Et aux « filles du doctorat » – Carole-Anne, Marie-Laure, Marie-Michelle et Thouraya – pour votre réconfort lors de moments de vertige et ces délicieux fous rires. Partager cette route avec vous a été un honneur et je vous souhaite un franc succès dans tout ce que vous entreprendrez.

Aux professeurs et membres du département des relations industrielles pour leurs judicieux conseils et encouragements. Je remercie particulièrement Michel Racine, Catherine Le Capitaine et Sylvie Montreuil, membres de mon comité de soutien et d’évaluation dans le cadre des examens doctoraux.

À ceux qui m’ont si généreusement ouvert les portes de leurs organisations et aux participants qui ont accepté de prendre part à ce projet de recherche avec courage et honnêteté. Sans votre appui, ce projet de thèse n’aurait pu se réaliser. Merci de votre grande confiance.

À Maria et Guelmbaye, dont l’assistance en fin de parcours a été si précieuse.

Et enfin, à ma directrice de recherche, Lyse Langlois, dont la rencontre initiale s’est avérée une rencontre ultime. Pour votre soutien, vos bons conseils, votre générosité, votre patience et votre sage insistance. Vous m’avez enseignée tellement plus qu’il ne vous était demandé et immensément plus que j’aurais pu souhaiter.

(15)

1

Introduction

L’entreprise contemporaine évolue dans un contexte de mondialisation économique où les formes de règlementation traditionnelles semblent éprouvées (Gendron 2006; Kirton et Trebilcock, 2004). Dans ce contexte, une place accrue est impartie à la "société civile" et aux organisations, conséquence du retrait de l’État d’une partie du champ de la régulation (Gendron et coll., 2004; McBarnet, 2007). Parallèlement, l’on témoigne d’une véritable recrudescence des revendications et des questionnements à l’égard du rôle social et éthique des organisations. Les inconduites et les malversations observées au sein de ces dernières sont contestées sur la place publique à une vitesse inédite, notamment propulsées par les nouvelles technologies, et entraînent un impact sur l’organisation ainsi que sur ses parties prenantes (Freeman, 1984), dont les dirigeants et les salariés.

Ce contexte se veut favorable au champ disciplinaire qu’est l’éthique organisationnelle (Langlois, 2015) ainsi qu’à l’institutionnalisation de l’éthique au sein des organisations (Mercier, 2004). Bien que les initiatives déployées au nom de l’éthique peuvent viser un rehaussement des conduites ou l’établissement de valeurs signifiantes (OCDE, 2000), elles peuvent aussi avoir pour but de préserver l’acceptabilité et la légitimité de l’organisation (Bécheur et Bensabaa, 2004; Hanlon et Fleming, 2009). C’est que celle-ci fait aujourd’hui l’objet d’une évaluation multicritérielle de la part de ses parties prenantes (Freeman, 1984). Les initiatives entreprises, qui peuvent être qualifiées de formes d’auto ou de corégulation (Gendron, 2005), peuvent dès lors s’expliquer par la possible recherche d’un avantage réputationnel (Jenkins, 2004), voire constituer un modèle visant la gestion de la contestabilité socioéconomique (David et coll., 2005; Godard et Hommel, 2001).

Cette confusion entre éthique et autres stratégies de gouvernance prend une saveur particulière dans le contexte spécifique de la gestion des ressources humaines (GRH). Cette fonction ayant beaucoup évolué au cours des dernières décennies (Kaufman, 2004b; Kimmel, 2000), elle est aujourd’hui soumise à une évaluation sévère de sa performance (Cadin et coll., 2007), voire à une remise en question de son rôle – et du rôle que jouent les professionnels de la GRH (PRH) – au sein de l’organisation. L’approche dominante de la GRH – qualifiée par certains de tournant managérial (Keenoy, 2009) – aurait ainsi emmené les PRH à défendre leur valeur en tant que partenaires

(16)

2

stratégiques et seraient ainsi venus brouiller la vraie nature de la fonction RH (Foote et Robinson, 1999). Les PRH auraient dès lors délaissé leurs rôles à titre de gardiens du contrat social des employés (Thompson, 2011)1 et se seraient du même coup distancés des préoccupations éthiques

(Dale, 2012). Or, plusieurs rapports de recherche démontrent que les PRH jouent un rôle actif dans le déploiement d’initiatives organisationnelles touchant à l’éthique (APEC Québec, 2010; SHRM, 1996, 2008; Strandberg, 2009).

L’éthique demeure la dimension la plus négligée du domaine des relations industrielles (RI) et encore très peu d’académiciens en provenance des RI et de la GRH s’attardent à l’éthique organisationnelle aux enjeux éthiques de la GRH (Budd et Scoville, 2005; Kaufman, 2005; Provis, 2006). Néanmoins, il s’avère fondamental de s’intéresser à la forme que prend l’éthique organisationnelle au sein des organisations québécoises, ainsi qu’aux liens pouvant être tissés entre l’institutionnalisation de l’éthique en milieu de travail et le rôle qu’y joue la GRH. Il est de même pertinent de s’interroger quant à la perception qu’ont les PRH de l’éthique au sein de leur organisation, ainsi que des dispositifs qui y sont déployés en guise de soutien.

C’est à la lueur de cet état de la situation que le présent projet de recherche est proposé. Plus précisément, ce dernier a pour but de répondre à la question générale suivante : quelle forme prend l’institutionnalisation de l’éthique dans les organisations québécoises sous étude ? Cette question se décline sur deux plans, soit : clarifier, sur le plan théorique, le concept d’éthique et d’institutionnalisation de l’éthique, et; caractériser, sur le plan empirique, l’institutionnalisation de l’éthique au sein de deux organisations québécoises.

1 Cette position trouve appui chez Rhodes et Harvey (2012) pour qui « l’éthique de la relation d’emploi est

subordonnée à la prérogative managériale, par le biais de la fonction RH » et de De Gama et coll. (2012) pour qui la GRH, telle que pratiquée aujourd’hui, agit en soutien aux exigences morales de l’organisation, et non des employés.

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3

Chapitre 1 : Problématique de recherche

« L’impératif stratégique se double (…) d’un impératif éthique qui constitue déjà et constituera encore plus à l’avenir l’horizon indépassable de notre temps » (Chanlat, 2007, p.136). Notre projet de recherche ayant pour but d’explorer la forme que prend l’éthique organisationnelle au sein de deux organisations québécoises, ainsi que les liens pouvant être tissés entre l’institutionnalisation de cette dernière et la gestion des ressources humaines, un premier objectif se doit d’être la mise en contexte, ainsi que la clarification des divers concepts qui donnent forme à ce questionnement. C’est l’objectif que poursuit ce premier chapitre, à travers une recension des écrits émanant de domaines tels que les relations industrielles, la gestion des ressources humaines, les théories des organisations, l’éthique des affaires et l’éthique organisationnelle.

1. Mise en contexte du projet de recherche

La section qui suit a pour but de poser la problématique de notre projet de recherche, en explorant le contexte dans lequel ce dernier s’insère. Une meilleure compréhension de la forme que tend à prendre l’éthique dans les organisations, du contexte sociétal actuel au regard de l’éthique, de l’état qui caractérise le contexte spécifique qu’est la GRH, dont la place qu’accordent les champs des relations industrielles et de la GRH à l’éthique, nous permettra ainsi de démontrer toute la pertinence de ce projet de recherche.

1.1 L’éthique au sein des organisations

Le concept d’éthique étant, tant dans le discours managérial que dans les écrits scientifiques, véritablement polysémique, il convient de préciser, d’entrée de jeux, la définition que nous proposons de ce concept. Ainsi, nous éloignant des théories morales et d’une conception normative de l’éthique – ayant pour but de distinguer ce qui est à faire, ou à ne pas faire – nous concevons, nous inspirant notamment des travaux de Bégin (1997), que l’éthique constitue une compétence.

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4

En contexte organisationnel, alors que l’éthique peut être considérée comme constituant une dimension de l’organisation2, une partie du système qu’est cette dernière3, voire être associée à la

culture du milieu4, nous considérons dans cette thèse – nous inspirant des travaux de Langlois

(2008) – que l’éthique constitue une capacité réflexive critique5. La forme que prend cette dernière,

en milieu de travail, peut pour sa part être définie à l’aide des concepts de formalisation et d’institutionnalisation de l’éthique.

La formalisation de l’éthique, souvent considérée comme le premier pas vers la création d’un milieu de travail éthique (Langlois, 2011), est définie par Mercier (2000) comme « la rédaction par l’organisation d’un document énonçant ses valeurs, principes et croyances » (p.104). Cette formalisation vient ainsi sensibiliser les membres de l’organisation aux repères organisationnels ne s’inscrivant pas dans une stricte logique juridique ou économique. Quant à l’institutionnalisation, ce concept est défini comme faisant référence aux « différents mécanismes internes s’assurant du respect des engagements énoncés et visant à instaurer des relations de confiance avec les parties prenantes … et à promouvoir le comportement éthique parmi les collaborateurs » (Mercier, 2004, p.22). L’institutionnalisation de l’éthique vise donc à concrétiser le "discours éthique", par la mise en place de dispositifs ayant pour but de promouvoir et de renforcer l’éthique en milieu de travail. Les dispositifs éthiques formels constituent, pour Bégin et coll. (2014), « les politiques et mécanismes institutionnalisés dans le but d’orienter les conduites dans le sens des valeurs organisationnelles », alors que « toute pratique non officielle favorisant les mêmes objectifs (…). Par exemple, les échanges éthiques (conseils, discussions entre collègues) non planifiés » (p.18) sont qualifiés de dispositif informel6. L’on témoigne ainsi de l’instauration de « pratiques durables au moyen de

modèles décisionnels, d’énoncés de valeurs, de formation, d’ateliers de réflexion et de discussion de même que de déploiement d’un leadership éthique en action » (Langlois, 2011, p.137). Ensemble, ces dispositifs composent l’infrastructure éthique de l’organisation.

2Par exemple : Lacroix (2009), Mercier (2000/2001). 3Dont: Enriquez (1993), Naciri (2011).

4 Voir notamment : Girard, (2007), Marchildon (2002).

5 Une topographie du domaine de l’éthique sera proposée à la section 3 de ce chapitre.

6 Compte tenu de l’approche méthodologique privilégiée, voire le chapitre 3, il est à noter que seuls les

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5

L’origine du concept d’infrastructure éthique peut être retracée aux travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (1998, 2000) et du groupe Public

Management Committee (PUMA) en matière d’éthique et d’intégrité. C’est dans un contexte

d’inconduites que le Conseil de l’OCDE adopte, en 1998, une recommandation ayant pour but d’améliorer les comportements éthiques dans les services publics de ses pays membres. Rappelons à cet effet que 20 pays ont signé, en 1960, la Convention relative à l’OCDE et que 14 autres pays y ont adhéré depuis. Trente-quatre pays7 sont donc actuellement membres de l’OCDE. L’initiative du

groupe PUMA a plus précisément pour but de fournir des données comparatives quant aux pratiques et aux mécanismes qui favorisent l’éthique et l’intégrité dans les organisations gouvernementales de ces pays, et ce, afin d’en extrapoler les bonnes pratiques. Deux enquêtes sur la gestion de l’éthique sont lancées entre 1996 et 1998, puis un rapport faisant état des tendances générales et mettant de l’avant le concept d’"infrastructure de l’éthique" est publié en 2000. Pour l’OCDE, l’infrastructure de l’éthique constitue plus précisément « un système cohérent de mécanismes de soutien » (2000, p.12) composé à la fois de valeurs fondamentales ayant pour but d’aiguiller les comportements individuels et collectifs et de mécanismes de contrôle ayant pour but d’assurer le respect de normes de conduites élevées (1998). La mise en place d’une infrastructure éthique est dite essentielle afin d’assurer la création et le maintien d’un milieu de travail éthique et intègre.

À la lumière de ces recommandations, de nombreux pays prennent le pas et mettent en place des mesures susceptibles de favoriser et/ou de renforcer l’éthique au sein de leurs services publics. Trois grandes tendances sont plus spécifiquement observées : la détermination de failles dans l’infrastructure de l’éthique en place et le renforcement de cette dernière (stratégie notamment adoptée par le Royaume-Uni et les États-Unis); le recentrage de la gestion de l’éthique au sein des pratiques de gestion de l’administration publique, notamment en ce qui a trait aux lignes directrices devant aiguiller la pratique et à l’imputabilité (une tendance forte en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada). Et, enfin; la mise sur pied d’une infrastructure de l’éthique, inscrite dans un effort de modernisation de l’administration publique (un défi de construction observé dans plusieurs pays, dont l’Espagne, le Portugal et le Mexique) (Maguire, 1998).

7 Soit les pays suivants: Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Corée, Danemark, Espagne,

Estonie, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Israël, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République Tchèque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie (www.oecd.org).

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C’est ainsi qu’au Canada et au Québec, les travaux de l’OCDE ont un effet notable sur la forme que prend l’institutionnalisation de l’éthique au sein d’organisations publiques8. Malheureusement, cet

effet se veut considérablement plus limité au sein d’organisations privées qui voient initialement leur conduite réglementée par les dispositions législatives et les ententes patronales-syndicales (Locke et coll., 2007). L’émergence progressive de codes de conduites se veut toutefois synonyme du début d’un certain volontarisme organisationnel (Gagnon et coll., 2003; Gendron, 2006). En effet, il est intéressant de noter que trois phases de développement de codes de conduites peuvent être relevées (Murray, 1998).

Les premiers codes de conduites voient le jour peu avant la Deuxième Guerre mondiale et ont pour cible première l’encadrement des partenariats en terre étrangère9. Une deuxième phase de

développement de codes de conduites s’amorce au début des années 1970 et vient viser, de façon plus spécifique, le comportement des multinationales. Le scandale de l’International Telephone and Telegraph (ITT) au Chili et les nombreuses allégations de marché d’influence alimentent alors les revendications et mettent en évidence la nécessité d’un cadre régulatoire adéquat (Jenkins, 2004; Murray, 1998). Les codes de conduites internationaux émergent comme une mesure prometteuse afin d’appuyer et de protéger les pays en voie de développement face à l’influence et aux abus potentiels des multinationales10. Diverses instances internationales cherchent, pour leur part, à

élaborer des cadres normatifs pouvant franchir les frontières nationales et imposer des balises à la conduite corporative. Malgré les efforts déployés, plusieurs initiatives échouent11 et se soldent en

l’adoption de principes directeurs et de déclarations12.

8 À ce titre, soulignons les nombreux éléments mis en place par les gouvernements fédéral et provincial

lesquels combinent à la fois des composantes axiologiques et normatives (Boisvert, 2008, 2011; Centeno, 2011).

9 La fin de la Première Guerre mondiale et la poussée d’activités corporatives en terre européenne entraînent

notamment la création du International Code of Fair Treatment for Foreign Investment (Murray, 1998).

10 À titre d’exemple, la Confédération internationale des syndicats libres est alors la première instance

internationale à réclamer une régulation internationale (Murray, 1998) et la Chambre de commerce internationale lance, en 1972, des lignes conductrices en matière d’investissement (Jenkins, 2004).

11 Dont : la tentative de l’Organisation des Nations Unies (ONU) d’apporter, en 1974, des révisions à l’accord

de Bretton Woods, notamment en matière de droit du travail; en 1976, la tentative de l’Organisation International du Travail (OIT) en ce qui a trait au développement d’un code de conduite international, bloquée par les États-Unis (Compa, 2008).

12 Dont la Déclaration et les Décisions sur l’investissement international et les entreprises multinationales

adoptés par l’OCDE, en 1976, et alors que la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises

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7

C’est dans ce contexte de déréglementation qu’émerge, dès les années 1990, une troisième phase de codes de conduites, cette fois menée par les organisations mêmes. Bien que l’image de marque et le "capital réputationnel" figurent en tête de liste des préoccupations organisationnelles (Jenkins, 2004) et déterminent plus que jamais la valeur et les ventes d’une organisation (Howitt, 2002), ces dernières, confrontées à une remise en question croissante de leurs pratiques13, emboîtent le pas.

C’est à ce moment que, pour la première fois, les codes de conduites déployés proviennent de façon majoritaire d’organisations privées et non gouvernementales (Kolk et coll., 1999) et que l’on observe, notamment au sein des grandes organisations, une institutionnalisation de l’éthique en milieu de travail, à l’aide de la mise sur pied de dispositifs divers ayant pour visée de "gérer" l’éthique.

Néanmoins, force est de constater que la forme que prend l’institutionnalisation de l’éthique en milieu de travail varie considérablement d’une organisation (Dion, 2007), voire d’un pays à l’autre (Mercier, 2001). De plus, les questionnements éthiques tendant à résulter de l’éclatement au grand jour d’inconduites corporatives ou individuelles (Langlois, 2011; Sims, 2003), ces inconduites ont souvent pour effet d’encourager un resserrement de la norme ce qui, tel que nous le verrons un peu plus loin, s’inscrit dans une visée ne pouvant pas être proprement qualifiée "d’éthique"14. Les dispositifs

organisationnels déployés sous la bannière de l’éthique répondent donc parfois à une logique pouvant véritablement être qualifiée d’éthique et parfois à une logique davantage normative (Bégin et Langlois, 2012). De même, ces derniers résultent tantôt d’une préoccupation éthique, tantôt d’une volonté stratégique (Sims, Ibid.; Rossouw et Van Vuuren, 2004).

Enfin, et bien que nous explorerons en plus grands détails le concept d’infrastructure éthique au point 2 du chapitre second, il importe de noter que l’on remarque, au sein des recherches empiriques s’intéressant à l’institutionnalisation de l’éthique, qu’une importance considérable est accordée aux dispositifs déployés au sein des organisations et pouvant être associés aux infrastructures éthiques de celles-ci. L’on souligne alors, à titre d’exemple, la présence de comités ou de répondants en éthique, ou encore, l’offre de séances de formation portant sur l’éthique. Toutefois, il est de notre avis

13 On dénonce notamment l’inégalité nord sud résultant de la mondialisation, dont le travail des enfants et les

conditions de travail des pays du sud, chaine d’approvisionnement du nord. Les nombreuses campagnes de revendications font de l’année 1995-96 "l’année des ateliers de misère" aux États-Unis (Klein, 2000).

14Par exemple, les scandales financiers – dont l’effondrement d’Enron et la crise économique de 2008-2009

– entrainent un accroissement de la régulation aux États-Unis dont le Sarbaines-Oxley Act (2002) et le

Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (2010). Au Québec, les travaux de la

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8

que le concept d’infrastructure éthique est en soi insuffisant afin de faire état de la place qu’accorde un milieu de travail donné à l’éthique. Pour cette raison, nous aborderons, dans les sections qui suivent, les particularités du contexte actuel en ce qui a trait à l’éthique, puis de manière plus spécifique, quant à la gestion des ressources humaines. Ceci nous permettra de mettre en lumière les éléments qui nous incitent à nous intéresser, dans le cadre de cette thèse, à l’institutionnalisation de l’éthique en milieu de travail et, plus encore, aux éléments de l’infrastructure RH touchant à l’éthique.

1.2 L’institutionnalisation de l’éthique en contexte

Nul ne peut nier que le contexte actuel se veut favorable à l’éthique. D’une part, de nombreuses inconduites marquent, depuis plusieurs années, le contexte organisationnel et sociétal canadien et québécois. D’autre part, le contexte de déréglementation accru – caractérisé tant par un allégement de la réglementation étatique dans certains domaines que par un pouvoir de régulation limité face aux organisations multinationales – favorise un transfert de l’encadrement des pratiques à l’organisation ainsi qu’aux institutions telles que les ordres professionnels.

De nombreuses transformations observées dans le monde du travail, notamment en matière d’organisation du travail et en ce qui a trait aux attentes de l’organisation à l’égard des travailleurs, se veulent aussi favorables à l’éthique. À ce titre, et tel que le soulignent Lallement (2007) et Lacroix (2011), les formes d’organisation du travail traditionnelles que sont le taylorisme et le fordisme ne permettent plus, dans plusieurs cas, de répondre aux exigences et à la concurrence qui résultent de la mondialisation des marchés. Elles sont, par conséquent, revues afin de susciter un enrichissement favorisant un engagement accru, voire même une requalification, des travailleurs (Grant et Lévesque, 1997; Méda, 2005). C’est ainsi qu’une nouvelle façon de considérer le travail émerge dans plusieurs organisations, exigeant du travailleur qu’il fasse preuve de plus d’autonomie et de créativité, notamment en adoptant une posture proactive et axée sur la résolution de problèmes. Dans un tel contexte, la simple régulation des comportements ne peut suffire à aiguiller la conduite individuelle et collective et, ultimement, à assurer une véritable responsabilisation des individus15. Le jugement et la

capacité réflexive de ces derniers ont ainsi avantage à être développés et mobilisés.

15 Ce point sera élaboré davantage alors qu’il sera question de la visée et de la portée des divers modes de

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Et pourtant, il importe de noter que l’on observe, dans nombre d’organisations, l’accroissement d’une éthique de la conformité. Un resserrement du cadre normatif en place – notamment par l’entremise de codes "d’éthique" et de politiques –, et la mise sur pied de mécanismes divers de régulation des comportements individuels et collectifs – dont de surveillance et de sanctions – réduisent dès lors l’éthique à la déontologie16. Nombre d’auteurs et d’intervenants observent – et déplorent – ainsi la

tendance qui persiste au sein des organisations à vouloir "légiférer" l’éthique17.

Ces différents éléments contextuels – distincts, mais interreliés – nous incitent, dans le cadre de ce projet de recherche, à porter un regard critique sur l’institutionnalisation de l’éthique en milieu de travail. Plus spécifiquement, nous structurerons nos travaux à la lumière de la question générale de recherche suivante : Quelle forme prend l’institutionnalisation de l’éthique dans les organisations québécoises sous étude?

Sachant que les façons de concevoir et d’institutionnaliser, l’éthique varient d’une organisation à l’autre, qu’il y a parfois une grande diversité quant aux dispositifs mis en place au nom de l’éthique et que le discours éthique organisationnel – soit ce qui est formalisé – ne se concrétise pas toujours par la mise en place de dispositifs éthiques concrets. Nos questionnements spécifiques s’articulent autour de :

 Comment se définit, ou se conçoit, l’éthique au sein de ces organisations ?

 Comment se caractérise l’institutionnalisation de l’éthique au sein de ces organisations en ce qui a trait à l’armature organisationnelle18 en soutien à l’éthique

mise en place?

 Comment les professionnels des ressources humaines (PRH) définissent-ils, ou conçoivent-ils, l’éthique au sein de leurs organisations ?

 Quels "dispositifs éthiques" sont identifiés – de façon directe ou indirecte – par les PRH comme étant mis en place au sein de leurs organisations ?

 Comment se caractérise l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique, du point de vue de la compétence éthique ?

16 Nous aborderons les modes de régulation sociale, dont l’éthique et la déontologie, au point 3.1.

17Le lecteur intéressé aux débats entourant cette tendance est invité à consulter le numéro de la revue Éthique

Publique s’intitulant « Faire des lois sur l’éthique? » (2011, vol. 13, no.1), l’article de Stansbury et Barry

(2007) ainsi que celui de Roberts (2009) sur les implications d’une éthique de la conformité.

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10

L’on dénote à même ces questions de recherche un intérêt pour l’institutionnalisation de l’éthique et pour les "dispositifs éthiques" mis en place au sein des organisations sous étude. À cet égard, il convient de rappeler, tel que souligné précédemment, qu’il est de notre avis que le concept d’infrastructure éthique ne suffit pas pour faire adéquatement état de la place qu’accorde un milieu de travail donné à l’éthique. Nous proposerons, par conséquent, au chapitre deux, un cadre théorique s’intéressant non seulement aux dispositifs qui composent l’infrastructure éthique, mais aussi à ceux qui appartiennent à l’infrastructure RH et qui touchent à l’éthique. Ensemble, nous proposerons que ces deux infrastructures constituent ce que nous qualifions d’armature organisationnelle en soutien à l’éthique. La section qui suit nous permettra de situer ce concept, en abordant de manière plus spécifique le contexte qui est propre à la GRH.

1.3 Le contexte spécifique de la GRH

La section 2 de ce chapitre situera la GRH au sein du champ des relations industrielles et dressera un portrait historique de l’évolution de ces deux champs d’études, les transformations principales qui ont marqué le domaine de la GRH, ainsi que les remises en question auxquelles ce dernier est confronté – notamment en ce qui a trait à l’éthique – nous permettront ici de poser la pertinence de la GRH en tant que contexte d’étude spécifique.

D’entrée de jeu, et à la lumière de l’utilisation plurivoque du terme, il importe de préciser ce à quoi nous faisons référence par le biais de l’expression "gestion des ressources humaines". Une recension des écrits19 nous permet à cet effet de constater que la GRH peut faire référence à

l’ensemble des pratiques et des activités qui sont propres à la gestion des employés20. Ce terme peut

aussi désigner l’approche qui oriente l’exercice de ces pratiques. La GRH fait alors implicitement référence à une idéologie, par exemple, à la croyance selon laquelle l’organisation peut acquérir un avantage compétitif en se dotant d’une main-d’œuvre engagée et motivée (Storey, 1995). C’est notamment dans cette perspective que l’on vient distinguer la "GRH douce" (soft HRM) de la "GRH dure" (hard HRM) ou encore la gestion du personnel de la gestion des ressources humaines et de la

19 Kaufman (2004a) et Legge (2005) proposent notamment des analyses très complètes.

20 Soit qui sont reliées au recrutement, à la formation, à l’évaluation de la performance et à la rémunération

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11

GRH stratégique21. Enfin, le terme GRH peut référer à la fonction telle qu’elle s’institutionnalise au

sein de l’organisation, soit à l’unité ou au département tel que précisé dans la structure et dans l’organigramme de cette dernière.

Nous inspirant de Pinnington et coll. (2007) et de Bakke (195822), nous adopterons, pour notre part,

la définition de la GRH suivante : l’ensemble des pratiques et des activités entourant la gestion des

employés œuvrant au sein d’une organisation donnée. Ce faisant, nous souhaitons nous éloigner

des préoccupations relatives à la forme que prend la GRH d’un point de vue structurel et convenons que celle-ci peut être prise en charge par un département, une équipe ou encore par un seul et même employé.

Notre projet de recherche s’intéresse à l’institutionnalisation de l’éthique en organisations, notre intérêt spécifique, pour la place de l’éthique au sein de la GRH, nous incitera à porter une attention particulière à la définition et à la conception de l’éthique au sein de ces milieux ainsi qu’aux éléments qui composent l’infrastructure éthique en place, du point de vue des professionnels de la GRH ou PRH23. Nous définissons les PRH comme étant les employés, quels que soient leurs niveaux hiérarchiques ou mandats spécifiques, qui prennent en charge l’exécution d’activités de ressources humaines24. Le terme "professionnel" est ainsi utilisé non pas dans son sens légal ou déontologique,

mais bien courant25. De même, en faisant parfois référence à "la GRH", plutôt qu’aux PRH, nous

affirmons notre niveau d’analyse, soit la "fonction26" transversale à l’organisation et rendue visible

grâce à l’implication d’un nombre varié d’individus. Ainsi, tout en reconnaissant que la GRH prend vie grâce aux PRH, nous rappelons trois points tout aussi importants : que la conception, le déploiement

21 La GRH stratégique peut, à son tour, se décliner en plusieurs courants. À ce propos, McMahan et coll.

(1998) identifient dix perspectives théoriques distinctes.

22 Qui propose, dès 1958, une définition très d’actualité de la GRH : « [t]he function which is related to the

understanding, maintenance, development, effective employment, and integration of the potential in the resource “people” » (p.5, cité par Kaufman, 2004a, p.334).

23 Ce faisant, nous faisons écho aux préoccupations de Deckop (2006) et Gama et coll. (2012) pour qui peu de

recherches s’intéressent à la manière dont l’éthique est représentée dans le discours, les activités et les expériences vécues par les professionnels de la GRH.

24 Cette définition s’inspire notamment de celle proposée par Van Dyk (2001).

25 « Qui exerce régulièrement une profession, un métier, par opposition à amateur » : DICTIONNAIRE

LAROUSSE (Page consultée le 20 janvier 2014). Définition : Professionnel, professionnelle, en ligne, http://www.larousse.com/en/dictionnaires/francais/professionnel.

26 Terme définit, au sens organique, comme un « ensemble d'opérations concourant au même résultat et

exécutées par un organe ou un ensemble d'organes » : DICTIONNAIRE LAROUSSE (Page consultée le 1 juin 2011). Définition : Fonction, en ligne, http://www.larousse.com/en/dictionnaires/francais/fonction.

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et la gestion d’activités et de pratiques de GRH peuvent impliquer plus que les PRH (en nécessitant notamment la collaboration des membres de la direction ainsi que celle de gestionnaires et de professionnels en provenance de divers départements); que la nature de la GRH (soit ses caractéristiques dominantes) dépend, mais ne peut être réduite, aux gestes et aux caractéristiques individuelles des PRH, et enfin; que la GRH est socialement enchâssée (Morishima, 1995).

Enfin, il importe de préciser que dans le cadre de ce projet de recherche nous ne nous intéressons pas de manière spécifique à l’agir des PRH – par exemple, dans un contexte de prise de décision éthique – tel que le font certains auteurs27. Prenant note d’importants questionnements quant à la

place qu’occupe l’éthique au sein de la gestion des ressources humaines, nous nous interrogeons plutôt quant à la capacité qu’a cette fonction, dans sa forme actuelle, à intégrer l’éthique dans l’organisation. Afin d’apprécier cette capacité, nous porterons notre attention sur la place qu’accorde la fonction RH – et les PRH qui la composent – à l’éthique ainsi qu’au rôle que jouent ces derniers dans l’organisation.

Un retour sur l’évolution historique de la GRH – de la gestion du personnel28 à sa forme actuelle –

permet de mieux saisir les questionnements soulevés à l’égard de cette fonction, notamment en ce qui a trait à l’éthique. À cet égard, il importe de préciser que plusieurs écoles de pensées ont façonné la gestion des ressources humaines. Les présentations topographiques divergent entre les auteurs29.

Kimmel (2000) propose toutefois un regard historique et identifie trois scissions ayant marqué le domaine de la gestion du personnel. Celles-ci nous permettent de mieux comprendre les transmutations qu’a connu ce qui est maintenant désigné par "gestion des ressources humaines", de faire état du contexte social et organisationnel au sein duquel évolue aujourd’hui cette fonction (Morishima, 1995) et de porter un regard informé sur le rôle que jouent les PRH dans leurs organisations.

27 Dont : Danley et coll. (1996), Lowry (2006), Payne et Wayland (1999), Pickard (1995).

28 Notons que le « personnel management » a originellement été connu sous le nom de « employment

management » (Kaufman, 1993).

29 Par exemple, De Coster et coll. (1999) distinguent les cinq modèles suivants : paternaliste, mécaniste, des

relations humaines, bureaucratique et participatif. Bélanger et Mercier (2006) identifient, pour leur part, onze écoles de pensées ou courants dont l’école classique, l’école des relations humaines, l’école de la prise de décision et le courant de l’analyse systémique et de la contingence structurelle.

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13

C’est ainsi que l’origine de la GRH remonte à la fin du 19e siècle et s’explique par la convergence de

deux facteurs : la montée en popularité des initiatives dites de « industrial welfare work »30 (Kaufman,

1993, p.23) et le développement, par un groupe de penseurs31, des théories de gestion. Dans le

contexte de la Première Guerre mondiale, une entité responsable de la gestion des employés – du recrutement aux ententes patronales-syndicales – est créée, nommée gestion du personnel (Kaufman, 1993). Cette entité est notamment chargée de l’application des principes d’organisation scientifique du travail (OST) de Taylor dont la rationalisation du travail, la mise en place d’une rémunération objective et motivante, ainsi que l’établissement d’une « one best way », et ce, tant dans les méthodes de production que de gestion (Wood et Wood, 2002). Cette approche a pour ambition de permettre une réconciliation entre les intérêts divergents des employeurs et des ouvriers, par l’établissement d’objectifs communs et mutuellement avantageux.

La mise en évidence des lacunes de l’approche taylorienne, attribuées à l’oubli du facteur humain, et l’influence montante de la démocratie industrielle entraînent toutefois une remise en question de ce modèle (Adams, 1993). S’inspirant des travaux de Mayo, l’école des relations humaines s’impose alors rapidement comme un pilier dominant de la gestion du personnel (Kaufman, 1993) et entraîne une première scission importante au cœur de ce domaine (Kimmel, 2000). C’est ainsi que, dès la fin de la Première Guerre mondiale, les tenants de la gestion du personnel se répartissent en deux pôles idéologiques. À une extrémité se trouvent les "réformistes" et de l’autre, les "managérialistes". Les réformistes prônent des changements importants au régime capitaliste et voient en la gestion du personnel un rôle de médiation entre les intérêts divergents des employés et des employeurs. Les managérialistes adoptent plutôt une vision unitariste et voient, en la gestion du personnel, une fonction capable d’identifier et de soigner les organisations accaparées par des relations de travail inharmonieuses. La marginalisation progressive des réformistes, processus consolidé dans les années 1930, se traduit en un rétrécissement de l’approche utilisée pour l’étude de la relation d’emploi. L’emphase est progressivement mise sur les préoccupations d’ordre psychologique, au détriment des aspects économiques et politiques.

30 C’est alors que des entreprises prennent en charge diverses tâches ayant pour but l’amélioration de la vie

personnelle et professionnelle des employés. Plusieurs motifs incitent cette implication dont l’évitement syndical, la rémunération indirecte, l’accroissement de la loyauté des employés et le désir philanthropique.

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Une deuxième scission survient alors que la Grande Dépression met en doute l’idéologie prônée par la gestion du personnel, dont l’adoption de pratiques novatrices de gestion – impliquant l’acceptation, par les employés, d’un contrôle accru en échange de la promesse, par l’employeur, d’une sécurité d’emploi et d’augmentations salariales soutenues – qui favoriseraient l’émergence d’un nouveau compromis entre employeurs et employés (Kaufman, 1993). La hausse des conflits de travail post Deuxième Guerre mondiale rehausse alors l’intérêt national pour la paix industrielle, la négociation collective et l’intervention étatique. Pendant que les managérialistes délaissent déjà le domaine, la venue du champ du comportement organisationnel incite plusieurs psychologues à en faire autant (Kaufman, 2007).

C’est toutefois l’instabilité économique des années 1960 et la crise pétrolière de 1974-75 qui entraînent une troisième scission, qualifiée de "tournant managérial32" (Keenoy, 2009). Pendant que

l’alignement entre ressources et besoins organisationnels se trouve au cœur des préoccupations (Legge, 2005), la "gestion des ressources humaines" apparaît sous les phares33. Face à

l’intensification de la compétition internationale, à la montée des cultures d’excellence et aux avancées technologiques, la GRH se présente dès lors comme une source d’avantages compétitifs pour l’organisation (Larouche, 1996; Legge, 2005; Ulrich, 1997). Pour ce faire, la fonction RH doit assumer quatre rôles, soit celui de partenaire stratégique, d’expert administratif, d’agent de changement et de défenseur des travailleurs (Ulrich, 1997). Répondant à un intérêt croissant pour une conception unitariste de la relation d’emploi (Strauss, 1989), le champ d’intervention prend de l’expansion et accroît son rôle au sein de l’organisation (Keenoy, 2009).

La venue de la GRH est perçue de manière fort diverse. Certains n’y voient qu’un changement de nom (Beer et coll., 1985)34, alors que d’autres accueillent une approche qui vient combler les lacunes

d’un modèle démesurément axé sur les milieux syndiqués (Ackers et Wilkinson, 2008), voire qui favorise l’attrition syndicale (Barbash, 1989). Certains prédisent même que la négociation collective cédera progressivement la place à des modèles de GRH complexes (Guest, 1987). Cet

32 Certains auteurs identifiaient toutefois déjà des éléments de ce tournant dans le discours managérial des

années 1920, c’est notamment le cas de Kaufman (2007) et de Keenoy (2009).

33 Selon Marciano (1995), l’appellation GRH est utilisée pour la première fois par Peter Drucker, en 1954. 34 Guest (1987) établit de claires distinctions entre les archétypes de la GRH et de la fonction personnelle. Il

souligne toutefois que de nombreux départements et ouvrages ont vu leurs titres modifiés sans que leur contenu n’ait réellement changé.

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enthousiasme ne fait toutefois pas l’unanimité. Ainsi, plusieurs décrient l’alignement stratégique de la GRH (Schuler et coll., 2001), la survalorisation que fait Ulrich (1997) du rôle de partenaire stratégique (Léonard et Taskin, 2010) et la venue d’une approche qui situe avant tout ses actions dans le cadre managérial (Keenoy, 2009). Les propos de Bacon (2003, p.72) illustrent particulièrement bien les caractéristiques de ce tournant :

« a chance of focus to a psychology perspective rather than a sociology perspective; a move from pluralism towards unitarism; a stress on management as the main actors in the industrial relations system rather than one among several stakeholders; an emphasis upon business strategy and “fit” between policies; the application of the resource-based view of the firm to employee relations; the influence of “high commitment management”; an emphasis on profit as the key outcome rather than benefits for all stakeholders; and the challenge of the psychological contract view to our understanding of the employment contract ».

Ainsi, alors que la gestion du personnel était, à son origine, qualifiée de pluraliste, la GRH se dit défendre une conception fondamentalement unitariste de la relation d’emploi (Giles et Murray, 1996; Guest, 1987). Certains reprochent aux tenants de la GRH d’accepter naïvement les objectifs de la direction (Clarke et coll., 2008), de promouvoir une nouvelle idéologie du consensus qui permet à la partie patronale de récupérer un pouvoir autrefois partagé (Guérin et Wils, 1996) et même de minimiser les phénomènes collectifs, voire de nier l’existence de conflits d’intérêts au sein de la relation d’emploi (Bacon, 2003; Giles et Murray, 1996; Guérin et Wils, 1996). D’autres, qualifiant la GRH de phénomène de séduction organisationnelle (Midler, 1986; Horwitz, 1990; Larouche, 1996), décrient la nature prescriptive des ouvrages de GRH (Clarke et coll., 2008), voire soutiennent que la GRH stratégique est confinée au niveau du discours (Galambaud, 2002; Larouche, 1996). À cet égard, Léonard et Taskin (2010) soulignent trois limites importantes de l’approche stratégique classique adoptée par la fonction ressources humaines. Cette dernière implique que la fonction RH s’adapte à son contexte et décline la stratégie de l’organisation dans ses propres politiques. Or, une telle approche : 1) suppose une rationalité absolue (or le contexte socio-économique changeant tend à rendre les prévisions à moyen et long terme utopiques); 2) propose un modèle normatif et prescriptif de la fonction qui pose le rôle de "partenaire stratégique" (Ulrich, 1997) comme un "idéal à atteindre" (alors que, dans la pratique, les rôles opérationnels – soit ceux d’expert administratif et de défenseur des travailleurs – demeurent dominants), et enfin; 3) tend à se concentrer sur les fonctions de dirigeants, aux dépens du contexte plus large au sein duquel opère la fonction RH (alors que la dimension politique – dont les jeux d’acteurs et les relations de pouvoir qu’implique la création de règles – et la dimension institutionnelle influent lourdement sur les stratégies RH).

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Une approche, qualifiée de GRH critique, se distingue toutefois du courant dominant, voire managérial, de la GRH. S’inspirant des principes des études critiques de management (ECM)35, les

tenants de la GRH critique s’intéressent aux paradoxes inhérents au domaine, dont les contradictions qui découlent des soucis d’équité et de productivité des professionnels de la GRH, de même que les divergences fréquentes entre la rhétorique et la réalité de ces derniers. La caractérisation idéaltype proposée par Greenwood (2002, 2013)36 dépeint ainsi la GRH dominante comme perpétuant les

inégalités de pouvoir et la GRH critique comme les remettants en question. Cette critique, voire rejet, de l’idéologie que représente le courant dominant de la GRH anime les travaux de nombreux tenants – dont Braverman (1974), Grey (1994), Storey (1995) Townley (1993, 1994) et, bien entendu, Legge (1978). Les pratiques de gestion que déploient les organisations à l’égard des employés sont également contestées par de nombreux auteurs tels que Delbridge et Keenoy (2010) ainsi que Jannssens et Steyaert (2009). Les tenants de la GRH critique partagent toutefois une préoccupation commune : « [t]he absence of any meaningful consideration of social power, differential interests, cultural variation and potential value conflict in the HRM literature » (Keenoy, 2009, p.466). De même, tous déplorent l’absence de l’humain, dans la gestion des ressources humaines (Johnsen et Gudmand-Hoyer, 2010).

Il résulte ainsi, tel que le soulignent Bévort et coll. (2015), deux discours distincts et souvent parallèles à l’égard de la gestion des ressources humaines. D’une part, les tenants du courant dominant se concentrent sur les aspects pratiques et stratégiques de la GRH, angles d’intérêt tant pour les praticiens que pour les écoles de gestion. D’autre part, les tenants du courant critique questionnent et contestent la doctrine et les pratiques observées et, de ce fait, tendent à œuvrer sur le plan idéologique, mais apportent une contribution restreinte sur les plans opérationnels et pratiques. Nous espérons, par l’entremise de ce projet de recherche, être à même de démontrer qu’une approche critique peut s’avérer bénéfique tant au développement théorique, qu’opérationnel et stratégique de la GRH. Ce dernier s’intéressant à l’institutionnalisation de l’éthique, en milieu de travail – en ce qui a notamment trait aux éléments de l’infrastructure RH touchant à l’éthique et du

35 Les ECM et les théories des organisations nous permettront, à la section 2.3.2., de situer la GRH critique

sur le plan théorique.

36 Y sont opposées une GRH dominante individualiste, unitariste, prescriptive et orientée vers les praticiens et

Figure

Figure 2.1. : L’institutionnalisation de l’éthique
Figure 2.2. : Composantes de l’armature organisationnelle en soutien à l’éthique
Tableau 2.1. : Exemples de dispositifs appartenant à l’infrastructure éthique
Tableau 2.2. : Exemples de dispositifs appartenant à l’infrastructure RH touchant à l’éthique
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