164 J. BAYEl!
plusieurs cycles complets de faunes successives. La faune chaude à Hippopotame et Elephas anliquus laisse la place à des faunes d'abord tempérées, puis de plus en plus froides, avec le maximum des animaux froids (et spécialement des rongeurs invoqués par M. Bayer) dans le magdalénien postglaciaire.
Il n'est pas possible de remplir un intet·glaciail'e avec une faune comme celle de l'auyignacien et du solutl'éen infét·ieut·, qui est déjà très nettement froide, puisque, en France, même jusqu'aux Pyrénées, le Renne y sut·abonde et que ce seul animal est exclusif de l'idée de climat vraiment tempéré (voir
Boule) et interglaciair·e.
go On peut regt'eltet· que M. Bayet', qui, dans d'autres occa-sions, a traité avec beaucoup d'arl'ogance les opinions de ses contradicteurs, n'ait pas, comme d'autres savants allemands, senti que la compt'éhension des indust1·ies du paléolithique supérieur demandait autt·e chose que des examens superfi -ciels de quelques sél'ies d'Europe centrale, mais exigeait tm examen pt'olongé et t·épété de collections nombt·euses venant des pays oi.1 l'outillage est le plus typique, et le plus défini comme situation stratigt·aphique, grâee à des superpositions directes. - Le
Dr
R.-R. Schmidt de Tübingen, qui a appliqué avec soin cette patiente méthode, est naturellement anivé à des réstdlals beaucoup plus satisfaisants et mieux à l'abri de la ct'itique 1•
MM.
B
oule, Co
mm
ont, Ma
y
et
déclat·ent ausst ne pouvou· accepter les hypothèses de M. Bayer.1 Schmidt, Die Gruudlagen für die Diluvial Cl11·onologie, Zeitschrift für Ethnologie, 19t1, et la g•·ande publication Die !Jilttl'iale Vo,·zeit Deutschlands, 1912.
LES SUBDIVISIONS DU PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR ET LEUR SIGNIFICATION
par l'abbé H. BnEUIL.
Le p1·emier effort des savants qui se sont occupés d'indu s-tries paléolithiques a été de réaliser, dan~ les tt·ouvailles que livt'aient les premiè1·es fouilles, des subdivisions faciles à suivre, et de montrer, clans une sél'ie continue, l'évolution de la civilisation se poursuivant de l'une à l'autre jusqu'à l'hiatus avec le néolithique.
Edouanl Lartet avait discemé fot:t bien le nil,ecw d'A uri-gnac, où la faune du Grand Ours et du Mammouth cédait graduellement le pas à celle elu Renne; au-dessus venaient pout· lui les faciès de Laugerie Hatlle ou Solulré et de la Ma-deleine ou Lauge1·ie Basse. Si l'on considère le peu de docu -ments dont il a disposé et le peu d'années que l'âge lt1i a per -mis de consacrer à ces questions, il faut t·econnaître toute la claiL"voyance et la sagesse -de son œuvre systématique.
Il était réservé à Gabl'iel de Mot'tillet de reprend1·e et d'a c-centuer ce premiet' labeur, en y apportant ses préoccupations de clarté pat"f'ois excessive. Il lui revient le mérite d'avoir dis-cemé le solutréen, d'avoir établi son individualité et son anté -rim·ité sur le magdalénien. Il y_voyait une période où le travail de la pierre, pat"ti elu mousté1·ien, atteignait son apogée, tandis que, dans le magdalénien, le tt·avail de l'os et du bois de Renne, timidement apparu vet·s la fin du solutréen, se d éve-loppait d'une manièt"e met"veilleuse. Quant au niveau d'Auri -gnac:, apt"ès avoit· acce{)té 1111 instant sans enthousiasme la place que lui nvait assignée Lartet, ille plaça bientôt- ent1·e le solu -tréen et le magdalénien, à cause du développement notable de
Millan
Brun
Anne-Lise
Signature numérique de
Millan Brun Anne-Lise
DN : cn=Millan Brun
Anne-Lise, o=UMR 7194,
ou=Bibliotheque,
email=biph@mnhn.fr, c=FR
Date : 2015.01.20 15:13:06
+01'00'
' 1
PALÉOLITHIQUE SUI~llBIEUH 167
l'outillage osseux; enfin il en vint à suppl'imet· enlièrement cette coupnre que ses successeurs, aveuglés pat· un singulier parti pt·is, ont fait de vains effot·ts pour identifier avec le magda -lénien ancien ou avec le solutréen supérieur, pat·fois avec le moustél'ien final 1
•
6
FrG. 2. - Les origines de la pointe à cran aurignacienne. 1, petite pointe de Chatelpe•·,·on (Allie1·) avec vague indication d'un cran à gauche; 2 à 8,
silex de La Font-Robe1·t (2 à 5, 8) et de l'abri Lacoste (6, 7) Co1Tèze) mon-t,·ant la difféJ•encialion de la véritable pointe à c1·an à parti•· .des pointes de la G1·avette Pn analogues, el la p•·odnction de mic•·olithes t1·iangulaires en
dél'i.vant. Sauf 1, tontes ces pièces sont de la fln de l'aurignacien. D'après
MM. Ba1·don et Bouyssonie. Echelle: ','•.
1
Je tiens. alln d'illust.·er les procéd<·s de discussions de ses successeurs, à
signaler dans Le Préhistorique dans les Grottes, abris sous roche el brèches osseuses des bassins de la Garonne el de l'Adour, pae Paul de Mortillet (Con-g,·ès Préhistorique de F1·ance, Nîmes 19'1'1; voi•· aussi même t•·avuil po111' les
bassins tributai1·es de la .Mer du No•·d, de la Ma11che et d'une pa•·tie de J:Atlan -tiqnP, Cong1·ès Préhisto1·ique de F1·ance, Tours, 1910), les faits stiivanls :
1o Reproduction de la coupe apoC1Jphe el fausse publiée par le D•· P. Girod, du gisement de Cro Magnon, dont le caractè•·e frauduleux est établi depuis six ans; 2° Falsification des st•·atig1·aphies de La Fer1·assie, Pai1·-non-Pair·, dont l'mu·ignacien est transformé en magdalénien et le solutréen omis, de Bras ·-sempouy, rlont les statuettes et objets d'ivoir·e, r·ecueillis ù la base de l'aut·i
-168 H. IIHEUIL
Edouard Piette 2
, confiné longtemps dans des fouilles pur e-ment magdaléniennes. oir il établit, en se fondant surtout sur
l'évolution artistique, des coupures assez nombreuses, ne connut que dans les dernières années de fouilles le gisement de Brassempouy; il ne comprit pas que l'aul'ignacien,. qtr'il y trou
-vait sous du solutr·éen, était séparé par des temps fort longs de son plus vieux magdalénien, et l'attr·ibua tout à la base de celui-ci, faisant remonte!' le solutréen jusqtre ver·s son milieu. En revanche la découverte de l'azilien suivant le magdalénien
comme une phase distincte lui r~ppat·tient sans conteste. Ce n'est que dans ces dix demiè1·es années, que pi·incipal e-ment sous l'influence de M. Emile Cal'Lailhac, à l'école des
fouilles réalisées dans divers pays, et tout spécialement en
Périgord, et par suite de mes nombreux voyages compal'atifs,
je pus me for·mer une opinion d'ensemble sur l'évolution du pa-léolithique su pét·ie til' et ses subdiyi sio ns. Ayant définitivement
rendu sa place à l'aurignacien et fr~it constate1· toute l'impor
-tance de cette subdivision méconnue 1, il était déso1·mais plus
gnacien par tous les fouilleurs de ce gisement, sont attribuées ù la couche supé-rieure magdalénienne, tandis que les silex solut•·éens sont dits veni•· d" plus bas
et les silex au•·ignaciens distribut's entre le moustérien et le magdalénien; 3° omission pu•·e et simple des stations à sLJ·atigraphie gênante ou tout au moins de cette de•·niè1•e : Roc de Combe-Capelle, Le Rut, Laussel (confondu avec Capblanc), le T•·ilobite (travaux de l'abbé Pa•·at): 4o omission de nomb•·eux
gisements an•·_ignaciens ou plus souvent leur· attribution soit au magdalénien :
Tarté, Aurignac, Font Robe•·t. Noailles. abr·i Lacoste, Roche au Loup (Yonne), Les
Roches (Indl'ej, Les Collés. La Quina sud, et., etc .. - soit au solull·éen : Mar ·-smtlas infél'ieul',- soit simultanément au moustét·ien et au magdalénien: Bou itou. - ou à ce uel'nier seulement : Les Haur·ets (Gironde); 5° la confusion g•·
os-sière des pointes à base fourchue du magdalénien de GoUI·dan avec celles à
base fendue de l'alll·ignacien; 6° la suppression totale de toute mention des
travaux de Ca .. tailhac, Capitan, Bl'euil et Peyrony.
1
Voit· H. B•·euil, L'Evolution de l'art quaternaire et les tr·a1·aux d'Edouard Piette, Revue archéologique, 1909, I, p. ~1?8-41'1.
2
H. Br·euil, Les Cottés, une grotte du vieil âge du Renne à S<-Pierre de 1Jtlaillé (Vienne) dans Revue de l'Ecole d'anthr·opologie, 1906, p. 4?. - Les
gisements présolutréens du t)pe d'Aurignac, Congt·ès Je Monaco, 1\106, p. 323 à 350. - La question aurignacienne, étude critique et stratigraphie comparée, dans Revue Préhistor·ique,190?, nos 6 et?.-L'Aw·ignacien présolutréen, ibid ..
1909, nos 8 et 9:- E. CaJ:tailhac, Le moustérien ou aurignacien des grottes de
Grimaldi, Congt·ès de Monaco, I, p. 135.
PALÉOLITHIQUE SUPÉHIEUI1 169
facile de compt·endt·e et de sériet·les découvertes; les fouilles de MM. Ca pi tan, Peyron y, Bouyssonie, Lalanne,· Didon dans le Périgord ont permis d'assister par le détail aux phases suc ces-sives des transformations industl'ielles; les travaux de M. R.-R.
Schmidt dans l'Allemagne de l'ouest, ceux effectués à Gt·imaldi, puis en Espagne sous l'impulsion du Prince de Monaco, les pi.1blications qui se multiplient sur les autres pays font qu'a u-jourd'hui l'on peut apet·cevoii·, non seulement une succession
définie sur un territoit·e circonscr·it, mais cer'laines analogies et certaines oppositions secondaires ou même fondamentales.
Le temps n'est plus où l'on pouvait rêver d'une évolution
6
Fw. 3. - Pointes ù cran au-rignaciennes supér·ieures de
Gr·imalrli, d'après E. Ca•·
tail-hac; on y saisit pal'faitcment l'évolution de la pointe à cran vers des types gc'ométriques triangnlair·es; 1 vient de la
sé-pullul'e nég•·oïde, foye•· 2; 2 à 4 viennent du foyer 5; 5 vient
du foyer 6-?; 6 vient du foye•· ?. Echelle:
3
/
4.
Ces types rap -pellent parfaitement V\'illen-dorf.
toute simpliste, par·tout idenlique ~ elle-même, où chaque?
phase ser:ait issue stu· le même sol de la pér·iode pl'écédente, et alll·air par ses seuls moyens, proe1·éé celle qui lui a sttccédé. Les travaux se multiplient su1· des régions de plus en plus éloignées, et l'on peut déjà apel'eevoir·, entre elles, des analo
-gies et des ditfé1·ences notables dans l'évolution industrielle.
Il devient de plus en pltts évident epte ce qu'on a pris d'abord
pour· une sér·ie continue, due à l'évolution SUl' place d'une population unique, est au contraire le fruit de la collaboration
successive de nombl'euses peuplndes réagissant plus otr moins
les tmL~s sur les autr·es, soit par une inflttenèe pur·ement indus
-trielle ou commer·ciale, soit pnr l'infiltration gTaduelle ou l'i
170 H. BHEUIL
Notre monde européen, et StHlout sa pat·tie occidentale, est un cul-de-sac vet·s lequel les vagues humaines, at'rivées de l'est ou du sud sous des impulsions inconnues, sont venues mêler
et st1pe1·poset· leurs sédiments. Largement ouvert à l'est vers les plaines du Danube el de la Rt1ssie centrale et méridionale,
4
6 2
FIG. 4. Evolution en Tunisie de la pointe pr1m1t1ve à dos rabattu du vieux capsien (no 'l. d'apeès Schweinfürth), en types ~·appelant les fonnes de
Chatelperron et la Gra·,·ette et finalement en formes ll·iangulaires. Echelle: 2/"·
El Mèkta, 2. 9; Aïn Ke•·ma, 4, 6; Bit· Khamfous, 3. 7, 10, 18; Sidi-!VIansour,
no 5. D'ap•·ès MM. J. de Mo•·gan, Capilan, Bondy et le D• Gohe1·t.
nott·e occident t·ecevait aussi d'Afrique des éléments différents pat• la voie de l'Espagne et de la péninsule Italique prolongée pat· la Sicile. Il doit en t·ésultel' forcément que l'évolution paléolithique de nolt·e pays doit êtt·e, au même titt·e que l'évo-lution de sa faune durant la fin dtt pléistocè1·e, une résultante
PALÉOLITHIQUE SUPÉBIEUH 171
d'impulsions mél'idionales et d'impulsions orientales. Ce n'est qu'à l'établissement des conditions climatériques actuelles
qtt'on pouua y àjouter un élément nordique ott baltique. Dans l'état actuel des recherches, on peut 'déjà nettement disceme1· deux vastes pr'Ovinces paléolithiques supérieures à évolution assez tl'anchée, que l'on pourrait appeler, l'une,
méditerranéenne, l'autt·e, atlantique. Celle-ci s'étend sut· toute l'Europe centrale et occidentale, des confins de la Pologne
aux Pyt·énées et aux Cantabl'es; celle-là comprend sans doute les côtes Phéniciennes, l'Afrique du Nord, la Sicile, les pé
nin-sules Italique et lbé1·ique sauf la l'égion Pyrén0enne et Can
la-bt·ique, et notre Prol'ence dans sa plus grande partie. Quant à la région orientale, force no11s est d'attendt•e une docum enta-tion moins rudimentait·e pout· en pader avec quelque précision.
Notre objectif, dans le tl'avail que nous allons esquisser, est
de cherchee à établir, toul au moins d'une manière pl'Ovisoire, les éléments communs, et les caractères différentiels de l'évo -lution paléolithique supérieure dans ces diverses provinces, et d'essayer de montrer ce qui, dans cette évolution, est dù à la
progression spontanée ou à des influences réripr·oques . .Je ne m'illusionne pas sut· ce qu'une telle tentative a de téméraire à
l'heure actuelle, mais j'espèt·e toutefois contribuer à souligner des faits curieux et inaperçus, dont l'élude suscitera la réflexion des préhistoriens sét·ieux et orientera leurs hypothèses.·
l. Origine du Paléolithique supeneur. - Le paléolithique ancien, qui comprend chez nous le chelléen, l'acheuléen et le moustérien, semble se déroule!' d'une manière plus ou moins analogue, pal'fois identiqtie, clans les régions atlantiques et
méditetTanéennes. Nous 11 'insisterons pas sur la possibilité d'intervet·sion ou de récunence entre les divers faciès de cette
industrie, dont l'évidence paraît certaine, en peésence du
moustérien à faune teès ancienne de Gt·imaldi, et des
nom-breux quartzites amygdaloïdes du moustét·ien supérieur du Castillo (Santander). On sait que M . .Jacques de Morgan
lu
i
-i72 H. BHEUIL
lation par celle d'arcltéolitique lo1·squ'il s'agit des industries. qui se sont succédé depuis le moustérien jusqu'à l'établi
sse-ment des premiers néolithiques pasteurs et agt·iculleurs. Ce
mot a l'inconvénient d'avoir servi à quelques auteurs pour d
é-signet· l'outillage préchelléen taillé du genre de l'industrie
mesvnuenne ou même l'outillage plus que problémntique
cln gisement tertiaire elu Puy Courny. Cependant c'est llne
idée qui me par·aît heureuse de séparer· nettement, C'Omme
3 y y / / / / / / / / / 8 6
1
-9~
-
~-
~'~
. ' ' -- -10 - IlFIG. 5. -Evolution de la pointe ù un to·anchant rabatlu dans le paléoli
-tique de l'Espagne méridionale, principalement d'après les fouilles de M. Louis Sirex. 1, 2, Palomai'Ïcos, couche snpé•·ieuo·e; 3, cueva de Ambo·ozio à Vele·l
Blanco, coll. Federico de Motos; ce n'est pas une soie d'emmanchement, mais une barbelure basilaire qui prolonge la pièce vers -le bas en forme de pédon -cule; 4, Zajara II; 5, Palomas ; 6, Meaza; 7, 8, 9, El Seo-ron; ·to, 1·1, cueva Humosa. Echelle: "/3- .
appal'tennnt vraiment à un autre cycle industr·iel, le paléoli -thique supérieur du gl'and eycle chelléo-moustérien qui l'n précédé. Peut-être le mot« mésolithique» eùt-il été pl'éférable,
si so11 emploi déjà ancien pout· désigne!' les moments qui pr·écèdent immédiatement l'établissement définitif de ln civil i-snlion de la pierre polie n'était aussi de natrrre à Cl'éer des confusions.
Il ne semble pas qu'on puisse admettre que le paléolithique
174 H. BllEUIL
moustérien. Il s'agit plus· VJ'aisemblablement d'invasions de peuples beaucoup plus élevés clans l'é<'helle des races et dans celle de la civilisation qtte lettt's pt·édécesseurs néanclcrtha-loïcles. Toutefois, la découverte par M. Commont, à Moutière, (Somme) d'un ~iveau à Ja·mes, parfois retouchées d'une manière rappelant l'aut·ignacien primitif' du Pél·igot·d, et cependant par-faitement situé sou~ un niveau moustérien, serait cle nature à faire conjecturer que )es premiers nots de )a nouvelle ClviJisalion ont pn <trriver· plttS tôt que L'on ne pounait le croire, et la ren -contre. par iV[. Lucas, au voisimtge du :Moustier, d'tin niveau à lames SOtlS tm niveau moustérien ttn pen spécial à nombt'eux éclats la1·ges pétl retouchés, Viendt·aiL coeroborer l'obseevalion elu savant picat·d.
L'existence d'tm mveau à cat·adères mixtes, ma1s nettement post moustérien, à l'abri Aucli (Les Eyzies) et en quelques aut1·es points du Périgord; ne prouve pas nécessai1·ement que les moustériens soient devenus t;T<tcluellement au1·ignaciens pat· leurs p1·opres moy<:ns; on pourt•<tit avec autant de raison s up-poser que ces stations, qui semblent d'ailleues correspondre i1 un épisode 1·égional, ·eeprésenlent l'outillage moustérien dégé-néré, plus ou moins influeneé par le conlaet avec des tribus plus frai1ehemenl caractérisées comme aurignaciennes, comme celles, à outillage beaucoup plus riche, quoique très analogue. obseevées à la Ferrassie (Dot'dogne) pat· M. Peyrony, et reli'Oll-vées en d'autees localités elu mème pays.
Dans l'état actuel de nos connaissances, il paeaît étitbli que l'atTivée des paléolithiques supéeieurs ail amené, à la fin du moustérien, tm changement sol'ial et indusLeiel el une sub sti-tution de r<tce humaine si j1l'Ofonde, qu'il se1·aiL certainement légitime, clans une classification hien coordonnée, de séparer le paléolithique ancien des temps qui le suivent pat' nne cou-pure de grandeur égale à celle qui sépare cetlx-ci de l'époque néolithiqt1e.
On ne petit facilement supputee la voie pae laquelle les nou -veatlx venus sont <trrivés : les aurignaciens ont colonisé ce J'Lai· nement presque toute la péeiphérie de la Méditerranée, et toute
PALÉOLITHIQUE SUPÉll lEU Il 175 l'Eut'ope centt·ale et occidentale. Des motifs ethnographiques et des ressemblances dans les types humains plaideraient plu-tôt po~1r une origine africaine, mais il ne semble pas qu'on puisse songer à la région algérienne; on ne peut guère penser, en tottt cas, ,à une origine orientale, car les faciès primitifs de l'aueignacien n'ont pas encnTe été renconll'és en Europe cen-trale et orientale.
Fic. 7. -Le passage du gTalloio· cao·éné plus haut que lao·ge au buo·in busqué
caracté,·istique rie la partie moyenne et supéo·ieure de l'auo·ignacien moyen,
d'après les publ-ications des abbés B:11·don et Bouyssonic. Nivf'aux supéo·ieurs
du Bouitoti. Echelle: '/•·
II. L'Aurignacien. -L'origine de l'aurignacien occidental est donc enco1·e destinée à susciter des hypothèses clive_rses, a11 fur et à mesure CfLte des faits nouveaux seront mis à jour. On peut toutefois, clans la Ft·ance du centre et du sud-ouest, reconnaître comme devant être placés atl voisinage les uns des autees et dans le premier tiers de l'aurignacien le niveau
PALÉOLITHIQUE SUPÉHIEU11
177 de l'abri At1di 1, à tendance encore moustérienne, le mveau de
Chatelpenon 2, nettement aurignacien, mais trop apparenté au
précédent par ses silex pour s'en écarter beaucoup chronolo -giquement, d'autant mieux que le gisement de la Ferrassie
présente tln type parfaitement intermédiaire entre les deux s. A 1111 nivean un peu supérietll', se rencontrent des stations qui accentuent beaucoup la note aurignacienne; les silex
lllOiltl·ent nettement la belle l'etouche caractét'istique de cette
pét'iode, les lames sont fortes et grandes, avec des coches
marginales simples, opposées 011 alternes, larges et nom
-breuses; les grattoirs carénés, massifs et peu soignés appa -raissent, ainsi que de rares burins principalement -sm angle avec retouche transversale ou convexe. L'outillage ossetJx
s'en-richit d'instmments variés, pumi lesquels la pointe d'Aurignac
à hase fendue on non est la plus connue 4 . A ce niveau
appar-tient l'assise à statuettes de Brassempouy.
Avec l'aurignacien moyen plus développé, les geattoirs ca1
·é-nés se multiplient beaucoup, et se diversifient; letn·s retouches
lamellaires sont longues et fines, hien pa1·allèles; on les
re-trouve aussi sur divers autres objets tin peu épais; les burins de presque tous les types sont inventés, avec prédomina nee, d'abord, du burin busqué, puis bientôt du burin d'angle. La
1
II. Breuil, Etudes de morphologie paléolithique: L La transition du mou
s-térien l'ers l'aurignacien à l'abri Auln·i et au Jlfoustier, Revue de l'Ecole d'
an-thropologie, 1909, p. 320.
2
H. B,·euil, Etudes de morphologie paléolithique: II. L'industrie de la g1·otte
de Chatelperron et d'autres gisements similaires, Revue Anthropologique, 1911. p. 29.
" D. Peymny, f.a pointe en sile;c dans les différents
ni~>eau
x
depuis le mou s-térien supérieur jzlsqu'au. solutréen infërieur. Revue pl'éhistOJ·ique, 1909, no 6. -La pointe de l'ab,·i Audi y est nommée il tort de Chatelpel'l'on, et celle-ci d'Au -rignac. -- D•· Capitan et Pey,·ony, Station préhistorique de la Ferrassie. Revue Ant4 iH·opologique, 19'12, p. 29, voi•· surtout p. 91.H. B,·euil, Les Collés, loc. cit. - Favraud, Station aurignacienne du Pont -Neuf (Charente). Revue de l'Ecole d'authl'opologie, 1907, p. 418; l'échelle des figures de silex, qui est omise, est de 1111e demie. - Ba,·dou et Bouyssonie, Station p1·éhistorique de la Coumha del Bouitou (Corrèze), Revue de l'Ecole
d'anth•·opologie, 1907,_ p. 120. - Le niveau dont nous pa1·lons ici est décrit
p. '126-139.
178
H. BIIEUIL
pointe de la G1·avette apparaît timidement, ainsi que l'ou -tillage microlithique. L'outillage en os est extrêmement nom -hrenx, l'art décol'atif, le dessin linéaire, la peinture à fresques, so1it en 11sage. C'est le point culminant de la 1·etouche auri -gnacienne, bien que ve!'s la fln, Ia décadence se nole déjà 1.
4
3
l<'tG. 9.
FIG. 10.
FIG. 9. - Bul"ins d'angle du capsicn de Tunisie. 1, El Mekta, d'apo·ès de
Morgan, Ca pi tan el Boudy, réduit envio·on d'un quao·t; 2, 3, Aïn Ket·ma, d'après le D
1
' Gobert; 4, 5, Bit• Khanfous, d'apo·ès le D1• Goben ; 2 à 5 sont t'éduits à moitié.
FIG. ·lü. - Buo·ins d'angle dn paléolithique de Murcie (Espagne), d'apo·è&
les recheo·ches de L. Sio·et. 1, 3, P;olomao·icos; 2, Los Pet·neo·as; t,, Palomas, réduits de moitié.
L'aurignacien Sttpérieut·monlt·e en effet un noml)l'e beatJCOllp pius restl'eint de silex t·etouchés, mnis la taille des lames allon -gées et étroites devient fort hilbile
~
;
les btn·ins en hec de fli.ite'
r
;
.
Didon, CAbri Blanchctrd des Roches de 'Sergeac (Dordogne). Bull. soc. hist. et at·ch. du Pét·igord, 1911. - Bat·don et Bouyssonie, Station du Bouitou, loc. cit., niveau supét·iem·, p, 139 ct suiv. - Gralloirs carénés el ses dé,rù•és rf. la Coum/J(t del Bouitou (Corrè'{e). ltevtte de l'Ecole d'antho·opologic, 1906, p. 402. -- Bou don et Bouyssonie : Gralloirs carénés, rabots et gratloirs nuclé -ifoJ•mes, Revue Anthropologique, 1912, p. 473.~
Pour l'auo·ignacicn supét·icur, voio· les to·avaux de Peyo·ony déjù cités, el les suivants des abbés Bardon et Bouyssonie: fa grolle Lacoste, près Brive, H.evuePALÉOLITHIQUE SUPÉBIEUB
179 (ordinaires), polyédl'iqtJes, ou pl'ismatiques et surtout sur angle de lame à retouche transversale oblique, droite, convexe ou concave, sont souvent extrèmement nomb1·eux, et d'une diver -sité de dimensions et de facture déconcertante; la pointe de Ia Gravette, à un tranchant abattu, verticalement d'tin bout à l'autre,
3
FJG. H. - Evolution rie la lame ù coche aurignacienne. 1,
<~
b
t
·i
Audi, type at·ch;o'ique; 2, niveaux coo·respond;ont ù celui de l'abo·i Au di, du g·isement du,\Ioustiet·, coll. BoUJ·lon ; 3, g•·ande lame étranglée de I'alll·ignacien moyen,
surtout dans sa première moitié, Les Cottés (Vienne!, il en est à coches alternes et unilatérales ; 4, 5, gisement auo·iguacien moyen assez ancien de Krems (Autriche), d'après Strobl et Obeo·m;oier; 6 à 10, coches diver·ses de l'aut·ignacien
supérieur de Go·ima)di; 6 ù 8, sixième foyet·; 9, 10, cinquième, d'apt·ès E. Cao· -tailhac. Echelle : 4
/o
.
de l'Ecole d'anthropologie, 1900, et
"
~
·
l
a
lions p1·éhistoriques de Plancltetorte, près Brive: I. La g1·otte t:acosle, Bull. soc. sc. hist. et ao·ch. de la Cot·rèz·e, ·1910. - fa grolle de la Pont-Robert, ibid., ·1908 el Congrès lntematioual de Monaco, l. II, p. 172. - La grolle de Noaille, Revue de l'Ecole d'antiH·opologie de Pao·is, 1904, et Bull. soc. sc. hist. et at·ch. de la Conèze, 1905; les auteut·s ignot·aientencore clans ce dernieo· lo·avail l'existence de l'aurignacien réhabilité seulement
en 1906. - Peyrony, Station préhistorique dn Ruth (Dordogne), Revue de l'Ecole d'antho·opologie, ·[909, p. 156.
i
S
O
H. BHEUILet à extrémité (parfois les deux) très acérée; la lame de même retouche latéeale mais à retouche carrée attx deux bo11ts, se trouve aussi en grand nombee, depttis de petits micr
o-lithes, jusqu'à des instntments volumineux et puissants. Cer -taines pointes de la Gravette pot·tent une gibbosité latérale se développant souvent en véritable cran qui donne l'idée, tout à
la fin de cette période, des pointes à cran aurignaciennes su r-tout connues à VVillendol'f (Auteiche) et à Grimaldi, mais fe é-quentes à l'état sporadique, clans tous les gisements de l'auri -gnacien final. On y trouve souvent associées, les pointes à soie, c'est-à-dire à cran bilatéral, de Spy, Font-Robert,
Laussel1. Ces pièces elles-ri1êmes sont constamment en contact
avec des prototypes solutréens de feuilles de latll'ier ébau -chées maladt·oitement. Les-types d'os tt·availlé évoquent parfois ceux elu plus vieux magdalénien; les bâtons t!'oués assez
abondants dans le niveau précédent, où i'ls pl'ésentent souvent des décorations hélicoïdales à l'intérieur du tl'ou, tendent aux
types plus récents; le débitage dn bois de renne et de l'os ne se fait plus en le fendant en long après l'avoir sectionné tran s-versalement, mais le principe des sillons parallèles est acquis.
La décoration sue os est parfois teès r~marquable, la sculpture
des personnages humains en figmines (Grimaldi, VVillenclorf) ou en bas-reliefs (La ussel), est largement usitée; on grave et
sculpte aussi des animaux sur pierre, et les figm·es les plus évoluées de cette pét·iode, incisées sur les parois de Gargas ou de [-]ornos, évoquent déjà la pensée de l'art magdaléni'en à
ses débuts.
Telle est t''évolntion de l'aurignacien français, et ce qu'on
sait de celui de Belgique, d'Allemagne, de Pologne, d'Au
-triche et des Cantabres, montee des stades analogues. Dans
1 Ces pointes à soie et à c•·an se l'etrouvent dans la région du Mont-Ventoux,
à la station des Sablons, associées aux pointes de la G!'avette, g•·ancles et petites,
aux lames tl·onquées, aux lames à coches profondes et aux bu1·ins d'angle habi -tuels: cf. Deydier, Le préhistoJ·ique aux enl'irons du JYlont-Ventoux, 1•·• pal'tie (Congrès Préhistol'ique de F1·ance, Autun, 1907), p. ·J.3:'i et suiv., et pl. IV. -Son solnt1·éen est tout au plus néolithique, s'il n'est pas énéolithique.
PALÉOLITHIQUE SVPI~IIIEUH 181
les Cantabres, on distingue sans peine l'aurignacien sup é-rieur de l'aurignacien plus ancien; les fouilles de vVillen -clorf el de Krems ont aussi parfaitement défini les caractères
de l'aurignacien moyen et supérieur en Aulriche, et celles elu D" R. R. Schmidt, celui du VVürtemberg et des régions avoi si-nantes.
3
2
F1G. '12.-Lames à coches de l'aurignacien moyen et pointes :\ soie de l'au -rignacien final. On voit nettement clans '1, 2, 3, elu Bouiton inférieur, se fairP jour l'idée d'un •·étJ·écissemf'nt destiné à facilite l'l'emmanchement ou la préhen -sion. Cette idée se t•·ouYe pleinement réalisée à l'ext•·ême fin de l'aurignacien, a,·ec les pointes ù soie de la Font-Robert 4 et 5; le no 6 vient de Solutré, ou des fragments de pif>ces analogues ont été recueillis dans les foyers _faisant pa•·tie de la partie supérieure des amas d'ossements de chevaux. Echelle:
2
/
3.
On remarque1·a la •·etouche solutréf'nne naissant des points 5 et 6.
Il n'en est pas absolument de même si nous passons en Tunisie; là, nous trouvons un aurignacien très primitif, pr
es-que aussi primitif que le niveau de l'abri Aucli, mais franch
e-ment défini comme' a11rignacien par la pt·ésence de nombreuses
lames, quoique ttn peu laeges, qui ont élé transfol'mées par retouche soit en gt·attoit·s terminaux, soit en burins timides s11r
182 1-1. RllEUIL
gros couteaux pointus à un tt·anchant rabattu pH des retouches plutôt t'tldes 1•
Cet outillage est incontestablement en relation étroite aYec
le niveau feançais de Chatelpeeron, mais l'abondance de ses burins d'angle, bien que les types en soient peu évolués, et la netteté du t·abattage du dos des lames sont des notes plus
Fw. 13 . - Les p•·ototypes préludant à la feuille de latii'Îe•· solut•·éenne;
1, 2, la Font-Robert, niYeau au•·iguacien final; 3, ft, 5, niveau p•·otosolutréen du Trilobite (Yonne). Echelle: "/•·
récentes, quoique sensiblement plus primlttves que celles de l'anrignacien supérieur ft•ançais où les pointes de la Gravette sont plus metwes et pins évoluées. Il en t·ésulte qu'au point de
1
J. de Morg·an, Capitan el P. Boudy, Etudes sur les stations préltistoriques du Sud tunis1:en, Revue de l'Ecole d'anthropolog-ie, 19'10. Burins: lig. 39; c
ou-teaux it dos rabattu de g•·ande taille, fig-. 36 Pt 71. - Schweinfiirth, Ueber
das Ilühlen Paliiolithikum l'On Sizilien und Siid Tiinesien, ZPilsch ,.; ft fü•· Ethn
o-logie, 1907, fig. 16, 17, '18: couteaux it dos rabattu. - D•· E. Gobe•·l, L'al"·i de
Redeyef, L'Anth!-opologie, 1912, p. '15'1, fig, 2; Recherches sur le Capsien,
Bull. Soc. P1·éh. Fr., 2ft nov. 1910.
•
PALilOLITI-IIQUF. SUPÉBIEUH 183
vue morphologique, ce facies de vieux capsien, ou gétulien,
est pat·failement intermédiait·e entre les niveaux de Chat~l perron bien typiques et ceux de la Gravette; ceux-ci, en France,
sont séparés pat· les énoemes couches de l'aurignacien moyen,
qui ne condt1isent pas logiquement à l'aurignacien supérieur
atl point de vue de l'évolution de l'outillage siliceux. Il sembl
e-rait donc vt·aisemblable qu'tme influence africaine soit Yenue,
FIG. 14.- 1, .Poinle solut•·éenne moyenne de Monthaut (Landes) à base symélrique ; 2, poinle à c1·an de même proYenance, neltemenl déri,·éc du type au•·igna -cien ù Ull ll'anchanl ra -ballu; 3, pointe it base concaYe du solutréen de B•·assempony (Landes). Ce type, t1·ès exr<'plion
-ncl plus au no1·d, d e-vient abondant dans les nÏ\'E'aux ù pointes ù Cl'an
d'Altamira.
sans dotJ1e pat· l'Espagne, modifiet· l'évolution spontanée des aurignaciens moyens, et le·ur proposer les prototypes à peine
modifiés, dé.fà oubliés plus Oii moins, du vieil aurignacien. Cel'Laines stations de la Phénicie sont at1ssi nettement auri -gnaciennes que possible 1.
La slation d'Antélias présente des grattoirs car·énés, des
bttrins d'angle (non reconnJIS par le P. Zumoffen), des pointes
1
P Zumoffen, !.'âge de la pien·e en Phénicie, Anlh•·opos, III, 1908, p. !tilt. - G•·attoi1·s ca•·énés, pl. XI. - Burins d'angle. pl. XII, nos 12, 'Ir.. - /,a Phé-nicie aFant les Phéniciens. Beyrouth. 1900. Belles lames à t•etouclte aurigna -cienne, pl. VI; pointes de la G•·avette, pl. V fi. 5, 7, 10, '1:1.
i84 H. llllEUIL
àe la G1·avette, et des gmttoi1·s des types habituels de la base de
l'aurignacien s11j>érieur.
An sud de l'Italie, nous retr·ouvons un aurignacien 1 très
typique, à tendance supérietHe, à la grotte Romanelli, (Otrante).
En rentrant dans la pl"ovince atlantique, nous constaterons
quelques intéeessantes particulal'ités, sttsceptibles de sel'vie
à établir certaines relations avec la péninsule Italique et
l'A_utriche. Ce sont les mêmes pointes à cran aurignaciennes
déeivées de la pointe de la Geavette qu'on tro11ve à Grimaldi 2,
à l'Ile d'Elbe, en divers attires gisements de l'Italie elu Not·d,
et à \iVillendorf3 (couçhes supérie11res) en Basse Autriche. La
statuette féminine de cette localité, aurignacien s11périeur, _
confieme avec force l'authenticité, a11trefois contestée à tort, des
figurines des Baousse-Rousse, et c'est an même _niveau que les
bas-reliefs de Laussel, représentant le même type de r·ace, ont été recueillis par r"e
D"
Lalanne, avec des pointes à soie et quel -ques-unes à cran -l. Krems 5, en Autriche, corr·espond à une phase beaucoup plus primitive de l'aurignacien moyen ; sesnombl'eux petits micr·olithes sont semblables il ceux, inédits
encore, que les abbés Bal'clon et Bo11yssonie ont recueilli dans
une station elu même àge des envit·ons de. Beive; les petits
éclats et lames minces à coches profondes et souvent mul
-tiples de Krems se retl'ouvent aussi à Pail' non Pair, vers la
base des couches aurignaciennes, et à Grimaldi (grotte ·des
Enfants) à un niveau correspondant.
1 Stasi et Regalia, Crotta Romanelli, ·1904, pl. II et Ill, Archivi per l'
An-t•·op. e l'Etnol., 1904, fasc. I. - Mo chi, La succession des industries paléoli
-thiques el les changements de la faune du Pleistocère en italie, Flo•·ence,-19-12.
" Les grottes de Grimaldi (Baousse-Rousse), IV. A•·chéologie, par· E. Car-tailhac.
s Hœrnes, JJer dilu.l'iale Jlfensch in Europa, p 122, 123.
4 Statues féminines aurignaciennes de Grimaldi, S. Reinach, L'
Anthropo-logie, IX, p. 26. - E. Piette, Bull. soc. anth., Paris. 5 nov. 1902. - H. übe r-maie•·, Der /J'Iensch der Vorzeit, pl. 14. - Statue de Willei~dorj', L'Anthr opo-logie, ·J9'10, p, 700. - Stctlues en relief de Laussel, clécouve•·tes pa•· le D•· Lalanne, voir l'Anthropologie, 1911, p. 257; 1912, p. -130.
5 J. St1·obl et H. Obermaie•·, _ Die Au;·ignacienslation von Jü·ems (Nieder Oeslel'l'eich), J ah rbuch fü l' Altertumskuncle. III, '1909.
•
t
PALÉOLITHIQUE SUI'lllllEUH 185
Si nous suivons l'a11rignacien en Rttssie, no11s pot1vons
seulement elire que les silex de la station de Mezine (
Tetter-nigov 1), exposés par M. Volko"v à la Société d'A
nthropo-logie de Paris en 1909, ressemblaient beaucoup aux types de
l'aurignacien le plus évolué; les burins d'angle y étaient
L FJG 15 {t_
f,
\
~
IJ
1 !' : /.; ,, J FrG 15 b.FrG. 15 a. - F1·agments d'alènes de l'aurignacien moyen de l'ab,·i Blanchard
à Sergeac (Do•·dogne), -il extrémité perfo•·ée. p•·emière indication d'une SOI'le d'aiguille; d'ap•·ès les objets de la coll. Didon, recueillis clans ses fouilles;
demi g•·ancleur.
FIG. -15 b. - 1, Flèche ù base fend ne àcannelu1·es longitudinales du magdalénien ancien elu Castillo, pa•·aissant établir une liaison avec un p•·olongemeut de la
morphologie osseuse au•·ignacieune; 2, pointe à base fou•·chue, B1·assempony, magdalénien moyen; 3, pointe il base fou•·chue, Gou•·dan, base dn rnagdal.:\nien supé•·iem·; 4, Mas ci'Azil, même niveau; 5 el 6, petits inst•·uments four·chns qui
après les petits objets ligur·és plus loin, fig-. 33, continuent cette filière jusqu'au
magdalénien finaL Echelle : 'j..
!l'ès nomhl'eux; ceux en bec de flùte assez t'ares; on y voyait
aussi des microlithes rappelant les types de la Gl'avette.
On pourrait parfaitement admeltl'e gue clans cette province
ol'iental_e, l'au!'ignacien supél'ieut· ait duré davantage; en tout
1
Au Congrès de Genève, l'étiquelle conce1·nant la mème station était libel -lée: Mélène (ükrainPJ; M. Ca•·tailhac vient d'émettre également son -opinion
186 H. BIŒUIL
cas son évolution prend à Mezine une direction toute particu
-lière, si on en juge par les objets d'os et d'ivoire; à côté de
bâtonnets segmentés r·appelant Spy et Beassempot~y, de très
geos perçoirs à tête perfoeée évoquant l'idée d'aiguilles primi
-J
~~
,l , ~ ~ %· '\l ,1 ~rif:
!h ",.
~
11 ,t: !·) 1~ b ,•c:
v~ ~ 1 : 8 11F1c. '16. - Sagaies elu vieux magdalénien py•·cneen. 'l, 2, 3, Mas ci'Azil :
4, Lotu·cles; 5, S'-iVIichel-ci'At·ucly; 7, 7, Mas d'Azil; 8, l:lt·assempotty; 9, '10, 1'1,
Allami•·a (Santander). Echelle :
'
/
2,
sauf U, '/•·tives qt~i ne sont pas sans analogie avec les poinçons à tête
perl'oeée de l'abri Blanchaed (f'ouilles Didon), il existe toute
une série d'œt~vres d'art sans analogue comme ve1·s l'ouest. Je
ne parlerai pas des plaques de bt'acelels et de l'espèce d'objet conique appelé oiseau par i\I. Volkow, les unes et les autees
PAI.ÉOLITHIQU:E SUPÉIIIEUII 187 merveilleusement ciselées de grecques emboîtées en sorte de
spirales, mais des objets allongés à forte saillie latérale
oppo-sée à un côté aplati. M. Carlailhac, qui me fit voit· ces objets
:j
'
I
l
1 :11
1
'11
I
l
it
Ftc. 17.- Sagaies elu plus ancien rnagdalénieu de Placard (couches 4 el 5
de M. de M:ll·et); la décoration 2 est su•· une sagaie semblable; 1 ù 5 sont •·éduits ù '/•. fi à 9 aux "/•. 10 it
'
/
s.
en 1909, e11t, comme moi et indépendamment, l'idée qu'il ne s'agissait nullement, comme le cl'oyait M. Volkow, de rept
dégé-188 H. BHEUIL
nerees, issues de types stéatopyges elu genre de Brassem
-pouy. La plupart portent sur la sm·face plane des gl'avures qui
ne sont pas que clécot·atives, mais figul'ent le nez, les hl'as
relevés sut· la poitrine et mains jointes, et un larg!:l' triangle
génital, remplacé par la figuration de la verge sur la statuette
la moins bien clouée comme développement fessier; quelques
incisions sur la nuque ligurent le chignon; de plus, la région
des reins et de la taille est couvet·Le de menttes décorations
géométriques, pcut-êtt·e indice de Latotwges compliql!és. Le
caractère de ces ot·nements si purement géométriques, et si
poussés connue travail décot·atif, joint au:ç rapprochements
faits avec la déf'ense de mammouth ciselée de ·la rue S'-Cyrille
à Kiew 1, -et avec certains ivoil'es omés de la station vieux
solt1tréen de Preclmost (Mot·avie) 2, sont, clans l'état actuel des
recherches en Russie, les seuls éléments que nous possédions
sur un rameau aurignacien Sttpél'ieur si remar<iuablement doué
d'tm talent décoratif original, qu'on pettt être assuré qtle son
influence ne s'est plus jamais étendtte à l'ouest au clelà de ln Moravie, et que ses transformations ultérieures, encol'e inr.on
-nues, seront pleines de surprises et cl'impréV!I.
III. SolaL!'éen. - Dès les niveaux les plus élevés de l'auri
-gnacien, tant en Belgiqtte qu'en Périgord et à Solutré, la retou
-che solutt·éenne fait son apparition timide, soit vers la pointe
des flèches pédonculées de la Font-Robert,· de la Ferrassie et
de Spy, soit sur la face d'éclatement de lames, principalement
vers la hase et vers la pointe; de la sot·te, il arrive qu'on
aboutit à une gl'ossière éba11che de feuille de laut·iee, mais tout le reste de l'outillage demeut·e a1uignacien.
Puis, tout à coup, en Doedogne, au Trilobite (Yonne), et
jusqu'en Ardèche, vient le protosolutréen 3; g'l'and appauvri
sse-1
I-Iœ1·nes, Diluviale il'Iensc!t, fig. 78, p. 182, d'après Volkow. 2
Maska, Der diluviale JJ1ensch in J1tliihren; Hœ1·nes, ibid., p. 138, fig·. 55, nos 7, 8; p. 143, fig. 57.
3
D. Peyrony, b1·oclmre déjà citée sur le Ruth et l'évolution de la pointe en silex. - D•· P. Raymond, La grotte dtt Figuier (Ardèche). Transition Aurign o-Solutréenne, Revue p1·éhisto1·ique, ·1911, p. 45. -L'abbé Par·at, La grotte du
.
\
1r '
Ill
'
~~
·
~
'·
1
1
c
~
~~
.,,,
l''' 1'/l'
'
il
l
1I
l
'3 ::!1:\
·
;
1
1 1 '1
1 1~ j
:
,
)
4-'/1
l
,-,lp
"""-- ....0 =- f;/
F1G. j8.- Sagaies el aut1·es objets déco1·és des niveaux assez ,·ieux magda -lénien (couches 2 et 3 de M. de Maret) elu Placa1·cl. Echelle 1/2 pou1· 2, 3, 4, 5,
-6, 7, 8, 9, '1'1•, '12, 13; "/4 pou1·1, 10, 'lib; le n° 8 est SUl' une navette semblable Jt Ha, el figu1·e une face humaine conventionnelle.
190
1-1. llllEUIL
ment industriel, par rapport à ce qui précède: vraie chute dans le
travail de l'os, qui persiste, mais régresse beaucoup, vraie chute
anssi, dans la diversité et la confection des autres ontils, les
pointes à face plane excepté, à retouche soluteéenne partielle,
belle, sans doute, mais monotone.
La technique soluti·éenne se perfectionnant, la feuille de
laueier, caractéristique du plein solutréen, est créée, et se ren
-contt·e de la Pologne 1 et la Hongl'ie 2 à la Bavière pat· l<1
Mora-vie, puis en France, principalement à l'ouest et à l'est elu Pla
-teau centt·al, etjusque dans la pt·ovince de San!andel'.
Dans les Pyrénées françaises, pourtant, les recherches n'ont
pas
<~hotJti
jusqu'à p1·ésent à trouvet· des s!<Jtions solutréennes;on <1 hien trouvé une feuille de lauriet· à la CI'Ouzacle, deux 011
tl'ois à Gourcl<Jn, une incomplète à Montfort,
m<~i
s,
si près desstations de Bt·assempouy et des envil'ons de Dax, on n'a pas
tl'ouvé leurs p<~l'eilles.
Peut-êtt·e, en effet, le solutréen, descendu de Dordogne sut·
le Gers et Stlr l'Adonr, a-t-il suivi le littoral pour aboutir à
Santandet', sans pénétrer clans la chaîne pyrénéenne.
Peut-être dans celle-ci, I'al't et l'ontillage aurignacien sup
é-rieur ont-ils donné
nai
ss
<~nce
à l<1 civilisation magdalénienne ?Ce n'est pas une qnestion que l'on puisse résoudre t1·op vite.
Vet·s le nord, la Belgique, à Spy, a donné des indications
pt·otosolutréennes inclnbitables, qn'on rett·ouve également clans
diverses. cavernes anglaises, mais il n'est pas encore certain
q11e le sol11tréen hien ca1·actérisé s'y rencontr·e vraiment;
M. Commont a aussi trouvé dans les limons de Pica1·die un
niveau pl'Otosolutl'éen, mais sans vraies feuilles de laurier.
1'1·ilobite, Bull. soc. sc. hist. ct nat. de l'Yonne, '1902. - ])r Lalanne, sut·
Laussel, loc. cit. - To·ès po·obablement, il fat•t •·apporlet• au
m
è
m
~
·niveaul'abri sous o·oche du Hond, pt·ès S'-At·cons d'Allier (Htc_Loire), L'Anthropol o-gie, '1899, p. 385 et suiv.
1
Hœrnes, op. cit., p. 174, lig.
7~,
f<'uilles de laUt·iet· d'Oicow (Pologne russe). - A . de Mol'tillet, L'homme, 1885, p. 157. Figul'es de feuilles de laurie•· de lagrolLe du Mammouth à Vico·schow.
" Ottokao· Kadic, Palâolithische Steingeràte aus der Szeletahuhle in Ungam, iu Beo·icht übeo· die Paliiethnologische Konfereuz in Tübingen, '1911, Korr es-pondenzblatt, 19'12.
I'ALilOLITHIQUE SUPÉillEUil
~
~
~
' ~.
.2 3 G
Fw. 19. -- ·1 à 6,
sa~;aies
et navette du "ieux magdalénien de la grottt• de1\Jaszycka à Oicow, parlant des décoo'alions semblables io celles des niveaux magdaléniens anciens et l•·ès anciens elu Placard; 7, tiiOrceau de navellP elu vieux magdalénien du Langerie Haute; 8, fragment de sagaie du Placard, d'apo·ès Chauvet, semblable comme décoralion à i de la Maszycka Holole. Echelle:
'
/
2
-Dans le Stld de l'Espagne, l\1. Lot1is Siret a signalé une très
petite feuille de laurier cassée à las Pemeras, mais malgTé le
soin mis à ses fouilles, on peut craindre que dans ce gisement,
en partie remanié, qttelqne e1-reur bien exct1sable n'ait été
commise: 011 que l'objet, à aspect presque néolithique, ait
192 H. BI!EUIL
pénétré acciclentellemenl dans une assise sous-jacente de
caractère différent. En tout cas le solutréen manque entièr
e-FIG. 20. - Bâtons de commandement décorés des niveaux du plus ancien magdalénien du Placar·d (couche 4 et 5 de M. Je Mar·eq. Notez l'abondance des
incisions en série comme dans les lemps autér·ieurs. Echelle: ';s, sauf le bàlon
sculpté, qui est à 1j2.
ment à l'est du Rhône et dans la péninsule Ibél'iqne, et aussi
en Sicile, clans l'Afl'ique algérienne et en Phénicie.
Ce n'est donc pas vers le sud qu'il faut en rechercher l'ori -gine, et la province méclitenanéenne, y compris les Pyl'énées pwprement elites, n'a probablement pas connu cette industrie.
PALJ~OLITHIQUE SUPÉHIEUII
193 Elle semble au contraire devoir provenir de l'est de l'E u-rope, et les dernières années de fouilles clans les grottes hon-gmises indiquent clans ce pays un gr·and développement elu vieux solutréen, tandis que, jusqu'à présent, le Yéritable a ur·i-gnacien n'y a pas été rencontr·é. Au-dessous des niveaux à
vraies feuilles de laur·ier' un peu épaisses en calcédoine, on
trouve des niveaux à types plus frrrstes, toujours taillés sm· les deux faces, et dont l'aspect grossier et la fo1·te altération
font penser à des petits coups de poings dégénérés elu moust
é-rien supérieur·.
On a souvent tenté de rattacher la feuille de laurie1· à un
instrument amygdaloïde affiné et rapetissé, et à explique!' le
solr1tréen par l'évolution d'une sot·te d'acheuléen. Cette évolu
-tion ne s'est cet·tainement pas produite clans l'Europe centrale
ou occidentale, encore hien moins dans les divers points
actuellement explorés de la province méditerranéenne; mais
il n'est nullement impossible gue cette évolution ait en lieu en
d'atrtres points, comme la HongTie. Il est également certain
que les séries acheuléennes du Somaliland donnent toutes les transitions entre des coups de poing très affinés et des types de feuilles de laurier tm peu épaisses 1•
II nous faut clone avouer que l'origine elu solutréen, qui nous
est venu de l'Est, demepre aussi mystérieuse gue celle de l'au -rignacien, plus pl·obablement d'origine méditerranéenne.
Les stations sollltPéennes de Hongrie n'ont pas, j11squ'à pr
é-sent,. donné d'outillage osseux, tandis que celui-ci SLII'abonde
à Predmost (Moravie) oü, pour un nombre très faible de feuilles
de laurier, MM. Kriz et Maska ont recueilli des lllOnceaux d'ivoire tr·availlé, prmni lesquels des gravures géométriques et
un schéma de figure humaine q11i évoqttent une in011ence
venue de Rttssie 2 .
1
Voir collections du British Museum de Londres.
" La slaluelle masculine de Brünn paraît aussi, si elle est de J'âge de P
red-most el non plus ancienne, une p1·olongalion de la technique artistique auri
-gnacienne, cf. M akowsky, Der diluviale Mensch in lœss l'On Bt•tïnn ( JJ1àhren), iVlittheilungen clet· anthropologischen Gesellsch. in \.'.'ien, '1892.
u~
~ Il /~ il'\
l' ,,
,,
1,' 1 ;:/ ; ji ~~~t\ ji\'.
/J ·1 1 ~ \' \,\ 1' /1 1 •'1
\
~
li!
\
'.',
/
,
~~
1 \ 1 ,,' \
'
li
'
1 ~)
\1
:
,,
:
JI
~~
:
f
,,'
\'.'
I
JI'
~~
1r(
d['
/' ,'i
'/1
1
~
1
. 1 .·
I
l
!
Ji
lW
,
<---~
'
'''l
,l
~
;
• -~ ~ ,1 'l~~ "' 1 1 --~-.._.~,/ ' /Alli •'1
1
1 ~---<If:!
.(
i:
i;
',
.
---~-\...---·. ·,.:'l ~· 1, '• ~ ... ~,,
; '..
\:~ /' '.~.. J .. .,r~
\~
/ ,- ___ 'AJII =--::·FIG. 21. - Gros cise~ux et sag~ies décot·és du plus vieux m~gdalénien du Placard (niveaux 4 et 5 de M. de M~r:'et). Notez les traits ponctués et pectinés; 1, 2, 4 sont certainement des poissons schém~tiques; 3, un bois de renne; 6, un serpent. Echelle:
3
/
4
de gr·andeut·.PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUH
195
Predmost indiquerait donc, par l'ensemble de son outillage, un milieu aurignacien évolué, ayant adopté jusqu'à 1111 certain point la taille solutréenne pom les pointes en silex.
On n'a pas, jusqu'à présent, sig·nalé de station solutréenne évoluée clans l'Europe centrale, ni même au nord de la Loire et du plateau centr·al.
A
Solutré, en 1907, durant les fouilles de .M. le D'' Fabien Arcelin, j'ai pu constater deux assises solutréennes bien diffé-rentes; l'une, pauvre en os travaillé et burins, à grandes feuilles de laur·ier; l'autre, J'Ïche en petits débris d'os travaillés et en burins, à petites feuilles de laurier et à feuilles de saule allongées et retouchées sur une se1tle face; la pointe à cran solutréenne y manquait entièrement, mais il s'agissait bien d'un niveau conesponclant. Les gisements à pointes à cran solutréennes actuellement connus sont tous situés entre la Loi1·e et les Pyrénées cantabriques; la trouvaille la plus sep ten-trionale a été faite par moi en Poitou, clans le gisement de Montaud (Indre); les régions de la Charente, du Périgord, de la Chalosse, en ont donné de nombreux échantillons ; le seul gisement elu Placard 1 en a donné plus de cinq mille, entières ou
1
On remat·quet·a combien ce chiffre dépasse celui de 500 entières et de
nom-breux ft·agments de moindr·e importance donnés par M. A. de Mortillet; cette indication, cômme toutes celles qu'il a publiées se rapporte à l'unique collec -tion sélec-tionnée, conservée jusqu'en 1910 aux Ormeaux (Vienne). J'estime à
1500 le nombr·e de pointes it crau entières ou presque entières de celle coll
ee-lion, el à au moins 3500 les fragments ou pièces intactes de la seconde col
-lecl~on, conservée dans la métairie 'du lVIénomet (Charente), que j'ai étudiée
ég~lement, 'tandis Cjue M. de Mor·tillet en a ignoré l'existence. Elle ét~il beau-coup plus nombreuse que J~ collection des Orme~ux ct comprenait presque
lous les outils d'us~ge négligés par M. de Mat·et; là se trouvaient, pal' exemple,
bon nombre de bu.rins latérau.x du solutréen dont M. de Mar·et ne faisait pas
cas, car il ne connaiss~it que les burins rl~ssiques en hec de flùte, qu'il ~ppelait
cise~ux. Une petite série cependant s'en trouvait aux Ormeaux, et M. de Mortillet,
en déclarant qu'il n'y en avait aucun, a simplement montré que ses connaissances en morphologie industrielle paléolithique se bor·nent 'aux types décrits voici quarante ans, et repr·oduits dans son Musée pl'éhistorique. Tous ceux qui ont
fouillé personnellement- et M. A. de Mot·tillet n'est pas du nombre- des
gise-ments solutréens, savent qu'ils contiennent toujour·s des burins, quoique moins
fr·équenls qu'avant et que plus tar·d. Il y en a à Solutt·é, à. Lauget·ie
H~ule,
à196 IL TIHEUIL
FIG. 22. - G•·os lissoi•·s o•·nés de déco•·ati~ns du magdalénien assez vieux du
Placa•·d, avec traits pectinés et ponctués; compa•·ez
t
,
,
.lu Placard, et 5 deKessle..Joch. Echelle : 1, 2. 3, G, "/": 4 et 5, 1/2·
PALJ~OLITHIQUE S1t:PJlHIEUil i97
fragmentées. Dans la province de Santander, M. Alcalde del Rio
les a déco1tvertes clans la caverne d'Altamira:
La pointe à cr<Ùl solut•·éenne ne provient pas de l'évolution
de la feuille de laurie•· originelle; on trouve bien, dans cer
-taines localités, comme à Monthaut (Landes), des gisements où
les bases de feuilles de laurier dissymétriques tendent à se
modifier afin d'émettt·e une petite soie obtuse, mais aucune
forme de transition ne les relie aux vraies pointes à cran. A
:Monthaut 1 même, il existe de raees pointes à c•·an primitives
et une pointe à soie saus retouche solutréenne, qui paraissent
un empmnt fait à un ensemble aurignacien final du genre de
la Fonr-Robe•·t. On ser·ait clone amené à suppose!' que la pointe
à cl'an, déjà créée par les aurignaciens supérieurs (vVillendorf,
Grimaldi, ltalie, Dordogne), a été empruntée avec des modifi
-cations à des tribus continuant cette tl'adition dans des régions où l'invasion solutréenne n'a pas pénétl'é.
L'os travaillé, malgré Lm préjugé trop laegement répandu, ne
manque à aucun niveau .elu solutréen feançais. M. Peyrony en a trouvé aux· niveaux pwtosolntt·éens, solutréens typique et
supéeiem elu Ruth (Dordogne). J'ai twuvé à Monthancl (Inclt·e),
une .série de sagaies et de poinçons en bois de renne; M. Ar
-celina tonjotus soute'nu l'existence d'os travaillé à Solutré clans
les milieux solntl'éens et j'ai pn vérifier le fait moi-même. Des
os travaillés existent dans les gisements solutréens de Lan
ge-rie Hante, de Badegoule, elu Placard, de La Cave, etc. Dans
la provirice de Santander,. le solntréen moyen à feuilles de
lauriee elu Castillo et le supéeieut· à pointes à cl'an d'Altamiea ont
un outillage osseux incontestable. Néanmoins on doit recon -naitre que les deux premières phases du solutréen occidental
d'un gisement solutréen typique absolument pur du Poitou (Un abri solutréen
SUl' les bords de L'Anglin à Jltlonthaud, Indre, Mémoii·es de la Soc. des Anti -quai•·es elu Cent•·e, ·190G, fig. 10); il y en avait une t•·enlaine de fo•·Lune, 23 en bec de flùte du type classique et 45 latéraux ù retouche terminale oblique (type bUJ·in d'angle de MM. Ba,·clon et Bouyssonie). Ils ne manquent pas non plus
dans les gisements bavarois el wurlembe1·geois étudiés par M. R. R. Schmidt..
' F. iV!ascaraux, /,es sile:x; de Jlfonthaut (!:andes), Revue anth•·opologique,
198 IL llllEUIL
0
,., 'FIG. 23. - Objets sculptés elu vieux magdalénien elu Placa•·d (couches 3 el 2 de M. de Muret); 1, tête de Félin (?); 2, Lapin; a, sculptu•·e· de masque cé ré-moniel; 4, tête indéterminée; 5, tête g•·imaçante, masque i'; 6. tête de loup ou renard; 7, 8, boucles en os, de la couche 3· de iV!. de Ma•·eL, interprétées en
têtes de bison. Echelle: 3/• pour 1, 2, 4, 7, 8; '/
1 pour 3, 5; '/• pou•· 6.
PALÉOLITHIQUE SUPÉIUEUII 199
sont caractérisées pa1· un grand fléchissement du travail de l'os,
qui se relève rapidement avec le niveau supérieur à pointes à
cran.·
Si nous comparons les os travaillés de deux des plus gl'ands
gisements de ce niveau et des mieux caractérisés, le Placard 1
' 0 '
.
'.
' n .. fF1G. 24. - Objets du Placard (couches vieux magclaléni'en 2 eL 3 de de Marel) et d'AILami•·a, 01·nés de petites L•·ansverses et de L•·ails longitudinaux et de
dents de loup. 1, 5, 3, 4, Le Placa•·d, échelle: "/•; 5. 7, 7, propulseu•·s à c•·ochet de la couche n° 2, '/2; 8 à 12, Altami•·a, magdalénien ancien, échelle: 1j2.
(Charente) et La Cave 2
(
Lo
l
),
nous ne set·ons pas peu surprisde les trouver complètement différents, hien que tons deux
témoignent d'une égale habileté; on doit reconnaître à ce point
de vue leut· dissemblance fondamentale: le Placard, avec ses
1 A. de iYIOl'Lillet, La grotte du Placard (Charente) el les diverses industries
qu'elle a livr_ées, Congrès P1·éhistorique de F1·ance, Vannes, 1906; voir c•·itique
de celte brochu•·e dans mon ll·avail «L'Aurignacien présolul!·éen ». Revue Pr
é-histol'Îque.
" A. Viré, L'Anthropologie, XV, p. 411.
FtG. 25. ' -Os décol'és et sculptés elu magdalénien ancien de div~rs gise -ments. '1, cuille•· ù poignée imitant des pattes liées, Bnmiquel, l!'ou des Forges, échelle: 1/2; 2, bàton de commandement de Laugerie Basse, coll. de Vibt·aye, demi gt·audeut·, type t•encontré des Pyt·énées jusqu'en Bavièt·e ; 3, poinçon sculpté eu os, g•·otte des Fadets, it Lussac, mes fouilles; ces digilations pat·aissent
imitet·l'at·ticulation d'un canon d'oiseau, gl'andeut· vt·aie; 4, couteau de Laugeric Haute, coll. Peyl'ony; 5, gt·osse sagaie de Lauget·ie Basse, musée de Toulouse; 6, 7, lame d'os et ciseau du gisement de la gt·otte des Fées, Mat·ca(llps (Gironde),
fouilles Daleau; 8, bois de t'etllle Ol'tlé de Bnmiqucl (Lafaye), coll. Bntn; ~ ;\ 8, demi gt·andeut·.
PALÉOLITHIQuE SUPJ::HJEUH 201
nombreuses alènes à tête ornée de jolies mctstons, ne rap
-pelle en rien La Cave, qui est une station solutréenne supé -rieul'e à os travaillés magdaléniens, tout spécialement les
aiguilles: on elirait vrniment que les solutréens de La Cave subissaient fortement l'influence de tt·ibus magdaléniennes
déjà constituées clans la t·égion des Pyrénées et peut-êll'e de 1\'Iontauban, tandis que leurs conlempol'ains de la Charente, plus éloignés de ce royer méridional, évoluaient clans une
direction analogue à celle de l'aul'ignacien, quoique beaucoup plus raffinée.
IV. Le magdalénien. Sur les a-ssises· solutréennes à
pointes à cran, reposent en maintes localités les plus anciens
foyers magdaléniens. S'il est tm fait certain en préhistoire, c'est que les pL'emiers magdaléniens ne sont pas des solu
-tréens évolués : c'étaient bien des nouveaux venus dans ces
endroits, aussi inhabiles clans l'art de tailler et de retoucher
le silex que leurs prédécesseurs y excellaient.
Que ce soit à Baclegoule, aux Jean-Blancs, à Laugerie Haute,
à Lanssel, etc., en Pét·igo!'cl, on att Placal'd (Charente), l'examen
du plus ancien magdalénien 1 l'évèle
1111 changement t•aclical
avec les temps pt·écéclents; les éclats de silex sont massifs,
loul'ds, mal venus, souvent de ma.tlvaise qualité, mal retouchés,
parfois d'L1ne mànière pt'esque éolithique; les outils de fortune,
perçoirs, coches, burins, sur éclats quelconqttes sont abon-dants 1• Quelle clifl'érence avec les beaux silex si finement
éclatés et retouchés, en roche soigneusement sélectionnée, du
solutréen supérieur! Partout cl'ailleut·s, les magdaléniens sont
1 D. Peyt·ony, Nouvelles ('ouilles à Badegoule (Dordogne), solutréen sup
é-rieur el transition du solutréen au magdalénien, Revue pt·éhistorique, '1908, n° 3. - Capitan et Bt·euil, Une fouille systématique à Lau.gerie !faute. A sso-ciation française, Congt·ès de Montauban, '1902. - D·,. Lalanne et l'abbé Bt·euil,
Cabri sculpté de Cap-Blanc à Laussel (Dordogne), L'Antht·opologie, t9tl. p. ~85. - Renseignements personnels dns à M. Peyt·ony pout· les Jean Blancs.
-- On peul encore citet· pt·obablement la fouille de M. Ft·anck Delage it Ser· geac, qui n'est pas tet·minée, et la pat·t.ie infét·ieut·e des couches magdaléniE:nnes de Liveyre (Dol'dogne), explorées incomplètement pat· lVI. Rivière. '
202 H. DREUIL ~ :j ·:' ..) C\_G) 1.
3
Fw. 26. - Baguelles demi rondes du magda -lénien assez ancien. '1, Mas d'Azil; 2, Lon1·des;3, Arudy; 4, Mas d'Azil; 6, GoLu·dan; 6, Mas
d'Azil ; 7, Langerie Basse. Echelle :
"
/s
Lasuccession de 5, 2 et 3 donne l'origine de la d é-coration spirale el ocellée ù partir de la corne
et de l'œil du bison.
moins difficiles dans le choix de leurs matières premières
qu'aux époques aurignaciennes et s0lutréennes. En revanche,
l'outillage osseux a tout de suite son cal'actère bien défini, les
aiguilles ne manquent jamais, les sagaies sont nombt·euses.
D'oü venaient les magdaléniens? De notables analogies avec
l'aut·ignacien snpérieul' pyt'énéen, pi'Încipalement en ce qui
PALÉOLITHIQU:E .SUPÉiliEU11 203
concerne l'art pariétal (gravnl'es de Gargas), l'usage répandu
des marques de chasse, même la forme très élargie et aplatie
à la base des grosses sagaies du vieux magdalénien peuvent faire
songer à un berceau pyt·énéen, pttisque cette contrée française
paraît manquer de l'épisode solutréen. La médioct'Îté et la
rareté des gisements de silex dans ce pays expliqueraient par
-tiellement l'inhabileté des Yieux magdaléniens à tt·availler cette
matière avec al't. Il ne s'agit là que d'une pure hypothèse ; il
semble toutefois qu'au moins des éléments fondamentaux de
l'aurignacien supérieul' ont contribué, par quelque voie incer
-taine, à constitue!' le noyau de la civilisation magdalénienne,
durant que l'épisode solutréen se déroulait. Il ne semble pas,
en tout cas, que les magdaléniens, s'ils ont une origine étran-,
gère, aient ptt venir des pl'ovinces méditerr::~néennes qui en
manquent totalement. On peut, au-contt·aire, songer à des él
é-)11ents orientaux, car le magdalénien ne manque ni en Autriche,
ni en Pologne. Des stations de vieux magcÎaléniens misérables
existent dans le lœss d'Autriche, ainsi que M. Obermaiet· l'a
démontré; en Pologne, la gwtte elu Maszycka, à Oicow 1, a
donné une grande série d'os travaillés avec décorations sch
é-matiques et petites rainut·es longitudinales correspondant à la
couche encore tl'ès ancienne de la gt·otte du Placard qui su
c-cède à la base clu'magdalénien. Le fait qu'à une date bien plus
récente, on trouvet·a vers l'Oural, et clans les pt·ovinces bal
-tiques une espèce de magdalénien particulier dont l'origine
n'est pas occidentale, doit incliner à l'ait·e admettre, vers l'
ex-trême nord-est habitable à ces époques, un foyer magdalénien
qui a pu essaimer vet•s l'occident d'abord, puis, bien plus tard,
vers la Baltique et l'Oitt·al.
Nous ne pouvons, en effet, négliget· les caractères anat
o-miques décrits pat· Testut, de l'homme de Chancelade, et leues
t·elations avec le type Eskimo actuel, et cette indication plaide
en faveur d~un élément nouveau venu peut-êtee du fond de
l'Asie sibérienne, mais qui bénéficia, clans nos régions, des 1