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La traduction de Valère-Maxime par Nicolas de Gonesse

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Academic year: 2021

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(1)

La traduction de Val~re-Maxime par Nicolas de Gonesse

by

Caroline Charras

A thesis submitted to the

Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfillment of the requirements

for the degree of Doctor of Philosophy

(2)

Resume

La premiere traduction fran~aise des Factorum et Dictorum Memorabilium Libri IX de Valere-Maxime est l'oeuvre de deux traducteurs, Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse. Simon de Hesdin, qui commen~a sa traduction vers 1375, traduisit

l'oeuvre de Valere-Maxime jusqu'au chapitre IV du livre VII, mais le travail fut interrompu par sa mort en 1383, et Nicolas de Gonesse reprit la traduction

a

partir du chapitre V du livre VII et l'acheva en 1401. L'oeuvre de Nicolas de Gonesse est non seulement une traduction fidele de !'original latin, mais encore un commentaire tres etoffe dans la tradition des commentaires latins du Moyen Age. Cette edition critique vise a situer la traduction de Valere-Maxime dans son contexte historique et litteraire,

a

evaluer la culture du traducteur en identifiant et en classant les renvois et citations dans son commentaire, et enfin

a

definir la langue d'un erudit du XVe siecle.

(3)

Abstract

The first French translation of the Factorum et Dictorum Nemorabilium Libri IX of Valerius Maximus represents the efforts of two translators, Simon de Hesdin and Nicolas de Gonesse. Simon de Hesdin translated the Latin work up to

Chapter IV of Book VII, but since the translation was interrupted by his death in 1383, it was finished by Nicolas de Gonesse in 1401. Xicolas de Gonesse has not only provided a faithful translation of the original Latin text, but also a very extensive commentary on this work in the tradition of the Mediaeval Latin commentaries. This critical edition is an attempt to place the work of Nicolas de Gonesse in its historical and literary context, to provide an evaluation of the translator's cultural background by identifying and classifying the quota-tions and allusions to other authors in his commentary, and to define the language of a fifteenth-century intellectual.

(4)

TABLE DES MArIERES

Page No.

Introduction 1

~__!_~trod1::1ction Historique . . . • . • . . . 1

!. 1. Traductions J 'oeuvL·es antiques jusqu 'au XVe sieclc . . . 1 1.2. Les traducteurs: Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse ..••...•• v 1.3. Succes de la premiere traduction fran~aise de Valere-Maxime;

autres traductions de Valere-Maxime ••.•••••..••.••••••••••....••. vii 2. Traduction et Commentaire de Nicolas de Gonesse ••.••.•••••••••...•. ix

2.1. La tradition exegetique de Valere-Maxime •••••....•..••••••••.•••• ix 2.2. La traduction et le commentaire de Nicolas de Gonesse ••.•••...••• xi 2.3. La culture de Nicolas de Gonesse ••..•••..•••..•.•.•••.•..•.•••.•. xiv

2.3.1. Les renvois et citations •..••..•.•.••...••••.•••.••....•.• xiv 2.3.2. La premiere traduction fran~aise de Plutarque ••...••.•••.• xxii

2.4. La langue de Nicolas de Gonesse •••...••••••.•..•...••..••...•.• xxv

2.4.1. Relatinisation du vocabulaire en France ..•.•..••..••.•.••• xxv 2.4.2. Latinismes chez Nicolas de Gonesse •.•...••...•..•..• xxvi 2.4.3. Mots rares chez Nicolas de Gonesse ••••..••••.•.••.•..•••.• xxx1 3. Les Manuscri ts •..•..••••.•...•.•..•.••..••.•.••...•...•..••..••..••.. xxx1 v

3. l. Manuscrits de la traduction frarn;;aise •..•....•.•...••.•••.•.••.. XXX1 V

3.2. Manuscrits du commentaire de Dionigi ••••••••••.•..••••••••.••.•••• xxxvi 3.3. La version du texte de Valere-Maxime utilisee par Nicolas de

Gones s e .•....••....•...•...•.•..•.•..•..•...•...••...•..• xxxv i Notes •.• , .••.••.•.••....•.•.•...•.•••...•....•...•••.•.•..•• xxxv111 Le Livre des Fais et Dis Mcmorables ...••..•.•.•.•.•••....•••.•...•• !

(5)

Notes sur le Texte .•..••....•...•.•. , .•..••••••..•.••...••...••....•.•.. 479

Glos saire ...•••..••.••.•..•...•.••.•.••.••.••••••.••.••••••••..••. 521

Annexe I .•.•.••..•.•.•••..•••...•••...•••.•••••••.••.•••.•••••..••• 536

Annexe II . . . 540

(6)

INTRODUCTION

I. Introduction Historique

I. I. Traductions d'oeuvres antiques jusqu'au XVe siecle

Pour comprendre l'interet et l'importance de la premiere traduction de Valere-}1axime, il faut savoir quelles oeuvres antiques etaient deja connues en France au XIVe siecle, et quelles traductions le lecteur fran~ais avait a sa disposition (I). 11 est sur que la culture classique etait toujours restee accessible a certains clercs qui avaient une connaissance approfondie du latin, et qui avaient toujours pu lire Cesar, Tite-Live ou Virgile dans le texte. Mais a partir du XIVe siecle apparurent des groupes sociaux assez larges, com-poses de gens d'une certaine culture, qui avaient fait des etudes, mais qui connaissaient peu de latin, ou seulement le latin de leur profession: un notaire etait capable de rediger un acte en latin,et un pretre savait lire un texte li-turgique ou un manuel de theologie, mais cela ne voulait pas dire qu'ils etaient capables de lire les classiques latins a livre ouvert. Pour eux, qui desiraient neanmoins s'instruire, un commentaire, une traduction ou un texte parallele etait necessaire pour la comprehension du texte. Les rois aussi, rarement specialistes du latin, voulaient neanmoins chercher des exemples de politique chez les anciens, et certains, comme Jean le Bon ou Charles V, employaient des traducteurs a la Cour, pour traduire les oeuvres qui leur semblaient les plus utiles.

Un lecteur du XVe siecle avait deja a sa disposition certaines oeuvres des siecles precedents, souvent plutot des adaptations que des traductions, telles

(7)

que les Romans d'Antiquite du XIIe siecle. Les romans ce 7~2bes, Troie,

Eneas et Alexandre, bien que fondes sur des textes ancie~s (Virgile, Stace &c), sont adaptes au gofit du jour : les heros de l'antiquite, ieve~us barons et princes, construisent des chateaux, et se battent selo~ les ~egles de l'art militaire du Mayen Age. Neanmoins, ces oeuvres etaient extr€mement populaires, et marquent la premiere etape dans le renouvellement d'intere~ pour les choses de l'Antiquite.

Parmi les oeuvres du XIIIe siecle, deux compilations a'cistoire ancienne eurent un succes irnmediat et durable : ce sont l'Histoire a..!cienne jusqu'a

Cesar et les Faits des Remains. La premiere est une conpil~~ion fondee en partie sur Orose (pour ce qui concerne l'histoire romaine) avec des ecprunts a Eutrope et a Justin. L'Histoire Ancienne contient aussi l'histoire d'Enee, surtout em-pruntee a l'Eneide, et celles de Thebes, de la guerre de ?roie et de la vie d'Alexandre, empruntees a des sources romanesques (en pa~ticulier au Roman de Thebes) et au De Excidio Troiae de Dares le Phrygien. Une recaction du XIVe siecle rer:iplace Dares par le Roman de Troie en prose, Dais aj-::n::te au recit une traduction tres libre de treize des Heroides d'Ovide. Ce~te COfilpilation eut un immense succes, et fut copiee et recopiee jusqu'au XVe siecle.

L'autre texte, les Faits des Remains, met plusieurs historiens remains

a

la disposition du public. C'est un expose de l'histoire ce Cesar, fonde sur plusieurs sources, notamment les Commentaires de Cesa!", la Vie de Cesar de Suetone, le Catilina de Salluste et le Pharsale de Lucai~, avec recours

a

des sources plus modernes, cornme Isidore de Seville et la Cite ~e Dieu de Saint Augustin. L'auteur de cette compilation a f~t un veritable t!"avail historique en passant d'un historien

a

l'autre pour combler les lacunes dans l'enchainement des evenements, et peut-etre sans le faire consciemrr.ent, i l a donne des traduc-tions assez exactes d'au mains une partie de l'oeuvre des historiens latins

(8)

-iii-deja cites. C'est un recit coherent, et pour cette raison, et aussi a cause de la fidelite relative de la traduction, cette oeuvre est consideree comme tres superieure a l'Histoire ancienne.

C'etait a la fin du XIIIe siecle et au debut du XIVe, que cornmen~aient

a paraitre des traduc~ions d'oeuvres entieres, done des traductions propre-ment dites. Le manuel d'art militaire de Vegece fut traduit en 1284 par Jean de Meung, et de nouveau au debut du XIVe siecle, par Jean de Vignay. Cette oeuvre fut traduite a cause de sa soi-disant "valeur educative", cornme manuel pouvant servir a l'instruction des rois et des princes. C'est certainement pour cette raison que les traductions d'oeuvres historiques etaient bien plus nom-breuses que les traductions d'oeuvres purernent litteraires. Toutefois, i l ne

faut pas oublier l'_O_v_i_d_e~~~-M_o~r_a_l_i_s_e_-, qui parut vers 1320 (1•Art d'Aimer adapte au gout des lecteurs du XIVe siecle), et continua a plaire jusqu'a la fin du XVe siecle, avec de nombreux remaniements. La traduction de la Cite de Dieu de Saint Augustin par Raoul de Presles (debut du XIVe siecle) , peut etre consideree, elle aussi, comme ayant une valeur autre que simplement peda-. gogique mais la partie historique de l'oeuvre de Saint Augustin~ les dix premiers chapitres ~ par opposition a la partie theologique, semble avoir eu de loin le plus grand succes, car les dix premiers livres etaient souvent copies a part ; et ils furent copies, OU meme imprimes, jusqu'au XVe siecle.

Enfin, dans la deuxieme moitie du XIVe siecle, certains traducteurs

faisaient deja preuve d'un veritable souci d'exactitude. En 1356 parut l'oeuvre de Pierre Bersuire (z ) , qui avait traduit en fran~ais tout ce qu'on

connais-Sait alors de Tite-Live : la premiere Decade (des origines

a

la veille de la guerre contre Pyrrhus~ la troisieme (la deuxieme guerre punique) , et une partie de la quatrieme. L'oeuvre eut un succes irnmediat et immense,

(9)

-iv-sans le travail des humanistes italiens, qui avaient retrouve et mis en circulation la quatrieme Decade. Bien que cette oeuvre ait ete traduite avec les meilleures intentions,elle a certaines faiblesses. Bersuire donne peut-etre une traduction fidele de l'oeuvre de Tite-Live -.-. il donne le texte original integralement, et l'attribue

a

son auteur-.-. mais il ya des lourdeurs et des latinismes, souvent des calques du mot latin d'origine, qui ne facilitent pas la comprehension du texte. Les obligations du traducteur ont fait perdre

a

Bersuire de la souplesse clans sa langue maternelle, Mais, comme le <lit J. Rychner (2), la traduction de Bersuire est un ''mouvement salutaire de

Renaissance, de retour aux sources", et si ce traducteur n'a pas les moyens de reussir, la voie est ouverte pour l'avenir.

Le Tite-Live de Bersuire, traduit pour Jean le Bon, etait explicitement un traite d'education politique, militaire et morale, ou le roi cherchait des preceptes et des exemples • Sous Jean le Bon, et ensuite sous Charles V, parut toute une serie de traductions: les Ethiques, Politiques et Economiques d'Aristote, traduites par Nicolas Oresme, et bon nombre d'ouvrages sci~ntifiques et

techniques.

Le regne de Charles V nous amene

a

la traduction de Valere-Maxime, puisqu' elle fut cornmencee pour ce roi par Simon de Hesdin, Le Valere-Maxime etait, dans son genre, une oeuvre educative, car les auteurs du Moyen Age y cherchaient des anecdotes pour fournir

a

leurs propres oeuvres des exemples ayant l'autorite de l'Antiquite.

(10)

-v-1.2 Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse, premiers traducteurs fran~ais

de Valere-Maxime.

La premiere traduction fran~aise des Factorum et Dictorum Memorabilium libri IX de Valere-Maxime fut faite en deux etapes et par deux auteurs diffe-rents. L'oeuvre de Valere-Maxime contient neuf livres d'anecdotes moralisantes. Les six premiers livres et les quatre premiers chapitres du septieme furent traduits entre 1375 et 1383 par Simon de Hesdin, et les deux derniers, avec le reste du livre VII, furent traduits par Nicolas de Gonesse et termines en 1401.

Nous connaissons peu de choses de la vie des deux traducteurs. Simon de Hesdin ( 3) etait Docteur en Theologie, et i l appartenait

a

l'ordre des Hospi-taliers de Saint-Jean de Jerusalem. De 1363 a 1383 (annee presumee de sa mort) i l fut commandeur d'Eterpigny (Somme~de Noyon et de Senlis. Simon plut au ro~

Charles V, qui le fit nommer

a

la Commanderie de Senlis pour l'avoir plus pres de sa personne, car i l residait souvent

a

Senlis ou

a

Creil. La preface de la traduction de Valere-Maxime nous montre les rapports entre Simon et son souve-rain : ce travail est un temoignage de reconnaissance du traducteur, ami res- . pectueux du roi, et non une oeuvre de commande.

La traduction de Valere-Maxime est la seule oeuvre que nous connaissions de Simon de Hesdin. Le traducteur annonce des le Prologue son intention de "declai-rier" le texte aux endroits OU une explication lui semble necessaire, et la traduction est accompagnee d'un comrnentaire tres etoffe, veritable encyclo-pedie litteraire, qui montre les connaissances de l'humaniste.

L'oeuvre inachevee de Simon semble avoir eu un certain succes, car plusieurs manuscrits, posterieurs a la date de l'achevement de la traduction par Nicolas de Gonesse, ne contiennent que la traduction de Simon.

Nous possedons aussi assez peu de details sur la vie de ~icolas de Gonesse (4)~

(11)

-vi-le diocese de Laon. Il etait done picard, et sa traduction de Valere-Maxime

contient plusieurs allusions

a

la Picardie (voir, par exemple, p. 77 (Livre VIII, I) ou p. 294 (VIII, XIII, Addition) de cette edition), Selon un document officiel de

l'Universite de Paris, Nicolas fut nomme "Magister in Artibus" en 1387, et le 2 mai 1400, il obtint l_a licence de la Faculte de Theologie. En 1403, il est mentionne parmi les "Magistri in Artibus et in Theologia". Nous ne savons pas quels milieux intellectuels il frequentait

a

Paris, mais il est possible qu'il ait connu Laurent de Prernierfait, Jean Courtecuisse, et d1autres "latinisants"

parisiens de la rnerne epoque, qui s'occupaient, cornme lui, de traductions. 11 devint chanoine

a

Laon vers 1407, se trouva

a

Genes comrne confesseur du

marechal Boucicaut a peu pres a la meme epoque, et participa plus tard au Concile de Constance (1414-1418) comme representant du chapitre de Laon (5),

Les oeuvres de Nicolas de Gonesse ne sont pas nombreuses. Il y a, evidem-ment, la derniere partie de la traduction de Valere-Maxime, qui sera le sujet de cette these, et

a

laquelle nous reviendrons. Cette oeuvre contient, de plus, comme Addition au chapitre De Ira du livre IX de Valere-Maxime, une traduction · de De Remediis Irae de Plutarque. Par ailleurs, il y a une Defense de la Poesie inedite, introduction a un texte qui est maintenant perdu, mais qui etait sans doute l'oeuvre d'un poete latin de l'epoque classique. Nous ne connaissons pas la date de cette Defense, et le manuscrit que nous possedons est une copie tardive, faite vers le milieu du XVe siecle. Ce discours utilise des arguments scolastiques pour justifier l'existence, sinon l'utilite, de la poesie, et divise la poesie en ses genrfts..divers.

.,

A cote des exemples habituels, cornmuns

a

la tradition medievale, nous trouvons aussi le nom de Boccace, qui a inclus

"

.

une defense de la poesie dans sa Geneologia Deorum Gentilium, oeuvre peu repandue

a

l'epoque. Nicolas etait done en contact avec la culture italienne du XIVe siecle.

(12)

-vii-1.3 Succes de la Traduction de Valere-Maxime

Le livre des Faits et Dits Memorables fut accueilli avec beaucoup d'inte-ret. Selon la liste de D.M. Schullian (6 ) faite en 1960, i l existe encore

a

peu pr~s cinquante manuscrits de cette premiere traduction fran~~ise, et en

1972 J . Ho:1frin ( 8 en ajoute treize autres

a

cette liste. Ce grand

nombre de manuscrits est le meilleur temoignage de la fortune de la traduction. Les manuscrits survivants s'etendent sur tout le XVe siecle, et entre

1476 et 1500 la traduction connut cinq editions imprimees. Il y avait un Valere-Maxime dans toutes les grandes bibliotheques de l'epoque Jean de Berry, Jean sans Peur et Philippe le Bon possedaient tous leur traduction fran<;;aise, et J. Monfrin la signale aussi chez Antoine, Batara de Bourgogne, chez les Croy, chez Jacques de Nemours, chez Louis de Bruges et chez Edouard IV d'Angleterre. Commynes et Christine de Pisan possedaient un Valere-Maxime franr;;ais, et

Christine y prit plusieurs exemples pour son livre de corps de Policie. D'autres auteurs s'en servirent : Antoine de la Sale doit beaucoup

a

Simon de Hesdin, comme l 'ont demontre les recherches de M. Lecourt ( 3).

Les oeuvres d'Antoine, La Sale et La Salade, sont tres largement derivees de la traduction de Valere-Maxime, sans toutefois qu'Antoine nous indique l'inter-mediaire de Simon. Il prend meme les observations personnelles de l'auteur,ou des citations d'autres auteurs qui font partie du commentaire, pour les mots du "grand Valere" lui-meme. Heme le Petit Jehan de Saintre n'est pas entiere-ment libre d'emprunts. Lecourt arrive

a

la conclusion qu'Antoine "n'a jamais

ete en contact avec l'oeuvre de l'auteur latin"(Valere-Maxime), et que "l'humanisme d'Antoine est la replique de celui de Simon".

Comme Lecourt s'est exclusivement occupe de la traduction de Simon, sans utiliser celle de Nicolas de Gonesse, il serait interessant

(13)

-viii-deuxieme partie de la traduction.

D'autres versions du Valere-Maxime sont derivees de la traduction

fran-~aise, qui servit aussi pour le cornrnentaire, en latin, de Pierre Herard de

Reims, qui parut en 1409. Pierre donne au debut de son oeuvre une "bibliographie" qui contient, entre autres, les noms de Dionigi da Bargo S.Sepolcro, de Luca du Per_ne et cJ.e Si.mo11 de? fle:jdin. Ac: r::omeot c,1} Pierre Herard ecrivait, le texte

de Valere-Maxime, tant en fran~ais qu'en latin, se trouvait entoure d'un

cornrnentaire considerable tire de diverses sources, mais le commentaire de Pierre, qui est une paraphrase du texte, devient de moins en moins fourni

a

mesure que

l'exposition se deroule. Il est interessant de noter que le texte, en latin

a l'origine, passe par le fran~ais pour revenir de nouveau au latin.

L'Abrege de Valere-Maxime, ecrit en 1463 par Jean de Hangest, est fait, lui aussi, d'apres la traduction. Hangest mentionne non seulement "Symon de Hedin, maistre en theologie et religieux des Hospitaliers de

St

Jehan, mais encore

"Nicolas de Gounesse, maistre en ars et en theologie"(7) cornrne sources prin-cipales de son oeuvre.

Une nouvelle traduction fran~aise parut seulement en 1548, faite par Jean le Blond, et d'autres traductions parurent par la suite jusqu'a nos jours.

(14)

-ix-2. Traduction et Cornmentaire·de Nicolas de Gonesse

2. I. La tradition exegetique de Valere-Maxime

Bien qne L1 traduction fran~:ai.s2 de Valere-Haxirne µuisse s' inserer par;m.

les traductions d'oeuvres antiques a aussi juste titre que, par exemple, la traduction de Tite-Live de Bersuire, elle appartient en meme temps

a

une autre tradition bien etablie: celle des commentaires latins de Valere-Maxime. Comme nous l'avons deja dit, les deux traducteurs ne se sont pas limites

a

une traduc-tion litterale de l'oeuvre de Valere~Maxime, mais l'ont entouree d'un commentaire

oil le traducteur "desclaire" et enrichit le texte d'origine.

La tradition exegetique de Valere-Maxime etait bien vivante pendant tout le XIVe siecle, pour un public capable de cornprendre et d'apprecier le latin, car le texte de Valere-Maxime etait considere comme indispensable pour les etudes de rhetorique et de morale, et l'oeuvre des traducteurs fran~ais continue clans la meme tradition, tout en rendant accessible l'oeuvre de Valere-Maxime

a

un public plus large.

Le commentaire latin le plus connu d~ XIVe siecle est celui de Dionigi da Bargo S. Sepolcro, contemporain de Petrarque et de Boccace, de l'ordre des Augus-tiniens, eveque de Monopoli, mart en 1342. Son commentaire date de 1340 au plus tard, et connut un grand succes en Italie pendant tout le XIVe siecle, et meme au XVe siecle~ comme nous le confinne le grand nombre de manuscrits qui existent encore de ce corrunentaire - D.M. Schullian (6) en compte plus de trente.

Le corrunentaire de l'Italien eclaire les passages difficiles de l'oeuvre latine avec des gloses linguistiques, et renvoie le lecteur

a

d'autres auteurs aux endroits oil le texte de Valere-Maxime a besoin d'etre confirme par des temoi-gnages supplementaires. C'est, d'ailleurs, l'intention des traducteurs fran~ais

(15)

-x-de faire un cornmentaire du meme genre, car cornrne le dit Simon -x-de Hesdin clans son Prologue:

"Item il est assavoir que m'entente n'est, ne ne fu oncques, de trans-later cest livre de mot

a

mot, car ce seroit aussi comme impossible de translater le en telle maniere, et que sentence y fust trouvee ent"endable ne delitable au mains en la plus grant partie. Et les causes si sont ·1a brieve et estrange maniere de parler, la difficulte du latin et le mer-veilleus stille du livre. Et pour ce est mon entente de translater le de sentence et de faire de fort latin cler et entendable romant, si que chascun le puist entendre, et ou la sentence sera obscure, pour

l'igno-~ance de l'ystoire OU pour autre quelconques cause, de le desclairier a mon povoir".

( MS BN fr 9749 )

A plusieurs endroits clans le texte fran~ais, le traducteur se refere

a

l'avis d'un "expositeur", et Nicolas de Gonesse, vers la fin de sa traduction, nornrne "Denys du Bourc Saint Sepolcre" (p. 469, II) cornrne cornraentateur de Valere-Ma-xime. Une confrontation entre les renvois a un "expositeur" et les passages correspondants du cornrnentaire de Dionigi fournit clans presque tous les cas la source des renseignements de Nicolas de Gonesse. Il est egalement possible, en comparant les deux cornrnentaires, de relever un certain nombre de renvois, cita-tions et explicacita-tions au niveau de la langue empruntes au co::rrnentaire de Dioni~i, sans que le traducteur les attribue

a

leur source.

Le succes et la grande diffusion de ce cornrnentaire latin, considere cornrne une "autorite" par les COIIlJilentateurs et les traducteurs de Valere-Maxirne de l' epoque, expliquent pourquoi. cet· ''.exposi teur" est le seul nomr:ie par Nicolas de Gonesse. Mais il y a egalement deux endroits clans le commentaire de Nicolas de Gonesse {notarnrnent

a

la page 63, 7 et,a ]:a page 70, 19 de la presente edition) ou le lecteur est renvoye

a

un ~~x~~siteur't qui, apres confrontation avec le texte latin, s'avere ne pas etre Dionigi. Les recherches de G. Di Stefano ( 9) ont de-montre que cet "expositeur" anonyrne est Luca da Penne, secretaire de Gregoire XI, qui travaillait

a

la Cour pontificale d'Avignon. Son cornmentaire de Valere-Maxime fut ecrit vers 1375, et le lieu de travail du cornmentateur explique la diffusion

(16)

de son oeuvre en France. Ce ne sont pas les seuls passages empruntes a Luca da Penne, car, comme pour le commentaire de Dionigi, il est possible de trouver d'autres endroits ou Nicolas de Gonesse a puise clans les ressources du commen-taire: par exemple, G. Di Stefano (9 ) nous fait remarquer un passage sur le gouvernement de Flor~nce (page 81, 27 de cette edition) qui parait clans le com-mentaire de Luca, et ailleurs un renvoi a un "expositeur" peut s'appliquer auss1 bien a l'oeuvre de Luca qu'a celle de Dionigi, car certains passages sont communs aux deux commentaires.

Les liens avec la tradition des commentaires latins sont done assez clairs, et, d'ailleurs, les traducteurs fran~ais n'essayent pas de les cacher. Nean-moins, la fa~on dont la traduction fran~aise differe de son modele, et son origi-nalite par rapport a la tradition exegetique deviendra evidente lorsque nous etudierons la fa~on dont la traduction et le commentaire de Nicolas sont organ-ises, et comment le traducteur fran~ais enrichit sa traduction de matiere tiree de sources tres diverses.

2.2. La traduction et le commentaire de Nicolas de Gonesse

Ces observations, d'ordre general , peuvent s'appliquer a la traduction de Valere-Maxime en entier, mais nous nous referons ici uniquement a la deuxieme partie, celle traduite par Nicolas de Gonesse.

Comme les commentaires latins, l'oeuvre de Nicolas de Gonesse consiste en deux parties: le texte· (ici la traduction du texte latin), et son commentaire. La division du texte de Valere-Maxime en livres, chapitres et paragraphes corres-pond presque exactement a la division en sections des editions modernes, sauf en ce qui concerne les paragraphes les plus longs, qui sont sous-divises en plusieurs

(17)

x i i

-sections plus courtes clans les textes du Moyen Age. Ailleurs, le traducteur signale

a

ses lecteurs que certains textes ne respectent pas exactement la meme division en paragraphes, et il indique ou ceux-ci commencent et se termi-nent clans les autres textes. Comrne clans le commentaire de Dionigi, chaque

para-graphe possede un titre, fourni par les deux ou trois premiers mots du parapara-graphe clans le texte latin ~par exemple Nullus Error (VII-V-3). Si le traducteur veut se referer

a

un autre paragraphe de la traduction, il l'appelle par ce titre; par exemple: "Comme il a este dit par dessus ou Ve livre ou premier cha-pitrean la lettre Capuarn (V-I-3) et ou tiers livre ou chapitre de Fortuite ou paraphe Ille Quoque (III-II-ext. I)". (Page 18, 20-21 de cette edition.) Nicolas utilise soit le numero du chapitre, soit son titre fran~ais, mais le paragraphe (qu'il appelle le "paraphe" ou la "lettre") conserve toujours son titre latin. Ces titres correspondent exactement

a

ceux utilises par Dionigi, et doivent done

representer la division traditionnelle du texte.

Les passages correspondant

a

la traduction du texte latin sont signales par le mot "Aucteur" au debut du passage, ecrit en bleu ou en or, et les passages. correspondant au commentaire de Nicolas sont precedes par le mot "Translateur", egalement en couleur. Les passages de l' "Aucteur" et ceux du "Translateur" se suivent, et le texte de Valere-Maxime est souvent entrecoupe par les remarques de Nicolas; par exemple:

"Aucteur: ..• des quels deux, l'un viellart~ Translateur: C'est assavoir Sergius Orata, Aucteur: et l'autre jouvencel,

Translateur: C'est assavoir le filz Esopus,

Aucteur: ceulx qui ensuivent leur secte ant estendu la main moult loings. Translateur: C'est assavoir en baillant aus ensuivans example de mauvaise-ment vivre."

(IX-I-2, p. 234, 12-17)

Ce systeme d'entrecoupage ne facilite pas une lecture ininterrompue du texte, rnais evite toute possibilite de confusion pour le lecteur, et a l'avantage de ne pas limiter le commentaire

a

quelques mots, comme clans le cas d'un cornmentaire

(18)

-xiii-en marge, par exemple. Ce commentaire, comme nous allons le voir (2.3.1, ci-dessous), est extremement fourni, et contient souvent des allusions

a

d'autres auteurs ou des citations en latin. Ces renvois et citations sont incorpores au texte du Jranslateur, et les citations sont parfois soulign~es par le scribe pour les faire ressortir.

Un element original de la traduction fran~aise, par rapport

a

l'oeuvre des commentateurs latins, est la presence d'une section appellee "Addition" a la fin de presque tous les chapitres (sauf quelques exceptions, comme le chapitre V du livre VII (Des Repulses), ou il s'agit d'un sujet exclusivement romain, mais clans la plupart des cas les exemples supplementaires ne manquent pas). Dans cette section le traducteur deploie ses connaissances de l'histoire romaine, de la

mythologie antique, OU des evenements plus recents, en ajoutant au texte d'origine des exemples "des quels Valerius n'a point fait mention". Cette Addition est souvent aussi longue, ou meme plus longue, que le chapitre qui la precede.

Parfois, aussi, le traducteur fran~ais eprouve le besoin de recapituler la matiere de son chapitre, OU meme de l'oeuvre entiere, pour rappeler

a

son

lec-teur la continuite du sujet: il le fait notamment au debut du livre IX, ou il resume la matiere de tous les livres qui le precedent (voir

a

la page 229 de cette edition).

Le traducteur fran~ais montre done un souci d'exposition de son sujet, en imposant parfois au texte une unite qui n'existait pas

a

l'origine: par exemple la division de l'oeuvre de Valere-Maxime en vertus et vices, signalee par Nico-las au debut du livre IX, peut ne pas Sembler evidente, compte tenu de la matiere de chaque livre.

(19)

-xiv-a

donner son propre avis s'il semble etre necessaire: par exemple sur la verite de certains miracles, ou sur l'immortalite de l'ame, ou sur d'autres questions un peu delicates

au

la doctrine chretienne semble entrer en conflit avec les usages romains, et ou la pensee du lecteur a besoin d'etre guidee.

Les connaissances propr2ment <lites du traducteur -- c'est

a

dire son eru-dition ~ deviennent apparentes dans le contexte des renvois

a

d'autres auteurs et des citations qui constituent une partie importante du commentaire qui accom-pagne la traduction de Nicolas de Gonesse.

2.3. La culture de Nicolas de Gonesse

2.3.1. Les renvois et citations

Dans la partie de l'oeuvre de Valere-Maxime traduite par Nicolas de Gonesse il

y

a 521 renvois

a

81 auteurs, dont 58 citations. L'auteur le plus frequem-ment cite est Aristote, avec 57 renvois, dont trois citations (en latin), suivi de Ciceron (37 renvois, dont trois citations), la Bible (35 renvois, 26 de l'Ancien Testament, dont sept citations; neuf du Nouveau Testament), Justin

(34 renvois), Tite-Live et Annaeus Florus ~qui sont difficiles

a

separer, puis-qu'il est possible que Nicolas, tout en faisant allusion

a

l'oeuvre de Tite-Live, ait eu recours

a

l'oeuvre plus maniable de Florus ~ (32 renvois), Seneque

(27 renvois), Boccace (25 renvois,dont 22

a

De Casibus Virorum Illustrium), Saint Augustin (25 renvois, dont une seule citation en latin), Ovide (23 renvois, dont

11 citations), Orose (18 renvois), Suetone (17 renvois), Boece et Salluste (14

renvois chacun). Les noms des 67 auteurs qui restent sont cites mains de 10 fois, et 31 d'entre eux ne sont cites qu'une seule fois.

(20)

-xv-un seul norn original parrni les auteurs qui les dorninent ~ c'est celui de Boccace, qui montre non seulement la ·difference chronologique entre l'oeuvre de Nicolas et les commentaires latins du XIVe siecle, mais aussi le passage du temps entre la premiere et la deuxieme partie de la traduction de Valere-Maxime, car le nom de Boccace ne parait pas dans la traduction de Simon de Eesdin. Laurent de Premierfait, contemporain <le Nicolas de Gonesse, avait

traduit De Casibus Virorurn Illustrium et le Decameron en fran~ais vers 140U. l'oeuvre de Boccace etait done encore une nouveaute

a

cette epoque, du moins pour le lecteur fran~ais. De Casibus fournit la plupart des renvois, mais Nicolas renvoie aussi le lecteur

a

De Claris Mulieribus (trois fois) et

a

De Montibus (une fois). Ces renvois

a

Boccace fournissent, pour la plupart, du materiel pour l'Addition

a

la fin de chaque chapitre. 11 est interessant de noter que Nicolas ne laisse jamais le nom de Boccace seul prouver l'authen-ticite d'un evenernent: cornme, pour Nicolas et pour ses lecteurs, l'anciennete d'un auteur augrnente son autorite, le traducteur prend soin d'accompagner le temoignage de Boccace de celui d'un auteur plus ancien, cornme dans cet exemple, ou Nicolas parle de la mart de Tullius Hostilius:

•• "et

a

la fin il fu tues par l'effoudre cheant du ciel, comme tesrnoigne Bocaces au tiers livre de la Ruine des Nobles Hammes, et Pline le Second au lieu devant allegue".

(p. 63, 24-25) 11 ne faut pas oublier, dans le contexte des auteurs modernes, les deux renvois

a

l'oeuvre de Petrarque: "un moult excellent poete norrnne Fran~oys Petrache" (p. 196, 28). Nous trouvons un renvoi

a

De Remediis Utriusque For-tunae, qui avait ete traduit en fran~ais depuis 1378, et un

a

l'Africa, allu-sion bien rare

a

l'epoque (7) dans un texte fran~ais. Neanrnoins, la contri-bution de Petrarque aux renvois reste bien mains importante que celle de Boe-cace.

La presence des autres auteurs cites dans les renvois est bien mains etonnante: celle des historiens romains - TiteLive, Suetone, Salluste -et de leurs successeurs ~Justin, Orose, Florus ~ peut s'expliquer par la

(21)

xvi

-nature historique des anecdotes de l'oeuvre de Val.ere-Maxime. Les allusions

a

ces historiens sont tres nombreuses, et les exemples supplementaires tires de la meme epoque historique servent souvent

a

renforcer ces temoignages. Tite-Live, qui etait

a

peu pres le contemporain de Val.ere-Maxima, traite souvent les memes episodes (par example, les guerres puniques), et !'Epitome d'Annaeus Florus, souvent cite par Nicolas de Gonesse en meme temps que

l'Histoire de Tite-Live, etait un resume moins encombrant des memes evenements. Apropos de l'oeuvre de Tite~Live, il est interessant de constater que Nicolas de Gonesse cite, dan~ !'Addition au premier chapitre du livre IX, un passage au sujet de l'extravagance des matrones de Rome, qu'il pretend avoir pris dans le troisieme livre de la troisieme decade de l'Histoire de Tite-Live. Or, ce passage ne se trouve pas

a

l'endroit indique par Nicolas de Gonesse, ni ailleurs dans la troisieme decade, ni dans le resume de Florus, ma.is le passage ·semble bien, par son style, par le vocabulaire utilise, et :tar l'ordre des mots, etre la traduction d'un texte latin (voir Note

a

la page 2)5,

9).

D'autre part, Nicolas de Gonesse donne des renvois tres precis

a

l'oeuvre de Sal.luste; par exemple, apropos de l'histoire de Jugurtha, il recommande

a

ses lecteurs de lire Sal.luste lui-meme pour avoir de plus amples renseignements sur !'episode en question:

"Qui plus en particulier vuet voir les Sal.uste ou livre devant al.legue"

f ais Jugurte lise

(Page

5,

28 - page 6, 1) La Vie des Douze Cesars de Suetone, oeuvre posterieure

a

celle de Val.ere-Maxime, fournit des examples tres complets des vices des empereurs remains, cites dans le detail par Nicolas de Gonesse dans !'Addition aux trois premie~s

chapitres du livre IX.

Quand Nicolas de Gonesse veut appuyer un example qu'il a cite, il le fait en ajoutant les temoignages d'historiens plus recents, tels que Justin, Orose ou Flavius Josepha. Dans certains cas, meme, le commentateur frangais g:roupe les noms de quatre OU cinq historiens auteur du meme episode: par exemple, a

la page 293, ligne 25 et suivantes, Nicolas cite les noms de cinq historians -Orose, Eutrope, Justin, Saint Augustin et Florus -

a

propos du meme evenement

(la guerre entre Mithridate et les Remains), comme garantie de son authenticite. Saint Augustin, lui-meme, est· parmi les histori.ens les plus souvent cites par Nicolas de Gonesse. La Ctte de Dieu etait surtout connue au Moyen Age pour sa partie historique - les dix premiers livres - et Nicolas utilise souvent cette oeuvre pour mettre en perspective les temoignages des historians latins.

Nicolas fait aussi de nombreuses allusions

a

la Bible, surtout

a

l'Ancien Testament. Ces renvois sont general.ement illu5tres par des

(22)

-

-xvii-citations, et servent souvent

a

comrnenter ou

a

condamner les coutumes des anciens (voir, par exemple, au sujet des miracles,

a

la page 103, 7, ou au sujet des augures,

a

la page 71, 10 - 25), qui peuvent Sembler aberrantes aux chretiens.

L'oeuvre morale d'Aristote, connue depuis longtemps par les erudits sous forme de comrnentaires, et recemrnent traduite en fran~ais (Nicolas Oresme tradui-sit les Ethiques, Politiques et Economiques en fran~ais vers 1379) est non seule-ment tres bien adaptee a l'oeuvre de Valere-Maxime, rnais donne aussi un grand poids d'autorite, car au Moyen Age - comrne plusieurs renvois au "philosophe" chez Nicolas de Gonesse le confirment - Aristote etait le philosophe, connu presque

a

l'exclusion de tout autre. Les oeuvres mentionnees par Nicolas de Gonesse sont assez nombreuses, mais l'oeuvre la plus citee est les Ethiques. Le traducteur fait aussi allusion

a

des oeuvres attribuees

a

Aristote - notam-ment

a

"De l'inundation Nilus" (page 134, 27) - qui se trouvent deja clans le

comrnentaire de Dionigi. D'ailleurs, un bon nombre des renvois a Aristote sont empruntes au commentaire latin. Il ~st interessant de noter qu'a l'epoque ou ecrivait Nicolas de Gonesse, toute l'oeuvre d'Aristote n'avait pas ete traduite en latin, car Nicolas s'excuse de ne pas connaitre une oeuvre d'Aristote dont il est question dans le texte de Valere-Maxime:

"Ces paroles ci que mest Valerius nous ne trouvons point en nuls des livres de Aristote qui soit translates en latin, et pource puest il estre que en aucun qui encores ne soit venus

a

nous pour l'estrangete de la langue grece ces paroles sont contenues".

(p. 203, 18-22)

Mis a part Aristote, les renvois aux auteurs grecs sont peu nombreux,

chose assez peu etonnante vu le petit nombre d'oeuvres grecques connues en version latine, et le nombre encore plus reduit susceptible d'etre connu d'un lecteur

fran~ais. La connaissance des auteurs grecs semble souvent tenir de la legende (Plutarque, precepteur de l'empereur Trajan) ou de l'anecdote (par exemple, la mort de Socrate). Si nous ecartons, pour l'instant, la traduction de De Remediis

(23)

-xviii-Irae de Plutarque, qui est bien plus d'un renvoi, avec les noms d'auteurs qui paraissent uniquement dans cette section, et dont Nicolas a herite en meme temps que du texte, le nombre d'auteurs grecs que nous trouvons dans les renvois est assez petit ~ Archytas de Tarente, Esope, Euripide, Eusebe, Hippocrate, Homere, Platon, Plutarque, Ptolomee. Un seul nom, celui de Platon, parait plusieurs

fois, mais il est toujours accompagne de celui d'un autre auteur: Boece, Albert le Grand, Saint Jerome, Ciceron; ou dans le contexte d'une anecdote connue: la vie d'Euclide, ou la mart de Socrate, ce qui semble eliminer une connaissance de Platon de premiere main. Sinon, les autres auteurs sont representes par une citation isolee (par exemple, Esope, Ptolomee), ou par une allusion tres passa-gere (par exemple

a

la page J67, 2J: "pour semblable cause Homeres appella

Aga-menon pere des peuples"), et il est peu probable que les connaissances de Nicolas aillent plus loin.

Par contre, la pauvrete des allusions aux poetes peut nous sembler decevante. Comme nous le savons par les recherches de G. Di Stefano ( 4 et voir section

J.2. ci-dessus), Nicolas de Gonesse fut l'auteur d'une Defense de la Poesie ~

sa participation clans une des grandes "querelles" litteraires de l'epoque -- qui montre son interet pour la poesie, meme s'il n'en admet pas l'utilite. Mais la

traduction de Valere-Maxime contient tres peu de renvois aux poetes; le seul

a

etre frequernment cite est Ovide, le poete latin le mieux connu au Mayen Age, et dont l'Ars Amatoria, devenue l'Ovide Moralise, avait paru en version fran~aise vers J320. Nicolas nous montre qu'il connait bien l'oeuvre d'Ovide en la citant souvent, et non seulement des citations devenues proverbiales cornme "Principiis obsta" (p. 247, JO) ou "Imrnensum gloria calcar habet (p. J, 8), mais encore des passages entiers pris clans les Fastes ou les Metamorphoses et cites en latin (voir p. 88, 7 - JO et 24 - 29; p. 102, 24 - 28). Sinon, les allusions aux autres poetes: Ennius, Horace, Juvenal, Lucain, Virgile, se limitent

a

quelques citations connues,

(24)

-xix-par exemple, Virgile: "Parcere subje_ctis et debellare superbos" (p. 80, 12), ou Juvenal: "Dat veniam corvis, vexat censura columbas" (p. 364, 12). Ceder-nier, dont le nom paratt cinq fois, n'est represente que par des citations pro-verbiales de ce genre, et Virgile, bien que represente par quelques allusions a

l'_l::?eide et anx s.;ec_,_rgique2, se trOL!VC charge d1

un vers: "Hos ego composui versus,

tulit alter honores" (p. 203, 7) qui ne parait pas dans l'oeuvre authentique du poete, et qui lui fut attribue par la tradition.

En somrne, done, si nous regardons la quantite des renvois, ce sont les his-toriens qui l'emportent tres nettement sur les autres auteurs: l'oeuvre la plus frequemrnent citee est l'Histoire ("l'Abreviation Trogus Pompeius") de Justin, avec 34 renvois,suivi de De Casibus Virorum Illustrium de Boccace (22 renvois)_, De Civitate Dei de St. Augustin (19 renvois), l'Histoire de Tite-Live (19 ren-vois), l'Histoire contre les Paiens d'Orose (16 renvoish et la Vie des Douze Cesars de Suetone (17 renvois).

Il faudrait aussi tenir compte du petit nombre d'allusions

a

des auteurs plus modernes, qui, malgre leur pauvrete quantitative, constitue, avec les renvois

a

Boccace et

a

Petrarque, un element original de l'oeuvre de Nicolas de Gonesse. Nous trouvons un renvoi aux Grandes Chroniques, deux renvois

a

Guillaume de Nangis, quatre a Vincent de Beauvais et quatre a Albert le Grand,aussi bien que des ren-vois isoles au Catholicon, dictionnaire encyclopedique du XIIIe siecle, OU a la

Historia Transmarina de Guillaume de Tyr. Neanmoins, la remarque que nous avons faite apropos de Boccace s'applique aussi bien aux autres auteurs modernes: Nicolas ne leur attribue pas la meme autorite qu'aux auteurs plus anciens, et les exemples "recents", comme l'histoire de Childerith ou celle de Romulda, que nous trouvons dans l'Addition au premier chapitre du livre IX, sont inseres tout

a

la fin de cette section. Nicolas a done respecte l'ordre chronologique des exemples qu'il a cites.

(25)

-xx-Si Nicolas de Gonesse connait bien l'oeuvre de l'auteur auquel il fait allusion, il donne des precisions sur le livre et le chapitre oil se trouve

le renvoi. Tous les renvois

a

Tite-Live, et

a

la plupart des historiens latins, sont precis, ainsi que ceux

a

Ovide,

a

Boccace et

a

St. Augustin. Il est

possible de verifier

a

quel point Nicolas connaissait certains auteurs en cher-chant dans leurs oeuvres les citations qu'il donne. L'on peut localiser presque toutes les citations donnees par Nicolas dans l'oeuvre a laquelle il les attribue, et dans la plupart des cas,

a

quelques differences d'orthographe pres, la

cita-tion qu'il donne est conforme

a

la version latine de reference. Neanmoins, il est difficile d'affirrner que Nicolas connaissait parfaitement l'oeuvre des auteurs qu'il cite avec une telle precision (bien qu'une connaissance approfondie de l'oeuvre de Ciceron, de Juvenal ou d'Ovide n'ait rien d'etonnant, vu la for-mation universitaire du traducteur), car de deux passages parmi ceux qu'il cite avec la plus grande precision, l'un de Ciceron, l'autre de :'lacrobe (voir page 72, 6 et page 22, It), le premier ne se trouve pas clans De Natura Deorum, cor.me l'affirme Nicolas, mais clans De Divinatiorie, et le second n'est qu'une vague p'ara-phrase de !'original (voir les Notes pour les pages 7~ et 22 pour la version cor-recte). Par ailleurs, "Caton", qui est cite six fois par Nicolas, n'est pas Marcus Porcius Caton, mais Dionysos Caton, poete du Ille siecle, auteur des

Disticha de Moribus, un volume de poemes de deux vers. Pour une citation Nicolas specifie qu'il s'agit bien de Caton "le morel" (page 14, 16), mais pour les

autres il ne donne pas de precisions sur l'identite de l'auteur. Presque toutes les citations, exception faite peut-etre de quelques passages plus longs, venant souvent d'Ovide, sont tellement celebres qu'elles sont devenues presque prover-biales, et ne presentent done qu'un interet mediocre.

(26)

l'origi-

-xxi-nalite du commentaire de Nicolas de Gonesse: celle-ci reside, nous l'avons deja dit, dans la presence de la traduction d'une oeuvre de Plutarque (voir section 2.3.2. ci-dessous) et dans des allusions

a

des auteurs relativement E'todernes, comille Boccace ou Guil1:1ur:ne de t:angis.

Nea11moins, nous ne pouvons qu'a<lmirer la quantit~ des renvois et des cita-tions, et la fa~on habile dont ils sont inseres clans le com:nentaire. Le com:::ien-taire latin de Dionigi da Borge S. Sepolcro, bien qu'il soit considere comme un excellent conunentaire dans la tradition exegetique de Valere-Maxime, se borne

a

expliquer les passages difficiles OU les problernes de VOCabulaire, et

a

citer, au besoin, un autre auteur. Le comrnentaire lui-meme est

a

peine plus long que le passage qu'il explique ~ d'ailleurs la mise en page du cornmentaire l'inter-dit, car le passage de 1'.auteur parait au milieu de la page, encadre des obser-VaL~~~s cie !'exegete. En choisissant pour sa traduction une presentation line-aire ~passage de !'auteur suivi d'un passage du traducteur ~Nicolas de Go-nesse ne se lirnite pas

a

un cormnentaire court, et il rnultiplie les renvois et

les citations auteur de chaque passage, de fa~on

a

presenter au lecteur un COw-rnentaire facilement trois fois plus long que le texte lui-meme, et en ajoutant une Addition

a

chaque chapitre ou la rnatiere peut faire appel

a

des exemples

tires d'autres sources, Addition parfois aussi longue que le chapitre qui la precede, surtout pour les trois premiers chapitres du livre IX, ou les vices des empereurs remains sont longuernent racontes ..

Par souci d'authenticite, la ou Dionigi se contente de citer un auteur, Nicolas fait appel

a

trois, quatre OU cinq autorites differentes (voir page

265, 19 - 25, ou nous trouvons les noms de Tite-Live, d'Eusebe et de Ciceron

cites apropos du viol de Lucrece, OU page 293 - 294, OU l'histoire de Mithridate regroupe les norns d'Orose, de Justin, d'Eutrope, de Saint Augustin et d'Annaeus Florus). Tant de ternoignages garantissent

a

!'exegete l'authenticite du passage

(27)

-xx

ii-en question, du moins selon les criteres du XVe siecle.

Tant d'assiduite, et tant de souci de nous convai.ncre de la veracite de chaque episode, bien que les criteres chers au traducteur ne correspondent plus

a

notre idee de la verite historique, nous impressionnent, comme,

a

plus forte raison, ils ont du convaincre les lecteurs fran~ais du XVe siecle, et cet ele-ment doit expliquer,·en partie, l'imrnense succes que connut cette traduction pendant tout le siecle qui suivit.

2.3.2. La premiere traduction fran\aise de Plutarque

L'element le plus original du commentaire de Nicolas de Gonesse est sans aucun doute la presence, sous forme d'Addition au troisieme chapitre du livre IX (De Ire et Hayne; pages 344 - 362 de cette edition), de la premiere traduction

fran~aise connue d'une oeuvre de Plutarque ~ De Remediis Irae.

Avant la decouverte de cette traduction (IO) dans l'oeuvre de Nicolas de Gonesse, la premiere traduction fr~n~aise que l'on connaissait d'une oeuvre de Plutarque datait de la fin du XVe siecle ~ une traduction des Vies Paralleles et la premiere traduction connue de De Remediis Irae datait de 1546. Mainteoant, il est possible d'affirmer que la premiere traduction de De Remediis Irae date de 1401 au plus tard, une allusion

a

la deposition et la mort "recentes" de

Richard II d'Angleterre (1400) clans le chapitre qui precede celui contenant cette traduction nous aidant

a

situer precisement la date de son achevement.

En Occident, jusqu'au XIVe siecle, la litterature grecque etait peu connue, car peu de savants avaient des connaissances etendues de la langue grecque, et les seules oeuvres que l'on connaissait bien etaient celles qui, comme certaines oeuvres d'Aristote, etaient traduites depuis longtemps en latin. Plutarque, par

(28)

-xxiii-exemple, etait devenu une figure legendaire, correspondant et peut-etre pre-cepteur de l'empereur Trajan, et c'est ce Plutarque legendaire que connaissait la premiere generation d'humanistes. Mais l'ambiance de la Cour pontificale d'Avignon favorisait la renaissance des etudes grecques, et en 1373 Simon Atumano, archeveque de Thebes, qui avait de vastes connaissances de la

litterature grecque et hebra~que, entreprit une traduction latine de De Remediis Ire pour le cardinal Pietro Corsini. On reprocha ~ Atumano son style peu soigne, sa langue "semigreca", et Corsini donna la traduction ~Coluccio Salutati, qui la revisa. Cette nouvelle version, qui parut vers 1395, ne fut pas une

nouvelle traduction (Coluccio ne savait pas le grec), mais plutot une tentative d'ameliorer le style latin en le debarassant des barbarismes. Coluccio divisa l1oeuvre en quinze chapitres, pour en faciliter la lecture, et changea le titre:

Atumano avait appele l'oeuvre De Furoris Ireque Abstinentia, tandis que Coluccio l'appela De Medicina et Remediis Ire.

Nicolas de Gonesse appelle sa traduction "De la Medecine et des Remeides de Ire", et la divise en quinze chapitres "selonc la distinction du translateur" (page 344, 6); une comparaison entre le texte latin de Coluccio et le texte fran~ais montre assez clairement que Nicolas a traduit Coluccio mot

a

mot (11). Pourtant, Nicolas ne norrnne que "Symon archevesque de Theles" (page 344, 6) comme traducteur de l'oeuvre, et il est possible que Nicolas ait trouve assez de ren-seignements dans l'epitre dedicatoire de Coluccio au cardinal Corsini pour con-naitre le nom du vrai traducteur de Plutarque.

Neanmoins, le texte fran~ais, tout en respectant le texte latin

a

la lettre, est plus court que son modele ~ certains passages ont disparu, ainsi que plu-sieurs citations d'auteurs grecs qui risquaient de ne rien signifier pour les lecteurs de Nicolas (voir les Notes pour la page 347). Meme la forme de dia-logue de l'original a

a

peu pres disparu, quatorze chapitres sur quinze etant

(29)

-xx

iv-un monologue de Fiv-undanus representant la reponse

a

la question posee par son interlocuteur, Sylla, dans le premier chapitre (voir les Notes pour la page 344, 8). Ces coupures peuvent etre justifiees si nous pensons que Nicolas n'avait pas l'intention de presenter cette traduction connne une oeuvre separee, mais plutot comme un exemple supplementaire pour mieux illustrer son chapitre

sur l'Ire, et aussi que les premieres vraies traductions d'oeuvres antiques etaient orientees surtout vers l'utilite, les exemples des anciens fournissant un modele pour le comportement actuel, et que la valeur erudite des citations que Nicolas a supprimees aurait ete d'une importance secondaire pour ses lecteurs. Dans ces conditions, done, le texte de Plutarque se marie tres bien au texte de Valere-Maxime, et au commentaire de Nicolas en general.

Cette traduction, inseree dans la traduction de Valere-Maxirne, est une decouverte importante, car elle avance de presque un siecle la date de la premiere traduction fran~aise d'une oeuvre de Plutarque, et cela signifie que l'introduction de Plutarque en France est contemporaine de l'~dition

faite par Coluccio, qui a relance l'oeuvre du "vrai" Plutarque en Europe Les savants fran~ais connaissaient done cette edition des sa parution et furent les premiers de l'Europe a s'en emparer, car la traduction fran~aise

de Nicolas de Gonesse est la premiere traduction de ce texte en langue vulgaire.

(30)

-xxv-2. 4. La langue de Nicolas de Goness.e

2.4. I. La relatinisation du vocabulaire en France

D~j~ ~ partir du XlIIe si~cle le fran~ais ~ta[t la langue administrative de la plus grande partie du royaume, et il en resultait la vulgarisation d'un hon nombre de termes administratifs et de termes de droit, presque taus empruntes au latin. Mais au XIVe siecle, sous l'influence de rois cornrne Jean le Bon ou Charles V (pour ce dernier l'utilisation du fran~ais etait une politique deli-beree), l'importation des mots latins francises etait tres grande dans tousles domaines: l'administration, la politique, les sciences, les arts. Ces latinismes envahissaient la langue fran~aise pour constituer un vocabulaire "savant", pas toujours aussi facilement comprehensible pour les non-inities que pour les savants qui l'avaient constitue,

a

une epoque qui correspond exactement

a

celle des

premieres traductions serieuses d'oeuvres latines en fran~ais: la Cite de Dieu de Raoul de Presles, le Tite-Live de Bersuire, les traductions d'Aristote faites par Oresme.

Trouver un equivalent fran~ais de certains termes correspondant

a

des phe-nornenes uniquernent rornains etait un problerne considerable, et dans la plupart des cas le traducteur se bornait

a

franciser la terminaison du mot latin en question, expliquQnt au besoin les mots "estranges" dans un glossaire

a

part: Oresrne emploie cette rnethode, en ajoutant

a

sa traduction une liste alphabetique de "forsmots" et en signalant les chapitres ou ces mots sont employes. Le Tite-Live de Bersuire, aussi, contient de nombreux calques de mots latins: le traduc-teur evite les mots vulgaires pour utiliser des mots empruntes au latin, ce qui ne facilite pas la comprehension du texte. A la fin du XIVe siecle, et au debut du XVe, tout un groupe d'erudits, contemporains de Nicolas de Gonesse, et qu'il

(31)

-xxvi-connaissait peut-etre, s'applique

a

l'etude des oeuvres latines de l'Antiquite et de l'Italie moderne, entre autres Jean de Montreuil, correspondant et admira-teur de Coluccio Salutati, Gontier Col, Jean Courtecuisse et Laurent de Premier-fait. Ce dernier, dans sa traduction de De Casibus Virorum Illustrium, abuse

de calques et de mots latins vaguement francises, mais son Livre de Cent Nouvelles, traduction fran~aise du Decameron, bien que traduit de l'italien

a

travers une version latine, evite la plupart de ces lourdeurs, et est ecrit dans un style plus naturel (12).

2.4.2. Les latinismes chez Nicolas de Gonesse

Il suffit de regarder d'une fa~on tres sornmaire le Livre des Fais et Dis Memorables pour voir

a

quel point Nicolas de Gonesse suivait le courant

intellec-tuel de l'epoque ~le nombre de latinismes employe est tres grand, et le style "latin" impregne toute la traduction de Valere-Maxime, et en partie le commen-taire et l'Addition. Le texte de Valere-Maxime est traduit mot

a

mot, et le texte fran~ais garde la forme et les tournures de l'original latin. Une comparai-son entre n'importe quel passage de la traduction de ~icolas de Gonesse et le passage correspondant du texte latin nous montre la fidelite du traducteur

a

son original.

Neanmoins, les "latinismes" de Nicolas de Gonesse prennent plusieurs formes, et il sera interessant d'examiner chacune

a

son tour.

Premierement, et c'est sans doute le cas le plus interessant, nous trouvons les latinismes "originaux": des mots d'origine latine, qui ne sont pas attestes par les dictionnaires cormne faisant partie de la langue fran~aise de l'epoque, et qui sont utilises par Nicolas dans la partie "traduction" proprement dite, ou il est possible de verifier que le mot en question traduit en effet le mot latin

(32)

-xxvii-qui lui correspond. Nous en avons trouve 31 (voir Annexe I) qui nous semblent etre de "vrais" latinismes. 18 de ces mots sont des termes propres

a

la

civili-sation romaine, et Nicolas ne pouvait done pas leur substituer un mot fran~ais.

Dans 17 easy Nicolas explique le mot en question clans le passage du Trans-lateur suivant celui ou le mot parait, et ces explications coincident, pour la plupa:tt, avec les termes propres

a

la vie romaine. Bien que les mots "celle" et "cens" restent, clans le texte de Nicolas, sans explication, et que "forain" ne soit explique que vaguement ("la chevalerie foraine ... en la quelle les drois estient rendus sur les contentions des partiesu; page 117, 24 ), Nicolas prend soin d'expliquer

a

ses lecteurs des mots aussi peu familiers que "repetundes" ou "galle", ou les termes moins savants de "ficedule" ou d'"estable" - ces deux dernieres definitions sont derivees, respectivement, du dictionnaire d'Uguccione et du commentaire de Dionigida Borgo S. Sepolcro. Tous ces mots, qui paraissent, du moins pour la premiere fois, clans des passages de l'Aucteur, sont des versions francisees des mots utilises par Valere-Maxime. Signalons aussi, dans cette cate-gorie, trois mots particulierement interessants qui paraissent clans le dictionnaire de Godefroy avec un autre sens que celui des mots latins dont ils sont derives, mais qui paraissent chez Nicolas de Gonesse avec le sens original: "prelation", qui

parait chez Godefroy avec le sens de 11

digni te"ou de ''superiorite'; surtout d' un prelat, mais qui garde chez Nicolas de Gonesse son sens latin de "preference"; "sigillation", qui se trouve dans le dictionnaire de Godefroy sous la forme "sigiller", signifiant "sceller", qui garde chez Nicolas son sens original d'"affront" ou "insulte";

"engine", qui est utilise, comme le mot latin "ingenium", avec le sens de "qualites" ou "dons", sans la nuance defavorable evoqu&par "engin", le mot fran~ais courant de l'epoque. Pourtant, ces mots paraissent chez Nicolas de Gonesse sans expli-cations.

(33)

-xxyi.i.i.-latins plus courants, deja signales clans d'autres traductions, ou dans des oeuvres traitant de l'antiquite, et qui traduisent, eux aussi, les mots latins de Valere-Naxime qui leur correspondent. Ces latinismes "consacres" sont plus nombreux: nous en avo~s compte 76, dont 31 termes propres a l'Antiquite. 25 mots sont expliques par Nicolas, et ils correspondent, une fois de plus, a peu pres aux termes de l'Antiquite, bien qu'il explique "armille" (bracelet), qui est deja

plus ou moins expliquee par son contexte (p. 199,1.5), mais n'explique pas "curial", qui ne l'est pas (p. 335, 27).

D'autre part, il y a les mots "savants" utilises par Nicolas clans son co1Tllllen-taire ~ done chez le Translateur qui ne traduisent pas un mot latin en par-ticulier, mais qui ne correspondent pas, et ne correspondaient pas a l'epoque, au vocabulaire frarn;ais courant. Certains de ces mots: "effigiation", "gregaire", "parduellion", ne sont pas attestes dans les dictionnaires, et il faut avoir recoul'.'$

a

un dictionnaire latin pour en trouver le sens. D'autres, par exemple "epiclie" ou "muliebre", sont expliques dans le texte par Nicolas (e.g., "le mode muliebre ou 1 'es tat feminin". p. 245, I 4), ma is en general, Nicolas laisse passer ces mots

~

savants sans explication.

Par ailleurs, les problemes du traducteur se montrent par la fa~on dont Nicolas traduit certaines locutions et expressions latines qui souvent ne corres-pendent pas

a

des phenomenes de la vie fran~aise ~ il est tres interessant de cons tater que "pontifex maximus" devient "un tres grant evesque" (p. 180, 13), en utilisant le sens du mot "pontifex" (grand pretre) acquis a l'ere chretienne, et que "socer" (beau pere) devient "Mon Sire" (p. 77,28 ). Nicolas est tres conscient des problernes de correspondance entre les deux langues :

"Le latin a "socer", qui segnifie le pere de sa femme d'aucun, pour le quel je n'ay point de propre terrne en fran~ois, car les Parisiens l 'appellent Monsigneur, et ceux du pais ouquel je fu nes l 'appellent Mon Si re, et ce sont mos trop cornmuns qui ne declairent mie la nature

(34)

-xx

ix-de telle personne conune fait le mot qui est en latin".

(p. 77, 26 - p. 78, 2) Ce sont des tentatives d'adapter la langue de la traduction pour la rendre plus accessible aux lecteurs, bien que le concept original soit un peu fausse par l'introduction d'un eveque Chretien dans la religion romaine, OU que la traduction trap simplifiee de "candidatus" - devenu "honune vestu de blanc" (p. 390, 11) necessite une explication supplementaire pour lui restituer le sens de "candidat

a

l'office". Ailleurs, la locution latine reste, francisee

"stabulum contaminatum" devient "estable contaminee" (p. 46, 19), mais Nicolas l'explique

a

ses lecteurs :

" ... en ceste lettre estable est prise pour hostel, et pourtant estable contaminee vault autant que famille corrumpue par ribaudie".

(p. 46, 22 - 24) Sinon, "invidia laborantes" devient "les labourans d'envie" (p. 60, 23), "bali-nea pensilia" (une douche) des "bains pendans" (p. 231, 16), "munus gladiatorum"

(un spectacle de gladiateurs) devient "don gladiatoire" (p. 422, 17), expressions qui ne sont pas plus comprehensiblesau lecteur que si le traducteur les avait laissees en latin, et ou il est permis de se demander, au moins dans les deux

der-niers cas, si Nicolas lui-merne a bien compris de quoi il s'agissait clans le texte latin. Cette question est d'autant plus legitime que nous avons trouve un endroit oil il est evident, en vue du mot d'origine et de sa traduction fran~aise, que le traducteur n'a pas compris le texte latin le mot "tertiae" (le troisieme role dans une piece) est traduit par "chassant

a

la voys", qui, meme dans son contexte, ne traduit pas le sens de l'original (voir Note

a

la page 463). Ailleurs, s'il n'a pas utilise une version faussee du texte (voir Note

a

la page 281), une er-reur du meme genre s'est produite, car Nicolas traduit "nomenclator" (un esclave employe pour dire

a

son maitre les norns des gens qu'il croisait dans la rue)

(35)

-xxx-ce sont des termes assez specialises, voire techniques, et -xxx-ce sont des erreurs rares, les autres difficultes de comprehension dans les passages de l'Aucteur etant souvent dues a des erreurs du scribe, et une fois corrigees traduisent fidelement le texte latin.

Il ne faut pas oublier, dans le contexte des latinismes, le phenomene des doublets, c'est-a-dire l'utilisation de deux synonymes au lieu d'un seul mot, par exemple franchise et liberte . Ce phenomene est tres courant dans les traductions de l'epoque, et un mot un peu savant, derive du latin, est souvent explique en le joignant a un mot plus courant. Le Livre de Cent Nouvelles de Laurent de Premierfait, par exemple, oeuvre contemporaine de celle de Nicolas de Gonesse, contient un tres grand nombre de ces doublets mot savant plus mot cou-rant. Pour mieux apprecier la nature de ces doublets, nous avons pris un

cha-pitre de la traduction de Nicolas: le premier chacha-pitre du livre IX, qui contient un bon nombre de passages de l'Aucteur, qui sont done traduits du latin, un long passage du Translateur, probablement traduit de Tite-Live, et une tres longue Addition. C'est done un chapitre assez representatif des differents genres de cette oeuvre, et nous y avons compte tous les doublets (voir Annexe II). Il n'est pas etonnant de constater que le type de doublet le plus frequemment utilise est celui ou un mot courant explique un mot savant - par exemple chichete et avarice (p. 244, 24) ou joye et gratulation (p. 245, 18). Ce chapitre contient 55

dou-blets de ce genre. Par ailleurs, il y a un nombre impressionnant de doudou-blets de deux mots courants, 33 en tout, par exemple penduz et estrangles (p. 254, 6), ou pris et atrapes (p. 266, 7 ), expressions qui sembJent se glisser avec une grande facilite dans le langage du traducteur, sans y apporter d'elements utiles. Mais le plus etonnant, c'est le presence de sept doublets de deux mots savants ~ par exemple liberte et licence (p. 237, 15) ou orbete et privation (p. 253, 25)~

Figure

TABLE  DES  MArIERES

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