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Processus décisionnel en contexte de détection du sepsis pédiatrique

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Processus décisionnel en contexte de détection du sepsis

pédiatrique

Mémoire

Joanny Grenier

Maîtrise en psychologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Processus décisionnel en contexte de détection du sepsis

pédiatrique

Mémoire

Joanny Grenier

Sous la direction de :

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Résumé

Le sepsis, un syndrome d’infection générale grave, est une importante cause de décès dans le monde et a un impact considérable sur le taux de mortalité dans le département des soins intensifs des hôpitaux. Plusieurs médecins soutiennent que le diagnostic de sepsis est fréquemment omis, menant ainsi à de graves conséquences pour l’état de santé du patient. Considérant cette problématique, la présente étude a pour buts de déterminer les caractéristiques du processus décisionnel des médecins en situation de triage et de prise en charge du sepsis pédiatrique, d’évaluer la performance des médecins en contexte de détection du sepsis pédiatrique et enfin, de valider une méthode permettant de développer un modèle cognitif de prise de décision relié à cette condition médicale. Une tâche décisionnelle à l’aide d’un tableau d’information est administrée aux participants. Les résultats sont analysés selon une combinaison de méthodes : la théorie de détection de signal, l’identification de la règle décisionnelle et l’extraction du processus décisionnel. Le personnel médical a une capacité de discrimination moyenne. Leurs réponses tendent vers un biais libéral. La comparaison entre un arbre décisionnel normatif et les arbres décisionnels individuels a démontré une mésestimation de l’importance des critères diagnostics pertinents. Il y a présence d’hétérogénéité quant aux critères utilisés par les médecins pour poser le diagnostic. Ces résultats permettent de cibler davantage la problématique de détection du sepsis pédiatrique et démontre la pertinence de développer un outil d’aide à la détection afin de soutenir les médecins dans leurs décisions. Les résultats de la présente étude fournissent des lignes directrices quant au développement d’un tel outil. Les résultats montrent également que la combinaison de la théorie de détection de signal, de l’identification de la règle décisionnelle et de l’extraction du processus décisionnel fournie une méthode adaptée afin de développer des modèles de prise de décision.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières... iv

Introduction ... 1

Contexte du triage en médecine d’urgence ... 1

Sepsis pédiatrique ... 2

Prise de décision au département d’urgence ... 4

Figure 1. Aspects influençant la prise de décision ... 6

Analyse des processus décisionnels appliquée au contexte de médecine d’urgence ... 6

Tableau 1 ... 8

Objectifs ... 8

Stratégies méthodologiques ... 10

Théorie de détection de signal pour analyser la performance ... 10

Identification de la règle décisionnelle ... 11

Qu’est-ce que l’identification de la règle décisionnelle ? ... 11

Différents usages de l’identification de la règle décisionnelle. ... 12

Figure 2. Exemple d’arbre décisionnel rapide et sobre ... 14

Extraction du processus décisionnel ... 15

Qu’est-ce que l’extraction du processus décisionnel ? ... 15

Différents usages de l’extraction du processus décisionnel. ... 16

Techniques pour caractériser la prise de décision. ... 17

Procédure de recherche active de l’information. ... 17

Tableau d’information. ... 17

Combinaison des méthodes ... 18

Présente étude... 20 Méthodologie ... 21 Participants ... 21 Matériel et procédure ... 21 Questionnaire sociodémographique. ... 21 Résultats ... 24

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v

Statistiques descriptives ... 24

Théorie de détection de signal ... 24

Tableau 2 ... 25

Arbres décisionnels ... 25

Modèle normatif. ... 25

Tableau 3 ... 26

Arbres décisionnels individuels. ... 26

Tableau 4 ... 26

Tableau 5 ... 27

Tableau 6 ... 28

Discussion... 29

Limites, travaux futurs et implications ... 31

Bibliographie ... 34

Annexe 1. Tâche décisionnelle ... 38

Annexe 2. Arbre décisionnel normatif ... 39

Annexe 3. Arbres décisionnels individuels... 40

Participant 1 ... 40 Participant 2 ... 41 Participant 3 ... 42 Participant 5 ... 44 Participant 6 ... 45 Participant 9 ... 46 Participant 10 ... 47 Participant 11 ... 48 Participant 12 ... 49 Participant 13 ... 50

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Introduction Contexte du triage en médecine d’urgence

Le triage constitue un rôle vital au département de médecine d’urgence (Williams, 1996). Il a pour but général d’identifier les blessures et les maladies chez les patients. Il vise également à prévenir et minimiser les effets potentiellement néfastes d’une condition médicale spécifique, et ce, suite à une courte rencontre (Cone et Murray, 2002).

Selon la Canadian Association Of Emergency Physicians (CAEP), la National Emergency Nurses Affiliation of Canada (NENA), et l’association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ), le triage doit répondre à cinq buts spécifiques (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008). D’abord, il doit permettre d’identifier rapidement les conditions médicales menaçantes pour la vie des patients. Il doit ensuite permettre de diriger le patient vers l’aire de traitement la plus appropriée pour sa condition médicale. Il doit également tenter de diminuer la congestion dans les différentes aires de traitement. De plus, les professionnels de la santé au triage doivent fournir l’information nécessaire aux patients et à leurs familles concernant les services, les soins attendus et le temps d’attente. Enfin, le triage doit permettre d’effectuer une évaluation continue de l’état de santé du patient (Beveridge, 1998). Ainsi, le triage a un rôle primordial au département de médecine d’urgence (Williams, 1996). Dans la présente étude, le but visé du triage est de bien identifier une condition médicale menaçante pour l’état de santé d’un patient.

De surcroît, le triage permet de catégoriser et de prioriser les patients selon leur condition médicale. Grâce à cette catégorisation et cette priorisation, les patients ayant une condition médicale nécessitant des soins immédiats sont assurés de recevoir un traitement rapidement (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008). Le triage au département d’urgence repose donc sur une bonne reconnaissance des conditions médicales des patients. Les professionnels de la santé doivent être en mesure de reconnaître quels patients ont le plus besoin de soins. Ils doivent également être en mesure de faire une réévaluation en fonction des facteurs contextuels (achalandage, arrivée d’ambulance, etc.) ainsi que de nouvelle information provenant de nouveaux patients (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008).

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Ainsi, le personnel médical doit rester à l’affût pour ne pas entraîner des problèmes de triage tels que sous-estimer ou surestimer la présence de symptômes chez un patient. Dans le cas d’une sous-estimation des symptômes chez un patient, ce dernier est catégorisé selon un niveau de priorité inférieur pour sa condition médicale. À l’inverse, lors d’une surestimation des symptômes chez un patient, les cas mineurs sont classés à un niveau supérieur. Ces cas mineurs accaparent les ressources déjà limitées du département et provoquent une surcharge de travail pour le personnel médical. Chacun de ces problèmes de triage entraîne une augmentation de la morbidité et de la mortalité chez les patients ayant un état critique (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008).

Considérant que ces problèmes de classification peuvent entraîner d’importantes conséquences chez les patients, il s’avère important d’étudier les raisons pour lesquelles certains patients sont mal triés lors de leur arrivée aux urgences. Il est donc pertinent d’étudier le processus décisionnel associé au triage d’une condition médicale spécifique au département d’urgence afin de mieux comprendre pourquoi de telles erreurs surviennent et d’envisager des solutions pour diminuer les risques de mauvaises classifications.

Sepsis pédiatrique

Le personnel médical procédant au triage du département d’urgence peut faire face à de graves conditions médicales chez le patient, tel que le sepsis. Cette condition médicale correspond à la présence soupçonnée ou avérée d’une infection accompagnée de manifestations systémiques de l’organisme (Dellinger et al., 2013). Cette condition médicale est l’un des syndromes les plus anciens et les plus insaisissables de la médecine (Angus et Van der Poll, 2013). Il est la cause d’un nombre élevé de décès dans le monde et a un impact considérable sur le taux de mortalité dans le département des soins intensifs des hôpitaux (Poeze, Ramsay, Gerlach, Rubulotta et Levy, 2004 ; Angus, 2001 ; Angus, Pires Pereira et Silva, 2006 ; Shapiro, Howell, Bates, Angus, Ngo et Talmor, 2006). On recense annuellement plus de 28 millions de cas de sepsis dans le monde, dont 8 millions (28,6 %) résultent en un décès (http://journee-mondiale-sepsis.com/). Selon une revue de littérature effectuée par Brun-Buisson (2000), parmi les patients traités au département des soins intensifs, plus du quart développent un sepsis. Une détection précoce et un traitement

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administré rapidement aux patients septiques ont été démontrés comme étant des facteurs réduisant de façon significative le risque de mortalité (Rivers et al., 2001).

Toutefois, le sepsis est difficile à identifier et à distinguer d’autres pathologies. Il représente un adversaire de taille pour le département des soins intensifs (Poeze et al., 2004), puisque ses manifestations cliniques sont très variables. Elles dépendent de plusieurs facteurs tels que le site d’infection initial, l’organisme responsable et l’état de santé sous-jacent du patient (Angus et Van der Poll, 2013). De plus, les signes cliniques d’un syndrome septique se confondent fréquemment à d’autres causes non infectieuses. L’incertitude provoquée par ces ressemblances confondantes peut entraîner un délai du diagnostic et du traitement, engendrant ainsi une dégradation rapide de l’état de santé du patient pouvant mener à un décès (Tang, Eslick, Craig et McLean, 2007). Afin de mieux détecter le sepsis et ainsi, traiter plus rapidement les patients, il est important d’approfondir les connaissances par rapport à la pathologie, aux définitions des symptômes, mais aussi d’investiguer comment les spécialistes perçoivent le diagnostic de sepsis (Poeze et al., 2004).

Poeze et son équipe (2004) se sont intéressés aux attitudes et à la perception qu’ont les médecins face au sepsis. Pour ce qui est de la conscience de la problématique entourant le sepsis, parmi leur échantillon, plus de 75 % des médecins considèrent que le sepsis est une importante cause de mortalité comparativement à d’autres conditions aux soins intensifs. Aussi, 88 % des médecins affirment que le sepsis demeure la condition la plus difficile à traiter. Près de 80 % des médecins ayant répondu au questionnaire mentionnent que les symptômes de sepsis peuvent facilement être confondus avec d’autres conditions médicales. Plusieurs médecins soutiennent que le diagnostic de sepsis est fréquemment omis. Bien que les symptômes tels que la fièvre et l’hypotension reviennent fréquemment dans le choix des critères diagnostiques, Poeze et son équipe (2004) remarquent une grande hétérogénéité quant aux autres critères devant être pris en compte pour confirmer le diagnostic du sepsis. De plus, Brown et son équipe (2015) soulève que le diagnostic clinique du sepsis diffère parmi les professionnels de la santé, ce qui peut entraîner un délai dans la prise en charge d’un patient. Ces constatations démontrent que le diagnostic du sepsis est un défi pour le personnel médical procédant au triage.

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Sachant que le sepsis est une problématique reconnue par les professionnels de la santé, et que cette condition médicale peut s’avérer fatale si elle n’est pas repérée et traitée dans les stades précoces de la maladie, il est important d’améliorer les connaissances par rapport au processus décisionnel impliqué dans la reconnaissance du sepsis pour ensuite diminuer les erreurs diagnostiques. Ce projet vise à décrire et analyser le processus décisionnel des médecins lors du triage et de la prise en charge du sepsis pédiatrique, dans le but de comprendre pourquoi le diagnostic du sepsis est associé à un problème de détection. Une meilleure compréhension du traitement de l’information et de la prise de décision permettra de fournir des recommandations quant à la formation et au développement d’applications pouvant aider à la prise de décision afin d’améliorer le taux de détection du sepsis pédiatrique.

Prise de décision au département d’urgence

Les professionnels de la santé du département d’urgence sont confrontés à prendre un nombre élevé de décisions lors de leur quart de travail. Cette prise de décision est définie comme étant un processus durant lequel un individu doit faire un choix entre deux ou plus d’options en utilisant un jugement clinique (Matteson et Hawkins, 1990). La précision, l’efficacité et la rapidité sont des caractéristiques sur lesquelles repose une bonne décision (Croskerry, 2002). Toutefois, ces caractéristiques peuvent être influencées par plusieurs aspects.

Entre autres, les professionnels de la santé doivent faire face à une pression temporelle élevée et à un fort niveau d’incertitude au moment de prendre leur décision. Très peu de temps est consacré à chaque patient dû à l’achalandage du département. Le professionnel de la santé ne voit donc qu’une partie de la problématique (Croskerry et Sinclair, 2001 ; Chisholm, Collison, Nelson et Cordell, 2000).

En plus de la pression temporelle et de l’incertitude, les décisions sont influencées par de nombreux aspects tels que la présence de distraction, les interruptions, la limite des ressources cognitives et la surcharge de travail (Croskerry et Sinclair, 2001 ; Chisholm, Collison, Nelson et Cordell, 2000).

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Le personnel médical du triage peut également faire face à d’importantes difficultés reliées directement au patient au moment de prendre une décision. L’âge du patient peut être un facteur nuisant à une prise de décision rapide, efficace et précise. Par exemple, un jeune bambin de 2 ans ne peut coopérer de la même façon qu’un adulte de 40 ans. Il ne possède pas la même capacité pour verbaliser ses symptômes. Il peut également être difficile d’obtenir les signes vitaux et d’autres mesures diagnostiques chez les plus jeunes patients (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008). En effet, il peut s’avérer difficile de prendre une prise de sang chez un enfant agité et effrayé contrairement à un adulte, qui peut avoir une meilleure compréhension de la situation.

Enfin, les professionnels de la santé doivent déterminer quel patient doit être vu rapidement, qui a besoin d’un traitement dans l’immédiat et comment gérer le nombre croissant de patients. La réévaluation des patients, soit de prioriser chaque patient en fonction des nouveaux patients, est donc très importante. Cette réévaluation fait en sorte que la prise de décision au département d’urgence repose sur un processus dynamique, puisque le triage initial n’est pas statique. Il est sujet à changer si la condition médicale du patient se dégrade ou s’améliore (Gerdtz et Bucknall, 2001).

Tous ces aspects peuvent entraîner une surcharge cognitive, nuisant ainsi à une prise de décision efficace, rapide et précise. La figure 1 résume les aspects influençant la prise de décision au département d’urgence (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008).

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Figure 1. Aspects influençant la prise de décision

Analyse des processus décisionnels appliquée au contexte de médecine d’urgence

Plusieurs chercheurs se sont intéressés à la façon dont les professionnels de la santé prennent une décision. Notamment, Croskerry (2002) est venu à la conclusion que les professionnels de la santé du département d’urgence semblent avoir développé plusieurs stratégies afin de diminuer la complexité associée aux décisions. La diminution de cette complexité permet ainsi d’éviter d’omettre un diagnostic critique.

Ce chercheur s’est aussi intéressé aux raccourcis cognitifs que peuvent prendre les professionnels de la santé du département d’urgence. Il a découvert que ces stratégies peuvent s’avérer adaptatives considérant les limites cognitives de l’humain et la pression temporelle associées à ce département hospitalier (Croskerry, 2003).

Parmi ces raccourcis cognitifs, la stratégie d’exclusion du pire scénario (rule out worst-case scenario) serait souvent utilisée. Pour la plupart des patients, le professionnel de la santé garde en tête cinq diagnostics devant être exclus. Cette stratégie constituerait une mesure de sécurité pour le patient, puisqu’elle augmente le taux de détection des diagnostics importants (Croskerry, 2013). De plus, l’exclusion du pire scénario est un bon

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exemple de stratégie qui accroît la probabilité que tous les diagnostics critiques soient considérés (Croskerry, 2000). Par exemple, si un patient se présente et souffre de douleur à la poitrine, le médecin considérerait possiblement une liste de diagnostics à exclure tels que l’angine instable, l’infarctus aigu du myocarde, la dissection de l’aorte, une tension au niveau du pneumothorax et une péricardite. Ceci n’est pas une liste exclusive de diagnostics possibles pour des douleurs à la poitrine, mais ce sont des diagnostics qui doivent être exclus avant d’entreprendre un traitement ou de remettre le patient dans la salle d’attente.

Une autre stratégie qui serait utilisée au département d’urgence est celle de l’épuisement

(Croskerry, 2002). Cette stratégie réfère à une recherche laborieuse et fastidieuse des faits médicaux concernant le patient, mais sans porter une attention immédiate à ceux-ci. Par la suite, toutes les données sont triées afin de poser un diagnostic (Sackett, Haynes, Guyall et Tugwell, 1991). Cette stratégie caractériserait davantage les novices dans le domaine de la santé. Toutefois, elle pourrait également être utilisée par les professionnels de la santé expérimentés. Plus spécifiquement, ils utiliseraient cette stratégie lors de situations où le niveau d’incertitude est très élevé. Par exemple, lorsqu’un diagnostic rare est considéré (Barrows, Norman, Neufeld et Feightner, 1982).

Le raisonnement orienté vers un but qui sous-tend la méthode hypothético-déductive a été largement décrit dans la littérature médicale (Kassirer et Kopelman, 2009 ; Sackett et al., 1991) et dans la prise de décision au département d’urgence (Croskerry, 2000 ; Kovacs et Croskerry, 1999). Cette approche peut être définie comme étant la formulation, dès les premiers indices concernant le patient, d’une courte liste de diagnostics et d’actions potentielles, suivi par la mise en œuvre des actions cliniques et paracliniques (p.ex. laboratoires, rayons X) qui élimineront peu à peu les hypothèses diagnostiques (Sackett et al., 1991).

Toutefois, il se peut que dans certains cas ces stratégies ne parviennent pas à déceler correctement le problème. À ce moment, elles sont des stratégies incorrectes du traitement de l’information (Dekker, 2007). Ces stratégies peuvent être représentées par des biais cognitifs et des heuristiques. Dans son étude, Croskerry (2002) les réfère à des dispositions cognitives à répondre. Il en recense trente au total. Le tableau 1 en nomme quelques-unes.

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8 Tableau 1

Dispositions cognitives à répondre

Nom Définition Conséquence

Stratégie

d’ancrage Tendance à se concentrer uniquement sur des caractéristiques précises d’une présentation, trop tôt dans le processus diagnostique, et de se baser uniquement sur ces caractéristiques pour déterminer la probabilité d’un évènement particulier

Patient est mal diagnostiqué

Biais de commission

Tendance à préférer l’action plutôt que l’inaction Intervention trop hâtive et irréversible

Biais de confirmation

Tendance à chercher à confirmer certaines évidences qui supportent une hypothèse précise plutôt que chercher des preuves qui la réfutent

Conservation d’une fausse hypothèse ; Mauvais diagnostic Biais

d’omission Tendance à l’inaction ou à la réticence à traiter un patient. L’inaction est préférée à l’action due à la peur d’être directement responsable d’un mauvais traitement

Grave détérioration de l’état de santé du patient en situation d’urgence Biais de confiance aveugle

L’effort à conserver une image de soi positive ; caractéristique propre à la personnalité pouvant être très néfaste au

département d’urgence ; penser qu’on en sait beaucoup plus que la réalité, et ce, sans avoir récolté suffisamment

d’information ; sur-considération de son opinion

Mauvais diagnostic dû au manque

d’information.

« triage-cueing »

Les dispositions géographiques du patient lors du triage prédéterminent comment il sera considéré et diagnostiqué par le professionnel de la santé ; biais cognitifs fortement présents en situation de triage

Mauvais diagnostic ; Omission d’une condition importante

En résumé, afin de catégoriser un patient comme étant malade ou en bonne santé, les professionnels de la santé auraient recours à un traitement heuristique de l’information. Ce traitement heuristique peut mener à des stratégies adaptatives facilitant la prise de décision, mais peut également entraîner des biais cognitifs. Ceux-ci peuvent conduire à l’omission de graves diagnostics.

Objectifs

Suite à l’analyse de la littérature reliée à la détection et à la prise en charge du sepsis pédiatrique, trois objectifs ont été identifiés.

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1. Déterminer les caractéristiques du processus décisionnel des médecins en situation de triage et de prise en charge du sepsis pédiatrique.

2. Évaluer la performance des médecins en contexte de détection du sepsis pédiatrique. 3. Valider une méthode permettant de développer un modèle cognitif de prise de décision relié à la détection du sepsis pédiatrique.

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Stratégies méthodologiques

Afin d’atteindre les différents objectifs visés par ce présent projet, une combinaison de méthodes est proposée. Afin de caractériser le processus décisionnel et évaluer la performance, la théorie de détection de signal sera utilisée. Pour développer un modèle cognitif de prise de décision relié à la détection du sepsis pédiatrique, les méthodes d’identification de la règle décisionnelle et d’extraction du processus décisionnel seront utilisées. La combinaison de ces trois méthodes permettra de fournir un portrait complet du processus décisionnel relié à la détection du sepsis pédiatrique chez les médecins. La présente section détaille chacune de ces méthodes.

Théorie de détection de signal pour analyser la performance

Décider si un enfant doit être pris en charge rapidement ou s’il peut être remis en salle d’attente représente une habileté de discrimination. Cette habileté, qui s’insère dans la théorie de détection de signal, fait référence au fait de discriminer le signal et le bruit (Stanislaw et Todorov, 1999). Dans un contexte de médecine d’urgence, le signal représente la condition médicale et le bruit peut être représenté par des facteurs reliés au médecin, tel que la fatigue ou l’inexpérience, ou à des facteurs reliés au patient, tels que le nombre de symptômes expliqués et la surestimation des symptômes par le patient (Oliver, Bjoertomt, Greenwood et Rothwell, 2008). Plus il y a de bruit au moment de prendre la décision, plus celle-ci sera difficile et plus élevés seront les risques de faire un mauvais diagnostic.

Selon la théorie de détection de signal, quatre types de réponses sont possibles lors d’une tâche discriminante, soit le touché (réponse prédite = oui, réponse observée = oui), le rejet correct (réponse prédite = non, réponse observée = non), la fausse alarme (réponse prédite = non, réponse observée = oui) et l’omission (réponse prédite = oui, réponse observée = non). À l’aide de la classification des réponses, il est possible de caractériser la performance. Pour se faire, des paramètres permettant de déterminer la capacité discriminatoire d’un individu (d’) ainsi que les biais cognitifs présents lors d’une décision (β) sont utilisés. Le d prime (d’) permettant de calculer la capacité discriminatoire mesure la distance entre les moyennes de signal et de bruit en unité de déviation standard. Une valeur de 0 correspond à l’incapacité de détecter le signal du bruit. Plus la valeur est élevée,

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meilleure est la capacité à discriminer le signal du bruit. Le bêta (β), permettant d’identifier les biais cognitifs, est calculé à l’aide d’un ratio de vraisemblance. Il est possible d’observer deux biais cognitifs différents. Le biais libéral est représenté par un nombre élevé de touchés et de réponses observées «oui». Le taux de fausses alarmes est majoritairement plus important que le taux d’omission. À l’inverse, le biais conservateur est représenté par un nombre élevé de rejets corrects et de réponses observées «non». Le taux d’omission est généralement plus élevé que le taux de fausses alarmes (Stanislaw et Todorov, 1999). Ainsi, un médecin ayant un biais libéral lors de ses décisions favorisera l’action plutôt que l’inaction. Il est également possible de caractériser la performance selon les caractéristiques de sensibilité et de spécificité. Une meilleure sensibilité est représentée par une capacité supérieure à classer les cas positifs. À l’opposé, une meilleure spécificité est représentée par une capacité supérieure à classer les cas négatifs (Stanislaw et Todorov, 1999).

La théorie de détection de signal fournit plusieurs outils permettant de modéliser la performance. Elle a notamment été appliquée à plusieurs situations médicales (Oliver, Bjoertomt, Greenwood et Rothwell, 2008 ; Boutis, Pecaric, Seeto et Pusic, 2010 ; Mohan, Rosengart, Farris, Fischhoff, Angus et Barnato, 2012). Toutefois, elle ne semble pas avoir été utilisée afin de caractériser et de modéliser la performance des médecins en contexte de détection du sepsis pédiatrique.

Identification de la règle décisionnelle

Qu’est-ce que l’identification de la règle décisionnelle ?

L’identification de la règle décisionnelle est une méthode d’analyse des décisions faisant usage de modèles statistiques ou d’algorithmes d’apprentissage automatique (Machine Learning Algorithms) (Lafond, Vallières, Vachon, St-Louis et Tremblay, 2015). Des modèles statistiques linéaires sont utilisés afin d’estimer la base des jugements faits par des experts (Lafond et al., 2015). Ces modèles analysent l’information utilisée par un expert lors d’un jugement ou d’une décision (Armstrong, 2001). Par la suite, le modèle déduit ce qu’a fait l’expert lorsqu’il génère des prédictions. Enfin, le raisonnement découlant des jugements et des décisions de l’expert est transformé en séries de règles explicites (Armstrong, 2001).

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Identifier la règle décisionnelle est utile pour de nombreuses raisons. Elle identifie et réduit les biais cognitifs et les indices inappropriés. Elle augmente également la fidélité reliée au modèle. Elle rend disponible aux non-experts des modèles prédictifs effectués par des experts. Elle permet aussi de réduire les coûts reliés à la prévision et fournit rapidement des prédictions. Enfin, elle pointe les lacunes présentes lors d’un jugement ou d’une décision (Armstrong, 2001).

La technique d’identification de la règle décisionnelle offre de nombreux avantages. Entre autres, elle permet d’appliquer de façon constante les règles décisionnelles d’un expert et du coup, augmente la fidélité du jugement (Stewart, 2001). De plus, elle constitue une méthode non intrusive. Elle ne présume pas que l’individu a la capacité d’exprimer verbalement ou est pleinement conscient de la base de ses décisions. Elle permet donc de capter les connaissances implicites et procédurales de l’individu (Lafond et al., 2015). Enfin, elle permet de fournir des prévisions précises, et ce, même en situation où générer des prédictions est plus complexe (Armstrong, 2001).

Différents usages de l’identification de la règle décisionnelle.

Afin de faire une analyse décisionnelle à l’aide de la technique de l’identification de la règle décisionnelle, la procédure à suivre se résume en quelques points. Le participant doit d’abord prendre plusieurs décisions reliées à une série de cas, réels ou hypothétiques. Ces cas couvrent différents attributs et sont constitués d’un ensemble d’indices. Ensuite, la règle décisionnelle est inférée selon leur comportement décisionnel à l’aide de modèle statistique (Lafond et al., 2009).

La régression logistique permet d’inférer quels indices ont été utilisés par le participant. Elle permet également de déterminer quel poids est associé à chacun de ces indices lors de la décision dans un processus d’intégration linéaire (Cooksey, 1996).

Selon ce modèle statistique, les décisions effectuées par le participant sont basées sur les indices disponibles. L’équation résultante du modèle représente donc une estimation de la règle décisionnelle. Cette équation fournit une description de la quantité d’information utilisée ainsi que la nature de cette information (par ex., indice avec des poids significatifs). Elle décrit également quel poids est associé à cette information (par ex. poids bêta

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standardisés) et comment elle est intégrée (par ex. règle additive, compensatoire) (Smith et Gilhooly, 2006).

La régression logistique pour modéliser le jugement humain et la prise de décision a été démontrée comme étant un bon outil. Ce modèle s’adapte bien aux règles décisionnelles individuelles lors d’un ensemble de décisions et ces règles ne contiennent pas plus que quelques indices significatifs (Dhami et Harries, 2001).

Les modèles linéaires d’identification de la règle décisionnelle sont très utilisés dans la littérature. Toutefois, il a été démontré par quelques études que les règles non linéaires pour capturer le raisonnement, tel que les arbres décisionnels, peuvent fournir des modèles décisionnels réalistes au niveau psychologique (Backlund, Bring, Skaner, Strender, et Montgomery, 2009 ; Dhami et Harries, 2001 ; Smith et Gilhooly, 2006).

Les arbres décisionnels comme règles non linéaires pour développer des modèles à l’aide de l’identification de la règle décisionnelle représentent un choix judicieux dans le contexte de la prise de décision puisqu’ils font usage d’heuristiques « rapides et sobre » (Fast and Frugal). Ces heuristiques permettent de bien décrire la cognition humaine en situation où la pression temporelle est élevée (Luan, Schooler, et Gigerenzer, 2011).

Certains chercheurs se sont intéressés à la modélisation des décisions prises par le personnel médical. Notamment, Martignon, Katsikopoulos et Woike (2008) ont démontré qu’il est possible de modéliser la prise de décision des professionnels de la santé à l’aide du modèle d’arbre décisionnel rapide et sobre. Ce modèle réfère à une classe d’arbre décisionnel permettant de catégoriser ou de prendre une décision à l’aide d’une recherche d’information limitée (Martignon et al., 2008). Cette approche soutient qu’en situation de prise de décision, l’individu utilise des règles simples et efficaces. De plus, elle souligne que le processus est sobre c’est-à-dire qu’une petite quantité d’information est prise en compte lors de la décision (Backlund, Bring, Skånér, Strender et Montgomery, 2009). La figure 2 illustre un exemple d’arbre rapide et sobre élaboré afin d’aider les urgentologues à déterminer si un patient avec des douleurs sévères à la poitrine doit être envoyé au département de soins coronariens ou dans un lit régulier.

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Figure 2. Exemple d’arbre décisionnel rapide et sobre

Un arbre décisionnel rapide et sobre est constitué d’indices ordonnés en séquence. Afin de prendre une décision, le modèle commence par considérer la valeur du premier indice. Si la valeur remplit les conditions correspondant au résultat, il y a prise de décision et les autres indices n’ont pas besoin d’être considérés. Autrement, les autres indices sont pris en compte l’un après l’autre jusqu’à ce que la valeur d’un indice corresponde à un résultat. Le dernier indice a deux résultats, pour s’assurer qu’une décision soit prise à la fin (Luan, Schooler et Gigerenzer, 2011).

La modélisation de prise de décision à l’aide d’arbre décisionnel fournit plusieurs avantages. Selon Lafond et ses collaborateurs (2015), les modèles d’arbres décisionnels fourniraient une meilleure précision prédictive et descriptive par rapport à la prise de décision. Ces types de modèles s’avèreraient donc plus précis pour classifier les données que les modèles linéaires. Ils correspondraient à ce que les individus font réellement et seraient davantage compatibles avec les capacités cognitives limitées de l’être humain (Gigerenzer et Goldstein, 1996). De plus, il a été démontré par plusieurs auteurs que l’approche des arbres décisionnels serait la seule approche permettant d’effectuer une recherche non exhaustive des caractéristiques présentes dans un contexte de tâches dynamiques avec une pression temporelle élevée (par. ex. Bryant, 2007 ; Lafond et al., 2009 ; Marewski et Gigerenzer, 2012). Enfin, les recherches suggèrent également que les modèles d’arbre décisionnel rapide et sobre décrieraient les données par rapport aux

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décisions aussi bien, voire mieux que les modèles d’intégration, tels que les modèles de régression qui prennent en compte beaucoup plus d’indices (par. ex. Gigerenzer et Goldstein, 1996; Dhami et Harries, 2001 ; Dhami et Ayton, 2001).

Enfin, le modèle d’arbre décisionnel rapide et sobre a été appliqué à plusieurs situations médicales, telles que la prescription de médicament pour diminuer le cholestérol, la prise en charge de patient asthmatique et le traitement pharmacologique de la dépression (Dhami et Harries, 2001 ; Kee, Jenkins, McIlwaine, Patterson, Harper et Shields, 2003; Smith et Gilhooly, 2006). Toutefois, malgré l’importance que semble avoir le triage et le diagnostic du sepsis au département d’urgence, ce modèle ne semble pas avoir été appliqué à cette condition médicale.

Extraction du processus décisionnel

Qu’est-ce que l’extraction du processus décisionnel ?

L’extraction du processus décisionnel peut être définie comme étant une approche cognitive se concentrant sur les processus décisionnels précédant une réponse. Cette approche cherche à identifier et faire le suivi des aspects psychologiques (états psychologiques, étapes décisionnelles, processus cognitifs) précédant une réponse (Glaholt et Reingold, 2011). Elle étudie donc la façon dont un résultat donné est survenu (Woods, 1992).

Le chercheur utilisant cette technique est donc porté à étudier le fonctionnement des mécanismes contribuant à produire une réponse (Beach et Pederson, 2013). Il cherche à développer une compréhension des processus cognitifs d’une personne, tels que le raisonnement et les pensées, et ce, lors de situations de travail dynamiques ou d’éventuels incidents (Patrick et James, 2004). Il tente ainsi d’identifier le lien causal entre une variable indépendante et la réponse d’une variable dépendante (George et Bennett 2005). Il évalue donc quelle information intéresse un individu lorsqu’il performe une certaine tâche (Schulte-Mecklenbeck, Kühberger et Ranyard, 2011).

Toutefois, le but de l’extraction du processus décisionnel n’est pas seulement d’identifier les stratégies utilisées par la population d’intérêt, mais aussi de mettre en

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lumière le manque d’efficacité et de rendement afin de mettre sur pied des programmes d’entrainement (Patrick et James, 2004).

Cette méthode est avantageuse pour une raison bien précise. Lorsqu’elle est appliquée à une situation de recherche appropriée, elle permet d’effectuer des inférences causales (Beach et Pederson, 2013). Dans un contexte de travail par exemple, ces inférences causales peuvent permettre de développer de meilleurs outils pour les travailleurs.

Enfin, la technique d’extraction du processus décisionnel a été utilisée afin d’examiner la performance dans un contexte de travail (par ex. Bennett et Elman, 2006a, 2006 b ; Elman 2004 ; Hall, 2008) et d’étudier la prise de décision (par ex. Covey et Lovie, 1998 ; Ford, Schmitt, Schectman, Hults et Doherty, 1989 ; Svenson, 1979). Elle a notamment été employée pour étudier la prise de décision chez les médecins (Hasselbrock et Prietula, 1992).

Différents usages de l’extraction du processus décisionnel.

La méthode d’extraction du processus décisionnel peut être utilisée pour répondre à trois différents buts. Tout d’abord, elle peut déterminer si un mécanisme causal est présent lors d’une décision et s’il s’opère selon une théorie. La méthode peut également déterminer quel est le mécanisme causal entre deux phénomènes. Ces deux premiers usages correspondent donc à des méthodes centrées sur des théories (Beach et Pederson, 2013). Le dernier usage permet d’expliquer le mécanisme sous-tendant un résultat. Contrairement aux deux autres usages, celui-ci correspond à une méthode centrée sur des cas (Beach et Pederson, 2013).

Le troisième usage correspondrait à la méthode la plus utilisée par les chercheurs (Beach et Pederson, 2013). Ce qui est principalement retracé à l’aide de cette méthode est basé sur des cas spécifiques. Les résultats sont donc des mécanismes expliquant ces cas. Toutefois, les inférences effectuées suite à cette méthode ne peuvent s’appliquer qu’à ce type de cas et ne peuvent être généralisées (Beach et Pederson, 2013).

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Techniques pour caractériser la prise de décision.

Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour caractériser la prise de décision selon la méthode d’extraction du processus décisionnel. Notamment, le chercheur peut utiliser des enregistrements vidéos, des entrevues et leurs verbatims, un tableau d’information ou encore le suivi du mouvement oculaire (Patrick et James, 2004). Parmi ces techniques, la l’entrevue et son verbatim semble la plus utilisée. L’entrevue peut se dérouler dans une situation de travail en temps réel où le participant répond de façon simultanée, ou encore dans une simulation d’une situation de travail où le participant répond de façon rétrospective. L’analyse des mouvements oculaires est beaucoup moins fréquente, mais devient toutefois de plus en plus utilisée (Patrick et James, 2004).

Procédure de recherche active de l’information.

Lorsqu’un tableau d’information est utilisé, il est possible d’utiliser la procédure de recherche active d’information. Le tableau d’information peut donc avoir pour but de résoudre un problème, à construire un modèle mental ou un scénario, ou encore, à prendre une décision (Schulte-Mecklenbeck, Kühberger et Ranyard, 2011).

Lorsque le tableau d’information vise à prendre une décision, la recherche active d’information peut s’effectuer à l’aide d’une liste. Le participant doit donc travailler avec une courte description d’une problématique et d’une liste de questions lui correspondant. Lorsqu’une question intéresse le participant, celui-ci doit la sélectionner afin que la réponse soit présentée. Lorsque le participant a pris connaissance de la réponse, il peut retourner à la liste de question et en sélectionner une autre. Toutefois, l’information d’une seule question peut être disponible. Le participant ne peut donc pas avoir accès à plusieurs réponses simultanément. Lorsque le participant juge avoir pris connaissance d’assez d’information, il peut prendre sa décision (Schulte-Mecklenbeck, Kühberger et Ranyard, 2011).

Tableau d’information.

L’utilisation d’un tableau d’information constitue la méthode traditionnelle pour générer une recherche d’information. À l’aide de cette méthode, la séquence selon laquelle le participant recherche l’information dans le tableau pour prendre sa décision est utilisée

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afin d’inférer la nature de sa décision, ou encore pour tester un modèle théorique. Cette séquence peut parfois être soutenue par des données de suivi du mouvement oculaire ou encore de rapports verbaux (Glaholt et Reingold, 2011).

Le tableau d’information est présenté au participant sous forme de matrice d’information. Le participant doit faire un choix entre ceux disponibles, et ce, selon certaines règles de décision. L’information de chaque cellule de la matrice n’est pas présentée. Pour y avoir accès, le participant doit sélectionner sur la cellule. L’information d’une seule cellule peut être présentée. L’information présentée est ensuite dissimulée lorsque le participant sélectionne une autre cellule. Ainsi, le parton de recherche d’information est effectué de façon explicite. Il est possible de créer cette matrice en version électronique. À ce moment, le participant doit utiliser un pointeur (souris) pour faire apparaître l’information des cellules (Glaholt et Reingold, 2011).

De nombreuses variables peuvent dériver de cette méthode afin de mesurer la recherche d’information. Entre autres, la variabilité de la recherche, sa profondeur ou encore le patron de recherche peuvent être des variables utilisées (Glaholt et Reingold, 2011). L’analyse de ces variables peut permettre d’inférer la présence de stratégies décisionnelles et de détecter s’il y a des transitions entre les étapes du traitement de l’information (Ball, 1997 ; Levin, Huneke, et Jasper, 2000).

Combinaison des méthodes

La technique de l’identification de la règle décisionnelle et les méthodes d’extraction du processus décisionnel correspondent à deux approches distinctes et entretiennent des perspectives différentes quant au processus décisionnel (Lafond et al., 2009). Toutefois, quelques études ont soulevé l’intérêt de combiner ces deux méthodes afin d’analyser les décisions et le jugement des individus (par ex. Einhorn, Kleinmuntz, et Kleinmuntz, 1979 ; Kim, Chung, et Paradice, 1997). Il serait avantageux de les considérer comme étant des méthodes complémentaires à l’analyse décisionnelle (Einhorn, Kleinmuntz, et Kleinmuntz, 1979). L’ajout de la théorie de détection de signal pour caractériser le processus décisionnel et analyser la performance correspond à un complément pertinent afin d’avoir un portrait global des décisions découlant du diagnostic du sepsis pédiatrique.

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Cette étude sera une première tentative de combinaison de ces méthodes afin d’analyser la prise de décision chez le personnel médical du département d’urgence.

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Présente étude

La présente étude cherche à comprendre comment les médecins prennent leurs décisions lors du triage et de la prise en charge du sepsis pédiatrique. Plusieurs questions de recherche découlent de cet intérêt. Notamment, sur quels critères diagnostiques les professionnels de la santé se basent-ils pour prendre leurs décisions ? Est-ce que le choix de certains critères diagnostiques a un impact sur le taux de détection ? Est-ce que le taux de détection diffère entre les médecins ?

L’analyse de ces questions de recherche permettra de fournir une méthode validée pour développer un modèle décisionnel portant sur le diagnostic du sepsis, absent de la littérature actuelle. Ce modèle permettra de créer une structure de base pour fournir des recommandations et des techniques d’entraînement cognitif aux institutions hospitalières afin d’améliorer le triage et la prise en charge du sepsis pédiatrique. Ces résultats contribueront également aux connaissances en sciences cognitives sur le traitement de l’information et sur les biais décisionnels appliqués au contexte du travail. Enfin, cette étude sera la première application d’une méthode novatrice, soit la combinaison de la théorie de détection de signal, de l’identification de la règle décisionnelle et des techniques d’extraction du processus décisionnel.

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Méthodologie Participants

13 médecins pratiquant au département d’urgence du Centre hospitalier affilié universitaire Hôtel-Dieu de Lévis et du Centre Hospitalier de l’Université Laval (CHUL) sont recrutés. Les participants sont recrutés lors d’une présentation du projet à leur rencontre de service mensuelle. Lors de cette présentation, les différents buts de l’étude, le déroulement de l’expérience et les retombées du projet sont expliqués en détail. Les professionnels de la santé intéressés à participer prennent rendez-vous avec le chercheur afin d’effectuer la tâche électronique dans un local de l’hôpital réservé par l’expérimentateur. Ce projet est approuvé par le Comité d’éthique de la recherche du CHU de Québec (CÉR) pour une évaluation multicentrique locale (no. approbation 2015-976, B14-07-976).

Matériel et procédure

Questionnaire sociodémographique.

Dans un premier temps, les participants doivent compléter un questionnaire sociodémographique s’informant du sexe, dans quel hôpital ils travaillent (CHUL, Hôtel-Dieu), les années d’expérience qu’ils ont cumulées, excluant les années de résidence, et quels sont les différents rôles qu’ils ont au sein de l’hôpital (par ex. urgentologue, chef de département, pédiatre, chercheur, etc.).

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Dans un second temps, les participants doivent effectuer une tâche décisionnelle informatisée administrée sur une tablette électronique, à l’aide du programme E-Prime 2.0. Cette tâche consiste en un tableau regroupant différents critères diagnostiques et une alternative décisionnelle, soit d’enclencher ou non la procédure de prise en charge d’un sepsis (voir Annexe 1). Le participant doit choisir l’une des alternatives selon l’information que le tableau peut lui fournir. Afin d’avoir accès à l’information, le participant doit sélectionner les différentes boîtes fournissant les valeurs des différents critères diagnostiques. Une fois la boîte ouverte, il est impossible de la refermer. La valeur associée à la boîte reste donc disponible jusqu’à la prise de décision. Dix boîtes d’information représentant des symptômes du sepsis sont disponibles, soit la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la tension artérielle, la saturation, l’état de conscience, la température, la détresse respiratoire, la perfusion périphérique, les signes de peau et les antécédents médicaux. L’âge du patient est également fourni à titre indicatif dans le coin supérieur droit de l’interface, mais ne constitue pas un critère diagnostique en soi. Il ne sera donc pas pris en compte lors des analyses. Le participant doit, après avoir consulté les critères qu’il juge pertinents par ordre d’importance, décider si oui ou non, il enclenche le protocole de prise en charge d’un sepsis en cliquant sur le bouton approprié. Lorsque le participant a pris sa décision, un nouveau cas clinique apparaît.

La tâche enregistre les principales caractéristiques du processus décisionnel. Parmi celles-ci, plusieurs caractéristiques sont reliées aux séquences par lesquelles l’information est consultée par le participant. Le temps de consultation entre les différents critères, le temps requis pour prendre la décision, la performance et l’importance des critères sont les aspects évalués. En tout, trente-huit essais sont effectués, soit deux essais pratiques, qui incluent un cas de sepsis et un cas normal, et trente-six essais expérimentaux. Le participant débute avec les deux essais pratiques afin de se familiariser avec la tâche. Lorsque ces deux essais sont complétés, l’expérimentateur vérifie auprès du participant si celui-ci a des questions par rapport au déroulement de la tâche et s’assure de sa compréhension. L’expérimentateur précise au participant qu’aucune de ses questions ne sera répondue au cours des essais expérimentaux. Il est donc important de clarifier les aspects moins bien compris. De plus, il est mentionné au participant qu’aucun accès à de la documentation ne lui sera permis. Lorsque l’expérimentateur s’est assuré que le participant a bien compris le

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fonctionnement de la tâche électronique, le participant débute les trente-six essais expérimentaux. Lors de ces essais, le participant ne peut être dérangé et doit être complètement investi dans la tâche. Les trente-six essais expérimentaux sont présentés de façon aléatoire. Parmi ces trente-six essais, dix-huit sont des cas de sepsis. La tâche électronique dure en moyenne quinze minutes. La participation du médecin se conclut lorsqu’il complète la tâche électronique. L’expérimentateur le remercie de sa participation et il peut ensuite quitter le local.

Les trente-huit cas cliniques de la tâche décisionnelle sont développés par un pédiatre du CHUL. Les cas sont basés sur la Campagne : Survivre au Sepsis (Cette campagne est un effort international organisé afin d’améliorer les soins fournis aux patients atteints d’un sepsis, et de procurer un consensus sur les lignes directrices fondées sur des données probantes pour des soins qui améliore la survie des patients septiques, ainsi qu’un plan d’action) (Dellinger et al., 2013) ainsi que sur son expérience personnelle. Ils sont également basés sur les résultats d’entrevues qualitatives préliminaires effectuées auprès d’urgentologues et d’infirmières. Ces entrevues avaient pour but de comprendre la perception du personnel médical face au sepsis pédiatrique. Elles visaient également à déterminer les barrières et les facilitants à sa détection et sa prise en charge. Les difficultés reliées à la détection du sepsis soulevées lors de ces entrevues (par ex. absence de température, etc.) ont été ajoutées aux cas afin d’augmenter la validité écologique de la tâche électronique. Les cas cliniques sont validés par un autre pédiatre afin de s’assurer qu’ils correspondent bien à des diagnostics de sepsis. Pour ce faire, à l’aide d’une feuille Excel avec chacun des trente-huit cas non-identifiés, le second pédiatre doit considérer chaque valeur des dix critères et déterminer s’il s’agit d’un sepsis pédiatrique, ou non. Les réponses des deux pédiatres sont comparées afin d’analyser la fidélité. L’alpha de Cronbach résultant des analyses de la fidélité a une valeur de 0,74. Cette valeur correspond à un niveau acceptable de valeur alpha, situé entre 0,70 et 0,90 (Tavakol et Dennick, 2011). La validité des cas est rencontrée.

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Résultats Statistiques descriptives

Parmi les treize participants, deux participants sont retirés des analyses dues à des problèmes d’enregistrement. Parmi les onze participants, sept (64 %) sont des hommes et quatre (36 %) sont des femmes. Dans l’échantillon, sept participants (64%) proviennent de l’Hôtel-Dieu de Lévis et quatre (36 %) proviennent du CHUL. Pour l’ensemble de l’échantillon, neuf (82%) participants sont des médecins spécialisés dans la médecine d'urgence (urgentologues) et deux (18 %) sont médecins spécialisés dans la médecine d'urgence pédiatrique (pédiatres intensivistes). La moyenne d’années d’expérience est de 9 ans avec un écart-type de 6, 9 ans.

Théorie de détection de signal

Afin d’évaluer la performance des participants à la tâche électronique, les résultats obtenus sont analysés selon la théorie de détection de signal. Suite à la présence de proportions extrêmes empêchant de calculer les cotes Z dues à la variabilité de l’échantillon, un ajustement à l’aide de la règle du log-linéaire est effectué (Hautus, 1995). Pour chacune des cellules de la table de contingence permettant de définir la performance du participant, une valeur de 0,5 est ajoutée. Suite à cette transformation, le nombre de touchés équivaut à 40 % des réponses, le nombre de fausses alarmes à 13 %, le nombre de rejets corrects à 37 % et le nombre d’omissions à 10 %. Les participants ont une capacité discriminatoire moyenne en situation de triage du sepsis pédiatrique (d’ = 1,49), considérant que la valeur maximale possible est de +∞, représentant une discrimination parfaite (Stanislaw et Todorov, 1999). Les participants tendraient vers un biais libéral (β = -0,16 < 1) (Stanislaw et Todorov, 1999). Le tableau 2 résume les résultats des participants.

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25 Tableau 2

Réponses des participants selon la théorie de détection de signal

Participant Nombre touché Nombre omission Taux touché Nombre fausse alarme Nombre rejet correct Taux fausse

alarme Total Z(Touché)

Z(Fausse alarme) d’ β 1 16,5 2,5 0,87 6,5 12,5 0,34 38 1,12 -0,41 1,53 -0,54 2 15,5 1,5 0,91 11,5 7,5 0,61 36 1,35 0,27 1,08 -0,88 3 14,5 4,5 0,76 1,5 17,5 0,08 38 0,72 -1,41 2,13 0,74 4 15,5 3,5 0,82 5,5 13,5 0,29 38 0,90 -0,55 1,45 -0,25 5 15,5 3,5 0,82 2,5 16,5 0,13 38 0,90 -1,12 2,02 0,22 6 14,5 4,5 0,76 3,5 14,5 0,19 37 0,72 -0,86 1,58 0,11 9 18,5 0,5 0,97 8,5 10,5 0,45 38 1,94 -0,13 2,07 -1,87 10 16,5 2,5 0,87 2,5 16,5 0,13 38 1,12 -1,12 2,24 0,00 11 16,5 2,5 0,87 7,5 11,5 0,39 38 1,12 -0,27 1,39 -0,59 12 14,5 3,5 0,81 4,5 14,5 0,24 37 0,86 -0,72 1,58 -0,11 13 7,5 11,5 0,39 0,5 17,5 0,03 37 -0,27 -1,91 1,65 1,80 Total 165,5 40,5 0,80 54,5 152,5 0,26 413 0,85 -0,63 1,49 -0,16 Écart-type 2,77 2,86 0,15 3,33 3,17 0,17 0,53 0,62 0,36 0,93 Arbres décisionnels Modèle normatif.

L’arbre décisionnel normatif est dérivé de l’ensemble des données de la tâche électronique à l’aide de l’algorithme de segmentation et de régression (CRT) sur le logiciel IBM SPSS Statistics 21. Il inclut donc les valeurs des dix variables pour les trente-huit cas cliniques. La variable dépendante est la condition médicale et les variables indépendantes sont les différents critères diagnostiques. L’algorithme CRT est retenu, puisqu’il est le seul algorithme à fournir une précision de classification des réponses à 100 % (Tableau 3). La profondeur maximale possible de l’arbre est de 10 et le nombre minimal d’observation possible, soit de nœuds parents et de nœuds enfants, est de 1. L’annexe 2 présente l’arbre décisionnel normatif.

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26 Tableau 3

Classification du modèle normatif

Classification Observé

Prédit

normal sepsis correct %

normal 19 0 100 %

sepsis 0 19 100 %

Pourcentage total 50 % 50 % 100 %

Méthode de croissance : CRT

Variable dépendante : Condition_medicale

Arbres décisionnels individuels.

Pour chacun des 11 participants, un arbre décisionnel est dérivé des données considérées par le participant, à l’aide de l’algorithme CRT sur le logiciel IBM SPSS Statistics 21. La variable dépendante est la réponse du participant quant à la condition médicale (normale ou sepsis) et les variables indépendantes sont les critères diagnostiques consultés lors de la tâche électronique. Chacun des 11 arbres obtient une capacité de classification des réponses de 100 %. La profondeur maximale possible des arbres est de 10 et le nombre minimal d’observation possible, soit de nœuds parents et de nœuds enfants, est de 1. L’annexe 3 présente les arbres individuels de chacun des participants ainsi que leurs tables de classification.

Afin de déterminer la complexité de chacun des arbres décisionnels, le nombre de chemin décisionnel possible (chemin résultant en une prise de décision) est calculé. Plus le nombre de chemin possible est élevé, plus l’arbre est complexe. Le tableau 4 résume les résultats.

Tableau 4

Complexité des arbres décisionnels

NORMATIF P1 P2 P3 P4 P5 P6 P9 P10 P11 P12 P13

9 7 8 9 7 4 4 6 10 8 7 4

Afin de déterminer l’importance des différents critères diagnostiques, le nombre de consultation possible de chacun des critères est additionné. Plus le nombre de consultation

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est élevé, plus le critère est important pour le participant. Le tableau 5 résume les résultats. Par exemple, le participant 1 semble accorder plus d’importance au critère « signes de peau » avant de prendre une décision. Dans l’intégralité de l’arbre décisionnel, ce critère peut être consulté sept fois dépendamment du chemin décisionnel suivi.

Afin de vérifier si les participants portent une trop grande considération ou négligent les critères décisionnels par rapport au modèle normatif, un score de déviation du nombre de consultation avant de prendre une décision est calculé entre le modèle normatif et le modèle individuel de chacun des participants. Le tableau 6 résume les résultats. Par rapport au modèle normatif, 45 % des critères sont négligés, 28 % ont une trop grande considération et 26 % ont la même considération que le modèle normatif. De façon générale, les participants ont tendance à négliger les critères diagnostiques caractérisés comme importants selon le modèle normatif. Dans tous les cas, la fréquence cardiaque et la détresse respiratoire sont fortement négligées. La perfusion périphérique est généralement négligée, mais de façon moindre que les deux critères précédents. La saturation et l’état de conscience sont généralement trop considérés.

Tableau 5

Nombre de consultation avant de prendre une décision

Critères diagnostiques NORMATIF P1 P2 P3 P4 P5 P6 P9 P10 P11 P12 P13

Perfusion Périphérique 9 4 2 11 2 4 4 0 8 0 2 3 Détresse Respiratoire 8 3 0 0 0 0 0 0 6 3 0 0 Signes de Peau 2 7 10 0 0 0 0 6 4 8 0 0 Fréquence Cardiaque 10 0 0 2 9 0 0 0 2 2 0 0 Antécédents Médicaux 5 5 3 6 2 0 0 3 10 8 3 0 Tension Artérielle 3 0 3 9 0 3 2 4 4 4 0 0 Température 0 2 0 0 0 0 0 2 0 0 7 0 Saturation 0 2 4 0 5 2 0 0 0 0 2 2 État de Conscience 0 0 7 2 4 0 3 2 0 0 7 4 Fréquence Respiratoire 0 0 0 2 0 0 0 0 5 0 0 0

Nombre de chemin possible

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28 Tableau 6

Score de déviation par rapport au modèle normatif

Critères diagnostiques P1 P2 P3 P4 P5 P6 P9 P10 P11 P12 P13 Perfusion Périphérique -5 -7 2 -7 -5 -5 -9 -1 -9 -7 -6 Détresse Respiratoire -5 -8 -8 -8 -8 -8 -8 -2 -5 -8 -8 Signes de Peau 5 8 -2 -2 -2 -2 4 2 6 -2 -2 Fréquence Cardiaque -10 -10 -8 -1 -10 -10 -10 -8 -8 -10 -10 Antécédents Médicaux - -2 1 -3 -5 -5 -2 5 3 -2 -5 Tension Artérielle -3 - 6 -3 - -1 1 1 1 -3 -3 Température 2 - - - 2 - - 7 - Saturation 2 4 - 5 2 - - - - 2 2 État de Conscience - 7 2 4 - 3 2 - - 7 4 Fréquence Respiratoire - - 2 - - - - 5 - - -

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Discussion

La présente étude cherchait à déterminer les caractéristiques du processus décisionnel des médecins en situation de triage et de prise en charge du sepsis pédiatrique à l’aide de la théorie de détection de signal. Elle visait également à évaluer la performance des médecins en contexte de détection du sepsis pédiatrique à l’aide de cette même théorie. Enfin, elle tentait de valider une méthode combinant l’extraction du processus décisionnel et l’identification de la règle décisionnelle, permettant de développer un modèle cognitif de prise de décision relié à la détection du sepsis pédiatrique.

Dans un premier temps, l’objectif visant à caractériser le processus décisionnel a été accompli. Les résultats des analyses découlant de la théorie de détection de signal ont permis de démontrer que les médecins tendraient vers un biais libéral au moment de prendre leur décision, c’est-à-dire qu’ils préfèrent l’action plutôt que l’inaction. Ces caractéristiques décisionnelles concordent avec l’étude de Croskerry (2002), qui fait référence à certaines dispositions cognitives à répondre dans le département d’urgence. Selon ces dispositions, la tendance à préférer l’action plutôt que l’inaction fait référence au biais de commission. La tendance plus libérale observée dans cette présente étude peut être expliquée par le fait qu’une omission du sepsis pédiatrique entraîne des conséquences importantes chez le patient (dégénération rapide de l’état de santé, décès). Ainsi, entamer un traitement même si le patient n’en a pas besoin entrainerait moins de conséquences négatives qu’omettre le diagnostic. Cette caractéristique propre au diagnostic du sepsis pédiatrique vient s’ajouter aux connaissances associées au contexte de prise de décision en situation de détection de cette condition médicale. Ensuite, le second objectif a été rencontré. Les résultats des analyses basées sur la théorie de détection de signal visant à évaluer la performance démontrent que les médecins ont une capacité discriminatoire moyenne du sepsis pédiatrique. Le nombre de mauvais diagnostics se partage de façon similaire entre les omissions et les fausses alarmes. Ces résultats concordent avec l’étude de Poeze et son équipe (2004). En effet, ces résultats laissent supposer que le sepsis est difficile à identifier. Il serait donc approprié d’offrir aux médecins des exercices formatifs afin d’améliorer leur capacité à détecter cette condition médicale. De plus, le taux relativement élevé d’erreur (23 %, incluant les omissions et les fausses alarmes) laisse

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supposer que le personnel médical n’avait pas l’ensemble des connaissances requises en mémoire lors de la passation de la tâche électronique. Il s’avérerait pertinent de développer un outil d’aide à la décision permettant de soutenir les décisions des médecins en situation de triage afin de réduire les erreurs diagnostiques.

Dans un second temps, la modélisation de la prise de décision reliée au diagnostic du sepsis visée par le dernier objectif a été accomplie. L’analyse des arbres décisionnels a permis d’identifier un lien entre la complexité de l’arbre et les stratégies cognitives utilisées par les médecins. Les arbres plus complexes, donc ceux ayant un nombre de chemins décisionnels possibles plus élevé, seraient associés à une stratégie d’épuisement (Croskerry, 2002). Un arbre décisionnel plus complexe est donc associé à une recherche d’information plus exhaustive. Cette stratégie permettrait donc de diminuer le risque de mauvais diagnostic. Ensuite, le fait de comparer un arbre décisionnel normatif aux arbres décisionnels individuels a permis de déterminer l’importance accordée aux différents critères diagnostiques. Les résultats concordent également avec ceux de Poeze et ses collaborateurs (2004), comme quoi l’importance des critères diagnostiques du sepsis varie d’un participant à l’autre. Il y a donc une grande hétérogénéité quant aux critères diagnostiques utilisés et il ne semble pas y avoir de consensus sur ceux plus importants. Ces résultats concordent aussi avec l’étude de Brown et ses collaborateurs (2015), comme quoi le diagnostic clinique du sepsis diffère parmi les professionnels de la santé. Il serait donc essentiel que les médecins bénéficient de formation continue afin d’homogénéiser le diagnostic clinique du sepsis pédiatrique. Enfin, la présente étude a permis de démontrer que les médecins tendent à fortement sous-estimer les critères importants comparativement au modèle normatif, notamment la fréquence cardiaque, la perfusion périphérique et la détresse respiratoire. Une faible proportion des critères est également sur estimée, telle que l’état de conscience et la saturation. La mésestimation de ces critères diagnostics engendre un mauvais diagnostic et peut créer de l’achalandage dans le département d’urgence en accaparant les ressources médicales par des patients qui en ont moins besoin (Patel, Gutnik, Karlin et Pusic, 2008).

Enfin, la présente étude est la première à avoir utilisée une méthode combinant la théorie de détection de signal, les techniques de l’extraction du processus décisionnel

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(tableau décisionnel) et l’identification de la règle décisionnelle (arbres décisionnels) afin d’analyser les décisions prises au département d’urgence. Cette étude a également permis de valider cette combinaison. Elle a permis de démontrer que ces trois techniques se complètent bien pour analyser le processus décisionnel et le modéliser. Les recherches futures pourront donc utiliser cette méthode afin de développer les modèles cognitifs de prise de décision non seulement au département d’urgence, mais aussi dans des secteurs où des erreurs décisionnelles peuvent avoir un impact majeur, tel qu’en aviation ou encore en défense navale .

Limites, travaux futurs et implications

La présente étude comporte quelques limitations. Plusieurs d’entre elles sont reliées aux méthodes d’identification de la règle décisionnelle et de l’extraction du processus décisionnel. Bien que la technique d’identification de la règle décisionnelle comporte de nombreuses forces et plusieurs avantages, elle présente toutefois quelques faiblesses. Il est important de prendre en considération que le modèle décisionnel généré par cette technique n’est pas aussi souple ou complet que le jugement d’un expert (Stewart, 2001). De plus, le modèle décisionnel doit être modifié ou reformulé lorsqu’un nouveau facteur important se présente. Sans cela, le modèle n’est plus valide et ne permet plus de générer des prédictions précises (Armstrong, 2001).

Pour ce qui est de l’extraction du processus décisionnel, étant donné que cette approche est novatrice, les chercheurs utilisant cette technique peuvent faire face à quelques difficultés. Bien que l’extraction du processus décisionnel soit de plus en plus utilisée, il n’y a pas de ligne directrice, de mode d’emploi ou de protocole ayant fait consensus dans la littérature (Beach et Pederson, 2013). Le chercheur est donc laissé à lui-même au moment d’appliquer cette technique.

Aussi, la plupart des études ayant utilisé la méthode d’extraction du processus décisionnel étudient des problématiques en contexte de travail. Par contre, ces situations peuvent être difficiles à analyser, puisqu’elles sont dynamiques. L’information est en constant changement selon les variations de l’environnement de travail. Bien que cela soit important, il peut être difficile pour le chercheur d’identifier le processus décisionnel des

Figure

Figure 2. Exemple d’arbre décisionnel rapide et sobre

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