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Le mythe de Cassandre et la question de l'hermétisme : de la parole oraculaire à la parole poétique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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.

~

.

- 1 'i' . ,

..

Le -m*·th,e .. de Cassandre et la question de l'hermétisme:

' .. 5 1:>

de l a par 0 l e 0 ra c u

t'a

.t r.ce à.;,l~ par 0 lep ~ é t i 9 u ~

Manon RH1PEL

..,

.y/'

Département de Littérature Comparée UNIVERSITE MC GILL, MON'TREAL

Novembre 1987

.

.

" '~',

"

".

,

.

Thise p~ésentée i la Faculté d'itudes supérieures et 'de_~echerche

,

t\,

(2)

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..

\,

..

, i 9 , '\ ,

" ,~

.

' < .. .1 , RESUME ~

L.e présent m~moire a pour- projet' initial! et visée

-

-.

ultlmé la question de 1 'hermétisme poétique: '

, ' ,

• Cette question sera d'~~oxd sous-jacehte

i

l'analyse

----

" '

'du myt~e de Cassan~'re' tel, q~' i,l nous ,e~t li ~ré i tr~~e~s l'~­

memnon 'd'EschYle. Nous verrons a\Jssit.8t app~,~à!tr'e la rdClrlné~.·,

fandamenfale~du

mythe,

i

~~vciir

1&

cara~t~re diino~mmu~icabiiité

l lk à la pair 0 l ~ 0 r a ~ u lai r e -e, t .' R 0

é

t i que - d e Cas san d r e •

N 0 u s pro c é der 0 nls en sul te à U'1l e corn pa r'a i son e n t r e l a

s~ructure na~rative de l'Alexandra de lycophron et le schéma de

la communi~ation ~oétiQue inscrit dans l'Ion de Platon. Cett~

, .. ' - .. . t '

analogie nouS permettra ';e Œircon'scrire l,'hori'zon t/Jéorique

,,,

~ ~ " ,

notr~

quesblon

~ans

la

~esur~ o~ !eIl~~ci enga~e

aussi bien de une

+-1

,-"\.

problémàtique d~ s~ét énonciateur que la' nécessité d'une inter- .-. prétatifd,n de la pa~_t du des,tionataire .. o )

F inaleme

4

nt, nou~ convoquerons 1 Î Héf'ldiade- de Jvrall'armé .

s~r. la.' scèn~' du""~ythe' de ca5san'd~e et' verJ;0ns G'~~ment 'cette fi- '" gùre de ,l~ ·poésie· mode~ne -par 1:5 affinltés ~u'e11e partage' aveè ' 1.'antlq:Lf9'

prOPhétess~~,~elance ~la

rquesti'on -toujours

ouvert~-

" Fj~ l ' hermétisme poétiq.ue 4 , '" , l ' ,

.

, 1" 'l ,

-

... " )' t " \ " " ' , " - 1 ,

'.

.

,

(3)

(

..

c

, "

o

~

,

,)

.

ABSTRACT

.The initial inquiry and ul timate

~bjecti

ve of thiS\ ft

-thesis will be to investigate the question of the obscure and incommunicable a~peçt of poetic expression.

- '

\'

~ lhe underlying q~estion will first be investigated through an analysi~ of"the- myth of CàS,sal'tdr~ as pre,senteR ~n Aischylus's Agamemnon. We will at the same time discover· the

, .

fundamental basis of tl:le myth, wl th an eye toward understand,i'ng the incommunicable elements Inherent in Cassandra's proclama-t ion s, wh i cha r e a proclama-t· 0 n cep r 0 ~ he t i.c 'a n d poe tic.

~

We will th en pr~ceed ,to a comparïson ,of the nar.rative

.

structure of Lycophron,' 5 Alexandra wi th the scheme 'of poeuie,

..

commt!Jnicatio~ used

Ld

Plato's 1...Q.o.~_ This analbgy wi!l 'peJ;;mit us

"

,

.

to fur the.r de fine the theoretical param~ters of our ques tion, as an analysls of these 'works also involvss an inquiry into the·

,

.

protl'lem of oral expression and the necessity of an interpretation

.

-on the part of. the listener. {1

-F,inally, we, will examine and co~are JYIa+larme's

~-diade fo the myth of Cassardra and we will see how this figure of modern poetry -by the sifoilarities she ·bears to the

a~clent

/ ~

prophetess- puts forth onc~ again the unanswered question of' the

1

obscuri ty of 'poetic expr ssion.

" ...

.

.

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,

.

.

, -~- " ;.. \ . T " ,.... _ e, .".cO; .. ' • .L .... ,,;.,:, ... '; •. " ~:; ," , , ' . . . . 1

(4)

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,

.

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-

.

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,

...

TABLÈ- OES 'MATÏERES

'. 1 n t rad u c t. ion. • • • • • • • • • • • .. • • • .' • • • • • • • • • • • ; • • • • • •••• p • 5 .. >1 * " Chap·i tre 1 1. 1.1 1.'2 1 .• 3 ' f ,

..

Avant-propos a ~ premlere partie . . . p.10

.

..

.

.

Scène '.d'Agamemnon (3e épisode,v.783-974) .•.•••• p.12 Tro\S.i;ème stasimon (v. 975-'1034·) •••••••••• : •• 1:1.17

5~~de

mutisme (v. 1035-1'071r ... , , · . / ••••••• 'p.22 II. Scène de Cassandre (v.1072-1330)

.

,.

II.1 P.artie 1yr~que ~am'Oibafon, v.107c

2-1177) II.1'.a) Ir.1.b) Rythme ••• t '·~r"""""""""".'" .p.28 ~ G 1 1 Première 'Transe ••.•.•••• ' ••• : •••••••••• ·~p •. 32 II .2 Par.t'ié dialoguée ( v • 1 1 7 8 -1 3 3 0 ): ~ i ri t r 0 duc

t.J:

0 n • P • 3 8 .

.

~ 1 • 2 • a ),

v

ê ~ s 11 78 -1 ~ 1 3.. ,,--~.' , • • •••• ,. • • • • • • • •••• p • 4 0

,

II.2. b} Les deux dernières tIlan'se,s •••••• , •••• p. 46

\

Chapi t're 2 , \

Structure 'nar;rative et instance's d f Q.nonciation

dans 1 ',Alexantlra çle L.ycophron. i ' . ' • : • • • • • • • • • • • • • • • p. 48

J

'

Chapi tre ,3- '.

"

Du mythe- de Cassandre à ,l' Hér-odiade de

Malla~é

••• p .. 75

.,

-.

\ , Conclusion ... ' ••••••• :'.: . . . p.1 01 f • , .. .

~

0 t

Js

~

. '. . .

~

: .

.0. . . "\' . . . • • . . . • • • •.•

p. 1 03 / ' . " Bibliographie ... ;-•••••••••••••••••••••••••••••••• p.113 \

,

( J L . . t

.

,

.)i

Il' .

..

.

"

, 1 • \ Q G

(5)

,

/ '

'1 INf~ODUÇlrr l ON 1 . ' l ' ,

~\

Figure drama tique' osci-rlant 'entre un

,

-

'

mut,1sme cons .. ter.n a n t e' t un , , t r

°

p -

~

e i n de p

~

roI es, Ji 9 ure

" o '

paradoxale, des ti-née à -di

r~

- la vér i té tout en

éta~t dép~urv~e d~

pei

t~ô

(pu îs::..

, J ... ~

. sanci persuqsive), figure €xc'dée p~t sa condition d'esclay~

"

, ,

d ' une par ole qui 1 w i est à l a foi s pro pre e t ' t ra n

9

ère (l" ~ s,- '

, ~ ~

.

\ . . . . ... ~ t

clavgge pélitiqu~ du vain~J venant redoubler cette situation), C:a'ssandre' est au oaDrefour d' au:ta~t de ~,aradoxes dont le corps.

<l "<t'

.

-le sien- est constamment l'en~eu.

Dans les pages qui suivent, nous nous, proposons de

.

morltrer que cet enjeu est 'gaIement celui de -la poésie', ~oy plus'

.1 '

précisément que i"ensemble des traits .déterminaf'lt 'la figure de

" <.. . ' , . " ,r .... ~ ,

Cassandre ~t l'instituant comme mythe peut servir

,

à constit~er ... ' un~ hypo,thèse heuri~que. un axe ge recherçhe, pour. qui ,s ~ in'- •

.

terroge sur la nature du discaurs poétique -et 'en par~iculier

,

"

sur la part d'hermétisme inh"r~nte

à

un tel discours.

,~ ,"'~ ~

Nous,

consacreron~

un "premier

chapi~re

à

'1'

;:r~alyse

des quelques 350. vers ~ons t i tU,an t latl,s~à.ne de Cassandre, dan,s l'.8..!a.ê.-memnon d' E~chy le. Cet fe anal yse" du.... texte tra'gi"qUë, s.era' doubl~è '

.

,

d,' inv~stigations sur la nature -et la signi fic~tion de.' la parole'

,

oraculaire d'Apollon. se li Orant

à

travers ae· personnage de

Cas--~ sandre.- . ,

-

..

.

,

. C" est bien,' sOr un ,lieu' c.ommun, d'affirmer de éette scèné

.

,

qu'e~le est 'l'un des\P~us grands moments de l'hist,oire du théAtre:

,

, " ,' .. , .' ... "., " , \

(6)

'.

\

.

,

.

,

.

la majorité" des 'critiques et commentatéurs s'entendent 'pour, le

'-reconna!tre. Pour ne ci~e~ ~u'un exemple, 1& metteur en sc~ne

... ç ... J

.

"

,,,J. Gillibert écrit "qu'il y-a

là.

avec la scène de Càssandre, . quelque chose qui est- la ~éri té m~me dlol théâtre et nnn un effet

d~

th_éâtralité"(1). Que se

cac'hè-,t-i:-\./derri~re

l'apparente bana-lité d'un tel 'propos et

à

quoi 'peut bien tenir la puissance ~_. gulière de cett~ scène? .

'Nous cJoyons pouvoir èffirmer que la réponse

à

cet~e

.

,

question tient dans une rencontre: 'celle de la parole

dracul13i~e

~ 1 ~ ..

~t du langage poétique dont~e~~ d~ublement ttaversé le corps d~, " Cfs.s_andh. Une

+e1;~ :r.enqo~tre

prOdu!t\n' effet de condensat

~on

inouï et l' inventi on d' ~ schy le cons i ste

à

avoirtf ai t de

Ca's'i:;an-,

-dre (de. cette étrangère

q~l

est aussi bien, nous le verrons,

é--

.

trBhgère ~ "l'action"~ ~u muthos de la pièce) le "lieu" d'une

\,

.

tertsfon dramatique max~maie en même. temps qu~ l'agent catalyseur

qui

per~ettra

le relâchement

d~

èette tension. C'est dire que

,

Cas 'S and r e est .aw.; s i b i en au ce n t-r e qu'à

1.'

e x té rie u ~ deI api

ê

ce. Le lectpur co~stater~ qu'au fil de notre lecture

d'Es-'- , '

chyle, nou; avons longuement cheminé ave~ Karl Reinhardt, auteur

" '\

dt~ essai que nous e~timons incontournable sur le poète de

1'0-.(res ~ie. Si nous avons l,élu cet. interprète, de la pensée d f Eschy le,

.

au dét-f iment de plusieurs autres que nous avons rapidement aban-donné, c'est que son

pro~os.est

d'étudier non'plus séparément le problème" de la

sc~

et .le problème des dieux mais de les anglo-0

1 '\ l,

.}

C-t

.

\~ \ ----1\ 6

(7)

(

..

\

..

,,'

,~ of) [C... ~ --~ • ,T

.-'

ber dans. une perspective de lecture qui les eclaire réciproque-• ment: A ~et '-égard, le titre allemand de s'on oUVfage est

expliéi-te: Aischylos aIs Regisseur und Th~ologe. Il va sans,dire qu'un tel point de-vue est à m~me de rendre compte mieux qu(aucun au-tre de la spécificité de la sc~ne de Cassandre pehdant laquelle

Esc~yle assign~ au logos divin un traitement poétique et une ex~

pression dramatique.

(.

\

'cans la mesure" où le partl pris de notre

interpr~étatiDn

7

-

.

.

s~e~ tient à la dimension poétique de l'oracle et du texte tra- '

! \ •

gique,

l'anthrDPologi~

n'y sera pas'(ou si peu)

convoq~'e.

8ien

~

qu'ayant lu et beaucoup appris d ,'au"teurs pour qui l ' interpr%ta-tian de la tragéDie doit

quité (Detienne, Vernant

,

passer par une anthrofologie de

\ Q

-etc.

h

'nou,s' croyons possible,.à

l'Anti-l'instar, d'un Reinhardt, de nous limit~r à 1& lettte richissime du tex~e.

\

La caractéristique prin~ipale ~e,Cassandre étant

l'in--- ,

com,!llUn~Cabil

i té (liée

à

~a

parol'l:

(,o~

l

'lncompréhen,~"ion,

felon le point de vue o~ l'on se place~, notre second ch~pitre nous ~minera

à considéT~r la,q~estion de l'hermétisme poétiquè. L'Alexandra

~cet autre nom d~ C~ssandre) da Lycophron (v.320-v.250 av. J.-C.),

.

l:ong poème é'pousant la f!lrme d' ,;,ne proppét ie, sera le poinE d~ départ de notre

disc~~sio~.

Notre propos ne sera pas de nous livrer

?" , ... (~ , , '

-

.

i

une analyse textuelle -ainsi que nous l'avons fait pour ~schyle.

~

.

.

mais.de considérer le statut d'un texte réputé illisible. Nou~

ve;rons surtout

en

qu~i ~a stratég~ ~~rrative

.de Lycophron

e~

le choix de Cass~ndre' comme ,héroïne -"cette prisonniire qui s'

ex-"

.d

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1 .L W ~ '1

prime par la médiation d'un garde"-messager- sont les indices d' un, propos 'dont le sujet n'est autre que la poésie elle-même, et

sWr-~

.

.

tout de cette part d'obscurité dont nous nous demanderons si elle n'est pa? inhérente à la fonct~n poétique du lan9a~e.

,

,

D'ore~ et déji, nous prévenoris le lecteur de ce qui pourra i p):iori lui 'sembler un bien long" détour -ce chemin q\,Ji

nous conduira de Platon i J.l. Nancy, en pas~ant par une remarqu~ , étymologique, de Heidegger sur l'hermaneutique. Disons dès

main-,

, ' ' ' ' é ' é

tenant que ce detour s'est aver une etape n cessaire pour mettre

,

en place et saisir les enjêux' th~oriques dont le mythe de Cassan.'

dre est~porteur. De plus,' il àura eu le mérite de faire surgir

\

nombre de questions qui, ppur n'@tre traitées que ~flcondairement ~ -au sein de

.

l'e~pace restreint de ce mémoire, n'en sont pas moins

~

·étroitement l~ées i ~elle de l'h~rmétisme poétique. A titre d'ex-emple, ne citons que le problème complexe de la mimésis -aussi

,

incontournabYe qu'il demeure insol~ble, en ce qui nous concerne.'

Cependant, l'aspect le plus intéressant dans lequel nous aura entraîné ce détour touche 'àu' problème de 1 a communica.-tion, lequel implique l' e~igeri'ce d "une lecture, la--nécessi té de

, l'interprétation.

..

5.' expl iquant sur l'obscur i té .de son poème la

~ Paul, Valéry écrivait:

~ . i)

,

Jeyne

par-"L'obscurité, i mon avis, quand elle n'est. pa~ ~oulue,

résulte de trois ordres de causes. Le premier gft dans la difficulté même des suJeti qui se proposent

i

'1'6-'~ crivain. Il arrive dans -ce cas que plus il vise

i

la -précision, plus il se fait dur \

à

lire ~ [ •••

-J

En 'seaond

\

4i. •

%

(9)

i

...

l'

Il

li~ul" mals presque au premier rang, je placerai le nombte des conditions indépendan~es que s'impose le poète. 5'11 ve~t satisfaire [à ces conditions} ••• il arr ive, i l d 9 i t arr ive r que 1 a co m pIe x (t é. des 0 nef

-f'ort. l' indé.penda,nce des condi tions qu'il s' ëst assi-gnées. l'expcisent .. ~ surcharger son- st~le,

à

rendre trop dense la ~at~ere de son oeuvr'e, a' user de raccourœ-cis, d'ellipses qui d~concertent les esprits du lecteur. °11 arr,i ve donc a plus d'un de ceuxcï d' exp±Ter -sur -1 a route. La t~nsion qu'on .lui demande se trouve hors de proportion avec la quantité d'énergie que sa

J • curiôsité 1it~éra~re et son goOt de ~a poésie l'enga-o gent à dépenser. N'oublions jamais gue l'dbscyrité

d ' un tex tee s t lep r 0 d u i t de de u x fa c te ur 5"": 1 a c h 0 s e

lue et l' être ~ui 1 i t. Il est raye que ce dernier s' ac-c use soi - m

ê

me. '( J. ) oC no u s sou 1 i g non s )

".

. Esqùiss ée au cours du ,second ch-apitre, la question 'de

9 \

l'interprète (ou du lecteur) . sera reprise dans nÇltre --derniér

chapi-, ,

.',

~

tr'e, à travers la métaphore mallarméenne de l ' Hymen' qui est au

c~eur

,du

p'o~me

Les tlIoces· d'Hérodiade. A"l'aune de ce qu: nous

-aura appris le my the de Cassandre,. (lOUS '--t'er;'lterons une

inferpré-tation de ia figure'd'HérGdiade dont nous ve~rons bien -vite se

'd~s!Siner la remarquable filiation qu'elle entretient: -àvéc la'

,

,

c-

'

'f,·

..

. .

-

.

pr,êtresse d'Apollon. L'ambiguïté fèndamentale du ~apport de chacune

.

~

à

la vir~inité.

à la

poé~ie· et i la mort ponstituera la trame

Ç"

~ar oa Cassandre et Hérodiade seront reconduites i leklr sort commun. i la fa tai 1

Qui obnubile la

~'icessair~

liaison, serai t-ce de l'incommunicable,

à

la nécessité d'une·interprétatio~.

o .1

(10)

,

..

"0

, 0

o

, , o ... ' ,~ ~

f.

Ava~t-~ropos à l? Pi~mière par~ie

• .\.t.

o

...

. Avant d'analyser la scène de Cassandre'proprement dite,

c'est-ti

?-dire le dialogue chânté des vers 1072 à 1177 suivi du

dialo-•

, ,

~ue phrl~ jusqu'ea 1330, nous devons considérer les trois

ins-tances dramatiqyes précédant immédiatement cette scène:

6

1. les vers 183 à 974, constituant le 3e épisode, c'est-à-dire la scène d'Agamemnon pendan-t-'laquelle le roi est accuei IIi partla reine Clytemnestre •

"-2. le 3e ,sj.asimon (vers t75-1 03'), ,partie lyrique du choeur

,

qui effectue' remarquablement la transi tion vers le 4e épfso-"

de, lequel donnera lie,u au renversement de la

tragédie'-"

, r , • '

.-3. le debut dU'4e eplsode, c"est-à-dire la scene de mutisme de Cassafldre.

\

(Consulter ls plan

fi'

de : la pièce

à

la page sutfltan-te) ? "\~

" Il es:?' autant -p11J~ rrécessaire à -notre propos ~e considér~r ces

i~ances

que

c~

sont celles-là même pendant

le~quelles

~. Cassandre, ~ien qu'absente du discours et de l'action

drama-tiques, est cependant présente sur la scène, immobile sur le

.(J

) , .

char ~'Agamemnon, les yeux fixes. Nous verrons en quoi cette longue

représ~ntation

du sile--' .: de

Cassan~re,

pendant quelc/.ues

" \ '

\

300 v~rs, cpnsti tue un prrier versant, qu 'on peut lire comme

une co~tre~~rtie de la sc~ne qui npus oçcupe principa~ement,

soit les vers 1072-1330.

li

o

(11)

(

(

ff

DIVISION Dl:. LA PIECE

Pr%,ue, v ]-,?9 Le Mgnal nocturne de la pme de Troie est perçu

pdr le veilleur, pour qUI, à l'épreuve de l'attente, se substitue

l'angol~se devant le mal qUI guette le rOI à son retour

Parados A napest/que, \1 40-] 03 les Vieillards d'Argos s'lntbrrogcnt

~ur le sens du sa~T1flce commandé par Clytemnestre. Ils évoquent la nat LIre Justicière de l'expédllion

Parada; 1 J nque 1 Le présage (v 104- 159) à AulIS, un préSJge,

101 crprcté par Calchas, annonçall à la fOIS la VIctoire et son pnx, ;'lInll1olallOn d'Iplllgente 2 L 't1ymne à Zeus (v 160-183), le dIeu qUI règle les contradictions 3 Le réCit (v 184-257) la déCISIOn d A~amemnon et le sacnflce de sa fille

P'emu'r fp/S()de. \1 258·354 La rl'me apprend aux Vieillards la nouvelle

dl' la pme, trdnsmlSC presque Instantanément par le feu, et expTlme son mqulétude sur le retour

PremIer' SIOS/lnOn, Il 355-488 L'analyse de Id vlctolfe donnée par

Zeus faIt apparaltre la menace d'un châtiment dIVIn contre le rOI

Deux/t'me Cp/sode, ~' 489·680 Le héraut annonce l'arnvée Imml' nente du rOI et décrtt les épreuves du Siège et du retour

D('u'(/elll(' Stasllnor/, l' 681· 782 La contradiction entre la beauté d'lIdrne, la prospérJlé de lrole, et le désastre, est h:vée par une theoTlc stTlltC de la Justice 0'

TrOls/('me' [p/)odr Il 783·974 Le double accueil du rOI, par le Chœur

'lUI lUi déflOlt Sol fondlon, et par Clytemnestre qUI le célèbre comme un monarque r, ... rb<lre

Trms/t'/I/l' StQmnnn, \1 975·] 034 Le~ Vieillards analysent leur 1 rouble

ph} sique comme le signe de l'Imminence du Châtiment

Ql/l1mbn" Ep/sode, Il. 1035-)330 1 Mutisme de Casslwdre, Invitée à entrer dans le poll31S 2. AmolhaJOn (v. \072-1177) , dlalugue chanté entre les vieillards et Cassandre qui décnl les horreurs pac;sécs et fut ures du palaiS 3 Dialogue parlé sur la vie de la prophétesse et le double meurtre qui va avolT heu

AnapE'NI'S du Chœur, v 1331-1342 le renversement de la fortune

et la rrpétltJOn des meurtres-dans la famille,

DIalogue des Choreutes, \1 J 343·J 37], entendant les cm d'Agamemnon

~p~ ,

- 0

CII/qu/ème EpIsode, v 1372-1576, 1 Revendication oe l'acte par Clytemnestre 2, ~plTrhème (v 1407-1576) . dIalogue chanté au cours duquel elle se défend sans pOUVOIT être réfutée.

Dtrn/E'r EpISode, Il, J 5 77-J 673, histhe Justifie de son côté le meurtre

par la malédlCl10n proférée par son père Thyeste, et Impose le sdence par l'autortté royale dont il s'empare

D

(12)

o

o

o

\

l • 1 5 c è ne'" d'A g a m e m non ,( 3 e épi s 0 de, v. 78 3 - 974 )

Cette scene peut être divisée en deux parties. D'abord. ,

h

en présence du cho~ur formé par les vieillards d'Argos, le roi salue les dieux de la cité et s'entretient avec le choeur de l'en~reprise guerrière dont il sort victorieux. Puis. au moment

-où Clytemnestre sort du palais, est interrompu le mouvement par Lequel Agamemnon allait adresser une deuxième salutation, cette fois aux dieux du foyer, ceux-là même en vertu desquels Clytem-Jnestre désire accomplir et justifi~r sa vengeance.

L'ordre dans lequel sont adressées ces salutations est évidemment tributaire d'un système de valeurs qui place au premier rang l'entreprise'guerrière. Clémence Ramnoux suggère (ce qUI est fort important au niveau d'une interprétation

910-baIe de l'Orestie) q~e le choix de l'expédition

à

Troie ~ésulte d'une m~uvaise interprétation de l'oracle ou plutôt d'une mauvai~

se utilisation de celui-ci:

" La série noire des événemenfs de l'Orestie est sus~ pendue

à

une parole"divine,

à

l'arrière-sens inentendu. Le devin avait bien dit que,si ~voulait libérer les vents, il fallait immoler l a f i e. Telle était en appa-renCR l'exigence d'un cieu jaloux. 2)

ilL' homme ayant formé son propre dessein, du {and q.,bscur de ses prop,res désirs, il demand~ 8,IA dieu ce qui ëfrri-vera si ••• ~ fait ce qu'il a précisément envie de

fai-re."(3)

1

Si Agamemnon interprète l'orac!e en s'enfermant dans un système en croix qui l'oblige à choisir entre deux salutions im-pies, "cruel est mon sort,

.'

51

.

je me rebelle; mais cruel est-il

. J

(13)

(

(

/ '

aussi si je dois sacrifier mon enfant"(v.206-207), c'est qu'un

(

orgueil et une ambition démesurés -son ubris- le poussent à dé-sirer la guerre. C'est pourquoi il omet de "p~ser ~a question pré a 1 a b 1 e" qui' est des a v 0 i r ." s i l e die u a p pro u v e, 0 un' a p pro u v e pas, le projet 'de l 'homme". Il~se contente de demander ce qu'il'~ faut faire'pour que la. flotte puisse quitter la plage d'Aulis, en d'autres mots "ce qu'il faut falre pour supprimer l'obstaçle

à

son pro pre des sei n " ( 4) C' est de cet t e u br i

s,

qui a don n é 1 i e"u au sacrifice de son enfant, que Clytemnestre désire se vengêr.(5)

13

D'un c8té, au seuil d.u pala,is, Clytemnestre. De l'autre, sur le char, Agamemnon et Cassandre. D'un c6té, to~te la dupli-cité du discours de la rusée meurtrr~re. De l'autre, l~outrecui­ dante (et par conséquent unl~oque) parole du vainqueur doublée du mutisme de l'esclave, mais aussi, cécité de l'ûn (Agamemnon)

)

face à la clairvoyance de l'autre (Cassandr~), devant leur des-tin imminent.

r.l

Ou char au pa~ais; un déplac~ment scénique. L'une des tensions principales de l'Agamemnon s'explique, selon Karl Rein-hardt, p~r "l'~xtension de la seine entre l~ char et la porte du

\.

.

palais" ••• "Comment cette distance devra-t-ille ~tre pa~courue?

C'est l'enjeu dramaturgique des deux seines." (6) (c'est~à-dire des 3e et 4e épi sodes ySien qu' un m~me destin at teQde Agamemnon

et Cassandre, f'est la maniire pour chacun d'eux de franchir l'espace

à

la limite duquel les attend ce d(stin qui œ,.,pra été

dét~inante.

~'~ {

iiioM . . . ' _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ~~ ___ ______'_ _~~ ___ ~ ____ _

(14)

0-o

o

14

Au moment où Agamemnon s'engage sur le tapis de ~ourpre

-•

fatidique, après que la reine l'eut enjoint de ne pas se

sm~s-•

~

k

traire

à

un tel honneur et malgr~ l'hésitation du· roi

à

cé~er

~

,

a un g est e d' ~ r ~ u e i l

.A

u i pou rra i t b i e 1'\ a t tir e r s url u i l a CD l ère

1

d'un dieu, ~ ce moment donc, s'inscrit dans le texte l'exisiténce de Cassandre, d'abord ainsi nommée par le rb~_l'étrangère.

"Tu vois cette étrangère: accueil~e-la avec bont~. Pour qui commande avec douceur, les dieux ont, de loin, des regards complaisants. Nul ne porte aisément la joug de l'esclavage, et c'est un joyau de choix entre ~aints

trésors -un don de mon aDmée- qui m~B suivi, moi.~

(vv.950-955)

Après avoir a~nsi présenté sa captive et @tre demeuré

'\

sourd à l'ambivalence d~discours par lequel Clytemnestre l'a

sc-,

-..,

cueilli, le .oi cédera finalement au piege de l'epouse et

f~an-chira le seûil:

...

'

"Alfons! puisque je me suis laissé vaincre

à

tes

rparo-le~, je rentrerar donc au rond de mon palais ~n

mar-ch~nt sur la pourpre."(vv.956-7) ,

Il est

à

remarquer que la mqrt d'Agamemnon nous aura été annoncée a , trois reprises pendant la pièce: une premièr'8

t

fois par la v8'leur symbolique attachée au tapis

de pou'pj.

une seconde fois par la valeur oraculaire du discours cre Cassan-dre, une troisième fols par la valeur confirmative du récit de

,

'

.

Clytemnestre, une fois le meu~tre accompli. De plus; comme le signale J.P.Vernant, on peut accorder~ une certaine mesure, une valeur oraculaire au discours tenu par Clytemnestre

à

son

é-'"

poux:

~

'<>

"Et parce que la reine,. dans la haine .qu'elle voue

à

sdn conjoint, se fait au cours du drame l'instrument

/

·,

(15)

'\

(

,

de la justice divine, le discours secret qu'elle tient

~issimulé dans ses propos de bienvenue a une valeur o-raculaire. En disànt la. mort du roi, elle la rend,

com-m~ un prophète, inév (tabl

ê.

Ce qu' Agâ'memnon, tians les paroles de Clytemnestre ne peut entendre est donc. en

f propre la vérité de ce qui est dit. Formulée à haute

voix, cette parole acquiert toute la force exécutoire d'une imprécation."(?)

\

Cependant, i} ne faudrait pas interpréter trop

rapide-/ ment l'attitud~ d'Agamemnon -et surtout l'~mposssibilité dans

.

'

laque~le il se trouve "d'entendre" le discours de sa femme-comme celle d'un être qui serait à la fois méprisant et trop sQr,"ds lui. Nous croyons, ava.c K. Reinhardt, qua" "la solitude inoule d'Agamemnon" provient de te que Pnul mortel ne pouvant

,

l'avertir, il demeure d'autant plus sourd aux voi~s destinales, inintentionnelles qui se détachent même de .ê.Q.D. propre discours.II(S)

1

"La cécité d'Agamémrlon est destin hum~in, et non ~as mépr is d'avertissements présumés. L-a meiH-aure preuve

en li/St. l'incessante proximi té de son discours" à la vé-n

rité, Seule une interpr6t~tion relIgieuse, et non puint prâgmatique ou psycholog.ique de cet aveuglement, peut. rendre intelligible le contraste qui le sépare de la

proph6tique voyance de Cassandre.p(e) .

L'originalité et l'intérêt de la thèse développée pa~

: ~ J

Reinhardt tout au long de ~~n essai sur'Eschyle ( peut-être le meilleur qu'il nous ai tété 'd1onné de consul ter) consiste

à

main-tenir èn double point de vue .qui

re~de compt'~

de l'interaction.,

,

entre +es Aerspect ives théologiquès ."et dramaturgiques de l' oeUV1re.

,

La lecture qu'il fait des ~cènes d'Agamemnon et de Cassandre, lec-ture qui met en é\l idence la, détermination réciproque de ces deux

.

,

(16)

" , " ,

/

o

scènes, laisse déjà entrevoir touté l'importance de ce personna-

..

ge "secondaiTe" qu'est Cassandre (par rapport au couple

Aga.mem-; '

non-Clytemnestre) en le situant dans l'économie générale d'une

.

pièce oÙ cha9ue élémeAt sert toujours de contrepolcts

à

un autre.

o

o

\

"

\

"

)

o

~, ,\

(17)

'\

..

i 1.2 Troisième stasimon (vv. 975-1034) \ d L _4 ,. 1

.

, , ,

Dans 'flLa dissonance lyrique", lon~ article pr6c~d8nt

leur commentaire d' Agamemnon, J. Bollack et P. Judet de ,la Com-be s'expliquent sûr l'or lenta tion particulière 'de leur ,anal

YS~,

~

laquelle est quelque peu inusitée par rapport à l'histoire des diff'rentes traditions interpr6tat1ves

..

~u texte •

-Le po~nt,de vue adopt6 par ces auteurs priVilégie

l'anâlyse des parties lyriques pour la compréhension tu sens tragique de l'oeuvre. I~s se ~osent ainsi à l'encontre de la perception traditionnelle de-la tragédie' grecque selon laquelle la séquènce des épisodes constitue en quelque sorte 'le squelette

de l'action dramatiqu~, cette a6tion 6tant elle-m@me déflnie

pa r Ar i stote comme "ra fin [le télos] de la tragédie". (Poétique •

.

1450a22) . ,

Ceci par opposition à la fonctio~ lyrique du choeur

(antithèse ~résumée de la fonct~on dramati~ue) dont lés chants,

en vertant s'intercaler entre les épisodes, au mieux concourent à l'action, au pire y sont cons~érés comme inutile~ et nuisibles

à

son développément. Il y a lieu, d6jà, d'@tre étonné du peu d'importance accordé par Aristote à la fonctiqn. du choeur, dont 11 ne fait qu'une brève mention. (po6tigue, 1456a25~

Pour Aristote, poésie lyrique et poésie dramatique sont deux genres

~faitement

distincts et il n'y a de

~lace

dans·sa Poétique que pour la seconde. Il est suivi en cela p~r

.

(18)

,

,

o

o

o

" " ,,) t)

...

'

une tradi tian d' histor iens de la li ttérature "quJ é~udieot

s6-par~ment le théâtre et la poésie".(10).

".

Mais pour nous,qui lisons Eschyle

...

aujourdthui,lt~mpact dramatique des choeurs chant~s ne sembl~ faire aucun dou~e; car

notre r~ception'des ~ragiques grecs est influencée par l'histoire

complexe de l'interaction entre le lYFisme et le drame, aiosi,

f

ue des'genres l;ttéraires qui en sont issus. Sur cette question,

.... t .

i l faut convenir de la désuétude d'une position affirmant que

19

"nous vivORS e .. ncorj sous le signe du Romantisme: le poète 1

yri-que étant.pour nots lE

poèter~ar

excellencs" et que "nous ne pen-

~

son5 plus, comme Montesquieu, que les "poètes dramatiques sont

les ,poète;; par ex~ellence.tr.(11)

) /

I l

~uffit de considérer l'exemp~mallarméen, tel qu'JI est re-·

marquablement analysj par P. Szondi dans ses "7 lecon$ sur

Hi-todiade", pour reconna!tre l'intégration du lyrisme et du drame

.

' "

dans une p~ée poétique moderne.

1

AI~si

en va-t-il de la

r~flexion

de Bollack et Judet

de 'la Combe, et ce

à

propos d'une ,poésie d'lI y a près de 25 si;cles, l'Agamemnon d'Eschyle. Dans ce texte, "le lyrisme

.

es~

' ,.

en lui-m@me dramatique", affirment-ils, et "les acti~ns

parti-./

culières ne prennent leur sens que dans le réseau conceptuel'

..

construit par le moi lyriqJe".(12)

suffit de remarquer que tout ce qui précède la·

mo t d'Agamemnon, à savoir les~deux tiers de la pièce, fa' t l'objet 'd'une longue interrogation lyrique, en a-va ce sur l'actiDn>scénique(l'intrigue qui çonduit au m urtre reste cachee), et que les paroles que pronon-cent les acteurs s'éclairent

à

la lumière d'une attente ouverté dans les chants, pour mesurer lfespace du

ly-risme dans la tragédie."(13)

(19)

c

: ' '"

'0

; , "

k

.

, .~ , io.,-~ l~,.r" t . ".,,' _. . " ~

Dans "The Hierarchy of Dramatic Devices", J. Ho.nzl 'J, :

d'velopp~ un point de vue sur le langage dans la trag~clie grec~

oC

que qu.' on peut en partie rapprocher de c'elui qui pr~cède:

,

,

"For the He11enic dramatist, no deed or action was dramatic by itse1f; A turn of events or action on

19

stage became dramatic only by poetic verbal reference,' which in an~ient drama was an essential prerequisite for the aUdience's apprehènsion and interpretation of the p1ay ••• The dramatic action unfolded through

the word."(14) .

La fonction du chpeClr 'est donc de "représenter le dra-me, avant que~l'action "ré~lle" ne se déclenche avec le meurtre e't ne pre n n !3' 1 e .r e 1 ais de 1 a 0 r ~ fl e x ion 1 y r i que" -. ( 1 5 ) D ' 0 Ù 1'" i m p 0 r

-~ __________ . ._ __ _ _ __ _ v ___ ~_ ~~ ~ ~,~_~

tance 'du troisième stasimon, le dernier de la pièGe, avant que le fait de la mort, qui sera d'abord chant~ par Cassandre, ne

1

---vï{enne

abol~r

le chant.

\",

,

,Mais que nous dit le choeur des vieillards d'Argos

du-..

rant son dernier chant? L'ouverture comme ,le finale (i.e. les 9 , premiers vers ainsi qu~ lés ~ derniers) du 3e staslmon ont err

,

,

commun l'évocatisn de la prophétie comme mode de connaissance: tantOt le choèur identifie son presse~timênt ~ un tel savoir prophétique,

< "Poutquoi obstinément / Cette pen~ée se,présentant

A mon l:lJeur que ,la v i sion obsède,

Et qu'est-ce que c~ devin gratuit et non invit~ chante?

(Vv.975-979,trad. ~laùdel)

tantOt il, mani festé le désir d' être v~ri tablement investi du don de prophétie qul lui permettrait, tout en apaisant son angoisse,

\>

de prévenir le destin, J

"Pour'moi, si le destin constitué par les dieux

.N'empêchait le destin d'outre~passer,

Le coeur antl.cipant sur la langue / Eat débrouilli3 ceci,.

-,. '~

(20)

o

o

..

o

"

..

.

;

\

'\

ta

Mais maint~nant dans les ténèbres rugit .

~'excès d'esprit.~t l~ désespoir de la pensée qui flambe

De ne pouvoir' défaire

à

temps ce ,'peloton."

(vv. 1025-1034, trad •. Claudel)

'4

Paul Mazon interprète ainsi ce ,passage pour le moins obscur:

.

"

"L'id6e semble ~tre que la' Destinée n'a-pas fait du Choeur un devin; il n'a donc pas le moyen d~ se déli-vrer de ses pr"essentiments en les transformant en o-racles salutaires." (16)1

,t,

"~ 1'"

J

~ ,Nous citerons également la traduction que donne Mazon de ca

pas-~:

plus

comp~éhensible

que' celle de Claudel, mais'beaucoup

~

,

.

~ ~

pl~s éloign6e de la lettre du texte. A défaut de pouvoir élucider le sens du texte grec, leur confrontation peut~oujours les

é--cl-aireT- rée .i-pLo~ement: - - - - ~

"Ah! si les dieux n'avaient étroitement borné l~ lot de chacun, mon coeur pr6viendrait ma langue ét débor~

derait, au lieu de gémir dans,l'ombre et la douleur, sans pouvoir espérer qu'un avis salutaire se déroule

jamais de ma ~oitrine eh feu." (vv. 1025-1034, trad.~azon)

~

Ceci dit~ les vieillards d'Argos ne sont pas dupes du

~aractire illusoire d'un tel souhait, lequel n'est dictfo, dans

leur emport~ment pathétique, que par la compassion qu'ils

éprou-.

ve~t envers le roi et trop prévisible destin -bien qu'encore

,

invisible, d'oG l'angoisse. D'ailleurs, le choeur

n'a~ouer~-t-i l pas un peu plus loin l'impuissance qui serait la~sienne face au malheur quand bien m~me il serait ~rophite puisque

1 "d'un oracle, pour les mdrtels, sort-il jamais une ~ou­ velle joyeuse? C'est par des malheurs que l'art verbeux des prophètes fait entendre le vrai sens de la terreur

qu'il inspire."(vv.1130-113~) ~ ~

Clémence Ramnoux résume ce choeu~ magnifique en disant qu'il témoigne de "l'inspiration impuissante

à

accoucher d'un "

& A

,logos". (17) ,.~;.~'

(21)

o

"

, <

.

, (

"Il n'en' e,st que plus~poignant de voir les .sagesf ex- \

périmenter eux-m@mes le souffle prophétique, .les agi-tant sans réussir à se libérer èn mots ••• La voix ne réussit pas à sortir. Faute d~ savoir quoi chanter on cnante la peine de ne pas savoir chanter!(18)

, ,

L'effet est d'autant plus salsissa~t qu'il ~ré~ide imm~diatement

la sc~ne de Cassandre oû l'on verra l'inspiratio~ d'une

vérita-'Ô

ble prophétesse accoucher d'un iogos impuissant!

21

.

Pour conclure, i l nous semble donc qu'il faut lire dans

/

les évocat~ns d~ 3e stasimon u~ préfiguration de la scène avec

Cassandre (tout comme, à sa manière, le faisait la scèn~

d'Aga-memnon). lout se passe comme

s~~~e~u~F~S~e~"p~o~s~a~~~~~~~~--~----~

travers so~ chant, dans un état préalable et pr8pice à l'échange

~Ui ~uivra

avec la prophétesse. tes mentions du thrine de

l'Eri-nys' (v.991), du ;êve "difficile 'à Interpréter'i(v.981; du.skriton:

te~me s'utilisant génér~lement

à

propos de l'obscurité des ora-cles), de ce Qui "persuade facilement" (v.982: eupeithès), du

rappel de la mort par incantation (vv.101~-1021), de l~asp~~t

mensonger ou véridique de la réalité Jvv.994-1000): autant

d'occurences lexicales ou sémantiques renvoyant,de prè~ ou de

loin, au 'è!o~ine circonscri t par la fonction prophétique de Cas-sandre, sont autant de manières d'annoncer la scène·à venir, d'en préparer l'appréhension •

(22)

o

~

0

If

o

-. " ~ 1.3 Scène de mutisfue (vv.1035-1011)

.

'

La premiBre'partie du 4e épisode constitue le point culminant de la "~~ne de silence". Jusqu'à présent, le mutisme 'de Cassa~dre s'6tait instal16 en retrait de l'action et du

dia-lo~ue qui avait cours entre les autres protagoristes. Ceci dit, nous savons qu'il était d'usage dans le théâtre grec 'que l'en-,

(

trée en scène d'~n pr.otagoni?te soit toujours suivie assez rapi-dement par sa participation au dialogue. le silence de Cassandr~

pendant quelques 300 vers a' certainement'dO provoquer l'étonne-ment du spectateur d~ l'époque. ,Loin d' imp~ter

à

une règle tech-nique (f i xant le nombre des acteurs)' la. rai sO.n de ç e si'l ence (1 9) , nous sommes plut8t tenté d'y voir une str~tégie dramatique

de la part du poète, dont "les grandes scenes

..

de sil-ence ser'ont

1

un des titres de' gloires" et~ce dès le temps d'Aristophane.(20)

A en croire le même Arist'ophane

,~ces

scènes

~ta-ient

aussi un objet dé risée pour Euripide qui, dans Les Grenouilles, se

mo-6

~ que allègrement de son a!nél(21)

Cassandre s'est donc tue depuis son entrée en scène

mais c'est seulement avec ~'intervention de Clytemnestre que'ce

"\;'

..

s~lence devient manifeste. A pa~tir du vers 1035, au moment ou .

<G

~!y.temnestre apostrophe directement l'esclave, le mutisme de

celle-ci pre~d un caractèr~ délib6ré, voire p26vocat~r.

"La "scène avec~Cassandre succède

à

la scène avec

Ag,-memrien comme une antistrophe

à

une strophe", remarque K.

Rein-•

.

har"dt (22). C'est dire que tous âssistan5

â

un renversement,

.

,

..

\

(23)

Ct, "

, r., ..

...:'

o

,\ o

tant sc'nique que dans l'ordre du discours. Au chemi~ tapiss'

de pourpre s'est substitu' un chemi~ d'nud'~A l'envahissant

flot de-paroles exacerb6~s des deux protagoniste~ ~e la seine

,

pr'cédente se substitue le silence -tout aussi envahissant et

\

exacerb6- de la'proph'tesse face aux~invitations pressantes de

'Clytemnestre, laquelle ,exhorte Ca,ssand're ,à descendre du char

# \

poutifranchir l~ seuil du palais. Il est int'ressa~ d'analyser

la progression des réparties de la reine devant l'obstination

)

de Cassandre

à

n'y point r'pondTe. Dans la seine précé~nte ,-l'excellente technique d'argumentation deployee par la reine

avait amené le roi à lui céder. Dans la scène avec Cassandre

,

'

nous devenoni les t'moins de l'impatience croissante de Clytem-nestre

de~n\

un premier éChec •. Pour la premiire fois depuis le , ~

-d'but de la piice, la reine pe,rd, ses moyens et" no' a plus le loi-.... sir de manipuler à sa guise le d'roulement de l'intrigue ~par la duplicité de son langage et.ses ruses persua~~ves: pour

l'ins-.

tant, ses paroles s~ heurtent à un 'mur. A cet effet, il est à f'loter que le verbe pei the, tant SOI1S sa' f6rme active, qui VE;?ut

dire persuader,' que sous sa forme passi ve, qui signi fie obéir;, vient scander le centre de la scène' (p~s moins de ,5 fois .en 8

vers)~ comme un leitmotiv marquant le rapport de forces qui

s'installe entre les deux femmes. Nous reviendrons sur la si-gnification de ce verbe lorsqueBnous nous emploierons à d'finir ,

,

le discours de Cassandre comme 'tant essentrellement d'pourvu de' peith6. Born~ns-nous pour l'insta~t

à

signaler que l'usage, in'sistant qui en est fait durant la "seine de silence" sert·à

-

,

indiquer un rapport de ~rce~.

(24)

o

/ <J

o

o

Il ' o

L'6change verbal qui a lieu entr. le choeur et

Clytem-4 ~

,

nestre i propo' du silence de Cassandre soul~ve une question

d'au--

-~tant plus intéressante ,que la jeune femme nous sera sous peu pré-sentée 'comme étant une prophétE;lsse, c' est-i-dire quelqu'un qui est

. ,

porteur de cette parole "hors du commun" (du communicable?) qu'est

la langue oraculaire d'Apollo~.

Cette question sur laquelle sp~culent Clytemnestr~ et

le choeur concerne le statut d'6trangère de Cassandre et surtout

-

1

"

" ( . , . . r

1 eifentualite qu elle soit "fermee a la langue des Grecs":elle ne répondrait pas pour la simple raison qu'elle ne comprendra~t

.

pas ce qu' Ot'l lui demande! "Si elle n'a pas un langage inconnu de

barbare, comme l'hirondelle, j'essaierai volontiers ~e fa~re

en-trer dans son coeur les avis de la raison", dit Clytemnestre (vv.

L

1050-2). On s~it que "pour'Jes GDecs, toute langue barbare

,

n'était que pépiemen~ d'oisea~.q(23) Et, un peu plus loin,

tou-,

.

jours C~ytemnestre avec cette phrase paradoxale: "5i..1 fermée i

~

..

,

notre langage, tU,n'entends pas mes raisons, a defaut de la voix,

parle-nou~ en gestes barbares."(vv.1060-1) Ce

i

quoi le choeUr réplique suggestivement: "C'est d'un çlairvoyant interpr~te

}

'(ermèneôji torop) que l'étrangère aurait besoin, je crois."(v:1062)

,

On peut dire qu'ici encore,' conformément i la thèse de 8011ack, la réflexion du choeur anticipe sur ce que l'action nous

appren-dr~. Et ,il me semble aussi qu'il faut savoir créditer Eschyle

.

d'une ironie traQique qui n'a rien i envier i celle d'un Sopho-cle, dont on dit volontiers qu'il est le mattre du genre.

10>

24

(25)

o

.(

(

...

L'ambiguité tient à ceci: ce n'est bien sûr pas à titre

J

d'étrangère que Cassandre aurait, ou plutôt aura, besoin d'un

in-.1:\)

25

terprète mais en tant que prêtTesse d'Apollon, assujettie à l'obh-,

curité pythique.

rtJfaut savoir que le "who' s who" de la

tragédi~

étai t connu de s spec ta teu r 5 a thén i ens. Aus 5 i p"ensons -noû s que l ' i ntér ê t

pour la représentation théâtrale ne résidai t pas tant dan~ le

.llW..-"

~, l 'histoire racontée, que dans la manière dont celle-ci était racontée, aussi bien au niveau de l'agencement des épisodes que de. cel u ide l a I aCg u e. Qua n d A ris t 0 t e é cri t, par e x e m pIe, que "1 a

\ '4

plus belle reconnaissance est celle qui est pccompa~née de péri-pétie", comme dans l'Oedipe, il parle de la manière particulière dont Sophocle a agencé l'histoire d'Oedipe pour la faire décou-vrir sous un jour nouveau par ~n public déjà averti du contenu.

~

(Poétique, 1452 a 32) La même remarque4aut pour la langue:

l"u-~

tilisation de jeux de mots et d'énigm~s.,. qui produisent entre autre des effets d'anticipation de l'action par le langage, de-vait cert~inement être prisée par un public qui, sachant à quoi s'attendre, ne

pbuvai~qu'.être

atten,tif à la force d'un style.'

o '

0 Ù, t 0 u j our s che z Ar i st 0 te, à p;~ s des m 0 des d' exp r es s i o-n 0

deI a t r a 9 é die: " c ~ qui est de. b e al,u cou pIe plu sim p 0 r tan t, c' est

d ' ex c e Il e r da n sIe s m é ta ph 0 r es. En e f f et, c' est l a s e u l e ,c h os e

,.

qu'on ne peut prendre à autrui, et c'est un indice de dons natu-t?"

rels; car bien f?ire les métaphores c'est bien apercevoir les res~

(26)

Ù

-'"

, '

..

o

o

-/ r

Pour revenir à la question de la langue parlée par Cas-sandre, il faut ajouter que les conventions théâtrales ~e la tra-gédie grecque étaient telles que le problème de la langue parlée par un

per~<~nage

non-grec était généralement ignoré, "excl;!pt when it was mentioned with a special purpose", précise G. Thomson dans son commentaire à l'Orestie~ (24)

li

une telle question est dànc évoqué~ a propos de Cas-sandre, 11 convient de chercher quel en est le motif,particulier •

..

Anticipons un peu sur notre lecture et reportons-nous vers la fin de la scè2e de Caasandre(vv.1254-5). Ayant pro~hétisé -en grec, évidemment- la mort d'Agamemnon, Cassandre, en butte à

l'incom-u ,

préhension du choeur, aura recours à f'argument suivant:

"Pour-tant quoi }-El

C~ory-26

phée

J e sai spa rIe; l a l a n gue de l a;Yè ce." C e à

rétorquera: "Loxias aussi: otWcurs pourtant sont ses oracles." Cet t e r é i t é rat ion d u pro b l ème de l a l a n gue ç ons t i tue à l a f 0 i..!3. ~

contrepartie et l'expl1c~tion de la scène dont nous traitons ac-tuel1ement. L'insistance avec laquelle est d'abord ,énoncé le, sta-tut de Cassandre èomme esclave et étrangère sert à annoncer c~t ,?pect combien plus étrange du personnage: l'étrangeté qui

carac-térise fondamentalement son r§pport à la langue. Car d'où qu'on se place Casspndre est toujours cet autre dont la discours est insaisissable.

Il est un dernier aspect de la confrontation entre Cly-temnestre et Cassandre qui appelle une remarque: il s'agit de la rencontre entre Geux formes de sil,enee. Le silence de Cassandre

/

(27)

1

(

)

...

..

captive toute notr~ attention et la ~irige sur le personnage: il est un manifeste de la présence, tout en portant la vépité du texte:

\

J,

)

\,

"Pour que l'angoisse atteigne'-sa vérité et: Ion seule-ment son comble, il fallait qu'a~ la soYennelle et transgressive entrée dans le pa~is d'Agamemnon, sui-vie de ·près par Clytemnestre et son te~te final d'ex·é-cration< il fallait, durant tout ce temps, l'extraor-dinaire présence muette de Cassandre, puis son refus

à répondre à Clytemnestre, et soudain, ~e début

~han-27

. té-n d_e"so transe prophétique: c'est la terreur! ••••• Quelles prodigieuses présences .de théâtre, avec cet A-poll on, , v isi ble-inv isib le, q~, ~édui t tout en cendres

et ~n neant! "( 25) ---. < , ' . ~

,

L'autre silence, celui qui porte l'angoisse à son comble, c~est

• <::>

celui qui se~cache sbus le discours de Clytemnestre dans sa

vo-"

lonté de tout masquer: c'èst la dimension du.non-dit, dè ce qui

,

doi t @tre tu ou effacé. "It is. impressive in this play how often what is left unsaid is as alarmingly significant. as what is said", écrit W.B.Stanford dans son bel essai sur l'ambi~ulté dans la

... ...

.. 1

littérature grecque.( 26) C'est bien l'importance de ces deux formes de silencé qui .. traversent l'Agamemnon qui en font !;Jar

ex-~

~ ~

cellence la tragédie de l'angoisse.

(

..

(28)

o

II.1. Partie lyrigue (amoibaion, VVe 1072-1177)

11.1. a) Rythme

--\

n(}1fest alors que Cassandre rompt silence: après avoir poussé le hurlement rituel plaintes funèbres, elle profère le nom d'Apollon, dieu salut! LJef-frayant accouplement de ces deux cris laisse éclater

~out le d~chirement ~ui, après avoir déterminé tout~ la

suite de l'épisode, se révélera comme la clé de son destin. Le cri~ de Cassandre est énig(t1e, la divination de cette énigme sera son décret de mort. n (27)

< , , "'-'

Ainsi pourtaient @tre resumes ~es quelques 260 vers de la scene de Cassandre dont nous nous emploierons à faire ici une

f ~

analyse détaill~e. Mais dans un premier temps, observons la

str~c-."

ture forme,le dans laquelle se dé~loie le texte, c'est-à-dire l'orgafl..isation métrique de la

scèn~\

et ce d'autant plus qu'il

" /

, ?

J.~

est rar~ment donné de voir une aussi remarquable osmose, produi-~.

sant un tel effet de

circula~on

et de progression du sens, entre l'élabora:ion tech~qUe d'un rythme et le texte dont ce rythme ~ est le support.

La scène se- divise entre une partie l yr ique (semi

-chan-"''"'''"'

tée) -qu'on appelle un amoibaion- et unelpartie entièrement dia-léguée. Dans le cours réguli~r d'une tragédie, on sait ~ue les part=ies lyriques sont sUJ;'tout dévolues aux choeurs pendant les stasima

pendant

et que les part~ dialoguées sont réservées aux acteurs les épisodes (lorsque le choeur intervient durant lês épi-t sodès, participant

~insilà

l'action, c'est par la voix(du chory- ." ~hée -qui parle pour le groupe). Le mètre uti.lisé pour Tes parties' dialoguées est· le trimètre ia~bique (qui est au plus près du

)

(29)

"

..

~

,.. ._ . . "O.. ,~ ... "

,

\

rythm~ na\urel de la langue: v - ) tandis qu~ les\mètres utilisés

"

dans les parties lyrique~ sont ,très diversifiés et choisis en

~tion

du type d'émotion que le poète veut tr"adu'ire. Or il arrive, comme c'est le cas ici avec Cassandre'; qu'un ac"teur s'ex-prime dans une" section(chantée.

La forme utilisée ici à cette

fLn

'-l'amoibaion- cqnsis-te normalement en un échange entre le choeur et un accqnsis-teur où

al-ternent le chanté et le parlé (propres à l'un et à l'autre)AOr

...

l'amdibaion dans,lequel évolue Cassandre fait dfabord un écart à cette norme et contient des trouvailles formelles qui, en plus

, .

d'e?richir la variété ryt~mique par des effets inattendus, trouve une justification sémantique. Voyons de quoi il en retourne exac-tement.

L'amoibaion est constitué de 7- stances (convenons de nommer ainsi cha~ne des séquences strophe/antistrophe). Dans les 4 premières, du v~s 1072 Jjusqu'en 1111, toutes les parties chan-tées le sont par Cassandre, le choeur répondant en trimètres

iam-biques. Dans les 3 dernières, nettement plus ~ongues, Cassandre ~

"'\

ouvre le chant, "quJe choeu.r entame

.i

son tour: "In the firth stanza, it first seems as if the~same patt~rn would be repeated, but after the two trimeters un~xpectedly th~ whole Chorus burst into dochmiacs, a grandiose effect." 'Autre irrég~larité: "The typical form [d'un amoibaion] shows this arder: lyrics of the o / Chorus, followed by trimeters from the actor. Here, in the Cas-sandra scene,

w~

find for

t~~

first

tim~

the

~verse:

the upo-krites [l'acteur] is not answering but lea~ing."(28)

..

29

(30)

0

o

..

o

..

.'

, ( ,

....

"

....

\

..

De plus; et c'est ce qui donne a cet f!moibaion un ca .. ractère rythm~ue aussi fortement 'marqué, l'intervention inat .. tendue de trimètres iambiques entre des séries de vers do~mia-. ques ou au sein,d'une m@me stroph~~fait en sorte que chant et pa ro le s' entremê 1 ent encore: pl u s in t imement. Le mè t re 1 y ri que

,)

.

principale'Wnt utilisé ici et appelé dochmius est a,ins1 défini

, '

i!

LM

'... ..~ ,."

30

1 dans la grammaire grec~~e ~e Gaadwin: "Dochmiac v~rses which ar~

used chiefly in tragedy ta expre~s great excitement, are based . ' 1 .,

u p 0 n a f 0 0 t cam pou n d e d 0 f t-n e bac chi usa n d the i am@ u s - -

Iv -, ,

called the dachmius." (29)

î

Mais notre~ut n'est pas de nous engager plus avant dans une analyse minutieuse de la co~titùtion métrique de chaque vers. Ce qui nous intéresse en vérité, c'est la signification inhérente au mouvement d'ensemble de l'amoibaion. H. W il, ~ans

un article de 1896 sur les formes de la tragédie, en a donné une remarquable interprétation:

"Les quatre premières couples de strophes offrent l'al-ternance uniforme du chant et de la déclamation caden-cée dont nous \j',enons de parler; aux exclamations, aux J

visions incoh~rentes de Cassandre, 'le choryphée répond froidement par deux trimètres. Ensuite cet arrangement' simple ,est légèrement varié par l'addition d'un morceau lyrique i la fin de chaque strophe~ effra~é par la per-sistance des lugubres prophéties, le choeur commence i

s'émouvoir, et son distique iambique est suivi de vers chantés. Puis Cassandre commence

à

se recueillir: tout en continuant de chanter ses visions, elle les fait tou-jours suivre d'un distique déclamé; les deux trimètres passent du choeur

â

la voyante. C'est ainsi que se pré. pare la prophétie claire et suivie en trimètres non ca-denoés. On ne saurait se servir des trois espèces avec un art mieux nuancé. If ( 30)

Ainsi l'amoiba~on progresse-t-il selon un rapport

ryth-. ,

mique inversement proportionnel de l'emporte~ent pathétique et

~ k

(31)

31

de la entre

'il

'V f, j

réfie~s deux parties. en caus~, les' le choeur et Cassandre prenant la relève

'.

transferts émotifs de la tension qui

"(' avait donné lieu à des cre~cendi rythmiques.

.

{ .,

/

,. ... ~

.

,

,

..

\-;iliit>} _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ~ _ _ _ __'__ _ _ ~_ ... _____ .l..-~ ____ ... '

(32)

o

o

Ir' "! ; ~t , ",.

II.1. b) Première transe

La scèn.e commence donc, au vers 1072, par une plainte lugubre, propre éJu chant funérai!'e: "Otototoi popoi da". En

appo-\

S i t ion à cee ha n t de m 0 r t, une in v 0 c a t ion: !' A po Il on, A polI on ! " Comment entendre la juxtaposition de ces deux cris dont le choeur nous

~pprênd\aussitet

qu'ils sont pourtant inconciliables:

• "Qu'as-tu à mettre Loxias dans tes cris? Ce n'est pas le dieu de ceux-, qui pleurent." (vv. 1078-9) Cassandre n'en continue pas môins ,

a se lamenter:

"Apollon! Apollon, dieu des routes! Apollon qui me perds! Tu me perds -et sans peine!- pour la seconde fais •

. .

.

.

. .

.

. . .

.

.

.

. .

.

. .

.

.

.

. .

.

Où m'a menée ta route? ah! dans quelle maison?

(vv. 1081-2 et 1087)

cemprendre le sens des récriminations de Cassandre, il faut ici e\9-.miner le texte grec, dans lequel il'entrem~lent

jeux étymologiques et doubles sens.

" Deux éponymes d'Apollon sont utilisés au début de cette scène, Loxias et 8Quiatès. Le premier, d'un usage nettement plus

répa~du que le second, désigne la fonction proprement oraculaire

Gu( di eu -la- tradLt ion f rançai se de Loxia 5 étant l'Ob l i que,

cause du sens équivoque d~ ses oracles, ou ielon d'autres,

à

cause de la marche oblique du soleil." (31) Quant au second, d'un emploi plutôt rare et dont l'usage ici est justifié essen-tiellement par une donnée scénique, il désfgne l'Aguiata, stèle ou autel que l'an trouvai~

à

la porte des ~aisons en l'honneur

(33)

(

"l, .""~" " .. "

d'Apollon Aguieus dont le nom est dérivé du verbe agein, pour signifier le dieu protecteur Qui conduit sur les routes. Si l'on ,

.

ajoute

à

ces deux occur~nces le jeu étymologique sur le nom d'A-po 1.1 0 n (v.

J

0

a

2) qui 1 e rat t a cl, eau ver b e a polI u n ai, l e que 1 s.i:

-c.

gnifie perdre ou faire périr, il de~ient aisé de mettre

à

jour

.

le sens du réseau' rel ian t ces expressions entre elles: car 1 es

.".

deux premières stances de l'amoibaion nous donnent une clé de lecture pour l'ensemble de la scène de Cassandre, laquellelse place sous le signe de la perte, de la destruction. C'est en effet

à

ItfonctiDn destructrice d'Apollon que renvoie chacune

des invoc~ ions de Cassandre. La fonction même de cette

repré-sentation phyJique d'Apollon à laquelle Cassandre s'adresse

i'

-l'Agu"iata- est li ttéralement inversée et déniée par la si tua-tion dramatique. Un tel renvèrsement est propre à l'ironie tra-gique qui pqurra consister,

.

nou~ dit J.P.Vernant,"à montrer comment, au cours de l'action, le héros se trouve littérale-men t "p ris a u mot", un mot q ul se r e t 0 u r nec 0 n t r e l u i e n lui apportant l'amère expérience du sens qu'il s'obstinait à ne pas

t

r e con n a î tr e ." ( 3 2 ) L'Aguiata, dont la fonction est de c ondu ire

à

bon" port, d:

déSig~e~

la rout.e' à"' sui vre tout en pro-tégeant le voyageur, se

transf~e

ici en un dieu

q~i

conduit, certes, mais à la mort. Cassandre demande au dieu où il l'a ~on-duite (le terme utilisé est le verbe agein);

à

la féponse litté-raIe avancée par le choeur et Qui se place justement sous le si-gne positif ~de cet'Aguiata -!là la maison d'Atrée"-, se ,uperpose

(34)

-0

o

o

" ' i' - 1 ~ î li f

,

..

- une autre réponse encore sous-entendue (mais qui deviendra

~xpli-,

cite au vers 1139)' _tlà la mort"-. r~ponse qui se place quant i

, -:;

de Loxias. elle sous le sig~e obscur

1

Un rappro~hement peut ainsi ~tre établi entre ce bon

-.

et droit chemin auquel devrait présider l'Aguiata s'il n'était lui-même soumis ici au chemin retors de Loxias, l'Oblique, ces

q

deux fLgures venant redoubler la notion de perte inscrite dans le nom même d'Apollon ( apolêsas : tu m'as perdue, v.1082). Ce

~ouplage route littérale et directe! route métaphorique et re;?,rse

(qui sera repris, entre autre, au vers 1~54) doit ~tre gard~ en mémoire pour la suite de notre interprétation car il est

sous-."

jacent au discours même de Cassandre et symbôlise la parole venuè du 'di eu.

"Pour ceux à qui le dieu a fait le don, de grands mots émergent, comme autant de bornes sur la route ouverte par le rythme:

.•• d'a ù t i e'n s -tu 1 e s g r a ~ s mot s 5 i n i s t r es, b 0 r n e 5 div i

-~ -~ -~

~ ~ ~

~ ~

:.~ ~

te? de m

a.~

ne e choeur

à

Cassandre (11 54 - 5 ) Pour le po~te comme pour 1 $age existe une notion de la route. Elle'coincidait sa 5 doute à l'origine avec le

rythme et la structure: marqués par les bornes, et à remplir avec des mots ••• Partout les i~ages de la route et du flux ont se~vi ~ traduire le déroulement de la parole. Mais la précision du dessin et la saveur des • mots excluent l'utilisation banale d'une métaphor~ usée. Elles décrivent le processus logophanique." (33)

)

* * *

, • ... ... l

Aux evocat~ons des deux premieres stances succede e

premier accès prophétique de Cassandre qui se poursuivra pendant tes cinq derni~res stances de l'amoibaion. Ainsi qwe l~ remarque

t

&

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