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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Quelques éléments d'enquête sur les différences et les inéquités dans l'éducation aux sciences et à la technologie

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INTRODUCTION AUX JOURNÉES

QUELQUES ÉLÉMENTS D’ENQUÊTE SUR LES DIFFÉRENCES

ET LES INÉQUITÉS DANS l’ÉDUCATION AUX SCIENCES ET A

LA TECHNOLOGIE

Éric TRIQUET

IUFM Université Joseph Fourier, Grenoble 1

UMR STEF ENS-Cachan/INRP, Paris UniverSud, Paris

DIFFÉRENCES ET INÉQUITÉS SOCIALES

Les chiffres1 sont là, implacables, pour attester que l’école française agit comme un facteur d'aggravation des inégalités sociales et que les disciplines scientifiques y contribuent au premier chef. Depuis une décennie, le constat se répète, inlassablement, comme si les inégalités étaient figées. Au baccalauréat 2007 comme aux éditions précédentes, les enfants de cadres en France apparaissent surreprésentés dans la plus prestigieuse des filières, la filière S, qui ouvre toutes les portes de l’enseignement supérieur. Parallèlement, les enfants d’ouvriers se concentrent majoritairement dans les séries Pro, dont les débouchés sont beaucoup plus limités. Jean-Marc Monteil directeur de l'enseignement supérieur, reconnaît que le niveau et la formation des titulaires d'un bac professionnel leur enlèvent tout espoir de réussite à l'université. Ils sont d’ailleurs un certain nombre à avoir expérimenté l’échec et la distance à la culture universitaire2.

De fait, comme le souligne Olivia Sautory, (2007), si l’on a progressivement ouvert le système aux familles les plus modestes (notamment par le biais des bac Pro), l’ascension sociale reste limitée. Sa

1 Sautory O. (2007). La démocratisation de l’enseignement supérieur : évolution comparée des caractéristiques sociodémographiques des bacheliers et des étudiants, Education & formations, n°74, MEN, DEP.

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conclusion est sans appel : au terme de leur scolarité, les enfants des groupes sociaux les plus modestes souffrent donc d'un handicap supplémentaire, surtout dans une société comme la nôtre où les diplômes sont survalorisés. Le bilan qu’elle dresse sur l’impact des politiques volontaristes visant à davantage d’égalité est de ce point du vue peu encourageant Pour expliquer cette stagnation et cette absence d’effets tangibles, Olivia Sautory se réfère à la sociologue Marie Duru-Bellat : « s’intéresser aux inégalités sociales face à l’enseignement, c’est considérer que les élèves sont en concurrence pour l’accès à des diplômes inégaux (débouchant eux-mêmes sur des positions sociales inégales), concurrence qu’ils abordent avec des atouts différents selon leur milieu social d’origine »3. Dès lors, on est en droit de s’interroger sur l’impact de l’initiative de Jacques Chirac4, alors Président de la république, qui visait à demander aux classes préparatoires d’accueillir un tiers de boursiers. Car le problème, on l’a vu, est plus profond qu’il n’y parait et il importe donc de le traiter à sa source.

De ce point de vue les questions que pose Marie Duru-Bellat dans son ouvrage de 2002 paraissent incontournables5. Quelle est la genèse des inégalités à l'École ? Quand débutent les écarts sociaux ? Comment se perpétuent-ils ? Sous quels masques subtils évoluent-ils? Les comportements stratégiques des parents mais aussi les « établissement », les « maître », les « effets-d'attente », l'inégale qualité du contexte scolaire, le choix des pratiques pédagogiques renforcent ils ces écarts ou laissent ils encore quelques marges de manœuvre à l'École ?

L’École, on l’a vu, devient donc un enjeu de plus en plus important dans les rapports sociaux. Dans ce contexte, nous dit François Ascher6, les principes de l’école républicaine ne suffisent plus à définir les missions et les modalités de fonctionnement de l’éducation publique. Pour lui il faut passer d’une conception républicaine de l’école à une conception sociale. De son côté Marie Duru-Bellat (2002) dénonce les effets pervers du schéma méritocratique en vigueur avant d’ajouter que le principe d’égalité des chances mérite d’être discuté tout autant que la notion montante d’équité. Dans cette optique l’enseignement scientifique doit faire l’effort d’être accessible au plus grand nombre et non apparaître comme un facteur de sélection érigeant des barrières infranchissables pour les enfants des couches sociales les moins aisées. C’est à ce prix qu’il pourra devenir un puissant facteur de socialisation. Mais alors, comme le pensent de nombreux didacticiens, cela passe par sa capacité à faire évoluer une majorité des élèves vers un rapport positif aux savoirs scientifiques.

3 Durut-Bellat et Kieffer (2000). La démocratisation de l’enseignement en France : polémiques autour d’une question d’actualité, Population, n°1, INED.

4 Parallèlement son ministre de l’Education Nationale de l’époque avait lancé d’autres opérations, comme par exemple « 100 000 tuteurs pour 100 000 élèves ».

5 Durut-Bellat M. (2002). Les inégalités sociales à l’Ecole ; genèse et mythes, Paris PUF. 6 Document internet « Quotidine » du 14 septembre 2006.

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DIFFÉRENCES ET INÉQUITÉS DE GENRE

Si les plus défavorisés ne vont pas vers le baccalauréat scientifique et a fortiori vers les études scientifiques longues, les filles non plus. Plusieurs études menées pour la Direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’Éducation français font apparaître une répartition très inégale de filles et de garçons dans les classes à dominante scientifique et technologique. Malgré des parcours scolaires identiques, voire meilleurs que ceux des garçons, les filles apparaissent moins présentes dans certaines filières comme les mathématiques, la physique ou la technologie industrielle.

Dans un article7 publié en 2005 dans la revue du centre régional de document pédagogique (CRDP) de Haute-Normandie, Faouzia Kalali, chercheure au laboratoire STEF de l’ENS Cachan, fait le point sur les résultats scolaires et l’orientation des filles8.

Si au lycée, elles obtiennent un meilleur taux de passage en première générale9, cette auteure note qu’elles s’orientent de manière équivalente entre les trois filières S, ES ou L alors même que les garçons choisissent massivement la filière S. Cette auteure est catégorique : on ne peut nullement imputer cette faible représentation des filles dans les sections scientifiques à un éventuel décrochage en sciences durant la seconde puisque d’après les données nationales leur niveau général est en progrès. Par ailleurs, elle note que, dans la série scientifique, les filles obtiennent un taux de réussite au bac de 84,2 % contre 79,8 % pour les garçons. La raison de la sous-représentation des filles dans les filières scientifiques doit donc être recherchée ailleurs. En outre, les choses se dégradent encore après le baccalauréat : en effet, si l’on trouve encore environ 43 % de filles en terminale S, elles ne sont plus que 38,9 % en DEUG scientifique et environ 24 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). À l’université, si la part des filles reste constante du premier au second cycle, elle chute fortement au moment du passage en troisième cycle alors que la part des garçons augmente à ce niveau après un détour par les grandes écoles. JM Rolland (2006)10 note pour sa part que les filles sont sous-représentées (moins de 25 %) dans les écoles d'ingénieurs comme dans les filières universitaires des sciences de l'ingénieur.

Plusieurs causes sont avancées pour expliquer ce phénomène.

Pour Faouzia Kalali la raison de la sous-représentation des filles dans les filières scientifiques doit être recherchée dans les décisions des conseils de classe qui à niveau équivalent orientent prioritairement les garçons vers ces filières scientifiques.

7 Motivation , orientation, et réussite scolaire : quelle éducation pour les filles ? 8 Source : direction de l’évaluation et de la prospective (DEP)

9 Dans cette série, les filles sont 11 % à choisir la spécialité sciences de l’ingénieur, 40 % les mathématiques, 44,2 % la physique-chimie et 57,6 % les sciences de la vie et de la terre.

10 Rapport d’information du député Jean-Marie ROLLAND du mai 2 mai 2006 : « l’enseignement des disciplines scientifiques dans le primaire et le secondaire ».

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Plusieurs observateurs mettent en avant un manque de confiance des jeunes filles conduisant à une forme d’autocensure. François Cardi11, professeur de sociologie à l'université d'Evry, observe que les réactions d'auto-limitation et d'auto-élimination dans la compétition avec les garçons reviennent très fréquemment dans les discours des filles. Certains invoquent la pression sociale, le poids des stéréotypes et des mentalités. La méconnaissance de la réalité des métiers scientifiques par les filles peut également jouer ou d’autres raisons qui leur sont propres et non encore dévoilées. Enfin, quelques-uns se risquent à pointer du doigt l’Ecole au travers de son système de sélection, de ses contenus d’enseignement ou encore des pratiques enseignantes.

Pour Marie Duru-Bellat (1995), sociologue de l'éducation, le fait est avéré, l’école participe activement à la construction des différences entre les sexes. D’abord par le biais des attentes différenciées des enseignants à l’égard des élèves filles et garçons qui conditionnent leurs modes de sollicitation et leurs réactions à leurs comportements. Elle s’appuie là sur plusieurs enquêtes mettant en évidence, notamment en mathématiques et en sciences physiques, un moins grand nombre d’interactions des enseignants de ces disciplines avec les élèves filles et aussi moins d’encouragements à trouver la bonne réponse ; et à l’inverse davantage d’échanges verbaux avec les garçons12 et plus d’exigences à leur égard (Duru-Bellat, 1995, p. 78). Cela témoignerait de convictions plus ou moins latentes, comme quoi, pour ces enseignants, les garçons seraient davantage capables de réussir dans ces matières et aussi qu’il est plus important pour eux d’y connaître la réussite. De fait, pour cet auteur, il n’est pas étonnant que ces convictions se reflètent également dans les évaluations délivrées. Enfin, note Marie Duru-Bellat, les stéréotypes dominants sont renforcés par les contenus même des programmes et des manuels scolaires. C’est ainsi, pour cet ateur, que les programmes de sciences physiques valoriseraient des domaines censés intéresser davantage les garçons (mécanique, électricité, magnétisme, matière) en renvoyant plus directement à leur expérience quotidienne. De leur côté les manuels de sciences semblent se caractériser par une absence quasi totale de femmes et/ou par une présentation de ces dernières dans des rôles stéréotypés. Ainsi pour cette sociologue, les recherches accumulées sur ces questions depuis trente ans convainquent de ce qu'on fait face, souvent, non pas à de simples différences, mais bien à de véritables inégalités.

Les travaux des sociologues ont permis de mettre à jour un certain nombre de déterminants de la sous représentation des filles dans les filières scientifiques et les conséquences de cet état de fait. Mais il importe à présent de dépasser le niveau macroscopique pour aller voir de près ce qui se passe dans les classes et tenter de repérer si, en plus d’éléments exogènes désormais bien identifiés, des mécanismes sont à l’œuvre du côté des enseignants. C’est à ce niveau que la didactique peut

11 Cité par Rolland.

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être éclairante. Comme l’ont montré certains travaux (Roustan-Jali., Ben Min, Dupin, 2002) des enseignants majoritairement acquis à l’égalité des sexes peuvent, à leur insu, être les artisans de cette sélection ; le point de vue didactique introduit des éléments de compréhension des mécanismes fins qui, dans la classe, peuvent produire les phénomènes massifs repérés à l’échelon de groupes sociaux.

Les solutions de remédiation, en revanche, sont encore peu travaillées, tout au moins en France. Au Canada, comme le note Jean-Marie Rolland (2006), on est très préoccupé par cette question et de nombreuses actions visent à démythifier les sciences et à combattre les préjugés qui éloignent ou détournent les jeunes filles des carrières scientifiques et technologiques. Ainsi, le ministère du développement économique de l'innovation et de l'exportation du Québec participe financièrement à diverses actions visant à rapprocher les filles et les sciences, sous la forme d'ateliers d'expérimentation, de conférences ou de groupes de travail et de discussions. Il cite par exemple « Les scientifines », association qui s'adresse aux jeunes filles de milieux défavorisés de certains quartiers de Montréal pour susciter chez elles un intérêt pour les sciences et les nouvelles technologies et les aider dans l'apprentissage de ces matières afin de prévenir le risque de décrochage scolaire et d'encourager la poursuite des études. Un bilan de ces actions sur la période 1993-2003 a été publié en décembre 2004. La principale conclusion est que malgré une certaine avancée des femmes en formation, en emploi, en culture et en loisirs scientifiques et techniques, la progression est très lente dans les domaines professionnels liés aux sciences dures et aux technologies de l'informatique.

Peut-on alors se contenter d’accrocher davantage l’attention des filles, en soulignant les applications possibles, notamment sociales, des sciences, s’interroge Marie Duru-Bellat (Ibid, p. 99) ? Non, répondent certaines chercheures qu’elles convoquent pour son étude. Selon elle, il serait naïf d’escompter qu’il suffise aux femmes d’accéder à ce domaine de connaissances pour voir transformer leur situation, ne serait-ce que parce que le prestige des sciences et la place des professions dans la hiérarchie sociale sont indissociables de leur caractère masculin ; et c’est ainsi qu’elles proposent de développer une discrimination positive à l’égard des filles.

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Références

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