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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Démocratie et expertise : introduction au débat

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Academic year: 2021

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DÉMOCRATIE ET EXPERTISE

INTRODUCTION AU DÉBAT

Brigitte FRELAT-KAHN LU.F.M. de Versailles

MOTS-CLÉS: CONTRÔLE - CITOYENNETÉ - VULGARISATION

RÉSUMÉ: Les relations de la science aux citoyens sont ordinairement pensées sous la double figure de la vulgarisation du savoir et du contrôle des applications de la recherche scientifique. Mais dans tous les cas on postule une toute puissance de la science. Il peut apparaître que pour une radicale démocratisation du savoir ce qui importe est moins de penser le rôle d'institutions de contrôle, ou même de rendre accessibles les contenus de connaissance, que de séculariser le savoir lui-même.

SUMMARY : Relations between science and democracy are usualy thougth both as a popularization of knowledge and a control of the applications of scientific research. Anyway, powerfullness of science is assumed. It may be that the most important if we look for a democratic knowledge, is not really the institutions of control or the duty for popularize the scientific contents. It seems that we havetamake the knowlege secular.

A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND el D. RAICHVARG, Acles JIES XIX, 1997

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En 1876 le chimiste français Jean-Baptiste Dumas proclamait: "On peut dire de la science ce que Royer-Collard disait de la politique: vous ne vous en occupez pas. Soyez tranquille, elle s'occupera de vous. La science s'occupe de vous, la science est panout". Dumas affichait ainsi son adhésionàla version scientiste de l'esprit moderne. Rares seraient ceux aujourd'hui pour oser se réclamer d'une telle profession de foi. Et si l'on chercheàpenser une articulation entre science et société, ce ne saurait être désormais pour rallacheràune science neutre, résolument objective et indépendante, des applications bénéfiques transformatrices du social, porteuses de concorde et de prospérité. Technoscience et activité scientifique apparaissent pour le moins traversées de pratiques sociales et d'enjeux économiques et politiques. "Vache folle", "maïs transgénique", "clones" : autant d'expressions vulgaires qui disent bien, sans rien expliquer, les craintes, voire les fantasmes que la lechnoscience suscite pour notre temps. Et pourtant, quant au fond rien n'a changé : seule l'affectation de valeur s'est inversée: de positif le savoir est devenu négatif. Nous, post-modernes, semblons animés du souci-même qui inspirait Jean-Baptiste Dumas. Un même enjeu demeure, qui concerne la fonction démocratique de la science. Seulement il semble que la science ait failliàsa mission: activité pervertie ou corrompue. Au fond la science n'est pas ce qu'elle promellait d'être, sa puissance semble nous offrir le revers de nos espérances. Plus radicalement encore que les effets de la science, c'est la volonté et l'exigence de savoir qui semble atteinte

1) Plus les savoirs se développent, sont technologiquement investis et se démocratisent, et moins les individus des sociétés démocratiques proportionnellement ont besoin de savoir pour vivre dans des conditions subjectivement acceptables.

2) Plus les savoirs se développent et se spécialisent et plus ils deviennent affaire d'experts. De telle sorte que la science qui se voulait comme telle émancipatriceàl'égard des croyances, semble conduire aujourd'hui les non-experts ou les moins expertsàla croyance, renvoyés qu'ils sont, pour estimer les propositions de l'activité scientifique désormais communément inintelligibles, à la valeur.

En regard de ce déficit deux voies complémentaires semblent nous être proposées

1) La vulgarisation de la science et la diffusion des connaissances scientifiques sont censées rendre le savoir public au public. Une telle option en appelle d'emblée une autre.

2) Par rétroaction les citoyens, en tant que tels, doivent pouvoir exercer un contrôle désigné comme légitime au moins sur les implications technologiques, politiques, voire idéologiques de la recherche scientifique.

La question de la vulgarisation des connaissances scientifiques se concentre assez spontanément sur la pédagogisation et sur la médiatisation. L'enseignement, les musées, la presse sont les vecteurs traditionnels de celte fonction ; ils sont aussi en matière de savoirs les prescripteurs les plus importants. Leur désignation n'est pas ici nouvelle. Mais le fait qu'on leur adjoigne une condition seconde, condition de contrôle, indique toute la complexité de leur fonction. Car si la vulgarisation doit se donner pour règle de dire le vrai, ce n'est plus tant en regard d'une transparence à soi de l'objet que l'on dit: ce n'est pas qu'il est question d'abord de dire les choses telles qu'elles sont. La règle porte davantage sur la non manipulation, sur l'indépendance politique et économique des organes et des médias qui se chargent de la diffusion.

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Quant au contrôle lui-même, il semble que nous devions nous garder d'y voir le moyen fort d'une prévention démocratique. Objectivé dans des comités d'éthique, le contrôle court le risque de renforcer le rôle de l'expertise au point que les divers membres peuvent parfois apparaître soit comme des experts d'expens scientifiques, soit comme des experts en éthique, renvoyant pour le coup l'éthique à une positivité qui échappe à ses enjeux.

Pourrion s-nous même penser un dispositif effectif et effectivement démocratique du contrôle des implications des programmes de recherche, que l'on remarquerait aussitôtleut vanité. Dès lors que des implications sont pensables cela signifie que tout est déjà là, sans que l'on puisse par ail1eurs mesurer l'ampleur des développements de ce qui est objet de recherche. Bref, pour aussi légitime qu'il puisse être le contrôle semble condamné à venir après coup.

Mais surtout, à bien y regarder, une telle perspective ne modifie pas radicalement la représentation que les positivistes du début du siècle avaient de la science. Le désir de contrôle entérine la vision d'une toute puissance de la rationalité scientifique, suscitant par là moultes désil1usions lorsque les chercheurs s'avouent tels qu'ils sont c'est-à-dire en quelque façon nécessairement ignorants. Ainsi voit-on se développeràl'encontre des scientifiques une méfiance qui n'a de cesse dans l'imputation des torts. Et par-delà l'exposition de scientifiques descendus dans l'arène, pointe la remise en cause de propositions rationnelles qui ont prétention à faire partie du domaine public.

On retrouve ainsi tout au fond la même affirmation de l'unité du savoir sous la diversité des études. On retrouve la puissante radicalité du doute cartésien qui contraintàrejeter tout dès l'instant que l'on peut trouver la moindre raison de douter. La différence ici est notable: loin de se donner comme la voie ordonnée, la méthode du vrai, elle affecte la rationalité même et proclame: "tout est bon!".

Pour sortir de tel1es impasses et prévenir de tels risques peut-être devrions-nous renverser la perspective. Si, au lieu d'aller de la science vers le politique, on tentait de recomprendre les enjeux politiques de tout engagement de connaissance! 11 semble désormais que les conditions d'une démocratisation du savoir doive passer par son humanisation, sa désacralisation. Pensée comme activité humaine, prise dans la complexité des relationsànotre représentation de la citoyenneté, indissociable du contexte économique qui intervient dans la décision d'acceptation et de développement des programmes de recherche, constituée en communauté institutionnelle réglée, la science se ferait alors effectivement activité scientifique et les savants, géniaux ou fous, cèderaientla place aux chercheurs. Foin de la Providence pourvoyeuse de dons ou justificatrice de vocation! Fi de la relation contractuelle de Faust et de Mephisto !Devenus des professionnels, les scientifiques exerçant désormais un métier, entrent comme tout autre membre de la société civile dans la solidarité et l'interdépendance d'agents également responsables. Ainsi l'importance accordée à la vulgarisation pour l'émancipation, la discussion et la reconnaissance du caractère public du savoir, peut-elle être comprise comme la mise en œuvre d'une acception de la citoyenneté sous la détermination de l'individu particulier responsable et de la démocratie sous la figure du débat libre et ouvert.

Une telle inversion de point de vue devrait nous inviteràsubstitueràla vulgarisation scientifique une vulgarisation de la science autrement dit une sécularisation du savoir. Dans une telle perspective ce qui importe n'est plus tant une publicisation des contenus de la science qu'une désacralisation du savoir lui-même.

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