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Technologies mobiles et management : émergence d'un manager nomade ?

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Academic year: 2021

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❒ Résumé

L’émergence des technologies de la mobilité (télépho-nie mobile, ordinateur portable, agenda électronique) et la mise en réseau de nombreuses ressources infor-mationnelles de l’entreprise grâce aux technologies Intranet autorisent désormais le manager à exercer ses fonctions dans des espaces autres que celui de l’entreprise et dans des plages horaires différentes de celles de ses collaborateurs. L’objet de cette recherche est d’apprécier la réalité du développement des prati-ques de management nomades. La recherche s’appuie sur des enquêtes réalisées sur une durée de trois ans auprès d’une population totale de 8 754 salariés. Les résultats obtenus confirment l’existence d’un manage-ment de plus en plus nomade. Cette nouvelle caracté-ristique du management n’est pas sans soulever plu-sieurs interrogations quant aux pratiques qu’elle gé-nère.

Mots clefs :

Technologies mobiles, management, intranet, noma-disme.

❒ Abstract

The rise of mobile technologies such as mobile phone, laptop, personal digital assistant, enables workers to work from everywhere at any time. The main issue of this paper is to assess the effectiveness of the noma-dism in french companies. A survey was conducted during three years on 8 754 workers. The results show an increasing nomadism among managers. This phe-nomenon raises new questions about the way managers work.

Key-words:

Mobile technologies, management, intranet, noma-dism.

d’un manager nomade ?

Henri ISAAC

Maître de conférence s en sciences de gestion

CREPA

Université Paris Dauphine 75775 PARIS CEDEX 16 33 (0) 1 44 05 43 08

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Technologies mobiles et management: l’émergence d’un management nomade? Henri ISAAC

Introduction

La fin du XX° siècle est marquée par l’ émergence de technologies mobiles de communication et de traitement de l’ information comme le téléphone mobile, l’ ordinateur portable, l’ agenda électronique personnel (PDA), ou plus récemment encore le Tablet PC . Parallèlement, la péné-tration des technologies de réseaux dans l’ entreprise con-duit à la mise à disposition des managers de nombreuses ressources informationnelles. Dès lors, le manager est en mesure d’ accéder à des informations nécessaires à son activité en dehors de l’ entreprise et en dehors des plages horaires traditionnelles de l’ entreprise.

Dès lors, le salarié est en mesure de travailler aussi bien dans les locaux de l’ entreprise mais également en dépla-cement, chez lui ou encore chez les clients. Le salarié devient aisément joignable par son entreprise en tout lieu et à tout instant (Isaac, 2001, Kakihara, 2002, Mayère, 1999). Le management se voit donc progressivement doter de la caractéristique d’ ubiquité (Aubert, 2003, Isaac, 2003, Juhlin, 2001, Junglas, 2003). Dans le do-maine du commerce électronique, l’ utilisation des tech-nologies mobiles ouvre la voie à l’ ultimate commerce (u-commerce). Assiste-t-on à l’ émergence de l’ ultimate ma-nagement, à savoir un manager capable d’ exercer les différentes prérogatives qui sont les siennes en tout lieu et en tout temps ? Cette recherche consiste à appréhender le phénomène émergent du management nomade.

A cette fin, une analyse des technologies mobiles évalue le potentiel de mobilité que créent les outils tels que le téléphone mobile, l’ ordinateur portable, l’ ordinateur ul-tra-portable, l’ agenda électronique, ou encore certains terminaux dédiés. Une des particularités de ces outils est qu’ ils acquièrent pleinement leur valeur mobile grâce à des infrastructures réseaux sans lesquelles l’ accès aux informations de l’ entreprise ne serait pas envisageable (1).

L’ ubiquité permise par ces systèmes d’ information mo-biles apparaît dès lors comme une caractéristique nou-velle du management, jusqu’ alors confiné au sein de l’ entreprise dans un espace-temps bien délimité. L’ ubiquité du management constitue une remise en cause de deux dimensions constitutives de l’ entreprise : l’ unité de temps et l’ unité de lieu qui ont historiquement présidé à sa constitution. Aussi est-il nécessaire de s’ interroger sur les nouveaux enjeux que génèrent une telle façon d’ exercer le management. Les recherches en systèmes d’ information ou en management, si elles n’ ignorent pas la question du management à distance, du télétravail, ou des équipes virtuelles, négligent largement encore la ca-ractéristique mobile du management. Or, celle-ci n’ est pas sans conséquence sur certains fondements mêmes du management qui repose encore sur le face-à-face et sur un contexte d’ action partagé (2).

Une recherche exploratoire auprès d’ une population de 8 579 salariés français permet d’ apprécier la réalité du ma-nagement nomade au cours de la période 2001-2003. La

présente recherche présente une partie des résultats obte-nus sur les questions de l’ équipement des salariés en ou-tils mobiles, la disponibilité des informations accessibles grâce à l’ intranet de l’ entreprise et les pratiques de mana-gement nomades (3).

Les premiers résultats obtenus permettent de prendre la pleine mesure de l’ importance désormais incontournable du nomadisme dans l’ entreprise et invitent la recherche en management à intégrer la caractéristique mobile dans son approche des problématiques managériales (4).

1.

Technologies de l’information

et de la communication et

mobili-té.

L’ arrivée à maturité d’ un ensemble de technologies élec-troniques et de communication a permis l’ émergence de nouveaux outils de traitement de l’ information comme l’ ordinateur portable et les téléphones mobiles. Parallè-lement, les systèmes d’ informations des entreprises ont largement évolué en intégrant progressivement les tech-nologies de réseaux basées sur le protocole TCP/IP. De très nombreuses entreprises se sont dotées d’ intranets et d’ accès Internet. La mise en réseau des informations de gestion de l’ entreprise, le développement d’ outils de tra-vail en groupe à distance, l’ utilisation du courrier élec-tronique permettent désormais de travailler à distance et potentiellement en tout lieu. Le développement des ré-seaux téléphoniques mobiles contribue également à ac-croître l’ ubiquité du management. Les technologies mo-biles sont multiples et ne remplissent pas toutes la même finalité (1.1). Ces outils mobiles s’ appuient sur des infra-structures de réseaux particulières afin d’ être utilisés par les entreprises (1.2).

1.1

Les technologies de la

mobili-té.

Plusieurs technologies peuvent être réunies sous le voca-ble de technologies mobiles : les ordinateurs portavoca-bles, les agendas électroniques personnels, les téléphones mo-biles, les terminaux dédiés.

Dans un premier temps, les ordinateurs portables et les agendas électroniques ne possédaient pas de connectivité à des réseaux. Cette caractéristique s’ est progressivement répandue pour devenir un standard sur les ordinateurs portables qui sont capables de se connecter à un réseau téléphonique commuté (RTC), un réseau local (LAN) , un réseau sans fil Wi-fi (WLAN) et à des réseaux téléphoni-ques mobiles (GSM, GPRS, EDGE, HSCSD). Les nou-velles générations d’ agenda électronique personnel sont dotées d’ une connectivité wi-fi et sont capables d’ interagir avec l’ ordinateur portable ou le téléphone mobile grâce à des connexions sans fils, soit en liaison infrarouge, soit désormais en liaison Bluetooth1. Plus encore, on assiste à une convergence des agendas élec-troniques et des téléphones mobiles. Ces derniers sont

1

(3)

désormais dotés d’ un système d’ exploitation comme Windows Mobile 2003, ou Symbian2 ou encore PalmOS 53. Grâce au protocole WAP4 (Wireless Application Protocol), les Smartphones sont capables de lire des pa-ges Web codées à l’ aide du langage WML (Wireless Markup Langage). Dès lors, un téléphone WAP/GPRS/Bluetooth permet d’ utiliser le téléphone mobile comme un modem mobile pour accéder à un In-tranet depuis un ordinateur portable (cf. Graphique 1).

Graphique 1- Les outils de mobilité.

Le développement des outils mobiles s’ accompagne en parallèle du développement de nouvelles technologies de réseaux tant en téléphonie qu’ en informatique esquissant le début d’ un réseau pervasif (Satyanarayanan, 2002).

1.2

Les technologies réseaux du

système d’information mobile.

Les technologies mobiles s’ appuient sur plusieurs inno-vations en matière de réseau. Ces technologies s’ appliquent aussi bien au sein d’ une entreprise qu’ en situation de mobilité.

En matière de téléphonie d’ entreprise, on assiste à une convergence de la téléphonie fixe et mobile. Les télépho-nes au norme DECT5 (Digital Enhanced Cordless Tele-communication), autorisent un salarié à se déplacer avec son téléphone fixe dans tout le bâtiment couvert par cette technologie. Plus encore, la plupart des opérateurs offrent des services de couplage téléphonie fixe et mobile per-mettant de créer des réseaux privés virtuels de téléphonie, grâce à un plan de numérotation personnalisé6. La mobi-lité du salarié au sein de l’ entreprise est accrue grâce à des accès au réseau informatique sans fil répondant aux normes IEEE 802.11 (b ou g). Ces solutions sont désor-mais nommés Wi-fi7 (Wireless Fidelity). Ces réseaux LAN sans-fil permettent un accès à l’ intranet ou 2 cf. http://www.symbian.com 3 cf. http://www.palmsource.com 4 cf. http://www.wapforum.org 5 cf. http://www.dect.ch 6

voir par exemple :

http://www.orange-entrepri-ses.com/public/oev2/html/fr/voix/catalogue/valeur/ajoute.php 7

cf. http://www.wi-fi.org

l’ Internet à des débits de 11Mb/s ou 54Mb/s et offrent ainsi la possibilité de travailler dans de multiples locali-sations sans qu’ une infrastructure coûteuse à déployer soit nécessaire.

Cette technologie est désormais utilisée pour offrir des accès Internet dans des lieux publics, des hôtels, des aé-roports, des salons professionnels, des trains, ou des transports en commun (Nickerson, 2001).

Dans le domaine de la téléphonie mobile, les technolo-gies actuelles de transmission de données (GPRS) autori-sent la navigation Internet sur des sites conçus en WML. Les technologies dites de troisième génération (UMTS8) augmenteront les débits disponibles sur les réseaux télé-phoniques mobiles dès la fin 2004 en Europe, autorisant des accès moyen/haut débit au système d’ information de l’ entreprise.

La technologie sans-fil Bluetooth facilite la synchroni-sation des appareils entre eux, et notamment celle du téléphone avec l’ ordinateur portable.

Ces technologies sans-fil nécessite des normes de sécurité plus importantes que les réseaux traditionnels dans la mesure où, transitant par des ondes radios, les communi-cation sont aisément captables par des pirates informati-ques. Plusieurs normes de sécurité existe en matière de réseau Ethernet sans-fil : WEP (Wireless Equivalent Privacy) et WPA (Wireless Protection Access). Plusieurs failles ont récemment été mises en évidence pour la norme de communication sans-fil Bluetooth9. Ces mena-ces obligent les entreprises qui utilisent mena-ces types de ré-seaux à déployer une infrastructure sécurisée du type VPN (Virtual Private Network) avec des mécanismes d’ authentification forts afin d’ éviter toute intrusion dans le système d’ information de l’ entreprise.

On s’ achemine donc progressivement vers une accessibi-lité quasi permanente au système d’ information de l’ entreprise autorisant les salariés à travailler depuis n’ importe quelle localisation, à n’ importe quel moment. Cette disponibilité permanente dans le temps et dans l’ espace du système d’ information, la possibilité de join-dre instantanément un salarié quelque soit sa localisation modifie la façon dont le management s’ exerce.

2.

Système d’information mobile,

mobilité des managers, et

mana-gement.

L’ étude des systèmes d’ information mobiles est récente et reste marquée par son intérêt pour les problématiques liées au commerce mobile. L’ introduction des technolo-gies mobiles dans l’ entreprise et ses effets sur le mana-gement demeurent encore une problématique peu explo-rée par la recherche académique en système

8

cf. http://www.umts-forum.org 9

cf. http://www.bluestumbler.org/ décompresseur TIFF (non compressé)

sont requis pour visionner cette image. QuickTime™ et un

décompresseur TIFF (non compressé) sont requis pour visionner cette image.

GPRS/EDGE WAP

Connexion

Bluetooth

Wi-fi IEEE 802.11.b/g QuickTime™ et un décompresseur TIFF (non compressé) sont requis pour visionner cette image.

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Technologies mobiles et management: l’ émergence d’ un management nomade? Henri ISAAC

d’ information. Les raisons du développement de telles pratiques ne sont pas encore identifiées avec certitude ; seules quelques hypothèses peuvent être formulées (2.1). Plusieurs champs de la recherche en système d’ information et en management sont mobilisables pour appréhender la problématique du nomadisme du mana-gement (2.2) sans que toutefois ces champs constituent un cadre théorique suffisant compte tenu des spécificités du nomadisme (2.3).

2.1 Les hypothèses sur le développemetn

des pratiques nomades en entreprise.

Les pressions sur les coûts, la chrono-compétition, la focalisation client apparaissent comme des facteurs in-fluençant potentiellement le développement des systèmes d’ informations mobiles et donc du nomadisme des mana-gers.

2.1.1 La contrainte des coûts.

Face à des contraintes importantes de rentabilité, les en-treprises recherchent des solutions de réduction des coûts liés à la production mais aussi des coûts administratifs. Les coûts immobiliers de l’ entreprise constituent une charge souvent non négligeable surtout lorsque les locaux sont situés dans les centres villes. Plusieurs solutions pour diminuer la charge de l’ immobilier existent comme les bureaux partagés, les bureaux satellites et le télétravail (Apgar, 2000). Ces solutions génèrent des économies substantielles. Un tel programme chez IBM en Amérique du Nord a permis entre 1992 et 1997 de diminuer le coût d’ occupation et de télécommunications par personne de 16 100$ par employé à 9 000 $, soit un coût en pourcen-tage du bénéfice ramené de 5,3% à 2,2% (Apgar, 2000). Outre la réduction des coûts, la mise en place du bureau virtuel augmente le temps durant lequel les salariés peu-vent travailler, et plus particulièrement lors des phases de déplacement. On augmente donc ainsi la productivité du salarié.

2.1.2 La (com)pression temporelle.

La numérisation et la globalisation des économies occi-dentales conduisent à des changements importants de cadre temporel pour les entreprises (Aubert, 2003, Bar-kema, 2002). A la notion d’ hyper-compétition dans laquelle le temps est une dimension de la manoeuvre stratégique (D'Aveni, 1994), s’ ajoutent celle de chrono-compétition (Stalk G., 1990), et d’ environnement à chan-gement rapide (high velocity environment) (Eisenhardt, 1989). L’ arrivée d’ Internet est également perçue comme un facteur accentuant la vitesse comme moyen de la com-pétition entre les entreprises (Cusumano, 1998). Cet envi-ronnement temporel conduit l’ entreprise à mettre en place des dispositifs pour accélérer les processus de décisions et l’ exécution des opérations. Dans cette perspective, la possibilité de joindre à tout instant un collaborateur constitue des moyens de développer la réactivité de l’ entreprise quelque soit la localisation d’ un salarié. La possibilité d’ accéder aux données nécessaires au travail

en tout lieu et à tout instant permet au salarié de répondre aux sollicitations très rapidement. Dès lors, les systèmes d’ information mobiles constituent un moyen d’ accroître la réactivité de l’ organisation dans son ensemble. 2.1.3 L’entreprise orientée client

L’ hypercompétition amène les entreprises à mettre en place des dispositifs de gestion de la relation client afin de préserver la base de client installée. Dans cette pers-pective, la proximité avec le client est envisagée comme un atout dans le jeu concurrentiel. Certains auteurs par-lent même « d’ intimité client » (Wiersema, 1996). Cette entreprise « orientée client » (Gauzente, 2000) nécessite donc des contacts étroits avec les clients et par consé-quent de nombreux déplacements chez ceux-ci, entraînant donc vraisemblablement dans ce type d’ entreprise une mobilité accrue des salariés par une multiplication des déplacements. Dès lors, la disponibilité des données né-cessaires à la visite d’ un client ainsi que l’ envoi de don-nées liées à la visite client facilitent la réactivité de l’ entreprise vis-à-vis des demandes clients. La possibilité pour le client de pouvoir joindre aisément l’ entreprise est également une opportunité offerte par les technologies mobiles.

L’ environnement concurrentiel de l’ entreprise favorise-rait donc l’ émergence des systèmes d’ information mobi-les et contribuerait à l’ émergence du manager nomade.

2.2 Quel cadre d’analyse théorique pour

le management nomade ?

De nombreuses recherches en système d’ information s’ intéressent à la distance introduite par les systèmes de communication entre les salariés d’ une entreprise ou d’ un projet ou entre organisations et l’ effacement progressif des relations en face à face. Plusieurs courants de recher-che s’ intéressent à la question des relations ou des actions en situation distante et médiatisée par un système électro-nique.

En premier lieu, les recherches portant sur le télétravail s’ interrogent sur les effets du travail à distance (Béréziat, 2000). Mais ces recherches ne s’ intéressent qu’ à des dis-positifs dans lesquels le salarié est distant dans une loca-lisation fixe, souvent à son domicile ou dans un centre de télétravail, ou encore dans un centre d’ appels. Par consé-quent, pour intéressantes qu’ elles soient, ces recherches ne prennent pas en compte les situations de mobilité du salarié. Plus encore, elles se focalisent souvent sur des situations de salariés qui ne sont pas managers.

Un second corpus de recherches porte son attention au phénomène des équipes virtuelles (Beyerlein, Johnson and Beyerlein, 2001, Duarte, 1999, Gibson and Cohen, 2003, Kayworth, 2000, Larsen and McInerney, 2002, Lipnack and Stamps, 2000, Lurey and Raisinghani, 2001, Staples, Hulland and Higgins, 1999, Townsend, 1998). Ce courant s’ appuie en partie sur les recherches en travail collaboratif à distance utilisant des collecticiels (Ciborra,

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1996, Creighton, 1998, Pervan, 1998, Simon and Marion, 1996).

Ces recherches examinent différents aspects du manage-ment dans des situations où les ressources humaines sont distribuées dans l’ espace ou dans le temps, sans que la question de la mobilité constitue une caractéristique prise en considération. Les situations étudiées n’ envisagent jamais la mobilité des salariés, mais uniquement leur distribution dans des lieux distants.

En revanche, ces recherches abordent de façon détaillée de multiples aspects du management à distance : com-munication (Jarvenpaa and Leidner, 1999, Wiesenfeld, Raghuram and Garud, 1999), prise de décision (Jessup, 1991), relations entre les individus (Huang, 2002), lea-dership (Cascio, 2003, Zigurs, 2003), constitution d’ équipe (Huang, 2002), confiance au sein de l’ équipe (Holton, 2001), coordination (Kraut, Steinfield, Chan, Butler and Hoag, 1999), coordination temporelle (Hatcher, 1992, Montoya-Weiss, 2001), gestion de projet, etc…

Aussi, il est nécessaire d’ élaborer un cadre théorique qui s’ appuie en partie sur les résultats des travaux sur les équipes virtuelles, mais qui intègre de façon centrale la question de la mobilité. Pour parvenir à un tel résultat, certaines recherches en management des systèmes d’ information constituent des pistes intéressantes.

2.3 Esquisse d’un cadre théorique pour

le management nomade.

Deux courants de recherche en management des systèmes d’ information offrent des perspectives intéressantes pour analyser les pratiques de mobilité. En premier lieu les recherches portant sur les systèmes d’ information sifs (Satyanarayanan, 2002). L’ idée des systèmes perva-sifs est l’ immersion permanente et la connectivité auto-matique des objets. Internet n’ est qu’ une première étape dans cette perspective (objet adressable par URL), les web services constituant une seconde étape puisque ce sont les applications qui deviennent adressables et acces-sibles par d’ autres applications. On assiste progressive-ment à la mise en place d’ un environneprogressive-ment communica-tionnel permanent dans lequel la localisation n’ est plus un problème pour pouvoir se connecter à des applica-tions, à des informations.

En second lieu les recherches émergentes sur le com-merce mobile (Nickerson, 2001) ou encore le u-commerce (Junglas, 2003) peuvent être mobilisées afin d’ enrichir le cadre d’ analyse du management nomade. En effet, ces recherches mettent en évidence une caractéristi-que centrale du nomadisme, à savoir la dépendance con-textuelle à un environnement temporel et spatial. Dans le cadre de la mobilité, le lieu de travail varie (do-micile, moyen de transport, hôtel, aéroport, etc…), mais plus encore, les situations varient. Le manager nomade peut se situer chez un client, chez un fournisseur, chez lui dans un espace de travail dédié, chez lui en famille, en

vacances, en déplacement. Par conséquent, il est probable que ces situations influencent la capacité du manager à apporter une réponse aux sollicitations professionnelles. En outre, il n’ est pas exclu que la prise de décision s’ avère modifiée dans de tels contextes dans la mesure où les contraintes s’ exerçant sur celle-ci sont souvent celles de l’ instantanéité, de l’ urgence. Ceci ouvre de nouvelles questions au management et principalement celle de la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée (Isaac, 2001). Certains n’ hésitent pas à dénoncer les abus potentiels de tels systèmes, parlant même de « laisse électronique » sur le salarié.

Avant d’ achever la réflexion sur ce cadre théorique, il a semblé nécessaire d’ apprécier la réalité des pratiques nomades en entreprise, afin d’ éviter le risque de porter son attention à des pratiques managériales marginales. L’ étude empirique cherche donc à mesurer l’ importance du nomadisme dans les entreprises françaises.

3.

Etude empirique

L’ objectif de l’ étude empirique est de caractériser le de-gré de développement des pratiques mobiles dans les entreprises françaises. L’ étape suivante consistera à ana-lyser les conséquences de l’ introduction des systèmes d’ information mobiles sur les pratiques de management. La présente recherche ne s’ intéresse qu’ au degré de dé-veloppement des systèmes d’ informations mobiles dans l’ entreprise et aux perceptions des salariés aux dimen-sions spatiales et temporelles d’ un tel environnement.

3.1 Méthodologie

Les données utilisées pour cette recherche ont été collec-tées dans le cadre de l’ Observatoire Dauphine-Cegos10 du

e-management aux printemps 2001, 2002 et 2003, sous la forme d’ un questionnaire auto-administré auprès de 8 754 salariés en formation. Le questionnaire ne comportait que des questions fermées et portait sur les quatre thèmes suivants :

-L’ identification du salarié et son entreprise ;

-Le degré d’ implantation et d’ usage des outils électroni-ques ;

-Les modifications perçues des processus managériaux du fait des TIC ;

-Les modifications perçues des compétences organisa-tionnelles et managériales du fait de l’ introduction des TIC.

Les questions reposent sur des échelles binaires (pour l’ équipement) ou sur des échelles de Likert graduée de 1 à 7 (Pas du tout d’ accord à Tout à fait d’ accord). Une modalité « non concerné » est également présente pour chaque question.

Dans cette première recherche sur le nomadisme, les données issues de l’ année 2003 sont principalement

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Technologies mobiles et management: l’ émergence d’ un management nomade? Henri ISAAC

sées. Quelques données générales sur l’ équipement sur les trois années considérées sont mobilisées.

Afin de caractériser le développement des systèmes d’ information mobiles dans les entreprises françaises, la collecte des données s’ est attachée à l’ équipement des salariés en outils de mobilité, au développement des fonctionnalités de l’ intranet dans l’ entreprise, aux outils de travail collaboratif à distance. Enfin, plusieurs items du questionnaire portaient sur l’ évolution des lieux de travail et des temps de travail du salarié.

3.2 Caractéristiques générales de la

population étudiée.

La population étudiée en 2003 (2 912 salariés) est com-posée à 52,3% de femmes. 54,6% des répondants ont plus de 36 ans et travaillent depuis plus de 10 ans pour 62% d’ entre eux. 67,6% des personnes interrogées travaillent dans une entreprise de moins de 5 000 salariés. La répar-tition des activités de ces entreprises est détaillée dans le tableau 1. BTP 3,1% Industrie 48,1% Commerce/Distribution 10,7% Hôtellerie/Restauration 1,9% Transports 2,6%

Télécommunications et services informatiques 6,8% Activités financières et immobilières 9,6%

Services aux entreprises 8,2%

Services aux particuliers 6,8%

Autres 2,2%

Tableau 1- Répartition par secteur d’ activité. Au sein de la population étudiée, il existe une diversité importante des fonctions de l’ entreprise (Cf. Graphique 2).

Graphique 2- Fonctions exercés dans l’ entreprise

N 3,1% N-1 16,3% N-2 35,8% N-3 25,7% N-4 10,8% N-5 8,2%

Tableau 2- Niveau hiérarchique déclaré

En regroupant les trois premiers niveaux de management (Tableau 2), il apparaît qu’ une majorité des salariés (55,2%) appartient donc à l’ encadrement et peut être considérée comme exerçant des fonctions de management dans l’ entreprise.

Enfin, 52,8% des salariés déclarent utiliser les TIC depuis plus de cinq ans.

3.3 Le développement des systèmes

d’information mobiles.

Afin d’ apprécier le développement des systèmes d’ information mobiles, l’ équipement des salariés en ou-tils mobiles a fait l’ objet de plusieurs questions. L’ équipement personnel du salarié a également fait l’ objet de plusieurs questions dans la mesure où celui-ci peut être mobilisé par le salarié pour travailler chez lui ou en situation de mobilité. Enfin, plusieurs questions ont cherché à préciser les fonctionnalités de l’ intranet de l’ entreprise afin de s’ assurer que les salariés avaient accès aux informations et aux outils de gestion en situation de mobilité.

Graphique 3- Taux d’ équipement en outils mobiles Comme le met en évidence le graphique 3, la progression des outils de mobilité que sont les ordinateurs portables, les téléphones mobiles, les agendas électroniques, est très nette au cours des trois années de l’ étude.

Les taux d’ équipement sont largement supérieurs à ceux constatés dans la population française en 2003 et aux rares données sur les entreprises françaises11.

11

Une étude réalisée par CESMO en 2002 avance les chiffres de 20% pour les ordinateurs portables, 24% pour les téléphones mobiles, et 10% pour les PDA.cf.http://solutions.journaldunet.com/dossiers/indic ateurs/infrastructure/solmobiles_france.shtml Métiers 2,4% 3,2% 17,7% 3,8% 19,5% 0,5% 10,3% 15,0% 2,7% 11,7% 3,5% 10,1% Direction Générale Production/Fabrication/Chanti er Services connexes à la production Etudes/Recherches/Projets Marketing/Commercial/Vente Spécialités d'activités tertiaires Administration/Organisation/ Gestion Comptabilité/Finance Informatique Personnel/R.H. Création/Communication Autres

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Cependant, cette progression globale masque des dispa-rités importantes dans l’ entreprise en fonction de la posi-tion hiérarchique du salarié interrogé, comme le met en évidence le tableau 3. Niveau hié-rarchique Ordinateur portable Téléphone mobile Agenda électronique N 50,6% 91,1% 27,6% N-1 54,3% 92,3% 27,4% N-2 45,6% 87,9% 19,7% N-3 36,6% 84,3% 16,1% N-4 33,9% 85,7% 14,9% N-5 29,5% 80,5% 12,7%

Tableau 3- Taux d’ équipement en 2003 selon le niveau hiérarchique

Ces différences d’ équipement s’ avèrent statistiquement significatives (cf. Tableau 4)

Distance du Khi-deux Valeur ddl Sign. Ordinateur portable 61,811 5 0,000

Téléphone mobile 25,083 5 0,000

Agenda électronique 34,922 5 0,000 Tableau 4 - Khi-deux de Pearson

Si l’ on effectue un regroupement des niveaux hiérarchi-ques en deux groupes, l’ un constituant le niveau de ma-nagement et l’ autre celui des collaborateurs, les différen-ces d’ équipement en outils de mobilité se maintiennent et restent statistiquement significatives.

Ordinateur portable Téléphone mobile Agenda électronique Management (N à N-2) 48,5% 89,4% 22,4% Collaborateurs (N-3 à N-5) 34,7% 83,9% 15,2%

Tableau 5- Management versus collaborateurs

Distance du Khi-deux Valeur ddl Sign. Ordinateur portable 49,403 1 0,000

Téléphone mobile 16,741 1 0,000

Agenda électronique 21,202 1 0,000 Tableau 6- Khi-deux de Pearson

Ces données mettent en lumière un fait saillant quant au développement des systèmes d’ information mobiles : les outils de la mobilité sont très nettement l’ apanage des managers dans l’ entreprise. Ils ont donc vocation à per-mettre au management de s’ exercer en tout lieu et à tout moment.

Outre l’ équipement en outils de mobilité, l’ équipement personnel du salarié en ordinateur et connexion Internet est un facteur qui peut influencer le fait de travailler à domicile en dehors de l’ entreprise et en dehors du temps de travail. Ordinateur individuel au domicile Connexion Internet personnelle au domicile Management (N à N-2) 85,3% 72,7% Collaborateurs (N-3 à N-5) 83,4% 67,2% Tableau 7- Equipement personnel

Il n’ existe pas de corrélation significative entre le taux d’ équipement en informatique personnelle et le fait de déclarer travailler plus souvent à distance ou à son domi-cile. Par conséquent, l’ équipement individuel n’ est pas un facteur suffisant pour induire le travail au domicile du salarié. Ceci renforce l’ idée, que le nomadisme du mana-ger est bien un phénomène différent du télétravail et dif-fère dans ses pratiques des situations de travail à domi-cile.

Si l’ équipement en outil de mobilité est une condition nécessaire pour travailler de façon nomade, l’ accès aux informations de l’ entreprise en situation de mobilité est une condition indispensable pour voir se développer le travail nomade. L’ accès au système d’ information est aujourd’ hui possible au travers de différents terminaux (ordinateurs, PDA, téléphone mobile) et de différents réseaux (téléphoniques -RTC, GSM, GPRS- ; réseau sans fil WLAN). Grâce un accès sécurisé à l’ Intranet (VPN ou Virtual Private Network), le salarié accède désormais aux informations de l’ entreprise et est en mesure de commu-niquer avec ses collaborateurs ou le reste de l’ entreprise.

2001* 2002** 2003***

Accès Intranet 80,5% 84% 85,7%

Agenda partagé 62,6% 58% 65,8%

Travail collaboratif à

dis-tance 55,6% 50,1% n.a.

Outil de partage de fichiers

et de documents n.a. n.a. 84,1%

Outil de communication à

distance n.a. n.a. 47%

*n=3216 **n= 2297 **** n=2575

Tableau 8- Accès Intranet et outils de collaboration à distance.

L’ interprétation des données est plus délicate sur ces questions dans la mesure où des changements de formu-lation du questionnaire perturbe l’ analyse des données. On note cependant, une progression notable de la pré-sence des intranets dans les entreprises françaises entre 2001 et 2003.

On constate également que les outils qui permettent le travail à distance et la coordination à distance sont assez présents dans les systèmes d’ information. En croisant, les données d’ équipement en outils de mobilité avec les ou-tils de travail à distance sur l’ année 2003, on constate bien que les salariés nomades ont plus souvent accès à ces outils que les autres salariés (cf. tableau 9).

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Technologies mobiles et management: l’ émergence d’ un management nomade? Henri ISAAC Ordinateur portable Téléphone mobile Agenda électronique Equi-pé Non équipé Equi pé Non équipé Equipé Non équipé Outils de partage de fichiers et de docu-ments 89,8% *** 79,6% 85% ** 77,7% 88,9% ** 83,1% Outils de communi-cation à distance 52,5% *** 42,6% 47,2 %* 44,5% 54,4% *** 45,2%

Différences mesurées par la distance du Khi-deux, significativité * p<0,1 **p<0,01 ***p<0,001

Tableau 9- Accès aux outils distants et outils mobiles

3.4 L’évolution de l’espace et du

temps de travail : vers un manager

nomade.

La possibilité de travailler à distance, en déplacement, sur son temps personnel est donc désormais une réalité in-contournable dans de nombreuses entreprises françaises du fait de la présence des outils de mobilité et de la dis-ponibilité des outils de travail et de communication à distance. Qu’ en est-il des pratiques ? Assiste-t-on à une progression du travail nomade ? Si oui, cette progression est-elle homogène dans l’ entreprise ?

Plusieurs items du questionnaire permettent d’ appréhender l’ évolution des pratiques nomades en in-terrogeant le salarié sur l’ augmentation du travail à dis-tance de façon générale, lors de ses déplacements, à son domicile, sur son temps personnel. Enfin, un item permet d’ apprécier la coordination d’ équipe à distance.

2002 2003 % d’ accord* Non concerné % d’ accord* Non concerné Trav. à distance 49,3% 19,5% 51,9% 7,3% Trav. en déplace-ment 38,4% 31,5% 39,5% 20,7% Trav. au domicile 33,6% 29,1% 35,6% 16% Trav. temps per-sonnel 37,8% 25,8% 41,5% 13,6% Coord. équipe à distance 28,4% 39% 26,90% 26,5%

* cumul des modalités : plutôt d’ accord, d’ accord, tout à fait d’ accord.

Tableau 10- Evolution du travail nomade 2002-2003 Les pratiques de travail nomade sont en progression entre 2002 et 2003. Plus encore, le pourcentage de salariés non concernés chute de façon très significative sur tous les items, signifiant par la même une banalisation croissante des phénomènes de nomadisme. La progression du travail en déplacement est fortement corrélée au travail au

domi-cile (cf. tableau 10), traduisant bien là que le nomadisme consiste à travailler dans des lieux différents et dans des contextes différents et pas uniquement à son domicile et dans l’ entreprise. Trav. à distance Trav. en déplace-ment Trav. au domi-cile Trav. temps personnel Coord. équipe à dis-tance Trav. à distance 1 Trav. en déplace-ment 0,461** 1 Trav. au domicile 0,413** 0,678** 1 Trav. sur temps personnel 0,366** 0,610** 0,833** 1 Coord. équipe à distance 0,347** 0,583** 0,562** 0,541** 1 ** significativité p<0,01

Tableau 11- Matrice des corrélations variables de noma-disme 2003

Cependant, cette progression du nomadisme n’ est pas homogène. Si l’ on scinde la population étudiée en deux catégories (managers, collaborateurs), des différences significatives apparaissent très nettement, avec un noma-disme beaucoup plus développé chez les managers que chez les collaborateurs (cf. tableaux 12 et 13).

2002 2003 N à N-2 N-3 à N-5 N à N-2 N-3 à N-5 Trav. à dis-tance 51,3% 46,6% 54,6% 48,6% Trav. en dé-placement 41% 38,3% 43,1% 34,4% Trav. au do-micile 36% 30,2% 39,1% 30,8% Trav. temps personnel 40% 34,7% 45,1% 36,7% Coord. équipe à dis-tance 31,6% 24,6% 29% 23,7%

Tableau 12- Nomadisme et position hiérarchique. Quel que soit l’ item concerné, les différences sont statis-tiquement très significatives entre le niveau de manage-ment et celui d’ exécution dans les pratiques de noma-disme. Variables Dist. du Khi-deux Ddl Sign. Trav. à distance 18,867 6 0,004 Trav. en déplacement 33,950 6 0,000 Trav. au domicile 27,246 6 0,000

Travail temps

(9)

Coord.équipe à

dis-tance 24,617 6 0,000

Tableau 13- Distances du khi-deux

4.

Discussion

L’ étude empirique reposant sur une large population de salariés français met en évidence l’ émergence du noma-disme dans l’ entreprise, et plus encore l’ émergence d’ un manager nomade. L’ interprétation globale de ces pre-miers résultats nécessite cependant de prendre en consi-dération certaines limites inhérentes à la méthode de col-lecte des données. Les différentes enquêtes ayant été réa-lisées suivant le mode auto-administré auprès d’ une po-pulation de personnes en formation, il convient de men-tionner plusieurs limites susceptibles d’ influer sur les résultats obtenus :

-limite de familiarité avec les TIC : le taux de réponse à une enquête varie en fonction de l’ intérêt que les person-nes interrogées portent au thème de l’ enquête. On peut donc penser que les répondants sont plutôt sensibles aux questions liées aux TIC, ce qui peut surévaluer les scores d’ usage. En fait, le questionnaire ayant été distribué avec les fiches d’ évaluation des stages et récupéré systémati-quement par les animateurs, ce biais est ici limité. -limite de représentativité : la population interrogée étant en formation, elle n’ est pas représentative de la popula-tion des salariés et on peut supposer que la familiarité avec les TIC s’ applique à la fois aux entreprises envoyant leurs salariés en formation et à ceux-ci.

-limite liée aux réponses de convenance : le sujet de l’ enquête portant sur les TIC, on peut se demander si les réponses ne sont pas influencées par à la fois l’ image que la personne veut donner aux collègues à la sortie du sé-minaire et à soi-même. Ces deux sources de biais nous apparaissent ici non maîtrisables.

Ces limites étant précisées, il apparaît que le phénomène du nomadisme du manager est une réalité grandissante dans les entreprises françaises. Environ, un salarié sur deux déclare travailler à distance, plus d’ un tiers travail en déplacement et environ 31% à leur domicile. Ce phé-nomène est encore plus marqué chez les managers. Par conséquent, on est en présence d’ une réalité importante qui n’ a encore fait l’ objet de recherches approfondies. L’ ubiquité du manager est en passe de devenir une ca-ractéristique centrale du management. Celle-ci soulève un ensemble de nouvelles interrogations quant à l’ exercice du management et aux cadres théoriques en management. La première conséquence du nomadisme est son in-fluence sur le rapport au temps : la mobilité fractionne le temps en différents moments laissant peu de plages tem-porelles longues du fait même de la disponibilité perma-nente source d’ interruptions multiples dans les tâches. La disponibilité permanente génère une culture de l’ instantanéité qui peut influencer la prise de décision. La confusion entre l’ urgence et l’ importance d’ une tâche à effectuer devient souvent très floue pour beaucoup de

managers. La frontière entre la vie privée et la vie profes-sionnelle devient une question cruciale pour de nombreux managers. La réactivité recherchée par de nombreuses entreprises exige une disponibilité accrue des managers et des salariés souvent au détriment de leur vie privée. Une seconde conséquence du nomadisme porte sur les pratiques managériales, comme l’ exercice du leadership. Comment exercer le leadership sans face à face par cour-rier électronique et communications téléphoniques ? Souvent, les managers se trouvent dans des contextes peu propices à la prise de décision, mais le fait d’ être joigna-ble les oblige à apporter des réponses sans avoir le temps de la réflexion ou les éléments nécessaires à la prise de décision.

Pour les entreprises, cette situation nouvelle du manager nomade amène à repenser certains processus d’ organisation du travail, et d’ animation. Si l’ entreprise a fortement développé, le nomadisme, il est nécessaire d’ organiser des temps de rencontre entre managers afin de finaliser des décisions qui s’ accommodent difficile-ment des situations de mobilité. L’ entreprise doit ensuite mettre en place des règles claires pour organiser le par-tage du temps de travail et du temps personnel afin de mieux gérer les sollicitations des collaborateurs et éviter des empiètements préjudiciables à la motivation des sala-riés. Enfin,

Ces interrogations ouvre la voie à de nouvelles recher-ches en management sur les questions de la mobilité. A cet égard, les recherches futurs porteront sur les percep-tions des salariés nomades quant à leur situation mobile. Cette prochaine phase de la recherche s’ appuiera sur des données qualitatives recuillies auprès d’ une population de managers nomades d’ une entreprise grâce à des entre-tiens semi-directifs centrés. Un approfondissement de cette première phase de la recherche porte actuellement sur la différence de compétences requises qu’ il pourrait exister entre les managers nomades et les sédentaires. Enfin, l’ élaboration d’ un cadre théorique apte à appré-hender les situations de mobilité est en cours d’ élaboration.

5. Conclusion

Cette première recherche exploratoire sur un large échantillon de salariés a mis en évidence l’ émergence du nomadisme parmi les managers. Ce phénomène loin d’ être marginal se développe rapidement. L’ exercice du management dans des lieux autres que l’ entreprise, dans des temps qui ne sont pas ceux de l’ entreprise ouvre une nouvelle ère du management. En effet, les principes du management fondés sur l’ unité de lieu et de temps sont pleinement interrogés par la mobilité des managers. Outre la mise en place d’ un système d’ information adapté à la mobilité, c’ est tout un ensemble de rapports sociaux que l’ entreprise est amené à reconsidérer au travers de son éclatement dans l’ espace et dans le temps.

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Technologies mobiles et management: l’ émergence d’ un management nomade? Henri ISAAC

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Figure

Tableau 1- Répartition par secteur d’ activité. Au  sein  de  la  population  étudiée,  il  existe  une  diversité importante  des  fonctions  de  l’ entreprise  (Cf
Tableau 3- Taux d’ équipement en 2003 selon le niveau hiérarchique
Tableau 9- Accès aux outils distants et outils mobiles 3.4 L’évolution de l’espace et du temps de travail : vers un manager nomade.

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