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L'Union européenne, un nouvel acteur arctique? Stratégie, intérêts et défis émergents

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Academic year: 2021

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L’Union européenne, un nouvel acteur arctique?

Stratégie, intérêts et défis émergents

Mémoire

Alison Thieffry

Maîtrise en sciences géographiques Maître en sciences géographiques (M.Sc.Géogr.)

Québec, Canada

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L’Union européenne, un nouvel acteur arctique?

Stratégie, intérêts et défis émergents

Mémoire de maîtrise

Alison Thieffry

Directeur de recherche :

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Résumé

Au cours des dernières décennies, la région de l’Arctique s’est vue propulsée au cœur de nombreuses analyses et controverses scientifiques, médiatiques et politiques. Avec la fonte des glaces, de nouvelles perspectives économiques et maritimes voient le jour, principalement en matière de navigation et d’exploitation des ressources naturelles, amenant les États riverains, ainsi que de nombreux autres pays du globe, à en faire une priorité en matière de politique internationale. L’intérêt de la communauté internationale s’est concrétisé principalement à partir des années 1990 – notamment avec la création du Conseil de l’Arctique en 1996 dont font partie la Russie, le Canada, les États-Unis, l’Islande, la Norvège, ainsi que certains États européens tels que la Suède, la Finlande et le Danemark. Cependant, l’Union européenne n’a manifesté une position plus proactive qu’à partir de 2008. En quelques années, Bruxelles s’est énormément mobilisée pour s’informer davantage sur la région et on a vu croître de manière considérable le nombre de rencontres, de conférences, de partages des connaissances sur les sujets arctiques. La publication d’une première communication de la Commission européenne sur la région arctique officialisa cette position plus déterminée de l’Union envers les enjeux arctiques.

Cette recherche vise à étudier l’évolution et l’élaboration d’une politique européenne arctique, ainsi que les raisons et intérêts qui sous-tendent celle-ci. Il sera également question de se pencher sur les principaux obstacles rencontrés par l’Union dans ce processus et analyser les relations qu’elle entretient avec les différents États arctiques. Enfin, une mise au point de la situation actuelle sera faite afin de comprendre les divers défis et opportunités qu’elle peut rencontrer dans ce nouveau rôle d’acteur arctique.

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Abstract

In recent decades, the Arctic has been the center of many scientific, media, politic studies and debates. With the ice melting, new economic and maritime perspectives emerge, mainly in the sector of navigation and exploitation of natural resources, bringing the arctic states and many other countries around the world to make it a priority in their external actions agenda. The interest of the international community has materialized mainly from the 1990s - including the creation of the Arctic Council in 1996, which includes Russia, Canada, the United States, Iceland, Norway but also some European countries such as Sweden, Finland and Denmark. However, the European Union has shown a more proactive position since 2008. In recent years, Brussels has mobilized a lot to learn about the area and the number of meetings and conferences on Arctic issues has increased considerably. Within the EU instances, this has resulted in a desire to focus the debate on regional governance toward the Arctic affairs and with pressure coming from the Parliament, manifested especially through various resolutions and a vote in favor of the creation of an Arctic Treaty. Pressure was also issued on the Council side, especially under the Finnish Presidency in 2006 and the Swedish one in 2009. Finally, the publication of the first Communication on a European Arctic policy from the Commission formalized this more determined position on Arctic issues.

Furthermore, this research aims to study the evolution and the development of an European Arctic policy and the reasons and interests that underlie it. It will also analyse the main obstacles encountered by the EU in this process and evaluate its relationship with the various Arctic states. Finally, an update of the current situation will be made to understand the various opportunities and challenges it may encounter in this new role as an Arctic player.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des acronymes ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Territoire et période d’analyse ... 5

Problématique générale ... 7

Objectifs et hypothèses ... 7

Cadre théorique ... 10

Méthodologie ... 17

Sources et collecte des données ... 17

Méthode de traitement des données ... 19

Limites méthodologiques ... 21

Chapitre 1. L’Union européenne : description d’une organisation complexe ... 23

1.1. Les instances européennes ... 23

1.1.1. La Commission européenne ... 23

1.1.2. Le Parlement européen ... 25

1.1.3. Le Conseil de l’Union européenne ... 26

1.1.4. Le Service européen pour l’action extérieure ... 28

1.2. Processus de décision européen ... 29

1.3. Compétences européennes et l’Arctique ... 33

1.3.1. Le Traité de Lisbonne et ses retombées ... 34

1.3.2. La nature des enjeux arctiques et les compétences européennes ... 35

Chapitre 2. L’Arctique, une région d’intérêt nouveau ... 40

2.1. À l’échelle internationale... 40

2.2. Au niveau européen ... 42

2.2.1. Quelle légitimité pour l’UE en Arctique ? ... 42

2.2.2. Les années 1990 et les premiers pas de l’UE vers le Nord ... 45

Chapitre 3. 2008 : une année pivot ? Genèse complexe de la politique arctique européenne. ... 54

3.1. Un contexte international propice à attirer l’attention de l’UE ... 54

3.2. Du côté européen : une atmosphère politique favorable à l’arrivée des questions arctiques dans l’agenda européen ... 57

3.3. La première communication de la Commission : l’Union européenne et la région arctique ... 64

3.4. Des États arctiques réservés face à cette communication... 68

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Chapitre 4 : Les intérêts spécifiques de l’UE en Arctique : ... 75

4.1. L’environnement et la lutte contre les changements climatiques au cœur de l’implication européenne en Arctique ... 76

4.1.1. L’Arctique, une région particulièrement sensible aux changements climatiques .. 76

4.1.2. Quelles répercussions pour le continent européen ? ... 80

4.2. Le transport maritime en Arctique : opportunités émergentes et limites réelles. ... 85

4.2.1. Les routes maritimes arctiques ... 85

4.2.2. L’attrait de ces nouvelles alternatives ... 88

4.2.3. Le transport maritime de transit limité en Arctique ... 89

4.2.4. Le transport maritime arctique, quels intérêts pour l’UE ? ... 93

4.3. Les activités halieutiques en Arctique ... 96

4.4. La présence de ressources hydrocarbures en Arctique ... 98

4.4.1. Comment la présence de ces ressources hydrocarbures affecte‐t‐elle l’UE ? ... 102

Chapitre 5 : Évolution depuis 2008 et situation actuelle ... 106

5.1. Sur la voie d’une politique arctique européenne : une seconde communication de la Commission en 2012: ... 106

5.1.1. De 2008 à 2012 : de l’ambition à la modération ... 109

5.2. Limites de cette politique arctique européenne ... 112

5.2.1 Définition du terme « politique » : peut‐on réellement parler de « politique arctique européenne » ? ... 112

5.2.2. Un manque de cohérence dans l’approche européenne en Arctique? ... 114

5.2.3. Quelle place pour l’UE au sein du Conseil de l’Arctique ? ... 118

5.3. Quelle influence de l’UE en Arctique ?... 122

5.4. Quel rôle pour l’UE aujourd’hui en Arctique ? ... 128

5.4.1. L’élaboration d’une politique arctique européenne étape par étape ... 128 5.4.2. Les relations entre l’UE et les États arctiques aujourd’hui ... 130 Discussion ... 135 Conclusion ... 142 Bibliographie ... 144 Annexes ... 154

Annexe 1 : Questionnaire destiné à la conduite des entrevues semi-dirigées ... 154

Annexe 2 : Liste des répondants: ... 156

Annexe 3 : Arctic Business and Maritime Security Seminar ... 157

Annexe 4 : Disposition du Traité de Lisbonne définissant le champ d’application des compétences exclusives, partagées et complémentaires de l’UE ... 159

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Liste des tableaux

Tableau 1: Distances entre ports selon la route maritime (km) _____________________ 88 Tableau 2: Nombre de voyages de transit par des transporteurs de marchandise entre 2009 et 2012 par les routes arctiques _____________________________________________ 90

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Liste des figures

Figure 1: Différentes délimitations de l'Arctique _________________________________ 6 Figure 2: Délimitations des différentes zones maritimes __________________________ 15 Figure 3: Coopération en Europe septentrionale et en Arctique, 2016 _______________ 47 Figure 4: Comparaison de l'extension et concentration de la banquise arctique à son minimum de septembre, en 1984 et 2012 ______________________________________ 78 Figure 5: Evolution de la fonte de la calotte glaciaire groenlandaise et l'équivalent du niveau de la mer entre 1990 et 2012 _________________________________________ 79 Figure 6: Voies de transport maritime dans l'Arctique ___________________________ 86 Figure 7: Volume annuel total de cargo pour la route maritime du Nord, incluant le trafic interne, de destination et de transit __________________________________________ 91 Figure 8: Extension du couvert glaciel en Arctique et les principales zones d'hydrocarbures et de sites miniers, 2011 __________________________________________________ 100 Figure 9: Différents degrés d'influence de l'UE en Arctique, 2016 _________________ 124

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Liste des acronymes

BEAR : Région euro-arctique de Barents BEAC : Conseil euro-arctique de Barents

COREPER : Comité des représentants permanents EEE : Espace économique européen

DG : Direction générale

DG ENV : Direction générale pour l’environnement. DG Ener : Direction générale pour l’énergie

DG Mare : Direction générale pour les affaires maritimes et pêches DG Move : Direction générale pour la mobilité et le transport

DG Regio : Direction générale pour la politique régionale et urbaine DG Relex : Direction générale pour les relations extérieures

GES : Gaz à effet de serre

GIEC : Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat OMI : Organisation maritime internationale

OMC : Organisation mondiale du commerce OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique nord PESC : Politique étrangère et de sécurité commune PNE : Passage du Nord-Est

PNO : Passage du Nord-Ouest

POP : Polluants organiques persistants PTOM : Pays et territoires d’outre-mer RMN : Route maritime du Nord

SEAS : Service européen pour l’action extérieure

SPEA : Stratégie pour la protection de l’environnement arctique UE : Union européenne

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Remerciements

La réalisation d’un mémoire de maitrise est le résultat d’un long cheminement aussi bien au niveau académique que personnel. Cet accomplissement n’aurait pu être réalisé sans le soutien d’un grand nombre de personnes. Mes premières pensées s’adressent à mon directeur de recherche, M. Frédéric Lasserre, qui m’a initiée à cette problématique et sans qui ce projet n’aurait sans doute jamais abouti. Votre soutien assidu, votre professionnalisme, votre patience et votre confiance m’ont été d’une aide incommensurable tout au long de la réalisation de ce travail de recherche. Merci également à M. Étienne Berthold et M. Marc St-Hilaire, qui ont accepté de m’appuyer dans ce projet avec beaucoup d’enthousiasme et d’intérêt et merci aussi à Mme Louise Marcoux pour son aide précieuse dans la réalisation de mes cartes.

Je voudrais remercier chaleureusement tous les intervenants qui ont accepté de m’accorder un peu de leur temps précieux afin de répondre à mes questions. Cela m’a permis d’acquérir de l’information directe et exclusive, enrichissant considérablement ce travail de recherche.

Je tiens également à remercier du fond du cœur toutes les personnes qui sont entrées dans ma vie au cours des deux dernières années et qui sont aujourd’hui devenues de véritables amis. Votre présence, votre écoute et vos encouragements quotidiens ont été pour moi une réelle source d’énergie et de motivation dans la réalisation de ce projet personnel. Mes années au Québec furent bien plus qu’un accomplissement universitaire. A vos côtés, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des personnes extraordinaires, d’élargir ma vision du monde, de découvrir une nouvelle culture avec laquelle je suis tombée véritablement en amour, et de vivre une expérience qui m’aura profondément transformée. Aujourd’hui, je me sens belge de naissance, mais québécoise d’adoption, et c’est grâce à vous. Merci !

Je ne pourrais terminer ces remerciements sans exprimer toute la reconnaissance que j’ai envers ma famille et mes amis belges qui, malgré la distance, ont toujours été présents pour me soutenir, m’encourager et me donner la force nécessaire pour avancer. Je n’y serais pas arrivé sans vous ! Enfin, j’ai une pensée toute particulière pour mes parents. Si je suis ici aujourd’hui, c’est grâce à vous et à votre soutien inconditionnel. Vous avez cru en moi et en mes projets depuis le premier jour, et je vous en serai éternellement reconnaissante. Vous êtes ma première source d’inspiration et c’est pourquoi, je tiens à vous dédier ce mémoire.

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Introduction

Au cours des dernières décennies, la région de l’Arctique s’est vue propulsée au cœur de nombreuses analyses et controverses scientifiques, médiatiques et politiques. Les études scientifiques prouvent que cette région du globe est particulièrement sensible aux changements climatiques, la vitesse du réchauffement planétaire étant deux à trois fois plus rapide au pôle Nord que sur le reste de la planète. De plus, le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confirme que l’extension moyenne de la banquise arctique diminue chaque année depuis 1979. Les scénarios les plus pessimistes prévoient même la fonte totale de la banquise estivale à la fin de l’été 21001.

Avec la fonte des glaces, de nouvelles perspectives économiques et maritimes voient le jour, principalement en matière de navigation et d’exploitation des ressources naturelles, amenant les États riverains ainsi que de nombreux autres pays du globe à en faire une priorité en matière de politique internationale. L’intérêt de la communauté internationale s’est concrétisé principalement à partir des années 1990 - notamment avec la création du Conseil de l’Arctique en 1996 dont font partie les huit États arctiques à savoir, la Russie, le Canada, les États-Unis, l’Islande, la Norvège mais aussi certains États européens tels que la Suède, la Finlande et le Danemark2.

Bien que certaines initiatives de coopération fussent entreprises dans les années 1990, l’implication de l’Union européenne (UE) dans l’Arctique avant les années 2007-2008 ne fut que secondaire, peu coordonnée et souvent guidée par les intérêts des États membres concernés. Le sujet ne faisait pas réellement partie des priorités de la politique extérieure européenne, et l’UE ne portait qu’une faible attention à l’Arctique, en raison notamment d’un déficit réel de connaissance. Ce manque d’intérêt se dissipa progressivement et à partir de 2008, l’UE a manifesté une position plus proactive envers les

1 5ième rapport du GIEC sur les changements climatiques et leur évolution future : Partie 1 – Les éléments

scientifiques. (2013). <http://leclimatchange.fr/les-elements-scientifiques/>, (dernière consultation le 11 févier 2016).

2 Gattolin, A. (2014). Arctique : Préoccupations européennes pour un enjeu global, Rapport d'information n°

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enjeux arctiques3. Cette dernière fut une année pivot. Une certaine effervescence s’est

manifestée à Bruxelles qui a commencé à fortement se mobiliser afin de mieux être informée sur la région. C’est ainsi que près de 200 millions d’euros de fonds européens ont été alloués à la recherche en Arctique4. On a vu croître de manière considérable le nombre

de rencontres, de conférences, de partages des connaissances sur les sujets arctiques5. Au

sein des instances mêmes, cela s’est traduit par une volonté d’orienter le débat sur la gouvernance régionale vers les affaires arctiques, par une pression de la part du Parlement manifestée notamment à travers diverses résolutions et un vote en faveur de la création d’un traité pour la protection de l’Arctique6. La publication d’une première communication de la

Commission sur la région arctique officialisa cette position plus déterminée envers les enjeux arctiques7.

Malgré la faible présence géographique de l’Union dans la région, celle-ci est plus que déterminée à s’engager sérieusement et à être perçue comme un acteur arctique légitime. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier cette attitude.

La première est géostratégique et souligne la volonté d’étendre son influence et son pouvoir envers des régions émergentes, telles que l’Arctique qui pourrait avoir une importance économique non négligeable pour l’approvisionnement européen futur, notamment dans les domaines de l’énergie ou encore de la pêche. Un autre raisonnement

3 Garcin, T. (2013). Géopolitique de l’Arctique. Paris : Economica, p. 138.

4 Commission européenne et la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de

sécurité. (2012). The inventory of activities in the Framework of developing a European Union Arctic Policy, Joint staff working document, SWD(2012) 182 final, Bruxelles, 26 juin, p.11.

5 Plouffe, J. (2014). Présentation sur la politique de l’Union européenne en Arctique dans le cadre du cours

GGR-7039 : Géopolitique de l’Arctique, Département de Géographie, Université Laval, Québec.

6 Parlement européen. (2008). Gouvernance de l'Arctique dans un environnement mondialisé, Résolution du

Parlement européen du 9 octobre 2008 sur la gouvernance arctique. [En ligne] : <

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+20081009+ITEMS+DOC+XML+V0//EN&language=EN#sdocta12>, (dernière consultation le 30 décembre 2015).

7 Commission des communautés européennes. (2008). L’Union européenne et la région arctique,

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plus institutionnel et géoéconomique met en avant la réaction de l’UE face aux processus d’interdépendance et de globalisation qui prennent de plus en plus d’ampleur sur la scène internationale. L’intérêt accru d’acteurs tiers, dont notamment les pays asiatiques, pour le potentiel économique de l’Arctique symbolise le caractère de plus en plus mondialisé des questions liées à cet océan. La détermination presque obsessionnelle de l’UE de vouloir adhérer au Conseil de l’Arctique en invoquant des questions de gouvernance témoigne d’une volonté d’influencer les décisions qui y sont prises. Cette crainte d’être exclue des négociations sur le sujet peut questionner la compréhension des mécanismes décisionnels du Conseil par Bruxelles. Les décideurs européens percevraient cet organisme comme une sorte de conseil de sécurité de l'Arctique où se prennent des décisions majeures et obligatoires pour la région. Or, cela démontrerait un réel manque de connaissance sur son fonctionnement, puisqu’il s’agit principalement d’un lieu de discussion plutôt que de décision. Enfin, il peut aussi s’agir d’une question de perception. L’Union pourrait avoir une compréhension plus géo-écologique de la région, la considérant comme un ensemble complexe et fragile dont les transformations ont des effets sur le continent européen et sur la planète entière. Son engagement serait davantage pris en vue d’encourager une coopération et une réponse commune aux impacts des changements climatiques dont la responsabilité est partagée par tous8.

Le processus d’élaboration d’une politique arctique européenne n’est pas épargné d’embuches. Les contradictions et divergences d’intérêts au sein même des instances européennes, le manque de connaissance et d’expertise de l’Union sur les réalités arctiques, une rhétorique maladroite, ainsi que la confrontation à des États arctiques fortement protecteurs de leur souveraineté dans la région et méfiants face à l’arrivée d’influences

8 Keil, K. & Raspotnik, A. (2012). « Further steps towards a comprehensive EU Arctic Policy: Is the EU

getting there? », The Arctic Institute – Center for Circumpolar Security Studies, Washington D.C., 5 juillet. [En ligne] : <http://www.thearcticinstitute.org/2012/07/further-steps-towards-comprehensive-eu.html>, (dernière consultation le 3 février 2016) ; Bochkarev, D. (2013). « The Arctic governance and EU « Soft Power ». Dans Energy security and geopolitics in the Arctic, sous la dir. de Peimani, H. Singapore : National University of Singapore - Energy Studies Institute, p. 241 – 242 ; Dooms, L. (2013). Le rôle de l’Union

européenne dans l’Arctique – Quelle influence face aux tensions naissantes ? Note d’analyse du GRIP.

Bruxelles : GRIP ; Garcin, T. (2013). Op. Cit., p. 139 ; Entrevues répondant A, E, K, M & N, interrogés en janvier 2015.

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externes, font partie des facteurs compromettant l’engagement européen en Arctique. Cette recherche vise donc à étudier l’évolution de la stratégie européenne envers cette région, ainsi que les raisons et intérêts qui sous-tendent celle-ci. Il sera également question de se pencher sur les principaux obstacles rencontrés par l’Union dans le processus d’élaboration d’une politique arctique européenne, et d’analyser les relations qu’elle entretient avec les différents États circumpolaires. Enfin, un état de la situation actuelle sera dressé afin de comprendre les divers défis et les opportunités qu’elle peut rencontrer dans ce nouveau rôle d’acteur arctique.

Cette démarche s’inscrit donc dans une approche de géographie politique, car elle vise à analyser les principaux enjeux politiques européens sur un espace géographique précis - l’Arctique - ainsi que les relations de pouvoir entre l’UE et les différents acteurs arctiques autour de cette zone géographique. De plus, certaines notions théoriques de la géopolitique seront utilisées. En effet, il s’agira d’une démarche à la fois multiscalaire et multidisciplinaire : multiscalaire par la mise en perspective à différentes échelles des questions abordées, à savoir l’échelle supranationale au niveau de l’UE, nationale par l’analyse des positions des États membres et des États arctiques, et enfin régionale lors de l’étude des processus de coopération dans la région. La notion de multidisciplinarité sera quant à elle reflétée à travers la diversité des enjeux abordés, qu’ils soient environnementaux, politiques, économiques ou encore humains. Enfin, le concept géopolitique de « représentation » sera également appliqué par l’étude des représentations des différents acteurs concernés et interrogés.

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Territoire et période d’analyse

La définition de l’Arctique est sujette à différentes interprétations. La délimitation de cette région peut être fondée sur divers éléments tels que l’isotherme de 10° Celsius maximum durant le mois le plus chaud (juillet), des éléments de géographie physique comme la limite nord des arbres ou du pergélisol ou encore suivant le cercle polaire arctique, soit le 66ième parallèle nord (Figure 1)9. Le critère de choix dépendant souvent de

la discipline et du cadre d’analyse, c’est ce dernier qui sera retenu dans cette étude, principalement dans un souci de constance et d’unicité dans les représentations. Le cercle polaire se trouve en effet partout à égale distance du pôle Nord. Par ailleurs, ce critère nous a paru comme étant le plus adéquat dans une approche géopolitique, les autres relevant davantage de la géographie physique. Enfin, l’UE définit elle-même la région arctique comme étant la zone située au nord du cercle arctique10, ce qui rend ce critère d’autant plus

approprié.

La période de temps analysée s’étendra de 2008 à aujourd'hui, car 2008 fut l’année de concrétisation de l’intérêt européen pour les affaires arctiques et marqua le début de réelles initiatives envers ces dernières notamment avec la publication de la communication de la Commission intitulée L’Union européenne et la région arctique. Néanmoins, certaines actions précédant cette date furent également significatives, montrant que l’UE portait déjà un intérêt, moins prononcé et plus indirect certes, mais bien présent, envers le Grand Nord dès le début des années 1990. Par conséquent, cette période sera également abordée afin d’analyser l’évolution de cet intérêt européen et de mieux comprendre la construction de cette politique avec 2008 comme année pivot.

9 Lasserre, F. (2010). Passages et mers arctiques : géopolitique d’une région en mutation. Collection

Géographie contemporaine. Québec, Canada : Presses de l’Université du Québec, p. 6 ; Garcin, T. (2013). Op.

Cit. p. 15 – 16.

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Figure 1: Différentes délimitations de l'Arctique

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Problématique générale

La réflexion au cœur de ce mémoire sera orientée autour de deux questions principales : comment expliquer cet intérêt soudain et plus prononcé de la part de l’UE pour les affaires arctiques à partir de 2008? Dans quelles mesures détient-elle une influence dans les enjeux arctiques malgré la forte coopération régionale déjà existante entre les États arctiques ?

Bien que beaucoup de questions circumpolaires ne soient pas si récentes sur la scène internationale, comme mentionné ci-dessus, l’intérêt concret et officiel de l’UE pour ces dernières l’est davantage. Par ailleurs, la littérature scientifique traitant de la politique arctique européenne de manière exhaustive est assez restreinte et la plupart des articles sur le sujet sont assez courts, ciblant souvent un aspect ou un moment précis de l’engagement européen en Arctique. Cette recherche aspire donc à adopter une nouvelle approche plus globale et plus étendue dans le temps, afin de rassembler dans une même étude les différents événements et facteurs ayant contribué de près ou de loin à l’élaboration de cette politique arctique européenne. Ce mémoire vise à fournir une analyse approfondie de la position de l’UE en tant que nouvel acteur arctique et par conséquent, permettre de mieux comprendre les divers défis et opportunités qu’elle peut rencontrer dans ce nouveau rôle. Finalement, cette recherche tente de définir la place actuelle de l’Union au sein des acteurs et du cadre de gouvernance déjà existant.

Objectifs et hypothèses

L’objectif principal de ce mémoire est de présenter une étude de l’évolution de la stratégie européenne sur les enjeux arctiques ainsi que des relations que l’UE entretient avec les États arctiques. Plus précisément, cette recherche vise à comprendre le tournant de 2008, à expliquer les principaux intérêts et obstacles rencontrés dans l’élaboration d’une telle stratégie et enfin à discerner l’influence qu’elle peut avoir au sein de la gouvernance

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septentrionale. Afin d’y parvenir, quatre objectifs plus spécifiques ont guidé cette recherche et sont abordés successivement au fil des chapitres.

Premièrement, il est question d’analyser les processus de décision et les dynamiques internes de l’UE. En effet, il paraît essentiel de revenir sur les modes de fonctionnement internes des institutions européennes afin de bien comprendre l’arrivée à l’agenda européen des questions arctiques et la manière dont celles-ci sont traitées au sein de l’UE. Il s’agit également d’analyser les principaux domaines de compétence des instances européennes liés aux enjeux nordiques afin de comprendre comment ces derniers façonnent les intérêts de l’UE en Arctique.

Deuxièmement, les initiatives et étapes précédant la première communication de la Commission sont brièvement retracées, principalement à partir des années 1990. Cette décennie a accueilli des évènements pertinents dans les affaires européennes liées à l’Arctique telles que l’adhésion à l’Union de la Suède et de la Finlande ou encore, la mise en place de la Dimension septentrionale. Cela dans le but aussi d’analyser l’évolution des intérêts de l’UE et de comprendre pourquoi 2008 fut une année de changement.

Ce mémoire a également pour objectif de mettre en lumière les relations et interactions entre l’UE et les autres acteurs arctiques dans le dessein de déterminer l’influence et la place qu’elle détient dans ces nouveaux enjeux. Ce point consiste aussi à analyser les représentations et les discours des différents acteurs concernés afin de comprendre les divers points de vue présents autour de la table de discussions relatives aux questions circumpolaires.

Enfin, un dernier objectif est d’établir un constat de l’évolution depuis 2008, de déterminer s’il y a eu du changement dans la position de l’Union et de prédire, dans la mesure du possible, les prochaines étapes envisageables de son implication dans les affaires arctiques.

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Afin d’apporter une réponse à la problématique et à l’objectif principal du présent mémoire, cette étude tente d’infirmer ou de confirmer les hypothèses suivantes :

Cet intérêt soudain à partir 2008 de l’UE pour les affaires arctiques peut s’expliquer par l’enchainement de plusieurs facteurs au sein même des instances européennes comme les présidences au Conseil de la Finlande et de la Suède11. Il peut s’expliquer aussi par la

succession d’évènements significatifs sur la scène internationale comme par exemple la conférence d’Ilulissat, l’Année polaire internationale ou encore, le planté du drapeau russe au fond de l’océan Arctique12. Aussi, les intérêts de l’UE sont surtout géostratégiques : elle

veut étendre son influence et sa présence dans la région notamment en matière d’environnement et d’énergie. En effet, il est concevable que l’UE veuille mettre la main sur une nouvelle source d’énergie et ainsi assurer son avenir économique.

Le principal obstacle susceptible d'être rencontré par l'Union est son manque de cohésion interne entre les différentes instances, notamment entre le Parlement et sa mosaïque de partis politiques, la Commission représentant l’Union en tant qu’entité à part entière et le Conseil, au sein duquel le poids des États membres reste assez important. Ce manque de cohésion pourrait affaiblir sa position face à l’affirmation de souveraineté des États arctiques. Par conséquent, elle court le risque de devoir se plier aux politiques de ces États souverains et de s’adapter à ces dernières dans la défense de ses intérêts ; elle ne dispose donc que d’une influence limitée.

11 Wegge, N. (2011), « The UE and the Arctic : European foreign policy in the making », Arctic Review on

Law and Politics, 3(1/2012), p.14 ; Entrevue répondant I, interrogé en janvier 2015.

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Cadre théorique

La géopolitique est une discipline étudiant les différents enjeux de pouvoir et d’identité qui lient les acteurs à leur territoire. Par conséquent, l’espace géographique et les acteurs sont les dimensions essentielles de cette méthode d’analyse. En analysant les représentations et les discours des différents protagonistes, il est possible de comprendre le déploiement spatial du politique et de cerner les relations complexes entre les acteurs et l’espace géographique qu’ils contrôlent, exploitent ou revendiquent. Le territoire est certes un élément central de l’analyse géopolitique, mais il est instrumentalisé par ces acteurs sans lesquels il n’y aurait pas de rivalité de pouvoir ni de stratégie politique13.

Ce cadre théorique a pour objectif d’aborder les principales notions théoriques essentielles à la compréhension de ce sujet. Étant assez multidisciplinaire, il a pour particularité de mêler des notions de relations internationales pures à un cas de géopolitique récent et en constante évolution. C’est pourquoi il est important de bien définir ces notions théoriques afin de comprendre pleinement les circonstances et le contexte dans lequel la position de l’UE envers les affaires arctiques évolue. Les principaux concepts récurrents et jugés pertinents à définir sont premièrement, les termes « politique publique » et plus précisément « politique européenne », afin de comprendre ce que sous-entend une politique arctique européenne. En découleront les définitions d’ « acteur » et de « mise à l’agenda », ces dernières étant intrinsèquement liées et essentielles dans la compréhension de l’élaboration d’une politique arctique européenne. La « souveraineté étatique », pouvant être perçue comme un obstacle dans l’implication de l’UE dans les enjeux arctiques, sera également abordée. Enfin, la notion d’« intérêt national », pouvant s’appliquer ici à l’intérêt que porte l’Union pour l’Arctique, sera également développée.

Comme mentionné précédemment, certaines notions politiques et de droit international public sont omniprésentes dans cette problématique et par conséquent, pertinentes à définir et à bien comprendre. La première est celle de politique publique, afin

13 Lasserre, F. & Gonon, E. (2008). Manuel de Géopolitique : Enjeux de pouvoir sur des territoires.

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de discerner ce qu’implique une politique européenne arctique et comment elle est établie. Le terme « politique publique » est complexe car il est assez large et peut susciter diverses interprétations. Selon le Dictionnaire des politiques publiques, « ce concept désigne les interventions d’une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire »14. Pour les

sciences sociales qui prennent en compte les faits observables, le terme de « politique publique » englobe tout ce que les acteurs gouvernementaux décident de faire, mais également de ne pas faire face à une situation ou un problème. Les interventions gouvernementales véhiculent des contenus, se traduisent par des prestations et génèrent des effets. Ce travail s’effectue en plusieurs phases, l’autorité commence par se constituer un agenda, en prenant en compte ou en ignorant les demandes ou intérêts manifestés par le corps social. Ensuite, elle fabrique des programmes d’action, traite des problèmes devenus publics en formulant des réponses et en légitimant les décisions15. Lorsqu’on s’intéresse au

fonctionnement du système européen, à ces domaines d’activités et à ce qu’il produit, l’analyse des politiques publiques européenne comme objet d’étude à part entière est essentielle puisqu’il s’agit d’un système politique original et complexe, mélangeant des logiques supranationales et intergouvernementales. Avec l’expansion de la sphère d’activité de l’UE, s’accompagne une grande diversité de modes d’intervention et d’instruments politiques qui sont à sa disposition. En effet, selon les sujets traités et les compétences allouées aux institutions européennes, celles-ci peuvent produire des normes européennes contraignantes ou remplir le rôle de simple appui logistique, notamment en matière de politique étrangère16. Dans le contexte de ce mémoire, il s’agira d’analyser le programme

d’action de l’UE face aux enjeux arctiques, mais également les décisions et actions prises séparément ainsi que les raisons de discuter et d’agir ou non sur le sujet. Il est important de comprendre qu’un enjeu devient politique aussitôt qu’il a été identifié comme nécessitant l’intervention des autorités. En l’occurrence, en publiant la communication sur l’Union européenne et la région arctique en 2008, la Commission a démontré le désir de l’UE

14 Boussaguet, L., Jacquot, S. & Ravinet, P. (2010). Dictionnaire des politiques publiques. 3ième édition

actualisée et augmentée. Coll. Sciences Po Gouvernances. Paris : Presses de Sciences Po, p. 420.

15 Ibid., p. 420 & 425. 16 Ibid., p. 428, 429.

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d’intervenir et de s’impliquer sur le sujet, le mettant officiellement à l’agenda politique de l’Union.

Ce processus d’élaboration des politiques publiques se déploie à travers des relations avec d’autres acteurs sociaux. L’étude des acteurs et de leurs représentations est centrale dans l’approche géopolitique. L’acteur peut être individuel ou collectif, comprenant entre autres toute organisation formelle ou informelle, institution ou administration. Ce terme désigne celui qui agit, qui participe au processus de prise de décision17. Comme il est expliqué dans le Dictionnaire des politiques publiques :

Pour être considéré comme un acteur dans une politique publique, il faut que l’action engagée ait des répercussions tangibles sur un processus de politique publique donné. Autrement dit, la notion d’acteur en politiques publiques recouvre deux dimensions, l’une concernant la contribution de l’acteur au processus politique et l’autre l’impact ou l’influence de cette contribution sur le résultat18.

Cependant, ces acteurs peuvent évoluer ou se multiplier au cours du processus et il est souvent difficile de mesurer ou d’isoler l’impact de la contribution de certains acteurs. Une solution possible est d’étudier ce jeu d’acteurs selon une approche en réseaux, c’est-à-dire en se penchant sur leurs interactions et les relations qui les unissent durant une période donnée, qu’elles soient hiérarchisées ou non19. Les principaux acteurs étudiés dans le cadre

de ce mémoire seront les institutions européennes ainsi que les États arctiques dans leurs relations avec l’UE. Cependant, il sera également constaté que les actions de certains acteurs individuels ont également contribué à inscrire les questions arctiques à l’agenda européen.

17 Ibid., p. 32-33. 18 Ibid., p. 31. 19 Ibid., p. 37.

(23)

Le processus de mise à l’agenda, c’est-à-dire « la façon dont certaines questions en viennent à requérir une intervention des autorités publiques »20, est également important à

définir. John Kingdon définit l’agenda gouvernemental comme étant « la liste des sujets ou problèmes auxquels les acteurs gouvernementaux et les personnes évoluant à proximité du gouvernement accordent une sérieuse attention à un moment donné »21. Il est important de

ne pas confondre processus de mise à l’agenda avec processus de politisation, qui implique l’accès d’un thème à l’espace public sans que cela ne traduise nécessairement pas mise sur l’agenda au sens institutionnel22. Comme le développent Kübler et Maillard, « la mise sur

agenda est indissociable d’un processus de délimitation et de hiérarchisation des problèmes, de distribution des responsabilités et de recherches de solutions. Le processus de mise à l’agenda est donc aussi un processus de problématisation »23. Or, ce processus de

problématisation renferme forcément une dimension cognitive et normative, puisqu’il donne un sens et catégorise l’émergence d’un problème. La manière dont ce problème est construit est conditionnée par les valeurs partagées dans une société, les savoirs professionnels mobilisés, les revendications des groupes d’intérêts et l’information scientifique disponible. Tout problème public est donc le résultat d’un construit social, nécessitant une étude des perceptions et des représentations des acteurs qui ont contribué à ce processus de mise à l’agenda24. Cinq modèles ont été définis pour expliquer la mise à

l’agenda d’un problème public : le modèle de la mobilisation, reposant sur une mobilisation politique extérieure au gouvernement ; le modèle de l’offre politique, qui désigne l’action d’organisations politiques se saisissant d’un thème en raison de sa rentabilité politique ; le modèle de la médiatisation, dans lequel les médias jouent un rôle déterminant en attirant l’attention des autorités publiques sur certains phénomènes sociaux, notamment par l’amplification médiatique de ces derniers ; le modèle de l’anticipation, dans lequel les fonctionnaires et les experts à l’intérieur des arcades gouvernementales s’autosaisissent de certaines questions ; et enfin le modèle de l’action corporatiste silencieuse qui trouve son

20 Kübler, D. & de Maillard, J. (2009). Analyser les politiques publiques, Grenoble : Presses universitaires de

Grenoble, p. 19.

21 Kingdon, J. (1995). Agendas, Alternatives and Public Policies, 2ième edition. New York : Harper Collins,

p.3.

22 Kübler, D. & de Maillard, J. (2009). Op. Cit., p. 20. 23 Ibid., p. 21.

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origine dans la mobilisation de groupes organisés entretenant des relations proches avec les membres du gouvernement et qui s’exécute sans controverses ni conflits publics25. Bien

que ces modèles soient bien distincts en théorie, dans la pratique, les processus concrets peuvent combiner plusieurs dynamiques26. Cela s’illustre dans la mise à l’agenda des

questions arctiques, processus qui sera étudié dans le présent mémoire, et dans lequel il peut être observé une combinaison des modèles de la médiatisation et de l’anticipation.

Enjeu clé dans la délimitation de la zone arctique, la souveraineté territoriale est définie comme étant l'indépendance dans les relations interétatiques, c'est-à-dire, le droit pour les États d’édicter des normes et lois, d’être égaux juridiquement face aux instances internationales et d’exercer sur leur territoire, toutes les compétences et fonctions étatiques à l’exclusion de tout autre État27. Dans le cadre de ce mémoire, la question de la

souveraineté intervient principalement lors des interactions de l’UE avec les États arctiques, très protecteurs envers leurs droits souverains dans la région. Selon la Convention sur le droit de la mer de 1982, les eaux intérieures (eaux entre le rivage et la ligne de base) et les mers territoriales (s’étendant jusqu’à 12 miles marins à partir des lignes de base) sont des espaces maritimes annexés au territoire terrestre de l’État côtier et ce dernier y détient la pleine souveraineté. Cela signifie qu’aucun autre État ou aucune autre instance telle que l’UE ne peut prendre de décision, naviguer ou exploiter ces espaces maritimes – excepté pour le droit de passage innocent dans les mers territoriales – sans l’accord préalable de l’État souverain. Cela illustre bien la puissance des États arctiques détenant l’exclusivité des compétences sur leurs eaux intérieures et territoriales. La Convention de Montego Bay de 1982 accorde également des droits souverains en matières économiques aux États côtiers sur leur zone économique exclusive (200 miles marins au-delà des lignes de base) ainsi que sur leur plateau continental. Ils ne détiennent plus une souveraineté totale, mais préservent

25 Pour davantage de détails concernant ces modèles, voir : Kübler, D. & de Maillard, J. (2009). Op. Cit., p.

23-24.

26 Kübler, D. & de Maillard, J. (2009). Op. Cit., p. 23, 24 & 25.

27 Tchikaya, B. (2007). Mémento de la jurisprudence du droit international public. 4ième édition. Coll. Les

Fondamentaux. Paris : Hachette supérieur, p. 34 ; Gauchon, P. & Huissoud, J-M. (2010). Les 100 mots de la

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des droits souverains sur des aspects bien déterminés tels que l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles28

Figure 2: Délimitations des différentes zones maritimes

Source : Préfet maritime de l’Atlantique. [En ligne] https://www.premar-atlantique.gouv.fr/proteger/les-espaces-maritimes.html, (dernière consultation le 15 février 2016).

Enfin, cette étude portant principalement sur les intérêts de l’UE en Arctique, il paraît inévitable de revenir sur cette notion d’intérêt. En relations internationales, on parle souvent « d’intérêt national » défini comme étant « ce qui impose le plus à un État, ce qui constitue l’enjeu par excellence pour lui, et il guide donc l’action politique extérieure d’un

28 Bartenstein, K. (2010). « Le fond marin arctique : convoitises et confusions ». Dans Passages et mers

arctiques - géopolitique d’une région en mutation, sous la dir. de Lasserre, F. Québec, Canada : Presses de

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État »29. Cependant, il n’existe pas de consensus et ce terme est sujet à diverses

interprétations selon les différentes écoles de pensée, qu’elles soient réalistes, libérales ou encore constructivistes30. Dans le cadre de ce mémoire, en tenant compte du contexte

international actuel et si nous considérons l’UE agissant dans sa politique extérieure comme un organisme singulier détenant ses propres intérêts, la vision la plus appropriée à retenir semble être celle des constructivistes. Celle-ci définit l’intérêt national comme n’étant non pas construit par l’État lui-même, mais plutôt comme étant « un construit social qui trouve son origine dans l’identité des États, c’est-à-dire dans la représentation que les États se font d’eux-mêmes, d’autrui, et du système international »31. Aussi, l’intérêt est conditionné par

les normes et les valeurs partagées internationalement à un moment donné et structurant la vie politique internationale. Ces valeurs, et corollairement l’intérêt, sont susceptibles d’évoluer et de se transformer dans le temps32. Malgré l’absence d’une autorité supérieure

dans les relations internationales, les États contemporains ne sont non plus ennemis mais bien riverains, interdépendants les uns des autres et faisant face à des défis globaux communs. Par conséquent, l’intérêt national de chacun, et dans le cadre de cette recherche, l’intérêt de l’UE, est construit de manière plus altruiste qu’égoïste, reconnaissant la souveraineté et les intérêts d’autrui33. Concernant l’UE, ses intérêts sont conditionnés à la

fois par les intérêts de ses États membres, les valeurs et priorités de l’Union en tant qu’entité supranationale à part entière, mais aussi par le contexte et les enjeux internationaux mondiaux. Par ailleurs, dans la formulation et l’agencement de ses politiques et en l’occurrence d’une politique arctique, l’UE doit tenir compte de ces éléments et trouver un équilibre entre ces différentes dynamiques tout en défendant ses propres intérêts.

29 Battistella, D. & Smouts, M-C. (2012). Dictionnaire des relations internationales. 3ième édition. Paris :

Dalloz, p. 292.

30 Ibid.

31 Ibid., p. 295. 32 Ibid., p. 296. 33 Ibid.

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Méthodologie

Sources et collecte des données

Afin de tester les hypothèses présentées ci-dessus et d’ainsi apporter des éléments de réponses à la problématique du présent mémoire, la méthodologie de cette recherche a été construite grâce à différentes sources de données. Les données primaires ont été récoltées lors de la conduite de treize entrevues semi-dirigées qui se sont déroulées à Bruxelles. Ces différentes entrevues ont été basées sur un même questionnaire (annexe 1) divisé en plusieurs thématiques en lien avec les objectifs de ce projet à savoir, le processus de décision interne de l’UE, les intérêts et domaines priorisés par l’Union au sujet des affaires arctiques, les principaux obstacles rencontrés dans son implication dans la région et les relations entre l’UE et les États arctiques. Bien que ce questionnaire fût préétabli et servit de guide lors des entrevues, il n’était pas immuable. En effet, il a évolué et subi quelques reformulations spontanées selon les interlocuteurs en présence et en fonction de la direction que prenaient les différents entretiens semi-directifs afin d’approfondir le dialogue.

Plusieurs catégories d’intervenants ont été ciblées (annexe 2) dans le dessein d’expliquer ce tournant dans la position de l’UE en 2008, quels sont ses véritables intérêts, comment se déroule l’acheminement vers cette politique arctique et quel est le plan d’action actuel, six ans plus tard. Les premières personnes approchées ont été les responsables des affaires arctiques au sein des institutions européennes mêmes, dont notamment la responsable pour la coopération arctique au sein du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), ainsi que les personnes compétentes dans les différentes directions générales (DG) de la Commission concernées par les questions arctiques, à savoir les DG pour les affaires maritimes et pêches (DG Mare), pour la mobilité et le transport (DG Move), pour la politique régionale (DG Regio), pour l’énergie (DG Ener), pour l’environnement (DG Env). Nous avons aussi rencontré un conseiller pour les relations avec la Russie, l'Asie centrale et la Mongolie, l'Afghanistan, l'Iran, la Dimension septentrionale et les enjeux arctiques au département des politiques du Parlement

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européen. Enfin, le Directeur général pour l’Office européen du Nord de la Suède et la Première Secrétaire pour la Représentation permanente de la Finlande auprès de l'UE ont également accepté de nous recevoir, ce qui nous a permis de mieux discerner les dynamiques au sein du Conseil de l’UE lorsqu’il s’agit de traiter des affaires arctiques.

Ensuite, il nous a paru intéressant de rencontrer des fonctionnaires travaillant pour les représentations officielles des États arctiques à Bruxelles afin de recueillir des points de vue plus externes sur l’implication de l’Union dans la région arctique, de cerner davantage la vision de ces États et d’en savoir plus sur les relations qu’ils entretiennent avec elle. Ainsi, nous avons pu interroger la Deuxième Secrétaire adjointe aux affaires politiques et parlementaires pour la Mission du Canada auprès de l'UE, une secrétaire à l’ambassade groenlandaise à Bruxelles et une stagiaire pour l’Office européen du Nord de la Norvège. Ces rencontres ont été bénéfiques dans l’analyse des différentes représentations en présence autour de ce sujet, notamment concernant la place et l’influence de l’UE au sein de la gouvernance arctique déjà existante.

Enfin, l’entrevue avec un responsable pour la communication scientifique pour la Polar Foundation ainsi que la participation à un séminaire au Parlement européen, intitulé Arctic Business and Maritime Security, rassemblant des panelistes de divers horizons académiques, politiques et économiques (annexe 3), nous a permis d’obtenir de l’information d’un point de vue plus externe et par conséquent, peut-être plus objectif concernant les intérêts réels et géostratégiques de l’Union dans la région ainsi que sur son réel pouvoir d’implication et d’action.

Ces entrevues ont eu lieu avec des personnes n’étant pas elles-mêmes visées personnellement par la recherche, mais bien des porte-paroles officiels autorisés à fournir de l’information au sujet des politiques et des organisations pour lesquelles ils travaillent et non pas concernant leur opinion personnelle. Par conséquent, ce projet bénéficie d’une exemption d’approbation du comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’université Laval (CÉRUL).

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Ces rencontres ont été bénéfiques à plusieurs niveaux. En effet, elles ont offert des informations directes et actuelles quant à la position officielle de l’UE par rapport aux enjeux arctiques, nous ont aidé à saisir l’acheminement et les divers acteurs ayant conduit à cette position tout en nous permettant de plonger au cœur des institutions européennes et par conséquent, de mieux comprendre leur fonctionnement.

Les données secondaires ont quant à elles amassées dans la littérature traitant de ce sujet, à savoir les articles et ouvrages scientifiques, les articles de presse, ainsi que les publications et déclarations officielles. Ces données ont surtout été utiles pour relater les étapes et les accords contribuant à l’élaboration d’une politique arctique européenne ainsi que pour appuyer et approfondir les propos récoltés lors des entrevues.

Méthode de traitement des données34

En géopolitique, l’analyse des discours et des représentations des différents acteurs est un outil essentiel pour comprendre les relations entre ces derniers et l’espace, ainsi que pour saisir l’origine des enjeux de pouvoir sur cet espace35. Une analyse qualitative

approfondie des données récoltées lors des entrevues a constitué la principale méthode de traitement de l’information. Les entrevues enregistrées36 ont été hiérarchisées selon la

pertinence de leur contenu par rapport à notre sujet de recherche. En effet, toutes n’ont pas abordé les questions de la même façon, certains répondants ont été plus directs alors que d’autres se sont parfois concentrés sur leur travail ou sur des sujets spécifiques en s’éloignant ainsi des questions initiales. Bien que toutes ces rencontres furent formatrices, certaines jugées comme étant les plus enrichissantes ont été intégralement retranscrites à l’aide du logiciel informatique Nvivo qui permet d’encoder les entrevues et de les écouter à

34 Cette étape fut réalisée en partie sur base de l’ouvrage : Beaud, S. & Weber, F. (2010). Guide de l’enquête

de terrain. 4ième édition augmentée. Coll. Grands repères. Paris : La découverte 35 Lasserre, F. (2008). Op. Cit.

36 A noter que trois d’entre elles n’ont pas pu être enregistrées, par refus de l’interlocuteur ou impossibilité

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une vitesse ralentie, facilitant ainsi la retranscription, alors que d’autres ont simplement été écoutées une ou deux fois, selon les informations nécessaires.

Ensuite, les données récoltées au cours de ces différentes entrevues ont fait l’objet d’un dépouillement manuel suivant une analyse thématique. En effet, nous avons opté pour une approche par regroupement de thèmes en lien avec les objectifs de la recherche. Cela nous a permis d’établir des parallèles ou des oppositions entre les différents thèmes en prenant compte non pas uniquement le contenu, mais également la fonction des différents intervenants. Cette double analyse du contenu et du contenant nous a également permis de dégager les dynamiques internes de l’UE. En analysant les relations qui unissent les différents répondants, il a été possible de mieux discerner le travail de coopération effectué entre les différentes DG et le SEAS, mais également avec le Conseil, le Parlement et les acteurs externes.

Un travail d’analyse des discours et des positions des différents acteurs interrogés a également été effectué afin de discerner leurs points communs ou de divergences ou encore, d’identifier certaines discordances entre les discours et la mise en pratique. Cela nous a permis de mieux comprendre le rôle des différents acteurs institutionnels et parfois individuels, dans l’élaboration de la politique arctique européenne, quels sont les divers intérêts qui entrent en jeu, comment les stratégies sont-elles mises au point et comment font-ils face aux défis internes et externes en terme de cohérence.

Enfin, ce travail de recherche s’est également largement appuyé sur diverses sources écrites. Les documents officiels publiés par les institutions européennes et les articles scientifiques de chercheurs analysant la position de l’UE sur ces enjeux d’un point de vue plus externe, ont fait l’objet d’une analyse approfondie afin d’appuyer les informations récoltées lors des entrevues et d’ainsi consolider notre argumentation.

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Limites méthodologiques

La première difficulté rencontrée dans cette démarche fut l’approche des responsables européens. En effet, toute cette méthodologie dépendait fortement de la volonté de collaboration des personnes concernées. Grâce à un travail de réseautage et de sollicitation persistante, nous avons pu entrer en contact avec quelques personnes clés qui par la suite, grâce à leurs recommandations, nous ont ouvert les portes vers d’autres personnes ressources pertinentes et parfois plus inaccessibles. Néanmoins, la majorité d’entre elles était directement liée ou plus familière avec le travail de la Commission, et il est demeuré difficile d’atteindre des responsables travaillant au sein du Parlement. Il fut donc important de prendre en considération cette surreprésentation d’une institution plutôt que d’une autre dans l’interprétation des données récoltées.

Un second obstacle rencontré dans ce travail de recherche fut l’analyse et la compréhension exhaustive des dynamiques internes de l’UE, et plus spécifiquement des rôles et des points de vue divergents et convergents entre les différentes institutions européennes. Les rencontres avec les fonctionnaires européens furent d’une grande aide dans ce processus puisqu’elles nous ont permis de dialoguer de manière directe sur ce sujet. Néanmoins, certains points demeurent nébuleux et quelques incohérences persistent. C’est le cas notamment de l’utilisation du terme « politique » pour parler de l’engagement européen en Arctique qui est encore débattue. Alors que le terme « stratégie » a été exploité dans l’enceinte du Parlement, le Conseil, la Commission et le SEAS persistent à user du terme « Politique arctique » dans leur vocabulaire officiel37. Cela eut des répercussions

dans la rédaction de ce mémoire, à commencer par le choix du titre. En effet, ce dernier a subi plusieurs modifications au cours de cette recherche. Initialement intitulé l’Union européenne comme nouvel acteur arctique: l’évolution et les intérêts d’une politique arctique européenne, il a été convenu que la notion de « politique arctique européenne »,

37 Raspotnik, A. & Østhagen, A. (2014). « Another Step Forward? The Council of the European Union Puts

the Arctic on the Table », The Arctic Institute – Center for Circumpolar Security Studies, Washington D.C., 22 mai. [En ligne] : < http://www.thearcticinstitute.org/2014/05/052214-Coucil-European-Union-Arctic.html>, (dernière consultation le 9 février 2016) ; Parlement européen. (2014). Résolution du Parlement

(32)

bien qu’elle soit tout même utilisée et développée dans ce mémoire, ne serait pas retenue dans son titre à cause de son caractère trop ambigu. Le terme « stratégie », défini comme étant la « représentation intentionnelle explicite et organisée d’un acteur visant à la valorisation de son capital spatial »38, a été préféré. Celui-ci implique la construction par un

ou plusieurs acteurs d’un horizon d’attente, c’est-à-dire la représentation d’une situation souhaitable engendrant le déploiement de moyens pour la faire advenir39. Cette définition

nous a paru plus adaptée à notre approche géographique, mais également plus appropriée pour désigner l’engagement actuel de l’UE en Arctique et par conséquent, plus adéquate au titre du présent mémoire.

Le premier chapitre de ce mémoire est consacré à la compréhension de cette machine complexe qu’est l’UE. Il survole les composantes et fonctions des principales instances européennes et explique de manière générale le processus de décision de cette organisation supranationale. Le deuxième chapitre est plus historique et retrace les premières étapes de la coopération arctique ainsi que les premiers pas de l’UE vers cette région. Le chapitre qui suit porte sur le tournant qu’a pris l’UE en 2008 avec sa première communication, les raisons expliquant cet événement et les réactions des États arctiques qui en découlèrent. Le quatrième chapitre développe les intérêts spécifiques de l’UE pour la région arctique. Le dernier chapitre de ce mémoire établit un constat de l’évolution depuis 2008 et de la situation actuelle, aussi bien au sein de l’UE que dans ses relations avec les États circumpolaires. Enfin, ce mémoire se termine par une discussion des résultats obtenus, un bilan sur l’avancée parcourue depuis notre point de départ et une conclusion de notre recherche.

38 Lévy, J. & Lussault, M. (2013). Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés. Paris : Belin, p.

961.

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Chapitre 1. L’Union européenne : description d’une organisation complexe

La particularité des enjeux arctiques repose dans leur intersectorialité. En effet, ces derniers englobent une variété de domaines tels que l’environnement, l’énergie, la recherche ou encore le commerce maritime. Par conséquent, ils ne tombent pas sous la responsabilité d’un acteur européen unique et oscillent entre la politique interne et externe de l’Union européenne (UE). Les trois institutions européennes ayant chacune leur propre influence et pouvoir de décision dans le processus décisionnel européen, il est essentiel d’étudier les dynamiques internes de l’Union afin de comprendre les différentes approches institutionnelles envers les enjeux arctiques. De plus, depuis 2007, l’ensemble des instances européennes se voit impliqué dans l’énoncé de la politique arctique de l’UE. De fait, ce chapitre sera consacré au fonctionnement de cette organisation complexe qu’est l’UE afin de mieux saisir les mécanismes qui ont présidé au processus d’élaboration de cette politique. Par ailleurs, la première partie de ce chapitre aura pour objectif de définir clairement les organes fondamentaux de l’UE à savoir, la Commission, le Parlement, le Conseil et le Service européen pour l’action extérieure. Ensuite, il sera question d’expliquer le processus de décision européens afin de distinguer les différentes fonctions de ces instances européennes et d’identifier leur rôle respectif dans l’élaboration d’une politique européenne arctique. Enfin, la dernière section de ce chapitre mettra en lumière les différents niveaux de compétences de l’UE dans les domaines liés aux enjeux arctiques.

1.1. Les instances européennes

1.1.1. La Commission européenne

La Commission représente un organe central dans la gouvernance européenne. Elle est composée d’un président, d’un vice-président, également nommé haut représentant pour les Affaires étrangères à la tête de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), et de 26 autres commissaires, soit un par État membre nommé par son gouvernement national,

(34)

chacun étant en charge d’un secteur déterminé pour un mandat de cinq ans40. Ces

commissaires ont pour mission d’orienter l’agenda politique de l’UE en défendant l’intérêt européen, indépendamment des volontés de leurs gouvernements nationaux respectifs41.

Cette instance comprend également une quarantaine de directions générales (DG), des services administratifs responsables d’un secteur d’action publique spécifique, et un secrétariat général assurant la coordination entre ces différentes DG ainsi qu’avec les autres institutions42.

Les fonctions de la Commission couvrent principalement trois champs d’activité. Sur le plan législatif, elle détient le monopole du droit d’initiative dans les domaines relevant de ses compétences. Même si l’impulsion peut venir d’ailleurs, c’est elle qui élabore et rédige les propositions législatives qu’elle devra ensuite défendre devant le Parlement et le Conseil de l’UE. Au niveau exécutif, elle a pour rôle de mettre en application les actes et les politiques adoptés par le Conseil et le Parlement. En raison de son administration au budget modeste et aux ressources humaines limitées, la Commission ne dispose pas toujours des moyens nécessaires pour faire appliquer ses réglementations à l’échelle de l’UE, mais elle dispose cependant d’un pouvoir de régulation sur ses États membres, ce qui permet de garantir la bonne intégration de ses normes dans les législations nationales. Appelée parfois « gardienne des traités », elle veille au respect du droit européen en général et jouit d’un pouvoir de sanction lui autorisant à poursuivre un État devant la Cour de justice européenne en cas de transgression43. Enfin, elle représente l’UE

40 Plus précisément, les 26 autres commissaires se répartissent les domaines suivants : droits fondamentaux et

relations interinstitutionnelles, budget et ressources humaines, marché unique, énergie, Euro, emploi et croissance, économie, voisinage et élargissement, commerce, coopération internationale et développement, action pour le climat, environnement, santé et sécurité alimentaire, migration et citoyenneté, affaires sociales et mobilité, affaires économiques et financières, aide humanitaire et gestion de crise, agriculture, stabilité financière, transport, marché intérieur et industrie, justice, éducation et jeunesse, politique régionale, concurrence, recherche et science. Commission européenne. (2015). The Commission’s structure, [En ligne] <http://ec.europa.eu/about/structure/index_en.htm>, consulté en juin 2015.

41 Gaillard, M. (2013). L’Union européenne : institutions et politiques. 4ième édition. Coll. Découverte de la

vie publique. Paris : la documentation française, p.57-58 ; Mérand, F. & Weisben, J. (2011). Introduction à

l’Union européenne : instituions politiques et société, Bruxelles : De Boeck, p. 42.

42 Ibid.

43 Gaillard, M. (2013). Op. Cit., p.60 ; Mérand, F. & Weisben, J. (2011). Introduction à l’Union européenne :

(35)

dans certaines négociations internationales traitant de compétences communautaires et défend ainsi l’intérêt européen sur la scène mondiale44.

1.1.2. Le Parlement européen

Le Parlement européen est l’unique instance au sein de l’UE représentant les citoyens. Ces derniers élisent les députés au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Le nombre de parlementaires par État membre dans l’assemblée varie en fonction de la taille du pays45. Cette institution est composée de sept groupes politiques rassemblant

les principaux partis nationaux des États membres. Ils ont davantage une fonction de coordination des points de vue, que de programmation46. Le Parlement possède également

vingt commissions permanentes divisées en différents domaines d’action et au sein desquelles se crée sa véritable position qui sera ensuite confirmée en séance plénière47.

Enfin, le Parlement européen entretient ses relations avec les parlements d’autres pays non membres de l’UE grâce à ses trente-cinq délégations à l’étranger48.

Depuis sa création, le Parlement n'a fait que renforcer son pouvoir. En effet, suite à la signature du Traité de Lisbonne en 200749, ses compétences, au départ essentiellement

consultatives, se sont élargies afin d’augmenter la légitimité démocratique de l’UE, et couvrent aujourd’hui trois fonctions principales50. La première est législative, lui octroyant

le pouvoir de codécision avec le Conseil de l’UE pour toutes les procédures législatives dites ordinaires, expliquées dans la section suivante. Tous deux sur un pied d’égalité, ils

44 Mérand, F. & Weisben, J. (2011). Op. Cit., p. 43. 45 Ibid., p. 58.

46 Ibid., p. 61.

47 Ces commissions permanentes sont les suivantes : affaires étrangères, développement, commerce

international, budgets, contrôle budgétaire, affaires économiques et monétaires, emploi et affaires sociales, environnement, santé publique et sécurité alimentaire ; industrie, recherche et énergie ; marché intérieur et protection des consommateurs, transport et tourisme, développement régional, agriculture et développement rural, pêche, culture et éducation, affaires juridiques ; libertés civiles, justice et affaires intérieures ; affaires constitutionnelles, droit de la femme et égalité des genres, pétitions. Ibid., p.62.

48 Mérand, F. & Weisben, J. (2011). Op. Cit., p. 62. 49 Mais entré en vigueur le 1er décembre 2009. 50 Gaillard, M. (2013). Op. Cit., p.63.

Figure

Figure 1: Différentes délimitations de l'Arctique
Figure 2: Délimitations des différentes zones maritimes
Figure 3: Coopération en Europe septentrionale et en Arctique, 2016
Figure 4: Comparaison de l'extension et concentration de la banquise arctique à son  minimum de septembre, en 1984 et 2012
+7

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