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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les natures du son Où quand la biodiversité donne le la

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Academic year: 2021

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LES NATURES DU SON

Où quand la biodiversité donne le la…

Caroline BUGAT et Stéphane VAIEDELICH

Musée de la musique, Cité de la musique, Paris, France

Mots-clefs : musique – biodiversité – matériaux – médiation - musée

Résumé : Nous présenterons une expérience de médiation mise en place au Musée de la musique avec la collaboration de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité. Un parcours dans le Musée accompagné d’un livret de 24 pages distribué gratuitement à tous les visiteurs les sensibilise aux liens entre musique en nature, dans le répertoire et dans la facture instrumentale, tant dans les aspects fonctionnels que décoratifs de l’instrument.

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INTRODUCTION

Le Musée de la musique propose plusieurs parcours entremêlés qui offrent aux visiteurs une histoire de la musique, vue par le prisme de la facture instrumentale, des ensembles orchestraux et des répertoires musicaux. Ces différents regards se déclinent lors de la visite des collections du Musée, organisée de façon chronologique.

Vecteur d’un utopique langage universel, mais subordonné à la culture et à l’environnement qui président à sa naissance ou à son invention, l’instrument de musique, produit du génie humain, est le témoin des relations homme-nature.

De prime abord, le public peut être désorienté par l’association inhabituelle des concepts de musique et de nature. La médiation spécifique que le Musée a mis en place avec le livret « musique et biodiversité » met justement en lumière leur caractère indissociable : utilisation des ressources naturelles dans la facture instrumentale, représentations symboliques fréquentes dans les décorations ou dans le répertoire musical, place de l’instrument au sein d’une culture.

Comment informer le public de l’immense variété des espèces naturelles impliquées dans la facture instrumentale, donc dans la musique ? Par quel moyen lui faire comprendre que la perte d’une espèce peut entraîner la disparition d’un instrument de musique ou d’un répertoire ? A l’inverse, comment le sensibiliser au fait que la fabrication des instruments peut avoir des répercussions sur la nature ?

Le parcours original dédié à la biodiversité conçu par le Musée de la musique et soutenu par un livret diffusé gratuitement grâce au soutien de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité est une réponse originale et séduisante, répondant au cahier des charges de diffusion des connaissances et des recherches menées par les équipes scientifiques du Musée. Cette expérience de médiation en cours depuis 8 mois au Musée de la musique, qui explicite les liens entre musique et nature, en l’illustrant de façon vivante par des films et des enregistrements, rencontre un succès important auprès des publics et semble ainsi montrer sa pertinence.

On y croise des objets faits d’un mélange astucieux de poils, de plumes, d’huiles ou de graisses animales, d’os et de gélatine, de cucurbitacée et de Zyziphus lotus assemblés ou non entre eux, et utilisés pour produire des sons, de la musique.

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ENJEU DE LA MÉDIATION AU MUSÉE DE LA MUSIQUE

De l’instrument à la musique

Héritier de la collection du Conservatoire de Paris, le Musée de la musique présente au public une importante collection d’instruments, resitués dans leur contexte. Pour autant, l’indispensable mise en vitrine des œuvres construit une distance forte entre elles et les publics. Un véritable enjeu de médiation se pose alors : comment passer de l’instrument à la musique, de la facture aux sonorités, comment maintenir le fil entre l’objet présenté et le spectateur ?

Des dispositifs traditionnels, tels que des audiovisuels et des audioguides, proposent des extraits sonores d’instruments de la collection. Il est de la sorte possible d’entendre ce que l’on voit et de reconstruire un lien perceptif direct, fournissant des informations sur les interactions entre les sons, les matériaux et la facture des instruments de musique.

Ce dispositif de médiation est renforcé par la présence quotidienne de musiciens dans le Musée, au double rôle de communication : évocateur et émotionnel par la musique que le musicien propose, narratif et didactique lors des échanges avec le public.

A l’appui de ce dispositif, une large grille de visites guidées et commentées vient enrichir le propos culturel et scientifique proposé aux publics. Ce dernier volet de médiation emporte les participants dans une visite thématique qui favorise l’éclosion de nouveaux regards, de nouvelles approches de l’instrument de musique.

Ainsi, l’expérience de médiation du Musée de la musique, conduite depuis son ouverture il y a quinze ans, montre que la collection peut être explorée sous de nombreuses thématiques : l’instrument comme représentant d’une famille instrumentale (les cordes frottées, les bois etc…), comme support d’un répertoire, comme objet d’art ou de pouvoir…

Construire un projet de médiation autour des rapports entre la musique et la biodiversité ramène à éclairer une problématique fondamentale : toute société humaine possède une forme de musique, et pour exister, la musique a besoin de la nature.

L’instrument de musique est avant tout un objet physiquement rattaché à la « nature », fruit du pétrissage de cette dernière par les mains de l’homme. Bois, cornes, résines, peaux, boyaux, plumes, crins…la liste des matières puisées dans la nature est d’autant plus longue qu’elle diffère d’un pays

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L’idée de nature en musique s’inscrit en filigrane de cette problématique, elle suit principalement deux pistes de réflexion qui semblent pour le moins traverser l’histoire et le monde : la nature comme réservoir des matières, associé à l’idée de maitrise et de contrôle de cette dernière par les sociétés humaines ; la nature idéalisée, imitée, mère nourricière et de fait source d’inspiration des créations matérielles et musicales.

Un premier niveau de recherche

Compte tenu de sa dimension, le livret constitue une sensibilisation au sujet, une étude approfondie des liens entre musique et biodiversité ne pouvant entrer dans un tel format. Pour autant, cet outil de médiation aborde une grande partie des thématiques liées au sujet exploré : apparition d’un matériau, données actuelles sur les ressources, impact sur le répertoire de la disparition d’un élément de la biodiversité, évolutions et ruptures organologique consécutives aux modifications environnementales etc… L’articulation d’un discours fluide indépendant du parcours dans les collections donne à ce document une existence autonome en dehors de toute visite du Musée.

UNE NATURE EXPLOITÉE

Un réservoir naturel de matières

Relier nature et musique revient dans un premier temps à parcourir le vaste champ des matières utilisées en facture instrumentale. Cet inventaire, qui se déploie tant dans une perspective historique que géographique, amène à décrypter une certaine idée de la nature qui avait cours à une époque donnée, dans un lieu donné. Il permet de retracer les habitudes d’utilisation d’un matériau, les conditions de son approvisionnement et les raisons de son choix, même si l’ensemble de ces éléments n’obéissent pas à des lois toujours parfaitement identifiables. Ainsi, difficile d’évaluer si l’utilisation d’un bois exotique pour la fabrication d’un instrument italien au XVIIe siècle relève d’un critère acoustique, culturel, esthétique, ou d’un peu des trois !

Se dégage néanmoins l’idée que la nature est un vaste réservoir de matières que le facteur va sélectionner, tailler et transformer, et parfois même cultiver, pour fabriquer l’instrument de musique.

Cette grande diversité des matériaux présents dans la fabrication d’un instrument peut être illustrée par deux exemples géographiquement opposés : le clavecin et les cordes africaines.

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Bois de peuplier, cyprès, chêne, touches en ébène, ivoire, tilleul, plume de corbeau ou de dindon, huile de pied de bœuf, soie de sanglier, autant d’éléments issus de la nature entrant en jeu dans la fabrication du clavecin.

Pour fabriquer les cordes, en Afrique, se côtoient les matières les plus diverses : cordes végétales en fibres de palmier ou en fougère, cordes d’origine animale en poils d’éléphants, de girafe ou en boyaux et peaux de mammifère torsadées, jusqu’à la dernière trouvaille de la bande magnétique de cassettes audio torsadée.

A l’étonnement du visiteur devant cet inventaire insoupçonné, s’ajoute un questionnement sur les procédés en usage de nos jours dans la facture instrumentale, dans un monde où l’on fait état d’une disparition accélérée du nombre d’espèces.

Problématiques de la facture instrumentale aujourd’hui

Aujourd’hui, une certaine standardisation, conjuguée à l’utilisation de matériaux issus de la chimie, prévaut dans la facture instrumentale. Le siècle précédent a vu s’organiser la production industrielle et le constat actuel fait état d’une raréfaction inquiétante de la diversité des matières et matériaux. De nos jours, une lente évolution des comportements traduit un changement dans l’idée même de nature : à l’exploitation parfois effrénée de ses richesses se substitue la nécessité de la protéger et l’apprivoiser.

Plusieurs problématiques liées à la protection ou à la disparition d’une espèce, telle le bois de Pernambouc exploité dans la fabrication des archets, conduisent ainsi les facteurs à trouver des produits de substitution ou à organiser des filières de « bonne exploitation » de certaines matières. De même, lorsque le Musée lance la fabrication de fac-similés d’instruments de ses collections, il peut être confronté à des problèmes d’identification des matières utilisées dans l’instrument original, puis à des difficultés pour s’approvisionner dans ces matières de façon satisfaisante. Le cas du fac-similé de la vihuela de mano, ancêtre direct de la guitare, fournit un exemple des plus intéressants. Si le jujubié, utilisé pour le fond et les éclisses de l’instrument, était autrefois très répandu sur le pourtour méditerranéen, il est ardu d’en trouver aujourd’hui. Cette variété botanique témoigne d’une culture perdue, tant au sens propre que culturelle : largement cultivé auparavant pour la consommation de ses fruits, il l’est très peu de nos jours ; doté de pouvoirs magiques dans la

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UNE NATURE RECRÉÉE

L’idée de nature dans le répertoire

L’idée de nature, ou plutôt l’idée qu’une époque ou une culture se font de la nature, trouve un écho dans le répertoire musical.

Qu’il s’agisse, par la musique, d’intervenir sur un événement naturel (faire pleuvoir, éloigner un orage par exemple) ou qu’il s’agisse d’attirer le gibier en imitant son cri, la musique est souvent dotée d’un pouvoir d’influence. Dans les sociétés occidentales, cet aspect magique se présente souvent dissimulé sous d’autres objectifs plus clairement affichés. L’apparente volonté purement descriptive de Rameau, lorsque qu’il écrit la Poule, pièce pour clavecin, ou de Vivaldi lorsque qu’il compose les quatre saisons, n’est que façade. De toute évidence, il s’agit là pour eux de créer en musique leur propre idée de la nature. Dissimulée derrière une réelle intention narrative, la dimension mystique demeure et l’expression musicale tend à transcender la réalité de la nature décrite. L’expression magique prend ici une présence masquée mais musiciens et facteurs sont au service de l’idée de nature que porte le compositeur.

En effet, le musicien est rarement le détenteur de ces pouvoirs et son rôle est somme toute subalterne. Tout comme son instrument, il n’est pas acteur mais remisé au rang d’instrumentiste, de simple exécutant et abandonne à la musique elle-même le pouvoir sur les choses. Véritable détenteur de cette dimension surnaturelle, la musique est le fruit du mariage de la pensée humaine et des matériaux naturels. A l’inverse des sourciers, chaman, ou guérisseurs, puisant à la source une matière naturelle souvent peu modifiée avant son utilisation magique, le musicien tient lui entre ses mains un objet sophistiqué. Pour que s’accomplisse cet acte de maîtrise où la connotation divine procède de l’évidence, il doit apprivoiser un instrument dont la réalisation s’appuie le plus souvent sur des matériaux transformés à l’extrême par rapport à la matière naturelle dont ils sont originaires. Cette mise à distance des origines naturelles reflète le point de vue occidental séparant l’âme du corps, la pensée de la matière, la nature de l’idée de nature. On trouve un relais de cette conception dans les symboliques véhiculées par le souffle : immatériel, le souffle du haut a un caractère divin, et peut de ce fait alimenter les instruments à vent au contraire du souffle du bas, qui, au-delà de son caractère fécal et mal odorant, qui sont des valeurs récentes, représente la matière et constitue par conséquent une émanation du diable. Cette opposition du bien et du mal, cette dichotomie du bon et du mauvais, s’exprime au sein des instruments dans lesquels le mariage des matières devra suivre souvent une pensée magique, relayée jusqu’à nous par le penseur et philosophe dont l’œuvre ne cesse encore de marquer la pensée occidentale, René Descartes. « On dit qu’un tambour couvert

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d’une peau de brebis ne résonne point et perd entièrement son son lorsque l’on frappe sur un autre tambour couvert d’une peau de lion. (Abrégé de la musique, 1618).

Au-delà de cette problématique, la musique accompagne des rituels sociaux directement liés à la nature. Elle vient alors symboliser un lien fort tissé entre une culture et un animal. Dans ce cas, l’instrument est l’emblème de ce lien et sa facture et son esthétique montrent qu’il en est le récipiendaire. Sans aucun pouvoir en tant que tel, il en est l’instrument. Ainsi, la vièle monghol morin khurr est utilisée lors du dressage des chevaux, dans des pièces spécifiques de son répertoire. Vièle à la tête sculptée en tête de cheval, aux cordes en crin de cheval, tout l’instrument témoigne de la force du lien entre les monghols et les chevaux.

L’idée de nature dans la décoration

Interface matériel nécessaire à l’expression musicale, l’instrument de musique est le vecteur d’une expression transcendantale dans laquelle l’idée de nature tient une place prépondérante. Les instruments aux formes zoomorphes sont fréquents. Tantôt aimables, tantôt terribles, ces représentations le plus souvent animalières sont censées apporter à l’instrument la personnalité, le caractère de l’animal reproduit par la sculpture. A l’aube du siècle des lumières, le clavecin est l’instrument des nobles et des princes. Les décorations et polychromies dont il est paré traduisent le regard de l’époque sur la nature. La table d’harmonie du clavecin, planche de bois située sous les cordes, est ornée d’une multitude de fleurs, de fruits, d’insectes et d’oiseaux. Reflet d’une nature idéalisée, cette décoration incarne également une louange à Dieu, une louange de la création, dont la musique se fait là encore l’écho.

CONCLUSION

Ces quelques lignes montrent s’il en était besoin, combien l’’instrument de musique entretient des relations complexes avec la nature.

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Pour autant, il convient ici de souligner que toutes ces dimensions ne sauraient exister sans public. En effet, pour jouer ces rôles, la musique doit être entendue ; Ulysse, en homme averti, ne survit aux chants des sirènes que par la surdité qu’il s’impose.

Par conséquent, l’idée de nature, portée par une musique silencieuse, non jouée par des instruments cloitrés dans des vitrines du Musée, semble à jamais une chimère perdue. Pourtant, l’expérience de médiation dont il est ici question, engagée autour de la nature et de ses lectures au travers de la collection, prouve tout le contraire. L’idée de nature est une expression abstraite dont les véhicules concrets se traduisent de mille manières. Malgré son apparente disparition, cette idée de nature est toute entière inscrite et plus encore renforcée dans l’instrument de musique, dès lors qu’il acquiert une dimension patrimoniale, en intégrant les collections d’un Musée. En effet, cette nouvelle valeur culturelle dont il est détenteur fait de lui, par essence, le conservateur des valeurs dont il est intrinsèquement porteur. Peu importe alors son état et son chant, puisqu’il s’agit avant tout d’évocation. Évocation que toute action de médiation vient offrir aux publics surpris mais satisfaits d’y découvrir leur propre rapport à l’idée de nature.

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