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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Faire des sciences pour apprendre à parler, lire et écrire ou parler, lire et écrire pour apprendre les sciences ?

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVII, 2005

FAIRE DES SCIENCES POUR APPRENDRE À PARLER,

LIRE ET ÉCRIRE OU PARLER, LIRE ET ÉCRIRE

POUR APPRENDRE LES SCIENCES ?

Joël BISAULT

GRIEST (IUFM Amiens) – UMR STEF (ENS Cachan-INRP)

MOTS-CLÉS : LANGAGE – SCIENCES – ÉCOLE PRIMAIRE – TEXTES OFFICIELS

RÉSUMÉ : Depuis les débuts de l’enseignement obligatoire des sciences jusqu’à l’époque actuelle, le langage et les sciences ont entretenu à l’école primaire des relations diverses et parfois ambiguës oscillant entre opposition, rapport instrumental et construction conjointe. La lecture des textes officiels successifs qui ont jalonné l’histoire de l’enseignement des sciences fait apparaître des continuités et des ruptures liées à l’évolution des idées concernant le langage, les sciences et leurs enseignements.

ABSTRACT : Since beginnings of science obligatory teaching until present time, language and sciences maintained at primary school various and sometimes ambiguous relations oscillating between opposition, instrumental report and mutually construction. Reading of successive official text that staked out the sciences teaching history shows continuities and ruptures bound to the evolution of ideas concerning language, sciences and their teachings.

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1. INTRODUCTION

Le thème de ces journées de Chamonix – « par les mots et par les choses » - m’évoque plusieurs… choses que je vais résumer en deux… mots : opposition et complémentarité. C’est en premier lieu l’opposition entre deux formes scolaires d’enseignement des sciences - par exemple dans l’opposition historique entre leçons de choses et leçons de mots. C’est en second lieu la complémentarité entre le travail par les choses et le travail par les mots dans une forme scolaire donnée. Je pense en effet que tout enseignement des sciences – surtout à l’école élémentaire – comporte nécessairement une dimension langagière. Il m’a semblé intéressant d’étudier les relations entre sciences et langage en partant de la lecture des textes officiels successifs qui ont jalonné l’histoire de l’enseignement des sciences à l’école élémentaire. Je propose donc d’examiner les références au langage dans les différents programmes depuis la période des leçons de choses jusqu’aux programmes actuels. Je ne vais pas faire une présentation exhaustive de ces textes ni une analyse historique ; je vais plutôt essayer d’aborder cette question en vous racontant une histoire : l’histoire d’un vieux couple dont les relations sont passées par des hauts et des bas. Je vais vous raconter les évènements qui mont semblé les plus marquants en découpant cette histoire en trois temps :

- le temps du conflit entre 1882 et 1968, - le temps de la séparation entre 1968 et 1995,

- et enfin, le temps de la réconciliation entre 1995 et aujourd’hui.

2. PREMIER TEMPS : LE « CONFLIT » (1882 – 1968)

Le premier temps de cette « histoire » commence avec le début de l’enseignement obligatoire des sciences en 1882 et la mise en place des leçons de choses1, il se termine dans les années soixante avec la fin des leçons de choses et le début des activités d’éveil2. On peut observer une certaine stabilité didactique entre 1882 et 1957- année des textes qui consacrent la fin des leçons de choses (Kahn, 2000). C’est une période très longue qui a vu la parution de cinq programmes différents (en 1882, en 1923, en 1938, en 1945 et en 1957). Pendant cette période, la leçon de choses a joué un rôle tout à fait emblématique, non seulement dans le cadre de l’enseignement des sciences, mais

1 Le programme du 27 juillet 1882 est intitulé « éléments usuels des sciences naturelles et physiques » ; la section relative au cours élémentaire prend le nom de « leçons de choses ».

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aussi comme méthode pédagogique exemplaire pour l’école publique républicaine3. En fait, derrière la formulation « leçon de choses » se cachent deux aspects différents que l’on peut résumer par la formule « leçon sur les choses et leçon par les choses » (Delon, 1887 ; Kahn, 2000).

Le premier aspect (leçon sur les choses) renvoie plutôt à un choix éducatif général lié aux besoins d’une éducation concrète pour le peuple. En revanche, le deuxième aspect (leçon par les choses) est lié à un postulat épistémologique dominant à cette époque : le positivisme (Kahn, 2000). La leçon de choses intègre donc deux dimensions très différentes voire contradictoires. Il est en effet difficile de concilier l’induction pédagogique (du concret à l’abstrait) et l’inductivisme épistémologique (des observations particulières aux lois générales). Le premier aspect été bien relayé par les instituteurs, le deuxième était présent surtout dans les discussions plus théoriques et les colloques (Kahn, 2000). Après ces considérations générales sur les leçons de choses, je vais revenir sur le type de relation avec le langage qui est envisagé dans ces textes. Je pense que la relation qui est manifestée avec le plus de force est une relation d’opposition. La leçon de choses s’oppose à la leçons de mots, c’est pour cette raison que j’ai choisi d’appeler cette période le temps du conflit. Ceci apparaît très clairement dans certaines formulations particulièrement virulentes qu’on peut trouver dans les textes officiels.

Dans les textes de 1882 on peut lire par exemple qu’il n’y a « pas de temps à perdre en discussions

oiseuses… ». On peut lire aussi qu’il faut se « protéger contre le verbalisme qui est un fléau… »

dans les textes de 1945. Pourtant si on regarde les textes de plus près, on se rend compte que c’est uniquement une forme particulière d’utilisation du langage - le verbalisme - qui est rejetée et pas le langage en général. En fait, le langage est sollicité à l’oral et à l’écrit dans la leçon de choses ; en premier lieu, il est indispensable pour nommer les choses qu’on étudie. Il intervient aussi comme élément du dialogue pédagogique : par exemple, les textes de 1938 évoquent la « nécessité de

réaliser des classes dialoguées… ». Le langage intervient également comme trace de l’activité,

comme dans l’extrait suivant extrait des textes de 1945 où il est question de « fixer les résultats

sous formes de schémas, de résumés succincts ».

Pour conclure sur cette période, on peut dire que c’est un temps de conflit4 qui superpose une relation d’opposition et de rejet avec une relation de « dépendance ».

3 On la retrouve dans d’autres domaines disciplinaires, en géographie par exemple.

4 À la lumière de ce qui précède, le terme « conflit » mériterait d’être nuancé. Ce point a fait l’objet d’une discussion avec Joël Lebeaume lors de la table ronde.

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3. DEUXIÈME TEMPS : LA « SÉPARATION » (1968 – 1995)

Après le temps du conflit vient le temps de la séparation entre la fin des années 1960 - avec la mise en place progressive des activités d’éveil - et 1995. Je vais probablement en choquer un certain nombre en regroupant dans un même temps les programmes de 1977-19805 sur les activités d’éveil scientifique et les programmes de 1985 de sciences et technologie. Ces programmes sont en effet radicalement différents, mais je pense que sur la seule question des relations entre science et langage, ils sont assez proches. Avant d’examiner cette question, je propose de présenter quelques éléments généraux concernant ces programmes, en commençant par ceux relatifs à l’éveil.

Les activités d’éveil sont mises en place dans une période de profond bouleversement du système éducatif avec en particulier la prolongation de la scolarité obligatoire. Les activités d’éveil scientifique sont inscrites dans un ensemble disciplinaire beaucoup plus large. Pour le cycle moyen par exemple, les « sciences expérimentales » (physique, technologie, biologie) sont rangées dans un ensemble très vaste dénommé « activités d’éveil » qui comprend aussi l’histoire géographie, l’éducation musicale, les arts plastiques et les activités manuelles (contenus de formation de l’école élémentaire - cycle moyen, 1980). Ces activités d’éveil constituent un des grands domaines d’activité de l’école à côté du français, des mathématiques, de l’éducation physique et sportive et enfin de l’éducation morale et civique. Ce ne sont pas les contenus qui fédèrent ces activités d’éveil mais plutôt les aspects pédagogiques ; on parle de pédagogie de l’éveil avec la mise en avant de l’activité de l’élève. Sur ce plan, on peut noter que les travaux de Piaget ont eu une grande influence. Sur le plan épistémologique, on peut noter l’influence des travaux de Bachelard qui ont fortement remis en question le positivisme à la base des leçons de choses (Kahn, 2000). Ces instructions de 1979-1980 s’inscrivent donc en rupture avec les textes précédents.

Les textes de 19856 sont très différents de ceux de 1977-1980 sur les aspects pédagogique et épistémologique. Contrairement aux textes précédents, ils sont centrés sur les savoirs et ils sont fortement cloisonnés en domaines disciplinaires bien constitués. Le domaine « sciences et technologie » est un domaine de savoirs et non un domaine d’activités comme dans les programmes précédents. Ces deux programmes reposent donc sur des choix radicalement différents. Cependant, ces textes ont un point commun : c’est que le langage y est peu présent. Dans les deux cas, on peut dire que le langage verbal est renvoyé à un autre domaine des programmes : le Français.

Les textes de 1977-1980 pour le cycle moyen évoquent surtout deux usages du langage écrit : lire des documents et écrire des comptes-rendus. Par exemple, dans les objectifs généraux, on peut lire

5 Contenus de formation de l’école élémentaire : cycle préparatoire (BO n° 36 - 1977) - cycle élémentaire (BO n° 30 bis - 1978) - cycle moyen (BO n° 31 - 1980).

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qu’il faut initier et entraîner l’enfant à « se documenter […] en liaison avec les résultats de

l’investigation par observation directe ou expérimentation … ». Dans les instructions pédagogiques,

il est indiqué qu’il faut veiller « à une expression claire des résultats (textes, schémas, tableaux,

graphiques, etc.) et des conclusions ». Dans les textes de 1985, le langage n’est mentionné que deux

fois soit en complément de l’activité d’investigation expérimentale soit comme trace finale :

« utiliser des documents simples » « mettre en œuvre les principaux modes de représentation : croquis, schéma, organigramme, le tableau classificatoire ».

Les références au langage dans les deux types de programmes sont donc très voisines : la lecture de documents en complément de l’activité d’investigation expérimentale et la trace écrite finale. Dans les deux cas, le langage est repoussé aux frontières extérieures de l’activité scolaire en sciences. On notera cependant une différence entre les deux textes ; les références explicites au langage verbal en 1977-1980 (« texte », « exposé ») ont totalement disparu en 1985. Le langage évoqué en sciences n’a plus de rapport explicite avec le français ce qui semble cohérent avec le fort découpage disciplinaire présent dans ces derniers textes.

À la fin de cette période, le langage apparaît donc comme un « instrument » extérieur aux sciences. En quelque sorte le langage et les sciences se sont presque complètement séparés à la fin du deuxième temps de mon histoire. Comme on va le voir cette séparation n’était que provisoire puisqu’arrive maintenant le temps de la réconciliation.

4. TROISIÈME TEMPS : LA « RÉCONCILIATION » (1995-2005)

Les programmes de 19957 ont suivi de peu l’introduction des cycles en 1990. L’intitulé des programmes sur les trois cycles (« découvrir le monde » (CI) – « découverte du monde » (CII) –

« sciences et technologie » (CIII) montre une émergence progressive du champ disciplinaire

« sciences et technologie » en rupture avec le cloisonnement disciplinaire des textes de 1985.

Une évolution majeure apparaît aussi dans les rapports entre langage et sciences puisqu’il est fait mention explicitement d’un lien entre apprentissage scientifique et apprentissage langagier. Par exemple, on peut lire dans le préambule aux programmes de sciences et technologie du cycle 3 que :

« ces activités (sont) aussi dans le domaine de la langue et des mathématiques, le support de nouveaux apprentissages… ». On remarque aussi dans ces textes l’apparition du terme « maîtrise de

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la langue »8 et l’entrée en force du terme « compétence », compétence qui peut être de trois types :

transversale, dans le domaine de la langue ou disciplinaire.

Quand on consulte la liste des compétences en sciences, on se rend compte qu’environ la moitié des compétences sont directement liées au langage, par exemple : « lire un texte à caractère scientifique

ou technique adapté au niveau des élèves- se poser des questions et s’interroger - faire émerger un problème et le formuler correctement - exprimer par écrit (texte, schéma, graphique) les résultats d’observations, d’expériences, d’enquêtes - argumenter et discuter une preuve »

Un autre point mérite d’être souligné : désormais, ce ne sont plus des substantifs comme dans les textes précédents mais des verbes qui sont utilisés pour les références au langage. Le langage n’est plus considéré au travers d’objets langagiers qui seraient sollicités en sciences mais plutôt comme un processus : l’activité langagière. Cette activité langagière apparaît comme une composante essentielle de l’activité scientifique scolaire.

Les programmes actuels9 ont été publiés en 2002 dans un contexte de rénovation de l’enseignement des sciences à l’école. Il suivent le lancement de l’opération « main à la pâte » en 1996 et la mise en place du plan de rénovation de l’enseignement des sciences en 2000. Sur le plan du langage, ces programmes s’inscrivent dans la continuité de ceux de 1995. On peut observer un renforcement des relations entre apprentissage des sciences et apprentissage du langage – renforcement qui n’est pas spécifique aux sciences puisque la langue apparaît comme la priorité absolue pour l’école.

La maîtrise de la langue doit donc être travaillée dans tous les domaines disciplinaires : ceci est affirmé avec force dans les textes généraux pour l’école et rappelé dans le programme de sciences :

« le renforcement de la maîtrise du langage et de la langue française est un aspect essentiel ». De

ce point de vue le « carnet d’expériences et d’observations » qui doit être tenu par chaque élève a un double rôle : il est instrument au service de l’activité scientifique scolaire mais il est aussi prétexte à des apprentissages langagiers10. Le premier aspect que j’ai appelé recours instrumental au langage a été présent à des degrés divers dans tous les programmes successifs ; il a été seulement renforcé dans les textes de 1995 et 2002. En revanche, le deuxième aspect n’est apparu de façon très importante que depuis ces derniers textes dans ce qu’on pourrait appeler une relation instrumentale inversée (recours instrumental aux sciences dans l’apprentissage du langage). Peux-t-on dire pour autant qu’il n’y aurait que des relations instrumentales réciproques entre langage et sciences ? Il y a

8 Parution de l’ouvrage « maîtrise de la langue » en 1992.

9 « Découverte du monde » (cycles I et II) - « Sciences expérimentales et technologie » (cycle III) – BO hors-série n°1 du 14 février 2002 : horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire.

10 On peut dire que le cahier d’expérience épouse facilement les formes scolaires. Ce n’est pas le cas des techniques comme l’a montré Joël Lebeaume lors de son intervention.

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sans doute un peu plus que cela dans ces textes et il me semble qu’on peut lire en filigrane l’idée d’une construction conjointe.

Les programmes de 2002 font aussi apparaître une autre évolution liée au langage, c’est la place importante accordée au débat dans la classe. Par exemple, les textes évoquent « un débat réglé

visant à produire des connaissances » et un peu plus loin on peut lire que « les écrits validés prennent le statut de savoirs ». Il me semble que derrière cette place du débat ou de l’argumentation

se dessine une nouvelle vision de la science puisque la science apparaît dans ces derniers textes comme une pratique sociale dans laquelle les interactions langagières jouent un rôle central dans la construction des savoirs.

5. QUELLES ÉVOLUTIONS ET QUELS ENJEUX D’APPRENTISSAGE ?

On peut dire que cette histoire entre sciences et langage se termine bien : le couple s’affiche désormais en public dans une relation qui semble au beau fixe. Mais est-ce bien le même couple qu’au début ? D’autres personnages ne nous ont-ils pas rejoint au cours de cette histoire ? Il est peut être nécessaire de dresser un portrait d’une famille partiellement recomposée. Dans ce portrait, l’activité langagière en sciences apparaît au centre de quatre types d’enjeux d’apprentissage (Cf. figure en annexe).

Le premier enjeu est, bien entendu, un enjeu d’apprentissage scientifique. On peut considérer par exemple que l’activité langagière dans la classe de sciences est une composante d’une « activité scientifique scolaire ». Cette activité scientifique scolaire peut être analysée à la lumière d’une double référence : à l’école et à la science. En effet, de nombreux éléments de la démarche proposée aux élèves (questionnement, investigation, écriture, débat, validation…) peuvent être considérés comme une traduction pour l’école de certains aspects essentiels de l’activité des scientifiques (Bisault, 2005). De ce point de vue, il semble assez clair que les derniers programmes de sciences pour l’école ont retenu une vision sociale de la science. On peut alors dire qu’il est nécessaire de lire, écrire et parler pour apprendre les sciences car il est nécessaire de lire, écrire et parler pour faire des sciences.

Le deuxième enjeu qui est apparu très explicitement dans les derniers textes est un enjeu d’apprentissage du langage. L’activité langagière en sciences est en effet une activité sur le langage. Le langage n’est donc pas seulement un aspect d’une activité scientifique scolaire, il peut aussi être l’objet de l’apprentissage. Avec cet enjeu, l’enseignement des sciences contribue au même titre que d’autres enseignements à l’apprentissage du langage et de la langue française. On peut alors dire

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que faire des sciences à l’école permet d’apprendre à parler, lire et écrire. De ce point de vue, l’évolution des programmes de sciences reflète aussi l’évolution des idées relatives au langage et à son enseignement. Le langage n’est plus considéré dans les textes actuels comme un code « transparent » ; l’activité langagière est en effet fortement liée à son contexte de production, notamment dans sa dimension dialogique (Jaubert & Rebière, 2000).

L’activité langagière en sciences est aussi une activité sociale ; cet aspect apparaît très nettement dans les derniers programmes avec l’importance accordée au débat, à l’argumentation et plus généralement aux interactions sociales. Ceci renvoie à un autre domaine d’apprentissage dénommé « vivre ensemble » dans les derniers textes ; ce domaine constitue le deuxième pôle prioritaire de l’école primaire après l’apprentissage du langage. Cet enjeu social a été présent sous des formes diverses tout au long de cette histoire de l’enseignement des sciences (Kahn, 2000) ; cet enjeu est également très prégnant dans les programmes d’histoire - géographie et d’éducation civique (Bisault & Le Bourgeois, à paraître).

Enfin, le langage peut être aussi considéré comme un outil d’apprentissage11. On peut penser que la place accordée aux interactions langagières entre élèves dans les programmes actuels - et pas seulement dans les programmes de sciences - est liée à une évolution des idées concernant l’apprentissage. En favorisant les interactions entre pairs et la co-construction de savoirs par les élèves, les démarches proposées dans les programmes actuels reposent implicitement sur des théories de l’apprentissage de type socio-constructiviste qui font actuellement l’objet d’un certain consensus dans la communauté éducative (Douaire, 2004).

6. CONCLUSION

On ne peut donc pas comprendre la place actuelle du langage dans les programmes de sciences sans prendre en compte ces différents enjeux. Nous sommes au point de rencontre de plusieurs types de problèmes renvoyant à des champs théoriques différents (didactique des sciences, épistémologie, didactique du français, linguistique, didactique de l’éducation civique, sociologie, psychologie des apprentissages…). On assiste actuellement à une certaine convergence de ces différents champs, notamment autour du débat et des interactions sociales. Cette convergence n’est pas seulement visible dans les textes des programmes ; elle se manifeste aussi par un rapprochement entre les chercheurs des différents domaines. Je pense en particulier à une recherche nationale sur

11 On pourrait rajouter que le langage est aussi une trace de l’activité et de l’apprentissage. Ce point a été développé dans l’intervention de Cora Cohen dans cette table ronde.

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l’argumentation à laquelle j’ai participé12 ou à différents colloques récents qui ont réuni des chercheurs de domaines très variés13. Cette convergence est sans doute une force sur le plan pédagogique pour inciter à changer les pratique14. Elle peut aussi constituer une difficulté car il n’est pas certain que les postulats des différents champs théoriques soient totalement compatibles entre eux.

L’existence de ces différents enjeux rend assez difficile l’analyse de certaines activités scolaires. Par exemple, la lecture documentaire semble avoir traversé sans changement apparent les différents programmes successifs de sciences pour l’école. Comme nous l’avons montré, ces différents textes reposent pourtant sur des postulats radicalement différents. La lecture de documents est également présente dans d’autres domaines disciplinaires, l’histoire par exemple. S’agit t-il d’apprendre à lire ou d’apprendre en lisant ? Cette activité a-t-elle un intérêt « transversal » ou est-elle ancrée dans des préoccupations disciplinaires spécifiques15 Est-elle imposée par des considérations

épistémologiques16 ou par des considérations strictement scolaires 17. Il s’agit là de questions complexes qui mériteraient d’être examinées de façon précise. Pour conclure, je dirais que j’ai surtout exploré dans mon exposé le travail par les mots et sur les mots dans l’enseignement des sciences et que j’ai laissé de côté le travail par les choses et sur les choses. Cette question a été déjà abordée par ailleurs (Coquidé & Lebeaume, 2003) et je pense que d’autres intervenants aborderont ce sujet dans cette table ronde.

BIBLIOGRAPHIE

BISAULT J. (2005). Le langage en sciences à l’école : quelles références et quels enjeux pour quelles pratiques scolaires ? In Colloque « didactiques : quelles références épistémologiques », Bordeaux - mai.

12 Recherche associative IUFM-INRP, (2000-2003) « Argumentation et démonstration dans les débats et discussions en classe » coordonnée par J. Colomb et J. Douaire.

13 Par exemple, le colloque international « Faut-il parler pour apprendre ? » organisé à Arras en Mars 2004. par l’IUFM Nord-Pas de Calais. Ce colloque a réuni en particulier des linguistes, des psychologues et des didacticiens de nombreuses disciplines.

14 Joël Lebeaume a évoqué dans cette table ronde l’idée d’un « réseau de pratiques cohérentes ». 15 Par exemple, le travail sur les sources en histoire.

16 On peut par exemple considérer que la lecture de documents est un aspect du travail des scientifiques qu’il s’agit de traduire à l’école.

17 Par exemple, la nécessaire confrontation des travaux des élèves avec les savoirs de référence disponibles dans les manuels scolaires ou les ouvrages de vulgarisation scientifique.

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BISAULT J., LE BOURGEOIS R. Argumenter en sciences et en histoire à l’école : des pratiques sociales de référence aux pratiques scolaires. In Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, (à paraître).

COQUIDÉ M., LEBEAUME J. (2003). Découverte de la nature et des objets à l’école élémentaire : hier et aujourd’hui. Grand N, 72, 105-114, Grenoble : IREM.

DELON C. (1887). La leçon de choses, théorie et pratique. Paris : Hachette.

DOUAIRE J. (coord.) (2004). Argumentation et disciplines scolaires. Paris : INRP.

JAUBERT M., REBIÈRE M. Observer l’activité langagière des élèves en sciences. Aster, 31, 173-195.

KAHN P. L’enseignement des sciences de Ferry à l’éveil. Aster, 31, 9-35.

ANNEXE : les enjeux de l’activité langagière en sciences

Activités sociales Activités sur le langage Activités par le langage Apprentissage du langage Apprentissage par le langage Apprentissage du « vivre ensemble »

Apprentissage des sciences

Activité langagière en sciences Activités scientifiques scolaires

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