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Bijoux monétaires et objets monétiformes, petites pièces d’orfèvrerie à vocation politique, économique et culturelle

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Bijoux monétaires et objets monétiformes, petites

pièces d’orfèvrerie à vocation politique, économique

et culturelle

Les bijoux monétaires, complexes à étudier, sont pourtant de riches témoins de l’économie, de la politique et de la culture dans l’Antiquité. Dans son étude méthodologique des pendentifs monétaires de la nécropole de Birka (Suède), Florent Audy explique très justement qu’il est souvent aisé de laisser ces objets de côté, notamment car ils se situent aux confins de deux disciplines bien distinctes1. Considérés par les numismates comme des bijoux et par les archéologues comme des sujets numismatiques, ces objets sont rarement envisagés comme des documents à part entière.

Détourner une monnaie de son usage premier pour en faire une parure est une pratique particulièrement développée dans le monde romain. Néanmoins, des cas précoces sont attestés, comme par exemple un statère d’or de Philippe II de Macédoine monté en bijoux. La fabrication de bijoux monétaires connut son apogée à partir de la fin du IIe siècle après J.-C dans l’Empire romain ; ils sont de plus nombreux au cours des IIIe et IVe siècles. À l’époque

byzantine de riches parures monétaires sont offertes aux plus hauts dignitaires par le biais des largesses sacrées.

Au IIe et IIIe siècles, les monnaies montées sont presque exclusivement des aurei. Ces monnaies en or produites en grande majorité dans l’atelier de Rome seraient prises comme des substituts des pierres précieuses et auraient conféré une une plus-value monétaire au bijou2. Pomponius Sextus, juriste romain actif à l’époque d’Hadrien et de Marc Aurèle, écrit dans son Digeste (VII, I, 28) :

« Nomismatibus aureis vel argenteis veteribus pro gemmis uti solent »

(« les monnaies d’or ou d’argent vrai pour pierre précieuse sont une utilisation habituelle »).

Ce ne peut être un hasard si ces bijoux figurent fréquemment dans les trésors monétaires d’une période par ailleurs caractérisée par une instabilité économique et politique croissante. La thésaurisation de l’aureus est plus fréquente à partir du règne des Sévères (192-235 ap. J.-C.) puis plus encore durant les décennies suivantes, sans doute en raison de la forte inflation de

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l’or. C’est dans ce contexte qu’apparaissent au sein d’ensembles monétaires conséquents des pièces serties de montures remarquables, qui traduisent l’importance du possesseur.

Plusieurs types de bijoux monétaires existent : il peut s’agir de pendentifs dont l’élément central est constitué d’une monnaie, de bagues s’évasant pour former des épaules triangulaires soutenant la monnaie encerclée et plus rarement de bracelets, de fermoirs ou de fibules.

Ce mobilier particulièrement luxueux a beaucoup été retrouvé en Gaule romaine, dans des trésors mixtes rassemblant monnaies, bijoux et vaisselles précieuses. L’enfouissement de bijoux monétaires dans des trésors peut faire l’objet de plusieurs hypothèses. Il pouvait être destiné à la refonte, à la thésaurisation, servir d’offrande à une divinité ou encore être le fruit d’une volonté de cacher sa proximité avec une dynastie. On sait grâce à l’auteur anonyme de l’Histoire Auguste que lorsque Septime Sévère s’empara du pouvoir il fit appliquer une confiscation des biens de ses opposants3 :

« Interfectis innumeris Albini partium viris, inter quos multi principes civitates, multae feminae inlustres fuerunt, omnium bona publicata sunt aeriumque auxerunt ; cum et Hispanorum et Gallorum proceres multi occisi sunt ».

« On mit à mort d’innombrables partisans d’Albinus, parmi lesquels se trouvaient maints notables de la cité et maintes femmes de l’aristocratie ; ils subirent tous la confiscation de leurs biens qui allèrent grossir le trésor public. Beaucoup de nobles espagnols et gaulois furent massacrés ».

Si cette pratique était usuelle, il ne serait pas étonnant que les familles aient préféré cacher les marques de leur attachement personnel au pouvoir précédent. La fabrication des bijoux monétaires et les raisons qui ont poussé leurs propriétaires à les ensevelir peuvent donc être diverses.

Histoire des collections : les bijoux monétaires du Cabinet

des médailles

Le Département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF, connu aussi sous le nom de Cabinet des médailles, conserve actuellement quelques-uns des plus beaux exemplaires de bijoux monétaires issus de trésors ou de trouvailles fortuites faites sur le territoire national.

Le collier monétaire de Naix-aux-Forges

Le collier monétaire de Naix-aux-Forges figure parmi les plus remarquablement conservé. Il fut découvert près de Commercy, sur le site de l’antique Nasium, dans un trésor a priori votif. Découvert par un certain Pierre Maulan sur sa propriété, l’objet fut acquis par la Bibliothèque, alors impériale, en 18094. Le trésor, mis au jour dans la capitale des Leuques, a été daté de la seconde moitié du IIIe siècle par une monnaie de l’empereur Gallien émise 259/60 ap. J.-C.

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Collier de Naix, Trésor de Naix-aux-Forges, collier aux camées, or, agate et onyx, 27 cm (BnF, MMA, inv.56.128).

Le collier est constitué de cinq pendentifs monétaires à l’effigie chacun d’Hadrien, Antonin, Septime Sévère, Caracalla et Geta et de deux camées en onyx représentant Julia Domna, épouse de Septime Sévère et la déesse Minerve. Les six pendentifs alternent avec des coulants de séparation : des tubes polygonaux en or travaillés avec minutie pour éviter que tous les médaillons ne se retrouvent au centre de la chaine.

Pendant de collier, Trésor de Naix, aureus de l’empereur Hadrien monté, or, 13 g, 25 mm (BnF, MMA, inv.56.150).

Les montures des bijoux monétaires sont réalisées en opus interrasile. Les aurei sont enchâssés dans des bandes circulaires étroites sur lesquelles sont soudées des collerettes circulaires ou polygonales, ajourées par des motifs de végétaux, d’esses5, de volutes ou de peltes6. De larges

bélières7 cannelées en or sont soudées à l’avant et à l’arrière des médaillons. La seule exception est pour la monture du bijou à l’image d’Antonin dont la collerette circulaire est décorée

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d’arceaux et deux bélières simples en or soudées à l’avant et à l’arrière du médaillon. Sa constitution laisse penser qu’il pourrait d’agir du fermoir du collier.

Le trésor de Rennes

Le Cabinet des médailles conserve également les bijoux monétaires du trésor de Rennes. Ce dernier a été découvert en 1774 lors de la démolition de la maison du Chapitre de Rennes. Le Chapitre de la cathédrale chargea le gouverneur de Bretagne de remettre le trésor au Roi qui le fit placer dans son Cabinet des médailles. Les médaillons, la patère et les monnaies du trésor furent volés en 1831, mais la patère ainsi que trois des quatre pendentifs connus furent retrouvés.

Patère de Rennes, vers 210 ap. J.-C., H. 4 cm, D. 25 cm, Poids 1.315 g (BnF, MMA, inv.56.94).

Les trois pendentifs ont reçu des monnaies en or émises sous le règne de l’empereur gaulois Postume. L’absence de coulant ne permet pas d’indiquer s’il s’agit de trois pendentifs provenant d’un même bijou. Cependant, les trois pendentifs semblent être liés par leur type commun. Deux des trois aurei ont été frappés avec le même coin de droit et de revers. De plus, deux des médaillons ont reçu des collerettes en opus interrasile avec des motifs similaires. Ces derniers sont complexes et laissent penser qu’ils ont été réalisés par le même orfèvre.

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Médaillons du trésor de Rennes, Trèves, vers 263 ap. J.-C., or (BnF, MMA, inv. 56.147, 56.148, 56.149).

Le trésor de Beaurains

Le 21 septembre 1922, des ouvriers briquetiers découvrirent à Beaurains un trésor de monnaies et de bijoux romains. Dans la nuit qui suivit la découverte, la moitié du trésor fut dérobé avant qu’il puisse être inventorié. Les éléments restants furent dispersés dans divers lieux de conservation. Le Cabinet des médailles de Paris fit l’acquisition de deux des huit pendentifs monétaires et les autres furent achetés par le British Museum, le Cabinet des médailles de la Bibliothèque royale de Belgique et le Musée d’Arras 8.

Médaillon du trésor de Beaurains, Commode, vers 192 ap. J.-C., Rome, serti dans une monture octogonale en or ajouré avec une bélière à deux rainures. Or, H. 4 cm, l. 3.6 cm, Poids 12.96 g (BnF, MMA, 1997.530).

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Les montures sont également réalisées en opus interrasile. Les aurei sont enchâssés dans des bandes circulaires étroites sur lesquelles sont soudées des collerettes ajourées par des motifs géométriques et des motifs similaires aux deux médaillons des trois pendentifs de Rennes. Les autorités émettrices des deux monnaies sont respectivement Elagabal et Commode.

Médaillon du trésor de Beaurains, Elagabal, vers 220, Rome, serti dans une monture ronde en or ajouré avec une bélière à triple rainure. Or, H. 3.9 cm, D. 3.4 cm (BnF, MMA, 1987.212).

La découpe des motifs des pendentifs du trésor de Beaurains semble avoir été réalisée par un outil à la pointe ronde tandis que celle des motifs de Rennes forme des lignes droites. En cela, le médaillon de Beaurains à l’effigie d’Elagabal se rapproche stylistiquement du médaillon de Néron conservé au Cabinet des médailles. Malheureusement, ce dernier faisait partie d’une collection privée léguée et nous en ignorons le lieu de découverte. La bélière du médaillon de Néron est cependant différente de celles de Beaurains et de Rennes puisque ici, elle est soudée à l’avant et l’arrière du médaillon.

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Pendant de collier, aureus de Néron, dans un encadrement ajouré, et muni d’une bélière. Or, D. 2.8 cm, Poids 11.35 g (BnF, MMA, Inv.56.151).

L’identification d’un même lieu de fabrication pour plusieurs bijoux monétaires n’est pas une tâche aisée. Si l’on retrouve d’objets en objets des motifs communs, chaque bijou monétaire présente des particularités, que ce soit au niveau des bélières, des motifs ajourés ou des outils employés pour l’ajournement de ces derniers. On peut trouver les mêmes montures de médaillons réunies sur un même collier, comme c’est le cas avec celui de Naix-aux-Forges, mais rarement deux strictement identiques dans des trouvailles éloignées9.

Enjeux et problème de l’étude des bijoux monétaires

Depuis une dizaine d’années, plusieurs chercheurs français et italiens se sont intéressés aux bijoux monétaires et les ont vus comme des objets d’apparat offerts aux hauts fonctionnaires ou aux seigneurs locaux10.

Chez les Anciens, le bijou monétaire ne devait pas être réservé à un seul sexe. Les colliers étaient souvent inclus dans des assemblages féminins et les portraits du Fayoum (Égypte)

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attestent de leur port par des femmes. Rien n’indique que les bagues, bien que de diamètre assez large, n’aient appartenu qu’à un seul genre11. On ne peut donc pas affirmer que les bijoux

monétaires soient des cadeaux exclusivement réservés à l’armée, constituée par définition que d’hommes.

Portrait de femme, vers 130-140 après J.-C., Antinooupolis (The Arthur M. Sackler Museum, Harvard University N° d’inventaire? ©Harvard Art Museums)

Selon Florent Audy, seuls les plus beaux exemplaires de bijoux monétaires ont mérité l’intérêt des chercheurs et cette erreur serait à l’origine du manque de connaissances sur le sujet12. En tenant compte des plus beaux bijoux conservés au Cabinet des médailles mais aussi des exemplaires moins bien connus comme les médaillons du trésor de Barleux13, ceux du trésor de

L’Houmeau14 ou encore celui de Tourouvre15, les analyses physico-chimiques révèlent qu’il

n’y a pas un seul centre de production spécialisé dans les bijoux monétaires en Gaule. Peut-être existe-t-il de grands ateliers puisque certains bijoux découverts sur le territoire gaulois ont fait l’objet d’un travail du métal assez similaire ? Toutefois, il y a également de nombreux bijoux monétaires où chaque élément de la monture a été réalisé à partir de fragments métalliques impurs, manifestement des remplois de matières de provenances diverses.

Cela amène donc à nous questionner sur les propriétaires de bijoux monétaires. Dans le cadre d’une précédente étude, une analyse portant sur douze trésors mêlant les informations intrinsèques des bijoux aux données relatives aux assemblages dans lesquels ils ont été découverts a été réalisée16. Les différences observées entre ces trésors laissent penser que les

bijoux monétaires les plus luxueux ont suscité une mode suivie par des propriétaires généralement plus modestes. En effet, les montures finement ciselées en or côtoient dans le catalogue de l’étude des exemplaires en argent, grossièrement travaillés et contenant des monnaies dites « fourrées ». Nous devons donc envisager le bijou monétaire comme un bijou adopté par des populations de niveaux sociales divers.

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D’après les études de C. Perassi, l’Orient est sans doute le région où ont été produits les tout premiers bijoux monétaires romains17. Très tôt, C. Vermeule affirmait qu’il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les Égyptiens aient été les premiers à faire monter des monnaies romaines, puisque dès l’époque hellénistique, ils utilisaient déjà des monnaies pour orner leurs vêtements18. Selon C. Brenot, si le bijou monétaire en Égypte ne pouvait constituer qu’une simple mode suivie depuis l’époque hellénistique, en Gaule, il faudrait y voir une toute autre origine19. Effectivement, les bijoux monétaires apparaissent au IIIe siècle en Gaule lors des

réformes monétaires et des crises entraînant la dévaluation de l’or.

Pendant de collier, aureus de Caracalla, 1er quart du IIIe siècle, dans une monture hexagonale en or ajouré avec une bélière. Or, D. 3.4 cm, Poids 14.75 g (BnF, MMA, Inv.56.154).

Le IIIe siècle constitue une période transitoire avant les grandes réformes de Dioclétien qui refonderont le système monétaire romain, presque trois siècles après la mise en place du système Augustéen20. C’est aussi un siècle marqué par des changements dynastiques notables.

Les nouveaux dirigeants de l’Empire ne sont plus d’origine italienne mais syrienne. Les Sévères sont largement représentés sur les bijoux monétaires et l’on peut se demander s’ils n’ont pas été des promoteurs de cette mode venue d’Orient. Les quelques bijoux monétaires représentant

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des Empereurs ayant régné avant Septime Sévère constituent une limite à cette hypothèse. Cependant, sans datation des montures, on ne peut pas savoir si leur création est postérieure ou antérieure au IIIe siècle. Les bijoux, aujourd’hui datés du IIe siècle pourraient en fait avoir été réalisés plus tardivement, notamment puisque l’on trouve par exemple sur le collier monétaire de Naix-aux-Forges des monnaies de la dynastie sévérienne côtoyant celle des Antonins. Les monnaies d’Hadrien et d’Antonin sur ce collier n’ont pu être montées avant le règne de Septime Sévère car stylistiquement, les montures sont contemporaines les unes des autres. Dans ce cas précis, on peut suggérer que ce choix ait pour but de rappeler le souci permanent des Sévères de présenter leur dynastie comme le prolongement légitime de celle des Antonins.

Il n’existe pas de typologique académique des montures de médaillons monétaires qui puissent permettre de dater leur création. Elles sont donc datables au siècle près, entre la date d’émission de la monnaie la plus tardive sur le bijou et la date d’enfouissement du trésor dans lequel elles ont été découvertes, qui elle aussi peut être sujet de débat. En effet, ce n’est pas parce que la monnaie la plus récente d’un trésor date de 270 après J.-C. que celui-ci a été enfoui cette année-là. Nous pouvons penser que ces bijoux sont le fruit d’une nécessité de thésauriser et de la volonté de s’emparer d’une mode initiée par des cadeaux diplomatiques qui existaient déjà avant l’institutionnalisation des largesses sacrées.

Les miroirs monétiformes : petit mobilier luxueux qui

utilise également la monnaie comme ornement

Dans l’Antiquité, les monnaies étaient un outil de diffusion de l’image du souverain dans le cadre public, mais il existe également des camées, intailles et miroirs monétiformes qui témoignent de la politique impériale dans le cadre privé. Pour la création de ces petits objets précieux, les monnaies en circulation à l’époque ont pu servir de modèle pour diffuser l’image de l’autorité romaine. Bien que la légende monétaire puisse disparaître sur les objets monétiformes, on observe fréquemment une reproduction du grènetis autour du portrait comme sur les monnaies et médailles antiques21.

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Miroir monétaire, complet mais en cinq éléments séparés : boitier (couvercle et fond), et trois plaques convexes étamées, deux grandes et l’une plus petite formant miroir. Le couvercle est orné d’un surmoulage d’un dupondius de Néron. 3e quart du Ier siècle ap. J.-C., bronze, D. 5.1 cm, E. 1 cm (BnF, MMA, Froehner.922).

Il est cependant nécessaire de différencier le bijou monétaire du bijou monétiforme. Un objet monétiforme n’a aucune valeur monétaire. Il est donc proprement destiné à la parure avec une idéologie symbolique visant à montrer son attachement au souverain, sans volonté de thésauriser pour des raisons économiques.

Les miroirs de Néron constituent un des rares exemples de production en série d’objets monétiformes. Les miroirs en bronze sont ronds, de petites ou de grandes tailles, avec ou sans rebords, et portent sur l’extérieur de la valve supérieure une reproduction moulée ou estampée du droit d’un dupondius ou d’un sesterce. La valve inférieure porte le revers de la monnaie copiée. P.-A. Besombes a constitué en 1998 un catalogue exhaustif des miroirs de Néron découverts dans les différentes provinces de l’Empire22 pour tenter de renouveler l’étude faite

en 1889 par W. Froehner23 et ainsi interpréter la raison de leur création.

On connaît donc des objets monétiformes avant l’apparition de bijoux monétaires romains. Ces miroirs apparaissent sous le règne de Néron, mais d’autres exemplaires de règnes postérieurs apparaissent de façon plus sporadique dans les collections. Le Cabinet des médailles conserve un miroir en bronze à l’image d’Antinoos, favori d’Hadrien. L’exemplaire ci-dessous est de petite taille, sans rebords, moulé directement sur une monnaie.

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Couvercle de miroir monétaire, à l’effigie d’Antinous, en buste à droite, IIe siècle ap. J.-C., bronze (BnF, MMA, Froehner.924)

Il existe également des miroirs avec rebords encerclant des copies de monnaies. Les miroirs étaient coulés pour imiter les médailles, puis découpés afin de séparer les deux valves. La surface réfléchissante à l’intérieur était constituée de métal argenté ou étamé. La monture est incisée de profondes rainures décoratives et certaines conservent les traces de découpe pour la fixation du miroir à l’intérieur. L’exemplaire découvert à Naix-aux-Forges, puis offert au Cabinet des médailles par le Baron Dupré en 1874, recouvre cette seconde typologie à rebords déterminée par P.-A. Besombes.

Miroir de Néron découvert à Naix-aux-Forges, D. 7,3 cm, E. 1.5 cm. Copie d’un sesterce, vers 66-68 ap. J.-C. (Ville de Toulouse, CC BY-SA).

On trouve également quelques exemples de sesterces ou de dupondius évidés avant d’être insérés dans la monture. Ce travail de la monnaie lui fait évidemment perdre toute valeur numéraire, ne restant que le symbolisme derrière la création. Cet aspect constitue une différence majeure avec les bijoux monétaires créés sans doute pour conserver la monnaie à portée de main avec une valeur symbolique ajoutée.

Comme pour les bijoux monétaires, la question de l’atelier qui a fabriqué ces miroirs a été soulevée par P.-A. Besombes mais n’a trouvé aucune réponse. Hormis des typologies de montures semblables, les monnaies copiées ou incluses dans les miroirs sont d’origines diverses. Certains exemplaires ont été découverts en Occident : France (Nîmes, Naix, Lyon, Boulogne-sur-Mer, Besançon), Allemagne (Cologne, Trèves), Angleterre (Coddenham), Sardaigne (Olibia) ou Italie (Rome). D’autres ont été découverts en Orient : Égypte, Grèce (Corinthe, Athènes), ou Syrie.

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Miroir monétaire, Néron, 2e moitié du Ier siècle ap. J.-C., Syrie (?), bronze, D. 4 cm (BnF, MMA, Bronze.1360 = Luynes.649 (Inv.116).

La plupart des trouvailles sont en contexte funéraire, généralement daté postérieurement à la création des miroirs. Fréquemment retrouvés dans des tombes masculines, les miroirs accompagnaient les défunts dans leur dernier voyage. P.-A. Besombes affirme que ces miroirs étaient des objets précieux qui se transmettaient sur plusieurs générations24. La répartition

géographique très éclectique des miroirs laisse penser qu’il s’agissait de cadeaux de l’empereur pour ses fonctionnaires civils et militaires.

Les bijoux monétiformes existent également. L’utilisation de l’empreinte d’une monnaie comme motif ornemental ne va pas disparaître avec l’apparition des bijoux monétaires. Tandis que les bijoux monétiformes sont fréquemment découverts en contexte funéraire, les bijoux monétaires eux le sont davantage en contexte de trésor. Il est probable que, malgré une valeur sentimentale, un attachement à une dynastie ou une volonté de copier une mode, le propriétaire d’un bijou monétaire n’en oubliait pas pour autant sa valeur numéraire grâce à la pièce en or intacte conservée dans la monture. Reste encore à savoir si la vocation première des bijoux monétaires était la thésaurisation ou s’il s’agissait d’une tendance lancée par les cadeaux de l’empereur à ses soldats et fonctionnaires.

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1. F. Audy, « Pour une étude méthodique des pendentifs monétaires : le cas des sépultures de Birka (Suède) ». In: Revue Numismatique, n° 168, Les Belles Lettres, Paris, 2012, p. 403-425. [ ]

2. A. L. Morelli, « Il gioiello monetale in età romana », in : I. Baldini Lippolis, M.T. Guaitoli, Oreficeria antica e medievale. Tecniche, produzione, società, Bologna 2009, p. 79 [ ]

3. S. Sévère, HA, XII.1 [ ]

4. Pour plus de renseignement sur le contexte de découverte voir : M. Avisseau-Broustet, « Trouvailles fortuites, fouilles programmées : l’exemple de Naix-aux Forges ». In :

Histoires d’archéologie. De l’objet à l’étude, Paris, Institut national d’histoire de l’art

(« Les catalogues d’exposition de l’INHA »), 2009, disponible en ligne. [ ] 5. Motif en forme de « S » présent dès l’époque néolithique dans le nord de l’Europe

chez les peuplades germaniques et celtiques. L’enchaînement de ces motifs constitue une frise fréquemment retrouvée dans l’ornementation orfévrée dite « barbare » par les peuples méditerranéens. Ce motif est également visible chez les Étrusques mais sa valeur symbolique laisse penser que son origine est celte. Pour plus de description des motifs voir : V. Kruta, Les Celtes, histoire et dictionnaire. Des origines à la

Romanisation et au christianisme, Paris, Robert Laffont, 2000. [ ]

6. Motif simplifié de la palmette grecque, élaborée par les Celtes pour sa ressemblance avec la forme du bouclier d’Amazone, la peltè ovale à double échancrure. Souvent transformée en visage, cette palmette celtique a pour valeur initiale la représentation symbolique de l’arbre de vie. Pour plus de description des motifs voir : V. Kruta, Les

Celtes, histoire et dictionnaire. Des origines à la Romanisation et au christianisme,

Paris, Robert Laffont, 2000. [ ]

7. Dans le domaine de l’orfèvrerie, une bélière correspond à un anneau creux ou à une petite bande de métal pliée pour former une boucle et servant à la suspension d’un pendentif, voir : F. Audy, « Pour une étude méthodique des pendentifs monétaires : le cas des sépultures de Birka (Suède) ». In: Revue Numismatique, n° 168, Les Belles Lettres, Paris, 2012, p. 412. [ ]

8. Voir sur le sujet, l’étude de P. Bastien, “Médaillons et Monnaies du Trésor de

Beaurains (dit d’Arras) conservés au musée d’Arras“. [ ]

9. Pour une étude approfondie des montures de bijoux monétaires et des ateliers : M. Joyet, « Les bijoux monétaires en Gaule et dans le monde romain. Étude

méthodologique et essai d’interprétation », Mémoire de Master en sciences pour l’archéologie, sous la direction de Pascale Ballet et Paul Van Ossel, Université Paris-Nanterre, 2018, p. 269-285. [ ]

10. A. L. Morelli, « Gioielli monetali tardoantichi : alcuni dati per il territorio dell’Emilia Romagna », in : A. L. Morelli, I. Baldini Lippolis (a cura di), Oreficeria in Emilia

Romagna. Archeologia e storia tra età romana e medioevo, Bologna 2010, p.

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11. Bague monétaire du trésor de Nizy-le-Comte : H. 2,42 ; L. 2,21 cm ; D. int 1,78 x 2,15 cm, 22,91 g ; voir H. Chew, V. Drost, « Bagues romaines d’un trésor du IIIe siècle de Nizy-le-Comte (Aisne) au musée d’Archéologie nationale ». In : Antiquités

Nationales, tome 46, Paris, 2015, p. 65-102. [ ]

12. F. Audy, « Pour une étude méthodique des pendentifs monétaires : le cas des sépultures de Birka (Suède) ». In: Revue Numismatique, n° 168, Les Belles Lettres, Paris, 2012, p. 403-425. [ ]

13. C. Brenot, C. Metzger, « Trouvailles de bijoux monétaires dans l’Occident romain ». In : C. Brenot (dir), X. Loriot (dir), L’or Monnayé III, Trouvailles de monnaies d’or

dans l’Occident romain. Actes de la table ronde tenue à Paris les 4 et 5 décembre 1987

/ Centre de recherches archéologiques, ERA 27 : Ed du CNRS, Paris, 1992, p. 315-371. [ ]

14. J. Flouret, G. Nicolini, C. Metzger, « Les bijoux d’or gallo-romains de L’Houmeau (Charente-maritime) ». In : Gallia n°39, 1981, p. 85-101, disponible en ligne. [ ] 15. P.-M. Guihard, « Le trésor double de Tourouvre ». In : Jahrbuch des

Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, 57, Jahrgang, 2010, p. 151-220, disponible en

ligne. [ ]

16. M. Joyet, « Les bijoux monétaires en Gaule et dans le monde romain. Étude méthodologique et essai d’interprétation », Mémoire de Master en sciences pour l’archéologie, sous la direction de Pascale Ballet et Paul Van Ossel, Université Paris-Nanterre, 2018, 330 p. [ ]

17. C. Perassi, « Nomismata pro gemmis. Pendenti monetali di età romana fra Oriente e Occidente ». In : L’Africa romana : ai confini dell’Impero: contatti, scambi, conflitti (Atti del XV Convegno Internazionale di Studi) Tozeur, 11-15 dicembre 2002), Roma, 2004, II, p. 921, disponible en ligne. [ ]

18. C. Vermeule, « Numismatics in Antiquity. The Preservation and Display of Coins in Ancient Greece and Rome ». In : La Revue Suisse de Numismatique, n° 54, 1975, p. 5-32, disponible en ligne. [ ]

19. C. Brenot, C. Metzger, « Trouvailles de bijoux monétaires dans l’Occident romain ». In : C. Brenot (dir), X. Loriot (dir), L’or Monnayé III, Trouvailles de monnaies d’or

dans l’Occident romain. Actes de la table ronde tenue à Paris les 4 et 5 décembre 1987

/ Centre de recherches archéologiques, ERA 27 : Ed du CNRS, Paris, 1992, p. 315. [ ]

20. Sur le sujet, voir par exemple : Dominique Hollard, “La crise de la monnaie dans l’Empire romain au IIIe siècle après J.-C. Synthèse des recherches et résultats

nouveaux“, dans Annales. Histoire, Sciences Sociales, 50ᵉ année, n° 5, 1995. p. 1045-1078. [ ]

21. C. Metzger, « Les bijoux monétaires de l’antiquité tardive ». In : Les dossiers

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22. “Les miroirs de Néron“, Revue Numismatique 153, 1998, p. 119-140. [ ] 23. “Les Grands Bronzes de Néron transformés en miroir”, Annuaire de la Société de

numismatique 13, 1889, p. 395-405. [ ]

24. P.-A. Besombes. « Les miroirs de Néron ». In: Revue numismatique, 6e série – Tome 153, 1998 p. 119-125, disponible en ligne. [ ]

Références

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