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La stratégie sécuritaire des États-Unis dans la corne de l'Afrique depuis le 11 septembre 2001

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(1)

LA STRATÉGIE SÉCURITAIRE DES ÉTATS-UNIS DANS LA CORNE DE

L'AFRIQUE DEPUIS LE Il SEPTEMBRE 2001

MÉMOIRE

PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN SCIENCE POLITIQUE

PAR

NOËMI RAL

(2)

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

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deuxième fois que l'on entame l'aventure! Heureusement, j'ai bénéficié une fois de plus du soutien inconditionnel de mes parents et de mon ange Scott. Merci à vous trois!

J'aimerais également remercier mon directeur de mémoire, le professeur Dan ü'Meara. Sans sa disponibilité, sa vision claire et ses remarques toujours pertinentes, l'écriture de ce mémoire aurait été sensiblement moins agréable et son contenu beaucoup plus nébuleux. Merci également au professeur Alex Macleod qui m'a soutenue tout au long de ma maîtrise et dont j'ai énormément appris.

Last but not least, j'aimerais remercier sincèrement Thérèse Flament pour avoir accepté de corriger mes fautes de français à la dernière minute et Mahdi Khelfaoui pour sa lecture minitieuse de mes premiers chapitres.

(4)

-RÉSUMÉ vi

INTRODUCTION 1

Revue de la Iittérature 5

Problématique et question de recherche 9

Cadre analytique et concepts 12

Méthodologie 17

CHAPITRE 1 19

REPRÉSENTATIONS DE SOI ET DU SYSTÈME INTERNATIONAL APRÈS

LE 11 SEPTEMBRE 2001 19

1.1 Interprétation des attentats du 11 septembre 2001 et la «guerre contre le

terrorisme» 19

1. \.1 La représentation des attentats de 2001 comme actes de guerre 19 1. J.2 La conceptualisation de la sécurité des États-Unis depuis le Il septembre 2001 22 1.2 Représentation de soi après les attentats du Il septembre 2001 25

1.2.1 Réaffirmation des traits constitutifs de j'identité américaine 26 1.2.2 Dépolitisation des attentats et relance de l'exceptionnalisme américain 29

1.3 Analyse de l'accomplissement du discours de la menace 33

1.3.1 Rôle et importance des réseaux d'experts 34 1.3.2 Les think tanks impliqués dans la construction de la « menace» africaine 35

CHAPITRE II 42

REPRÉSENTATIONS DE LA CORNE DE L'AFRIQUE 42

2. J. La politique étrangère américaine vis-à-vis de la Corne de l'Afrique depuis la Deuxième

Guerre mondiale 42

2.2 La sécurisation de J'islam 46

2.2.[ La perception de ['islam avant le Il septembre 200 [ 46 2.2.2 La sécurisation de l'islam et du monde arabe aux États-Unis 48 2.2.3 La sécurisation de l'islam et la Corne de l'Afrique 49 2.2.4 L'approche officielle américaine vis-à-vis de l'islamisme: le cas du Soudan 57 2.3 La sécurisation des États dits fragiles, en déliquescence et défaillants 62 2.3.1 Conséquences pour la représentation de la Corne de J'Afrique 68

2.3.2 Le cas de la Somalie 69

2.4 La sécurisation du sous-développement 73

(5)

LA STRATÉGIE POURSUIVIE DEPUIS LE 11 SEPTEMBRE 2001 PAR

L'ADMINISTRATION BUSH DANS LA CORNE DE L'AFRIQUE 82

3.1 La stratégie de sécurité 82

3.1.1 Les initiatives régionales de sécurité et les programmes militaires 85 3.1.2 Présence et actions sur le terrain: les bases militaires et le cas de la Somalie 86 3.1.3 La création d'un commandement militaire unifié pour l'Afrique 89 3.2 La question de l'aide: l'évolution vers une dynamique« guerre froide » _ _ 91 3.2.1 La question de l'aide par pays: quelle aide et en échange de quoi? 93 3.3 Un survol des contestations principales émanant de la société civile et des O.N.G. 100 3.3. [ La problématique des droits de l'homme_--,---_--,--- 101 3.3.2 La problématique de la focalisation sur des objectifs à court terme 105

3.3.3 Opposition à l'intérieur des États-Unis 107

CONCLUSION 111

BIBLIOGRAPHIE 120

Théorie 120

Ouvrages portant sur la stratégie sécuritaire des États-Unis et le terrorisme_ _ 121

Discours et documents officiels 123

Documents et rapports des think tanks et O.N.G. 126

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AIAI: al-Ittihad al-Islami

APAP: Africa Policy Advisory Panel CIA: Central Intelligence Agency CFR: Council on Foreign Relations

CJTF-HOA: Combined Joint Task Force - Hom of Africa CSIS: Center for Strategie and International Studies EACTI: East Africa Counterterrorism Initiative EUCOM: United States European Command FMF: Foreign Military Financing

ICU: International Consortium of Investigative Journalists IGAD: InterGovemmental Authority on Development IMET: International Military Education and Training OEF-HOA: Operation Enduring Freedom - Horn of Africa O.N.G.: Organisation Non Gouvernementale

NCBL: National Conference of Black Lawyers PNAC: Project for a New American Century PSC: Provisional Security Company

PSI: Pan Sahel Initiative RDF: Rapid Deployment Force

SADC: Southern African Development Community SPLA: Sudan People's Liberation Army

TSCTI: Trans-Saharan Counter Terrorism Initiative O.S.: United States

(7)

Éthiopie, Kenya, Somalie, Soudan). La stratégie vise à augmenter les capacités militaires de ses alliés, peu importe la nature de leur régime, et, simultanément, à

renforcer la présence américaine dans la région pour contrer le terrorisme. Nous avons alors analysé la réinsertion de cette région dans le discours de la menace américain en ayant recours à plusieurs concepts issus de l'approche constructiviste critique. Plus spécifiquement, nous nous sommes demandé de quelles pratiques représentationnelles cette stratégie avait émergé. Afin de fournir des éléments de réponse à cette question, nous avons étudié les représentations des États-Unis, du système international et de la Corne de l'Afrique qui sont apparues dans les discours américains après le Il septembre.

Mots-clés: politique étrangère des États-Unis, Corne de l'Afrique, guerre contre le terrorisme, analyse constructiviste critique

(8)

de conflits, ainsi que sa volonté de mettre en place une politique étrangère « réaliste» vis-à-vis du continent, c'est-à-dire entièrement centrée sur «l'intérêt national» américain. Le candidat Bush était d'avis que les États-Unis devaient concentrer leurs efforts là où l'intérêt stratégique national américain était en jeu et que ce n'était pas le cas en Afrique'. Cette vision a COMU un revirement radical avec

les attentats du Il septembre et la subséquente « guerre globale contre le terrorisme» qui répondait à la volonté américaine de démontrer sa puissance militaire, une fois son illusion d'invulnérabilité détruite2. Dès lors, une stratégie de plus en plus controversée a été mise en œuvre par Washington en Afrique, et ce surtout dans la Come dite élargie de l'Afrique3 où l'on craignait que l'islamisme, les États fragiles, en déliquescence et défaillants4 et la pauvreté forment un cocktail explosif potentiellement dangereux pour la sécurité des États-Unis5. La stratégie vise à augmenter les capacités militaires de ses alliés, peu importe la nature de leur régime, et, simultanément, à renforcer la présence américaine dans la région pour contrer le terrorisme. Ainsi, dans le cadre de l'Operation Enduring Freedom - Horn

[ Peter J. Schraeder, « Finie la rhétorique, vive la géopolitique. Premières tendances de la politique africaine de l'administration Bush (2001) », Polilique africaine, no 82 Uuin 2001), p. 136.

2 Hans W. Maull, « American Foreign Policy: Between Isolationnism and Internationalism, Unilateralism and Multilateralism », chap. dans

u.s.

Foreign Policy Toward Ihe Third World: A Posi-Co/d /-Var Assesmenl, sous la dir. de Jürgen Rüland, Theodor Hanf et Eva Manske, Armonk, New York: M.E. Sharpe, 2006, p. 34.

J Dj ibouti, Élythrée, Éthiopie, Kenya, Somal ie, Soudan. Cette défin ition de la Corne de l'Afrique n'est pas

consensuelle. Nous 1'uti 1isons en ce sens, parce qu'elle apparaît fréquemment ainsi dans le discours officiel américain.

4 NOliS utiliserons l'expression « État fragile» pour traduire l'expression «fragile slale », « État en

déliquescence» pour «failing slale »et« État défaillant» pour «failedlcollapsed slale ». Nous utiliserons exceptionnellement l'expression « État faible », lorsque les auteurs que nous citons ont expressément choisi d'utiliser l'expression « weak slale ». Il n'y a pas de consensus sur la définition de ces termes, Cependant, on considère souvent que les États fragiles ou en déliquescence n'ont pas la capacité de remplir les fonctions de base d'un gouvernement, dont la protection de sa population, la mise en place de moyens afin de répondre aux besoins de base de la population (sécurité alimentaire, santé et éducation) et le contrôle effectif de l'intégralité de son territoire. Dans les États défaillants, le gouvernement a perdu quasiment tout le contrôle de son territoire et n'est pas reconnu par une partie considérable de la population,

S Greg Mills, « Africa's New Strategie Significance », The Washinglon Quarlerly, vol. 27, no 4 (automne

(9)

ofAfrica (OEF-HOA), les États-Unis ont érigé leur première base militaire officielle

du continent à Djibouti, la Combined Joint Task Force - Horn of Africa (CJTF­

HOA), et ils assurent une présence militaire au Kenya, en Éthiopie et sur les côtes. Ils ont également mis sur pied diverses initiatives sécuritaires régionales en plus d'avoir créé, tout récemment, AFRICOM, un commandement militaire unifié américain pour l'Afrique. Depuis le Il septembre, nous assistons donc à un délaissement de la politique étrangère plus axée sur l'humanitaire et la sécurité des Africains qui avait émergé à la fin de la guerre froide.

Carte de la Corne de l'Afrique indiquant la base américaine (CJTF-HOA) à

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~. US FORCES: 1,193 COALITION: 36

Source: John Abizaid. « Gen. Abizaid Central Command Operations Update Briefing », Washington, OC: United States Departement of Defense, 30 avril 2004. En ligne,

http://w\Vw.globalsecurity.orVmi litarv/library/news!2004/04/mil-040430-dod02.htiTl, consulté le 1er avril 2008.

La stratégie actuelle est fortement imprégnée de deux facteurs qui se sont avérés décisifs pour l'articulation des relations internationales en ce début du XXle

(10)

siècle. En premier lieu, l'unique superpuissance a fait du positionnement des États vis-à-vis de la

«

guerre contre le terrorisme» et de leur attitude à l'égard des États­ Unis

«

une question de solidarité internationale »6 et, en deuxième lieu, la réponse américaine au terrorisme est principalement d'ordre militaire. Washington a, en effet, multiplié les opérations militaires dans la Corne depuis le Il septembre, y a installé sa première base militaire africaine officielle et a relancé ses programmes d'aide aux régimes se déclarant

«

alliés », sans égard pour leurs politiques internes. Ainsi, Peter Schraeder n'a pas manqué de remarquer qu'il s'agissait d'une approche qui rappelle fortement celle poursuivie au cours de la guerre froide7 et qu'elle risquait d'avoir des conséquences aussi néfastes que cette dernière, comme la consolidation de régimes autocratiques et l'augmentation de l'assistance militaire aux dépens de l'aide humanitaire. Les critiques et les sceptiques n'ont cependant eu aucun impact sur la militarisation croissante de la politique africaine des États-Unis, prônée par les « experts» de l'establishment américain qui conviennent que « l'Afrique devient de plus en plus vitale pom l'intérêt national des États-Unis8

»

et qu'une approche purement humanitaire est désormais désuète. Pourtant, des fonctionnaires hauts placés, tant dans l'administration, que dans l'armée, ont admis que leur approche s'avère problématique et que, notamment, la méfiance de la population locale vis-à­ vis de la présence américaine s'accentue9.

6 Alex Macleod, « Avant-propos », dans Diplomaties en guerre: Sepl Étais lace à la crise irakienne, sous la dir. d'Alex Macleod et David Morin, Montréal: Athéna Éditions et CEPES, 2005, p. 8.

7 Peter J. Schraeder, « La guerre contre le terrorisme et la politique américaine en Afrique », Pax A/ricana?

Le nouvel interventionnisme libéral, no 98 Uuin 2005), p. 60.

S Walter H. Kansteiner III et J. Stephen Morrison (dir.), « Pre/ace », dans Rising US Stokes in AJi'ica: Seven Proposais la Strengthen US-AIrica Poliey, rapport du Africa Policy Advisol'y Panel, Washington, OC: the Center for Strategie and International Studies Press, mai 2004, p. ix.

Q Scon Johnson, « Taking the War on Terror to Africa », Newsweek International Edition, 17 septembre 2007. En ligne, http://w\\.\\.rnsnbc.lTlsn.com/id/20657234!sitdnews\Vceki. consulté le 21 septembre 2007.

(11)

Alors que les voix contestataires de l'approche américaine dans la Corne de l'Afrique deviennent de plus en plus fOltes 10, il semble impossible d'arrêter sa militarisation croissante, entre autres parce que dans les discours officiels la « guerre contre le terrorisme» est désormais liée

à

la lutte contre la pauvreté. D'un enjeu humanitaire, la région est effectivement de plus en plus dépeinte comme une menace

à contenir. La création d'AFRICOM, commandement militaire voué officiellement au développement et à l'aide humanitairell , en est peut-être l'expression ultime. Il devient alors intéressant de s'interroger sur le raisonnement qui sous-tend la politique africaine actuelle des États-Unis. D'autant plus que si elle fait couler de plus en plus d'encre, il s'agit d'une politique dont les idées qui l'étayent n'ont pas encore été analysées de manière exhaustive, la majorité des auteurs se limitant à la critiquer.

Contrairement aux relations États-Unis - Afrique au temps de la guerre froide, il n'existe que très peu d'études approfondies sur le sujet que nous proposons d'aborder. Seulement une poignée d'auteurs y a consacré des ouvrages: Peter Schraeder, Donald Rothchild et Peter Woodward. Les autres ouvrages dédiés à la question n'ont pas la vocation scientifique des susmentionnés. Robert D. Kaplan, éditorialiste néoconservateur connu pour ses récits de voyage et ses mises en garde contre « l'anarchie »12, a publié en 2003 Surrender or Starve: Travels in Ethiopia,

Sudan, Somalia, and Eritrea. Enfin, John Davis, un universitaire, vient de diriger un

ouvrage, Africa and the War on Terrorism, qui a comme objectif d'exposer les

indicateurs démontrant

«

why Africa is sa ripe for terrorist penetration 13 », mais qui

ne mentionne même pas les controverses entourant la lutte contre le terrorisme en

10 Jim Fisher-Thompson, « Afriea's Strategie Importance to U.S. Is Growing, Envoy Says », USINFO

(Washington), 14 mai 2007. En ligne, hlt[l:i/lisinfo.statc.gov/.\archivcs/displav.htmI0p=washtile­ cnglish&v='J()1)7&rrF"AlIgllSl&X=?()07081)61 13828idvbeckcI1l0.8483087, consulté le 12 septembre 2007.

Il Ibid.

12 Robert D. Kaplan. « The Coming Anarehy ». Atlantic Monthly, vol. 273, no 2 (février 1996), pp. 44-76.

(12)

Afrique. Spécifions également que le sujet est, à quelques exceptions prèsl4 ,

rarement étudié dans les ouvrages collectifs traitant de la

«

guerre contre le telTorisme », ceux-ci se concentrant plutôt sur les États-Unis et le Moyen-Orient.

Revue de la littérature

La littérature qui aborde le sujet des États-Unis, la

«

guerre contre le terrorisme» et la Come de l'Afrique peut être divisée en deux grandes catégories: la première comprend les auteurs qui dépeignent l'Afrique comme une menace pour les États­ Unis et qui prônent, par conséquent, la mise en place de politiques en fonction des

«

intérêts » américains. La deuxième inclut les auteurs qui critiquent cette approche, parce qu'elle est très axée sur la sécurité des États-Unis et le militaire.

Parmi les auteurs de la première catégorie, nous trouvons principalement d'anciens ambassadeurs ou d'autres hauts fonctionnaires, écrivant sur le sujet pour des think tanks américains, ainsi que des intellectuels proches de l'administration. Il

s'agit de Robert Rotberg, éminent africaniste, qui a dirigé un livre consacré aux États-Unis et la Come de l'Afrique pour la Brookings Institution l) et des auteurs qui

écrivent pour le Couneil on Foreign Relations (CFR)16 et le Center for Strategie and International Studies (CSIS)I7. Nous nous intéresserons surtout aux écrits de

Princeton N. Lyman, ancien ambassadeur américain pour l'Afrique du Sud et le Nigeria, et de Stephen F. Morrison l8 . Ces derniers, tout comme Peter Phaml9 ,

14 Voir David Kenda Adaka Kikaya, « A Vunerable Continent: All'ica », chap. dans Global Responses 10

Terrorism: 9111. Afghanistan and Beyond, sous la dir. de Mary Buckley et Rick Fawn, pp. 165-175, Londres: Routledge, 2003. Et, Robert D. Grey, « Africa », chap. dans The Bush Doctrine and the War on Terrorism, sous la dir. de Mary Buckley et Robelt Singh, pp. 121-135, Oxon: Routledge, 2006.

15 Robert 1. Rotberg, Ballling Terrorism in the Horn ofAfrica, Washington, OC: Brookings Institution Press, 2005.

16 J. Dennis Bonney et al., « More Than Humanitarianism: A Strategie U.S. Approach Toward Arrica », sous la dir. de Princeton Lyman et Stephen J. Morrison, Council on Foreign Relations: Task Force Report, no 56 Uanvier 2006). En ligne, http://wwIV.cti·.org/pllblication/930.l/morethanhllmanitarianism.html#author. consulté le 20 avril 2007.

17 Walter H. Kansteiner III et J. Stephen Morrison (dir.), op. cit.

18 Dont ceux qui sont parus dans le cadre des ouvrages susmentionnés (J. Dennis Bonney et al., op. cit. et Walter H. Kansteiner III et J. Stephen l'vIorrison (dir.), op. cif.) et dans le cadre du rapport qui a été dirigé par

(13)

témoignent régulièrement devant le Congrès américain pour présenter leur vision de la politique africaine des États-Unis. Malgré les différences idéologiques qui font que certains mettent plus l'accent sur l'économique et d'autres sur le militaire, les propos des auteurs susdits sont d'une étonnante similarité. Tous tiennent un discours de la menace centré sur le pétrole, le terrorisme, les États faibles, le VIH/SIDA, les conflits armés et la pauvreté et conviennent que l'Afrique et ses nombreux problèmes présentent un danger pour les États-Unis. Par conséquent, ils prônent une politique étrangère américaine plus « stratégique» vis-à-vis de l'Afrique, c'est-à-dire une politique centrée sur la protection des « intérêts» américains. Ainsi, leur discours n'est pas si éloigné de celui qui est tenu par des conservateurs comme Nile Gardiner et James Jay Carafano de la Heritage Foundation2o.

Il Y a effectivement une tendance dans la littérature à dépeindre l'Afrique comme menace pour les États-Unis et à prôner la mise en place d'une approche dominée par le militaire et le sécuritaire vis-à-vis du continent. C'est le cas, par exemple, de Lyman et Morrison du CFR, notamment dans leur article sur la menace terroriste en Afrique publié dans la revue de référence de l'establishment de la politique étrangère, Foreign AfJairi l• Robert Rotberg, qui y a consacré (et au

phénomène des États défaillants) plusieurs ouvrages, en fait autant puisqu'il décrit la proximité avec les pays arabes, la relation tenace entre le commerce licite et illicite, la présence simultanée des religions chrétiennes et musulmanes, la résistance locale historique contre le colonialisme, la pauvreté, la mauvaise gouvernance et le sous­ développement de la Corne de l'Afrique, comme un « comp/ex web [that}provides a

Princeton N. Lyman et Patricia Lee Dorff(Beyond Humanitarianism: What You Need to Know About A/rica and Why /t /v/allers. Washington, OC: COllncil on Foreign Relations Press, septembre 2007.).

19 Peter Pham, Africa Command: A Historie Opportunity for Enhaneed Engagement -If Done Right.

Testimony before the Subcommillee on Africa and Global Health, Commillee on Foreign AfJairs, United States I-Iouse of Representatives, 2 août 2007. En 1igne, 111lp://lorei ~nal'fairs.hollse.gov/I 1O/pha08()?07.htm, consulté le

12 octobre 2007.

20 James Jay Carafano et Nile Gardiner, « U.S. Military Assistance for Afric a: A Belier Solution », The

Heritage Foundation: Baekgrounder, no 1697, 15 octobre 2003.

21 Princeton N. Lyman et 1. Stephen Morrison, « The Terrorisl Threat in Africa », Foreign Ai/airs, vol. 83, no 1 (janvier-février 2004), pp. 75-86.

(14)

tasting [sic] menu for potential lerrorisli2 ». Ce genre de lien, plus

«

instinctif» qu'avéré, est à la base des politiques de plus en plus militarisées et

«

réalistes» qui ont été mises en place dans la Corne de l'Afrique. Les auteurs du rapport du CFR reprennent ce discours de la menace. Ils considèrent non seulement que les États faibles ou en déliquescence anarchiques forment une menace en Afrique, malS également les États forts, car les « elaborale crime syndicaleS» y adoptent des techniques plus sophistiquées23 . Notons que c'est cette vision de l'Afrique qui est dominante dans le discours officiel américain et qui l'a donc emporté sur les discours plus modérés et axés sur l'humanitaire. Elle est notamment présente dans la stratégie nationale de sécurité des États-Unis de

2002,

où l'on peut lire que les maladies, les guerres et la pauvreté de l'Afrique menacent les États-Unis24.

Cette approche est fortement critiquée par les auteurs de la deuxième catégorie qui sont, par ailleurs, pour la plupart d'origine africaine ou européenne. Rita Abrahamsen, Susan Willett, Adekeye Adebajo, Joel D. Barkan et Jeremy Keenan font partie des auteurs qui se méfient de ce discours de la menace, centré sur la sécurité des États-Unis. Ils démontrent que les États-Unis poursuivent actuellement une politique étrangère incohérente, polarisante et contreproductive. Abrahamsen déplore que de la catégorie

«

développement/humanitarisme» qui avait émergé après la fin de la guerre froide, le dialogue et les interactions avec l'Afrique passent progressivement à une catégorie de

«

risque/peur/menace »25. Willett examine les dangers liés à la sécurisation du développement et de la pauvreté depuis les attentats du Il septembre26. Quant à Barkan, il souligne que la stratégie américaine actuelle affaiblit la fragile nouvelle démocratie qu'est le Kenya

22 Robert 1. Rotberg, op. cit., p. 2.

23 J. Dennis Bonney et al., op. cit., p. 57.

24 La Maison-Blanche, The National Securily Strategy ofthe United States ofAmerica. Washington, DC : La Maison-Blanche, 2002. p. 10.

25 Rita Abrahamsen, « A Breeding Ground for Terrorists? At'rica & Britain's 'War on Terrorism' », Review of African Political Economy, vol. 31, no 102 (2004), p. 677.

26 Susan Willett, « New Barbarians at the Gate: Losing the Liberal Peace in Africa », Review ofAfrican Political Economy, vol. 32, no 106 (2005), pp. 569-594.

(15)

d'aujourd'hui27 . Il pointe du doigt non seulement les États-Unis, qui offrent de l'aide financière et militaire à leurs alliés dans la

«

guerre contre le terrorisme» sans égard pour leurs politiques intérieures28, mais également un bon nombre de dirigeants

africains, parce que ceux-ci protitent de la situation, notarrunent pour faire taire les voix dissidentes29. Puisque Washington est au mieux tolérant et au pire encourageant

vis-à-vis de la répression initiée dans le cadre de la

«

guerre contre le terrorisme », les voix critiques soulignant la profonde incohérence de la stratégie sont nombreuses.

Les organisations internationales luttant pour les droits de l'homme critiquent également le fait que l'administration Bush cultive des relations avec des régimes autocratiques, même si officiellement elle prône la mise en place de réformes démocratiques3o. Robert Tynes avance alors que le fait de cultiver ces relations mine les réformes, le développement du continent et les efforts pour s'attaquer aux causes du terrorisme31 . Padriag Carmody estime que la stratégie américaine actuelle risque de créer plus d'instabilité sur le long terme et critique le nouveau système d'aide bilatérale créé par l'administration Bush32 . Conn Hallinan, enfin, expose le rôle des (néo)conservateurs dans la mise au point de la stratégie africaine de Washington33. Ruth lyob et Edmond Keller discutent de la politique étrangère des États-Unis vis-à­ vis de la Come de l'Afrique des années 1940 jusqu'à aujourd'hui et démontrent que

27 Joel D. Barkan. « Kenya After Moi », Foreign Aflairs, vol. 83, no 1 (janvier-février 2004), p. 87. 28 Adekeye Adebajo, « Africa and America in an Age ofTerror », Journal ofAsian and African Siudies, vol. 38, no 2-3 (2003), pp.175-191.

29 David Kenda Adaka Kikaya, op. cil. Voir également Robel1 D. Grey, op. cil.

30 Voir, par exemple, Amnesty International, Kenya: The Impaci of « Anti-Ierrorism » Operai ions on Human Righls, AI Index: AFR 32/002/2005,23 mars 2005. En ligne,

hllp://wcb.amnestv.org/I ibrarv/pcl fiAFR320022005ENGLI SH/$Fi iciAFR3 200205 .pd t; consulté le 8 avril 2007.

31 Robert Tynes, « US Counter-l'errorism Policies in Africa are Counter to Development », African Security Review, vol 15, no 3 (2006), p. 110.

32 Padraig Carmody, « Transforming Globalization and Security: Africa and America Post-9/1 1 », Africa Today, vol. 52. no 1 (2005), pp. 97- 120.

33 Conn Hallinan, « The Right Gets Africa Wrong », Righi Web Analysis (Silver City, NM: International Relations Center), 9 juillet 2007. En ligne, http://rightweb.irc-onlillè.or$'./rw/4368, consulté le 10 septembre 2007.

(16)

[T}he policies of

us

involvement in Ethiopia, Eritrea, Sudan, and Somalia - despite conjlicting strategies and objectives - have slowed the development of democracy, worsened the political and military insecurity in the region, exacerbated the proliferation of arms, and contributed to the silencing ofcivil society. 34

Peter Kagwanja explore l'impact de la stratégie contre-terroriste américaine dans la Corne de l'Afrique sur la sécurité de la région et conclut également que celui­ ci est négatië5.

Puisque la plupart des écrits au sujet de la politique étrangère des États-Unis dans la Corne de l'Afrique depuis le 11 septembre ne présente pas tant une analyse du raisonnement sous-tendant cette politique, mais plutôt soit la reproduction, soit la contestation du discours de la menace, il nous paraît intéressant de tenter de contribuer à combler cette lacune. L'analyse paraît d'autant plus importante parce que la stratégie américaine, qui vise essentiellement à renforcer la puissance militaire des États alliés, semble être incohérente et contreproductive dans la mesure où son impopularité paraît être en lien avec l'antiaméricanisme croissant dans la région.

Problématique et question de recherche

Le gouvernement américain est présenté dans les discours officiels américains comme le défenseur de la démocratie par excellence. Cependant, après les attentats du Il septembre, ses décideurs ont permis à tous les régimes autocratiques qui le voulaient bien de se joindre à leur coalition. Choqués par l'apparente haine dont certaines franges des populations témoignaient vis-à-vis d'eux, ils ont dit vouloir

«

gagner les coeurs et les esprits », mais leur stratégie est principalement d'ordre militaire, interventionniste et unilatérale. Les États démocratiques sont dits être des composantes essentielles de relations internationales

34 Ruth Iyob et Edmond J. Keller. « US Policy in the Horn: Grappling with a Difficult Legacy ». chap. dans

Easl Africa and the Horn: Confronling Challenges 10 Good Governance. sous la dir. de Dorina A. Bekoe. Boulder. Colorado: Lynne Rienner Publishers, 2006. p. 102.

J5 Peter Kagwanja, « Counter-terrorism in the Horn of Africa: New Security Frontiers, üld Strategies »,

(17)

stables36, malS la stratégie de l'administration Bush semble également mmer des gouvernements démocratiquement élus dès que ceux-ci s'opposent à lui37 • Enfin, il est généralement admis que la stratégie américaine au temps de la guerre froide a donné lieu à bon nombre de problèmes africains actuels (qui

«

menacent» aujourd'hui les États-Unis), mais la

«

nouvelle» approche semble être très similaire à l'ancienne. Au fond, il y a un écart considérable entre le « diagnostic» du problème du terrorisme (pauvreté, mauvaise gouvernance, manque de démocratie, États en déliquescence ou défaillants ... ) et le « remède» mis en oeuvre. D'où vient alors cette stratégie qui est très loin d'aller de soi?

Comme nous l'avons vu dans la revue de la littérature, il s'agit d'un sujet complexe où la lutte pour le sens qui sous-tend toute politique étrangère est extrêmement présente, puisque les interprétations à propos de

«

l'intérêt» américain dans la Corne varient énormément. Certains auteurs tentent d'expliquer que la politique étrangère est devenue trop axée sur l'État, sur la défense des

«

intérêts» américains et sur le militaire. Par contre, de nombreux écrits visent explicitement à

convaincre les lecteurs que la Come de l'Afrique représente une menace pour les États-Unis et que la politique africaine des États-Unis n'est justement pas assez

«

réaliste

».

Le sujet se prête donc particulièrement bien à une analyse orientée par l'approche constructiviste critique parce que celle-ci s'intéresse à la construction sociale de l'insécurité et appelle à questionner le raisonnement devenu dominant à

une époque et dans un lieu donné et qui sous-tend alors la politique étrangère.

Ainsi, notre question de recherche sera la suivante: de quelles pratiques représentationnelles la stratégie sécuritaire poursuivie par les États-Unis dans la Corne de l'Afrique depuis le 11 septembre 2001 a-t-elle émergé?

36 Voir l'introduction de la National Securily Strategy olthe United States 01America, 2002, op. cit. 37 Joel D. Barkan, loc. cil.

(18)

Afin de fournir des éléments de réponse à cette question, nous allons explorer plusieurs pistes. La première soutient que la politique africaine de Washington a émergé de représentations des États-Unis comme étant menacés par les problèmes dans d'autres régions du monde et comme étant

«

en guerre» contre chaque État qui s'oppose à leurs politiques. La Come de l'Afrique est inscrite dans ce discours à travers lequel les États-Unis sont dépeints comme l'emblème de la civilisation et des valeurs démocratiques et la Come comme un lieu hobbesien d'où des menaces pour la sécurité des États-Unis ne peuvent qu'émerger.

La deuxième piste que nous allons explorer est en lien avec la première et porte sur la critique de l'approche américaine. Nous estimons, en effet, que les nombreuses incohérences de l'approche sont la conséquence des contradictions parsemant le discours états-unien. À l'instar des auteurs de la deuxième catégorie, nous estimons que la sécurisation du sous-développement, de l'islam et des États fragiles, en déliquescence et défaillants a donné lieu à une stratégie incohérente. Comme au temps de la guerre froide, la stratégie vise à contenir

«

la menace », plutôt qu'à soutenir le processus de démocratisation et de développement. Depuis l'accomplissement du processus de sécurisation de diverses réalités sociales africaines, l'approche américaine vis-à-vis de l'Afrique semble à nouveau être fondée sur une conception classique de la sécurité, focalisée sur la défense du territoire et axée sur le militaire. Ainsi, la lutte contre le terrorisme dans la Corne concerne surtout l'augmentation des capacités dans les domaines du contrôle des frontières et du renseignement. En outre, le soutien américain à un bon nombre de régimes autocratiques se déclarant être son allié paraît aggraver l'insécurité africaine qui, à son tour, augmenterait la menace terroriste pour les États-Unis. Le

«

remède» à la «menace» africaine ne semble donc pas correspondre au diagnostic formulé au sein de l'administration Bush même. Cet écart entre action et discours provient alors du fait que le gouvernement américain tient un double discours: un qui souligne la

(19)

nécessité de promouvoir la démocratie et un autre qui est centré sur la division du monde entre alliés et ennemis des États-Unis, ce qui a permis aux régimes autocratiques de rejoindre la coalition américaine.

Cadre analytique et concepts

Nous noterons d'emblée que notre questionnement concernant la genèse de la stratégie sécuritaire poursuivie par les États-Unis dans la Come depuis le Il septembre 2001 est fortement orienté par l'approche constructiviste. En effet, par

pratiques représentationnelles, nous entendons les images intersubjectives du monde

qui précèdent l'action38 . Afin d'y répondre, nous recourrons donc à plusieurs concepts des tenants de l'approche constructiviste critique, et plus spécifiquement à ceux utilisés par Jutta Weldes, Ole Weaver et Nicholas Onuf. Nous favoriserons cette approche parce que la production de ['insécurité et l'examen du fonctionnement des discours de l'insécurité s'y trouvent au cœur39. « Interprétative» dans son épistémologie, elle « s'intéresse essentiellement aux compréhensions et aux représentations que les agents sociaux se font du monde, des compréhensions et représentations qui sont largement partagées40

».

L'approche constructiviste critique permet ainsi de comprendre comment une situation peut être perçue comme menaçante et présentée comme telle. Rappelons, en effet, que la situation dans la Corne de l'Afrique n'a pas sensiblement changé entre 2000 et 2002 : les attentats d' Al-Qaida contre des intérêts américains avaient déjà eu lieu à Nairobi et à Dar es Salam, faisant 224 victimes et plus de 5000

38 Dan ü'Meara, « Le constructivisme. Sa place, son rôle, sa contribution et ses débats », chap. dans Théories des Relations internationales. Contestations et résistances, sous la dir. de Alex Macleod et Dan ü'Meara, Montréal: Athéna Éditions, coédition CEPES, 2007, p. 206.

39 Jutta Wei des et al. (dir.), « Introduction: Constructing Insecurity ». chap. dans Cultures o/Insecunïy: States. Communities. and the Production 0/Danger, Minneapolis; London: University of Minnesota Press, 1999,

p. 10.

40 Isabelle Masson, «Constructivisme », dans Relations internationales. Théories et concepts (deuxième

édition revue et augmentée), sous la dir. de Alex Macleod, Evelyne Dufault el F. Guillaume Dufour, Montréal: Athéna éditions, 2004, p. 32-33.

(20)

blessés (7 août 1998); la Somalie était déjà un État

«

défaillant »; le président islamiste Omar el-Béshir était déjà au pouvoir au Soudan; la région était déjà pauvre et la population était déjà majoritairement musulmane. Or, si la réponse américaine aux attentats de 1998 ne s'était pas fait attendre - les États-Unis avaient notamment effectué des frappes stratégiques en Afghanistan et au Soudan dans le cadre de l'Operation Infinite Reach - , elle n'avait pas donné lieu à la mise en place d'une véritable stratégie régionale. Ce qui a changé alors est le sens attribué à ces phénomènes par les décideurs. Si les représentations sous-tendant ceux-ci étaient déjà en place, elles ont été exacerbées jusqu'à légitimer la mise en place d'une

«

nouvelle» stratégie de sécurité vis-à-vis de cette région. Ce sont ces représentations que nous étudierons en ayant recours aux concepts suivants: pratiques représentationnelles (que nous avons défini à la page 15), imaginaire sécuritaire, articulation, interpellation, identité, sécurisation et actes de langage.

Pour comprendre comment les interactions américaines avec l'Afrique sont passées progressivement de la catégorie

«

développement/humanitarisme» qui avait émergé après la fin de la guerre froide à une catégorie de « risque/peur/menace »41, le concept d'imaginaire sécuritaire est particulièrement utile. Weldes le définit ainsi:

«

A security imaginary is quite simply a structure of well-established meanings and social relations out of which representations of the world of international relations are created. 42 » Dan O'Meara explique alors que ce concept fournit une définition de Soi par rapport à une représentation particulière du monde

43

externe . L'imaginaire sécuritaire spécifie quels

«

Autres» habitent ce monde externe, quelle est

«

leur» relation avec

«

Nous », dans quelles circonstances et comment cet « Autre» devient représenté en tant que menace pour « Nous », et

41 Rita Abrahamsen, lac. cil., p. 677.

42 Jutta Weldes, Construcling Nationallnleresls. The Uniled Siaies and the Cuban Missile Crisis,

Minneapolis: University of Minnesota Press, 1999, p. 10.

4) Dan ü'Meara, « Hegemony, Militarism and Identity: Locating the US as the Global Power », 49th

Convention of the International Studies Association: Bridging Mulliple Divides, San Francisco: Hilton San Francisco, 26-29 mars 2008, p. 9.

(21)

comment

«

Nous» devons nous défendre contre cet

«

Autre» menaçant. ü'Meara souligne:

«

Analysis of the security imaginary of any state must grapple principally with the cultural representations and mechanisms through which difJerence becomes securitised and institutionalised as threat. 44 » Nous utiliserons les concepts

d'articulation et d'interpellation de Weldes pour étudier les représentations et les mécanismes qui mènent à la construction de la menace.

Dans son chef-d'œuvre, Constructing National Interests: The United States and the Cuban Missile Crisis, Weldes explique, en effet, que ce qui est présenté à un moment donné comme étant rationnel provient de l'imaginaire sécuritaire dont le sens est construit à travers le double processus d'articulation et d'interpellation.

The term "articulation" refers ta the process through which meaning is produced out ofexistant cultural raw materials or linguistic resources. Meaning is created and temporarily fixed by establishing chains of connotations among difJerent linguistic elements [. ..]. In this way, difJerent terms and ideas come ta "summon" one another [. ..] ta be welded into associative chains that make up an identifiable, ifnol consislenl whole. 45

"Interpellalion" refers ta a dual process whereby subjeci positions or idenlilies are created and concrele individuals are inlerpellaled by, or "hailed" inlo [. ..] Ihose subjeci positions. -/6 [. .. ] Wilhin a slale 's security imaginary, a variety of subject positions are created, including those of variaus slales - bOlh "our slate" and "Iheir slate ", or "us" and "Ihem" (in facI, typically a variety of "Ihems ") - and other subjects. The central subject position is, of course, Ihat of the relevant stale itself.47

L'imagerie évoquée linguistiquement, ainsi que l'altérité sont donc deux composantes essentielles dans la conceptualisation de l'identité et, par conséquent, des

«

intérêts» en matière de sécurité qui en découlent. La notion d'identité, indissociable de l'analyse de la production du discours de l'insécurité, réfère ici à

44 Ibid., Cestl'auteur qui souligne.

45 Jutta Weldes, op. cil., p. 98.

46 Ibid., p. 103.

(22)

la forme particulière d'existence sociale des différents agents - comprise comme un processus continu (intersubjectif et contesté) de définition, par les agents eux-mêmes, d'une triple image collective: de soi, de soi en relation avec son environnement, et de la différence entre soi et les autres agents. 48

Les tenants de l'approche constructiviste critique postulent la coconstitution de la production culturelle des insécurités et des identités des acteurs49 , et que ces dernières sont construites à travers l'interaction des différentes pratiques représentationnelles. L'insécurité est, en effet, vue comme le produit des processus de construction d'identité à travers lesquels soi-même et l'autre, ou plusieurs autres, sont construits. Ceci est dû à la nature même de l'identité, notion qui se construit par son rapport à la différence. Vu que la construction des menaces et de ce qui est dans

«

l'intérêt national» d'un État provient de la représentation des identités intersubjectives construites par les représentants des États50, il est essentiel de questionner

«

l'identité» que

«

les États-Unis» se sont attribuée à partir du 11 septembre 2001 et celle qu'ils ont attribuée au système international et à

«

la Corne de l'Afrique ». Pour comprendre la stratégie sécuritaire poursuivie par les États-Unis dans la Corne de l'Afrique, il convient donc d'analyser la représentation de ces identités dans les discours des représentants du gouvernement américain et dans ceux des réseaux d'experts qui les assistent dans la formation de leurs politiques51 .

Le concept d'interpellation éclairera la construction des

«

États-Unis» et de la

«

Come de l'Afrique» comme sujets dotés d'une identité et d'intérêts spécifiques. L'étude de la construction des États-Unis comme sujet est essentielle pour comprendre la représentation des populations de la Come de l'Afrique comme son « Autre» qui est alors construit comme menace à travers le processus d'articulation qui mène à la sécurisation de certaines réalités sociales. Nous empruntons le concept de sécurisation à Ole Weaver qui le définit ainsi

48 Dan O'Meara, « Le constructivisme. Sa place, son rôle, sa contribution et ses débats », op. cil., p. 205.

49 Jutta Weldes et al. (dir.), op. cil., p. 10. 50 Jutta Weldes, op. cil., p. 14.

(23)

Securitization is constituted by the intersubjective establishment of an existential threat with a saliency sufficient to have substantial political ejfects. [. ..}

If

by means ofan argument about the priority and urgency of an existential threat the securitizing actor has managed to breakfree of procedures or rules he or she would otherwise be bound by, we are witnessing a case of securitization. [. ..} A discourse that takes the form of presenting something as an existential threat to a referent object does not by itselfcreate securitization - this is a securitizing move, but the issue is securitized only

if

and when the audience accepts it as such52

Ce concept nous servira à expliquer comment des réalités sociales africaines ont été construites comme représentant des menaces pour les Américains et comment elles deviennent, subséquemment, l'objet de mesures de sécurité extraordinaires. Lorsqu'un enjeu donné est sécurisé avec succès, celui-ci est généralement accepté comme menace. De ce fait, il se voit relégué en dehors de la sphère politique, dans la mesure où il se trouve désormais dans la sphère de la sécurité nationale et du militaire. Nous venons que la sécurisation de l'islam, des États en déliquescence et défaillants et du sous-développement après le Il septembre a joué un rôle majeur dans l'interpellation des populations de la Corne de l'Afrique.

L'étude des pratiques représentationnelles à la lumière des concepts susmentionnés est indispensable, car celles-ci sous-tendent les actes de langage, ces actes qui poussent quelqu'un à agir d'une certaine manières3 . Dans l'optique constructiviste critique, l'identification des actes de langage est cruciale, car si des agents dotés d'une certaine autorité sociale les répètent fréquemment, les autres agents finissent par percevoir les sujets abordés comme étant signifiantss4. Si ces derniers adoptent leurs discours, ces actes deviennent des règles. Onuf identifie trois types d'actes de langage: les actes de langage déclaratoires qui posent l'existence d'une certaine réalité (la condition des États de la Corne de l'Afrique est une menace pour la sécurité des États-Unis), les actes de langage direct[fs qui sont impératifs

S2 Barry Buzan, Ole Weaver et Jaap de Wilde (ed.), Security: A New Frameworkjor Ana/ysis, Boulder, Colorado: Lynne Rienner Publishers, 1998, p. 25.

)J Nicholas Onuf, « Constructivism: A User's Manual », chap. dans /nlernaliona/ Re/ations in a Conslrucled World, sous la dir. de Vendulka Kubâlkova, Nicholas Onuf et Paul Kowert. Armonk, N. Y.: M.E. Sharpe, 1998, p. 66.

(24)

(cette condition doit donc changer) et les actes de langage engageants qui impliquent des promesses (le gouvernement américain interviendra).

Méthodologie

Afin d'analyser les pratiques représentationnelles qui sous-tendent la stratégie sécuritaire américaine poursuivie dans la Corne de l'Afrique depuis le Il septembre 2001, nous étudierons la construction de l'imaginaire sécuritaire américain et l'interpellation des populations de la Corne dans plusieurs catégories de documents.

En premier lieu, nous étudierons des documents et des discours provenant des représentants officiels des États-Unis. Il s'agit essentiellement de la stratégie nationale de sécurité des États-Unis de 2002 et de 2006 et d'allocutions prononcées par le président Bush et par des représentants des forces armées et de l'administration portant sur la Corne de l'Afrique. En deuxième lieu, nous nous pencherons sur les documents qui ont été publiés par des prestigieux think tanks proches du pouvoir. Les tenants de l'approche constructiviste critique estiment que les identités guidant la politique étrangère des gouvernements émergent des pratiques représentationnelles façonnées par des agents du savoir ayant une certaine autorité sociale. Ceux-ci incluent non seulement les représentants officiels de l'État, mais également les anciens représentants (comme des anciens ambassadeurs) et les réseaux d'experts qui assistent ces premiers55. L'étude des documents publiés par ces

réseaux est donc essentielle lorsqu'on s'interroge sur les origines d'une politique.

À

partir de ceux-ci, nous étudierons les processus d'interpellation (à travers lesquels les États-Unis et la Corne de l'Afrique ont émergé comme sujets antithétiques) et d'articulation (qui est à la base de la sécurisation de certaines réalités sociales africaines) qui forment les pratiques représentationnelles à travers lesquelles la stratégie américaine a émergé. Ensuite, nous recourrons à des documents officiels,

(25)

ainsi qu'à des articles de journaux pour rendre compte du résultat sur le terrain de ces représentations.

Pour résumer, le premier chapitre sera consacré aux représentations des États­ Unis et du système international telles qu'elles apparaissent dans les discours officiels américains depuis le II septembre. Le deuxième chapitre démontrera comment les populations de la Come ont été interpellées à travers la sécurisation de l'islam, des États dits fragiles, en déliquescence et défaillants et du sous­ développement. Nous terminerons alors en expliquant à quelle stratégie ces représentations ont donné lieu et pourquoi celle-ci suscite tant de controverses.

(26)

REPRÉSENT ATIONS DE SOI ET DU SYSTÈME INTERNATIONAL APRÈS LE Il SEPTEMBRE 2001

1.1 Interprétation des attentats du 11 septembre 2001 et la « guerre contre le terrorisme»

L'analyse des pratiques représentationnelles qui ont donné lieu à l'émergence de la stratégie sécuritaire poursuivie par les États-Unis dans la Corne de l'Afrique depuis le 11 septembre nécessite une étude de l'imaginaire sécuritaire. La vision que

les décideurs et les

«

experts» qui les assistent dans la prise de décision ont de leur État, des autres et du monde est toujours fortement influencée par le contexte. Pour comprendre les actions américaines récentes dans la Corne, il faut donc s'attarder un moment sur l'interprétation des attentats et, par conséquent, sur la manière dont le gouvernement Bush a choisi d'y répondre.

1.1.1 La représentation des attentats de 2001 comme actes de guerre

La construction des attentats comme actes de guerreS6 a été un élément décisif dans la formation de la politique étrangère après le 11 septembre. C'est notamment ainsi que la

«

guene contre le tenorisme

»

a pu devenir le

fil

conducteur de cette politique et qu'il ne fut plus question d'une politique étrangère que George W. Bush voulait a priori modeste et humbleS? L'importance que la

«

guerre contre le terrorisme» a prise dans la vie politique américaine peut d'ailleurs être illustrée par ces simples statistiques: 562 titres de discours donnés entre octobre 2002 et octobre

56 Richard Jackson, Writing the War on Terrorism: Language. Polilics and Counler-Terrorism, Manchester: Manchester University Press, 2005, p. 38.

57 Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, « Réflexions théoriques sur la politique américaine de sécurité nationale

après le Il septembre 2001 », Cenlre d'Éludes des Politiques Étrangères el de Sécurilé (CÉPÈS). coll. Notes de recherches, no. 27 Quin 2004), p. 5.

(27)

2005 par le Département de la Défense contenaient le mot « terror »58 et de 2002 à

2006, les «State of the Union speeches» incluaient Il mentions de l'éducation (la plus haute priorité déclarée par Bush début 2001), 3 mentions du chômage, 62 mentions des taxes, 91 mentions de l'Irak et 122 mentions du terrorisme59.

Plus précisément, la construction discursive des attentats terroristes en « actes de guerre» est fondamentale pour comprendre la légitimation du caractère avant tout militaire de la réponse américaine et de la division des États du monde en alliés inconditionnels et ennemis. Comme le remarque Richard Jackson, dans les discours présidentiels initiaux, Bush parle de « terrorists aets» et de « aets of mass murder »60. Il n'était, en effet, pas du tout inévitable ou même nécessaire d'évoquer la guerre vu qu'il s'agissait plutôt d'un acte criminel commis par un acteur non étatiquél. Or, le lendemain du II septembre, le président délaisse le thème criminel

au profit du thème guerrier: « The deliberate and deadly attaeks whieh were earried out yesterday against our country were more than aets of terror. They were aets of war. 62 » La trame guerrière fut rapidement étoffée par le cercle présidentiel.

Des actes de langage déclaratoires affirmant que les attentats étaient des actes de guerre furent repris dans tous les discours officiels, afin qu'aucun doute ne puisse subsister sur le fait que les États-Unis étaient en guerre. Cet extrait du discours que Donald Rumsfeld, alors Secrétaire de la Défense, a tenu le 27 septembre est un bon exemple des efforts du gouvernement américain pour signifier à sa population et au monde que le pays était désormais en guerre:

Tltey were aets of war, military strikes against the United States of America. As such, those Department of Defence employees who were injured or killed were not just vietims of terraI'. Tltey were combat easua/ties [. ..] [T]he members of the armedforees that were killed or injured

58 lan Lustick, Trapped in Ihe War on TerraI', Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2006, p. 12.

59 Ibid.. p. 13.

60 Richard Jackson, op. Cil., p. 38.

61 Sandra Silberstein, War of WOl'ds: Language. Polilics and 9/11. London; New York: Routledge, 2002. p. 1.

62 George W. Bush, « Remarks by the President ln Photo Opportunity with the National Security Team »,

(28)

in Ihe Seplember IIIh allack on Ihe Penlagon and Ihe World Trade Cenler lowers will receive Ihe Plirple Hearl. As you know, Ihe Plirple Hearl is given 10 Ihose killed or wOllnded in combal. 63

Notons à ce sujet que les attentats précédents d' Al-Qaida contre des intérêts américains (qui, certes, n'ont pas eu lieu sur le sol américain) ne furent pas interprétés comme des déclarations de guerre. Que cela fut fait après le Il septembre ne rendit pas seulement l'explosion du budget de la Défense et les interventions militaires acceptables, il les rendit inévitables. Comme Morin, Macleod et Malfatto soulignent, l'expression « guerre» légitime

«

à elle seule le recours à l'option militaire comme unique solution possible et acceptable64 ».

En outre, puisque

«

les États-Unis» avaient été attaqués par un ennemi dit similaire aux fascistes et aux communistes65 et qu'ils étaient donc en guerre, il fut logique que tous les gouvernements qui ne se déclaraient pas alliés inconditionnels de Washington fussent perçus comme des ennemis. Bush pouvait donc affirmer:

« Every nation, in every region, now has a decision to make. Either you are with us,

or you are with the terrorists. From this day forward, any nation that continues to harbour or support terrorism will be regarded by the United States as a hostile regime. 66 » La force de ce message réside à la fois dans l'acte de langage directif et dans l'acte de langage engageant qui indiquent aux autres États quel comportement à adopter s'ils veulent éviter d'être considérés comme l'ennemi de la superpuissance.

Il est important pour ce mémoire de souligner que Washington, en exigeant de tous les gouvernements de se positionner pour ou contre les États-Unis, a invité les régimes oppressifs à se joindre à son camp, puisque la seule exigence était de

63 Donald H. Rumsfeld, Henry H. Shelton, Victoria Clarke et Charles S. Abell, « News Briefing »,

Washington, DC: United States Departement of Defense, 27 septembre 2001. Nous avons souligné les actes de langage déclaratoires dans cet extrait.

64 David Morin, Alex Macleod et Pierre-Louis Malfatto, « Introduction: Contre l'hégémonie? L'ordre

international à l'épreuve de la crise irakienne », chap. dans Alex Macleod et David Morin (dir.), op. cil.. p. 21.

6, Voir, entre autres, les analogies faites dans le discours suivant: George W. Bush, « Address to a Joint Session of Congress and the American People », Washington, DC: United States Capitol, 20 septembre 200 l.

(29)

coopérer dans la « guerre contre le terrorisme ». Ce message fut particulièrement bien entendu dans la Corne de l'Afrique où les États - incluant le Soudan où Ben Laden avait résidé de 1991 à 199667 - ont assuré les États- Unis de leur coopération presque immédiatement après les attentats. En échange, de nombreux chefs d'État espéraient, souvent àjuste titre, bénéficier de plus d'assistance économique et surtout militairé8. En d'autres mots, avec le Il septembre, le multilatéralisme « à la carte»

ou le

«

unprincipled multilateralism » a fait un retour en forcé9 aux dépens des politiques de conditionnalité de la démocratie en matière d'aide qui prévalaient au cours des années 1990.

1.1.2 La conceptualisation de la sécurité des États-Unis depuis le Il septembre

2001

La remise en question des décideurs de leur conception de la sécurité des États-Unis est également importante pour comprendre la réorientation de la politique étrangère américaine vis-à-vis de la Corne de l'Afrique. L'effet psychologique des attentats a joué un rôle important dans cette conceptualisation parce que les États­ Unis n'avaient plus été attaqués sur leur propre territoire depuis Pearl Harbor. Avant tout, les attentats ont signifié une perte d'illusion: le territoire des États-Unis pouvait être touché par

«

les désordres» d'autres pays. Cette idée a d'ailleurs été formulée peu de temps après le Il septembre par le célèbre éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman, qui annonça le début d'une troisième guerre mondiale où le monde de 1'

«

ordre» et celui du «désordre» s'opposeraient70. Désormais, le

gouvernement américain devait non seulement craindre les gouvernements forts, autoritaires et non alliés (les « États voyous »), mais également les faibles. Cette idée

67 Robert D. Grey, op. cil., p. 126.

68 David Kenda Adaka Kikaya, op. cit., p. 169. 69 Hans W. Mault, op. cil.. p. 47.

70 Thomas Friedman, Longitudes and AI/iludes. Exploring Ihe World Before and Alter September Il, London: Penguin Books, 2003. p. ix-x.

(30)

est centrale dans la stratégie nationale de sécurité des États-Unis de 2002, où est écrit en guise d'introduction:

The events ofSeptember Il, 2001, taught us that weak states, like Afghanistan. can pose as great a danger to our national interests as strong states. Poverty does not make poor people into terrorists and murderers. Yet poverty. weak institutions, and corruption can make weak states vulnerable to terrorist networks and drZlg cartels within their borders. 71

Comme le dit Rothchild, après le Il septembre 2001 :

«

It became clear to many that the fate ofthe United States was tightly interlinked with that ofthe developing world, in terms of not only charitable support but also of selfinterest. 72 » Parallèlement à

l'accumulation d'actes de langage déclaratoires affirmant que la sécurité des États­ Unis était liée à celle du tiers-monde, il y a eu un refus marqué d'accepter que le gouvernement américain ne pût pas tout contrôler73 . Cela s'est exprimé autant dans

l'augmentation du contrôle au sein du territoire américain et dans la décision de construire et de maintenir une défense

«

beyond challenge »74, que dans les

initiatives américaines visant à accroître le contrôle frontalier et policier dans les États faibles. Bien évidemment, le continent africain fut particulièrement concerné par cette dernière politique. En dépit du fait que les États-Unis ont été attaqués par un acteur non étatique, nous avons donc assisté à un retour en force d'une conception traditionnelle de la sécurité, dans la mesure où cette conception concerne la sécurité nationale et

«

implique une préoccupation unique pour la préservation de l'État en tant qu'unité principale des relations internationales et, conséquemment, met l'accent sur les menaces militaires qui pourraient remettre en question sa souveraineté et l'intégrité de son territoire75 ».

71 La Maison-Blanche, The National Security Strategy ofthe United States ofAmerica, 2002, op. cit., p. 4.

72 Donald Rothchild, «Trends in US-Africa Relations: Implications for the Future », chap. dans Donald

Rothchild et Edmond J. Keller, op. cit" p. 245.

73 Hans W. Maull, op. cit., p. 34.

74 La Maison-Blanche, The National Security Strategy ofthe United States ojAmerica, 2002, op. cit.. p. 29.

75 Isabelle Masson, « Sécurité », dans Alex Macleod, Evelyne Dufault et F. Guillaume Dufour (diL), op. cit.,

(31)

Si le diagnostic initial (les

«

désordres» d'ailleurs peuvent nUlre à notre sécurité) a donné lieu à la volonté traditionnelle d'augmenter armements et contrôle, une place spéciale a été réservée dans la stratégie nationale de sécurité des États-Unis de 2002 pour le

«

potentiel» et pour tout ce qui est de l'ordre du possible. De fait, il s'agit d'une stratégie conçue pour prévenir un nouveau

«

Il septembre ». Cette idée est symbolisée par l'instauration de la frappe « préemptive » (qui, d'ailleurs, est en fait préventive et donc illégale dans le droit intemational76) comme option stratégique viable. Cela aussi a changé radicalement la donne pour le continent africain, puisque de nombreux aspects caractérisant les pays africains (pauvreté, institutions faibles, corruption ... ) ont été désignés comme étant potentiellement

menaçants pour la sécurité des États-Unis. Dans l'introduction de la Quadrennial Defense Review, Rumsfeld expose l'interprétation de la Défense de la politique

étrangère de l'après-Il septembre.

The al/ack on the United States and the war that has been visited upon us highlights a fundamental condition of our circumstances: we cannat and will not know precisely where and when America's interests will be threatened, when America will come under attack, or when Americans might die as the result of aggression. We can be clear about trends, but uncertain about events. We can identify threats, but cannat know when or where America or its friends will be attacked. We should try mightily ta avoid surprise, but we must also learn ta expect it. We must constantly strive ta get better intelligence, but we must also remember that there will always be gaps in our intelligence. Adapting ta surprise - adapting quickly and decisively - must therefore be a condition ofplanning. 77

À

partir des actes de langage déclaratoires, Rumsfeld établit que les Américains ne pourront plus savoir où et quand les États-Unis et leurs alliés peuvent être attaqués. Ainsi, J'amélioration des services de renseignement et de la capacité d'adaptation est posée comme impérative via des actes de langage directifs. Sans surprise, cette construction du

«

nouvel» environnement sécuritaire a donné lieu à une stratégie

76 Voir Kroening Volker, Prevention or Preemption? - Towards a Clarification ofTerminology, Project on

Defense Alternatives Guest Commentary, Cambridge, MA: Commonwealth Institute, mars 2003. En ligne, http://www.comw.orginda/0303krocning.html. consulté le 5 décembre 2007.

77 Department of Defense, Quadrennial Defense Review Report, Washington, OC: Department of Defense. 30 septembre 2001, p. iii.

(32)

essentiellement focalisée sur le contrôle de l'espace et de l'information et non sur les causes sous-jacentes du terrorisme. Il y a donc eu un retour partiel vers la compréhension traditionnelle de la sécurité, centrée sur des notions d'État et de territoire, qui fut pourtant remise en question avec la fin de la guelTe froide78 .

L'interprétation des attentats du Il septembre est donc essentielle dans l'étude des pratiques représentationnelles à partir desquelles la politique étrangère américaine vis-à-vis de la Corne a émergé: elle a changé la donne par rapport à la politique en vigueur dans les années 1990, parce qu'elle est la politique d'un gouvernement qui se dit être en guerre, qui se sent menacé par son incapacité de tout contrôler, et qui voit les relations internationales à travers ce prisme. Coalitions « à la carte », interventions militaires et distribution d'assistance militaire et policière n'en sont alors que les conséquences logiques. L'étude de 1'« autoreprésentation » des États-Unis depuis le Il septembre est également importante pour éclairer la

«

nouvelle» stratégie sécuritaire des États-Unis, car l'identité qu'un État s'attribue détermine sa conception de

«

l'Autre» et de ce qui le menace.

1.2 Représentation de soi après les attentats du 11 septembre 2001

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78 Michael Renner. « State of the World 2005: Redefining Security », chap. dans Rethinking Global Security: An Ajrican Perspective?, sous la dir. de Makumi Mwagiru et Okello Oculli, Nairobi: Heinrich B611 Foundation, 2006, p. 1.

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