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Entre croissance urbaine et valorisation patrimoniale : avenir agricole des Chinampas de Xochilmico (Mexique)

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Academic year: 2021

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Entre croissance urbaine et valorisation patrimoniale :

avenir agricole des Chinampas de Xochilmico (Mexique)

Re´sume´

Derniers vestiges de la culture et du savoir-faire azte`que, les Chinampas de Xochimilco sont un exemple d’agriculture traditionnelle en milieu lacustre. A` proximite´ imme´diate de Mexico, le site est aujourd’hui directement confronte´ a` la pression urbaine et aux proble`mes de pollution. Pour lutter contre la diminution des terres agricoles et la baisse des rendements, les paysans de Xochimilco ont duˆ s’adapter en de´veloppant de nouvel-les strate´gies de production. Si ces e´volutions ont permis de maintenir leur activite´, elnouvel-les contribuent aujourd’hui a` la disparition du syste`me traditionnel de la Chinampa. Or, cette dernie`re est le fondement de la valorisation patrimoniale et touristique du site. Les gestionnaires sont donc confronte´s a` une double proble´matique : maintenir (voire meˆme recre´er) le syste`me chinampera pour conserver l’attractivite´ du site, mais aussi re´pondre aux attentes des agriculteurs, confronte´s a` de nombreuses difficulte´s dans la production et la commercialisation de leurs produits.

Mots cle´s : agriculture urbaine ; de´veloppement urbain ; floriculture ; Mexique ; patrimoine culturel.

The`mes : e´conomie et de´veloppement rural ; syste`mes agraires ; territoire ; foncier ; politiques agricoles et alimentaires ; transformation ; commercialisation.

Abstract

Between urban pressure and heritage: Which place for agriculture in the Chinampas of Xochimilco (Mexico)?

The final vestige of Aztec culture, the Chinampas of Xochimilco are an example of tradi-tional agriculture in shallow lakes. Near Mexico City, the site is directly faced with urban pressure and pollution. To fight against decreasing in agricultural land and yield loss, far-mers in Xochimilco have had to adapt by developing new production strategies. These changes, even if they have supported agriculture, today contribute to the disappearance of the traditional system and structure of the Chinampa, the heritage centre and tourist attraction of the site. The administrators are therefore confronted with a double problem: support (or even recreate) the Chinampera system, while also supporting farmers who are faced with great difficulty in producing and marketing their products.

Key words: cultural heritage; floriculture; Mexico; urban agriculture; urban development.

Subjects: economy and rural development; farming systems; processing; marketing; territory; land use; agricultural and food production policy.

D

erniers vestiges des traditions culturales azte`ques, les Chinam-pas de Xochimilco, a` proximite´ imme´diate de Mexico (figure 1), sont un exemple original d’agriculture en milieu lacustre. Autrefois exclusivement voue´s a` cette activite´, ils sont aujourd’hui le sup-port de multiples fonctions : approvision-nement en eau de la capitale, zone de

loisirs, poˆle touristique, bien patrimonial (inscrit a` l’Unesco), re´serve naturelle et foncie`re. Concurrence´e spatialement par les autres activite´s, l’agriculture, pour se maintenir, doit s’adapter en e´voluant elle aussi vers une multifonctionnalite´ et pro-poser des services qui de´passent la simple fonction d’approvisionnement des mar-che´s: maintien du tissu e´conomique et

doi:

10.1684/agr.2009.0313

E´tude originale

Ce´line Clauzel

Laboratoire « Espace, Nature, Culture » CNRS UMR 8 185

Universite´ Paris-Sorbonne (Paris IV) 45, rue lacroix

75017 Paris France

<celineclauzel@yahoo.fr>

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social, protection de l’environnement ou encore pre´servation et gestion du pay-sage (Fleury et Moustier, 1999).

Cet article se propose d’analyser l’e´volu-tion re´cente de l’activite´ agricole dans les Chinampas et la fac¸on dont elle cherche a` s’inte´grer dans ce nouveau contexte. Les e´tudes s’appuyant sur les recense-ments agricoles sont nombreuses et tou-tes concluent a` un recul ge´ne´ral de l’agri-culture depuis le de´but du XXe sie`cle (Inegi, 2001). L’objectif est ici de centrer l’analyse sur les 30 dernie`res anne´es, pe´riode qui a connu de profonds boule-versements dans les pratiques agricoles. En effet, malgre´ la diminution des terres et la baisse des rendements, certains chi-namperos (agriculteurs dans les Chinam-pas) sont parvenus a` se maintenir en orientant leur activite´ vers des cultures et des techniques plus rentables. Ces muta-tions ont entraıˆne´ une re´organisation comple`te de l’occupation du sol,

particu-lie`rement visible sur les photographies ae´riennes.

Cette the´matique est donc aborde´e par l’angle spatial, de´marche encore peu uti-lise´e sur les Chinampas. L’analyse dia-chronique de donne´es-images entre 1974 et 2004, associe´e aux enqueˆtes de terrain, permet de reconstruire l’occupation du sol a` diffe´rentes dates et d’e´valuer, quali-tativement et quantiquali-tativement, les princi-paux transferts entre les activite´s. Graˆce a` l’apport des donne´es historiques et socio-e´conomiques, ces e´volutions sont repla-ce´es dans leur contexte de fac¸on a` identi-fier leurs causes, mais aussi leurs re´per-cussions sur le fonctionnement global du site. Enfin, pour comprendre la place actuelle de l’agriculture dans le syste`me « Chinampas » et tenter d’e´valuer son roˆle futur, notre de´marche est comple´te´e par l’analyse d’enqueˆtes aupre`s des diffe´rents acteurs (agriculteurs, touristes, institutions).

Les Chinampas :

atouts et contraintes

Les archives historiques laissent supposer que les Chinampas furent cre´e´es pour pal-lier le manque de terres cultivables (Ezcurra, 1990). Arrivant au XIVe sie`cle dans une re´gion de´ja` occupe´e par d’autres peuples, les Azte`ques n’eurent d’autre choix que de s’installer sur les rives inha-bite´es des lacs et d’adapter les techniques agricoles a` la pre´sence permanente de l’eau. D’apre`s les historiens, les Chinam-pas s’e´tendaient sur 120 kilome`tres carre´s (dont deux tiers e´taient cultive´s) et pou-vaient nourrir jusqu’a` 100 000 personnes (Canabal Cristiani, 1997). Mais ce syste`me, performant a` l’e´poque des Azte`ques, peut-il se maintenir dans un espace sou-mis a` de nouvelles contraintes ?

Une agriculture lacustre

a` haute productivite´

Les Chinampas sont des ıˆles lacustres arti-ficielles dont la superficie oscille entre 1 000 et 5 000 me`tres carre´s. Leur tech-nique de construction consiste a` de´poser plusieurs couches de terre et de matie`res organiques sur un tapis de roseaux entre-lace´s. Une fois que le fond du lac est atteint, des arbres sont plante´s autour des terrains pour les fixer (Musset, 2003). Tre`s fragiles, ces derniers ne´cessitent un entre-tien constant afin de corriger leur tendance naturelle a` l’affaissement. Les canaux sont ainsi cure´s deux fois par an et le limon extrait re´pandu sur les parcelles. Cela a le double avantage de les rehausser et de les fertiliser. En contrepartie, l’humidite´ cons-tante favorise la croissance des plantes, tandis que les apports de vase, de de´bris ve´ge´taux et de fumier enrichissent les sols. Ces e´le´ments permettent de pratiquer une agriculture intensive avec trois ou quatre cycles de culture au cours d’une meˆme anne´e. La productivite´ de ces milieux construits est donc plus e´leve´e que celle des autres terres agricoles. Ainsi, la super-ficie cultive´e dans les Chinampas couvre 15 % du total des surfaces agricoles de la de´le´gation de Xochimilco, mais repre´-sente 26 % du volume total de production (Unesco, 2006). Celle-ci est extreˆmement varie´e, associant cultures locales (maı¨s, tomate, haricot rouge, etc.), le´gumes importe´s d’Europe (e´pinard, laitue, radis, etc.), floriculture (Poinsettia, ge´ranium, rosier, etc.), arboriculture (troe`ne, cypre`s, etc.) et e´levage (bovin et porcin). ÉTATS-UNIS

MEXICO ET SON AIRE URBAINE

CHINAMPAS DE XOCHIMILCO MEXIQUE Océan Pacifique Golfe du Mexique ÉTAT DE MEXICO Gustavo A. Madero Azcapotzalco Miguel Hidalgo Cuauh--temoc Venustiano Carranza Alvaro Obregan Benito Juarez Iztacalco Iztapalapa Coyoacan Tlahuac Xochimilco Tlapan 10 km 0 N 400 km 0 N Milpa Alla ÉTAT DE MORELOS Ejidos de San Gregorio Xochimilco N 2 500 m 0 San Gregorio Atlapulco San Luis Tlaxizltemalco Aire métropolitaine (ou aire urbaine)

District fédéral

C. Clauzel, 2008 La

Magdalena Mexico

Figure 1. Localisation des Chinampas de Xochimilco. Figure 1. Location of the Chinampas of Xochimilco.

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Fonctionnant en cercle quasi ferme´ (les intrants proviennent de la re´gion et les re´sidus de cultures sont re´utilise´s), ce sys-te`me est conside´re´ comme un mode`le d’agriculture durable (Stephan-Otto et Espinosa, 2001), mais l’extension de la ville de Mexico auXXesie`cle et la surex-ploitation des ressources en eau tendent a` remettre en cause sa viabilite´.

Un espace soumis

a` de nombreuses contraintes

Autrefois espace rural, les Chinampas sont aujourd’hui encercle´es par un tissu urbain dense. Entre 1950 et 2000, la popu-lation de Xochimilco est passe´e de 47 000 a` 370 000 habitants, avec des taux de croissance atteignant jusqu’a` 87 % entre 1970 et 1980 (Carmona Rime´-nez, 2000). L’offre limite´e de logements ne permettant pas de re´pondre aux besoins de la population, l’urbanisation s’est e´tendue sur des terrains non viabili-se´s (versants montagneux, zones inonda-bles, terres agricoles). Si les Chinampas sont directement confronte´es a` cette extension du baˆti, elles subissent e´gale-ment ses effets indirects.

Depuis le de´but duXXesie`cle, Xochimilco

est l’une des principales sources d’eau potable de la capitale du Mexique (Peredo, 1991). Avec l’augmentation de la population, les extractions toujours plus nombreuses ont conduit a` une sur-exploitation des nappes phre´atiques et a` un asse`chement des canaux. Une fois ces derniers comble´s, les terres maraıˆche`res se reconvertissent rapidement en zone urbanise´e. Pour reme´dier a` cette situa-tion, 25 usines de traitement ont e´te´ ins-talle´es sur le district fe´de´ral et traitent 10 % des eaux use´es produites par la ville de Mexico. Sur ce volume, 30 % seu-lement sont renvoye´s dans les Chinampas (DDF, 2006). Cette re´alimentation, meˆme infime, est conteste´e par de nombreux acteurs qui estiment que les traitements sont insuffisants et contribuent ainsi a` l’aggravation de la pollution du site. Les e´tudes biologiques re´ve`lent en effet

des taux importants de

micro-organismes pathoge`nes (accentue´s par les connexions ille´gales sur les re´seaux d’eau pluviale), de me´taux lourds, de nitrates et de phosphates qui de´passent les limites pre´conise´es par l’Agence de protection de l’environnement des E´tats-Unis (DDF, 2006). Les eaux de certains canaux sont d’ailleurs de´conseille´es a` l’ir-rigation et a` l’arrosage des espaces verts. Ces pollutions ont des re´percussions

directes sur l’activite´ agricole en entraıˆ-nant une diminution quantitative (rende-ments) et qualitative des produits. En plus de ces contraintes environnemen-tales, les chinamperos doivent faire face a` la concurrence des exploitations de pleins champs qui be´ne´ficient d’une meilleure qualite´ de l’eau, d’aides gouvernementales ou de technologies plus avance´es (Unesco, 2006). Le de´veloppement des transports a en effet bouleverse´ les rapports spatiaux entre espace de production et de commer-cialisation. Les Chinampas, qui ne peuvent de toute fac¸on plus re´pondre totalement aux besoins alimentaires de Mexico, ont ainsi perdu leur principal avantage compa-ratif, celui de la proximite´.

Mutations re´centes

de l’agriculture familiale

des Chinampas

Pour tenter de maintenir leur activite´, les agriculteurs n’ont eu d’autres choix que

de s’adapter en de´veloppant de nouvelles strate´gies de production. La question de la rentabilite´ est primordiale pour ces exploitants qui commercialisent 90 % de leur production (les 10 % restants e´tant souvent destine´s a` l’autoconsommation).

Un site domine´ en 1974

par les activite´s agricoles

L’exploitation de la photographie ae´rienne de 1974 (figure 2) montre un site domine´ par les parcelles agricoles (71 % de la superficie, soit 2 747 hectares). Les exploitations traditionnelles et inten-sives se partagent a` part e´gale l’activite´. Les premie`res sont identifiables sur toute la moitie´ sud par leur parcellaire distinc-tif : de petites parcelles de´limite´es par des canaux et borde´es d’arbres. L’agriculture intensive, caracte´rise´e par le comblement des canaux et le regroupement des ter-rains, est pre´sente aux extre´mite´s du site ainsi que dans la partie centrale « les ejidos de San Gregorio Atlapulco ».

Ces re´sultats doivent cependant eˆtre nuance´s, car ils donnent une vision par-tielle de l’activite´ a` un moment donne´

Urbanisation Activités de production Activités de loisirs Terres inexploitées

Infrastructure routière Habitat dense Habitat diffus

Maraîchage sous serre Maraîchage intensif Maraîchage traditionnel Eau Sol nu Bois Marais Mètres

XOCHIMILCO Délégation San Gregorio

Atlapulco Village (« pueblo »)

0 1 000 2 000 C.Clauzel, 2008 N COYOACAN TLALPAN TLAHUAC Xochimilco XOCHIMILCO IZTAPALAPA San Gregorio Atlapulco San Luis Tlaxialtemalco Sanfiago Tulyehualco

Figure 2. Cartographie de l’occupation du sol des Chinampas en 1974. Figure 2. Mapping of land use on Chinampas in 1974.

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(mars 1974) et ne peuvent refle´ter totale-ment l’utilisation re´elle. Ainsi, d’apre`s la de´le´gation de Xochimilco, seulement 30 % des terres (chiffre conteste´ a` l’e´poque par les agriculteurs) e´taient exploite´es de manie`re permanente en rai-son de la pollution, des inondations et de l’urbanisation.

Celle-ci est circonscrite aux limites sud ou` elle correspond au centre de Xochimilco et aux pe´riphe´ries des villages de San Gregorio Atlapulco et San Luis Tlaxialte-malco. Dans ces secteurs, le baˆti diffus n’est en fait compose´ que de quelques habitations isole´es a` proximite´ des terres maraıˆche`res.

Cette configuration refle`te l’organisation historique des Chinampas : un espace rural, essentiellement tourne´ vers les acti-vite´s de production.

Une agriculture fragilise´e

en voie de spe´cialisation

en 2004

Face a` la baisse des rendements, les exploitants ont recentre´ leur activite´ vers les cultures les plus rentables. Les recense-ments agricoles montrent ainsi une dimi-nution globale des superficies cultive´es en le´gumes entre 1998 et 2004 : -49 % a` San Gregorio Atlapulco, -62 % a` Xochi-milco et -92 % a` San Luis Tlaxialtemalco (Unesco, 2006). Le maı¨s, autrefois domi-nant, a pratiquement disparu (40 hectares en 2004 contre 204 hectares en 1998), en raison de sa faible rentabilite´. Comme il est seme´ en mars-avril, il faut en effet patienter six mois avant de commencer a` re´colter les e´pis (septembre), alors que, dans le meˆme temps, trois re´coltes peuvent eˆtre re´alise´es avec les cultures maraıˆche`res. A` San Luis Tlaxialtemalco, les exploitants se sont presque tous reconvertis dans la production de fleurs et de plantes ornementales.

Les agriculteurs ont e´galement de´ve-loppe´ des modes de production de plus en plus intensifs (figure 3) : comblement des canaux pour augmenter la superficie des parcelles et installation de serres pour maintenir une activite´ constante toute l’anne´e. Ces dernie`res sont souvent asso-cie´es a` des technologies perfectionne´es : syste`me d’irrigation, controˆle de l’humi-dite´ et de la tempe´rature, apport d’en-grais et de pesticides. Si la floriculture est plus risque´e (les fleurs sont plus fra-giles que les le´gumes), elle apporte un revenu plus e´leve´ aux exploitants – leur marge peut atteindre 50 % du prix de commercialisation (tableau 2) –, ce qui

leur permet de rembourser rapidement le couˆt d’installation des serres (entre deux a` trois ans, d’apre`s un producteur de Poinsettias).

Ces deux types de production (maraıˆ-chage et floriculture) engendrent des dif-fe´renciations sociales entre exploitants (Canabal Cristiani, 1997) : les floriculteurs sont souvent plus jeunes (57 % d’entre eux ont entre 20 et 40 ans, contre 36 % pour les maraıˆchers), plus qualifie´s (seu-lement 6 % n’ont jamais e´te´ scolarise´s, contre 18 % pour les seconds), et ont ge´ne´ralement un meilleur niveau de vie. Ces techniques de production intensive ont, certes, permis de maintenir une acti-vite´ agricole sur les Chinampas, mais ont e´galement des conse´quences majeures sur l’environnement (pollution, asse`che-ment, etc.). Face a` la de´te´rioration crois-sante de la qualite´ des eaux et des sols, l’agriculture traditionnelle, confronte´e a` une baisse de productivite´, tend a` dispa-raıˆtre et, avec elle, le paysage caracte´ris-tique des Chinampas. Or, celui-ci est la base de leur attractivite´ et le crite`re

essen-tiel de leur inscription sur la liste du patri-moine mondial de l’Unesco. Les gestion-naires ont par conse´quent tout inte´reˆt a` maintenir cette activite´.

Demain :

une agriculture

re´cre´ative,

patrimonialise´e,

ou extravertie ?

En 30 ans, la superficie agricole des Chi-nampas a diminue´ de 52 % passant de 2 745 a` 1 330 hectares (tableau 1). Inse´re´ dans un tissu urbain tre`s dense ou` les espaces vacants sont rares, le site est le support de diverses fonctions souvent pas, ou peu, compatibles entre elles : re´si-dentielle, re´cre´ative, agricole, environne-mentale ou encore patrimoniale. Pour se maintenir, les agriculteurs doivent trouver Urbanisation Infrastructure routière Habitat dense Habitat diffus Marché couvert XOCHIMILCO XOCHIMILCO TLALPAN COYOACAN IZTAPALAPA N TLAHUAC Xochimilco

Délégation San Gregorio

Atlapulco San Luis Tlaxialtemalco Santiago Tulyehualco San Gregorio Atlapulco Village (« pueblo ») C.Clauzel, 2008 Maraîchage traditionnel Maraîchage intensif Maraîchage sous serre

Pépinière Bois Parc Eau Réservoir Marais Sol nu 0 Mètres 1 000 2 000 Terrain de sport

Activités de production Activités de loisirs Terres inexploitées

Figure 3. Cartographie de l’occupation du sol des Chinampas en 2004. Figure 3. Mapping of land use on Chinampas in 2004.

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leur place dans un syste`me devenu concurrentiel et multifonctionnel.

Une concurrence spatiale

pre´judiciable a` l’agriculture

La carte d’occupation du sol en 2004 (figure 3) re´ve`le de profonds bouleverse-ments lie´s a` l’application d’un programme de protection e´cologique en 1989. Ce der-nier e´tait destine´ a` enrayer le processus de de´gradation, limiter les risques d’inonda-tion et de´velopper l’attractivite´ du site. Pour atteindre les objectifs, de nombreux ame´nagements ont e´te´ re´alise´s, souvent au de´triment de l’agriculture. Le secteur le plus touche´ concerne les ejidos de San Gregorio Atlapulco (pre`s de 600 hectares), ou` les parcelles, particulie`rement affec-te´es par la pollution et la salinisation des sols, ont e´te´ classe´es en zone prote´ge´e ou` toute activite´ est interdite. Sur les autres secteurs, environ 30 % des terres agricoles ont e´te´ utilise´es pour installer des bassins de re´gulation et des e´quipements a` voca-tion re´cre´ative. Le programme n’a en revanche pas eu d’impact sur l’extension de l’urbanisation (+ 188 %) qui forme aujourd’hui un tissu urbain dense et continu sur les pe´riphe´ries sud.

En plus de ces transformations, les Chi-nampas sont e´galement confronte´es a` une augmentation importante de leur fre´-quentation. Si les canaux a` proximite´ de Xochimilco (partie sud-ouest) sont depuis longtemps le lieu de rendez-vous domini-cal des familles mexicaines, ils sont e´ga-lement devenus une e´tape incontour-nable des circuits culturels des tour operator e´trangers. Estime´e par les auto-rite´s a` plus d’un million de visiteurs par an (dont 84 % sont des habitants du district fe´de´ral), la fre´quentation provoque de ve´ritables embouteillages sur les canaux et de´stabilise le fonctionnement du site, tant sur le plan environnemental que sur le plan social.

La promiscuite´ des activite´s (et dans cer-tains cas leur chevauchement) engendre en effet des conflits entre les diffe´rents groupes d’acteurs. Le programme de 1989, applique´ sans vraie concertation, a ainsi suscite´ de vives protestations de la part des chinamperos exproprie´s (Vas-quez, 1995 ; Heimo, 2005). Si la pression sociale a permis l’ouverture de ne´gocia-tions, les expulsions ont ne´anmoins e´te´ maintenues, moyennant des compensa-tions financie`res et foncie`res. Ces relacompensa-tions tendues entre exploitants et gouverne-ment sont encore vivaces aujourd’hui, les

premiers reprochant au second de ne pas suffisamment les soutenir (d’apre`s l’Unesco, entre 30 et 60 % des chinampe-ros ne perc¸oivent aucune aide financie`re et/ou technique). Des entretiens ponctuels ont e´galement fait ressortir des tensions conflictuelles entre exploitants (Clauzel, 2008) : certains accusent les producteurs utilisant des techniques intensives (serre, comblement des canaux, produits chimi-ques) de de´te´riorer l’environnement et donc de pe´naliser l’ensemble du secteur ; d’autres reprochent aux be´ne´ficiaires d’ai-des gouvernementales de leur faire injus-tement concurrence.

Le maintien d’une agriculture sur les Chi-nampas doit donc faire face a` de nom-breuses contraintes, tant physiques que socio-e´conomiques, qui ne peuvent eˆtre re´solues qu’avec l’aide des pouvoirs publics.

Vers une agriculture

durable ?

Compte tenu des changements environ-nementaux et socio-e´conomiques, l’agri-culture chinampera peut difficilement revenir vers une fonction unique d’appro-visionnement. Mais contrairement aux autres espaces pe´riurbains de Mexico, eux aussi touche´s par le de´clin de l’agri-culture (Banzo, 1996), les chinamperos disposent d’un atout non ne´gligeable : la valeur culturelle et patrimoniale de leur activite´. L’inscription du site en 1987 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco te´moigne de la prise de conscience gou-vernementale de la ne´cessite´ de pre´server les Chinampas et leur paysage caracte´ris-tique. Or, celui-ci est e´troitement lie´ au maintien d’une agriculture traditionnelle. Le premier objectif des gestionnaires est donc de revaloriser ce mode de production aupre`s des exploitants. Ces derniers pei-nent en effet a` eˆtre remplace´s par les jeu-nes, peu inte´resse´s par une activite´ qui re´mune`re mal le travail fourni (Banzo, 1996). Or, 35 % des chinamperos ont plus de 55 ans, et 21 % plus de 66 ans (Unesco, 2006). De nombreuses parcelles risquent donc d’eˆtre confronte´es a` un proble`me de de´prise dans les prochaines anne´es. Le second objectif est de diversifier les de´bouche´s pour augmenter la rentabilite´ des exploitations. Dans cette optique, un rapprochement entre touristes et agricul-teurs (par exemple a` travers la visite de parcelles maraıˆche`res) aurait le double avantage de de´sengorger les canaux en proposant un autre mode de de´couverte (agrotourisme) et d’apporter une nou-Tableau 1.E´volution de la superficie de chaque occupation du sol

dans les Chinampas, entre 1974 et 2004.

Table 1. Evolution of the area of land use in Chinampas between 1974 and 2004.

Occupation du sol 1974 2004 E´volution (%)

Habitat 110,61 349,52 + 216 Habitat diffus 56,64 106,48 + 88 Marche´ 0 25,38 -— Urbanisation 167,25 481,38 + 188 Eau 99,65 256,64 + 157 Terrains de sport 0 93,42 -— Parc 0 255,47 -— Bois 27,40 6,72 -75 Loisirs 127,05 612,26 +382

Maraıˆchage sous serre 3,80 122,58 + 3 126

Maraıˆchage intensif 1 373,39 727,56 -47 Maraıˆchage traditionnel 1 367,58 446,20 -67 Pe´pinie`re 0 33,16 -— Production 2744,77 1 329,49 -52 Re´servoir 0 176,38 -— Marais 146 359,83 + 146 Sol nu 681,85 902,51 + 32 Terres inexploite´es 827,88 1 438,72 + 74

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velle cliente`le aux chinamperos. Certai-nes exploitations en bordure des canaux touristiques vendent de´ja` une partie de leur production directement aux visiteurs (essentiellement des plantes ornementa-les). L’objectif serait donc d’e´tendre ces initiatives aux secteurs les moins fre´quen-te´s. La cre´ation d’une appellation d’ori-gine permettrait e´galement de mettre en avant l’origine locale des produits. Mais cette valorisation aupre`s des consomma-teurs n’a de sens que si ceux-ci sont de qualite´. Des progre`s importants doivent donc eˆtre envisage´s pour diminuer les taux de pollution.

Face aux de´gradations environnementa-les, la floriculture apparaıˆt a` premie`re vue plus pertinente pour maintenir la fonction productive du site. Mais cette filie`re a, elle aussi, des inconve´nients majeurs, puisque les modes actuels de production transforment le paysage tradi-tionnel et accentuent les proble`mes de pollution et d’asse`chement. Des program-mes doivent donc eˆtre mis en place pour inciter et former les exploitants a` de´velop-per de nouvelles me´thodes de production plus e´cologique.

Conclusion

Ame´nage´es pour l’agriculture, les Chi-nampas sont aujourd’hui un espace mul-tifonctionnel ou` se superposent diffe´rents usages concurrentiels. A` l’origine territoi-res n’ayant qu’une fonction strictement agricole, ils sont devenus des « paysages culturels et patrimoniaux ». Or, les muta-tions re´centes de l’agriculture vers des techniques intensives entraıˆnent la dispa-rition du paysage traditionnel et remettent en cause l’inscription du site a` l’Unesco,

ainsi que son attractivite´ touristique. Les dernie`res statistiques (Unesco, 2006) montrent d’ailleurs une baisse de la fre´-quentation probablement lie´e a` l’image ne´gative de Xochimilco aupre`s des touris-tes e´trangers (pollution, urbanisation incontroˆle´e, proble`mes de se´curite´, etc.). Pour tenter de renverser cette tendance, une re´flexion globale doit eˆtre mene´e sur la qualite´ environnementale des Chinam-pas et la place de l’agriculture dans ce syste`me. Pour maintenir durablement l’activite´, celle-ci doit associer viabilite´ e´co-nomique des exploitations et respect de l’environnement. Dans ce domaine, les pouvoirs publics ont un roˆle majeur a` jouer, car la lutte contre la pollution et l’ex-tension de l’urbanisation ne peuvent eˆtre appre´hende´es qu’a` travers une gestion inte´gre´e a` l’ensemble du district fe´de´ral. En de´pit des contraintes inhe´rentes au milieu lacustre (petite parcelle, entretien re´gulier, faible possibilite´ de me´canisa-tion, etc.), l’agriculture dans les Chinam-pas dispose de deux grands atouts : un statut de « bien patrimonial » qui apporte une valeur ajoute´e aux produits et une fre´quentation touristique importante. En de´veloppant de nouvelles strate´gies de production et de commercialisation a` des-tination des visiteurs, les chinamperos (soutenus par les gestionnaires) pour-raient parvenir a` maintenir durablement leurs exploitations et garantir ainsi le bon fonctionnement e´conomique et e´co-logique des Chinampas.

Re´fe´rences

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Unesco. Xochimilco, un proceso de gestio´n participativa. Mexico : Unesco, 2006. Tableau 2.Prix des principales cultures dans les Chinampas, du producteur au de´taillant.

Table 2. Price of main crops in Chinampas from producer to retailer.

Cultures Prix de vente (dollars US) Marge brute de commercialisation (%)

Producteur Interme´diaire De´taillant Producteur Interme´diaire De´taillant

Violette 21 45 60 35 40 25 Tulipe 23 45 63 37 35 28 Pe´tunia 32,5 42,5 65 50 15 35 Laitue (unite´) 0,75 5 8 9 53 38 E´pinard (kg) 1 6 7 14 71 15 Pourpier (botte) 3 8 11 27 45 28

Figure

Figure 1. Localisation des Chinampas de Xochimilco. Figure 1. Location of the Chinampas of Xochimilco.
Figure 2. Cartographie de l’occupation du sol des Chinampas en 1974. Figure 2. Mapping of land use on Chinampas in 1974.
Figure 3. Cartographie de l’occupation du sol des Chinampas en 2004. Figure 3. Mapping of land use on Chinampas in 2004.
Table 1. Evolution of the area of land use in Chinampas between 1974 and 2004.
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Références

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