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Perceptions que les femmes ont de leur rôle et leur participation au programme d'alphabétisation de l'aménagement des vallées des voltas (A.V.V.) au Burkina Faso

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Academic year: 2021

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(1)

THÈSE PRÉSENTÉE

A L'ÉCOLE DES GRADUÉS DE L ’UNIVERSITÉ LAVAL

POUR L'OBTENTION

DU GRADE DE MAITRE ÉS ARTS (M.A.) par

SCHOLASTIQUE KOMPAORË

PERCEPTIONS QUE LES FEMMES ONT DE LEUR ROLE ET LEUR PARTICIPATION AU PROGRAMME D'ALPHABÉTISATION

DE L'AMÉNAGEMENT DES VALLÉES DES VOLTAS (A.V.V.) AU BURKINA FASO

5.5

UL

i m

Kî l

M A R S 1 9 8 5

(2)

A la mémoire de mon père, TAPSOBA Tenfisi Alphonse pour

l'histoire si souvent racontée de ce monsieur qui devant la misère des femmes, terminait toutes ses prières par la formule: "Mon Dieu, je vous remercie de ne m'avoir créé ni âne, ni femme".

Il s'étonnait aussi que ses filles abandonnent leur nom de famille pour prendre celui de leur mari. Elles auraient pu porter aussi bien le nom de famille de leur père ou de leur mère, si nous avions continué de fonctionner selon les normes mossi. Je tente de poursuivre sa réflexion et de travailler au mieux-être des femmes.

Je remercie tous les miens:

- Ma mère KOMPAORE Marie Thérèse, mes soeurs Gertrude, Blanche, Anne-Marie et Perpétue, mes frères Jean-Baptiste et Jean-Marie, pour l'amitié agissante et l'affection dont ils m'ont entouré, pendant les périodes difficiles que j'ai vécues.

- Mon mari KOMPAORE Julien pour les jours qui furent heureux et pour ceux qui le furent moins.

Je dois beaucoup au professeur Claude DEBLOIS qui, malgré mes indécisions et les difficultés de guider de loin un étudiant, m'a toujours soutenue et aidée. Je le remercie de m'avoir donné confiance.

Je remercie tous les professeurs du Projet ouest-africain de formation à la recherche en éducation, particulièrement MM. Roland

(3)

Je remercie Gael BRENDA, MC SWEENEY et Claudia FONSECA, mes amies de toujours qui m'ont donné le goût de la recherche.

Nos remerciements vont aussi à la Fondation Ford aux Etats-Unis et S l'Association canadienne pour le développement international

(A.C.D.I.) qui ont permis ma formation en sciences de l'éducation.

Ma gratitude aux secrétaires dactylographes Larba YODA, Pascaline YAMEOGO, pour leur patience et leur dévouement.

(4)

Cette étude est dédiée:

1) Aux femmes du Burkina Faso, et particulièrement aux femmes du Projet d'égalité d'accès des femmes et des jeunes filles à l'éducation de 111 ou. Elles venaient, de leurs villages, montrer à Ouagadougou la capitale, à travers des saynetes les changements opérés en elles grâce au catalyseur qu'a été le projet sus-mentionné. Elles sont passées d'une timidité mala­ dive à une aisance dans l'expression, même devant un public étranger.

2) A mes enfants:

- Sidbewindin Serge Gabriel; - Sidintoin Claude Marcel lin; - Sidwayan Eric Alphonse; - Sidzabda Christian Bernard.

(5)

Remerciements... i

Dédicace... v

Table des matières... vii

Liste des tableaux... xi

Chapitre I - Problématique... 1

1. Introduction... 2

1.1 Position du problème et revue de la littérature... 3

1.2 Généralités sur l'A.V.V... 11

1.3 Le développement selon l'A.V.V... 13

1.4 Les objectifs socio-économiques spécifiques... 14

1.5 Place des femmes mossis, versus place des hommes mossis dans 1 'A.V.V... 15

1.6 Activités socio-économiques des femmes des A.V.V., versus leurs activités socio-économiques traditionnelles... 18

1.7 Définition du problème: l'alphabétisation fonctionnelle et les femmes dans l'A.V.V... 24

1.8 Définition du problème... 28

1.9 Objet de l'étude et hypothèse de recherche... 30

1.10 Définition des concepts... 31

1.11 Zone et limites de l'étude... 34

1.12 Pertinence de l'étude... 35

(6)

Chapitre II - Méthodologie... 39

2.1 Cadre théorique... 40

2.2 Justification et définition des variables... 46

2.3 Echantillonnage... 54

2.4 Instruments de mesure, cueillette des données et leur val idation... 56

2.5 Le traitement des données et le plan d'analyse... 58

Chapitre III - Analyse, interprétation des résultats et conclusion... 60

3.1 Description de l'échantillon... 63

3.2 Analyse descriptive des résultats... 69

3.3 Analyse statistique des résultats... 105

3.4 Perception globale qu'ont les femmes de leurs rôles à l'A.V.V. et leur participation à l'alphabétisation.... 122

Chapitre IV - Conclusion générale... 130

Annexe A - Questionnaire... 137

(7)

64 65 66 67 68 69 70 70 71 72 73 73 74 74 76 80 82 85 88 94 96 98

100

Age des répondants... Situation matrimoniale... Nombre d'enfants... Age des enfants... Scolarité antérieure... Utilisation du moulin... Distance du mou!i n ... Utilisation du puits... Distance du puits... Perception du contenu des cours... Perception de la monitrice... Perception du lieu des séances... Perception des horaires... Perception des femmes à l'égard de la charge de travail... Perception à l'égard de la division sexuelle du travail... Perception de la répartition des bénéfices provenant de

la production agricole... Perception à l'égard de la communauté de biens... Perception à l'égard de la possession de biens personnels.... Perception à l'égard de la possession d'un champ personnel... Perception à l'égard de la rémunération personnelle... Perception à l'égard de la satisfaction des besoins... Perception de la contribution de la femme aux besoins

de la famille...

(8)

24. Perception à l'égard de la proximité de la grande famille.... 102

25. Relation entre participation et certaines variables de contrôle... 107

26. Participation et scolarisation antérieure... 108

27. Participation et utilisation du moulin... 109

28. Participation et distance du moulin... 110

29. Participation et perception du contenu du cours... 110

30. Participation et perception de la monitrice... 111

31. Participation et perception des lieux de séance... 112

32. Relation entre participation et les perceptions des femmes de

1

'A.V.V... 114

33. Participation et perception à l'égard de la charge de travai

1

...

115

34. Participation et perception à l'égard de la répartition des bénéfices provenant de

1

' agricul ture... 116

35. Participation et perception de la rémunération personnelle... 117

36. Participation et perception à l'égard de la satisfaction des besoins... 118

37. Participation et perception à l'égard de la proximité de la famille étendue... 119

38. Participation et échelle de perception globale... 124

39. Somme de tous les items... 125

(9)
(10)

2

Longtemps, comme le dénonce R. Bauer, (1965), les études sur les mass-mêdia ont traditionnellement été conduites à partir du point de vue des effets qu'en attend le communicateur. C'est ainsi que, d'après

Bauer, la question que se posaient les chercheurs qui se consacraient aux mass-média était et demeure:

"Oui dit quoi, à travers quel canal de communication, à qui, avec quels résultats"? et Bauer,(1965) d'estimer que:

"This apparently self-evident formulation has one monumental built in assumption that the initiative is exclusively with the communicator, the effects being exclusively on the audience" p. 508.

"The failure in research to this point has been that the audience has not been given full status in the exchange: the intentions of its members have not been given the same attention as those of the communicator" p. 510.

Par analogie avec les programmes de développement, on peut dire que, bien souvent, les évaluations des objectifs de ces programmes, sont menées par rapport aux effets ou aux résultats qu'en attendent les

planificateurs ou les techniciens. Or, si nous acceptons qu'un programme d'éducation ou de développement n'ait de valeur que celle que lui

(11)

attentes, détermine son adhésion au tout ou à une partie de ce programme.

C'est pour donner aux femmes impliquées dans l'autorité des aménagements des vallées des vol tas (A.V.V.) l'occasion de manifester leurs perceptions sur certains aspects de ce programme que nous entrepre­ nons cette étude. Elle permettra à rebours non seulement de savoir s'il a été tenu compte des besoins des femmes dans 1 'A.V.V., mais aussi de dégager ce qui influence leur participation ou non-participation aux activités d'éducation.

1.1 Position du problème et revue de la littérature

Les pays africains ont investi des ressources importantes pour l'amélioration de leurs conditions économiques et sociales depuis l ’indé­ pendance. L'analyse des plans de développement le montre aisément.

Quand il ne s'est pas agi d'investir dans des projets précis de dévelop­ pement, il s'est agi de créer les conditions essentielles à l'améliora­ tion de la production. C'est le cas de l'investissement dans

1

'infrastructure et surtout dans le domaine social.

Malgré ces efforts, on constate qu'en général, la situation économique et sociale tend à se détériorer. Dans beaucoup de cas, la production est en dessous des niveaux atteints pendant la colonisation. On le constate surtout dans la production, le rythme de progression est demeuré en dessous de celui de la population. Ainsi, beaucoup de ces

(12)

4

pays ne peuvent nourrir leurs populations que moyennant une aide exté­ rieure.

Mais, pourquoi cette évolution négative sur le plan économique? Parmi plusieurs raisons qui sont souvent évoquées, les plus citées sont les suivantes:

- le manque de cadres compétents;

- l'inexistence d'institutions et de structures modernes.

Ces divers éléments constituent certainement des entraves importantes, mais il me semble que l'obstacle principal réside dans la mauvaise utilisation des ressources locales disponibles, surtout

humaines. On sait que le développement est souvent compris comme une simple transplantation dans le milieu africain, d'expériences vécues ailleurs, et que cela se traduit, par voie de conséquence, par une transposition des rôles identifiés pour des acteurs économiques et sociaux, des contextes dans lesquels ces situations sont désirées, aux diverses couches de la population africaine. Non seulement ces rôles peuvent diverger de ceux qui ont traditionnellement permis aux systèmes endogènes de ces populations de se maintenir et de connaître une

stabilité certaine, mais cette transplantation, qui consiste à superposer de nouveaux rôles à des rôles anciens, se fait sans qu'il y ait transfor­ mation des valeurs locales; ceci ne contribue-t-il pas à accentuer les disparités économiques entre les hommes et les femmes?

(13)

contrai-rement aux idées des écoles de pensée sur le développement des années 50, la société n'est pas un tout organique tel qu'un changement dans un

secteur, peut générer des changements compatibles à travers tout le système. Les études de E. Boserup (1970) ont montré que les programmes de développement qui sont conçus par et pour les hommes, ne réussissent pas à générer des bénéfices pour les femmes. Les contradictions décelées dans le processus du changement social indiquent par ailleurs que des politiques pour accroître les emplois pour les femmes accroissent seulement leur exploitation si, en même temps, les salaires et les conditions de travail ne sont pas améliorées. Y. Mignot-Lefebvre, H. Bergman et L.L. Schultz analysant certains projets de développement concluent que la mécanisation dans

1

'agriculture:

"Décharge principalement les agriculteurs de certaines tâches alors qu'elle augmente celles des femmes qui conti­ nuent à effectuer les travaux non mécanisés" (Y. Mignot- Lefebvre, H. Bergman et L.L. Schultz, 1980, p. 836).

Rappelant par ailleurs qu'en Afrique, la séparation des revenus familiaux est plus fréquente que la mise en commun, les mêmes auteurs citent des cas où

"Il a été observé qu'une culture de rente, grâce à l'uti­ lisation de technologies modernes auprès des hommes

seulement, avait enrichi surtout ceux-ci au point que

(14)

6

de nouvelles épouses au lieu d'améliorer le niveau de vie de la famille" (p. 837).

Ils affirment en outre que chaque fois qu'un projet introduit une nouvelle unité de transformation, il met en péril les circuits tradi­ tionnels où les femmes dominent, alors qu'elles ne bénéficient que

rarement des unités industrielles.

D'une façon générale, la plupart des auteurs reconnaissent que les projets de développement ont eu moins d'impact chez les femmes que chez les hommes. Comme le suggère E. Boserup (1970), cet impact est même quelquefois négatif. C'est ce qu'affirme C. Preveslou:

"Les femmes n'ont bénéficié de cette action ni dans la même mesure que les hommes, ni dans une mesure répondant à ce qu'elles étaient en droit d'en attendre. Pis encore, dans certaines circonstances elles ont même vu leur posi­ tion sociale se détériorer" (C. Preveslou, 1975, p. 209).

Mais pourquoi les femmes tirent-elles moins de bénéfices des programmes de développement que les hommes?

Au contact de l'Afrique, les européens, considérant certaines pratiques, ont condamné en bloc l'organisation sociale des populations africaines comme infériorisant la femme. Prenant par ailleurs leurs propres coutumes comme la mesure de toute chose, l'introduction des programmes de développement s'est faite dans une méconnaissance sinon un

(15)

mépris des rôles tels qu'ils étaient antérieurement assumés par les

femmes. La contribution des femmes à la subsistance et à la producation, dénonce R. Reiter (1975) ont été ignorées des politiques coloniales, et les planificateurs contemporains aussi bien que les chercheurs continuent à ne pas en tenir compte; ce qui fait dire à E. Boserup:

"Virtually, all Europeans share the opinion that men are superior to women in the art of farming and it seemed to follow that, for the developement of agri­ culture, male farming ought to be promoted to replace female farming. Many Europeans did all they could to achieve this" (E. Boserup, 1970, p. 54).

En conséquence, les femmes ont été spécialisées dans les activités relevant de l'économie familiale, notamment la couture, la cuisine, la puériculture, le tricot, les travaux ménagers et non dans des activités agricoles qui pourtant, faisaient d'elles, avant la colonisa­ tion, les garantes de la sécurité alimentaire des familles. Même quand on reconnaît aux femmes ce rôle de garantes de la sécurité alimentaire, elles sont généralement exclues des possibilités de formation qui

devraient normalement les amener à améliorer leurs compétences de

productrices. Cette marginalisation des femmes a aussi un impact sur les niveaux et les types d'avantages auxquels elles ont droit dans la

société. Contrai rement aux objectifs que s'assignent les pays africains dans leurs plans de développement, ces avantages ont tendance à diminuer. Cette tendance a commencé pendant la colonisation et s'est amplifiée

(16)

8

depuis les indépendances. Avant la colonisation, les femmes avaient, en tant que productrices, un certain impact sur la distribution des

ressources de la famille, elles avaient une influence certaine sur leur propre sécurité alimentaire et matérielle. Cependant, depuis la coloni­ sation, les femmes semblent conduites vers un état de dépendance totale.

Même lorsqu'elles participent à des activités productives, elles n'ont généralement plus de contrôle sur le fruit de leur propre travail; ce qui les rend incapables d'assumer les responsabilités et de remplir les obligations qui demeurent les leurs dans la famille, comme le souligne H. Papanek:

"Government may make wrong assumptions about the social responsibilities of men and women. They may act as if men supported families rather than as if men and women together do so, or women do so alone" H. Papanek, 1977, p.15).

La revue de la littérature sur les femmes africaines dans le développement et leur participation aux activités de formation fait ressortir deux catégories d'études.

Les premières avec pour chef de file Preveslou et Papanek

pensent que les projets de développement, dans leurs composantes, contri­ buent souvent à marginaliser les femmes et à les rendre de plus en plus dépendantes. Ces études montrent que si ces femmes participent peu ou pas du tout aux projets de développement, c'est que ces projets ne

(17)

tiennent pas compte des besoins réels des femmes. Selon C.M. Elliot (1977) qui a réalisé des analyses critiques sur ce genre de littérature, l'argument de ces chercheurs est que, en se concentrant sur le produit national brut, une mesure en fait des marchandises et des services monayables, ces projets sous-évaluent la production d'une société et ignorent la question de la distribution. La négligence du travail non marchand fait dans les ménages, dans

1

'agriculture de subsistance et sur le marché du travail non formel, où les tâches sont plus souvent

exécutées par les femmes que par les hommes, a conduit à des politiques qui entravent la productivité des femmes. On investit très peu dans le travail non marchand et les coûts des incursions du marché sont ignorés. Partant de ces constatations, ces auteurs concluent que les femmes

souffrent de cette situation. Comme solution, ils préconisent que la définition du produit national brut (PNB) comprenne le travail des femmes, de manière à inclure une estimation de leur valeur dans les objectifs de développement. Ces études estiment qu'une planification plus réfléchie enlèvera les obstacles à la participation des femmes aux projets de développement. En substance elles disent que si les fausses visions sont dévoilées, de nouvelles données statistiques recueillies et de meilleurs arguments imaginés pour convaincre les bénéficiaires, les femmes peuvent tirer bénéfice du développement au même titre que les hommes (B.G. Me Sweeney, 1979, p.l).

Ces travaux illustrent bien le schéma de Bauer qui, comme nous l'avons mentionné en introduction, reproche aux études sur les communi­ cations d'interroger seulement l'émetteur et les canaux de transmission des communications pour expliquer les raisons des échecs des projets.

(18)

10

Les réactions et les comportements du récepteur face aux changements qui lui sont proposés dans ces projets ne sont pas pris en compte. Quand on perçoit une inhibition quelconque à l'égard des actions auxquelles

invitent ces projets, on l'explique en général par la passivité ou une indifférence congénitale, qui ferait des récepteurs, d'éternels

conservateurs, hostiles à tout changement.

L'autre catégorie d'études, illustrée dans notre revue de la litté­ rature par Boserup et Mignot-Lefebvre, s'intéresse aux réactions du récepteur. Elles estiment que c'est l'expérience de vie du récepteur qui le conduit à ne pas faire confiance et à ne pas accorder son adhésion aux initiatives entreprises, souvent sans sa participation, donc hors de ses besoins et de ses préoccupations pour améliorer ses conditions d'existence.

Cependant, ces études semblent procéder par inférence, â partir des observations des auteurs et de leurs déductions, plutôt qu'en

amenant les femmes elles-mêmes à réfléchir sur leur situation de vie, à s'exprimer sur les problèmes qu'elles rencontrent et sur la manière dont elles vivent ces problèmes. Cette façon de procéder contribue à

accréditer l'opinion bien ancrée dans les mentalités que les femmes rurales n'ont rien de sensé à dire, ou que les intellectuelles,

européennes comme africaines, prêtent leurs sentiments d'insatisfaction et de frustration aux autres. Il existe malheureusement pour justifier cette opinion beaucoup d'études qui prennent l'allure de généralités hâtives, surtout lorsqu'elles servent l'option idéologique d'un auteur

(19)

ou inconsciemment, on tronque les données en ne prenant pas en ligne de compte tous les éléments capables d'expliquer la situation et en ne retenant que ceux qui servent sa propre cause.

Notre étude, tout en s'inscrivant dans cette seconde lignée, tente de la dépasser. En effet, nous pensons que c'est la façon dont les populations vivent les divers projets et programmes qui rend compte de leur adhésion ou non aux changements qui y sont préconisés. Nous venons de voir que bon nombre de ces programmes de développement ont un impact différent sur les hommes et les femmes. Des études ont effecti­ vement montré par exemple que ces programmes peuvent diminuer les

revenus des femmes et engendrer un rétrécissement de leurs rôles, pendant qu'ils améliorent les conditions de vie des hommes. Il n'est donc pas inutile de se demander quelle influence cet impact négatif peut exercer sur les comportements des femmes vis-à-vis d'un programme de développement.

C'est à travers ce questionnement que nous allons analyser la place des femmes dans l'autorité des aménagements des vallées des vol tas (A.V.V.) et leurs comportements vis-à-vis l'alphabétisation fonctionnelle pour voir si la place qui leur est faite dans 1 'A.V.V. n'explique pas ces comportements. Mais tout d'abord, qu'est-ce que

1 'A.V.V.?

1.2 Généralités sur l'A.V.V.

(20)

1'amé-12

nagement des vallées des vol tas (A.V.V.) est un organisme à caractère industriel doté de la personnalité juridique et de l'autonomie

financière. Il a pour but l'installation de colons, en vue de l'exploi­ tation agricole des fleuves voltas (rouge, blanche, noire), rendus

habitables grâce â

1

'éradication de

1

'onchocercose, ou cécité des rivières. L'A.V.V. définit ses actions comme intégrées, en ce sens qu'elles concernent tous les aspects de l'aménagement du territoire, aussi bien la mise en place d'infrastructures économiques (routes, équipements hydrauliques) que sociales (écoles, dispensaires).

Il ne s'agit nullement de migrations spontanées. Les colons font une demande et son agréées par les responsables de 1 'A.V.V. s'ils

satisfont aux critères suivants:

- former une unité de migration constituée d'un ménage légal, comprenant au moins deux actifs;

- l'homme, le chef de ménage, est considéré comme le chef de l'exploitation et le seul interlocuteur valable dans les relations avec les dirigeants de l'A.V.V. A ce titre, il s'engage â suivre les directives culturales que va lui imposer l'A.V.V.

Ainsi, dès la première année, le migrant nettoie à la main deux champs de brousse de 1,50 ha chacun et 1 ha pour son lieu d'habitation et ses champs de case. Chaque année, il nettoie un autre champ et cela trois ou quatre années durant, selon les capacités de travail de son

(21)

monde. L'ensemble des parcelles nettoyées, constituent l'exploitation

familiale.

La terre appartient à l'Etat et 1 'A.V.V. peut retirer leurs parcelles d'exploitation à des paysans qui ne satisfont pas à ses exigences.

L'A.V.V. vise l'atteinte des objectifs suivants:

- élever le niveau de vie économique des familles par la modernisation de la production;

- élever le niveau social des familles par un programme éducatif au niveau des jeunes, des adultes hommes et femmes;

- animer les populations pour une participation collective au programme de développement

vil

1

ageoi s.

Pour atteindre ses objectifs, l'A.V.V., s'appuyant sur une vision implicite du développement, a défini des objectifs spécifiques et assigné des rôles à chaque membre de la communauté villageoise.

1.3 Le développement selon l'A.V.V.

(22)

14

le niveau de vie économique, il faut moderniser la production. Comment moderniser la production? La réponse de l'A.V.V. est qu'il faut

intégrer les exploitants et les exploitations. Le regroupement des terres doit permettre de lier non seulement

1

'agriculture à l'élevage, mais aussi de pratiquer l'assolement et la rotation des cultures; ce qui

renouvelle les sols. Il faut en outre s'assurer de la présence régulière d'un certain nombre d'actifs dans les parcelles pour que l'opération soit rentable. C'est pour toutes les raisons

sus-mentionnées que les femmes doivent avec les hommes, travailler exclusivement sur les parcelles communautaires. Cette façon de

concevoir les choses suppose non seulement une certaine conception du développement, ici, il s'agit du développement communautaire intégré, mais aussi une certaine définition de la communauté. Pour l'A.V.V., la communauté de base est la famille nucléaire qui représente non seulement la mise en commun des actions, des moyens de production et des bénéfices du travail, mais qui signifie aussi la répartition des rôles, des

obligations et responsabilités par sexe, éléments qui sont vus comme complémentaires. Cette définition postule à priori que ce qui

appartient à la communauté appartient à chacun de ses membres, signifie de fait l'augmentation des revenus pour l'ensemble de la communauté, que toute action bénéficiant à l'un, apporte du bénéfice à tous.

1.4 Les objectifs socio-économiques spécifiques

Dans l'A.V.V., les superficies cultivables étant limitées, la concession des parcelles à une famille est définitive, en ce sens que la famille ne peut à son gré, les étendre. Le migrant est un volontaire

(23)

qui s'engage à suivre les directives de l'A.V.V., c'est-à-dire

d'utiliser les semences améliorées fournies par l'A.V.V., de semer en ligne, d'utiliser des engrais et des insecticides, d'entretenir correc­ tement les parcelles et de cultiver le coton en suivant strictement les indications des agents d'encadrement. Les principales cultures sont le coton, qui occupe 40% des terres, le sorgho blanc et le sorgho rouge, le maïs, le niébé, le riz, les arachides, le mil et le soja.

L'Etat voltaïque a accordé à la Sofitex (Société des fibres textiles), une filiale de la Compagnie française de textile, le monopole pour l'achat du coton de l'A.V.V. Les céréales sont destinées à 1 'auto­ consommation, et leur vente n'est pas réglementée.

Pour stabiliser les migrants, et surtout les socialiser aux nouvelles normes de travail, les agents de l'A.V.V. (encadreurs et animateurs) outre leurs actions auprès des migrants en matière de vulga­ risation agricole, entreprennent,des activités d'animation et

d'éducation de la population. Ils les aident à s'organiser en véritables communautés villageoises (création de groupements et de comités villageois). Ils alphabétisent chaque catégorie sociale: les encadreurs, les hommes, les animatrices, les femmes et entreprennent une éducation familiale, nutritionnelle et sanitaire de la famille.

1*5 Place des femmes mossis, versus place des hommes mossis dans les A.V.V.

(24)

16

parcelles, les activités de:

- dessouchage; - labour; - semis;

- entretien des cultures; - récoltes;

constituent un indice d'activité égal à

1

.

00

: ce qui donne par sexe et par groupe d'âge :

Age Hommes Femmes

0 - 1 2

ans

0

0

12 - 15 0,50 0,25

1 5 - 5 5 1 0,75

55 - 65 0,50 0,25

Il faut remarquer avec A. Conti que le temps que la femme consacre aux activités domestiques (préparation des repas, puisage de l'eau, ramassage du bois, etc.) ne sont pas pris en compte, de même que le transport des récoltes, le stockage, le battage, tous des travaux dans lesquels la contribution de la femme est primordiale.

C'est pourtant sur les indices d'activités ci-haut définis, qu'on s'appuie pour répartir les parcelles en types d'exploitation selon le processus suivant:

(25)

Types d'expl. Indices d'activités Superficies des parcelles Nombre de parcelles Superficie totale en ha

1

a 1.75 - 2.25 1.50

6

9

1

b 2.50 - 3.25 1.50

6

9 II 3.50 - 4 1.50

6

9 III 4.75 - 5.75 1.50

6

9 IV

6

- 7 3

6

18 V 7.25 - 8.15 3

6

18 VI 8,50 + 3

6

18

Même si l'indice d'activité de la famille est important, si les actifs masculins sont nombreux, la femme participe peu à l'ensemble des travaux des champs.

En général, elle ne participe pas au dessouchage et à la coupe des tiges mûres. Mais souvent, la coupe des épis et les transports des récoltes sont l'apanage de la femme. Elle participe aux côtés de

l'homme aux autres activités agricoles qui, compte tenu de la superficie des parcelles et de la variété des tâches en ce qui concerne le coton, durent 10 mois. Lorsqu'il y a peu de main-d'oeuvre masculine qui travaille sur les parcelles, les femmes sont alors obligées de

(26)

18

Les informations recueillies par J. Guissou et analysées par A. Conti, selon un questionnement marxiste montrent que les rôles des femmes dans l'A.V.V. sont bien différents de ceux qu'elles remplissaient traditionnellement dans leur village d'origine. Mous allons relever quelques-unes de ses remarques pour illustrer cette différence.

1

.6

Activités socio-économiques des femmes des A.V.V. versus leurs activités socio-écojiomiques traditionnelles

A. Conti, s'appuyant sur l'étude de Guissou, faisait remarquer ceci :

"All the

86

women interviewed, except 10 Dagari women, had a personal plot of land (of 0.25 to 1.50 hectares) in the traditional village, on which they were helped by young daughters and sometimes by sons (even husbands at times when heavy work was needed on the field).

Over this plot, the women had full control of production and marketting and of the revenue which she then has at her disposal. She also had duties on the common field and often made economic contributions to the

nourrishment of the family; she is fully in charge of the condiments that are necessary for preparing the sauce for each day's meal, while men are in charge for providing cereals and meat" (Guissou Report, A. Conti, 1978-79, p.82).

(27)

Conti poursuit en indiquant que le propriétaire de la terre dans le village traditionnel est le chef de la famille, mais que cela ne limite pas le droit des femmes à posséder un champ personnel qui,

rappelons le, est la source de tous les autres biens qu'elles peuvent acquérir ultérieurement et grâce auxquels elles peuvent remplir leurs obligations vis-à-vis d'elles-mêmes, de leurs enfants et maris et de leurs familles d'origine. Grâce aux revenus générés par les champs, les femmes peuvent par ailleurs se consacrer à des activités commerciales, desquelles elles peuvent tirer des revenus. Dans l'échantillon de

Guissou rapporte C onti, 71% des femmes indiquaient qu'elles menaient des activités commerciales dans leur village d'origine. Elles vendaient en général des condiments, de la bière de mil, de la nourriture et des produits artisanaux.

Dans les villages A.V.V., les femmes ont perdu toutes les activités qui leur assuraient une indépendance économique et une

autonomie alimentaire. D'après toujours Guissou, des champs personnels pour les femmes n'ont pas été envisagés. Les possessions en terre de la famille et le lieu d'habitation de la famille ont été définis comme la propriété de la famille, entièrement gérée par le chef de famille, sous le contrôle technique des techniciens de l'A.V.V. Les membres actifs dans la famille (femmes, jeunes gens et jeunes filles) sont donc au service du chef de famille. Pour entreprendre d'autres activités commerciales, la femme dépend du bon vouloir de son mari, ce dernier pouvant, à l'intérieur du crédit qui lui est offert, accorder une partie à sa femme. Mais, remarque Conti:

(28)

20

"Unfortunately, what is more likely to happen is that women take over these interest in the project, but then increased workload often leave them with no time for anything else" (A. Conti, 1978-79, p.

88

).

Certaines femmes, poursuit l'auteur ont indiqué dans l'étude de J. Guissou, que même si leurs maris étaient désireux de leur accorder une parcelle personnelle à cultiver, elles refuseraient parce qu'elles manquent de temps. Effectivement, J. Guissou estime à 15 heures, la journée de travail d'une femme pendant les travaux champêtres.

Ainsi donc, alors que les femmes ont perdu le contrôle sur les tâches qui ont été traditionnellement les leurs, elles ont gagné du labeur et elles sont devenues complètement dépendantes des hommes. L'auteur conclut que, malgré tout cela:

"The attitude of women towards economic indépendance has not changed" (op.cit. p. 89).

Le fait, achève Conti (p. 90) que la femme soit maintenant dépendante de son mari pour la satisfaction de ses besoins et pour sa contribution à l'alimentation de la famille, a changé sa position à l'intérieur de la famille avec des conséquences sur ses relations

sociales. Elle n'ose plus participer aux cérémonies puisqu'elle ne peut plus échanger de cadeaux. Le résultat n'est pas seulement une perte économique, car:

(29)

"In addition, where her (a women) contribution to the family is only in the form of work, this does not have the same weight in terms of personal

position as her contribution in goods or cash as in the past. Women have become dependant on men for their personal needs and those of their children" (op.cit. p.90).

Si nous mettons côte à côte les droits et obligations socio- économiques des femmes dans les A.V.V. et dans leur village d'origine, nous avons ce qui suit:

Droits et obligations des femmes | Droits et obligations des femmes mossis dans les villages d'origine mossis dans les villages A.V.V.

avoir un champ personnel;

avoir des biens personnels (argent, I grains, vêtements, ustentiles !etc.); avoir des activités lucratives I (commerce, artisanat);

travailler dans son champ | personnel ;

travailler dans le champ communau- | tai re ;

remplir toutes les corvées | ménagères ;

faire biens communs avec le mari qui en est le seul gérant;

- travailler dans le champ communautai r e ;

- remplir toutes les corvées ménagères;

(30)

22

- satisfaire ses besoins personnels; I - fournir les condiments pour les

sauces; I

- assurer la nourriture des jeunes

enfants; I

- faire des cadeaux et porter

secours en céréales et argent à sa | famille et à celle de son conjoint.

- satisfaire ses besoins personnels; - fournir les condiments pour les

sauces;

- assurer la nourriture des jeunes enfants;

- faire des cadeaux et porter

secours en céréales et argent à sa famille et à celle de son conjoint; - suivre les cours d'alphabétisation.

Si nous examinons ce tableau, sans oublier que la base de toutes les autres activités en milieu rural est l'agriculture, on peut remarquer ce qui suit:

A 1 'A.V.V. contrairement à ce qui se passait au village, le femmes n'ont plus de champ personnel, mais cela ne signifie pas qu'elles ont vu diminuer leurs tâches agricoles. Au contraire, les études

indiquent clairement qu'elles ont des journées de labeur plus longues qu'au village soit de 15 heures par jour au lieu de 10 heures. En outre, la saison agricole dure plus longtemps à 1 'A.V.V., à cause de l'introduction des cultures de rente, coton surtout, qui n'étaient pas pratiquées au village et à cause de la grande superficie des parcelles de culture. Les études font état de 10 mois/an, au lieu de

6

mois auxquels les femmes étaient habituées. Or nous avons vu comment le champ personnel est essentiel aux femmes. Il est en général la source des autres revenus qu'elles peuvent éventuellement acquérir. Ce sont

(31)

les produits de ce champ qui, une fois vendus, leur permettent de disposer de sommes à consacrer au commerce. Perdre cette source de revenus c'est donc, le plus souvent, ne pas pouvoir se consacrer à d'autres activités lucratives. Ainsi donc, à cause du manque de temps, et aussi parce qu'elles n'ont pas d'argent pour les investissements de base, les femmes ne mènent pas d'activités commerciales à l'A.V.V. En effet, comme nous l'avons vu, le produit de la vente du coton est

intégralement versé au mari qui le gère à sa guise, et qui seul, juge de l'opportunité d'en donner ou non à sa femme.

Les femmes ont perdu de ce fait, les moyens de remplir leurs obligations qui elles, demeurent inchangées. L'intégration des femmes mossis à l'A.V.V. leur a fait perdre le peu de droits qu'elles avaient dans le contexte traditionnel, sans pour autant diminuer leurs obliga­ tions.

Ce mode d'intervention de l'A.V.V., qui exploite les femmes tout en les excluant des bénéfices générés par le programme, fait dire à B. Rogers ce qui suit:

"In these projects women are expected to provide a major part of the labor forces, while rights to land are taken away, and all financial incentives withheld from them and given exclusively to their husbands. The result is acute dissatisfaction, conflict and significant numbers of women leaving all together.

(32)

24

Dans un tel contexte, n'est-il pas étrange que les responsables de l'A.V.V., dans leur tentative d'implanter des actions de formation comme l'alphabétisation fonctionnelle, s'étonnent des difficultés rencontrées auprès des femmes?

1.7 L'alphabétisation fonctionnelle et les femmes dans l'A.V.V.

C. Dalbera qui a conduit l'essentiel des études se rapportant l'alphabétisation dans l'A.V.V. donne une très bonne définition du

concept d'alphabétisation fonctionnelle. Pour lui (p. 19)

"L'alphabétisation fonctionnelle se veut une action de formation de base sur mesure, intégrée à un projet de développement global précis géographiquement et socio-économiquement défini, où elle puise son inspi­ ration et où elle trouve sa finalité" (13).

Plus loin, il détaille (p. 19)

"Il s'agit de se réunir pour discuter en groupe restreint et homogène sur des sujets qui touchent personnellement les participants parce que, en prise directe sur leur vie familiale, sociale, profession­ nelle, en vue de:

- réunir les informations des membres du groupe et de son animateur sur le sujet;

Qj

(33)

communauté à laquelle appartient le groupe.

- chercher ensemble des solutions à ce problème ou examiner le bien-fondé des solutions

proposées pour le développement;

- se décider à changer, à agir, en inscrivant les solutions à l'ordre du jour des choses concrètes à entreprendre à l'avenir" (14).

L'écriture et le calcul doivent servir cette finalité de 'alphabétisation.

Et l'auteur de poursuivre (p.20)

"Il s'agit d'apprendre à lire et à écrire pour répondre finalement à des besoins précis, ressentis et exprimés par le groupe, soit d'une façon

spontanée, soit parce que, suite à une sensibilisa­ tion, ces besoins ont été suscités. Et, non

seulement l'apprentissage sera donc orienté vers la réponse à ces besoins, mais encore il se fera à partir des textes liés au sujet de la causerie.

(34)

26

Il s'agit enfin de s'initier au calcul écrit pour répondre là aussi à des besoins précis qui ne sont pas couverts par les techniques de calcul mental connues des participants (comme par exemple la notion des nombres, l'addition de série de nombres non maîtrisables mentalement)" (15).

L'action d'alphabétisation commencée en fanfare dès 1976 et qui a connu au départ, des résultats remarquables s'est vite enlisée; très peu de centres viendront après 1978, s'ajouter aux 34 centres d'origine. De nos jours, rien n'indique que les choses se soient sensiblement

amél iorées.

Les animatrices, comme les responsables de l'alphabétisation se plaignent toujours de la mauvaise fréquentation, surtout des femmes. Analysant les raisons de cet absentéisme, C. Dalbera incrimine (p.

8

):

o

1 Les mouvements de personnels à la base

"Oui n'ont pas permis aux encadreurs et aux anima­ trices de rester suffisamment de temps dans un même village pour mener l'action jusqu'au bout" (16).

o

2 L ouverture tardive des centres (avril au lieu de janvier) alors que les tâches agricoles commencent dès juin. L'ampleur de ces tâches entraîne la fermeture des classes d'alphabétisation. Il n'y a donc plus que deux ou trois mois pour les séances d'alphabétisation, au

(35)

lieu des 4 à 5 moi-S nécessaires pour arriver au seuil de rétention des connaissances instrumentales (lecture, écriture, calcul).

o

3 L'inexistence d'une contribution financière de l'A.V.V. pour les actions d'alphabétisation. Ce sont les auditeurs qui achètent leur matériel et cotisent pour couvrir les autres frais.

o

4 La faiblesse d'un environnement écrit en langue nationale qui fait qu'aux yeux de certains auditeurs, il y a une disproportion entre les avantages espérés de l'alphabétisation et l'effort demandé pour s'alphabétiser.

o

5 La formation accélérée des alphabétiseurs ne leur donne pas le minimum de compétence requis pour aborder l'alphabétisation avec suffisamment de motivation.

Au niveau plus particulier des femmes, C. Dalbera fait remarquer (p. 9) que:

"Le problème de la cotisation peut être un obstacle pour les femmes qui, travaillant beaucoup sur les champs familiaux, n'ont pas le temps de se constituer des revenus personnels substantiels, soit grâce aux champs personnels soit grâce au commerce. Ayant

"suivi leurs maris", elles déclarent "dépendre d'eux pour l'argent" (C. Dalbera, 1979, p.9).

(36)

28

Il ajoute par ailleurs (p.

8

)

"Les paysannes ont eu un emploi de temps excessi­ vement chargé (15 heures) par jour en moyenne, les mettant dans l'impossibilité de participer à

quelque réunion que ce soit à la moindre surcharge temporaire de travail (corvée d'eau allongée suite à une panne de la pompe ou par manque de débit, enfant malade, pas de farine prête, etc.). Pour elles, le manque objectif de temps pour assister régulièrement aux séances d'alphabétisation et même aux autres réunions organisées par les animatrices est donc un handicap encore plus grand pour

parvenir à des résultats satisfaisants" (op.cit. p.

8

). 1

.8

Définition du problème

Depuis cette étude, on a tenté d'apporter des solutions aux problèmes qui sont recensés comme contrecarrant la participation des femmes aux activités d'alphabétisation. C'est ainsi que des parcelles de culture ont été octroyées aux femmes par certains maris quand ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui, d'autorité, se sont taillées d'elles-mêmes des parcelles de culture sur celles abandonnées par l'A.V.V. et qui, il faut l'avouer, sont souvent impropres aux cultures.

Par ailleurs, des technologies villageoises, (moulins,

(37)

place. Le temps ainsi récupéré et l'énergie gagnée peuvent être

réinvestis dans l'alphabétisation. On était donc en droit de s'atten­ dre à ce que les femmes se montrent plus ouvertes et plus réceptives aux activités et aux objectifs de l'A.V.V., entre autres qu'elles partici­ pent davantage aux séances d'alphabétisation destinées à les socialiser aux nouvelles normes, attitudes et comportements que l'A.V.V. attend d'elles.

Mais force nous est de constater, d'après les rapports mensuels des animatrices, que "les fermes continuent à participer très peu aux séances d'alphabétisation". Pour expliquer l'absence de motivation des femmes vis-à-vis l'alphabétisation, on a incriminé le plus souvent le manque de temps ou le manque de moyens. Or nous voyons que là où des technologies (moulins, puits, charrettes) ont été installées pour

permettre aux femmes de trouver du temps, la fréquentation de celles-ci aux séances d'alphabétisation ne s'est pas améliorée pour autant. Cela nous amène à nous demander si cette absence de motivation, ne viendrait pas plutôt de la perception négative des interrelations entre les divers aspects des rôles des femmes dans les A.V.V. que de certains de ces aspects pris isolément. Ce n'est pas tant, le surplus de labeur, que le fait que l'excès de travail ne débouche pas sur des gains en proportion avec les peines exigées pour réaliser ce travail, qui rebutent les femmes. Nous pensons que dans une situation donnée les femmes mettent ensemble d'un côté tout ce qui est gain, de l'autre tout ce qui est perte, et selon que la balance penche d'un côté ou de l'autre, elles se montrent favorables ou non à cette situation prise dans sa globalité. C'est peut-être ce qu'ont voulu traduire certaines migrantes en 1978,

(38)

qui disaient à un responsable de l'A.V.V. que si le coeur y était, c'est-à-dire que si elles trouvaient leur compte à l'A.V.V., elles se ménageraient bien du temps et trouveraient l'argent nécessaire pour s'alphabétiser. Nous pensons que la décision des femmes de participe ou non à l'alphabétisation, dépend de cette perception de leur vécu à 1 ' A.V.V.

Les résultats des études sus-mentionnées confirment notre pensée que, pour que les femmes adhèrent aux normes en vigueur à l'A.V.V., entre autre l'alphabétisation, il faut qu'elles perçoivent les rôles définis pour elles dans ce projet coïncident avec leurs attentes et leurs besoins.

1.9 Objet de l'étude et hypothèse de recherche

Nous nous proposons donc d'interviewer les femmes sur la perception qu'elles ont de leurs rôles socio-économiques dans l'A.V.V pour voir si cette perception influence leur participation à l'alpha- béti sation.

Notre hypothèse de base est que ce n'est pas une perception spécifique comme "le manque d'argent ou le manque de temps" qui influence la participation des femmes à l'alphabétisation, mais une perception globale de leurs rôles dans les A.V.V. qui influence cette parti ci pation.

(39)

rôles socio-économiques dans l'A.V.V. participent à l'alphabétisation. Celle qui en ont une perception négative ne participent pas à

1 1

alphabéti sation.

Avant de nous engager plus avant dans cette étude, une définition des concepts que nous utilisons s'impose.

1.10 Définition des concepts

1.10.1 La perception

La perception à laquelle nous nous référons ici n'est pas l'expression d'un sentiment, ou d'une croyance, mais l'évaluation par une personne d'une réalité vécue, afin d'en dégager les facteurs de satisfaction ou d'insatisfaction, les facteurs favorables ou défabora- bles expliquant la perception. H. Cantril (1968, p.7) dit ceci:

"We may define a perception then as an implicite awareness an action might have, with respect to carrying out some purpose that might have value for us" (

19

).

Il s'agit donc d'une perception sociale. Elle comprend, comme le montre Cantril, d'autres personnes dont les buts, les attitudes et les comportements ont une influence potentielle sur les nôtres. Ce qui signifie que nous sommes incapables, dans la mesure oD nous ne faisons

(40)

pas attention aux buts des autres, avec lesquels nous sommes associés de réaliser nos propres buts.

Pour trouver une réalité vécue, positive, il faut y trouver plus de facteurs de satisfaction que d'insatisfaction, plus de facteu favorables que défavorables.

1.10.2 Le rôle

Pour M. Banton, la notion de rôle est ainsi présentée:

"Every member of a social unit, be it a ship, a football team, or a nation, has one, or more parts to play. He has tasks to perform, and is entitled to receive services from other people in recognition of his contributions. These clusters of rights and obligations constitute roles. By rights is here understood a socially sanctionned claim either upon other persons or upon society in general. By

obligation is meant a socially sanctionned expectation binding a person to meet legitimate claims..."

M. Grawitz, quant à elle, estime que:

"Le rôle est constitué par l'ensemble des conduites et attitudes considérées comme normales par la

(41)

société. Ce qu'elle attend d'un sujet possédant tel statut défini par l'âge, le sexe, la situation professionnelle, familiale, politique " (Grawitz, 1979, p. 537).

Dans notre étude, la notion de rôle se définit comme un certain nombre de tâches et obligations à réaliser selon des normes acceptées par tous comme des façons normales d'agir, de se conduire et de se

comporter. A ces tâches et obligations, correspondent certains droits et pouvoirs non moins reconnus par les normes, qui font que chaque individu tire avantage de la position qu'il occupe ou du rôle qu'il joue dans la société.

Nous faisons nôtre le sens accordé au mot pouvoir par C. Maccio qui dit ceci:

"Chaque personne ayant une responsabilité doit avoir le pouvoir nécessaire pour l'exercer" (Maccio, 1980, p.

86

).

Pouvoir est donc pris dans le sens de moyens d'action, qu'ils soient physiques ou matériels. Par exemple, pour une femme en milieu mossi, posséder un champ personnel, c'est disposer de moyens d'action

(produits agricoles, revenus monétaires) qui doivent lui permettre d'assumer ses responsabilités ou ses obligations (nourrir sa famille, subvenir à ses besoins personnels, et remplir d'autres obligations sociales).

(42)

34

Dans le cas de personnes transplantées dans un nouvel environ­ nement physique et social, qui véhicule d'autres valeurs et normes, un déséquilibre peut être constaté entre les anciennes et les nouvelles tâches et une incompatibilité peut se manifester entre les droits et obligations des divers membres du groupe faussant ainsi

1

‘interrela­ tion entre les divers rôles assumés par les individus dans un groupe.

1.11 Zone et limites de l'étude

La population cible que nous avons choisie est celle des femmes mossis, installées dans les villages A.V.V., depuis le début du projet. Les raisons de ce choix sont multiples. La région habitée par les mossis est située au centre de la Haute-Vol ta, avec une très forte concentration de population qui végète sur un sol aride qui s'appauvrit d'année en année. C'est donc dans cette région qu'on rencontre le maximum de candidats à

1

'émigration.

D'être amené à émigrer signifie par conséquent que les

populations partent avec l'espoir d'un mieux-être. En outre, les femmes mossis ont le droit, traditionnellement, comme nous l'avons vu, de

disposer de terres et de biens personnels. En plus, les premiers

villages disposent davantage d'infrastructures (moulins et puits). Cela nous permet donc de disposer d'une population assez homogène qui

facilite les comparaisons. Un autre atout est que nous parlons la langue; les interviews en seront d'autant facilités. La concentration des premiers villages dans une même zone nous permettra une économie d'énergie et de moyens plutôt maigres. Notre étude se limite à un

(43)

groupe restreint de femmes. Les résultats ne peuvent être généralisés ni à d'autres femmes mossis, en dehors du contexte des A.V.V., ni à des femmes d'autres ethnies, qui dans leur village d'origine, n'assument pas les mêmes rôles socio-économiques que les femmes mossis. En outre, il existe d'autres facteurs qui en dehors de ceux recencés par C. Dalbera peuvent influencer la participation ou la non-participation des femmes à l'alphabétisation comme le quotient intellectuel des femmes de plus de 40 ans, ou le refus du mari que la femme participe, mais nous pensons que la perception que les femmes ont de leurs rôles socio-économiques est plus pertinente pour expliquer leur adhésion ou non-adhésion au programme d'alphabétisation.

1.12 Pertinence de l'étude

En 1974, le Président de la république, dans le discours du programme du Gouvernement pour le renouveau national (G.R.N.) disait:

"Nos préoccupations sont également de rechercher la meilleure formule de la promotion féminine. La femme joue un rôle moteur dans la vie sociale et économique. Le droit de la femme en tant que citoyenne à part entière sera respecté pour lui permettre d'apporter sa contribution revalorisée au développement national" (Général El Hadj Aboubacar Sangoulé Lamizana, 30/05/74).

(44)

36

voltaïque, dans le discours du programme du Comité militaire de redres­ sement pour le progrès national (C.M.R.P.N.) renchérissait (p.5):

"Les femmes, groupe social spécifique et décisif dans la politique de développement d'un pays comme le nôtre, constituent la moitié de la population. Elles assument dans la communauté une charge consi­ dérable dans tous les secteurs du développement, en particulier dans le monde rural, largement majoritaire. Dans la société de progrès et de justice sociale que nous devons construire, tous les voltaïques devront militer pour l'élimination définitive de toutes les structures sociales, qui infériorisent les femmes, les exploitent et freinent leur promotion légitime"

(Colonel Saye Zerbo, 1/05/81, p.5).

Dans le discours d'orientation politique du Conseil national de la révolution (C.N.R.), le capitaine Thomas Sankara, chef de l'Etat, parlant du rôle de la femme voltaïque dans la révolution démocratique et populaire, disait:

"Le C.N.R., dans sa politique révolutionnaire, travaillera à la mobilisation, à l'organisation et à l'union de toutes les forces vives de la nation et la femme ne sera pas en reste.

Elle sera associée à tous les combats que nous aurons à entreprendre contre les diverses entraves de la

(45)

société néo-coloniale, et pour l'édification d'une société nouvelle. Elle sera associée à tous les niveaux de conception, de décision et d'exécution, dans l'organisation de la vie de la nation entière" (capitaine Thomas Sankara, 2/10/83, p.35).

Cette volonté d'oeuvrer à la promotion de la femme voltaïque existe et elle a été affirmée à maintes occasions par les autorités gouvernementales qui se sont succédées à la tête du pays. Cependant, pour faire en sorte que tout ceci ne demeure pas de simples déclarations d'intention ou de la propagande électorale, un certain nombre d'actions concrètes, qui dépassent la présence de quelques femmes alibi dans

certains postes de direction, restent à poser. En effet, compte tenu de la place reconnue que les femmes occupent dans le développement, il faut s'assurer qu'elles apportent leur adhésion et participent aux diverses actions de développement, menées dans le pays. Pour obtenir la

coopération des femmes, il est nécessaire que les programmes de dévelop­ pement connaissent et tiennent compte de leurs besoins et ne s'en

écartent pas délibérément en cours d'exécution, sous peine de

marginaliser les femmes comme nous l'avons vu, et même d'hypothéquer les chances de succès des plans de développement.

Nous espérons que notre étude, en montrant comment les femmes perçoivent leur rôle dans un programme de développement, et les

conséquences de cette perception sur leurs comportements et décisions, aidera les planificateurs à mieux asseoir des projets requérant la

(46)

38

participation de toutes les couches de la société, et apportera à chacun les bénéfices qu'il est en droit d'en attendre, eu égard à l'importance de sa contribution.

Et puis, outre les raisons théoriques que nous avons évoquées dans l'introduction qui justifient une telle étude, les travaux sur les femmes dans l'A.V.V. semblent des affirmations gratuites, qui ont besoin d'être confirmées ou infirmées par une étude plus quantitative.

(47)
(48)

40

2.1 Cadre théorique

De nombreuses études, Lewin (1951), Kelley (1952) Zalesnik et D. Moment (1964), D. Klein (1966) et G. Watson (1967), ont montré que plusieurs facteurs peuvent amener la satisfaction ou l'insatisfaction, c'est-à-dire la perception positive ou négative vis-à-vis une situation donnée. Nous retenons ici, ceux qui nous paraissent pertinents pour notre propos.

a) La théorie des groupes de référence

Les études de psychologie et de sociologie ont montré que les sources essentielles des attitudes les plus importantes d'un individu, sont les valeurs, les nonnes, conduites et comportements des groupes auxquels il se réfère, c'est-à-dire ses groupes de référence.

R. Merton a défini le groupe comme:

"A number of persons who interact with one another according to established patterns (or roles), share a common code or set of values and norms, define themselves as members who have certain rights and duties with respect to one another and are thought by outsiders to the group as belonging to the group"

Figure

Tableau  1  -  Répartition  par  village
Tableau  2  -  Age  des  répondants Fréquences  absolues Fréquences  relatives  [%) _  Jeunes 91 84 -  Vieilles 16 16 TOTAL 107 100
Tableau  3  -  Situation  matrimoniale  des  répondants
Tableau  4  -  Nombre  des  enfants
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