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Les ressources de type familial, les conditions objectives et subjectives de « fausses travailleuses autonomes »

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Les ressources de type familial, les

conditions objectives et subjectives de

« fausses travailleuses autonomes »

Par Michel Morin

Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en sociologie

Université du Québec à Montréal

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Cahier de l’ARUC-ÉS Cahier No : C-08-2007

« Les ressources de type familial, les conditions objectives et subjectives de « fausses travailleuses autonomes » Par Michel Morin

Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en sociologie Université du Québec à Montréal

Mise en page : Francine Pomerleau

ISBN : 978-2-89276-416-1 Dépôt légal : Mars 2007

Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada

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R é s u m é

La proportion de travailleurs québécois ayant un statut d’emploi atypique s’élevait, pour l’année 2005, au tiers de la population active. Nous nous sommes donc intéressés à la situation d’emploi de ces travailleurs atypiques. Nous avons étudié plus précisément le cas de « faux travailleurs autonomes ». Pour ce faire, nous avons étudié le domaine des ressources de type familial. En fait, elles ne sont pas considérées comme des travailleuses autonomes car contrairement à celles-ci, elles n’ont pas de droit de regard sur leur rémunération. Elles sont dépendantes à l’égard de l’établissement de santé tant financièrement que pour la gestion de leur résidence d’accueil. De plus, elles ne peuvent être jugées comme des salariées car elles n’ont accès à aucune forme de protection sociale et sont exclues des lois du travail. Le montant qui leur est versé n’est pas un salaire mais une rétribution et aucune déduction fiscale n’est imposée aux RTF. Elles ne sont pas considérées comme des employées typiques (marché interne) des institutions de santé, mais comme des travailleuses atypiques (marché externe) sans statut d’emploi au sein de l’organisation. Ce groupe est utilisé pour satisfaire la flexibilité numérique de l’institution. Elles peuvent être remerciées en tout temps pour respecter le cadre financier de l’établissement. Nous considérons donc les ressources de type familial comme de « fausses travailleuses autonomes » car elles n’ont aucun statut d’emploi particulier. Elles n’ont pas accès aux avantages consentis aux salariés, sans pour autant bénéficier de l’autonomie caractéristique des travailleurs autonomes.

Selon les lois du gouvernement du Québec, toute entente conclue entre les ressources non institutionnelles et les établissements publics n’est pas un contrat de travail. Elles ne peuvent donc pas être considérées comme des employées ou des employeures. Dans ce contexte, nous avons donc étudié leurs conditions objectives et subjectives de travail. Pour comprendre leur réalité professionnelle, familiale et sociale, et les aspects positifs et négatifs de ce domaine de travail, nous avons analysé les données recueillies à partir des théories de la segmentation du marché du travail, des motifs d’établissements des travailleurs autonomes et de l’approche selon le genre en lien avec le travail autonome. Notre recherche nous a ainsi permis de constater que le métier de RTF est caractérisé par des conditions d’emploi précaires où les femmes sont surreprésentées. De plus, pour l’ensemble de ces travailleuses, les aspects positifs liés à leur travail sont majoritairement en lien avec la valorisation humaine de ce métier. Par contre, l’ensemble des commentaires négatifs recensés lors des entretiens est lié aux conditions précaires d’emploi.

MOTS-CLÉS : Faux travailleur autonome; flexibilité numérique; Loi noº 7; protection sociale; travail atypique; travailleur autonome; ressources de type familial; ressources non institutionnelles.

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R e m e r c i e m e n t s

Après plus d’un an et demi de travail, la rédaction de ce mémoire est maintenant terminée. J’ai atteint mon but et cela en valait la peine mais sans la collaboration de nombreuses personnes, il m’aurait été impossible de parvenir à ce résultat. Je voudrais donc remercier certaines personnes qui ont été indispensables à la réussite de cette recherche.

Je voudrais remercier particulièrement mes deux directeurs d’étude, soit Madame Martine D’Amours, professeur adjoint à l’École des affaires publiques et communautaires de l’Université Concordia et Monsieur Jean-Marc Fontan, professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Ils ont toujours été présents lors de la rédaction. Ils m’ont fait bénéficier de leurs connaissances, de leurs commentaires constructifs ainsi que de leur patience.

De plus, je tiens à remercier Mélissa pour son appui moral lors de la période de rédaction ainsi que Bibiane pour sa précieuse collaboration lors de la correction de mon mémoire.

Je voudrais aussi remercier Maxime, mon comparse depuis plus de cinq ans dans ce domaine d’étude, pour nos échanges concernant la rédaction de notre mémoire respectif.

Un gros merci à tous ceux et celles que je n’ai pas nommés qui m’ont mentionné que mon sujet était passionnant et qui m’ont encouragé à ne pas lâcher.

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T a b l e d e s m a t i è r e s

RÉSUMÉ ... III REMERCIEMENTS ... V LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ... XI

INTRODUCTION GÉNÉRALE ...13

Le développement du travail atypique ... 13

Le développement des ressources non institutionnelles ... 13

Les caractéristiques des RTF ... 14

La présentation des chapitres du mémoire... 15

CHAPITRE I : LE CONTEXTE THÉORIQUE DE LA RECHERCHE ...17

Introduction ... 17

La problématique : les objectifs et les questions de recherche ... 17

La pertinence scientifique et sociale de la recherche... 18

Le cadre théorique ... 19

Les théories en économie du travail ... 19

Les théories du choix du travail autonome ... 22

Conclusion... 24

CHAPITRE 2 : L’ÉTAT DE SITUATION DU TRAVAIL ATYPIQUE AU QUÉBEC ET LE CONTEXTE POLITIQUE DES RESSOURCES NON INSTITUTIONNELLES ...25

Introduction ... 25

L’état de la situation du travail atypique au Québec ... 25

Les définitions des statuts d’emploi ... 25

Les causes et les conséquences du travail atypique... 26

Les effets du travail atypique... 27

L’évolution de l’emploi atypique au Québec ... 28

La représentation des hommes et des femmes dans le travail atypique en 2003 ... 29

Le contexte politique des ressources non institutionnelles... 30

L’histoire des ressources non institutionnelles... 30

La Loi noº 7 modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux ... 33

Le point de vue des associations d’établissements publics... 34

Le point de vue des grandes centrales syndicales québécoises... 35

Conclusion ... 38

CHAPITRE 3 : LA DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE ...39

Introduction ... 39

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TA B L E D E S M A T I È R E S

Le recrutement et l’échantillonnage ...39

Le schéma d’entretien...40

La méthode d’analyse des entretiens ...41

La visite des lieux de travail ...41

La réalisation des entrevues ...42

La présentation des répondantes ...42

CHAPITRE 4 : LE CONTEXTE DU CHOIX DE CARRIÈRE ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES RESSOURCES DE TYPE FAMILIAL ... 45

Introduction ...45

Les raisons du choix de carrière...45

Les motifs du passage au réseau non institutionnel de santé ...48

Les conditions de travail des ressources de type familial...49

Conclusion ...57

CHAPITRE 5 : LES REPRÉSENTATIONS QU’ONT LES RESSOURCES DE TYPE FAMILIAL DE LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE LEUR DOMAINE D’EMPLOI ... 59

Introduction ...59

La participation à une organisation syndicale ...59

La possibilité de travailler ailleurs dans le réseau institutionnel de la santé...62

La possibilité de devenir une ressource intermédiaire ...62

Les aspects positifs du domaine d’emploi ...63

Les aspects négatifs du domaine d’emploi ...64

Les effets sur la vie professionnelle, familiale et sociale...66

Les opinions et les aspirations des RTF quant à leurs conditions de travail...68

Conclusion ...71

CHAPITRE 6 : L’ANALYSE DES CONDITIONS DE TRAVAIL OBJECTIVES ET SUBJECTIVES DES RESSOURCES DE TYPE FAMILIAL ... 73

Introduction ...73

L’analyse des conditions de travail des ressources de type familial ...73

L’approche selon le genre...76

La représentation subjective du milieu de travail ...77

Un secteur hybride entre le travail et la famille ...78

Conclusion ...80

CONCLUSION GÉNÉRALE... 83

BIBLIOGRAPHIE... 87

APPENDICE A : GUIDE D’ENTREVUE ... 93

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L i s t e d e s t a b l e a u x e t d e s f i g u r e s

Liste des tableaux

Tableau 1 : La typologie des systèmes d’emploi (Osterman, 1987) ... 21

Tableau 2 : Les statuts typiques et atypiques d’emploi ... 26

Tableau 3 : La part du travail autonome dans la création d’emplois au Québec, 1977-1996 ... 28

Tableau 4 : L’évolution de l’emploi atypique au Québec depuis 1995 ... 29

Tableau 5 : La répartition des hommes et des femmes occupés entre statut typique et statuts atypiques Québec, 2003, moyennes annuelles ... 30

Tableau 6 : La répartition des hommes et des femmes qui se trouvent en emploi autonome en 2003 Québec, 2003, moyennes annuelles ... 30

Tableau 7 : Le nombre de ressources non institutionnelles en date du 31 mars 2004 ... 33

Tableau 8 : Les caractéristiques sociodémographiques des répondantes ... 43

Tableau 9 : Les caractéristiques matrimoniales des répondantes et de leur conjoint ... 43

Liste des figures

Figure 1 : La représentation des statuts d’emploi des marchés interne et externe ... 27

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L i s t e d e s a b r é v i a t i o n s , s i g l e s e t a c r o n y m e s

BIT Bureau international du travail

CHSLD Centre d’hébergement de soins de longue durée CSD Centrale des syndicats démocratiques

CSN Confédération des syndicats nationaux CSQ Centrale des syndicats du Québec

FTQ Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux

OIT Organisation internationale du travail

RESSAQ Regroupement des ressources résidentielles adultes du Québec

RI Ressources intermédiaires

RNI Ressources non institutionnelles RTF Ressources de type familial

TRANSPOL Groupe de recherche sur les transformations du travail, des âges et des politiques sociales UQÀM Université du Québec à Montréal

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Introduction générale

Le développement du travail atypique

Au Québec, durant la période allant de 1976 à 1996, la création d’emplois a été marquée par la montée en importance du travail atypique. Cette période a été caractérisée par l’augmentation de la concurrence, le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications, la hausse des exigences de qualité et la mondialisation des marchés. Nombre d’entreprises et d’organisations se sont questionnées sur leur modèle de travail. Plusieurs ont modifié leurs politiques en matière de gestion des ressources humaines et de production. Pour être plus compétitives, elles ont choisi d’accroître leur flexibilité pour s’adapter aux fluctuations du marché (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Les entreprises et les organisations qui utilisent la flexibilité ont souvent un groupe d’employés typiques (marché interne) qui est partie prenante de l’entreprise et des travailleurs atypiques qui gravitent en périphérie. Ces travailleurs peuvent être des employés embauchés par l’entreprise mais avec des statuts d’emploi atypiques (emploi à temps partiel, emploi temporaire) ou des travailleurs venant de l’extérieur (travailleurs autonomes, sous-contractants). Ils sont utilisés pour satisfaire à la flexibilité numérique de l’entreprise. Ils sont engagés et remerciés au gré des fluctuations du marché (Atkinson, 1985).

Même si la composition de la création d’emplois au Québec connaît une dynamique qui a évolué depuis la fin des années 19901, le phénomène de l’emploi atypique « a attiré l’attention des autorités publiques, notamment à l’égard des situations de travail ambiguës comme celles des entrepreneurs dépendants ou des « faux travailleurs autonomes » (Bernier, Vallée et Jobin, 2003, p.63). Le travail atypique a pour effet de placer hors du champ du droit du travail un nombre important de travailleurs. En effet, environ 30% de travailleurs qui sont occupés sur le marché du travail sont exclus de certains ou de la totalité des avantages et protections auxquels les salariés traditionnels ont accès (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Le travail atypique contribue à l’augmentation des inégalités sociales peu importe le sexe, l’âge ou l’origine ethnique et est aussi un facteur d’appauvrissement car il est souvent associé à un faible revenu (Carr, 1996; Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Certains travailleurs peuvent se retrouver dans ce statut d’emploi malgré eux (Dagenais, 1998). Cependant, il n’apporte pas que des inconvénients. En effet, certains travailleurs peuvent participer au marché du travail selon leurs propres besoins et intérêts, en conciliant le travail avec la famille ou avec d’autres obligations sociales, et en développant leur créativité hors du cadre classique du salariat (Carr, 1996; Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

Au Québec en 2003, les femmes sont sous-représentées dans les emplois salariés permanents à temps complet comparativement aux hommes. En effet, 58,6% des travailleuses avaient un emploi salarié permanent à temps complet, contre 66,4% pour les hommes (Groupe TRANSPOL, 2004). Elles sont par contre surreprésentées dans les emplois atypiques, excepté pour le travail autonome où les hommes se retrouvent en plus grand nombre.

Le développement des ressources non institutionnelles

Le développement des ressources non institutionnelles (RNI) dans le secteur de la santé et des services sociaux remonte au début des années 1970. C’est le mouvement de désinstitutionnalisation qui est à la base de la création de nouveaux types de ressources d’hébergement substituts. Le principe était de replacer ou de maintenir dans un milieu de vie le plus naturel possible le bénéficiaire en lui donnant accès à un ensemble de services. Les

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Depuis 1996, environ 87% d’emplois permanents auraient été créés comparativement à 13% d’emplois atypiques chez les 15 à 64 ans (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

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IN T R O D U C T I O N G É N É R A L E

établissements qui ont recours aux RNI ont toujours nié le rapport employeur-employé. Les contrats signés par l’établissement avec la ressource ont toujours mentionné qu’il s’agissait d’un contrat de service et non d’un contrat de travail.

Toutefois, le Tribunal du travail considère depuis longtemps que ces ressources contractuelles, rattachées et dépendantes d’un établissement, sont des salariées de cet établissement et que la relation contractuelle établie entre eux est une qui doit être qualifiée « d’employeur-employé » (CSN, 2003, aucune pagination).

Suite à de nombreux recours juridiques pour faire reconnaître le statut de salarié aux RNI, le gouvernement libéral sanctionnait le 18 décembre 2003 la Loi noº 72 qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux. La Loi noº 7 déclare qu’une ressource intermédiaire ou de type familial ne peut être à l’emploi ni être une salariée de l’établissement public qui utilise ses services. De plus, toute entente conclue entre les RNI et les établissements publics n’est pas un contrat de travail (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003). En agissant de la sorte, le gouvernement utilise la flexibilité numérique pour réduire ses coûts et affaiblit un groupe de travailleurs, majoritairement des femmes faiblement scolarisées évoluant dans un environnement précaire, sans sécurité d’emploi et n’ayant accès à aucune mesure de protection sociale.

Les caractéristiques des RTF

Selon les chercheurs, la flexibilité divise le marché de l’emploi en quatre segments. Chacun des segments regroupe des travailleurs et des emplois ayant les mêmes caractéristiques. Dans le cas étudié, nous nous intéressons au marché secondaire d’emploi de la théorie de la segmentation du marché du travail où l’on retrouve des caractéristiques d’emploi précaires (Osterman, 1984). Comme l’illustre le cas des ressources de type familial, le marché secondaire d’emploi regroupe des emplois peu qualifiés, peu rémunérés, ayant peu ou pas de possibilités d’avancement, peu ou aucune protection sociale, etc. (Tremblay, 1997). Les femmes, les jeunes et les immigrants sont majoritaires dans ce segment où la plupart des emplois s’exercent dans les secteurs des services ou du travail de bureau. Ces particularités reflètent la réalité d’emploi des ressources de type familial. En effet, ce sont majoritairement des femmes n’ayant aucun statut d’emploi qui y travaillent. Elles n’ont accès à aucune mesure de protection sociale et sont peu rémunérées. Elles sont des sous-traitantes de l’établissement de santé, pouvant être engagées et remerciées au gré de l’institution.

En plus de décrire les conditions objectives de travail vécues par les travailleuses des RTF, notre démarche se donne également pour tâche de dégager les représentations qu’ont les ressources de type familial de leurs conditions de travail. Nous croyons qu’il convient de s’interroger sur ce que ces conditions atypiques veulent dire pour ces travailleuses. Nous dégagerons l’opinion des répondantes de notre enquête sur les conditions de travail ainsi que les raisons qui les ont incitées à devenir des RTF.

Notre recherche nous a permis de constater que les RTF ont une perception réaliste de leurs conditions d’emploi. Elles reconnaissent qu’elles sont précaires et que leurs avantages sociaux sont inexistants. Elles remettent en question tous les aspects de ces conditions, autant la rétribution, le manque de reconnaissance, l’absence de protection sociale, etc., cependant, le choix de devenir une ressource de type familial était un choix personnel lié à la possibilité de concilier le travail et la famille, au désir d’être sa propre patronne, etc. et les caractéristiques relationnelles de ce travail offrent une valorisation indéniable à celles qui le pratiquent.

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Le 30 mars 2006, le Bureau international du travail (BIT) a statué que la Loi noº 7 prive des milliers de travailleuses du statut de salariées au sens du Code du travail, tel qu’établi par les tribunaux du Québec. Le BIT demande ainsi au gouvernement d’amender ces dispositions législatives (CSD, 2006).

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IN T R O D U C T I O N G É N É R A L E

La présentation des chapitres du mémoire

Ce mémoire se divisera en six chapitres. Le premier chapitre présentera l’objet de recherche, la problématique ainsi que le contexte théorique de la recherche. Cette section nous permettra de comprendre que le marché de l’emploi se divise en plusieurs segments ayant des caractéristiques spécifiques où se retrouvent différents groupes de travailleurs. De plus, dans ce chapitre, nous identifierons les raisons qui amènent des travailleurs à évoluer dans le système secondaire d’emploi.

Le chapitre II sera consacré à un état de la situation sur le travail atypique au Québec. Dans un premier temps, nous aborderons les causes, les conséquences et les effets du travail atypique. Nous présenterons son évolution au Québec ainsi que la répartition des hommes et des femmes dans le travail atypique en 2003. Dans un deuxième temps, nous exposerons le contexte politique des ressources non institutionnelles au Québec et l’historique des ressources non institutionnelles depuis leur création. Nous présenterons finalement la Loi noº 7 modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi que le point de vue d’associations d’établissements publics et des grandes centrales syndicales québécoises3 concernant le domaine d’emploi des ressources de type familial.

Le chapitre III portera sur la démarche méthodologique de cette recherche. Nous exposerons l’approche qualitative qui est utilisée, plus précisément, nous décrirons le processus de recherche ainsi que le déroulement des entrevues et les méthodes utilisées pour l’analyse du matériel. De plus, nous présenterons un bref portrait des participantes aux entretiens.

Le chapitre IV décrira le contexte du choix de carrière des répondantes, les raisons qui les ont poussées à s’établir comme ressources de type familial et les motifs du passage au réseau non institutionnel. De plus, seront analysées les conditions de travail des ressources de type familial en exposant leur environnement de travail ainsi que les caractéristiques de leurs emplois.

Le chapitre V étudiera les représentations qu’ont les ressources de type familial de leurs conditions de travail. Nous serons alors en mesure de dégager, à partir du discours des acteurs, les aspects positifs et négatifs du milieu de travail et des conditions de travail, les effets sur la vie familiale, sociale et professionnelle, la perception à l’égard de l’association représentative, ainsi que les perspectives d’action collective dans ce secteur.

Finalement, le chapitre VI sera consacré à l’analyse théorique des conditions de travail tant objectives que subjectives des ressources de type familial. Nous examinerons les résultats obtenus en lien avec le cadre théorique retenu afin d’expliquer les conditions de travail des ressources de type familial ainsi que leurs représentations de leur milieu de travail.

La conclusion générale résumera les acquis de notre démarche en présentant les idées centrales de notre recherche ainsi que les recommandations qui seront proposées aux différents acteurs du réseau non institutionnel de la santé et des services sociaux.

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C

H A P I T R E

I

Le contexte théorique de la recherche

Introduction

Le chapitre qui suit vise à définir l’objet de recherche, c’est-à-dire à présenter les objectifs de la recherche ainsi que les questions auxquelles nous tâcherons de répondre. Il introduit trois paradigmes que nous avons utilisés pour problématiser nos questions de recherche, à savoir la segmentation du marché du travail, les théories d’établissement dans le travail autonome et l’approche selon le genre en lien avec le travail autonome.

La problématique : les objectifs et les questions de recherche

Notre objet de recherche porte sur le travail atypique, plus particulièrement, sur le cas des « faux travailleurs autonomes ». Par « faux travailleur autonome », nous entendons des travailleurs qui sont dans une zone grise entre le salariat et le travail autonome. Ils n’ont pas accès aux avantages consentis aux salariés, sans pour autant bénéficier de l’autonomie caractéristique des travailleurs autonomes (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Nous étudierons ce phénomène en nous penchant sur l’étude des ressources de type familial qui n’ont pas le statut d’employé ou d’employeur en vertu de la Loi noº 74. Notre réflexion se centrera sur les conditions objectives de travail des ressources de type familial ainsi que sur les représentations qu’ont ces travailleurs de leurs conditions d’emploi.

La revue de littérature qui suit nous a permis de constater que la situation d’emploi des ressources de type familial est loin de faire l’unanimité au sein des acteurs sociaux du réseau de la santé. Deux courants de pensée s’affrontent. Un premier, provenant des associations d’établissements publics, favorise le maintien du statut actuel. Un deuxième réclame la reconnaissance d’un statut spécifique d’emploi. Ce dernier est porté par les grandes centrales syndicales québécoises ainsi que par le Regroupement des ressources résidentielles adultes du Québec5. Dans le cas de la population que nous allons étudier, il est important de faire la différence entre un salarié du réseau institutionnel de la santé et une ressource de type familial. Les ressources de type familial n’ont accès à aucune mesure de protection sociale, contrairement aux salariés typiques qui font partie du marché interne et qui ont accès aux avantages sociaux et qui sont rémunérés pour l’ensemble des heures travaillées. De plus, les RTF n’ont pas la possibilité de se syndiquer en vertu du Code du travail car elles ne sont pas des salariées. Les ressources de type familial sont des sous-traitantes d’établissements de santé et peuvent être embauchées et remerciées en tout temps. Elles sont rémunérées sur une base mensuelle. Par ailleurs, contrairement aux travailleurs autonomes, les ressources de type familial n’ont pas un droit de regard sur la rémunération qui leur est versée. De plus, elles ne peuvent pas décider de leur horaire de travail. Elles ne sont pas leur propre patronne comme le sont les travailleurs autonomes. Au total, elles n’ont pas accès aux avantages consentis aux salariés, sans pour autant bénéficier de l’autonomie caractéristique des travailleurs autonomes. Ce constat est d’autant plus préoccupant que la précarité des ressources de type familial découle de décisions prises par le gouvernement du Québec de ne pas reconnaître de statut d’emploi à ce type de travail créé dans le cadre de la désintitutionnalisation des soins de santé, bien que le Tribunal du travail ait reconnu par le passé, le statut de salarié à des ressources non institutionnelles. Le

4 Qui déclare qu’une ressource intermédiaire ou de type familial ne peut pas être à l’emploi ni être une salariée de l’établissement public qui

utilise ses services. Toute entente conclue entre les RNI et les établissements publics n’est pas un contrat de travail (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003).

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

gouvernement a donc adopté la Loi noº 7 en contournant ses propres lois et les décisions de ses instances judiciaires. En sanctionnant la Loi noº 7, l’État vient confirmer sans droit d’appel l’absence de statut pour ces travailleuses.

L e s o b j e c t i f s

Le but de cette recherche sera de faire ressortir tant les conditions objectives que subjectives vécues par ces travailleurs atypiques. Notre réflexion se centrera plus particulièrement sur le contexte de leur choix de carrière, sur leurs conditions de travail ainsi que sur leurs représentations de leurs conditions de travail et de leur milieu d’activité. Cette recherche n’a pas la prétention de porter un jugement sur l’environnement de travail des ressources de type familial mais plutôt de le présenter.

L e s q u e s t i o n s d e r e c h e r c h e

Notre travail sera donc abordé à partir de deux grandes questions de recherche :

ƒ

Quelles sont les conditions de travail rencontrées ou vécues par ces travailleurs atypiques?

ƒ

Comment ces travailleurs atypiques se représentent-ils leurs conditions et leur milieu de travail?

La pertinence scientifique et sociale de la recherche

La pertinence scientifique et sociale de cette recherche est liée au fait que les statuts d’emploi atypique représentent la réalité professionnelle de près du tiers de la population active québécoise (Revue chronologique de la population active 2003, 2004). De plus, ce phénomène a des répercussions qui peuvent être négatives et/ou positives tant chez les travailleurs, les entreprises et les organisations, que sur la société en général. Dans un contexte de concurrence internationale, il est important de discuter de l’avenir et des effets de l’emploi précaire dans une perspective sociologique. Même s’il existe des études portant sur le travail atypique, très peu sont d’origine québécoise et encore moins abordent la question des « faux travailleurs autonomes » ainsi que les représentations qu’ont les travailleurs qui évoluent dans des emplois atypiques. Certains documents abordent la question du travail atypique au Québec (Matte, Baldino et Courchesne, 1998; Tremblay et Dagenais, 2002; Bernier, Vallée et Jobin, 2003) mais peu d’études présentent le cas des « faux travailleurs autonomes ».

De plus, l’environnement de travail étudié dans le cadre de ce mémoire est plutôt inconnu de la population québécoise, mais essentiel pour le mouvement de désinstitutionnalisation des soins de santé élaboré par l’État. Le statut de ces ressources est l’objet de discorde entre le gouvernement québécois et les grandes centrales syndicales6 concernant la reconnaissance d’un statut d’emploi précis.

L’idée de cerner le phénomène et de rendre compte de la situation des « faux travailleurs autonomes » conduira à une meilleure compréhension de ce statut d’emploi et possiblement à l’amélioration des conditions de vie de ces travailleurs. Il est évident que ce sujet concerne la sociologie du travail, d’où l’importance de poser un regard sociologique sur cet objet auquel d’autres disciplines s’intéressent également, par exemple le droit et l’économie (D’Amours, 2003). La présente étude, de par les exigences imposées pour ce type de travail, permettra une analyse plus approfondie de cette problématique.

Cette recherche apportera de nouvelles connaissances en étudiant les conditions de travail de ce secteur emploi atypique en lien avec la théorie de la segmentation du marché du travail. Elle permettra de faire ressortir les

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

caractéristiques de ce statut d’emploi. De plus, elle présentera l’opinion de travailleuses concernant leurs conditions de travail ainsi que leur environnement précaire d’emploi. Cet environnement de travail sera aussi étudié en lien avec les théories « push », « pull » et de l’approche selon le genre. La présentation des conditions de travail tant objectives que subjectives des travailleurs atypiques représente une approche originale par rapport aux travaux déjà publiés sur cette problématique.

Cette étude, espérons-le, contribuera au débat de société sur la situation du travail atypique et les conséquences tant sociales qu’économiques générées par ce type de travail. Cette recherche pourrait amener de nombreux acteurs de la société civile à mieux connaître et comprendre le débat entourant la réalité du travail atypique pour une proportion importante des travailleurs québécois. Elle pourrait aussi permettre à de nombreux travailleurs, actuels ou futurs, de comprendre une réalité de travail qui pourrait les affecter.

Le cadre théorique

Notre objet de recherche fait appel aux approches théoriques portant respectivement sur la segmentation du marché du travail, sur les motifs d’établissement des travailleurs autonomes et sur l’approche selon le genre en lien avec le travail autonome. Dans cette section, nous présenterons les paradigmes que nous utiliserons pour analyser les conditions tant objectives que subjectives vécues par les « faux travailleurs autonomes ».

L e s t h é o r i e s e n é c o n o m i e d u t r a v a i l

Avant que la théorie de la segmentation du marché du travail ne soit développée pour étudier les segments d’emploi, les chercheurs analysaient le marché du travail à partir de la théorie du dualisme du travail. Pour bien comprendre l’évolution de la théorie de la segmentation du marché du travail, présentons rapidement la théorie du dualisme du marché du travail.

L a t h é o r i e d u d u a l i s m e d u m a r c h é d u t r a v a i l

La théorie sur le dualisme du marché du travail renvoie à un constat de différenciation dichotomique du marché du travail (Tremblay, 1997). Ce courant conclut à l’existence de deux grands marchés du travail qui ont des règles distinctes et se traduisent par des conditions de travail différentes. Les deux grands segments sont le marché primaire et le marché secondaire (Beaucage, 1988; Tremblay, 1997).

Dans le marché primaire, il y a essentiellement présence d’emplois à temps complet, qui sont le plus souvent syndiqués. Ce segment offre des salaires élevés et une bonne protection sociale. On y retrouve aussi des possibilités de promotion et une liberté d’action plus grande pour les travailleurs (Tremblay, 1997). Quant au marché secondaire, c’est sensiblement la situation inverse qui prévaut. En effet, les emplois sont majoritairement à temps partiel ou à durée déterminée, très peu d’emplois sont syndiqués, les salaires sont plus faibles que ceux du marché primaire. Il y a peu ou aucune protection sociale et les libertés d’action de ces travailleurs sont très restreintes. Il y a aussi très peu de possibilités de promotion et des périodes fréquentes de non-emploi (Beaucage, 1988; Tremblay, 1997).

Le dualisme des emplois s’étend aux travailleurs eux-mêmes. En effet, les femmes, les jeunes, les immigrants et tous ceux ayant peu ou pas de qualifications reconnues se retrouvent plus fréquemment dans le marché secondaire. Les travailleurs primaires sont principalement des hommes d’âge moyen disposant d’une formation professionnelle

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

ou de compétences reconnues. Dans le contexte des États-Unis et du Canada, ce sont majoritairement des personnes d’origine caucasienne (Tremblay, 1997).

Certains penseurs ont indiqué que les distinctions entre ces deux marchés étaient aussi reliées au contexte économique dans lesquels les entreprises évoluent.

C’est ainsi que l’on peut relier les emplois et les travailleurs primaires à des entreprises de grande taille, exerçant leurs activités sur un marché de type oligopolistique ou monopolistique, dont les marchés sont importants, stables et peu exposés à la concurrence internationale; il s’agit souvent d’entreprises relativement innovatrices, qui ont une capacité d’investissement, et jouissent souvent de certaines avances technologiques. De la même façon, les travailleurs secondaires se retrouveraient plus fréquemment dans des petites et moyennes entreprises, fortement soumises à la concurrence nationale et internationale, sur des marchés instables, de taille plutôt réduite; il s’agit alors d’entreprises peu innovatrices du point de vue de la technologie comme du produit, d’entreprises qui disposent de faibles capacités d’investissement (Tremblay, 1997, p.466).

La thèse du dualisme a été principalement développée au milieu des années 1970 et au début des années 1980. Cette théorie a donné lieu au paradigme de la segmentation du marché du travail lorsque des études empiriques ont démontré que celui-ci ne comportait pas seulement deux segments mais plusieurs systèmes d’emploi (Osterman, 1984; Beaucage, 1988).

L a t h é o r i e d e l a s e g m e n t a t i o n d u m a r c h é d u t r a v a i l

Osterman présente trois grands segments, c’est-à-dire trois types d’organisations ou de systèmes d’emploi qu’il qualifie respectivement de marché primaire supérieur, de marché primaire inférieur et de marché secondaire (Osterman, 1984).

C’est ainsi qu’à l’échelle de l’économie on aura trois grands segments regroupant les entreprises ayant les différents types d’organisations : un marché primaire supérieur, regroupant essentiellement les systèmes de

métier (ou professionnels) et les systèmes salariés; un marché primaire inférieur, composé essentiellement

d’organisations de type industriel; et finalement, on trouve le marché secondaire, associé à un système d’emploi de type secondaire, où la mobilité est en fait peu organisée et qui est plutôt associé à des caractéristiques d’emploi négatives. En d’autres termes, si l’on regroupait l’ensemble des systèmes « de métier » et certains systèmes salariés d’une économie, on retrouverait le marché primaire supérieur; les systèmes industriels (et certains systèmes salariés) réunis constitueraient le marché primaire inférieur; enfin, le rassemblement des systèmes d’emploi de nature secondaire nous donnerait le marché secondaire (Tremblay, 1997, p.469).

Les travailleurs des systèmes d’emploi « de métier » ont la chance d’avoir une grande mobilité comparativement aux autres segments ainsi qu’un sentiment d’allégeance envers leur profession ou leurs compétences professionnelles plus important qu’à l’égard de l’entreprise. Les compétences des travailleurs dans ce segment ne sont donc pas particulières à l’entreprise, l’employé a la chance de pouvoir évoluer sur le marché du travail. Le marché primaire supérieur se distingue donc par la transférabilité des compétences et la flexibilité des portes d’entrée. On retrouve dans ce segment des professionnels de divers domaines (Osterman, 1984; Tremblay, 1997). En ce qui a trait au système industriel, il y a peu de mobilité et les promotions suivent un tracé délimité. L’entreprise définit elle-même ses normes et ses procédures en matière de sécurité d’emploi et la formation des employés est assurée par l’entreprise, soit à l’intérieur de celle-ci ou à l’extérieur mais dans le cadre de courtes

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

formations. Il y a peu de mobilité interentreprises. On retrouve dans ce segment des ouvriers7, des techniciens, certains professionnels, etc. (Osterman, 1984; Tremblay, 1997).

Le système secondaire est, quant à lui,

…caractérisé par l’absence de véritable système d’emploi, du point de vue de l’organisation, de la mobilité et de la « carrière ». Ce système regroupe les emplois qui présentent peu ou pas de possibilités d’avancement, parfois même peu de possibilités de « stabilisation » en emploi. Ces emplois sont généralement peu qualifiés et peu payants; ils ne s’inscrivent dans aucune filière de promotion; ils constituent en quelque sorte des « grappes » d’emplois stagnants (Tremblay, 1997, p.470.).

On retrouve dans ce segment des emplois de bureaux et de services qui sont occupés majoritairement par des femmes, des immigrants et des jeunes (Osterman, 1984; Tremblay, 1997). De plus, toute personne travaillant avec un statut d’emploi temporaire, sur une base occasionnelle ou à contrat de durée déterminée, fait partie de ce segment (Tremblay, 1997).

En 1987, Osterman revoit sa typologie et identifie un quatrième marché d’emploi, soit le système salarié qui englobe les caractéristiques du système « de métier » et celui industriel. Il allie des règles administratives plus souples et plus personnalisées, mais un engagement plus strict de l’entreprise face à la sécurité d’emploi (Tremblay, 1997). Dans ce système, comparativement au système industriel où les tâches et les règles de travail sont clairement définies, les salariés de ce segment tolèrent que de nouvelles tâches leurs soient confiées et modifiées par l’administration. (Osterman, 1987; Tremblay, 1997).

Ce système est également caractérisé par l’absence de filières de promotion clairement définies et par un mode de fixation des salaires plus personnalisé, ces deux aspects le distinguant également du système industriel, mais le rapprochant du système « de métier » (Tremblay, 1997, p.471).

Ce système représente un nombre important d’emplois salariés dans les services, notamment dans la fonction publique ainsi que dans certaines entreprises manufacturières avant-gardistes qui sont attirées par la flexibilité, la fluidité dans les tâches ainsi que dans l’organisation du travail, tout en offrant une plus grande sécurité d’emploi à leurs employés contre des concessions (Osterman, 1987; Tremblay, 1997).

Tableau 1 : La typologie des systèmes d’emploi (Osterman, 1987)

S y s t è m e D e m é t i e r S a l a r i é I n d u s t r i e l S e c o n d a i r e H i é r a r c h i e ƒ Promotions importantes ƒ Lignes de promotion non claires (mais importantes) ƒ -Promotions importantes ƒ -Pas de promotion ƒ -Exclusion de la hiérarchie

S a l a i r e s ƒ -Élevés, au mérite ƒ -Moyens, liés aux individus, souvent au mérite

ƒ -Moyens à élevés,

liés au poste ƒ -Bas

C o n d i t i o n s d e t r a v a i l ƒ -Bonnes ƒ -Bonnes ƒ -Bonnes ƒ -Mauvaises

S é c u r i t é d ’ e m p l o i ƒ -Peu importante ƒ -Assurée ƒ -Assurée ƒ -Absente

7 Des « cols bleus ».

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E D e m é t i e r S a l a r i é e t i n d u s t r i e l S e c o n d a i r e M o b i l i t é ƒ -Mobilité interentreprises ƒ -Verticale et horizontale ƒ -Horizontale = valorisée ƒ -Plutôt restreinte à l’établissement ƒ -Verticale essentiellement

ƒ -Horizontale = non valorisée

ƒ -Fréquentes rotations

ƒ -Horizontale et non verticale

ƒ -Mobilité non valorisée

S e g m e n t ƒ Marché primaire supérieur ƒ Marché primaire inférieur ƒ Marché secondaire

Source : Diane-Gabrielle TREMBLAY et Lucie France DAGENAIS. 2002. Ruptures, segmentations et mutations du marché du travail, p.11.

En vertu de la théorie de la segmentation du marché du travail, il y a peu de mobilité possible entre les divers segments. Les travailleurs du marché secondaire d’emploi ne pourraient donc pas accéder au marché primaire supérieur. Selon les économistes radicaux, chaque système a sa propre cohérence et il est impossible pour la majorité des travailleurs d’atteindre un autre segment. Il y a donc « un processus de développement divergent » selon Puel8, et celui-ci ne fait qu’amplifier les écarts au lieu de les atténuer (Osterman, 1984; Tremblay, 1997). L e s t h é o r i e s d u c h o i x d u t r a v a i l a u t o n o m e

Selon de nombreux analystes, le choix de devenir travailleur autonome se caractérise par l’aspect volontaire ou involontaire d’adhérer à ce statut d’emploi. Les deux groupes se différencient par leurs motivations et par leurs modes de fonctionnement.

En consultant la littérature qui existe sur ce sujet, nous nous apercevons que les motivations des individus qui optent pour le statut de travailleur autonome sont difficiles à cerner, et qu’on ne peut définir les motifs d’une pareille décision aussi dichotomique. En effet, un certain nombre de contradictions et de points de vue différents se manifestent lorsque les auteurs les examinent. Cette problématique du caractère volontaire ou involontaire de ce régime de travail se fonde selon la nature des circonstances et des motifs qui favorisent ou forcent chez un individu le passage d’une situation de travail donnée à celle de travail autonome (Jomphe, 2003, pp.34-35).

L a t h é o r i e « p u l l »

études, le choix de devenir travailleur autonome est généralement une préférence, et non une conséquence du manque de travail ou de l’absence d’autre option valable9 (Melançon et al., 2001). Cette idée est liée au caractère « volontaire » d’opter pour le statut de travailleur autonome (Ce facteur « pull » amènerait les travailleurs à ce statut d’emploi atypique en raison des avantages qu’il conférerait : la liberté de choix, l’horaire de travail souple, les occasions d’affaires et d’action des individus ainsi que leurs besoins d’accomplissement. Selon une étude de Statistique Canada (1995), près de 50% des répondants et 30% des répondantes ont indiqué le désir d’indépendance comme principale raison d’être travailleur autonome. L’indépendance comme motivation première s’explique de deux façons : soit les personnes interrogées ont été poussées à travailler de façon indépendante parce que leur emploi régulier ne leur en offrait pas suffisamment, soit elles ont été séduites par le plus grand niveau de liberté que procure ce statut de travail. Selon plusieurs

8

L‘expression est de Puel (1974), auteur d’un ouvrage sur les économistes radicaux.

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

L a t h é o r i e « p u s h »

D’autres auteurs mentionnent au contraire qu’un grand nombre d’individus sont « poussés » vers le travail autonome par la conjoncture économique (facteur « push ») qui depuis les années 70 se caractérise par la globalisation des marchés, la concurrence internationale, le désir de flexibilité des entreprises et des gouvernements, le déplacement des emplois vers les services, une hausse des charges sociales et des coûts de la main-d’œuvre (Beaucage, 2000; Bernier, Vallée et Jobin, 2003). De plus, de mauvaises conditions de travail, de sous-emploi et un chômage plus élevé que la normale sur une longue période amèneraient de nombreux salariés à se retrouver dans cette situation contre leur gré (Crompton, 1993; Dagenais, 1998; Carrasco, 1999). Les entreprises voulant rester compétitives tout en diminuant leurs coûts de production optent pour la flexibilité, ce qui provoque une réduction des conditions de travail des employés, voire même l’élimination de leur statut d’employé salarié. Les gouvernements aussi choisissent aujourd’hui ce type de gestion (Desrochers, 2000; Cranford, Vosko et Zukewich, 2003).

Le chômage, la perte d’un emploi, la menace de fermeture, l’incapacité de se trouver un emploi, les conditions d’emploi précaires ou insatisfaisantes, conséquences qui dérivent de ces stratégies d’entreprises, pousseraient de plus en plus de travailleurs vers l’emploi autonome (Jomphe, 2003, p.36).

Dans une étude pionnière, Phillips (1962) mentionne que le travail autonome, en plus d’être un moyen de défense contre de hauts taux de chômage, est aussi un refuge pour les minorités visibles, les immigrants, les personnes handicapées et celles qui vivent dans des endroits géographiques où le taux de chômage est habituellement élevé (Carr, 1996).

Selon le Conseil économique du Canada,

… ce travail autonome involontaire serait également favorisé par le développement de la sous-traitance, notamment dans le secteur des services aux entreprises, qui permettrait à d’anciens salariés devenus entrepreneurs d’offrir leurs compétences sur une base contractuelle et temporaire (Beaucage, 2000, p.3).

Ce statut d’emploi atypique devient donc pour bon nombre de travailleurs la seule solution pour faire face à une perte d’emploi ou à une menace de perte d’emploi. Le phénomène de l’établissement involontaire dans le travail autonome ne semble pas être une situation qui va s’affaiblir dans les années à venir. Ce phénomène est de plus en plus fréquent, bien que le travail autonome ait toujours existé et soit propre à certaines occupations ou à certains secteurs d’activité (Jomphe, 2003).

Selon une étude de Beaucage, les travailleurs autonomes qui se considèrent comme uniquement de type volontaire ou involontaire seraient minoritaires (Beaucage, 2000).

La combinaison des raisons qui mènent au choix du travail autonome semble très complexe. Peu de personnes ont indiqué qu’elles avaient surtout été forcées de faire ce choix à la fois par un contexte de travail défavorable et par des perspectives professionnelles ou d’emploi insatisfaisantes ou peu prometteuses. De la même façon, relativement peu de répondants ont indiqué qu’ils avaient avant tout fait un choix volontaire reposant à la fois sur le désir d’être leur propre patron et sur celui d’avoir un meilleur équilibre de vie. La plupart des répondants évoquent une composition plutôt diversifiée des motivations d’être travailleur autonome (Beaucage, 2000, p.6).

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CH A P I T R E 1 : LE C O N T E X T E T H É O R I Q U E D E L A R E C H E R C H E

L a t h é o r i e d e l ’ a p p r o c h e s e l o n l e g e n r e d e D e b o r a h C a r r

Ces explications ont cependant leurs limites car le choix de devenir travailleur autonome ne peut pas seulement s’expliquer d’un point de vue économique. Dans ce contexte, nous abordons aussi l’approche selon le genre de Deborah Carr. Pour Deborah Carr, la hausse de la présence féminine à l’intérieur du statut du travail autonome ne peut pas être analysée spécifiquement par les théories « pull » et « push » Pour Carr, les caractéristiques familiales10 jouent un rôle primordial pour expliquer l’adhésion des femmes à ce statut d’emploi, phénomène qui n’est pas pris en compte par ces deux théories. En effet, les femmes désirent un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et familiale car elles ont majoritairement un partage plus contraignant des tâches (Carr, 1996; Tremblay, 2002).

Selon Carr, les femmes ne sont pas travailleuses autonomes forcément parce qu’elles n’ont pas d’autre choix. En effet, des femmes avec de jeunes enfants qui ont les ressources11 pour faciliter le démarrage de leur entreprise vont opter pour le travail autonome car il offre plus de flexibilité que l’emploi salarié et un plus grand niveau d’autonomie que le travail salarié à temps partiel ou temporaire. Cependant, les coûts du travail autonome sont particulièrement élevés pour les femmes. Elles se retrouvent en majorité dans les domaines de la vente, des services12 et des services professionnels13 (Carr, 1996). De plus, même si elles ont un niveau de scolarité élevé, leur expérience de travail est plutôt limitée. Le choix des femmes d’opter pour le statut de travailleuses autonomes peut refléter une décision personnelle à l’intérieur d’une structure contraignante du marché du travail ou d’un choix au sein du couple (Carr, 1996).

C o n c l u s i o n

Les théories présentées dans ce chapitre permettent de comprendre plusieurs aspects relatifs à nos questions de recherche. Nous pouvons faire l’hypothèse que les ressources de type familial se retrouvent dans le marché secondaire d’emploi en raison de leurs particularités professionnelles contraignantes. Ce groupe majoritairement de travailleuses serait victime de la concurrence, des coupures budgétaires, en d’autres termes, de la flexibilité et leur faible niveau de scolarité qui pourrait les empêcher d’accéder aux emplois du réseau institutionnel.

Par ailleurs, on peut aussi énoncer une deuxième hypothèse du fait que plusieurs femmes RTF optent pour le travail autonome en raison de leurs caractéristiques familiales et de la possibilité de concilier le travail et la famille. Ce type d’emploi offrirait plus de flexibilité que l’emploi salarié et un plus haut niveau d’autonomie que le travail salarié à temps partiel ou temporaire.

Les trois théories, que nous avons présentées, nous aideront à construire notre objet car, mises ensemble, elles nous permettent d’analyser les conditions objectives et subjectives de travail des ressources de type familial. Mais avant d’exposer ces conditions objectives et subjectives, il est utile de présenter l’état de situation du travail atypique au Québec et d’exposer le contexte politique dans lequel évoluent les ressources non institutionnelles. Le chapitre qui suit permettra donc de présenter les caractéristiques du travail atypique au Québec et ses effets. De plus, il révélera le contexte politique dans lequel évoluent les ressources de type familial.

10 Statut matrimonial, statut d’emploi des parents et âge des enfants. 11

Niveau d’éducation élevé et un deuxième revenu dans le foyer.

12 Garderies, soins aux bénéficiaires, etc. deux domaines où l’expérience professionnelle n’est pas essentielle et les revenus majoritairement moins

intéressants.

(25)

C

H A P I T R E

2

L’état de situation du travail atypique au Québec et le

contexte politique des ressources non institutionnelles

Introduction

Pour bien comprendre le milieu des ressources de type familial, il faut être en mesure d’analyser le phénomène du travail atypique au Québec et ses conséquences. De plus, comme pour la situation du travail atypique au Québec, le contexte d’émergence des ressources non institutionnelles remonte au début des années 1970. Il est donc pertinent de bien connaître cet environnement de travail pour comprendre le phénomène étudié et la population retenue. Dans un premier temps, nous aborderons l’état de situation du travail atypique au Québec et, en second lieu, le contexte politique des ressources non institutionnelles.

L’état de la situation du travail atypique au Québec

Pour procéder à la description de la situation de l’emploi atypique au Québec, il importe d’abord de définir les différents statuts d’emploi. Ensuite, nous discuterons des causes et des conséquences du travail atypique. Nous aborderons ses effets sur la société et les travailleurs. Finalement, nous analyserons l’évolution de ce phénomène et nous terminerons avec la distinction des sexes à l’intérieur de ces statuts d’emploi.

L e s d é f i n i t i o n s d e s s t a t u t s d ’ e m p l o i

Par emploi atypique, on entend toutes les situations qui diffèrent de l’emploi salarié permanent à temps complet. Parmi les statuts de travail atypique, il y a premièrement le statut d’emploi salarié à temps partiel, qui consiste (1) en un emploi salarié d’une durée de moins de 30 heures par semaine14 ou (2) dont le nombre d’heures est inférieur à l’horaire hebdomadaire ou mensuel des autres travailleurs de l’entreprise.

Deuxièmement, on retrouve le travail autonome qui correspond (1) à des travailleurs non salariés qui ont des entreprises, constituées ou non en société, avec ou sans aide rémunérée et (2) à des travailleurs indépendants qui n’ont pas d’entreprise.

Troisièmement, on retrouve l’emploi temporaire qui se distingue par le fait que la durée de l’emploi est prédéterminée. L’emploi peut être saisonnier, temporaire, d’une durée déterminée ou à contrat.

14

Au Canada, le nombre d’heures d’un emploi salarié à temps partiel équivaut à moins de 30 heures comparativement à moins de 35 heures aux États-Unis (Statistique Canada, 2005).

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Tableau 2 : Les statuts typiques et atypiques d’emploi

S t a t u t t y p i q u e S t a t u t s a t y p i q u e s

Emploi salarié à temps partiel Travail autonome15 Emploi salarié permanent à temps complet

Emploi temporaire

L e s c a u s e s e t l e s c o n s é q u e n c e s d u t r a v a i l a t y p i q u e

Au Canada et dans le monde industrialisé, les années 1950 ont été caractérisées par la consommation de masse, la syndicalisation, la généralisation du salariat et par une augmentation du niveau de vie de la population. L’économie a donc subi une forte croissance. À cette époque, la formation spécialisée et la séparation entre les tâches de conception et d’exécution étaient privilégiées (Vallée, 1999; Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Cependant,

…au milieu des années 70, l’augmentation de la concurrence, la diversification de la demande, le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications, la hausse des exigences de qualité et la mondialisation des marchés ont obligé les entreprises à se questionner sur leur modèle de travail. Pour composer avec ces phénomènes, les entreprises ont dû s’interroger notamment sur leurs politiques en matière de gestion des ressources humaines et de production (Bernier, Vallée et Jobin, 2003, p.26).

Les entrepreneurs voient dans le manque de flexibilité16 de leur entreprise la source des problèmes liés à une production plus faible. Donc, pour améliorer la compétitivité de leurs entreprises, ils ont choisi d’accroître la flexibilité de leur entreprise pour s’adapter aux fluctuations du marché (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

Depuis plusieurs années, la recherche de « flexibilité » s’est généralisée. En fait, il existe trois types de flexibilité : numérique, fonctionnelle et financière. La flexibilité numérique peut être définie par la situation d’ajustement du nombre d’employés d’une entreprise ou d’une organisation à la fluctuation du marché. Cette fluctuation peut être de courte ou de longue durée, prévisible ou non (Atkinson, 1985). La flexibilité fonctionnelle se caractérise par le fait que les tâches exécutées par les travailleurs peuvent être changées pour satisfaire aux demandes du marché. Finalement, la flexibilité financière se caractérise par le fait de payer les employés selon leurs compétences, leurs performances individuelles et selon les taux du marché. La flexibilité financière peut être considérée comme un moyen pour assurer une force de travail plus flexible plutôt qu’une fin en soi, mais elle est néanmoins importante et largement encouragée (Atkinson, 1985).

Les entreprises et les organisations qui utilisent la flexibilité ont souvent un groupe d’employés typiques et des travailleurs atypiques avec ou sans le statut d’employé dans l’entreprise (Atkinson, 1985). Les employés typiques (marché interne) ont des habiletés et des compétences qui sont spécifiques à l’entreprise. Ils sont partie prenante de l’entreprise et sont difficiles à remplacer. Les travailleurs atypiques peuvent être divisés en deux groupes : un groupe d’employés embauchés par l’entreprise, mais avec des statuts atypiques (temps partiel, temporaire), et un groupe où l’on retrouve des travailleurs venant de l’extérieur de l’entreprise (travail autonome, sous-traitants). Ces groupes sont employés pour satisfaire la flexibilité numérique, ils peuvent être embauchés et licenciés au gré des fluctuations du marché.

15 Le travail autonome et l’emploi temporaire peuvent être à temps complet ou à temps partiel. 16

On peut définir la flexibilité d’une entreprise comme étant sa capacité de s’adapter à un marché continuellement en changement (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

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Figure 1 : La représentation des statuts d’emploi des marchés interne et externe

Sources : D’après Catherine HAKIM. 1988. « Self-employment in Britain: Recent Trends and Current Issues ». Work, Employment & Society, vol. 2, no. 4, p. 421-450. D’après JohnATKINSON. 1985. « Flexibility : Planning for an Uncertain Future ». Focus, p. 27.

D’autres facteurs peuvent encourager les entreprises à recourir à des statuts atypiques. La peur de la syndicalisation ou la syndicalisation peuvent jouer sur le désir de changer l’environnement intérieur et extérieur de l’entreprise, mais il y a aussi la culture d’entreprise et les règlements gouvernementaux (Osterman, 1984). En effet, l’attitude des entrepreneurs à l’égard du développement des ressources humaines de leur entreprise influence la façon dont sont pensés les rapports à la promotion, à la formation ou à la façon dont le mérite (productivité) est valorisé par rapport à l’expérience (acquis).

L e s e f f e t s d u t r a v a i l a t y p i q u e

Le travail atypique a pour effet de placer à l’extérieur du champ du droit du travail un nombre important de travailleurs. En effet, environ 30% de travailleurs qui sont occupés sur le marché du travail sont exclus de certains ou de la totalité des avantages et des protections auxquels les salariés traditionnels ont accès (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

Cette situation d’exclusion ne peut avoir pour effet que d’entraîner un déplacement des charges sociales à l’intérieur de la société et de faire reposer une part plus que proportionnelle de ce fardeau sur ceux et celles qui ont un statut de travailleur plus classique (Bernier, Vallée et Jobin, 2003, p.38.).

Le travail atypique a un impact certain sur les inégalités sociales peu importe le sexe, l’âge ou l’origine ethnique du travailleur (Carr, 1996; Bernier, Vallée et Jobin, 2003). De plus, le statut d’emploi atypique peut susciter un sentiment plus élevé d’insécurité et de démotivation. Le travail atypique est aussi un facteur d’appauvrissement car il est souvent associé à un faible revenu (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Cette recherche de flexibilité par

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l’entreprise (travail atypique) affecte aussi l’accès à la syndicalisation ainsi que le rôle de la négociation collective dans les relations de travail.

Dans un autre ordre d’idées, le travail atypique n’est pas forcément signe de précarité et de pauvreté. En effet, certains travailleurs peuvent participer au marché du travail selon leurs propres besoins et intérêts, en facilitant la conciliation entre le travail et la famille ou d’autres projets ou réalités sociales, et en permettant le développement de la créativité en dehors du cadre classique du salariat (Carr, 1996; Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

L ’ é v o l u t i o n d e l ’ e m p l o i a t y p i q u e a u Q u é b e c

Depuis la fin des années 1990, la composition de la création d’emplois au Québec connaît une dynamique différente de celle de la période allant de 1976 à 1996, laquelle était caractérisée par une création d’emplois majoritairement atypiques. En effet, entre 1976 et 1996, les trois quarts des emplois créés étaient atypiques17 (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Jusqu’en 1996, le travail à temps partiel avait représenté 48% du solde net des emplois créés pendant cette période. De son côté, le travail autonome prenait une part toujours croissante dans la création nette d’emplois comme l’illustre le tableau 2.2 (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

Tableau 3 : La part du travail autonome dans la création d’emplois au Québec, 1977-1996

P é r i o d e P o u r c e n t a g e

1977-1981 28 %

1982-1986 33 %

1987-1991 40 %

1992-1996 63 %

Source : Jean BERNIER, Guylaine VALLÉE et Carol JOBIN. 2003. Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle.

Depuis 1997, ce statut d’emploi a connu une croissance négative (Bernier, 2003). En effet, depuis 1995, la part du travail autonome en proportion de l’emploi total a connu un recul au Québec, passant de 14,9% en 1995 (Matte, Baldino et Courchesne, 1998) à 13,1% en 2003 (Revue chronologique de la population active 2003, 2004). À l’intérieur même du statut de travailleur autonome, les entreprises non constituées en société avec ou sans aide rémunérée et les travailleurs indépendants qui n'ont pas d'entreprise passaient de 8,6% de l’emploi total en 1995 (Matte, Baldino et Courchesne, 1998) à 7,7% en 2003 (Revue chronologique de la population active 2003, 2004). De son côté, l’emploi salarié à temps partiel est resté plutôt stable, passant de 14,9% de l’emploi total en 1995 (Matte, Baldino et Courchesne, 1998) à 14,7% en 2003 (Groupe TRANSPOL, 2004). On note cependant, depuis 1997, une croissance constante d’un autre statut de travail atypique, soit celui de l’emploi temporaire. En effet, la proportion de travailleurs temporaires au Québec est passée de 8,8%18 en 1997 (Bernier, Vallée et Jobin, 2003) à 11,1%19 en 2003 (Groupe TRANSPOL, 2004).

17

Surtout des emplois à temps partiel et du travail autonome.

18

Donnée mutuellement exclusive qui exclut les étudiants.

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L’évolution de l’emploi atypique au Québec est donc différente depuis 1996. En 1995, l’emploi atypique représentait environ 36% de l’emploi total au Québec (Matte, Baldino et Courchesne, 1998; Bernier, Vallée et Jobin, 2003) contre environ 31% en 2003. Nous remarquons donc une baisse relative du nombre d’emplois atypiques depuis 1996 (Groupe TRANSPOL, 2004).

Tableau 4 : L’évolution de l’emploi atypique au Québec depuis 1995

E m p l o i a t y p i q u e

1 9 9 5 36 %20

1 9 9 7 32.8 %21

2 0 0 3 31 %22

Sources : Jean BERNIER, Guylaine VALLÉE et Carol JOBIN. 2003. Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle. Denis MATTE, Domenico BALDINO et Réjean COURCHESNE. L’évolution de l’emploi atypique au Québec. GROUPE TRANSPOL. 2003. Enquête sur la population active, microdonnées à grande diffusion, 1976-1995.

Ce phénomène s’explique. Depuis 1996, la tendance est à la création d’emplois salariés permanents à temps complet. En effet, depuis 1996, environ 87% des emplois créés sont typiques (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

Suite à de nombreuses études sur le travail atypique, l’hypothèse voulant que le comportement de l’emploi atypique soit de nature contracyclique, c’est-à-dire que le pourcentage d’emplois atypiques diminue en période de croissance économique, serait valide. Le recul de l’emploi atypique, au cours des dernières années, correspond justement à une conjoncture économique favorable. Par contre, l’emploi atypique compte pour près du tiers des emplois au Québec en 2003 (Bernier, Vallée et Jobin, 2003).

L a r e p r é s e n t a t i o n d e s h o m m e s e t d e s f e m m e s d a n s l e t r a v a i l a t y p i q u e e n 2 0 0 323

En 2003, le taux d’emploi24 des femmes était de 54,6% comparativement à 65,6% pour les hommes (Revue chronologique de la population active 2003, 2004). Parmi les femmes occupées, 58,6% avaient un emploi salarié permanent à temps complet, contre 66,4% pour les hommes (Groupe TRANSPOL, 2004). Les femmes sont donc sur représentées dans les statuts atypiques. En effet, 22% des femmes occupaient un emploi salarié à temps partiel contre 8,1% des hommes (Groupe TRANSPOL, 2004) et l’emploi temporaire représentait 12,4% de l’emploi total féminin comparativement à 9,9% de l’emploi total masculin (Groupe TRANSPOL, 2004). Quant au statut du travail autonome, c’est le seul statut atypique où les hommes sont représentés en plus grand nombre que les femmes en 200325. En effet, 14,8% des hommes en emploi détiennent le statut de travailleur autonome contre 8,7% pour les femmes en emploi (Groupe TRANSPOL, 2004).

20

Statistique non mutuellement exclusive.

21 Statistique mutuellement exclusive excluant les étudiants. 22

Statistique mutuellement exclusive excluant les étudiants.

23

Ces statistiques présentées ne sont pas toutes mutuellement exclusives, laissant place à certaines extrapolations qui, somme toute, n’enlèvent rien à la compréhension du phénomène ou à la précision des estimations

24 Le taux d’emploi - également appelé le rapport emploi-population - désigne le pourcentage de personnes en âge de travailler qui occupent un

emploi (Statistique Canada, 2005).

Figure

Tableau 1 : La typologie des systèmes d’emploi (Osterman, 1987)
Tableau 2 : Les statuts typiques et atypiques d’emploi
Tableau 3 : La part du travail autonome dans la création d’emplois au Québec, 1977-1996
Tableau 4 : L’évolution de l’emploi atypique au Québec depuis 1995
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