AVOIR SOIN ET CONSTRUIRE: PROCESSUS
POUR LA DIDACTIQUE DE L'ASTRONOMIE
Nicoletta LANCIANO
DipdiMatematica - Università di Roma "La Sapienza"
MOTS-CLÉS: ASTRONOMIE - INSTRUMENTS - CONSTRUIRE - BEAUTÉ - SOIN
RÉSUMÉ: L'invention et la construction d'instruments pour aideràl'observation, pour aideràla documentation des phénomènes célestes, pour aider à garder la mémoire de ce que nous avons observé, permettent de raisonner tout en utilisant les mains et la pensée enmêmetemps. Une habilité de faire qui est aussi "avoir soin", donc prendre en compte "pour qui", dans quelle relation entre les personnes, pour quel lieu les instruments sont conçus. Avoir soin n'est pas seulement être précis ou exact: c'est plutôt la collaboration de la pensée, des mains et du cœur qui se met en place, pour faire des choses belles. La beauté c'est un élément important pour favoriser la compréhension et la mémoire.
SUMMARY : Invention and construction of instruments can help observation and documentation of celestial phenomena. Thinking and working using our hands at same lime. produce a durable knowledge. And we make good instruments, we pay attention to their beauty.
1.DE BELLES CONSTRUCTIONS POUR LA DIDACTIQUE DE L'ASTRONOMIE Notre culture sépare nettement l'activité, action de faire en tant que modalité pour connaître de l'action "être quelque part", "rester avec quelque chose" pour la connaître, comme on fait avec une personne par exemple, ou quand on visite une ville; la contemplation apparaît comme une attitude de l'esprit mais notre école a séparé cette attitude de celle de comprendre. Nous découvrons, en revanche, combien rester avec quelque chose, passer du temps avec le ciel par exemple, nous pennet d'entrer dans une familiarité, d'établir une connaissance empathique personnelle et durable. C'est très utileet
très efficace d'intégrer, dans l'action éducative, les attitudes liées à l'action et à la contemplation. Nos instruments sont conçus pour être utilisés dehors, en plein air : dans une école, d'autre part, travailler en plein air est toujours possible il suffit de le vouloir et d'en être absolument convaincu. On construit des instruments pour des raisons différentes, donc les instruments mêmes qui en résultent sont différents : on fait des instruments pour observer, pour enregistrer des phénomènes, pour s'orienter, pour mesurer, pour démontrer un théorème par exempleetpour comparer et soutenir des hypothèses.
Nous construisons des instruments qui se veulent le plus directement proches de ce que l'on veut observer c'est-à-dire dans lesquels la distance entre ce que l'on observe et ce qu'on enregistre dans l'objet, est la moindre possible, dans lesquels ce qu'on observe dans le ciel est le plus directement lisible sur l'instrument. Pas de "boîtes noires", mais plutôt une grande simplicité.
Encore un élément qui est très important : le long moment pendant lequel on fait, on construit, on prépare. C'est important et utile le temps pendant lequel on fait, car avec nos objetsla compréhension est favorisée même pendant leur construction.
On essaie de faire des instruments et des constructions qui gardent la mémoire du processus et des personnes qui ont travaillé pour leur réalisation : ils demandentde l'art etde l'artisanat, ils parlent d'un temps de "contemplation", d'observation directe qui précède et accompagne le travail manuel. L'action de faire nous permet d'entrer en contact avec un phénomène ou un corps céleste mais aussi avec les autre personnes qui travaillent ensemble. C'est un temps dans lequel il y a des questions, il y a des suggestions, il y a des discussions, des idées de plus en plus précises, et il peut servir à chacun pour comprendre, pour s'interroger.
Pendant la construction peut-être, il y a quelqu'un qui chante ou qui raconte. L'attitude dans la
construction d'un appareil c'est la même attitude de soin que nous mettons dans la préparation d'une belle table pour le repas. Et c'est cette idée de soin, qui n'est pas exactitude, qui n'est pas précision, mais c'est plutôt être "dedans" les choses que l'on fait avec ses mains, avec une idée des relations des objets et des personnes les utilisant, avec une responsabilité "locale" de nos actions.
Il est aussi important que l'objet que l'on fait puisse garder la mémoire des connaissances. des passions. des goÛtsde ceux Q.Ui l'ont fait: donc même si à la base c'est le même objet qu'on refait plusieurs fois, à la fin de la construction il y aura des différences dues àla subjectivité de ceux qui l'ont réalisé. Chaque objet est guidé par des idées, des connaissances, des buts spécifiques.
2. DES EXEMPLES
Dans les Cercles Hindous il y a tout simplement un piquet enfoncé dans la terre : un gnomon. Tout autour des cercles concentriques, dessinés une fois avec delapeinture, une fois avec des semences de couleurs variées, ou avec de la "polenta" jaune, de la farine blanche par exemple: il y a beaucoup de travail pour tracer les cercles et remplir les couronnes circulaires et, àlafin, l'instrument est prêt pour être utilisé et c'est très beau. Onmarque sur les cercles le double passage de l'ombre du gnomon, avant midi et après midi.Àmidi l'ombre indique le méridien. Cest un instrument qui senà trouver la ligne Nord-Sud. On peut se baser sur les angles, sur les symétries de l'espaceetdu temps, sur la géométrie. La précision du tracé accompagne l'attention au Soleil et à l'ombre du piquet. (Lanciano, 1998). Dans cette construction, il y a un rondin qui est orienté sur l'Étoile Polaire, donc c'est lui qui organise l'espace. Notre attention est au plan méridien, où se trouve ce rondin, l'Étoile Polaire et où nous nous trouvons nous-mêmes.
Regarder les étoiles passer sur notre méridien est une expérience élémentaire. Cependant aucunde
nos élèves de tous âge, n'a jamais attendu le passage au méridien d'un astre pendant la nuit. Dans l'expérience que nous proposons pendant une nuit entière nous sommes guidés par l'idée de regarder l'espace et le tempsàtravers les étoiles, de suivre leur mouvement et leur hauteur sur l'horizon àleur passage au méridien.
Utorombo - Cenci 1993
Nous avons suspendu des tubes en métal qui, percutés, émettent chacun un son différent suivant leur longueur. Nous avons décidé de corréler le son du tube à la hauteur de l'étoile observéede la manière suivante: si l'étoile passe très haute on choisit un tube très coun, qui modélisela petite distance angulaireàl'Étoile Polaire, si au contraire l'étoile observée passe bas sur l'horizon, donc sa distance
raconte quelque chose sur la hauteur de l'étoile, sur son parcours sur notre horizon. Ce n'est pasla précision des mesures mais plutôt leur évocation.
<-Les habitants de Bornéo, en Asie, utilisent de grandes cannes de bambou remplies d'eau pour raconter le ciel. Chaque canne a 'un son différent. Nous avons un peu changé cela mais nous avons gardé le lien entre le son d'une étoile et son parcours dans le ciel, donc ses coordonnées, ses angles... Par ailleurs il y a aussi, dans cet instrument, un "viseur d'étoile", c'est-à-dire un appareil, qui a un point de vue fixe d'où ontiredes fils pour marquerla direction de chaque étoile dans l'espace, la direction de notre regard. Dans cet instrument on gardela mémoire de tout ce qu'on a observé. Nous avons appelé utotombo cet appareil : utotombo en africain signifie "objet efficace construit avec amour", car nous avons mis de la passion pour faire un objet efficace qui est en plus très confortable au moment de l'obseniation. Quand les utotombo sont construits, ils sont. adaptés à la localité"à la latitude, à la nature de l'endroit.
Souvent les sont inventés ou adaptés pour aborder une problématique, ils sont inventés après, avoir rencontré des problèmes à résoudre, ou alors pour prévenir cenaines incompréhensions pour ce qui Concerne l'espace, la relation avec l'espace de la Terre et avec celui du ciel. TI y a les difficultés de "voir", d'imaginer, de comprendre auxquelles on peut efficacement répondre avec des objets qui aident à voir les choses d'une façon plus peninente. D'autre pan construire des monuments et des instruments a ses dans l'histoire de J'Astronomie : nous cherchons l'épaisseur historique des instruments, la pluralité des points de vue et des questions cachées, la densité des concepts que l'histoire nous offre.
Voilà un instrument qui vient de l'historie de la science : la sphèreannj\)aire. Normalement c'est un objet petit, qui est dans les Musées et qui représente les cercles astronomiques, mais qui est fait pour être un modèle et être montré dans une salle: notre sphère armillaire, au contraire est conçue pour être utilisée au grand air. Pour une sphère armillaire de musée il y a une grande distance entre le monde autour de nous et le petit objet; tandis que dans notre sphère armillaire énorme, on entre dedans et on voit le monde et l'instrument en même temps, c'est le même point de vue sur l'objet et sur la réalité. Cela aide à la compréhension, et, du point de vue central on voit alignés par exemple une étoile et le point de l'Écliptique dans lequel elle se trouve, marqués sur l'instrument: on fait moins de passages mentaux.
Le problème de la taille:
L'imponance de la taille des instruments est .une idée présente dans l'histoire de l'Astronomie ; par exemple, Ticho Brahe dans son Observatoire de l'île de Venn a construit un Observatoire très grand
eta utilisé des instruments de grande proportion: pour lui le but était d'avoir une bonne précision. Nous avons trouvé que c'est l'action didactique qui devient beaucoup plus efficace avec de grands objets: sur une petite maquette quelqu'un qui ne connaît pas les choses observées peut penser que il y a une manipulation tandis que sur des chosesà dimension du corps humain, dans lesquelles on entre de toute sa personne, il n'y a pas d'intervention extérieure possible. Par exemple, c'est une
chose radicalement différente de réaliser une éclipse avec une maquette toute petite de 30 cm ou de mettre en place une expérienceà une échelle de 300 mètres. C'est efficace, la taille des objets n'est pas neutre.
Sphère armillaire - Cenci 1994
BIBLIOGRAPHIE
