_ . 1
LE DUALISME RELIGIEUX
CHEZ LEV
TOLSTOYA thesis
submitteGt
tothe
Faculty
of
Graduate Studies
and
Research
in partial fulfillment of the requirements
for the delree of
Ma.ter
ofArts
,
by
Marie-Claude
Beauchamp .Department of Rus.ian andSlavle Stud18.
~
MeGill University
@
1984
..
;1
l
Le dllalisne religieux chez lev 'IOlstoy
\ \
.
-/
RESUME
la pensée teligieuse de Tolstoy est cbII1n6e
par
m dcubleidéal:
le 58-" ,"
-11,Jt universel <lEt l 'luœnité et le ~ 1n:ii\r1.dUe1 de l
'lb!.
I.e pnnI.er,- ~
71: •
ÇfJ1. plonge
ses
racines dan& la vision ~queœ
P.oya.aë' de Dieusur
ten:e,à
orienté l'écrivainvers une
pb1.l.oeop:d.e rat10nallste etme
éth1q.le l:uœn1tarlste; le secœd~
susc1t4
parle--1II}'thIt
du RDyaIae 1nté-'rieur, a
faitnattœ
en
luime propension au
m.yst1.ci8lleet ....
aorale cp.étiste.I.e
rat1oœll . . , de lhlstoy,Cf1i
s ~.1nap1re de lau.m
~
du.xvttIe
~
"~" /'
s1ècl.e, c:ou:earJond
surtoutà
l n attit\ltelŒi-ecc1éiaat1cpa;
réfrac-taire
à
toutce cpt.
'VIli
l'en:outnr de la aa1ne
m,11Q1l,
'le ... ~ •se
~t . . .mar:t.
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q.d. conK1tue la p1errè . .,latre
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,
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, , '
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1.r,
Cette
d~lU:", cp ... 12 . . . ~ de_t'ft
tIl,b . . . . ,aouueme
toute l'fvDlutIœ nU . . .
de Talatoy.IIt10aaH
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mystic1_ CC .... l • • 1: la
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la rf.cI-.~et lactJ!91.t:4 . .
talalu1
con . . .
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~ 1Tolatoy's reUgl~ ~ is
aOvemed
by a ~~ldlll: the. \D1venal
salvation of ~ty ard the salvaticln of thê 1nd1v1d.-l; -soule'Ibe vriter's f1rst ccn:enl, the 1XJOt.s of which 8ft te be
foun:J
in the\ \ " ,
"t.itoptan
~.of
God's~al
r.arth,
1Jà.ad h1m ta.mi ...
rati0n-al i e, and. m.-ütar1ani.aB, 1IIIwtau his aecodan:em,
arouaal..
by.
theTolstoy's rat:J.œaliJa, Wd.cb followa the pattern of ~
. ,
& .
t:h1dd.rc,
es~i.l1y.
COIrespc:nJs te . . aIIti-ee::«e.tut:1eal outlodr.;,
be1rIB
quite refraet:ory to ~ that ~..uct. 8CU1dnason,
thea..a1a1 tb1dr.er la ti:J:eleu in
attacId.
dl. _
~1'ItnIclea,
rites and, '
sacz:...t..
In. WOld, al1~
canK1tutes thebl.1fatœa
of the ,.
C11r1.-wn
a..zrch. 1he ~ prû1ctp1. hepnif ... ,
altllcqhdeeply ' . "
wlth C2IrJ.atûnetblca,
cert;atnly
stt-wtt-.
Id.a
~ t:oIIm:ds' tb.1a ' .. ~11istu:ut1œ",
1IId..c:b haacc:œ.1
of
l..al_ ...appor-Co ,1t'.
t:un;I_. (kt the
oc:t.r
~, batb the ..,.t1d.ty W1dl pel I r .Tobtoy'.
.
-ad.nd . .
i'
tbè qldetfst:1C . . . . Uty w1d.chan.-
frœt lt . . .the1r
iDspl-xat:.1.œ . . c y frai ~ -llilhyaf.cs, n rJyJfI.râ.d._.
aâJhl_..s
~. -·1
QJr c::t.1s ~~rat8I cm tId.a cillllt)',
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1_ pc . . .e
11l .,..,-c:.ae
• n.r,. ~l>"
of ~'.
nUa:Jcu euo1ut1an.
lDtbnt1ar"elt. ad .,.c::J.d-
are
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force.
of TolItOy'.tlD_,
&l~
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ftl1"OIItty
ltarid •••
anllXlllpltadty."
\
...(
TABLE DES MATIERES
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 6 • • • • • • • • • •
...
~..•..•.••...••.•
A.
T~l~rationaliste •••••••••••••••••••••••
B.
Tol~ m-d.a'te. •••••••••••• l • • • • • • • • • • • • • • QfAPITIEII
LE
tmMJElE DIEU
P.SrBR
\QJl •••••••••••••••••••••••••••• A.Toatoy..,atlcp
••••••••••••••••••••••••••••B. Tolat:cJ}"
aacète " •••••••••••••••••••••••••••••
•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• BIBllOOlAPHtE ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• ( 1 1 1;819
38
73 74 98 122129
NOTE
Nous avons sui. vi, pour la présente
thèse,
lesystàœ
interœtional. detranslitération. Nous l' avons appliqué à tous les naas, incluant ceux
,
q.d, en laqp! française,
sem:
généralerœnt ccnus BOOS .... autre forme;ainsi Iasnaïa Poliana est dew!nJ Jasnaja Poljana, lbstOÜNlki.
-Ji>stoevskij, etc. Fn ce <pi cœ:eme le nom de Tolstoy, cette rigle
n'est
observée cp! dansles
titreset
citations originant detextes
rus-ses; pour ce
CJ.d.
est de la bibliographie et des citations puis4es dans\ des
texteSfumr;ais, nous
avŒIS mspecté les diverssystèmes
detransli-1 tération enployés par les
auteurs ou
éditeurs. Dans tous les autrescas,
\ ,
/
• l '
nJUS
avons
adopté,
1 t~à
lacpelle ontle plus
SCI.JV8Ot recwrs\
.
',les trar:lu:teurs et criticp!S de
tarwue
q,la1se, soit ToLUJJII , suiv.ltl '
en cela l t~le ~ la fald.lle T-olstoy
Cf.d.,
~l'explicpe
Tatjana' '"" Suxotin-Tolstoy dans une lettreà ....
'n Bollam, préf&a1t ceDIXIe
de,
, translitération à l'habituel T oJA.toX (~ le
cxate,
ta.in Bol] andet
Léan Tola!=OX: Textes (C8b:1ers RaIa1n Rolland: cahier 24) , Par1.a:,
.
AJ,bin
M1chel, 1978,p.
69). las lIDts tolstata p! et tolstofen f}ttdent le"tl;éra
usuel car
ils sant DII.iJ1tenant bien ~à
l:.a
1,.,._française.
~ avons naus ... traduit les citat1œs c1t '1'U8se,
à
DD1œd'indica-~
cantraire;
par ...,.,le,
dansle
cu des
zaa.
et ricits de'Tolstoy,
1 :
l'D.IJ nous en ... nmls, ...
Wrif1cat1on,
aux tndJCticna françaisesCCI'IIJe8. ~
ce
quia
trait a l jcumal1ntialt, les
c1tat1.Œ8 couvrant les~ ' . . . 1828
à
1904 1ncluai ... ontété
~à
l'adrllLmblet:raU:-... 4 . L
. tiœ\de.
QJ.stave Aucoutur1er (deux tœJlS . . . tm18 ont.jusqu'à
~été ~Jb11és aux fdit10ns Ga1l1Mrd, B1bl1otJ:aècpe de la Pléiade)" tani1s
1
1
j
~i
l
1
{
(
cpe 14 trariJct:ion ~ citations se tapportant aux amées ~tes, soit 1905 à 1910, tOJS a~ent.
lBs rotes h1bl!ographi~ ~ trouvent
à
lafin
de éha~ sect1Œl(in-troduction, chapitre l, cbapit;re II, COl1Clus1on), al~s <fJe les notes expii.csti ves, reliées au texte par lI.l astérisque, sont inscrites en bas
de page.
.
.
, / / , , -\i
i
Nous tenons
à
expriJœr natTe plus vive gratitu:Jeà
la fondation McConnell pour la bourse d' éb.descp'
elle tnlS a généreusanent octroyée pendantdeux années consécutives, ainsi tp'
à
notre directeur dethèse,
le profes-seur Alexan:ier V. FodbT, JX'llI" les précieux conseils qu' il tDJS aprodi-gués.
-o , J , 1 \ i,
1
(
(
..
De l'enfant de cinq ans . qu 1 à mi ••• i l
n
'ya
qu'm pas.
\
D.J nouveau-né à 1 1 enfant de \ cinq ans
1 une' distance effrayante.
De. "l' eirbryon âu nouveau-né un abtme. '--.--/Y
Et du tal-être jusqu'à l' 1Dn'Ih~...,.
txm plus 1I1 abfme, mais l'ine
, " hIe. Tolstoy ) ) / t "
(
.... Les écrits -religieuK de Tolstoy (1828-1910) appara!tront
sans
doute ccmne un véritable labyrinthe philo~queà
cpi aura cru y trouver Utensemble organisé. Car le patriarche de
Jasnaja
Poljanan'a
jamais.,
~.
sé à sa conception du non:le la fixité d' lm
systène.
Sa pensée ~lueconstamnent
-sous
le signe de la l:!.berté; elle est vie et IIDl1'V8l1eIl.t, et ne peut donc supporter la structure t'rq> rigide d'un systèrœ idéolo.gique ...,
donné. Aussi l'intellectuel qui se
donne
pour mission d'explorer laphi-losophie tolstoï:enœ y découvrira ron \Dl. tout: cobéœnt:, planifié et
rl
-goureusement gouverné par les lois de la logique, nais un agrégat de doc-trines hétérogènes, glanées ici et là et cœposées selon des critères purement subjectifs." D'ailleurs le tenue phi.1.o4oplu..e , lorscp..t'applicp.É à l'activité cérébrale du /W4eau. pen.4an.t. russe, se pré~e beaucoup plus
ccmne un(! attitu:te persormelle et changeante devant les mystères de la vie que canne \ne science propxemeut dite.
Eh
vérité, le Tolstoy'"d'après
crise" n'est pas un philosophe, nais bien m penseur, 00 plutôt, came le
reuarque très just~ S.N.'Baùgakov, un chercheur (Tolstoj est' reli-gioznyj is1œtel') [1]. Ses écrits religieux répcnient
à m
~eux be-soin de cœpremh:e, de saisir le sens de la.yie et non à \ n siDple désir~ publication. Ainsi soo esprit, toujours en cpête de la Vérité, butine
dans tws les jardins Jiü.losqiU.<p$ et théologicpes, n'y absorbant
te»-tefois qt,Je les
sucs
cP1
conviemart:à
sa cawtitution. I.e véritabletol-.~oisme n'appartient de ce fait à 8l.JCU1e catégorie; il demeure
indéfinis-sable, insaisissable et -les cbctrines que certains disciples ~
regrou-~ soos cette appellation ne cœstituent cp.1 'me version dff la pensée,
en
perpétUelle nutation dumettre.
(
l,
2
-1)
la nature sensiblement éc1ecti~ de To1stoy le CORhrl.t à toutes les
o ~ •
SŒJrceS religieuses, tant rationalistes cp.ie mysti~, tant éthicpes que métaJilysiques. A vrai dire, i l oscille constanment entre les deux pôles de la pensée religieuse, tantô~ plongeant dans les
eaux
de laraison,
tantôt longeant les rives de l'intuition. C'est préciséJœnt ce dua1isrœ inhérentà
la religiosité tolstoïenne cpe souligne V .. V. Zen 'kovski j quan:l i l écrit qUe ''1'inhanoonie interne de To1stoj apparaît dans cetteCCJÙ)i-Q
naison étrarlge d'une énDtion mystique avec un ratiœa1isrœ plat et
irdi-gent { •••
t
[2]. littéralement écartelé entre les s~ divine ~hunai-ne*, Tolstoy "cherche une philosophie médiatrice q.s.i. p.rl:sse satisfaire
t1Iflt sa soif d'action cp.Je son'besoin de méditation. Ainsi sa pensée,
rationaliste en théorie et rooraliste en pratique, s'ouvre néamoins à
o 0
me proforde spiritualité, à uœ foi ~érieure de caractère tout
à
fait irpltionnel. En fait, la VitaLe religion, suivant le prophète TUSse,doit répondre
à
une double vocation: ',guider 1 'hœme sur les chemins det ' ( 0
la vie et 0 le préparer
à
franc!û.r ceux de la nmt., 0
la ''religi~ de la vie" professée par Tolstoy, religion
cpr
n'aàœt can-'iime dogmes cpe , le culte de la raison et 1 ,~ 'tuœnisœ, ~ ses racines dans le rationalisme du XVIIIe siècle. Or le partisan-t}rRe de cette lOOde
"
~ ,philosophicpe, ncmbs~t l.Kl anticléricalisme avoué, n'était ni
irreU-& .
gieux ni athée**, bien cp! les tniditiooafistes de cette ép:xpe n'hést-taient
pas
à
taxer d'athé1:sme
cpiconques
1eqpgeai t dans la voie du-non-*
"Je suis affreusement mauvais, confie Tolstoyà
sen jamlal le 7 juin 1884. les deux extlêmeS - des élans de spiritualité et le pouvoir de la chair" [3].**
M1.sà
part certains radlcaux français, not8DIœllt la Mettrie (17fIJ-1751), Helvétius (1715-1771), d'Holbach <1723-;1789) et leurs ÉIIIJl.es.(
(
conformisme. fil ~ité, l'apologiste des ~ embrassait générale-nent une religion chrétienne par essence, rœis n.a:.t:.wLeLle, sans éticpettes confessiCJnJ:lelles, sans dogmes, sans rites, sans mystères, Sans prêtTes: il se proclanait ~ste. Son h1t ne résidait den:: pas dans m anéantis-sement c~let de Q:Jute religiœ, rœ.i.s consistait plut&: en une épuration,
Il
une démystifièation de là foi; i l ne proférait pas l' anathàœ sur le
-chrl.stianisme, mais restreignait celui~i
à
\me vocation puIemertt nmale,iIrperméable à taJt surnaturel. Iwssi n'hésitait-il pas à saper toutes les bases de la tradition chrétienne: révélation, péché originel,
divi-nité du Otrist, infaillibilité de la bible, miracles et autorité de l'~
se ont ainsi tour à tour fait l'objet de sa critique rationaliste, de ses contestations et de ses attaques. Fn ~cbant ainsi à la pensée reli-gieuse tous les piliers de 1 ·orthodoxi~, le chrétien éc:.J.a.i.A.é
acc~lis-"
sait sinplerœnt: son devoir: ramener la foi salS le faisceau luni:neux de
la raison.
h ~
Or l'eq>ire du rattonalisne, au XVIIIe siècle, ne couvrait pas que le do-maine spirituel. la rau1se en cpestion des valeurs reUg1euses était
in-
---.
-dissociablement reliée
à
la riévaluation, pl~ globùe, des valeursluœi-. nesluœi-. La crise de conscience religieuse dont fut térDin l' âg.Iz. ck .la lllli..4on
apparatt
en <pÜcpe sortecœme
\.Ile nanifestation de ce cpe Paul Hazatdawelle la "crise de conscieœe européeille" [4].. -En effet, les perturba-tioos religieuSes cpi seca lèrellt le XVIIIe siècle s' expliqlB\t avant tout
par
le fait cpe l'bwme, à cette époque~ prenait pleinement calSCience de lui-même, de son potentiel, de sa liberté. Sem avidité intellectuelledé-cq.mait un trlUVe8U
chauf>
d'exploitation: la œture tu.ine. Ch assis-tait ainsi à l'essor de l'ar.thtqx>loF,-e, ,scienCe
.
de l'lDDae. ''La plus utile et la mina avancée de toutes les an:oissances tu.iœs mepamtt
km celle de l 'l'olmen [5], observait
en 1754
J'em-J'accpes JoJaseau(1712-\
c-1 ,.
,l
-4-1778), _faisant ainsi écho
à
Alexander Pope Cl688-l744), dont le célèbre,
_ apm-isme ''!he
proper
study of mankinl is rœn" [6] exprime b~en l'espritl
\
(~
de ce sièclè. Si l
'banne,
donc, s'était autrefois identifiéà
l'image~ lui avait dep.ds trujours projetée la doctrtne chrétieme, i l cher-chait maintenant
à
façonner le christianisne selon les', exigences de sa propre nature. les rapports dei
'hcmneà
Dieu se troovaiem: par le fait mêrœ renversés. ''I.e I1O.1VeJDent naturel de la pensée métaplysique,expli-cp! Georges Q.Jsdorf, procédait de Dieu à l
'haunë,
i l 'va désonnais de l'han-,
me à Dieu ( ••• )" [7]. Le ClÙ.te de 1 'hœme n'abrogeait 8idemœ:nt pas
le culte de Dieu, mais le rapport de l 'hcmœ à Dieu exigeait dorénavant
.
un Iapport de 1 'banne
à
l 'hcmne. Le représentant des I..umi..hLM, certes,• # t',.
.'
aimlit
--
SŒl prochain pour l '8JOOUt' de Dieu, tIIlis il lui senbWt essentiel,"
pour servir Dial, de servir d'abord 1 'tuœnité. Il se fcmœit ainsi une relation très étroite entre le devoir
mi
gi eux et le dewir social. la rotioo d'hunanité ~licpdt en fait un idéal mn seulement œligieux,,
IlBis égaleaent social et politiqœ. Elle suscitait m eqp.aœnt pour de
,
'1
nŒJVelles vertus
à
ca:ractère
fŒdamelltalaœnt utUitaire: la bienfaisance et la pu.lanthzopie. ~ valeur de la persc:lI'D! ... 1ne était déc~ab-solue et l '8l1DUr des hœmes devait exclure tout préjugé de race, de
\teli-gl.on, de cœdition sociale. L'idée d'hmmitê Q,ranlait aussi l'appareil gruuemement:al
<Jd.
s' inf1éch1ssait suivant les principes des l.un,i..ùl/..d et,tentait de mettce l' absoluti sme au service des ph:1losqilies 1IIXIe!:11eS,
'"
adoptant ainsi
me
fcmœ de~
~
. cornJesous le
voca-'ble de4poÜ4llll éc/.aùui..
La
g1.or1.ficati~
del'espèce
m.-ine déclenchait d'altre part l'exaltation du cxel':!pOl1tiame: Ul universalisme éclairipar
la raison œlégua:.Lt dans l 'CIIbre tout nat1œal1aœaû ,par
la pass~.le patriotisae él.argissait de
ce
faitses
har.I.zms: le citoyen du XVIIIe, '
voie qui le nènemit
à
la réalisation d'me paix universelle etperpé-,
e
tùelle. Carsa
confianceen
la perfectibilité du genre tuœin anirœit<-en l\.d. une croyance prescp'inébranlable en l'édification future d'Ule société idéale, parfaite, pnf1erre du bcri1eur, de l '8IlDIJr et de la paix,
domiciliée Sur terre et dont l'avènement s'inscrit dans le cadre de
l 'histoire universelle. A l'évasion dans les lointains de l'eschatolOgie, l'b:mDe kJ.oj.tté substituait l n rœssianisme rena.t\lelé, affranchi
pe
toutevisim apocalyptitpe. En ce sens, les" travaux de l'abbé de Saint-Pierre (1658-1743) (Projet de paix perpétuelle - 17l3) et de l(ant (1724-1804)
(Vers la paix pexpétuelle - 1795) dévoilent bien .,l'opt1m1srœ utopicpe qui
a
inspiré lesavocats
de la raison. Cet esprit ~cpea
jooé \.Ilrôle
inportant
dans le bcu111cx.lE!lllE!nt des idées religieuses. Car l'ex-h:7rtationà
la grarde paix visait aussià
désatmer les belligérants ec-clésiastiques dont les prouesses- avaient tant fait' frémir les siècles précédents. th siècle <pi se prétendait luœnitaire ne pc1Mlit admettrel n "CAOÙ ou Cltive", si populaire au ~ Age. Aussi la tolérarM:e reli-"" .
.
gieuse figurait-elle à l'antre dU jour des ~; elle était fille lé-gitime de l'luJanisme, soeur de la li~, de l'égalité, de la
fratemi-1.
té. Elle englobait en fait ces trois cœposantes de la devis& française p.1is<p' elle précorrl..sa1t Ul libEe accès au daœi:ne œligl.am, affixma:nt
A
que toutes les religims se valent et cp'en dépit de leurs distiŒt1œs
cJo:ctrinales,
elles !5' abreuvent tcutesà
me seule etmime
source: "Dieu.''fous les
pEq)les de la terrecxnm.ssent
et .-knent Dieu, soulignaitRousseau en 1769, et: <p)ique chacu:l l'babille
à
sa ao::Ie, sous tŒI8 cesvêtaa1ts
divers on b:a.Ive po.rrtant toujours Dieu" [8]. <D assistait ainsià
lm tn.IWÙ intéx@t pour lesrelf.&1œs
fknu:wèœs,
mta_at orien-tales et, partant,à
\Xl él.a:r:g1aseIaI de la ccnsc1ence chrét1en:Ie: le6
-tradition, devenait me sinple œligion pamd.. les
autres*.
Et si tous ( " les penseurs ne s'évertuaient pas,cœme
Voltaire (1694-1778),à
extirperles dogmes et les systàœs religieux établis,
à
"écraser l'infâme", tnJss'ent:el'daient néamDinS sur l' inp:>rtance d'une lutte
à
na:1er
contre l'ab-solutisme confessioonel, le fanatisme et l'intolérance. La liberté en rœtièrereligieuse
était deverue,au
XVIIIe sièclet - Ul véritablë iDpératifcatégorique. Toute l'idéologie des Lumi..btfZ4 peut d'ailleurs
atre
définiecœme
un passage de l'état de déperdance et de ~ssionà
l'état de liberté. L • Aut./ûiillJ.lll9., selon Kant, est1
\.
,(
la
sortie
de 1 'hcmœ desa
ni1oor.i.té,
dont il est lui-uime responsable.Minorité, c'est-è-d1œ
irx:apecité dese
ser-vir de sen entendeurant sans la direction d' aut:ru1-,1IIl:m-rl~ c:kxlt il est 1ui-mêrœ respœsable, puisque la cause en réside
non
dansun
défatJt de l'enterdsœnt, IllÛS dansun mancpe de décision et de
courage
de_ s 'en servir sans la direction d'autrui. Sapere Aude! Aie lecourage
de te servir de ton propreenteOOement.
Voilà la devise deslUllières. [9]
Or
cette
mise en tt.Jt8l1e de la raisOn, selcnKant,
s'
étair surtaJt nan1-,festée dans le de_aine religieux. Aussi l 'hœme lIIXIetœ, fort de ce DOt
d'ordre kantien, c:hercha1t
à
s'affinœr; 11 ne voulait plus subir passive-ment .,une religion fot'lllÙ.ée et stnJcturée d'ava.nce;
ilvou1.ft
UIRJEr,, créer sa foi. La œligion,
à
ses yeux, nt était plus une~tion
ré-t
s1gœe de c::Iogœs élaborés par me h1êraxch1e <pi se
pritédait
seule dé-"'tentrlœ ~ toute Vérité; elle était lm ~~ perscmel.. La
reli-...,
gion n'était pluS nkeption, elle était ac:t1œ, c:ria.t1œ. Bœf, la·
cons-_
clenœ religieuseœ
XVIIIe siècle "S t affxau:hlssaJ t descbdnes
4n
*
Chse
S<UY1endra cp le ph1~ all.ewnl0Ir1st:fin
Wolff
(1679-1754), dans SCXl Discours sur la=~
mtt.
des Qû.no1s(1721), louait J.j pare ïii'âUtéa~
Qiiilûëlüi
et acconIa1tà
ce dernier, en sa qual1t4i de . . . , \Ile place . .c6têJI
duChr:l.st.
l'avaient. lc:qt.ellpS paralysée et entendait bien tra.Ner seule la voie
a
~ la coOOuirait vers Dieu.(
(
A œtt~ consc1ence qui cherchait la Vérité, le XVIIIe siècle,
cœme
d'ailleurs t~ les grardes ~s de 1 'histoire de la pens4e, ~
posait deux voies d' accès: celle de la raison et celle dl coeur.
,
~
,1 S'il est
œ
trait caractér;i@ti9- de la pens4e luIaine,souligne Jacqtes QlevaUer, et lat trait CJle l'en ~
ve
juscp fà
c:hacJ.Ie
page deson
histoiœ" c'estbien
l'-nelle opposition de l'i:ntell.igence et dl
coeur ou,
p;exactement ( ••• )
l'OJlPOt1t1on
de lamsœ
et dusenti-ment. [10]
Ces deux voies, ces deux "grards fl~", pour Ieprerldre -1 'expression de Paul Hazard [11], ont trav'er'é tout le siècle,
taneae
avançant parallèle-ment, tantôt CXIlfluant. Car le rationalisme œ COlrespordait en réalitécp'à un aspect
de la culture du XVIIIe siècle; à"ses dkés évoluait ''1'aUtœ'' XVIIIe siècle, celui <pi luttait contre l '1nt:el.lectual1smein-sipide des rationalistes en proclallant l' ''1nternat:1c.ma ch coeur" [121.
Or ~ deux.
courants
de pensée 8'WIia1t, en _t1ère rel1g1.eœe, \De ciblec:aIIJIft!. Cl1aam, en effet, s'attacpWft au fanati . . et
à
l'intol.mJCe,à
\rie relig1œ a~f.Ue par lec:IofIatiSlll!
et le fOrlllll1aae, 'à meFel!ae-\
institution enfem6e &ms des 1dêologies pêtira6es, ilD'Jb111Me dans l'af-finÛation lIIlCbinale de son autorlt4 et paralysée par \m. c::cx.ervatfJae cpt
ne parwodt plus
à
se ptifier. Toot CCIIIIe l'avocat de la raison, ledéfenseur dl sent1.zIent tiavaula1t
à
la~tion
de la rel:1afon, 118i.i l DBttait l'accent
sur
la vie spi1:ttuelle et la ltntère 1tUr1aIre.n
s'évertua1tà
aq1D8r la p1~-età'MUler
da aentiDBlts de fol et.
d'atDJr _ _ le coeur des croyants; 11
.
pr&.1t œ
fttoUrà
l~&Jtbent1c:ité.
.
to)'abl !,ult alti l ' en ... 8CIi • ..-: la foi
dItaa
1 . .ck&
38. Aœe
foi.:!la-'Jll)bLle, l'ap8tre du 8e1t~ qJpOU:lt W.
foi
active, v1v.lfiM'te:lla
..
, -
8-raisal., il opposait l'intuition
cpt
autorJ.se \ft! CCIIIIImcation, œe (~, c:aDII.I'Iion avec D1eu. Dieu ne se prouvepas,
il s'éprouve. Voilà ladevise
dece
sentimentalismereligieux.
(
1 1
.
,La ch.li
té
qui. canaêtérise la Pûlosophie européeI1Il! au siècle desLu.-mwuw
s'~l1cp! égalementà
la penséerusse.
Ceci s'e.xpl1cpt par lefait
cp'au
eytllt du XVIIIe sf.ècle, l'Fmq:e devintpeur
l'intelligentsia
-russe lD! xéalité
cp'
elle ne plt jaœ1s par la st.d.te ignorer. l.oràc:p!Pierre
1 (1672-1725) ouvrit aJ DD"de occidentalles
portes deson enpi:re,
la ciri.lisation
euxCllpêel..
s 'y
frayaaussit8t
\1\ passageet exerça une
forte
influence sur
l'esprit %USse. Ceci ~ s1gn1f1e évidelii~1l: pas que la Russie du XVIIIe siècle adcpta en bloc: la culture occldentale:à
l'instar dès autresiiat1Cas
~ EI.IeS, elle accueillit avecEii4>resse-~
les
~log1es t1DlMÙles,.ms y
iqJr1magradll8lla.nt
la marcp! de sœ originaliÛ. IlJaal les deuK gxandacourants
de la pensée religieuse,,.
le
mtionaUane et le .tlcillle, s'y dêvelc:HèIerat-ils avec tout
autant de force et devI._1r
CfJ'enterœ occfda1t'a
le, Jœ1s en se cœfomant aJX,
rigles
du gâd.e NISe.le
mtionaU_ n'a
atteintsa
ple1ne natur1~.
en BuSaie" qu'al
ca.Jr8 de,
la seconde
DD1t14
ch XVIIIesikle,
8QJSle
t:ègne de cat:ber.l.neII
(ln9-j
1796) • 'le vent
rat1œa1
fste
Cfd.
secoua
alors les1Œellectue1s russes
r , • ~ , "
veœ1t princ1pelaalt de PI.a
et appœtait
œe
myriade d '1d6eanouvel-les:
culte de lamisan, anttélér1call_,
n4pt1œ du aJmIltuI:'el, lutteCO(~ la supentit1œ,
bref
touales pnk:eptes de
laœ1
ig1œ 1UZbIA.eU.e. Ctther.t..œ,au àIbut
de 80ftripe,
fawrisa ouverte
1 Il: la~t1on
et "'-, le dévelappa.,~ de lal1b.œ
pmMe _terrltotre
1:UAe.Elle
futpen-c::IIDX
ph_tain . . .
relat1œa
4p1stol.aUeaavec 1 . .
phJ..JoMJpIuu et ~là.
~a:t1m de'·leun
oaJmI8. Voltaf.1'e acqadt,trù
,
j
;j
1
l
(
(
)
!
tout
le
c:oonmt de pens4e s'inspi-rant des idéolog1es muvelles se 1 . . . . sous les enseignes du vo~fÙ4Ile (vol'terjanstvo). Mais l'illte russe 6tancha1t -. . . i sa soif de
.
,
comaissances
&Jprès
de Didexot (ln3-1784)', Rousseau, Ibltescpieu (1689-17551, d'Iblbac:het
des aub:es encyclopédi.te&. Cet ~ pour les \ ,dops des I..umÜII..e.4 activa ce cp! V.V. Zen'kovakijappelle
la''séculart-sat1œ"
de la culturerusse
[13]:
se
basantsur
le
DlXlèle
eurc:apœn,
lespenseurs
élabolèrent peuà peu
me conception non-ecclésiastiqùe du,
nr.nIe.
Mais
cette séparation dtavec
1'Fslise n'
entratna
pas obligatoire-ment \me rupture.
.
avec toute rel1g1on.
lœa1osov (lnl-176S)et BadiJœv
\
(1748-1802), par e:tcI!q)1e, bien cp! coryphées des ~tlA 'tUSses (èpaxa prosve§éen1ja), demeurèrent néamDins fondamentalement
re!ipeux.
La,œ-gatian avouée de Dieu
n'
appartienten
fait Cfl'au XIXe
s~le:
elle pritrac1ne dans la
Pû1oaqiû.e
occ1dental1ste
des81....
qa.mante, s'
affiJll&'\.
_ au sein du n1hUi . . des am6es soixante et at~t f1nalaœnt ~
pa-roxisme dans la pensée 'févolutic:n.1a1re et DBCd.ate <pl. prâka:lnaità
la~ fin du
siècle.
I.e ccurant
mt1oaal1ste fil
XVXlle sièclese
t.urt:a,
en
Russie, caIIIIIail-leurs,
à
une vive qJpOSition. Calme l'apl1cpe Zen'kavsk1j, l'espritrus-pr"
se ne recueillit pasd'~
q.e les fruf.ta de la Hbnapmeée,
am.
,s • errpml également des 1d6es arti-ratioaal.1atea[14
J :
parallil.eaelatà
la' glorification de 1& ra!IOIl, aux
progtk
ad.ent:lftqueaet
auscept1cls-...
. '
. me,
cbemlna1ent lesentiœntal.iIae,
1'occultitlle et le culte de lara-\
l1g1œ
"intû1euœ".
Pour ri!lfJL&dœ 1 . . puoles de l'btstar1eD A.R. Pyp:f.n,'tat
ne
~. iMglœr .._"ale
plusfrapp.nt
de.,nU_,
au
aetn/ ,
1
d
'\De . . .4pocp.,
de dII.D( cboeeIappe...
{lS]. La
réaûtance
alvo~ fut
'tlis
activecD
les c:erd.eI~. Wr!itâble01_
du XVIIIeaikle,
la franc ~1emaee,
d\Wltses
~, /
1
-
10-européens, vâ_ait l'luDanf.té sans
pour
autant, tenter Dieu: tuanisme et alt:ru.i.sale, mystié1sme et sciences occultes circula1ent librement dans1
lès d1ffm:entes loges. Ces deux tendances peuvent
atre
œl1ées aux deux pdn:1pe]es autorit4s cp11nfluèlmt surta
viena.c;amlqœ
%USse:· lafranc-llllÇODn8rlè qlaise, préoccupée surtout de Jiûlanthropie, et les
Rose-Croix allemarxls, iDptt1gnês de mystic1té*. Mais la ptcpension au
mystidsrœ était en général
très
répandue au début: du XIXe siècle; elle.
atteignit
mime
l'intensité d'un véritable raz-de...marêe <pL eDp')rta une/;
1q:mtante fractlœ de la haute ~été**.. Alexand:œ l (1777-1825), vers
..
*
J _ H. Blll1.ngtœ appl1c:p! cette oppositiœ aux deux méttcpo1es rus-ses: Saint-Petersbcurg, cp1 abritait la pensée libérale et révolu-t1ama1œ,est selon
lui le berceau de la'tpd.l.anthrcpie
prati<p!",alors cpe ~œ des Slavophiles et des lDse-Cmix,
appa-ratt
CGIIII! lefa,er
du '~t1c1 . . thISoricpt" [16]. AlexandJ:e Ioyré,dans
san
ouvrap
la
~et le
~ nat1œal.en lUaie au
cWbut: du XIXe~;
l '
Sôi~œtte
dIStIŒBœ [17],
cp!tii
ëîiïû1te
ii(itse
par Anhze Wallr
181. , 'H I l c:onv1ent de mter qJe le mystic1sme n'est
pu
étx'89lltii.
l'esprit eccl,-t.stic:p OlttuDœt; il constitue &1 ~œ-Û\-aÉllBltsub-stmtiel de la vie
rel1g1euse russe.
''Il fautse
rappeler,
éc:r1tA.
GradAux, la
d1ffé:..-
de I8ItalJ.té'fI1 . . . .
l'Or1enI; ~ dent; le pread.er toutà·1&
CCXltarplation, peu presM dtabsre,
de/ , d1sNq'" de sp6c1aliaer, le seçad tout i l'action, .à l' on ( ... )" [19]. la . t i c 1 _ ortioiaœ ne a'appde
par
surl'auto-rité
de Jakobsa-
(1575-1624)au de Salnt-fmtin
(1743-1803) cp14ta1.ent
t1:ia
popiJail'eS au sein de la franc~e, II81s surcel-le ete. saints . . .
::horèt:es
CJ.d.
ont ~ leur vie à Dleu. CaIIIae le -sodi . . S. ,&l}pkrN. le amal1~ dont se l'IDUl'rlt l'~.ortho-cbe est de natul:e beelCO'JP plus aseéticp <:pe pratiql. [20].
te
t6l.e de praal.erplm C'f1'
a joué le 1IICI'IIdd.ame âIns l'histoire de '1'F.cl1se xuase d6P:n::œ clatnllant
cette att1.œDce vars l' ascèse et la c:onteIIplation.L'a.
œl1g:l. . . .rœse, CJl'elle
porte l'habit dupq:III, de l'end.te, c1I ~, . .
toJ.
enCJvtl..4t.
ou du philOlCpbe, de-... forIdament.]~ mystique. . , s'1DIIp1131t du titxe d'œou-vnae
deSt..,
GE . . . , 1he ~ of • • _ dwe ~of!!!!7
(RewYCI.I:k: 'Ihe ~ Co.,
1915701'l
qa
l'=tïë
t'UMea
1:Ieaur:cq)
plus d'affinic:.l avec
Mar1ecp'awc
sa
80IIIlUr MIrtbe<
...
gUe selon
St-üJcX,
38-42:Jâua
étaitreçu
~ Martheet
Marle.Alora . . la pr..s.èœ s'affairait act1v_1t:
à
1.D eervice cxapll9Jé.la lf8CC1rIIe 4coutait pesai •• 1 1 Je la pROIe du OD:tat. ·'Mattlw~
Mltt:t., df.tL~" 'tu t~
et
t'asltea
p:JUr b1atdes
c:1:aesalors qu' .... seule
_t
l'IIIcesaaf:re.c· ..
t blen MIrie c:p1 a cbof.si la_ll_a
put; elleœ
luisera
pas ~ft). ~ • i1 ,
1
, 1.
i(
le œili~ de soo
règne,
fut littéralement séduitpar
la vague piéWte qui déferlait alorsen
Russie et'se
fit l'apàtre du christianismeultversel.
POussant
,la tolérance à ses plus extlêmeS conséquerx:es, il respectait0u-vertement toutes les cexafessions religieuses et affichait sa synpathie pour les
francs-maçons,
hêtércxtoxes, sgctaires rus~, piétistes allet1llRfs,QJakers anglais et Frères Mxaves. O!tte exaltation mystico-religieuse
inspira
au souvèrainsaÏ.
pro
jet de 5aut:te A./.l...i.an.œ,coœ1œ
en1815;'
'par~,
lacpelle les trois lIDl8rCp.leS de Prus~, d'Autriche et de Russie
s'enga-geaientà
ne pnnme prur DBXimeque
les "subUJœs vérités conteruesdàns
,.
la loi étemelle du Dieu Sauveur" [21]. les premières décénies du XIXe siècle furent en fait ténDins d'\n réveil religieux généralisé. Et bien
cp! l'édifice de l'Eglise orthodoxe avait depuis lcxtgt:arps camenpé à se
. 1
lézaxder, il s~t exagéré de préterxlre qu'elle était total~ cœ:rœpue. Certes, l'Etat aliénait
sa
li~; certes, elle ~issait dans l nconser-vatisœ et un formalisme désuet; certes, ses prêaes veillaient souvent
plus
à
leurs 1ntmts rœtér1els cp'à
l'intérêt spirituel de leurs wail1es;.
certes, la dépravation sou11la1t parfois la réputation de ses naaastères, IlIlis le souffle de sainteté cp! l'avait an1.mI!e au cours de l 'histoire
de-IIIel.1t'8i:t
,encore bienvivam:.
fit ce siècle de scepticisae oa.wra1ent effec-tivemerat de gtaudsascètes,
myst14JeS et prq:ilètes: Psisius Vel1&ovsk1jl '(1722-1794), Saint T1:xm de·Zadcnsk <1724-1783-> e~ Saint Serafim de Sarov
(1782-1867) constituent ce cp! C.P. Fedotav appelle "le
trésor
de la spi-ritualité~
.. (22).LI~
du~
(st:arœiltvol*
~Ù:
-- -- -- -- -- -- -- -- -- -- ' ' ' ' -- ';:; •• ~t,
" % "--. , -, '"
*
I.e ~,selon l'Jlèûteuse
cWf1n1t1onde Piene
Pascal,était
"œ
1II)i-ne pratre
quin'était pas
nak:essainlBltd'Ut
pard ~:~son
naDsignifiant:
l'ancien), .-18 9Âs'&ait
1~à
la deses
cc:nfrères
et
surt:a.Jt desf1dIl. ..
par
88 p1'd ~,ses
ex-ploits
ascétiques, . .
c:Icm deconf...
Il vivaità
l'cbut desau-t1.'es
notœs,
danswe
riclusiœ, et là recevait lespinit.n:a,
œœo-,lait, c::œse11laU,
earçait
SCIUS lamu.
la pb. si..,1e, ets'a:Iaptant
à
ehacœ., œ libJ:emlnistère
de d1nc:t1c:at sp1r.ltue1le ( ••• ) (23).(
(
\
"
12
-également un véritable trésor spirituel. ées graOOes figures religieu-ses entretenaient,
à
leur insu peut-être, le feu de l'Ort:hocJœçl.e.CJUi. semérita par la suite l'appui de remarcpables penseurs laïcs, PJllI' ne
Inn-1
lŒ!r que N.V. Gogol' (1809-1852), les Slavophiles I.V. Kireevskij
(1806-1856)
.
et A.S. Xanjakov (1804-1860), et F.M. Ibstoevskij (1821-1881>.' ,
Si le rationalisme de Tolstoy suit en tous points la mxJe des /..um.ièlte4,
le côté mystique de sa philosophie religieuse s'avère par contre beau:oup
,
plus cœplexe, beaucoup plus difficile
à
identifier. Biensûr,
onretrou-ve chez
lui la forte propension à l'intériorité Cf.Je nanifestaient les anti-rationa1istes du XVIIIe siècle, mais son mysticisme revêtun
carac-o
tère nett:elœnt "intellectualiste, dépwrvu de l' énDtionalisme qui inspirait les précurseurs du nmmtisme européen. C'est la pensée et
ron
lecoeur
qui fonne l'ossature de sa mystique, .
.
une pensée 50.""'-~-~, U!ementél.a.borée
selon les rames de la métaphysique orientale*. Or
lis
pûlosophiJin-diennes <pl. oot attiré l' attentioo de Tolstoy s ' inscrivent égaleœnt dans la ligne des idéologies <p1. concentrent les énexgies religieuses
danS
la.
,sphère intérieure. Considérant le
riaœ
extérieur: came une pure illu-.
sioo (~), cause de toute s~, elles précooisent l n détachement,un rejet catégoriqœ de la matérialité au profit d'Ul h.rt:
lni<J.Je:
la dé-livrance, le.
tt.0-
vâna• Came ncata::e de conceptsirdierW;
la Ubération se,
définit surtout négati vemeut: elle ne correspon:l ni" à uœ félicité éter-nelle, ni
à
l'élévatiQll de 1 '§mevers
Ul DUlde supérieur; c'est œ étattœrqJé par ,l'absence du IIIÙ et de la souffrance, par l' e:xtinct1an de
* .
Il conv1~ préciser <J.IS Tolstoy ne s'int:éœssecp'à
la pezspective pb110s0pnCJ2 desœl1g1ons
orientales:
les 'aspectshistorlcp!,
dog-.tique et lit.ul:gique le laissen: in:I1ffÉel1t ..•
Î
\,
l'entrave que constitue la matière, par la fin' du cycle des renaissances.
e \
Car suivant une thèse généralement aànise en In::le, l'âne n'expérimente pas une seule naissance, mais naît et renaît plusieurs fois, et les corditiorls"
(
,dans les~lles elle se manifeste sur terre sont déterminées par la quali-té des actes accanplis dans le passé. Ayant atteint à la libération, l'âme échappe
à
la métenpsycose et se trouve par le faitmême
désincar-née, désiOOlvidualisée, prlsque l'être délivré, en entrant dans lesre-IIDUS du fUAvâna, perd sa personnalité différenciée. En ce sens, la
plu-part des gran:les religions et philosophies de l'Orient s'écartent
totale-rœnt des spéculations personnalistes du christianisrœ; elle considèrent l'Absolu ccmne ~sonnel ou plutôt, pour rep1:en:b:e l'expression d'Yves
•
Raguin,
cœme
''transpersonnel'' [24], c'est-à-dire au-delà des catégorl~du persomel et de l' i.npersonnel. le tmJ des sages chinois,
à
l'instar du ruAvâna bouidhiste, est irrlifférerx:iéj il ne se confond pas avec '.
"
1 tEtYe, i l ,est le ltm-être duquel émane et auquel retourne toute créatu-re. Une philosop:ü.e si peu attentive au ~"matériel et à l' irdividu, ne peut logi~t engelicheI une éthicpe activiste, préoccupée de
phi-lanthropie et d'J:uœnitarlsme.
le baxidhisme, observe Henri
ArvOO,
ne peut aiguiller 1 'lw::Irme vers une éth;i.cpe ,active, praticpe, s'il ne veutêtre infidèle à son principe pnmier. ( ••• ) En
enle-vant aux choses terrestres toute réalité, en faisant de
~ CŒlteDplation intérieure seule la ccn:Iitiœ essen-tielle d'une évasion libératrice, le bOlJdclüsrœ ne peut Te<X.lll'lBnder qu'\me éthique passive. [25]
la métaphysicp! orientale a dcn: __ ~
corps à
une norale quiétiste, daninée par la doctrine dl nn-agir, cpl. a profon:iélœnt marqué le carr-portement inHen et chinois., La théorie de l' ah..i.tMâ. (ron-violence) que Gandhi (1869-1948)a
rerdue célèbre et à laquelle Tolstoy a par la suite...
(
14
-adhéré en est \.me évidente manifestation*.
1
Telles sont donc les diverses sources, contradictoires en apparence mais ., souvent facilement conciliables,
dans
lesquelles Tolstoy a puisé la nour-riture spirituelle , qui était tout aussi indispensable ,à
son esprit que les~ ~
aliments 1 t étaient à son corps. Son aventure religi~e - et l'on nt
in-,
sistera jamais trop sur ce point - apparaît dt abord et avant tout CClTlœ •
la conséquenée directe d 'tm besoin intérieur ~ pe+sormel, égoïste en
1
quelque sorte, besoin qui ne fut du reste jarna'is entièrement satis-fait.
~si la philosophie tolstoïenne est-el~e en perpétuel devenir et les facteurs rationnel et mysti~ y évoluent ,tOUj~S librement, s'emnê- (
lant ou se canbattant coome a plaisir.
b \
, "Esprits éclairés" et "âmes sensibles" coexistent au sein d 'tm
même
espace mental, écrit Georges Gusdorf dans son' ouvrage Naissance de la conscience ranantir au siècle des lUllières; il ani ve que tenêne
iîili
vi se trouve pris entre les de.JX exigences contradictoires q.rl. se dis-putent en lui la prédcmi.nance. [26 ]o
Tolstoy, en soome, répoOO àssez bien
.l
~tte
description. \",---1
*
Doctrine philosOphicpe irdienœ prônant la oon-violence envers tous les êtres vivants. Elle constitue l.Dl des cIogJpes fordamentaux du bou:kIrl.sme.Gardrl., on le sait, en a fait l' "iIrpératif catégorique" de son action
politique. ' 1
(
-/
[1]
[2 ]
[3]
Bulgakov, S.N., "Na smert', To1stogo" in 0 Re1igii To1stogo,
r.t:>skva: Tipografi ja Inperatorskogo
ffiSkôVSkôgo
Uhiversiteta, 1912,p. 7
Zen'kovskij, V.V., Istorir. rusSkoUilosofii, Paris: Yt-CA--,
Press, 1948, vo .
1,
p.
~
Tolstoï, L.N., Journaux et carnets, préface de Michel Aucouturier, textes tradûits, présentés et annotés par Q]stave
~turier, Paris: 'Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1979, vol. l,
p.
831Hazard, P., La crise de conscience ~ <1680-1715), Paris: Librairle
Arthëïœ
Fayaro,
[5] Rousseau, J. J., ''Discours sur l'origine et les fondenents de
l'inégalité panni les haImes", OeuvreBJrià.iJètes, Edition publiée sous la direction
dë
Gâgnebin et Marcel Rayrrond, Paris: Gallimard, <Bibliothèque de la Pléiade), 1964, vol. 3, p. 122,[6 ] Pope, A., Essay on Man, [pistles I-IV, with introduction and n:>tes
bY
E.E.
r-brris, Lorrlon: MacMillan ard Co., Limited; New York: 'Ihe MacMillan Gatpany, 1900,p.
14
[7] Gusdorf, G., Dieul la nature et 1 'b:mne au siècle des lunières
(Les sc~ences 1iïŒines et
1â penséë
occidëritâle,5),
Paris: Payot, 1972, p. 236[8] Rousseau, J.J., ''Lettre
à
M. de Francpières", Oeuvres ~tes, Edition publiée 5alS la direction de Bëriiâid~net Marcel Rayrrond, Paris: Gallimard CBibli.othèque de
la Pléiade), 1969, vol.
4,
p.- 1138[9]
Kant,
1., ''RépOnseà
la question:qu'est-œ
que ''les lunières"?",La J?Qil0&rà!i de l'histoire (opuscules), Frlition éta-blie et tr te par
Stéji1ârie
Piobetta,Genève:
Edi-tions',Gonthier, 1965, p. 83 1 " ,j j J , ~"
(
16
-[10] Chevalier, J., Histoire de la
pensée,
Paris: Flamnarion, 1961,vol. 3,
p.
535 '
"-[11] Hazard, P., La crise de conscience ~ (1680-1715), Pari~ Ubriiirle
Arthêî.lë
Fayâi'd,
~9[12] Gusdorf, G., Dieu, la nature et: 1 'b:mne au siècle des 1unières
(Les sciences liîDâiriës et
1â
penséë
occidëritâle,
5),
Patis: Payot, 19.12, p. 58
f'J."',
[13] Zen' kovski
J,
V. V ., Istori ja russko ~ fi1osofii, Paris:YM;A-Pl;'ess, 1948, vor:~l, p.
5
, Q
0[14] Zen'kovskij, V.V., Russkie mys1itili i
Evroj?a,
Paris:YK:A-Press, 1955,
1>-.
15
':1.,
[ ] 15 Pyp~n, .\ A.N., Russkoe masŒlStvo - XVIlI-i
m:ja
Q!tvert %- , XIX v.,Petrogrâd: rZdâtël'
stvo''OgiiI'',
,
p.208
[16] Bi11ingtoo, J.H., The lcon ard the A:xe, New York: Vintage Books
1970,
p.
256
o \
[17] Koyré, A., la P!iG1osttte et 1~1èrœ national 'en Russie au
dé&ît
XI
sêcle,
Pas: Gâl1iîDâid, 1929,
p.21
[18] Wa1icki, A., A History of Russi.an ~ fmn theï~tenœnt to
Maïiism,
translâtëdfi'ân
olISh
bY
HiAndrews-RûSIëëkâ,
StanfOl'd CCalifomia): Stanford lhiversity Press, 1979,p.
75
,
[19] Gratieux, A., A.S. I<haD1akov et le I1D.1V8IIeIlt sl.avqXtl1e, Paris:
Les EdItions
dû
Cërt,
.1939,
p.U2
.
[20] Bulgakav, S.N.; Pravoslavie;
oŒrld.
uœm.~ pravoslavoojcerkV1.,
Paris: 'l'fICA:PrêSs,
1965 ( N,
p.
8
[21] Welter, G., Histoire de Russie, 4e édition, Paris: Payot, 1963, p.
263
(
[22] Fedotov, G.P. éd., A ~ of Russian Spir1tuality, New York: Harper & Row, .
[23] Pascal, P., fustoïevsky, 1 t~ et 1 t œuvre, lal.1SBl'lna": Fnltions
l'Age
d'Hâ1ïœ; Cô11ection ''SlâVica'',
1970, pp. 24~250..
[24] Raguin, Y., Bou:kIhiSIœ, christianisme, Paris: EPI, 1973, p. 55 [25]" Arvon, Henri, le
bcuk:Jhisme,
Paris: 0 Presses Universitaires deFrance, 1966,
p.
42
[26
J
Gusdorf, G., Naissance de la consciencerarâtiqJe
au siècle des1unières (LëS sciences
l'iiîBIriêS
etpêriSéë
occidëntâle,7),
pâiis:
Payot, 1976,p.
18 .(
CHAPITRE l
LE ROYAUME DE DIEU SUR TERRE
Tel est l'idéal du Christ; l'avèl'lerrellt du royauœ de Dieu sur la terre, l'idéal BlIlJOœé déjà par les proptètes,
di-sant que vieOOrait un tenps
où
trus les hcmœs, instruits par Dieu, transfoInerai.ent le fer de leurs ~ves en char-rues, celui 'de leurs lances en faucilles, ou le lien se coucheraità
côté de l'agneau, où tous les êtres seraient unis par l'anDUr. [1]En transposant le Royaune de Dieu d'tm ~, intelligible
à
un rooOOesen-sible, d'un nDD:Ie
liténanénal
à
un roonde nounénal., en un mt des cieux à 'la terre, Tolstoy repreIXi 1 'orchestrati~Aes
thèrœs
qui avaient, unsiè--,
cIe auparavant, carposé le répertoire des Lumi.èA.eA*. la cœception tols
to-renne
du Royaute de Dieu sur terre reflète en effet la notion utopique, 1si chère aux penseurs du XVIIIe siècle, d'une fraternité universelle, d'une béatitu:Je gagnée dès ici-bas. Ce rêve, ce mythe cp.1'entretient soi-gneusement le penseur russe
prad
ses racines dans une pu.losophiereli-gieuse
quis'exprime
théorlquaœnt par'un étroitrationalisme
et pra~" (
Iœllt
pU
u:ne
JOOrale toUte ''matérial1ste''**. Ce rêve paradisiacpJe*
''I.e chrlstianisne ratlcuael de TalstoI, krit 'DDœs Ham, œssauble plus au déisme du XVIIIecp'à
la mystique et puissante nù.ig1osité deDostoievsky qui est tout
à
fait du XIXe. Sen moralisme, .:consistant essentiellenent dans la ~= dissolvante d'une raiSCXl <pl. sapait toutes les institutions et divines, s'apparentait besuccq) plus étroitaœntà
la critique scx:lal e dl XVIlle sièclegu'
au Dm'&- ...lisme infin:IJœnt plus profoni et plus religieux de Dost:ol.evsky. Son"
8DIJUr de l'utopie, sa haine de la clvl.lisatioo, sa p1Ssioo pour le
chanpêt1:e, pour la paix bur:ol1<pe ~ l ' " - urte noble passion, une
passion
de seigneur - ~aussi
s'
int:expréter came des chosesdu XVIIIe, et du XVIIIe frarWj8is" [2].
**
Dans sonruvragé!tes
Ill\lld.nés de Bavière et lafran:~~0
alle-~, R. ~tlêi.t
Itâbilt
œedlSBiiëtIœ
entre.dita-llSfêl',
cp.
e:xetr.eson
actionsur le
lIIll'IJe extér1aJr, e$ laaa:al.e '
"spir1t\aliste", <pf.. se concentre sur la vie intér.I.eure. [3]se_ rallie en quelque sorte à l'idée kantienne d'Ule camu:l8Ut:é d'êtres
"convertis", d'un peuple de Dieu régi par des lois exclusivement
éthi-tpeS.
L'avènement: sur
terre du RoyauDe <JeDieu, alDt
yeux de Tolstoy, coïncide inévitablement avec letriCl!Jlhe
de la religion, de la vJUU.ereligion* • Mais cette victoire ni est
pas
donnée gratuit.emtmt; elle est eot:XJUête, elle est le résultat d'une longue lutte dont les règles n'épar-gnent aux cœbattants él\JCUl effort.A. TOlSIOY RATIONAUSIE
Ce canbat, Tolstoy l'~ d'abord et avant toot ~ 1 ~Egllse offi-ciel le , dans la doctrine de laquelle ron seulement il
ne
distingue aur::tàleparcelle de VJlai..e religion, rrsis ne voit qu'1.Al foyer de fanatiSme et de
,
.
superstition, une "antlreligion" opposée et mêrœ hostile
à
l'enseignementdu On:i.st. Cette aninosité envers l'appareil ecclésiastique ne constitue pas, chez Tolstoy, le produit d'1.Al caprice a l d'une influeœe extérieure;
elle est le fruit d'\.De lCJqJUe et pénible crise :religieuse cpe l'écrivain raconte avec une sincérité désanœnte dans sa O::Jnfession (IspcM!d' - 1879).
Ayant cru tra.Jver le véritabl~ sens de l'existence mlDfliœ dans la
*
'~tOlS,
écrit Tolstay dans~:est-ce
cpe
!rJil~on
(fto
takœ rel1gija iv
èem
suRnost
fee -
9(1), cette giœ réside 'dans le christianisme, dans ses doctrines q.d. coinc:1deat t'IXl avec
qes
formes extér1euxes, DB1s
avec:
les ~ faxlamentales dubrailla-nisme, du cœfucian1sme, du
ta&isme,
ci.t judarsme, du bouliN.SIIe et aâœde la religicxllllJ8Ulnlme. I l en est exaçtaœŒ, de
mime
pour les adep-tes du brabœn1sme, ci.t confucianisme et des autt:es religions: la vraie religion sera celle dŒlt les thèses fondaMnta1.es cot:ncident: avec les doctrines faxlamental~ de toutes les autres gr_des œUg:lœs" [4].~l curieux destin mit cette VIl.CÜAl religion tolstoieme au cféisme,
tel qœ dêf1nt.
par
Voltaire: ''le théisme est me relig1œ r4perdue dans toutes les religions; c'est Ut métal q.d. s'allie avec tous lesautres, et dont les veines s' ételdeot sous terre aux CJ8tt'e coins du
-
20-1
conception de la vie du siIlple tIO.1jik, ayant appris, cœme Lev1ne', qu'il faut ''vivre pour sonâme,
pour Dieu" [6], Tolstoy adopte, dansïa
nesure du possible, le toodé de vie du peuplerusse,
fran::hitavec
lui les portes du te.!Ple, Suit doc1lerœnt les CT' , prescriptions et rites de: l 'Eglise, scuœt-tant les exigences de sa raison aux lois de la tradition. Et lorsque le caractère én1.gnBticpe et ténébreux de certains dogmes me~ sa naturerai-" - .. ~ - '
sonnante
a la torture, il apaise ses tourments ~s des théologiens 5la-vopules, dont les écrits lui enseignent que la .vérité n'est révél~qu'à
(,' - .
la camunauté des fidèles, unis dans l'aQDUr, c'est-à-dire
à
l 'Fglise. Le ~rejet d'ln seul dop, aussi obscur soit-il, peut ainsi, déduit Tolstoi, briser l'unioo, l'aroour et ~ Vérité. Il étouffe donc les laDentationS de sa raison et demeure ~~le à l'Eglise orthodoxe
JlE!9dant
me période d'environ trois ans (de 1876à
1879~, périodeà
l'issue de laquelle il ne· patvient plus cp! difficilementà
contrôler la répugnalv:e <pe lui1nspi-(:J rent les offices liturgicpes et les sacrements. lÂ! Baptême et
l'EU:ha-nstte lui paraissent alors tout particul1èreDent scandaleux et i l doit faite face
à
un dilenme: oumenti..:r
ou tcut œjeter. Mais le problèœ-est de taUle et Tolstoyhésite,'
juscp'à,ce
cpe l'Fclise
vierœ elle-mfmeassener
à
ce fils récalcittant le C'.Cq) de gdœ <pi l'éloignera à toutjarœ1s de son sein. L'écrivain lUSSe ép1'ouYe en
effet
\ft!brusc:fJe
cWsil-lus ion lorsqu'il voit 1
'~se
ort:bodaxe
d'une part secWc1.arer~SOlemel
lement l'unicpe dépositaire de la V&ité et soutenir c.ons4c:p • • • 1t que~ les aut:tes confessions religieuses, qu'elles soieftt
d'ill6pe:rœ
chrétienne ou non, baignent dans l'ertaJr, et, d'.autœ part,aœettte,
voire
mi!me ~, les jUerres,les
chltiments ~r~els et la peine de DOrt, trahissant ainsi 81dacieuserœnt l'espritirinique
de l'E.Vaqp..le.(
"
Cette préterdue infaillibilité cp! s'arroge l'Orthodaxie et la main
< •
,
forte cp 'elle prête aux carnages ht.Jrains détruisent ins~,
1 \
aux yeux de Tolstoy, l'idéal d'8JlI)U%' <pi, avait-il cru, anime l'Eglise.
les théories des nouveaux théologiens, de Viret (1797-1847)-et de
Xanjakov entre autres, lui apparaissent désormais
cœme
Ul pur concept, Ule utq>ie, Ul idéal qœ la réalité déDent:quotidiennement.
I.e vo!l~'.
,~
mystique dont il s'était efforcé de œcouvr1r l'Eglise ainsi soulevé, il ne- Teste plus devant lui cp'uœ institution hlmaine qui, par son
es-seŒe nâne, ne peut prétendte
à
l'infaillibilité. Or si l 'F.glise chré-tieme
bénit ouvertement lefanatisme
et le patriotisme, c'est précisé-ment qu'elle interprète faussement la paroleévmwélitpe
et s'égare. Et plus To1stoyanalyse
l' inteJ:prétatiCll ecclésiastique de la doctrine du O1r1st, plus il d.â:èle \.De contradiction flagrante entre la religion chrétieme et l'Fglise ch.t mtrme naD. Rœgé d'angoisse, le célèbre auteurde Q.Jerre et paix (Vojna i mir - 1869) se rend, en 1879,
à
J.a
Peœrskaja Lavra de Kiev, espérant trc:IU'Uerauprès
des saints er:m1tes 1.œ Iéponse<
satisfaisante
à
ses cp!Stions.Jlé9l
par ce premier pèlerinage, ilv1si-\
te <pelques mis plus tal'tl
et
sans plus grandsuccès
la Laure de laTrinité Saint-Serge,
1ID1IlStè1:e
c:pi a joué lm r6l.e de pnaf.er cb:».:x dansl'histoire ch.t natiOl'8l.isme russe*. N'8yant tra.Jvé èbez les DOines
et
•les religiaIX aucœe solution
à
son 4p1neux problème, Tolstoy dêcide de'*
Ce ...tète. 'est
tailléme
place dec::lm:x
dans 1 'histoire politicpedu pays
en
pI • • 1tme
part act1waux 1uttee
cpl ont . . , . . le'''n!IIpe
des tn:Jubles". MIitaJrphoH en véritable fatter .... abr:1taDt les dé-fenseurs de la natiCll-cp'Us
8Oia1t~, soldats ou ai1llplesl - paysans _, 11
muta
glorleualNTlt, de ...,... 1608A
~1610, au lcq et p6rd.ble
819
J.IIIpoMpar
l'a!III6e Ut:laa1o-pol.ona d1r1gée par lm faI.JK-Daltrl aspl:r:ant à, la c:ourallDe.-
-22-tenter seul tœ
analyse
détailléeet m1rIJt1euse
de la théologieortho-o
,
dmœ. En l'espace de
tJlelques
1II)is, au
ecg:.
déb:d: de l~, U dépad1-.
le
avec:
tout le _le du néqilyte le Haruel de thliolog1e ~t1queortOO-doxe du métropolite de Mlsc::Ou, ~. Macaire (Mixail Petrov:l~ Bulgakov,
-
,J
, 1816-1882). De cette étuIe natt la Critique de la th§ologie doplti5!;J! (Issl.edavard.e dogœtiœstcogo bogoslovi ja - 1880). CA! périple dans le
terre russe" et
de l'Eglise orthodmœ,c'est sous
i.a
féNle d'm strict
ratiooal.i.SIIIe que Tolstoy l'erltieptell:i. la raison cp.d. dirige son évalua-tion présente mc:aractère
toutà
fait c:ritiCJl8 et spk=ulat1f; lepen-seur russe s' abardotaJe
iciau
rai.sŒJnerœnt,à
tœ raiSŒldiscursive,
queles l.arfpes l'USse et all . . de tradu1sent par ~utJ.ok
et
VeA4tond (par oppositionà
Jta.;sum et VeAIWIlt,t>. 'La raison, obsene Tolstoy en 1896, est instruœnt de
c0n-naissance de la véribi -
contr&1e,
critique. ( ••• ) Ql en-teni par raiaan ll:llke d'activités intellectuellediver-ses
ett1'k
c::cJBt)le.as et parsuite
œ
cbJte sauvent dubien-f~ de la xaieon. En n!ponse i "ces doutes je dis cp'il y
a me
act1vid de laraison
cp.d.n'est pas
cbJteIJSe,à
sa-voit' l'ac:t1vi~ cr1ticp!, l'activité de CUlt:t6le de ce cp'on me t:r:ansmet. [7]Bien qu'U 4Kbette, avec
.
Kant, quecette raison
tt.ai.Aonnattt.Jz.n'ait point
.
accès aux ~tés mêt:aJ:hYsl<p!S, Tolstoy la
considère,
nétIm:d.na camel ",
"tm guide c:bmé
par Dieu et
sellblableà
lui" [8]. ct~tpourqmi
les ''insan!tésncp'i1
cWcouv:r:e
dans le DIIIUÙ. du métropolite MacaiEerep:r:tS-seŒent
à
ses
yeuxune off __
à
la ra.iac::aet
à
Dieu.
lal.ec:t:ur8
des -écrits ~blasp • •
tof.res deVo1ta1œ et
de 1bDe'(1711-1776),
.
.
avcue-t-U,
1'8lui
ont jaN! S laisséme
iapl:essionaussi
forted'
irré-l1&Lœ.
~ l'abeen:e totale deWrltable
esprit \cbrétien dans ces... '
l
,~
-
23-a
ratiocinations théologiques, Tolstoy s'aventure dans ce cpe NicolasWeisbein appelle julicieusement un "pèlerinage aux
sau:ces
chrétiemes" [9]..'
~s
le printenps1880,
il se livre en effetà
un long travaild'exégèse,
,
/~yse et une intetpLétation ratiooaliste des Evangiles J cp1 sera
terminé en 1881 et \ intitulé Ré\n1on et traduction des
<!J!ltt'!
E.Vaijp.les
(Soedinenie iperevbd
œtyrex Evangelij). ('.ès deuxoeuvres
CClIIi'; ltant\
les textes théologiques et ~iques cristallisent en cpelque sorte
\ ~
la cooc:eption tolstoieme du cbristianisue, conception qui habitera tous
ses
écri ts religieux subséquents.Ce chr1stianiSne tolstoi:en
se
caractérise avant toutpar
U'lanticlop-, / ,\
tisme invétéré. Allergique
à
taltes les "insanités" de la théologieor-tbxlaxe,
l'écrivainrusse s'
ac:hame d'abordcontre
le dogme de la1!!.-!!ll!.
Milan 1. Marl<.bvitch 'lemarcpe, dans son livre .Jean-Jaccpes.
Rousseau et Tolstoï, cpe les deux écrlvains n'ont jarœis Pl conr:ewir
.
l'association cil r!lClDbre avec l'idée de Dieu [10
l.
Dans le journal int1rœ de Tolstoy, en date du 16 navenbre 1896, CIl trouve effectivaœnt cesquel-cpes lignes,
fort
révélatrices: "( ••• ) par rapportà
Dieu il ne peut yo
avoir de
cœcept
derD1bze,
et c'est pourcpoi a l ne peutmIoe
pas dire~ Dieu Cfl' Il est U'l (1 avec la signification d 'tm. chiffre), mais en ce sens cp1'Il est un1œntricpe, cp'il est ncI'l un concept, mis \Il.
être ( .... )
[11]. L
'hœme,
assure Tolstoy dans sa CritiCJ!;J! de la tbI!ologie,
do&!!tigue,
cœplend . par
l'intelligence.
Or Dieu, en Têvélantà
1
'b.manitécp'
Il
est trois, autxenwent ditque
1 - 3 et que 3 - 1, viole les lois fondanentales de cette intelligence, de cette 1ant~qu'n a lui-mime
confiéeà
ses', enfantspour
les guider sur les chemins de la vie. Etce,
Tolstoy ne peutse
résa
dreà
l t accepter; le Dieu de' vie et d ',8DDUrqu'
11 Wnèxe ne peut \ 'c~-
24-l , se t1llCfIJf:!r ainsi des
hcmnes*.
Et c'est avec une ironie toute voltairien-ne, qu'il explique son indignation:\
....
'('
r , -' ,
o
Dieu, Dieu inccn::evable, mais epi-est, Dieu par lavo-l~é de qui je vis! 'lU as mis en moi cette aspiratioo
à
Te CŒndtre età
necomattre
moi-mime. J'ai erré,j'ai. cherché la vérité là
cil
ilœ
fallaitpas.
Jesa-vais
que
je me fou:rwya1s. Je ,me 'suis livré à mes ~vaises passioos et je savais qu'elles étaient DBUVaises,
trais je tE T'ai janais oublié; j'ai toujours senti Ta
présence,
même
au DOlent de mes erreurs. T'ayant perdu, j'ai. failli périr. Mais 1\1 m'as tendu la main, je l'ai saisie, et toute lJI1 vie s'est l1l.uuJ.née. 'lU m'as sauvéet, dorénavant, je ne c:hert:be plus CP'\D! chose: me
rapprocher de Toi, Te cœprerdre autant
que
cela m'estpo~s1ble. A1c:Ie-rrDi, ense1gne-moi! Je sais que je suis bon, que j'aime, que je veux aimer tout le monde, cp!
'.,' je veux aimer la vérité. Toi, Dieu d'8IJJJUl" et de véri-té, rapprochë DDi davantage de Toi, réVèle 100i tout
ce
'> que je puiscœprerdre
de Toi et de !ID!.Et ce Dieu bon,
ce
Dieu de vérité, merépê:Di
par la b0u-che de l'E'glise: ''La Divinité est Une et Trois" [12] •.
Tout être doué de
raison,
affi'1'l'De Tolstoy; peut pra:xn::er et répéter ma- .. /1chinalement ces inepties théologiques, mais sans vraiment y ajouter foi
.
car
il est 1np.)ssib1e de croireen ce
<piva
à l'eŒŒltre du bensens,
de la saine raisoo. ''Le cbunage cpE cause 'l'absurde enseignement de 1 '~ se, observe-t-U en 1890, c'est de saper la foi en la raison. Si laTri-nité est possible, tout
est
possible" [13]. D'ailleurs,en
parcourant1>
les écrits bibliques, 11 cœstate qJe ni l'Ancien ni le Ncuveau Testaœnt n'offrent d' arguœnt valable peruettant d'étayer cet article de foi. -\
*
To1stoy se trouve ici dans l'anbre duvicaire
savoyanf: ''LeDieu
quej'adore, s'exclame
ce
dernier, n'est point œ Dieu desténèbres,
il nem'a point doué d'U'l enten:Ierœ!nt poor m'en interd:b:e l'usage: me dire
~ soumettre lIB raison, c'est