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La collégiale de Mézière-en-Brenne, témoignage d'un art courtois

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Texte intégral

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Département d'Histoire

s'iûü, 5

Histoire de l'Art

LA COLLÉGIALE DE MÉZIÈRES-EN-BRENNE. TÉMOIGNAGE D'UN ART COURTOIS

NORMANDE GINCHEREAU

Mémoire présenté pour l'obtention

du grade de maître ès arts [M.A.]

ÉCOLE DES GRADUÉS UNIVERSITÉ LAVAL

DÉCEMBRE 1992

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a toujours su des études. la valeur

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La collégiale de Mézières-en-Brenne, commandée par Alix de Brabant, nièce du roi Philippe III le Hardi et, ainsi, cousine du roi Philippe le Bel, s'impose avec justesse comme l'expression d'un art courtois. Monument gothique de la troisième décennie du XIVe siècle, elle suscite beaucoup d'intérêt par la transposition d'éléments architecturaux carolingiens qui favorisent une ex­ pression civile, et par l'affirmation de proportions habilement établies selon le

nombre d'or ou par la savante recherche de ses architectes-géomètres. L'agencement étudié qui s'affirme surtout dans son architecture et le raffinement subtil exprimé dans sa sculpture et sa peinture sur verre en font un témoignage éloquent de l'époque du gothique rayonnant.

Étudiante

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Mon sujet de recherche, une monographie de la collégiale Sainte-Marie- Madeleine de Mézières-en-Brenne, me fut proposé par mon directeur, M. Roland Sanfaçon, professeur d'histoire de l'art médiéval, à l'Université Laval de Québec. Il a supervisé ma recherche avec patience, constance et discrétion. Je lui exprime ma profonde gratitude pour son appui compétent et pour ses interventions toujours pertinentes et riches d'enseignement.

J'adresse, en outre, mes remerciements particuliers à M. Robert Favreau, directeur du Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale, à l'Université de Poitiers, qui a su orienter ma recherche avec sagacité et qui a répondu avec empressement à mes interrogations.

Durant mon stage de recherches en France, en 1991 et en 1992, j'ai eu le bonheur de rencontrer des personnes fort compétentes pour ma documentation. Je veux notamment souligner l'intervention de M. Marc Cioffi, architecte départemental de l'Indre, à Châteauroux et l'intervention de sa secrétaire, madame Pauline Nivet. Leur collaboration attentive et judicieuse a suscité une multitude de situations et de contacts qui m'ont permis de constituer un dossier de première importance.

À Mme Nicole Patureau des Archives départementales de l'Indre, à M. Lucien Pragrassam et Mme Catherine de la Bibliothèque du Patrimoine à Paris, à Mme Fabienne Chaudesaigues de la Direction du Patrimoine à Paris, à M. Brabant des Archives départementales de l'Eure, mes remerciements les plus sincères pour leurs services efficaces.

Je remercie également mes enfants, Dominique, Marie-Josée, Benoît, ainsi que mes amis qui ont su m'encourager par leur réconfort, leur appui fidèle et leur écoute stimulante.

Je réserve un merci tout spécial à mon époux, Jacques Fournier, qui a consacré plusieurs heures de sa convalescence pour relire patiemment mon texte. J'ai bénéficié de son aide précieuse et de ses critiques amicales.

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TABLE DES MATIÈRES

Page

RÉSUMÉ... ii

AVANT-PROPOS... Hi TABLE DES MATIÈRES... iv

INTRODUCTION... 5

CHAPITRE I Alix de Brabant et son temps... 10

CHAPITRE II La collégiale et l'art de plaire... 19

CHAPITRE III La collégiale et l'art d'être un monument courtois 37 A) Par son agencement étudié à l'extérieur... 39

à l'intérieur... 50

B) Par son raffinement subtil au portail... 59

au choeur... 66

CHAPITRE IV La collégiale et ses racines... 77

CONCLUSION... 86

BIBLIOGRAPHIE... 89

TABLE DES FIGURES... 96

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de MÉZIÈRES-en-BRENNE

Introduction

Présentation générale

Le profil d'une collégiale à trois flèches s'impose assez rapidement à l'attention du voyageur qui s'avance vers Mézières-en-Brenne 1. Cette allure quelque peu limousine 2 n'est pas unique dans le Berry, mais ce monument capte rapidement l'attention par ses proportions agréables et sa stature imposante pour une petite commune de l'Indre.

Notre étude porte sur la collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en- Brenne, construite dans la troisième décennie du XIVe siècle et consacrée précisément le 22 juillet 1339, quelque six ans après le début de sa construction. Nous limitons notre recherche au bâtiment d'origine, délaissant sciemment les chapelles des XVe (fig. 6 et 7) et XVIe (fig. 3, 4 et 5) siècles, jouxtées, de part et d'autre de la nef, près du choeur.

Après six cent cinquante ans d'existence, l'édifice se présente un peu altéré, un peu usé, mais malgré la trace du temps, malgré la marque des réparations nécessaires, malgré des modifications hasardeuses 3, voire quelques altéra-1 La localité de Mézières-en-Brenne est située à quelque 45 km de Châteauroux (fig.1), à

environ 250 km au sud de Paris. La carte à laquelle nous nous référons provient du Corpus Vitrearum , " Les Vitraux du Centre et des Pays de la Loire ", figure 178.

2 ENLART, Camille. Manuel d'Archéologie française , 2 e partie, 698.

3 Nous pouvons nous référer ici à un manuscrit de 1838 de la Bibliothèque du Patrimoine de Paris et retenir le commentaire suivant : " On en peut guère, par apperçu (sic) évaluer les frais d'une restauration complète à une somme moindre de trente à quarante mille francs : la moitié de cette dépense suffirait peut-être pour les simples travaux de conservation et la mise en état des parties essentielles parmi lesquelles est la flèche du clocher récemment dégradée par la foudre ", [fin de la page 9 et début de la page 10]. Le même texte nous fournit, à la page 5, une autre remarque utile : " Vers 1820, la flèche

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tiens plus ou moins réussies 4, il est permis de l'apprécier comme un monu­ ment de grand intérêt.

Le XIVe siècle n'est pas une période choyée. Plusieurs crises le bouleversent, plusieurs événements le laissent dépourvu. À cette période, la France se remet difficilement de la mort de saint Louis, son roi. La disparition de ce monarque est d'autant plus pénible qu'elle s'accompagne d'une diminution de l'importance que s'était jusqu'alors gagnée la France. C'est peut-être ce fait qui désintéresse les curieux d'une époque qui en fut une de jonction. Par les difficultés de toutes sortes qui le dominent, guerres, pestes et autres calamités, ce siècle mérite bien le qualificatif " douloureux " que lui attribue Gabrielle Démians D'Archimbaud 5. Mais le XIIIe siècle, temps béni des grandes cathédrales, ne saurait-il donc être là que pour être suivi du XVe siècle, cette flamboyante période où les idées bouillonnent et où les réalisations étonnent, peu avant les magnificences de la Renaissance ? Même si le XIVe siècle n'est pas la période charnière à laquelle les spécialistes aimeraient souvent se référer, ce siècle connaît cependant un cheminement qu'il est bon de rappeler ici. La collégiale de Mézières-en-Brenne est un exemple de cette époque et notre recherche veut être un apport à la connaissance de ce temps.

L'idée de nous attacher à cette oeuvre comme sujet de recherche pour l'obtention d'un diplôme universitaire de deuxième cycle est une proposition de notre directeur, monsieur Roland Sanfaçon. Il a attiré notre attention sur cette collégiale de l'Indre à la suite de notre désir d'effectuer une étude sur un

(sic) principale, (celle du milieu) a été remplacée par une charpente en bois couverte d'ardoises; les deux pointes latérales ont été supprimées; ce qui change le caractère primitif de la construction qui rappelait celui de plusieurs églises des Pays-bas."

4 Dans une lettre datée du 26 juillet 1902, le Directeur des Beaux-Arts [ Palais Royal ] informe le Préfet de l'Indre, " pour le ministre et par autorisation " que : " [...] conformément aux propositions de [sa] lettre du 18 juillet, [il I'] autorise à confier à M. Sauvanet, architecte ordinaire des Monuments Historiques du Département de I' Indre, la mission de visiter l'Église de Mézières-en-Brenne et d'indiquer les mesures à prendre pour la démolition de la tribune exécutée sans autorisation et l'enlèvement des enduits et faux joints qui, suivant le rapport de M. G. Darcy, architecte en chef, et de I' aveu des Membres du Conseil de Fabrique, ont été exécutés, aussi, sans autorisation et au détriment de I' aspect intérieur du monument classé Documentation de Mézières-en-Brenne, Bibliothèque du Patrimoine, Paris.

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présenter un intérêt certain. Monsieur Sanfaçon s'est référé à sa documentation personnelle très variée pour nous présenter la collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne. En nous proposant ce monument, monsieur Sanfaçon fut bien inspiré et, tout comme nous, il est aujourd'hui étonné que notre réflexion nous ait permis d'exprimer autant d'idées sur ce sujet.

La collégiale de Mézières-en-Brenne n'a pas été l'objet d'études fréquentes par les historiens de l'art. En fait, il n'existe qu'une publication concernant cette collégiale, soit celle de monsieur N ave let, datée de 1883. Dans une brochure d'une douzaine de pages, dont quasiment la moitié concerne les vitraux de la collégiale ou la chapelle du XVIe siècle, monsieur Navelet nous présente une étude brève mais riche de renseignements fort pertinents. Une autre source intéressante, mais réservée elle aussi aux vitraux de la collégiale de Mézières, est un article du Bulletin Archéologique de 1934-35 sous la plume de monsieur le chanoine Maurice de Laugardière. En sa dizaine de pages, cette référence constitue une analyse très approfondie des vitraux de la collégiale. Plus récemment, madame Françoise Perrot a présenté dans la collection Congrès Archéologique , en 1984, un article sur " L'église Sainte- Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne ". Pour madame Perrot, l'intérêt de la collégiale réside surtout dans son vitrail et l'auteure oriente presque tout son propos sur l'appréciation de cette réalisation artistique.

Comme autre source documentaire, nous avons pu nous référer au Manuel d'Archéologie française de monsieur Camille Enlart où la collégiale de Mézières est répertoriée. De brèves mentions peuvent être également relevées chez Deshoulières, Chaubin et Fievez, mais sans plus. Parmi la documentation des Archives sur la collégiale de Mézières-en-Brenne, nous pouvons consulter le Fonds Hubert qui constitue un répertoire d'informations et de commentaires sur les seigneurs, le château, la collégiale, le chapitre ou les chanoines de Mézières. De plus, nous comptons sur les rapports des architectes qui, au cours de leur mandat, en évaluant les réparations qui s'imposaient à la collégiale, transmettaient une appréciation de ce monument.

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Il est fort heureux qu'ils furent plus perspicaces et patients que monsieur Prosper Mérimée, célèbre inspecteur des Monuments historiques qui considérait que " L'église de Mézières ... n'offre que fort peu d'intérêt... " 6.

À travers ces études, courtes évaluations ou brèves mentions, nous sommes à même de constater que la collégiale de Mézières-en-Brenne ne fut jamais choisie comme sujet de recherche intensive. En plus de la brièveté de ces écrits, nous devons constater que l'accent a toujours été mis sur les vitraux de la collégiale ou sur la chapelle d'Anjou du seizième siècle. Tous les autres éléments sont peu exploités ou ignorés.

Pour notre sujet de recherche, nous nous intéresserons tout d'abord à la fondatrice de cette collégiale, Alix de Brabant. Nous rappellerons ensuite quelques événements importants qui ont marqué l'histoire de sa famille et nous essaierons de faire valoir la volonté de cette seigneure pour que soit construit un monument sophistiqué 7.

Nous établirons par la suite quels sont les points majeurs qui, selon nous, suscitent l'intérêt pour ce bâtiment. Nous regroupons nos idées sous deux thèmes majeurs : la stature imposante et les proportions agréables de la collégiale. Sa stature imposante se manifeste surtout par sa façade occidentale massive révélant l'utilisation d'éléments architecturaux carolingiens, mais elle se révèle aussi par l'ensemble de l'édifice qui suggère, par bien des aspects, l'ambiance civile de palais. Quant à ses proportions

Paris, Bibliothèque du Patrimoine, premier dossier de Mézières-en-Brenne, lettre du 12 juillet 1850.

Nous devons souligner que " l'Église de Mézières-en-Brenne, classée en Février (sic)1848 au rang des monuments historiques de France, la première + entre tous les édifices du Département de l'Indre, a été fondée au commencement du XIV®me siècle, par Alix de Brabant, belle-soeur (sic), à la fois de Philippe le Hardi et de Marguerite, fille de St Louis. " + = Note de bas de page de ce document : Voir le Recueil des Actes administratifs de la Préfecture de l'Indre - 18 Février 1848 - Ces commentaires apparaissent dans un manuscrit daté du 7 février 1848 et constituent une partie de l'ordre du jour de la réunion du " conseil de Fabrique de l'église de Mézières-en-Brenne réuni extraordinairement sur autorisation de Monseigneur l'Archevêque de Bourges ". Dossier d'archives de la Bibliothèque du Patrimoine, Paris.

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et en identifiant un plan de Sainte Chapelle adopté pour ce monument du Berry.

Enfin, les qualités de la collégiale de Mézières-en-Brenne sont établies avec assez de force pour permettre d'y voir l'expression d'un art courtois, art révélé par un agencement étudié et par un raffinement subtil. Ces deux carac­ téristiques se vérifient autant à l'extérieur qu'à l'intérieur et ce dans l'expres­ sion architecturale, sculpturale et picturale. Avant de conclure, il sera opportun de préciser que la collégiale transpose avec conviction les grands courants artistiques de son temps en ajoutant quelques attributs spécifiques de la tradition régionale pour devenir encore plus particulière et attachante.

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Chapitre I

Alix de Brabant et son temps

Il convient certes de présenter d'abord la personne Alix de Brabant, seigneure de Mézières-en-Brenne qui a commandé la réalisation de cette collégiale. Cependant l'histoire est fort discrète à son égard. Notre recherche nous a permis tout de même de glaner ici et là quelques informations sur sa famille et la petite histoire qui ponctue cette période.

Alix de Brabant était petite-fille d'Hervé de Vierzon " qui, durant son mariage, s'était croisé deux fois avec le roi saint Louis " 8. Nous pouvons même ajouter que le grand père d'Alix de Brabant est mort au siège de Tunis, aux côtés du saint roi. De plus, il est intéressant de noter que ce même Hervé de Vierzon " avait commencé, en la ville de Bourges, la construction de l'église et du couvent des frères Mineurs ou Cordeliers [...] " 9. De son côté, Jeanne de Brenne, épouse d'Hervé de Vierzon, avait déjà fondé,

" l'an 1287, le quatrième dimanche de carême, la chapelle 10 et vicairie de Saint-Léonard, au château de Mézières, pour le salut de son âme, de celle de Geoffroy de Brenne, son oncle, et de ses autres prédécesseurs, seigneurs de Mézières, et la dota de ses biens patrimoniaux. Cette fondation fut autorisée par l’archevê­ que de Bourges et l'abbé de Saint-Ciran, qui avaient auparavant, droit de nommer à une vicairie dans le château de Mézières " 11.

Fonds Hubert (F. 176), Archives de l'Indre, Châteauroux. Fonds Hubert (F. 176), Archives de l'Indre, Châteauroux.

" une chapelle fondée en l'honneur de Saint Léonard, de quinze pieds de longueur et de dix pieds de largeur, placée dans la cour du château et assez proche des bastiments cy dessus, en laquelle chapelle il y a trois messes de fondation par semaine qui se doivent dire par les chanoines de Saint Léonard du chapitre de Mézières. " Fonds Hubert (F. 176), Archives de l'Indre, Châteauroux.

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Brenne 12 et d'Hervé de Vierzon. Jeanne de Vierzon avait épousé en 1280 Geoffroy de Brabant, fils d'Henri III (duc de Brabant) et d'Alix de Bourgogne (fille de Hugues IV, duc de Bourgogne et d'Iolande de Dreux). Geoffroy de Brabant était frère de Jean I (duc de Brabant) 13, marié à Marguerite de France (fille du roi saint Louis). Il était également frère de Marie de Brabant mariée à Philippe III le Hardi (fils, lui aussi, du roi saint Louis). Tout cela faisait donc d'Alix de Brabant une nièce du roi Philippe III le Hardi et par le fait même une cousine du roi Philippe le Bel. Rappelons, en outre, que c'est à la bataille de Courtrai que Geoffroy de Brabant perdit la vie, le 11 juillet 1302. D'ailleurs, Jean, le seul frère d'Alix, a également été tué lors de ce célèbre et terrible combat.

Ce bref historique de la généalogie d'Alix de Brabant nous permet de constater qu'elle était " dame de haut lignage "14 et nous autorise à supposer qu'elle possédait une assez grande richesse.

C'est en 1302 qu'Alix de Brabant épousa Jean III, seigneur d'Harcourt et vicomte en Cotentin. Par son affiliation à la maison d'Harcourt, Alix de Brabant enrichit ses relations. Ainsi ne sera-t-il pas surprenant de constater, à propos de la collégiale de Mézières-en-Brenne, une influence normande dans la réalisation de certains éléments. Il faut aussi ajouter que la proximité de la Bourgogne et la forte affirmation artistique de cette région auront quelques échos à Mézières. Enfin, les réalisations architecturales dans le domaine royal, surtout en ce qui concerne les parties centrale et septentrionale de

"[...] dernière descendante des seigneurs primitifs du pays ", Cf. Maurice de Laugardière, Les Vitraux de Mézières-en-Brenne , Indre, 647.

BORD, L.J. Généalogie commentée des rois de France . 140 (cf. annexe CL Nous avons ajouté sous le nom de Marguerite, fille du roi Louis IX " ép. : Jean I (duc de Bra­ bant) ". Cette information nous est donnée par madame Françoise Perrot, dans la revue Congrès Archéologique de France . " L'église Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en- Brenne ", 192. La consultation du Manuel de géographie historique de la France de Léon Mirot nous apprend que Marguerite, fille du roi saint Louis, a épousé Jean I er, roi de Brabant.

PERROT, Françoise . Congrès archéologique de France , " L'église Ste-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne " , 192.

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l'Hexagone, laisseront des marques dans la construction de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine.

Durant les quelque vingt-quatre années d'union conjugale d'Alix de Brabant et du seigneur d'Harcourt, nous pouvons relever au moins un événement qui a une certaine importance pour l'histoire de leur Seigneurie. Citons les propos de madame Annie Fievez, dans son étude de La Châtellenie de Mézières-en- Brenne :

" Celui-ci (Jean III) se servit du château de Mézières, comme d'un lieu de détention pour y séquestrer le procureur du seigneur de Saint-Flour, avec lequel il avait un différend. Ce qui tendrait à prouver qu'il n'y habitait pas, mais qu'il y avait une garde suffisamment importante. Un arrêt rendu par le Parlement de Paris en Février 1323 nous apprend que Jean III fut condamné pour cela à cent livres tournois d'amende envers les parties et dix mille livres tournois d'amende envers le roi " et il fut ordonné de plus que les portes dudit château, pour flétrissure éternelle, seraient abattues sans pouvoir jamais être réparées, qu'avec la licence expresse du prince ". ( La Roque de la Lontière, Histoire généalogique de la maison de Harcourt , Cromoisy imp., Paris, 1662, p. 349.) 15

Il est important d'ajouter le court paragraphe suivant de madame Fievez pour rendre justice à Jean III, seigneur de Mézières :

" Mis à part ce forfait, qui bafouait si évidemment la justice supérieure que les Capétiens tentaient de mettre en place, Jean III ' rendit de grands services à l'Estat ' ".

" La gestion de la seigneurie de Mézières incomba à Jean III 16, ainsi que le veut la coutume " 17 jusqu'à sa mort, en 1326. C'est alors qu'Alix de Brabant

15 FIEVEZ. Annie. La Châtellenie de Mézières-en-Brenne . 34.

16 Dans un manuscrit de la Commune de Mézières-en-Brenne, le mari d'Alix de Brabant est appelé " Jean d'Harcourt dit le boiteux ". Bibliothèque du Patrimoine, Premier dossier, document signé par A. Bisson et daté de Châteauroux, le 30 nbre 1841.

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tard, en 1332, elle fonde une collégiale " pour sa sépulture " 18. Ainsi la collégiale Sainte-Marie-Madeleine devait-elle jouer le rôle de " monument funéraire ", mais ce rôle ne fut pas exploité complètement : la collégiale devait certes recevoir le tombeau de sa noble fondatrice, mais comme Alix de Brabant est morte quelque deux ans après la consécration de la collégiale, ce laps de temps fut de toute évidence trop court pour l'élaboration d'un monument plus sophistiqué.

Lorsque nous consultons la documentation de la collégiale de Mézières-en- Brenne, nous lisons que " son corps repose dans le sanctuaire au milieu 19, près du grand autel, ainsi qu'elle l'avait ordonné " 20. Y aurait-il avantage à chercher où se trouvent les restes d'Alix de Brabant en utilisant la méthode qui sert à désigner le carré d'or ? Quoi qu'il en soit, notons comment les historiens soulignent cette inhumation. Dans un manuscrit de 1838, de la documentation de Mézières-en-Brenne, à la Bibliothèque du Patrimoine, à Paris, nous obtenons l'information suivante : " Alix de Brabant y est inhumée sous une pierre sans apparence qui fait partie du pavé de l'église. " Chez Chaubin 21 22, nous lisons : " On l'enterra dans le choeur. " Chez Deshoulières 22 : " Alix de Brabant [... ] gist en la dicte église au dedans du choeur. " Dans la Documentation Historique # 2 des Archives de l'Indre, nous sommes informée que : " le corps repose dans le sanctuaire au milieu, près du grand autel, ainsi qu'elle l'avait ordonné " 23. Enfin, chez Fievez, il est indiqué : "...elle demanda à reposer devant le grand autel de la collégiale " 24. À leur

18 "... et consacrée par l'Archevêque de Bourges, Foucaud de Rochechouart, le 22 juillet 1339. " M. le Chanoine Maurice de Laugardière, Les Vitraux de Mézières-en-Brenne (Indre), 647.

19 Plus loin, dans notre exposé, nous verrons l'application du nombre d'or, mais, ici, ne pouvons-nous pas supposer que l'emplacement de la dépouille d'Alix de Brabant pourrait peut-être correspondre à la situation du carré d'or? Si l'on calculait la spirale logarithmique, le résultat serait-il heureux ?

20 NAVELET, H. Mézières-en-Brenne. Son Église . 1883.10. 21 CHAUBIN, Lucienne. Le Blanc : 20 siècles d'Histoire , 198. 22 DESHOULIÈRES, F. l es églises de l'Indre , 251.

23 Archives de l'Indre, Château roux, Mézières-en-Brenne. - " Alice de Brabant. 1339 ", docu­ ment non paginé.

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manière, plusieurs auteurs apportent donc à peu de chose près le même renseignement, modifiant quelque peu l'endroit et le moment précis de l'inhumation. De nouvelles fouilles selon les techniques de recherches plus sophistiquées procureraient-elles quelques lumières, quelques éclaircisse­ ments sur cet épisode plutôt obscur ?

Ensuite, à plusieurs reprises et dans plus d'un document, il est écrit qu'en 1877, l'autel fut déplacé vers le fond de l'église. À l'occasion de ce déplacement, on chercha sans succès la sépulture en question. À ce propos monsieur Navelet affirme :

" on découvrit, enfermé dans une cavité murée, l'acte de consécration écrit sur parchemin 25, en 1339, accompagné d'un petit reliquaire en ivoire clos par un fermoir d'argent fleurdelisé; ces objets sont replacés dans le tombeau de l'autel où ils avaient été trouvés "26 27.

Dans la collégiale, nous ne trouvons pas de tombeau décoré ni d'aménagement prévu pour souligner la présence de la dépouille d'Alix de Brabant, que ce soit sous la forme de transi, de gisant, d'orant ou de priant, comme cela se voit souvent ailleurs. Dans d'autres monuments funéraires, au contraire, que ce soit des chapelles modestes ou luxueuses, des nefs d'abbayes ou de cathédrales, nous observons des réalisations tout à fait remarquables. En effet, à cette époque, l'abbaye de Westminster reçoit les restes du duc de Lancaster (1296) et ceux du Lord John of Eltham (1334). Il en est de même à la cathédrale d'Exeter où se trouve le tombeau de Sir Richard de Stapeldon (1320) et celui de l'évêque Walter de Stapeldon (1326) 27. Même chose à l'abbaye royale de Saint-Denis, où il est possible de se recueillir devant le tombeau de Louis de France et où le gisant est 25 II s'agit probablement du document dont nous mettons la photocopie en annexe, soit

l'annexe A. Dans le coin supérieur gauche, nous discernons l'inscription "1339 ". 26 NAVELET, H. Mézières-en-Brenne . Son Église. 1883, 11.

27 CROSSLEY, Fred. H. English Church Monuments. A. D. 1150-1550, 54-74. PANOFSKY, Erwin. Tomb Sculpture, figure 246. ERLANDE-BRANDENBURG, A. Leroi est mort, planche XXXIV. Voir notre figure 53.

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monument funéraire.

Il arrive qu'à Mézières-en-Brenne, le bâtiment dans son entier exploite les caractéristiques décoratives de ce type de réalisation de cette époque : gables nombreux et variés, niches garnies généreusement, pinacles effilés et rehaussés de nombreux crochets et enfin décorations, où le feuillage est abondamment exploité comme accessoire important. Comme nous le verrons plus loin, ces éléments se retrouvent à la fois dans la pierre et dans le verre, présentés cependant d'une manière plutôt restreinte dans le porche, à l'ouest, mais, par contre, d'une façon plus exhaustive sur toute la surface vitrée du choeur et de la nef. Ne pouvons-nous pas mentionner déjà que les personnages agenouillés des vitraux de la nef constituent, d'une certaine manière, des priants, déjà bien recueillis dans leur attitude dévote ?

Cette digression sur les " tombeaux " et leur exploitation a son importance, car elle nous rappelle le but de la fondation de la collégiale de Mézières-en- Brenne, à savoir qu'elle doit devenir le lieu de sépulture d'Alix de Brabant. Durant cette période du Moyen Âge, la mort et ses affres sont une préoccupation constante et il ne faut pas s'étonner du souci permanent qui tourmente tous et chacun.

Pour annoncer la fondation de sa collégiale, voici comment s'exprime Alix de Brabant dans le document A.l. G 161-1 que cite madame Fievez, :

(1) 28 " À touz ceux qui ces lettres verront et oiront, nous Aelips de Brebant. dame d'Arscot. de Harecourt et de Mazeres , salut. Sachent tant presens et a venir que nous avons fondé en notre ville de Mazeres, en diocese de Bourges,

Les chiffres, placés ici entre parenthèses, correspondent à la numérotation des lignes du manuscrit du XIVe siècle dont nous ajoutons une photocopie à l'annexe A. Cette photocopie correspond à la page 167 du travail de madame Fievez, La Châtellenie de Mézières-en-Brenne , 168, 173 et 174.

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une esglise collegian et seculiere (2) pour faire le devin service celebrer a la louenge de notre seigneur Jesus Crist, de sa Glorieuse Mere, de la benoîte Marie Magdalene, de monseigneur Saint Michel et de toute la court de Paradis. En laquelle nous avons fondé et doné une trésorerie, six prebendes et quatre viqueries et (3) avons présenté a la dite trésorerie notre ame clerc Robert Cavellier, licencie en lois, a reverent Pere en Dieu monseigneur Fougues, par la grace de Dieu arcevesque de Bourges pour le temps, a estre institué par le dit monseigneur l'arcevesque. [...] Sur ce bien avisée, bien conseillée et bien enformee (46), par lont temps retenu a nous et a nos hoirs toute la justice et seigneurie en toutes et chescunes les choses dessus dites. En tesmoing des quelles choses nous, Aelips de Brebant, dessus dite avons (47) fait metre et apposer notre grant scel en ce présentes lettres : Donné l'an de grace mil trois cenz trente et neuf [...] le samedi apres la nativité Notre Dame [...].

La fondation de la collégiale de Mézières-en-Brenne est confirmée par une lettre du pape Benoît XII, datée de 1337, à Avignon :

" 1337. Avignon, calendes de juin, 4e année du pontificat. Lettre du pape Benoit XII à l'Archevêque de Bourges, dans laquelle il lui marque qu' Alix de Brabant veut fonder une église en la ville de Mézières, dans laquelle elle mettra un trésorier 29 avec un nombre compétent (sic) de chanoines et chapelains 30, se réservant à elle et ses successeurs le droit de nommer aux canonicats et chapellenies, attribuant aux dits chanoines et chapelains la somme de 600 £ tant en biens qu'en rentes " 31.

1339. - Robert Canellier, trésorier, licencié en lois. Fonds Hubert (F. 176).

" Elle fonde une trésorerie, 6 prébendes de chanoines et 4 prébendes de vicaires. Fonds Hubert (F. 176), Archives de l'Indre, Châteauroux.

Fonds Hubert (F. 176). 31

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" [...] la fondation du chapitre dont Alix avait commencé à faire bâtir l'église, l'an 1333, dans un des faubourgs de la ville de Mézières, parce qu'il ne se trouva point de place commode dans l'enceinte de la ville. Il approuve et ratifie la fondation. Le titre de fondation faite à Mézières le jeudi d'après la St Michel porte qu'elle y fonda un trésorier, 6 chanoines et 4 vicaires, [...] " 32 et 33

Les deux écrits font état de 600 £. C'est une somme importante. À titre de comparaison, il faut savoir qu'une seigneurie rapportant 60 livres tournois par an permettait à son propriétaire de vivre d'une manière fort respectable 32 33 34. Pouvons-nous ajouter qu'à cette époque, une maison de Mézières, près de la collégiale, était acquise pour 25 £ 35 ? En plus de ce montant de 600 £, Alix de Brabant fait une donation appréciable. En nous référant, encore une fois, au Fonds Hubert des Archives de Châteauroux 36, nous pouvons lire qu'elle donne, en effet,

" la meson ou manoir édifié ou commencé à faire pour ladite trésorerie à Mazères [...] Elle affecte [...] un assez bon revenu par le don de la métairie de la Gabillère [...] elle y adjoint 144 boisselées de terres [...] cinq arpents de prés et un arpent de vigne [...] et encore [...] "37.

32 Fonds Hubert (F. 176).

33 Fig. 2, carte de Mézières-en-Brenne (Indre). 34 Fievez, Annie, 37, note 1.

35 Fonds Hubert (F. 177) 1348. Guibaut d'Ouche, trésorier, dont la soeur Jacquette lègue dix sous de rente sur une maison devant l'église de Mézières, acquise pour 25 £ ". 36 Fonds Hubert (F. 176).

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Nous pouvons en outre nous appuyer sur un document des Archives nationales de mai 1339, dans lequel est détaillé l'amortissement de la fondation de la collégiale payé par Alix de Brabant au roi de France :

" Philippe, par la grace de dieu roi de France, a touz ceuls qui ces présentes lettres verront et orront. Salut. Comme notre amie et féal Aelis de Brebant, dame de Harecourt et de Maze res meue par devocion, pour accroistre le devin service, a de nouvel fondé une chapelle en la dite ville de Mazeres. Laquelle pour le vivre et sustantacion de plusieurs personnes qui, Dieu, en la dite chapelle, serviront et célébreront de devin service, a doté de six cent livres de rente a tournois perpetuele, que icelle dame a assis ou doit assoir en ses domaines mouvanz de nos fiez ou arriéré fiez. [...] Nous avons eu et receu de la dite dame trois mile livres tournois des queles nous nous tenons pour aggres. [... ] Nous avons fait mettre notre scel a ces présentes lettres. Ce fut fait en l'an de grace 1339 au mois de May. par le Roy, et a lui leue de mot a mot. G. Dubois " 38

Ces quelques lignes permettent donc de savoir, d'une part, quel fut le prestige d'Alix de Brabant, et d'évoquer, d'autre part, le milieu social de la fondatrice. Ainsi la réalisation d'une collégiale fut-elle un objectif louable, important, voire même primordial, pour une seigneure, digne et consciente de son rôle.

38 Archives nationales JJ 71 # 252 - Mai 1339. Le texte entre guillemets, reproduit ici, est un extrait fourni par madame Fievez dans son mémoire sur la Châtellenie de Mézières-en- Brenne, pages 176-178. En annexe B, nous avons la photocopie de ce parchemin, soit la page 175 du travail de madame Fievez.

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La collégiale et l'art de plaire

La collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne fut édifiée dans un faubourg situé à l'est de la ville. Nous n'avons malheureusement pas trouvé de renseignements précis sur l'insertion de cet édifice dans son environnement au quatorzième siècle si ce n'est la mention de l'existence d'un cimetière et de bâtiments conventuels à proximité de la collégiale. Par tradition, le cimetière devait être près du choeur. Certains témoignages des gens de la région nous laissent penser que les bâtiments servant à loger les chanoines ont dû occuper les terrains sis au sud de la collégiale sans pour autant y être accolés. Notre recherche, principalement axée sur la collégiale elle-même, ne nous a pas menée à découvrir de documents sur ces bâtiments secondaires.

Mais, voyons de plus près, maintenant, comment la collégiale capte vite l'attention, par sa stature imposante et ses proportions agréables.

Sa stature imposante

La façade occidentale de ce bâtiment lui donne fière allure. Une tour centrale massive, où s'appuient deux tourelles élevées de part et d'autre, au sud et au nord, domine avec hardiesse tout le monument. Cette tour et chacune de ses tourelles sont coiffées d'une flèche effilée.

Cette façade occidentale, en plus de présenter un effet vertical par ses trois flèches qui pointent d'une manière assurée vers le ciel, crée paradoxalement

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un effet massif en raison de la forme rectangulaire qu'occupent cette tour et ces tourelles. Large de quelque quatorze mètres et profond de quelque cinq mètres, le massif occidental excède la nef de quelque quatre mètres. C'est dans cette extension qu'on installa les tourelles d'escaliers sur des bases solides, tout en libérant un espace ouvert dans l'axe. Un porche de cinq mètres et demi sur cinq y occupe une zone centrale à la fois ouverte et fermée.

Cet évidement, au milieu de la façade ouest, est surmonté par une tour principale dont l'étage est occupé par une tribune éclairée d'une grande baie. Cette tribune spacieuse est elle-même dominée par une tour de clocher, ajourée sur ses quatre faces.

Tout comme pour la façade de l'ouest, les façades latérales et le chevet de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne se présentent avec harmonie, simplicité et élégance. Initialement, huit fenêtres 39 d'égale grandeur et deux portes, plus étroites que les baies, devaient découper uniformément et symétriquement les murs de la nef. De ce premier arrangement subsistent actuellement, du côté nord, deux fenêtres, l'une vitrée et l'autre cloisonnée, ainsi qu'une porte murée, près de la tourelle d'escalier. Du côté sud, nous remarquons, près de l'autre tourelle, une première fenêtre qui a été transformée et une deuxième qui est garnie de vitrail. Entre chacune de toutes ces ouvertures, pour bien renforcer l'étagement de pierres, un contrefort bute d'une manière répétitive et efficace, les portions de murs rigoureusement alignées.

L'abside, pour sa part, est rythmée en trois pans, chacun étant ajouré par une fenêtre. Ce dépouillement architectural extérieur permettra à la recherche sculpturale, tout comme au raffinement de la peinture sur verre, de s'affirmer avec encore plus de force à l'intérieur.

Serait-il plus juste de parler de neuf fenêtres dans la nef, quatre du côté nord et cinq du côté sud ? Une fenêtre de plus au sud aurait peut-être été le choix des constructeurs pour assurer d'une manière différente la symétrie des ouvertures de la collégiale de Mézières-en-Brenne.

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l'architecture extérieure de la collégiale de Mézières-en-Brenne, il en est de même à l'intérieur, car ces qualités y sont également présentes. Scandée par cinq travées, la nef unique s'étire sur quelque vingt-neuf mètres. Quant à la largeur, limitée à neuf mètres, elle accentue un peu l'effet d'allongement de tout le bâtiment. Par ailleurs, un plafond lambrissé " en lames de chêne " 40 recouvre uniformément la nef et le choeur de la collégiale et, de toute évidence, en décuple l'effet recherché. L'alignement de ces fines lamelles sombres, courbées régulièrement, renforce l'unité de cet intérieur par l'uniformité du matériau et par son emploi répétitif sans variation.

À chacune des travées de la nef et à chaque pan de l'abside, se trouve une ouverture importante qui découpe chacune des portions de mur. La première travée ouest est cependant moins ajourée. En effet, du côté nord, une porte plutôt modeste y est aujourd'hui murée, tandis que du côté sud, la porte nous semble avoir été remplacée par la construction d'une fenêtre également murée. Par contre, les autres travées de la nef et les pans de l'abside présentent des fenêtres à doubles-lancettes, surmontées d'un oculus. Des douze fenêtres vitrées du XIVe siècle seulement quatre subsistent encore 41. Le maître d'oeuvre a donc prudemment découpé chacune de ces divisions. Les murs importants et lisses, tout en accordant aux pierres une grande liberté, en assurent la solidité et la sobriété.

L'impression de stature imposante que donne la collégiale de Mézières-en- Brenne se manifeste aussi dans le massif occidental par l'utilisation d'éléments de l'architecture carolingienne. Cet autre aspect est fort important et nous nous y référons avec grand intérêt. Il s'agit en effet d'un " Westwerk ". Il reflète, de toute évidence, un aspect de l'architecture carolingienne, architecture reconnue pour favoriser une affirmation civile . Avec monsieur

Navelet, H. Mézières-en-Brenne. son église , 8.

Les fenêtres 0,1,2 et 9 que nous pouvons identifier sur notre figure 46 font partie de l'inventaire des vitraux présentés dans le Corpus Vitrearum - Centre et Pays de la Loire, à la figure 185.

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Wilhelmus Hermanus Vroom, nous croyons que " les tours, symboles du pouvoir séculier, étaient un objet recherché par le mécène " 42.

Un massif barlong, encadré de deux tourelles, percé d'un passage voûté et pourvu d'un oratoire supérieur, dominé lui-même par un beffroi, sont les éléments de base du corps occidental des églises carolingiennes. En effet, ces éléments constituent un " lointain reflet des traditions carolingiennes ", comme l'indique monsieur Reinhardt 43. Ce thème ancien est présent à Mézières-en-Brenne, même si le concept originel en est quelque peu réduit. Ce rappel a d'autant plus de significations que le massif occidental de cette collégiale compose une espèce d'avant-corps de logis, une sorte de chevet occidental beaucoup plus vaste, imposant et grandiose que le chevet liturgique. Celui-ci se présente comme une simple extrémité de nef par un choeur tout simple et une abside peu accentuée.

Tant d'éléments, empruntés à la tradition carolingienne, ne sont pas l'effet du hasard. La tour centrale, à elle seule, augmente la valeur du massif de façade non seulement par sa position axiale et frontale mais aussi par son important volume. Les deux tourelles, à la fois par leur position excédentaire et par leur proximité de la tour centrale, viennent appuyer l'effet manifeste d'une architecture impériale.

La présence d'une tribune seigneuriale, logée dans un tel massif, rappelle, elle aussi, l'ancien agencement carolingien. Cette tribune constitue la chapelle haute ou l'oratoire supérieur, lieu qui permettait au souverain de dominer l'assistance. Elle forme un endroit privé, bien isolé de l'enceinte publique, sauvegardant ainsi une intimité recherchée. Les escaliers inté­ rieurs qui donnent accès à cette tribune, chapelle ou oratoire, se conforment, eux aussi, au modèle de la chapelle haute du schéma carolingien.

Vroom, W. H. " La construction des cathédrales au Moyen Âge : une performance éco­ nomique " in Les bâtisseurs des cathédrales gothiques , 83.

Reinhardt, H. " Comment interpréter le plan carolingien de St-Gall " in Bulletin Monumen- îâi, 1937, 463.

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fort respectée afin de mieux affirmer une certaine prestance, une certaine autorité, voire même une certaine domination. Par " une forte tour centrale, accompagnée de deux tourelles d'escalier qui encadrent un porche ", la collégiale de Mézières-en-Brenne reflète donc l'allure carolingienne, en mettant en évidence les éléments importants de cette architecture, tels que les a relevés monsieur Carol Heitz 44.

Cette silhouette triforme de la façade occidentale impressionne d'autant plus qu'elle accentue paradoxalement à la fois la lourdeur et la verticalité du bâtiment. La verticalité est d'abord affirmée par la forme effilée de la tour et des tourelles mais elle l'est aussi par les nombreuses lignes qui en précisent la découpe. En plus des lignes droites des coins du rectangle de ce transept transposé, il faut compter les lignes des pans de chacun des murs des tourelles, les lignes de la tour du clocher, les lignes qui précisent l'encor­ bellement de la tribune et la ligne très affirmée du pilier central. Nous rele­ vons, en outre, les lignes obliques des portions latérales qui décuplent cet effet de verticalité, tout comme celles des toitures des flèches. Toutes ces lignes contribuent à assurer avec vigueur l'élan vertical du bâtiment.

L'affirmation civile dans l'architecture de la collégiale de Mézières-en-Brenne, déjà mise en évidence par la présence de plusieurs éléments carolingiens dans le massif occidental, est en outre subtilement soulignée dans le porche lui-même. En effet, sur le mur sud, nous remarquons une inscription gravée, bien en vue, à hauteur d'homme, près de la niche isolée. Pour comprendre cet écrit, nous avons eu recours à un document de la Bibliothèque du Patrimoine, hôtel de Croisilles, à Paris 45 :

44 45

Heitz, Carol. L'architecture religieuse carolingienne , 230.

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Celui qui de Sancerre est Comte,

(Quer) 46 Des ouvriers tint point de compte; Quand à la chapelle ouïr vint

Vespres, one tant ne lui avint.

Cette inscription est fort étonnante : le lieu où nous la trouvons, la langue utilisée et le message qu'elle contient suffisent pour dire qu'il s'agit là d'une affirmation civile et non religieuse. Il convient, en outre, de souligner que ce graffiti est quelque peu postérieur à la période d'Alix de Brabant. Ce sont probablement des manants qui, un jour, ont osé graver leur mépris, parce qu'ils s'étalent probablement sentis humiliés ou trahis par le comte de Sancerre. Voulaient-ils dire à ce noble personnage que, puisqu'il ne tenait point compte du courage, du coeur des ouvriers, il ne fut pas étonnant de constater que lorsqu'il vint entendre l'office, à l'heure des vêpres, il lui est arrivé autant de désagréments, tous en même temps, comme par hasard 47 ?

Mais y aurait-il lieu de croire qu'un certain malaise pouvait subsister dans cette région, quand Jean d'Harcourt, mari d'Alix de Brabant, était le seigneur des lieux ? Un commentaire que nous lisons dans Le Blanc : 20 siècles d'Histoire nous apporte cette interrogation. Nous pouvons lire en effet que Jean d'Harcourt " - célèbre par ses violences - se consacra alors à des oeuvres pieuses " 48. Au fil des ans, ses violences auraient-elles nourri une vengeance secrète ? Comment peut-elle s'être traduite à Mézières ? Serait-il hors de propos de rappeler ici le sort réservé à Jean V de Harcourt, petit fils d'Alix de Brabant, qui fut " [... ] (arrêté à Rouen et décapité sans autre forme de procès 46 Monsieur Robert Favreau, directeur du laboratoire d'études et de recherches sur le

Moyen Âge, à l'Université de Poitiers a précisé notre documentation en corrigeant la référence de la Bibliothèque : " Pour autant qu'on puisse le vérifier, la lecture est correcte, si ce n'est qu'après "est comte ", il y a " quer des ovriers ", (notre correspondance). À la figure 30, il est possible de déceler l'emplacement de ce quatrain sur la pierre voisine de l'appui du corbeau qui soutient la niche isolée.

47 Monsieur Lionel Boisvert, professeur de linguistique à l'Université Laval, nous a aidée à lire cette inscription avec plus de justesse. Il est même étonnant de déceler dans le mot "Quer" une influence anglo-normande.

48 Archives de l'Indre à Châteauroux, D 1791, CHAUBIN, Lucienne. Le Blanc : 20 siècles d'Histoire , 198.

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rement exécuté ?

Pour toutes ces raisons ou hypothèses, il nous paraît justifié de considérer cette inscription pour autre chose qu'un banal graffiti populaire.

Quant à l'intérieur du bâtiment, il est aussi possible de déceler une affirmation civile importante dans l'architecture religieuse elle-même. D'abord, la forme toute simple de la nef adopte le plan d'une salle de palais, forme d'autant plus magnifiée qu'elle est couverte d'une voûte en carène, délibérément choisie pour rappeler les grandes salles de palais, telle, entre autres, celle du palais de Paris, refaite sous Philippe le Bel 50. N'est-il pas étonnant de remarquer ce plafond courbé en demi-cercle, rehaussé par des poinçons et assujetti par des tirants ? Ces éléments, importants par leurs qualités structurales, mais exploités aussi pour leurs possibilités décoratives, unifient cet espace et le confortent dans son apparence refermée. Ainsi pouvons-nous distinguer avec plus d'assurance l'étalement des couleurs des familles de la fondatrice, sur les pièces de bois verticales, horizontales ou cintrées. Tout cet ensemble procure une ambiance plus galante que mystique, plus civile que religieuse.

Le décor sculptural est également mis à contribution. Aux fenêtres de l'abside, au centre et au nord, les chapiteaux des colonnettes présentent non pas des figures de personnages mystiques mais celles de personnages civilement " couronnés " (fig. 19 et 20). De plus les vitraux de la collégiale de Mézières-en-Brenne foisonnent d'expressions civiles : dans le choeur comme dans la nef, la surface vitrée regorge de personnages civils, représentés, d'une manière grandiose, dans une position agenouillée, aux vitraux de la nef,

FIEVEZ, Annie. La Châtellenie de Mézières-en-Brenne , 38.

La figure 47, à laquelle nous nous référons, est la reproduction du document BC 13 201-5 de la diapothèque de l'Université Laval, à Québec. On y voit la grande Salle du Palais de Philippe le Bel, détruite par un incendie, en 1618. Dessin de Meryon, d'après Androuet du Cerceau.

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ou figurés en médaillons, aux vitraux latéraux du choeur. En plus de cette ostentation manifeste, il faut voir le déploiement des emblèmes ou des armoiries, fait avec plus ou moins d'éclat, dans tous les vitraux.

Ses proportions agréables.

La collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne capte l'attention par sa stature imposante mais aussi par ses proportions exceptionnelles ou, pour le moins, recherchées. Nous nous sommes permis de vérifier si certaines théories de l'esthétique des proportions n'avaient pas leur application ici. Notre source de renseignements a volontairement été réduite à la liste ci-jointe 51 . Les circonstances ont voulu que certains calculs nous aient surprise et émerveillée. Nous nous croyons justifiée d'en parler même si la documen­ tation peut paraître sommaire et même si la possibilité de vérifier nos hypothèses est actuellement limitée .

Nous effectuons nos calculs grâce à l'élévation et au plan (fig. 39 et 41) tracés par monsieur Richard Cloutier, architecte québécois, qui a tenu scrupu­ leusement compte des plans et élévations recueillis aux Archives de Châteauroux et de Paris, en plus de consulter notre documentation photographique. Entre le plan de monsieur Cloutier (fig. 41) et le plan de l'église de Mézières-en-Brenne, que nous avons choisi dans le Corpus

51 BRUYNE, Edgar de CAVEINA, M. et al. CHARPENTIER, L. CLEVET-MICHAUD, M. GHYKA, Matila C. GHYKA, Matila C. HARVEY, John. HEITZ, Carol. MAILLARD, Elisa. PEIGNOT, Claude. SANFACON, Roland.

Études d'esthétique médiévale . Le matin des mathématiques .

Les mystères de la cathédrale de Chartres . Le nombre d'or.

Esthétique des proportions dans la nature et dans les arts. Le nombre d'or.

The medieval architecture.

L'architecture religieuse carolingienne. Les formes et leurs fonctions .

Les cahiers du nombre d'or II. Le nombre. Langage de Dieu .

Le rôle des techniques dans les principales mutations de l'architecture gothique .

Les nombres et leurs mystères . WARUSFEL, André .

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importantes. Ce qui est intéressant de voir, c'est que monsieur Cloutier, en supprimant les chapelles, a dû reconstituer remplacement des contreforts et des fenêtres. De plus, en traçant l'ouverture de la première travée ouest, il a tenu compte du plan de cet architecte anonyme du dix-neuvième siècle qui dessine à cet endroit, non pas une fenêtre mais une porte. Qu'en était-il vraiment ? Très souvent, nous avons eu recours aussi aux dessins de monsieur G. Darcy, architecte de l'Indre vers les années 1875, afin de respecter le plus possible la vérité architecturale.

Nous appliquons d'abord la théorie de la recherche géométrique que monsieur Roland Sanfaçon, notre directeur de mémoire de maîtrise, a utilisée pour l'église de Saint-Urbain de Troyes. Pour former le carré de base de la collégiale de Mézières-en-Brenne, nous traçons sur le plan du bâtiment primitif (fig. 42) quatre côtés en procédant de la manière suivante : tout d'abord, les deux premiers côtés adjacents (A D et A B) de ce carré s'appuient sur les côtés obliques ( 5-6 et 7-8 ) de l'abside à trois pans ; ensuite, à partir du pilier axial de la façade ouest, et à angle droit, il faut prolonger les deux autres côtés du carré de base ( C D et C B ) jusqu'à ce qu'ils rejoignent, à angles droits, les deux premiers côtés.

À l'intérieur de ce carré, un carré inscrit, dont les pointes d'angle sont au centre des côtés du carré de base, détermine l'emplacement des contreforts 1, 4, 9 et 12. En inscrivant un autre carré dont les pointes sont également au centre des côtés du carré précédent, nous obtenons un nouveau carré qui indique, cette fois, la position des contreforts 2, 3, 10 et 11. En procédant toujours de la même manière, nous obtenons un quatrième carré inscrit, aux angles a, b, c et d, qui donne, cette fois, la largeur de la nef. Il convient de remarquer que ce "maître" carré 52, bien localisé au centre de l'édifice, se

La demi-longueur du côté de ce carré de base correspond à la profondeur de l'abside, tout comme à celle du porche. Cela nous invite à penser que nous pourrions pousser encore plus loin notre interrogation sur l'utilisation de la géométrie dans l'architecture gothique de cette période et croire que beaucoup de relations seraient encore possibles à établir entre le carré de base et d'autres dimensions du bâtiment, que ce soit au point de vue structural ou décoratif.

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répète cependant encore une fois à l'est et encore une fois à l'ouest. Ces trois formes carrées couvrent ainsi la surface totale de la nef et du choeur, sauf la partie en hémicycle de l'abside. Le carré de l'est établit les démarcations des contreforts 5 et 8 tandis que celui de l'ouest précise l'emplacement de la porte centrale.

En inscrivant, toujours de la même manière, un ultime carré bien au centre du bâtiment, nous obtenons des côtés dont la longueur correspond à la largeur de chacune des travées. Cela prouve encore une fois la régularité et l'équi­ libre de la structure de ce monument.

Il est même possible, à la collégiale de Mézières-en-Brenne, de transposer cette méthode de calcul sur l'élévation (fig. 39). Pour ce faire, nous dessinons d'abord un cercle directeur 53 dont le centre correspond au centre de l'oculus de la fenêtre de la tribune . Le rayon de ce cercle est égal à la distance entre le centre de l'oculus et la base du pilier central. Cela correspond, bien sûr, à la distance qu' il y a entre le milieu de cet oculus et la base du clocher.

Dessinons d'abord un premier carré dans lequel se retrouvera ce cercle directeur. Puis inscrivons un autre carré dont les angles seront au centre de chacun des côtés du carré précédent. À l'angle inférieur correspond évidem­ ment le pilier central et à l'angle supérieur, le milieu de la base de la flèche. Insérant un autre carré, dont chacun des angles touche au milieu des côtés du deuxième carré, nous obtenons un troisième carré dont la largeur est identique à celle de la largeur principale du bâtiment, soit la largeur totale de la tribune et des tourelles d'escaliers. Dessinons maintenant un quatrième carré, selon ces mêmes règles, c'est-à-dire un carré dont les angles touchent au milieu de chacun des côtés du carré précédent. Nous obtenons alors un nouveau carré dont la pointe de l'angle inférieur correspond au centre de l'oculus ( a ) de l'entrée du porche. La pointe de l'angle supérieur coïncide 53 Adaptation de la méthode de M. Moessel, architecte et professeur de Munich, qui a

maintenu que le problème majeur en architecture était celui de la proportion. Die Proportion in der Antike und Mittelalter, C. H. Beck, éd. Munich. Cf. p. 52.

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autres angles correspondent aux côtés des tourelles ( c et d ). Il est sur­ prenant de noter que la position " basculée " de ce carré 54 fait voir que les côtés supérieurs sont parallèles à la toiture. Ce tracé fait d'ailleurs ressortir, à la manière " d'un médaillon ", l'emplacement de la tribune seigneuriale.

Pour la figure 40, nous retenons, d'abord, seulement le cercle directeur qui fut à l'origine de nos calculs sur l'élévation de la figure 39 ; puis nous le divisons en dix parties égales 55. Cette opération s'impose parce que, selon Robert Grosseteste 56 , évêque de Lincoln et important philosophe du XIIIe siècle, dix est le nombre parfait de l'univers. Traçons maintenant un rectangle à partir des points 3, 4, 9 et 8. La distance entre les longs côtés de ce rectangle correspond exactement à la largeur de la tribune. Lorsque nous traçons les diagonales de ce rectangle, en rejoignant d'une part les points 3 et 8, et, d'autre part, les points 4 et 9, nous remarquons que ces lignes déterminent la largeur de la fenêtre de la tribune à sa base et la largeur de l'ouverture du porche à la retombée de l'arc. Quant à l'ouverture supérieure, il serait encore juste de dire que la projection de ces lignes croisées coïncide avec la largeur de l'ouverture de la baie, à la condition d'accepter qu'en fasse partie le chambranle de pierres.

Il est donc bien approprié de prétendre que les proportions de la collégiale de Mézières-en-Brenne sont d'une recherche exceptionnelle.

Il est intéressant de noter que ce carré correspond au "maître carré", i.e.le carré inscrit du plan, identifié par les lettres a, b, c, d, à la figure 42.

La segmentation décadique du cercle directeur est une méthode exposée dans le livre Le nombre d'or de Matila C. Ghyka , planche XXXIII.

En nous référant au livre d'Edgar de Bruyne Études d'esthétique médiévale, nous relevons cette théorie de Robert Grosseteste : " [...] toute composition repose sur quatre principes : la forme, la matière, l'adaptation réciproque, le composé qui en résulte. La forme, principe le plus simple, se représente par le nombre un ; la matière, par deux ; la compositiion, par trois ; le composite qui en résulte, par quatre. Donc dans le corps lumineux le plus élevé, c'est-à-dire, dans le ciel, préside la perfection du nombre dix, somme des quatre nombres premiers. D'où il appert que dix est le nombre parfait de l'univers." Et faut-il rappeler ici que selon les allégoristes, l'église de pierres est le symbole de l'Univers ?

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La figure 43 présente les cinq carrés tels qu'ils ont été tracés à la figure 42. En utilisant la pointe de l'angle ouest du troisième carré inscrit comme centre ( 0 ), traçons un cercle directeur dont la circonférence touchera à la face extérieure du pilier axial du porche soit la pointe de l'angle ouest du premier carré. Puis segmentons en dix parties égales ce cercle directeur. Il est alors intéressant de remarquer que le rayon du cercle correspond à la largeur de la nef, d'une baie vitrée à l'autre. De plus, il faut signaler que le tracé du triangle 0, 9 et 8 détermine l'ouverture de la porte centrale, tout en délimitant, de même manière, celle du porche, puisque les points 9 et 8 coïncident avec les angles des tourelles d'escaliers.

La figure 44, quant à elle, reprend le plan de base et l'inscrit dans un nouveau grand cercle directeur, limité par les contreforts 6 et 7 de même que par le pilier central du monument, à l'ouest. Tout comme pour l'élévation, nous divisons ce cercle directeur en dix parties égales. Encore une fois, nous trouvons un croisement de diagonales qui témoigne d'une recherche vraiment particulière. En effet, les diagonales reliant les points 2 et 7 ainsi que les points 3 et 8 aboutissent, de façon bien précise, aux angles droits du rectangle du plan du bâtiment.

En utilisant une fois de plus le plan de base de la collégiale de Mézières-en- Brenne, à la figure 45, il est en outre possible de lire le nombre d'or, ce nombre magique auquel plusieurs se réfèrent si souvent. Selon Larousse, ce nombre correspond " à une proportion considérée comme particulièrement esthétique Il est égal à

(V5

+ 1 ) sur 2, soit 1, 618.

Pour le trouver nous appliquerons la théorie de la géométrie du nombre d'or, forme D, selon monsieur Marius Cleyet-Michaud 57. Il s'agit d'abord de dresser le rectangle A B C D sur le plan de base de la collégiale de Mézières-en-Brenne (fig. 45). Dans cette figure géométrique s'insère exactement le plan de la collégiale, en incluant les contreforts et le massif

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mètres.

Pour appliquer la forme de la géométrie du nombre d'or, il faut sectionner le rectangle en deux parties égales dans le sens de la longueur : la ligne E - F représente cette opération. Par la suite, il faut chercher la valeur de D - E , soit la diagonale du petit rectangle A E F D.

Puisque la formule établie, pour la forme D, du nombre d'or est : AE = EB

et DC/DE = 1,618 ( le nombre d'or ),

nous avons 17,6 = 17,6

et 35,2 / 21,76 = 1,620 (le nombre d'or, à, 002 près !).

L'application de la géométrie du nombre d'or selon la formule D ne permet peut-être pas d'apprécier d'une manière aussi évidente la célèbre proportion. À la collégiale de Mézières, il ne nous est pas donné de trouver le nombre d'or en établissant le rapport de la largeur de la nef sur la longueur de la nef ou la largeur de la nef sur la hauteur de la nef. En adoptant la manière de calculer la géométrie du nombre d'or selon la méthode de monsieur Cleyet-Michaud, le résultat est tout de même assez probant et appuie notre appréciation de la collégiale. Lorsque nous sommes à l'intérieur du bâtiment, nous pouvons apprécier, à l'oeil, l'équilibre des proportions de ce monument.

Il est donc permis de penser que les constructeurs de la collégiale de Mézières-en-Brenne n'étaient pas des improvisateurs mais de savants et habiles artistes. Soumis aux critères de l'esthétique de l'époque, ils avaient aussi la possibilité de communiquer avec ceux des chantiers renommés du domaine royal et, si nous considérons qu'ils ont accompli ce travail en quelque

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six ans 58, il faut bien reconnaître que leur tâche ne fut pas l'oeuvre de novices. En vérité, ce fut un coup de maître fort bien réussi.

Nous devons ajouter ici une information fort intéressante que nous a fournie notre directeur, monsieur Sanfaçon, lors de notre passage à Mézières, à l'été 1992. Malgré leur compétence et leur habileté, les artistes-ouvriers exécutaient leur tâche selon la coutume de cette période, c'est-à-dire le respect de la spécialité de chacun des travailleurs. Ainsi, pouvons-nous remarquer, sur les murs nord et sud du porche, que l'alignement des pierres n'est pas rigoureusement respecté (fig. 30) Ce petit problème est vraiment technique. L'ouvrier-tailleur de pierre qui découpe et met au niveau son matériau pour produire un appareil de tel type, n'a pas le même souci que l'artiste-sculpteur qui utilise une pierre structurale dont la surface sera ciselée pour orner les éléments du décor projeté. Le premier effectue donc sa tâche sans se soucier de l'autre, et, à la fin, le raccordement se fait un peu au hasard. Et c'est bien ainsi ! C'est la manière de fonctionner des travailleurs de cette époque, manière différente de celle de leurs prédécesseurs, plus fonctionnels, plus logiques ou peut-être moins hasardeux ou moins pressés. La collégiale porte donc la trace de cette coutume des artisans.

Si la collégiale de Mézières-en-Brenne, habile réalisation du début du XIVe siècle, suscite beaucoup d'intérêt, tout d'abord par la transposition d'éléments architecturaux carolingiens qui favorisent une expression civile, et ensuite par l'affirmation de proportions habilement établies, selon le nombre d'or ou la savante recherche des architectes-géomètres, elle provoque encore l'admiration par l'application du plan " sainte Chapelle ", comme l'exprime le chanoine Maurice de Laugardière, lorsqu'il écrit dans le Bulletin archéologique de 1934-1935, un article sur " Les vitraux de Mézières-en- Brenne (Indre) " : " Ce fut une Collégiale du type des Saintes-Chapelles ..." 59. Il reprenait un commentaire que nous pouvons lire sur un manuscrit du 7

58

59

NAVELET, H. Mézières-en-Brenne. Son église . 3 : ''[...] l'édifice fut construit - de 1333 à 1339".

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en 1339 par Foulques de Rochechouard " 60.

Pour bien apprécier cette vision, il faut comparer le plan primitif du bâtiment, soit la figure 41, avec le plan sur lequel figurent les ajouts ultérieurs, tels que nous les montre la figure 46.

Le plan dit " sainte-Chapelle " est un plan qui exige quelques aménagements particuliers : il faut une nef unique, sans transept, sans bas-côtés et sans chapelles rayonnantes. Or c'est précisément le cas de la collégiale de Mézières-en-Brenne. Les dix ouvertures, réparties également au sud et au nord de la nef, lui procurent un dégagement remarquable. Aujourd'hui, nous pouvons voir facilement la porte murée du nord. Mais au sud, existait-il vraiment une porte similaire ou était-ce plutôt une fenêtre qui était établie à cet endroit, afin de respecter la symétrie des ouvertures et ce d'une manière encore plus convaincante? Quoi qu'il en soit, voir la collégiale avec " les tra­ vées de la nef et les pans de l'abside [de] [...] même largeur, remplis totalement par des fenêtres [garnies] de [...] lancettes au-dessus d'un socle assez bas ... " c'est la voir avec des caractéristiques importantes d'une sainte chapelle 61.

Cette étude de Inge Hacker-Sück sur " La Sainte-Chapelle de Paris et les chapelles palatines du Moyen Âge en France " fait part des agencements fréquents des bâtiments princiers. La chapelle haute du château de Provins, la chapelle de l'Archevêché de Provins, salle haute également, la chapelle du château royal de Saint-Germain-en-Laye, la Sainte-Chapelle de Paris, salle haute, et la chapelle du château Bourbon-l'Archambault sont toutes des réalisations qui mettent en évidence plusieurs éléments typiques des chapelles palatines, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle : elles

60 Premier dossier 1838-1887. Diocèse de Bourges. Fabrique de l'église de Mézières-en- Brenne. Réparations urgentes sollicitées, première page. Bibliothèque du Patrimoine, 12 Parc Royal, Paris.

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sont des chapelles à nef unique, très éclairée, d'une part, par des ouvertures à chaque travée dans la nef elle-même, et, d'autre part, par des ouvertures à chaque pan dans l'abside polygonale. Cet agencement se retrouvera plus tardivement encore, dans la chapelle du Palais, à Riom, et dans la chapelle du palais du duc de Berry, à Bourges 62 .

En plus de cette organisation de base, d'autres particularités caractérisent ce type de chapelles, en répondant à une exigence déterminée : la nef, par exemple, est parfois précédée par un porche et la façade est souvent flanquée de deux tourelles . D'autres fois, les fenêtres de la nef présentent un double registre d'oculi, comme à Saint-Germain-en-Laye, tandis que les fenêtres de l'abside ont un simple oculus. Cela peut solutionner un problème technique quand la largeur de la fenêtre est plus imposante. Mais à Mézières-en- Brenne, les architectes semblent avoir délibérément choisi de différencier le choeur de la nef en décorant les fenêtres d'une manière particulière. En effet, ce n'est sûrement pas par hasard que les fenêtres de l'abside sont surmontées d'un seul oculus tandis que celles de la nef sont enrichies de trois oculi.

La présentation générale de ce bâtiment doit être complétée par une invitation à l'imaginer dans toute sa splendeur originelle. Pour nous aider à faire cet exercice, nous aurons recours à deux illustrations de l'extérieur du monument.

Référons-nous d'abord à la figure 7, photographie assez récente, où nous pouvons remarquer un détail fort intéressant, à savoir la trace d'un gable au- dessus de la baie est du clocher. Cette empreinte importante nous autorise à ajouter de la crédibilité au dessin d'un architecte anonyme de la moitié de dix- neuvième siècle (fig. 36) , lequel nous présente la collégiale de Mézières-en- Brenne avec des éléments fondamentaux maintenant disparus : gables au beffroi et pinacles sur les contreforts. La présence de gables modifie agréa­ blement l'apparence du monument. En consultant l'élévation (fig. 37) du

Détail intéressant : les absides en demi-hexagone étaient souvent retenues pour les chapelles du duc de Berry. C'est aussi ce modèle qui existe à la collégiale de Mézières- en-Brenne.

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collégiale grâce au tracé d'une ligne pointillée, au-dessus de l'ouverture du clocher, elle-même protégée par un abat-son.

En plus de pouvoir l'apprécier sur dessin, nous sommes à même de vérifier l'existence de ce gable dans un manuscrit du mois de juin 1847. En effet, nous pouvons lire, parmi les commentaires sur une évaluation de travaux de restauration, que

" La face occidentale de l'Église de Mézières est la partie de cet édifice qui est le plus endommagée, la petite vue de l'état actuel l'indique suffisamment 63, un ravalement complet sera indis­ pensable, ce travail s'exécutant, entraînera la restauration de la grande ogive d'entrée ainsi que celle des cinq baies ogivales du clocher, et par suite le couronnement du dit clocher; en réta­ blissant les quatre pignons qui devaient exister au-dessus des ogives et dont il reste encore des traces, quatre gargouilles seront disposées aux quatre angles pour rejeter les eaux " 64

La collégiale de Mézières-en-Brenne possédait donc un couronnement de beffroi fort gracieux : il ajoutait de la qualité à l'élégance du bâtiment. Le bord de la toiture de la tour centrale, au lieu d'être simplifié par une ligne horizontale plutôt sèche, bénéficiait de gâbles élégamment profilés aux bouts desquels surgissaient de petites gargouilles. La flèche du clocher profitait de l'amorce de cet élan vertical pour pointer vers le ciel avec plus de vigueur, de délicatesse et de raffinement.

Pour ce qui est du couronnement des tourelles d'escalier, nous ne possédons pas actuellement de témoignages qui puissent assurer notre appréciation. Mais il faut constater que la forme des flèches en est fort peu effilée, s'il faut se fier au croquis de la figure 36. Par contre, l'addition de fleurons agrémente beaucoup les toitures des tourelles d'autant plus que cet élément décoratif se

63 Malheureusement, nous ne disposons pas de cette reproduction.

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retrouve transposé, en quelque sorte, sur les pinacles qui surmontent chacun des contreforts. La présence des pinacles, à base galbée et au pignon couvert de crochets, rehausse la décoration d'une manière tout à fait harmonieuse.

Cette reconstitution imaginaire de la collégiale de Mézières-en-Brenne, telle qu’elle fut au quatorzième siècle, ne saurait être complète, évidemment, sans soustraire les chapelles qui ont été ajoutées ultérieurement. Cela est essentiel pour tenter d’apprécier la qualité de l’espace éclairé et lumineux que devaient créer toutes ces fenêtres décorées de vitraux chatoyants. L’abbé Suger aurait peut-être trouvé qu’à Mézières-en-Brenne, c’était là aussi une "oeuvre magnifique, qu’inonde une lumière nouvelle [...] " 65

Il nous paraît donc juste de dire que, par l'affirmation de sa stature imposante réflétant un aspect de l’architecture carolingienne, par le raffinement de ses proportions soignées et par l’adaptation du "plan sainte Chapelle", la collégiale de Mézières-en-Brenne est l’expression d’un art courtois. Mais comme cette expression se décèle encore de mille et une autre manières, nous en ferons état dans le chapitre suivant.

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La collégiale

et l'art d'être un monument courtois

À la mort de saint Louis en 1270, Paris n'est déjà plus le centre de créations artistiques qu'il avait longtemps été dans plusieurs domaines. Cependant l'influence de la capitale se fait encore sentir car l'émulation créée entre Louis IX et plusieurs représentants de la noblesse permet la diffusion d'un " art de cour ", enrichi et varié, qui se prolongera encore jusqu'au milieu du quatorzième siècle. Cet art " courtois " ne se présente pas comme un concept unique. Sa multiplicité traduit d'ailleurs la possibilité qu'il a de s'adapter le plus possible aux courants artistiques contemporains et de mieux traduire son universalité 66.

Au fond, l'art courtois ne traduit-il pas une forme d'hommage ou une certaine forme de complaisance vis-à-vis la cour royale ? Adopter certaines caractéris­ tiques d'édifices royaux, c'est les mettre en valeur, c'est dire que le choix du roi est bon, c'est confirmer son bon goût. De plus, c'est non seulement se conformer à son autorité, en imitant sa manière de faire, mais c'est encore en faire la propagande, en collaborant à la diffusion de ses préférences.

À la collégiale de Mézières, le fait d'adopter un plan Sainte-Chapelle, de choisir un plafond comme pour une salle de palais, d'établir une tribune princière bien en évidence, de reprendre des éléments décoratifs tels que nous les observons sur les tombeaux de l'abbaye royale de St-Denis, c'est une manière de reconnaître, d'exploiter et de partager les bonnes idées et le bon goût de ceux que l'on admire à la cour parisienne. À Mézières, il y a le monde de la seigneure, une "cour" en réduction, qui connaît les réalisations

Figure

Fig. 1 Carte de la région de l'Indre.
Fig. 13 Église de Mézières-en-Brenne, intérieur de la tribune, mur est, baie donnant accès à la nef.
Fig. 16 Eglise de Mézières-en-Brenne, intérieur de la tribune, angle sud-ouest:
Fig. 35 Croquis de la collégiale de Mézières-en-Brenne.
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