• Aucun résultat trouvé

Temps, espace et identités : recherches sur les coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique (312-410)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Temps, espace et identités : recherches sur les coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique (312-410)"

Copied!
974
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-02724808

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02724808

Submitted on 2 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique

(312-410)

Vincent Mahieu

To cite this version:

Vincent Mahieu. Temps, espace et identités : recherches sur les coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique (312-410). Histoire. Université Paris sciences et lettres; Université catholique de Louvain (1970-..), 2018. Français. �NNT : 2018PSLEP029�. �tel-02724808�

(2)

Temps, espace et identités.

Recherches sur les coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique

(312-410)

École doctorale de l’EPHE – ED 472

Spécialité : histoire des religions et anthropologie religieuse

Soutenue par : Vincent MAHIEU le 27 juin 2018

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres

PSL Research University

Préparée dans le cadre d’une cotutelle entre

l’École Pratique des Hautes Études

et l’Université catholique de Louvain

COMPOSITION DU JURY :

Mme Nicole BELAYCHE EPHE

Directeur de thèse

Mme Françoise VAN HAEPEREN Université catholique de Louvain Codirecteur de thèse

Mme Claire SOTINEL Université Paris-Est Créteil Président du jury

Mme Aude BUSINE

Université Libre de Bruxelles Rapporteur

M. Jean-Marie AUWERS Université catholique de Louvain Examinateur

M. Jean-Marie SALAMITO

Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) Examinateur

M. Jean-Marie YANTE

Université catholique de Louvain Examinateur

Dirigée par :

Nicole BELAYCHE

(3)

Temps, espace et identités.

Recherches sur les coexistences religieuses dans la Rome tardo-antique

(312-410)

I. Texte

École doctorale de l’EPHE – ED 472

Spécialité : histoire des religions et anthropologie religieuse

Soutenue par : Vincent MAHIEU le 27 juin 2018

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres

PSL Research University

Préparée dans le cadre d’une cotutelle entre

l’École Pratique des Hautes Études

et l’Université catholique de Louvain

COMPOSITION DU JURY :

Mme Nicole BELAYCHE EPHE

Directeur de thèse

Mme Françoise VAN HAEPEREN Université catholique de Louvain Codirecteur de thèse

Mme Claire SOTINEL Université Paris-Est Créteil Président du jury

Mme Aude BUSINE

Université Libre de Bruxelles Rapporteur

M. Jean-Marie AUWERS Université catholique de Louvain Examinateur

M. Jean-Marie SALAMITO

Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) Examinateur

M. Jean-Marie YANTE

Université catholique de Louvain Examinateur

Dirigée par :

Nicole BELAYCHE

(4)
(5)

Temps, espace et identités

Recherches sur les coexistences religieuses dans

la Rome tardo-antique (312-410)

I. Texte

Louvain-la-Neuve Année académique 2017-2018

Faculté de philosophie, arts et lettres Institut des civilisations, arts et lettres Centre d’étude des mondes antiques

Thèse réalisée par

Vincent MAHIEU

en vue de l’obtention du grade de

Docteur en histoire, histoire de l’art et archéologie

Membres du jury :

Mme Françoise VAN HAEPEREN (UCL), promoteur Mme Nicole BELAYCHE (EPHE), copromoteur M. Jean-Marie YANTE, président

M. Jean-Marie AUWERS (UCL), lecteur

Mme Aude BUSINE (Université libre de Bruxelles), lecteur extérieur M. Jean-Marie SALAMITO (Université Paris-Sorbonne), lecteur extérieur Mme Claire SOTINEL (Université Paris-Est Créteil), lecteur extérieur

(6)

Illustration : détail de la peinture « L’esaltazione della Croce e l’abbattimento degli idoli » de Carlo Maratta (1625-1713), baptistère du Latran (Rome).

(7)

Remerciements

Cette thèse, entamée il y a maintenant presque huit ans, fut un labeur de longue haleine qui, s’il revêt par de nombreux côtés un caractère solitaire, n’aurait pu aboutir sans que de nombreuses personnes et institutions n’apportent leur pierre à l’édifice, sur le plan scientifique autant que personnel.

Mes premiers remerciements s’adressent à mes directrices de thèse : Françoise Van Haeperen et Nicole Belayche. Après avoir joué un rôle de premier plan dans la construction de mon savoir historique sur l’Antiquité romaine et avoir supervisé mon mémoire de master, Françoise m’a apporté son soutien sans faille dans la définition, l’élaboration et la réalisation de ce projet doctoral. Je suis honoré que Nicole ait dès le départ proposé une cotutelle. Qu’elles reçoivent ici toute ma gratitude pour la confiance qu’elles ont placée en moi, pour leur disponibilité et leur bienveillance, leurs encouragements, leurs conseils avisés, leurs observations pleines d’érudition et leurs relectures minutieuses.

Ma reconnaissance va également aux membres de mon comité d’accompagnement – Jean-Marie Auwers et Jean-Jean-Marie Salamito – pour nos échanges enrichissants et l’appui témoigné.

D’autres membres du monde académique belge, français mais aussi italien, ont ponctuellement facilité mes recherches et participé à affiner mon regard en m’accueillant dans des séminaires ou des colloques ou en prenant simplement le temps d’une discussion posée et fructueuse. Je pense notamment à Aude Busine, Daniel Stökl Ben Ezra, Jean Guyon, William Van Andringa, Javier Arce, Francesco Massa, Annelies Lannoy, Nicolas Tran (et l’équipe poitevine de l’European

Summer School in Epigraphy). Merci à Vincenzo Fiocchi Nicolai qui a eu la gentilesse de m’offrir un exemplaire de son ouvrage sur les structures paléochrétiennes de Rome et de m’ouvrir les portes de la biblliothèque du Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana.

Mes séjours parisien et romains m’ont apporté beaucoup d’un point de vue scientifique aussi bien qu’humain. Le premier a pu se dérouler dans des conditions confortables grâce à la bourse d’excellence de l’agence Wallonie-Bruxelles International (WBI) et à la fondation Biermans-Lapôtre. Les seconds n’auraient pas pu se faire sans l’Institut historique belge de Rome (IHBR) et l’Academia Belgica. Le temps passé dans l’Vrbs a été extraordinaire car il m’a permis de m’imprégner de l’atmosphère romaine, de m’immerger dans le contexte topographique de mon étude et de bénéficier de la richesse bibliographique des institutions de recherche. En particulier, nombreuses furent les heures passées dans les hautes pièces et les combles du Palazzo Farnese, occupés par la bibliothèque de l’Ecole française de Rome, à consulter les productions de mes illustres prédécesseurs et à rédiger les notices du catalogue, avec en arrière-fond le bruit caractéristique de la Piazza Farnese, mélange du lointain brouhaha des locaux et des touristes, du ruisselement de sa fontaine et des airs répétitifs d’un musicien de rue. Les séances de travail étaient parfois entrecoupées d’une conversation informelle (autour d’un café italien) avec un membre de l’EfR. Je songe en particulier à Isabelle Mossong. Le séjour romain n’aurait pas été le même sans les « académiciens » – ils se reconnaîtront : nous nous sommes forgés ensemble des souvenirs aussi impérissables que ne l’est la Ville Éternelle.

(8)

Durant les quelques années passées, en tant qu’aspirant, dans les murs de la faculté, mais aussi par après, j’ai pu compter sur les ressources intellectuelles et amicales des membres du couloir « HIST », dont Christian, David, Olivier, Palm, Pierre-Olivier, Valérie, William. Au quotidien, la bonne humeur énergique de Julie et l’esprit de camaraderie de Pierre-Luc ont été particulièrement appréciables. Par sa serviabilité, sa prévenance, son écoute attentive et empathique et ses petites attentions (sucrées), Roxane a préciseusement contribué à développer un environnement propice au bien-être personnel et à l’éclosion des idées. Aux étages supérieurs, il me faut remercier Catherine pour sa bienveillance et son aide pour les traductions anglaises et Alice pour tous les moments d’amitié.

Sur le plan institutionnel et financier, je tiens à exprimer ma reconnaisance au Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS), à l’Institut des Civilisations, Arts et Lettres (INCAL) et au Centre d’Étude des Mondes Antiques (CEMA) qui ont rendu possible cette thèse ainsi que la tenue d’évènements scientifiques qui nous tenaient à cœur avec Martin Degand.

À ce dernier, il m’importe d’octroyer une place particulière dans ces remerciements. Successivement ami, « collègue et néanmoins ami » comme le dit la formule classique, et de nouveau ami, il a été un formidable compagnon de bureau et de route intellectuelle et personnelle. J’espère avoir respecté et continuer à suivre les préceptes sénéquiens en faisant durer cette amitié afin de lui témoigner toute ma reconaissance.

Ma passion pour l’Antiquité gréco-romaine a pris racine bien avant l’université. Françoise Fripiat, mon enseignante de latin en humanités, y a grandement participé. Mon éducation familiale aussi. C’est un de nombreux bienfaits, avec leur soutien, leur affection et leur confiance, dont j’aimerais remercier les membres de mon entourage familial, en particulier mes parents et mes frères et sœurs. Je souris à l’idée que, dans quelques années, « celui qui délie ou dompte les chevaux » (Hippolyte) feuillette, voire même lise, avec un brin de fierté, la production de son parrain. Merci aussi à Carmen pour ses relectures.

Je réserve les ultimes phrases à celle qui, depuis presque six ans, partage ma vie et qui en tire un grand mérite car vivre avec un doctorant est un défi, pour ne pas dire une épreuve. Outre des remerciements pour son aide logistique et sa participatin aux relectures et à la finalisation de la thèse, qu’elle trouve ici l’expression affectueuse de ma profonde reconnaissance pour l’amour et la confiance qu’elle me témoigne, sa compréhension, sa patience et ses encouragements. Tu es ma

(9)

Historia vero temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae, nuntia vetustatis (…).

CICERO, De oratore, 2, 36.

Vno itinere non potest perueniri ad tam grande secretum.

(10)
(11)

9

T

ABLE DES MATIÈRES DU TOME

I

Abréviations ... 15

Table des figures ... 17

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 19

Temps, espace, société et religion ... 19

Du cadre spatio-temporel de l’enquête ... 24

Le modèle de la substitution/superposition : de la construction de légitimité d’une Église triomphante à sa déconstruction dans un Occident laïcisé ... 26

Repères historiographiques ... 30

Considérations méthodologiques et épistémologiques ... 45

Plan ... 52

P

REMIÈRE PARTIE

:

P

ARTAGER LE TEMPS En guise de préambule : « DIES OBSERVATIS, ET MENSES, ET TEMPORA, ET ANNOS (…) : omnes dies aequales esse » (HIER., Comm. In Gal., 4, 10) ... 59

Chapitre 1 – Temps et rythmes traditionnels de la cité autour de 354 ... 63

1.1. Un système calendaire pluriséculaire ... 63

1.2. La qualité des jours : néfastes, fériés, défavorables ... 66

1.3. L’année civile et politique ... 70

1.4. La scansion des célébrations religieuses ... 82

1.4.1. Les fêtes et les cultes publics de l’Vrbs : aperçu, nature et distribution ... 82

1.4.2. Les fêtes et les cultes publics de l’Vrbs : contenu et impact ... 100

1.4.2.1. Sacrifice et commensalité : offrir aux dieux, partager avec les hommes, manifester la communauté ... 100

1.4.2.2. Les fêtes, expression du sacré, sources de laetitia et lieux du consensus... 113

1.4.2.2.1. Les spectacles : divertissements sacrés, expression politique et identitaire 113 1.4.2.2.2. Les processions : marquage spatiale, affirmation d’une communauté, sensorialité du sacré et de l’identité ... 119

1.4.2.2.3. Rassemblement économique : les foires et marchés ... 127

1.5. Une société agricole : les nundines et les vacances des moissons et des vendanges ... 129

(12)

10

Chapitre 2 – La construction du temps communautaire chrétien à Rome et son

rapport avec les structurations calendaires préexistantes ... 141

2.1. Du Jour du Soleil au Jour du Seigneur : la scansion hebdomadaire de la communauté chrétienne ... 141

2.1.1. La semaine chez les chrétiens : appropriation et resémantisation d’un ancien rythme .. ... 141

2.1.2. Les temps chrétiens de la semaine ... 147

2.1.2.1. L’invention du dimanche : débats autour du contexte d’origine et des motivations concurrentielles ... 147

2.1.2.2. Le dimanche au IVe siècle à Rome ... 149

2.1.2.3. Le jeûne du Samedi et les interactions religieuses ... 153

2.2. Un cycle liturgique chrétien en « concurrence » avec le temps civique traditionnel ? ... 157

2.2.1. L’apogée pascal, un temps mobile ... 157

2.2.1.1. Difficultés et opportunités d’intégration d’un temps d’abstinence (Carême) et d’un temps de commémoration (Pâques) dans la vie de la cité ... 157

2.2.1.2. Pentecôte (et Ascension), un temps de la joie : spécialisation de la fête, distanciation du judaïsme et conditions d’exercice dans le cadre de l’Vrbs ... 168

2.2.2. Autour de la naissance du Sauveur ... 173

2.2.2.1. Natus Christus et natalis Invicti ... 173

2.2.2.2. L’Épiphanie à Rome : enjeux intracommunautaires d’une importation et nouveau marquage du début de l’année civile ... 182

2.3. Le calendrier de la communauté chrétienne de l’Vrbs : hasard, concurrence et identité romaine ... 187

2.3.1. Construction du culte martyrial : fixation du calendrier et développement de la fête .... ... 187

2.3.1.1. L’exemple des fêtes de Pierre et Paul et de Quirinus ... 188

2.3.1.2. La fixation calendaire de la mémoire des évêques morts en exil : un exemple de la stratégie ecclésiastique ? ... 193

2.3.2. Le calendrier des saints dans la première moitié du IVe siècle ... 197

2.3.2.1. Les logiques de développement du calendrier ... 197

2.3.2.1.1. Les fêtes traditionnelles : un facteur de sélection ? ... 197

2.3.2.1.2. Confrontation des calendriers : observations statistiques ... 199

2.3.2.1.3. Le rythme des saisons et des hommes... 203

2.3.2.1.4. Dissensions sectaires et martyrs ... 204

2.3.2.2. Liste des évêques : erreurs de transmission ou évolution ? Traditions anciennes ou choix nouveaux ? ... 205

2.3.2.3. Natale Petri de cathedra et caristia : christianisation du calendrier « païen » ? 208 2.3.3. L’action de Damase sur le plan calendaire ... 211

(13)

11

2.3.4. De quelques évolutions constatées dans le Martyrologue Hiéronymien ... 216

Chapitre 3 – Quand le temps d’une communauté devient celui de la cité : régulation et institutionnalisation du temps chrétien dans le contexte de l’Vrbs . 223 3.1. Constantin, prince chrétien ou suppôt du Soleil ? L’assurance d’un pluralisme religieux et la sanction du rythme hebdomadaire ... 223

3.2. Valentinien Ier et l’amorce d’une nouvelle position : la fête centrale du christianisme élevée au rang de solennités impériales ... 234

3.3. De Gratien à Théodose : restructuration du calendrier officiel et basculement de la norme ... 237

3.4. Les successeurs de Théodose et le calendrier des spectacles : consolidation et légitimation du processus ... 246

D

EUXIÈME PARTIE

:

P

ARTAGER L

'

ESPACE En guise de préambule : Espace, marquage et identité. Réflexions théoriques autour des représentations discursives de la Rome « païenne » ... 251

Chapitre 4 – La monumentalité religieuse de la Rome du IVe siècle : état des lieux ... 265

4.1. Une enquête sur les marqueurs de la topographie religieuse ... 265

4.1.1. Un relevé systématique et critique inédit : le catalogue ... 265

4.1.2. Traitement des données : de quelques facettes et concepts du phénomène de la monumentalité polythéiste ... 266

4.2. Des acteurs multiples et partagés : pluralisme religieux, repères culturels ... 269

4.2.1. Relevé des acteurs de la monumentalité religieuse dans les données du catalogue . 269 4.2.2. Les autorités civiles et ecclésiastiques et la monumentalisation chrétienne : réflexions autour de la distinction public/privé ... 273

4.2.3. Les autorités urbaines et la gestion du patrimoine sacré ... 276

4.3. Physionomie du cadre monumental polythéiste ... 282

4.3.1. L’héritage : une stratification monumentale pluriséculaire ... 282

4.3.2. La situation de Constantin au sac de 410 ... 289

4.3.2.1. La physionomie religieuse ... 289

4.3.2.1.1. Panorama général ... 289

4.3.2.1.2. Topographie du culte impérial ... 305

4.3.2.1.3. Maintenir et redonner sens à la physionomie religieuse : interventions sur le patrimoine sacré ... 308

4.3.2.2. La topographie cultuelle ... 312

(14)

12

4.4. L’insertion monumentale urbaine de la communauté chrétienne : le réseau des

tituli ... 326

4.4.1. Une problématique en débat ... 326

4.4.2. Les tituli : modalités et agents des fondations ... 327

4.4.2.1. Propriété collective, personnalité juridique et collège ... 327

4.4.2.2. Le titulus : séparation entre fondation et dotation ... 330

4.4.2.3. Fondateurs, dotateurs, évergètes et évêques ... 334

4.4.3. Les tituli jusqu’à Innoncent Ier (401-417) ... 341

4.5. Au-delà du réseau des tituli : maintien d’un réseau domestique et topographie des hétérodoxes ... 349

Chapitre 5 – Les logiques de coexistence spatiale ... 367

5.1. Empereurs et fondations chrétiennes : affirmer un lien religieux privilégié ... 367

5.1.1. L’œuvre fondatrice de Constantin et de son entourage ... 367

5.1.1.1. Les fondations urbaines : entre continuités et ruptures ... 367

5.1.1.2. Les fondations suburbaines : culte des martyrs et culte impérial ... 381

5.1.2. Les interventions des successeurs de Constantin ... 396

5.2. Évitement ou affrontement religieux ? À la recherche des logiques d’implantation du réseau titulaire ... 400

5.2.1. Continuité ou rupture avec le IIIe siècle ? Les domus ecclesiae ... 400

5.2.2. Constats et facteurs de distribution ... 411

5.2.2.1. L’historiographie : de l’aléatoire au plan délibéré ... 411

5.2.2.2. Fonction antérieure des bâtiments ... 414

5.2.2.3. Régions civiles et régions ecclésiastiques ... 418

5.2.2.4. Concurrence religieuse ... 419

5.2.2.4.1. Relation avec la topographie des lieux de culte polythéistes ... 420

5.2.2.4.2. Parallèle avec les lieux de culte isiaques ... 425

5.2.2.5. Réalités démographiques et réseau viaire ... 431

5.2.2.6. Pôles d’attraction (thermes, marchés, portiques, lieux de divertissement) ... 440

5.2.3. Les autorités ecclésiastiques et l’ancrage monumental du christianisme : besoins liturgiques, enjeux de pouvoir et vitrine communautaire ... 451

5.2.3.1. Approche diachronique du programme édilitaire des évêques ... 451

5.2.3.2. Sylvestre Ier (314-335) ... 451

5.2.3.3. Marc (336) ... 453

5.2.3.4. Jules Ier (337-352) ... 455

5.2.3.5. Libère (352-366) ... 457

5.2.3.6. Damase (366-384) ... 459

(15)

13

Chapitre 6 – La fin des temples et la Rome chrétienne ... 473

6.1. La « fin des temples » en débat ... 473

6.1.1. Qu’est-ce que la « fin des temples » ? ... 473

6.1.2. Vue d’ensemble et modèles historiographiques... 476

6.2. La « fin des temples » dans la Rome des premières églises ... 482

6.3. La réappropriation chrétienne du territoire par le discours ... 491

T

ROISIÈME PARTIE

:

P

ARTAGER LE TEMPS ET L

'

ESPACE

:

UN LONG SIÈCLE DE COHABITATION. ÉTUDES DE CAS Chapitre 7 – Acteurs, lieux et pratiques du culte tardo-antique de Vesta ... 501

7.1. Une vitalité sous la dynastie constantinienne ... 502

7.2. La fin du culte : une disparition brusque ou une mort lente ? ... 507

Chapitre 8 – Mater Magna face aux chrétiens... 521

8.1. Croisement des réseaux cultuels métroaque et chrétien : causes et contours d’une cohabitation singulière ... 521

8.1.1. Le temple du Palatin et le titulus Anastasiae ... 524

8.1.2. La basilica Hilariana et les églises du Caelius ... 526

8.1.3. Vaticanus : le Phrygianum et la basilique de Pierre ... 529

8.1.4. Via Ostiense : la lavatio dans l’Almo et la basilique de Paul ... 538

8.1.5. Conclusion : concurrence, contigences ou symbolisme ? ... 539

8.2. L’abandon du temple du Palatin et le sac de Rome : exploitation idéologique et interprétation archéologique de la fin d’un sanctuaire ... 541

Chapitre 9 – Le culte de Mithra : un concurrent à abattre ? ... 547

9.1. Culte et topographie mithriaques dans la Rome du IVe siècle ... 547

9.2. Tituli et mithraea ... 556

9.2.1. Une concurrence topographique ? ... 562

9.2.2. Violences chrétiennes dans les mithraea : mythe ou réalité ? ... 566

9.2.2.1. Le mithraeum des Castra Peregrinorum et S. Stefano Rotondo ... 566

9.2.2.2. Le mithraeum de S. Prisca ... 570

9.2.2.3. Le mithraeum de S. Clemente ... 575

9.2.2.4. Quelques considérations synthétiques et l’hypothèse de la « fermeture rituelle » . ... 579

(16)
(17)

15

A

BRÉVIATIONS

Sources :

CL Catalogus Liberianus DE Depositio episcoporum DM Depositio martyrum MH Martyrologe hiéronymien LP Liber Pontificalis

Travaux :

AE L’année épigraphique

CCCA VERMASEREN M. J., 1977-1989, Corpus cultus Cybelae Attidisque, 7 vol., Leiden

(Études préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain, 50)

CIL Corpus inscriptionum Latinarum

CIMRM VERMASEREN M. J., 1956-1960, Corpus inscriptionum et monumentorum religionis

Mithriacae, 2 vol., La Haye CPL Clavis Patrum Latinorum

CUF Collection des Université de France

DA LECLANT J., dir., 2005, Dictionnaire de l’Antiquité, Paris (Quadrige)

DECA DI BERARDINO A., Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Paris, 2 vol.

ICVR Inscriptiones Christianae Vrbis Romae IGVR Inscriptiones Graecae Vrbis Romae

LTK KASPER W., dir., 1993-2001, Lexikon für Theologie und Kirche, 3e éd., Freiburg, 11 vol.

LTVR STEINBY E. M., dir., 1993-2000, Lexicon topographicum Vrbis Romae, Rome, 6 vol.

LTVRS LA REGINA A., dir., 2001-2008, Lexicon topographicum Vrbis Romae. Suburbium, Rome,

5 vol.

ODCC CROSS F. L. et LIVINGSTONE E. A., dir., 1997, The Oxford dictionary of the Christian

Church, 3e éd., Oxford

PF Pères dans la Foi

PG Patrologia Graeca

PIR Prosopographia Imperii Romani. Saec. I. II. III., 2e éd.

PL Patrologia Latinae

PLRE JONES A. H. M., MARTINDALE J. R. et MORRIS J., dir., 1971-1992, The prosopography

of the Later Roman Empire, Cambridge, 3 vol.

PLS Patrologiae Latinae Supplementum

(18)

16

SC Sources chrétiennes

(19)

17

T

ABLE DES FIGURES

(tomes I et II)

Figure 1 : Tableau des attestations des fêtes traditionnelles de Rome du règne de Constantin au

premier quart du Ve siècle 84

Figure 2 : Décompte du nombre de jours de fêtes du Calendrier de 354 par mois 98

Figure 3 : Décompte du nombre de jours de fêtes du Calendrier de 354 par saison 99

Figure 4 : Tableau des processions dans la Rome du IVe et du début du Ve siècles 121

Figure 5 : Tableau des recoupements entre les fêtes des martyrs et des évêques dans la DM et la

DE et les fêtes traditionnelles dans le Calendrier de 354 201

Figure 6 : Tableau de comparaison des dates de mort et de commémoration des évêques dans les

CL, DE, MH et LP 206

Figure 7 : Tableau : saints commémorés dans les épigrammes damasiennes, tentative de

détermination de leur date de commémoration à partir des DM, DE et MH, et

confrontation avec les fêtes tradionnelles du Calendrier de 354 212

Figure 8 : Tableau de confrontation des dates de commémoration des saints du MH avec celles

de la DM et avec les fêtes traditionnelles du Calendrier de 354 218

Figure 9 : Tableau : dates de commémoration de saints romains dont la première attestation

apparaît dans le MH et confrontation avec les fêtes traditionnelles du Calendrier de

354 220

Figure 10 : Tableau des acteurs de la monumentalité religieuse de Rome (312-410) 271

Figure 11 : Tableau des composantes de la physionomie polythéiste monumentale de Rome

(312-410) : indices et attestations 291

Figure 12 : Carte de la physionomie polythéiste monumentale de Rome (312-410) 301

Figure 13 : Carte de la physionomie polythéiste monumentale de Rome (312-410) – Forum

Romanum 302

Figure 14 : Carte des édifices du culte impérial à Rome (312-410) 307

Figure 15 : Tableau des (potentielles) interventions sur les édifices de culte polythéistes de Rome

(312-410) 310

Figure 16 : Carte des édifices de culte polythéistes de Rome ayant (possiblement) subi une

intervention à l'époque tardo-antique (312-410) 311

Figure 17 : Tableau des temples publics de la Rome tardo-antique (312-410) et de leur potentielle

utilisation festive 315

Figure 18 : Carte des temples possiblement utilisés lors des fêtes publiques de la Rome

(20)

18

Figure 19 : Tableau de la distribution chronologique des tituli chez C. Pietri, F. Guidobaldi et H.

Brandenburg 343

Figure 20 : Les traces d’existence des tituli de Sylvestre Ier à Innocent Ier d’après les données du

catalogue 345

Figure 21 : Carte des tituli de Rome de Sylvestre Ier à Innocent Ier 347

Figure 22 : Tableau comparatif des principales caractéristiques des basiliques paléochrétiennes

dites « à déambulatoire » 382

Figure 23 : Tableau du type et de la chronologie des structures précédant l’implantation des tituli

(attestés et hypothétiques) du IVe siècle 404

Figure 24 : Tableau de distribution des tituli (jusqu’à Innocent Ier) suivant les régions

ecclésiastiques 418

Figure 25 : Carte des tituli et temples à Rome (312-410) 422

Figure 26 : Carte des tituli et monuments isiaques et sarapiaques à Rome (312-410) 428

Figure 27 : Carte des tituli, thermes impériaux et marchés à Rome (312-410) 442

Figure 28 : Mise en parallèle de la carte de la distribution des scholae des collèges d'après

BOLLMANN B., 1997, p. 211 et de la carte de la distribution des tituli à Rome 450

Figure 29 : Tableau des potentielles traces d’abandon, de réaffectation ou de destruction des

édifices de culte polythéistes de Rome (312-410) 486

Figure 30 : Les titulaires d’un sacerdoce de Vesta à l’époque tardive (d’après RÜPKE J., 2005) 505

Figure 31 : Carte des sites métroaques de Rome (noyau urbain et périphérie immédiate) et des

églises paléochrétiennes avoisinantes, IVe-milieu du Ve siècle 523

Figure 32 : Carte des sites métroaque et chrétien autour de la via Ostiense 524

Figure 33 : Tableau des mithraea supposément actifs dans la Rome du IVe siècle 551

Figure 34 : Tableau : conjonction topographique entre mithraea et églises dans la Rome

tardo-antique 563

Figure 35 : Carte des églises et des mithraea dans la Rome tardo-antique 565

Figure 36 : Tableau des principales variations entre les relevés topographiques du Curiosum et de

la Notitia 637

Figure 37 : Tableau des attestations tardives des fêtes apparaissant dans l'églogue 23 (De feriis

Romanis) d'Ausone 645

Figure 38 : Carte des lieux de culte du catalogue (vue d'ensemble - Rome et sa périphérie

immédiate) 897

(21)

19

I

NTRODUCTION GÉNÉRALE

Temps, espace, société et religion

Contribuer à percer les ressorts d’une période charnière de l’histoire de la civilisation occidentale et à sonder les mécanismes d’une fascinante interaction religieuse au cœur de la cité à l’aura mythique qu’est Rome, dans le contexte d’un monde contemporain où la violence confessionnelle, ou prétendue telle, sature le champ médiatique quand elle ne fait pas irruption dans la réalité quotidienne : c’est ainsi que l’on pourrait exposer en des termes très généraux la motivation qui sous-tend le projet de la présente thèse.

La genèse de celui-ci plonge ses racines dans une passion personnelle précoce pour la civilisation gréco-romaine et une curiosité scientifique pour les relations entre le christianisme et cette même civilisation. Éveillé dans le contexte universitaire, ce dernier engouement aiguilla le choix de la problématique examinée dans le cadre de notre mémoire de fin de master, qui porta sur l’emprunt et les adaptations dans la littérature paléochrétienne du motif classique du sacrifice humain1. Cette plongée dans le christianisme antique s’est révélée fascinante et a engendré de

nombreux questionnements sur ce phénomène qui a vu une sous-culture, au sens sociologique du terme2, se hisser au rang de culture dominante, sans simplement se substituer à l’ancienne mais

dans un jeu de relations et d’influences complexes. Cette nouvelle culture a façonné durant plusieurs siècles les imaginaires et les pratiques occidentales, dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.

Or, si l’on désire saisir l’ossature de cette nouvelle culture qui s’impose notamment en recyclant l’ancienne et la structure de la société qui en émerge, il est deux dimensions supérieures de l’expérience humaine qui doivent être investiguées avec minutie : le temps et l’espace.

Il est impossible de concevoir les relations sociales en dehors d’un milieu commun qui leur serve de système de référence. L’espace et le temps sont les deux systèmes de référence qui permettent de penser les relations sociales, ensemble ou isolément. Ces dimensions d’espace et de temps ne se confondent pas avec celles qu’utilisent d’autres sciences. Elles consistent en un espace « social » et en un temps « social », ce qui signifie qu’elles n’ont d’autres propriétés que celles des phénomènes sociaux qui les peuplent,

soulignait C. Lévi-Strauss dans le cadre de l’élaboration méthodologique de l’analyse structurale3.

Pour Pascal, le temps est un objet complexe à définir et il serait vain de l’entreprendre puisqu’il est si consubstantiel à l’expérience humaine que tout un chacun saisit instinctivement ce qu’il signifie4. Tout un chacun perçoit également en quoi il représente une des voies majeures par

1 Voir MAHIEU V., 2009 (sous la supervision de la prof. Françoise Van Haeperen) qui a donné lieu à deux publications : MAHIEU V., 2010 et 2012.

2 Cf. SHORT J.F., 1996.

3 LÉVI-STRAUSS C., 1974 [1958], p. 317-318.

(22)

20

lesquelles une société se structure et gère son expérience du monde. Le temps est certes une pièce de l’architecture de toute conscience individuelle humaine, mais il possède également une articulation et une expression sociales. Pour le dire autrement, le temps est une construction sociale qui, vécue et interprétée par chaque individu, ne s’en trouve pas moins conceptualisée dans le discours collectif. Bien étudiées par les sciences sociales, les manifestations de cette articulation entre temps, société et individu sont multiples et se déclinent à plusieurs niveaux5.

On a spontanément tendance à réduire le temps de la société aux paramètres calendaires qui font partie des phénomènes les plus palpables. Or, le calendrier ne constitue qu’une catégorie parmi les processus de structuration du temps, qui vise à appliquer des principes organisationnels aux rythmes de la vie quotidienne. Il s’agit naturellement d’un phénomène fondamental et qui sera au cœur de la présente étude, mais il est bon d’être conscient que d’autres niveaux temporels existent. On peut en effet également examiner les manifestations de ce que certains appellent le « temps culturel », c’est-à-dire le rapport au temps qu’entretient une culture, la manière dont cette culture perçoit la notion de temps. Nous effleurerons cette approche en évoquant une évolution du discours sur la qualité religieuse des jours qui émerge dans la littérature chrétienne ou, du côté des réalités matérielles, en décrivant les réaménagements architecturaux de temples à partir d’éléments chronologiquement disparates, qui tous deux semblent dénoter un rapport différent au temps, mais nous ne développerons pas l’analyse plus loin dans cette direction comme l’a fait A. Gutteridge6.

Selon ce dernier, le temps culturel dans l’Antiquité tardive aurait tendance à reléguer les anciennes séquences structurelles du temps, comme la régénération cyclique ou la progression linéaire, et à être davantage caractérisé par de la fragmentation et de la discontinuité.

Conscient de ces différents niveaux d’horizons temporels, notre recherche se focalise sur la structuration calendaire de la société romaine et l’irruption dans le champ public d’une forme d’organisation du temps alternative assumée par une communauté – celle des adeptes du Christ – qui évolue au sein de cette société. Bien que cette communauté se différencie prioritairement sur le plan religieux, l’adoption et le développement, à partir du IVe siècle p.C., de leur calendrier dans

ce contexte social aura des répercussions sur d’autres structurations temporelles puisque, d’une part, le temps du religieux n’est pas, dans la société romaine, cloisonné par rapport aux autres temps (civil et politique) et que, d’autre part, s’imposera progressivement, au niveau du pouvoir central, la volonté d’impulser une nouvelle dynamique à l’ensemble de l’organisation temporelle de la cité. La focale est placée en parallèle sur l’autre pilier majeur de référence de tout univers social : l’espace. Puissante « instance sociale »7, il se donne à voir dans le palpable autant qu’il s’élabore et

prend sens dans le discours, en adéquation, en décalage ou en rupture avec la réalité matérielle. Fait de paysages, de territoires et de lieux, l’espace joue un rôle majeur dans la définition individuelle et collective, dans leur articulation et dans la structuration sociale, comme l’explique finement le géographe social G. Di Méo, qui en fait, avec le sujet humain et la société, un des pôles d’un triangle

5 Cf. par ex. ADAM B., 2004.

6 Cf. GUTTERIDGE A., 2006.

(23)

21

interactionnel dont le centre est l’identité8. On y reviendra plus longuement dans le corps de thèse,

mais partageons déjà un passage dudit spécialiste qui résume les enjeux de l’espace :

l’identité collective a besoin d’un territoire pour se manifester par des formes matérielles expressives, susceptibles d’être perçues par tous. À ce titre, chaque société érige en symboles palpables de sa propre identité certains lieux de l’espace. Dans ces conditions, la codétermination de l’identité collective et du territoire ne fait guère de doute. Si la première contribue à forger le second, celui-ci l’expose et le conforte. Il lui confère, par le truchement des paysages géographiques et des objets-lieux patrimoniaux qui le parsèment, une personnalité perceptible et vibrante, une constante actualité9.

Étant donné la nature religieuse de cette sous-culture que l’on institutionnalise à partir de Constantin, la première mutation de l’espace qui résulte du phénomène, autant qu’il le consolide, réside dans l’implantation, sur un arrière-fond urbain à la stratification pluriséculaire dont la composante religieuse n’est pas des moindres, de nouveaux lieux de culte qui, reliés, donnent naissance à un nouveau réseau religieux au sein de la cité. C’est cette évolution dans l’espace de la Ville que l’on tentera de cerner. Certes, elle aura un impact plus large sur l’ensemble de l’urbanisme de Rome puisque, à l’instar de nombreuses agglomérations antiques, ce réseau cultuel chrétien va devenir une ossature structurante au fil des contractions de la cité, mais ces développements sont postérieurs au cadre chronologique fixé pour cette étude.

Ces manifestations matérielles de la topographie religieuse chrétienne qui éclosent dans la Rome constantinienne formeront donc l’objet essentiel de l’enquête sur le partage de l’espace, mais, à l’instar du temps, examiner ce phénomène conduit à réfléchir au rapport à l’espace, en l’occurrence ici religieux, qui s’en dégage. Ce rapport est entre autres lié à la notion de sacré du lieu. P. Chuvin dit du paganisme qu’il est « une religion des lieux » pour qualifier la perception qu’en ont les législateurs du Ve siècle p.C10. Il est vrai que le polythéisme romain se caractérise par une

multitude et une diversité de lieux de culte. On ne peut, à vrai dire, saisir ce que le concept de dieu romain recouvre sans prendre en compte ce que M. Lipka nomme les « spatial foci »11, ces balises

matérielles, qui octroient aux divinités une corporéité dans la cité et en dehors ; une divinité romaine ne peut a priori être objet de culte si elle ne possède pas son espace de culte, son ancrage spatial, un ancrage aux limites strictement établies et au marquage puissant, puisque, dans le champ public, il est établi par une procédure de consécration qui fait basculer le lieu dans la catégorie juridico-religieuse du sacer. La cité partage littéralement son espace avec les divinités12. Les lieux de

culte du polythéisme sont omniprésents : dans les rues, aux carrefours, aux abords des fontaines, dans les demeures privées, dans les espaces collectifs, etc. On le verra, les chrétiens n’ont pas, sur

8 Cf. DI MÉO G., 2002. Sur la relation que les Anciens romains entretiennent avec l’espace et son intrication avec le religieux, voir SCHEID J., 2005c.

9 DI MÉO G., 2001, p. 641. 10 CHUVIN P., 1991, p. 84.

11 Parallèlement aux « temporal foci », tronçons de temps réservés au dieu, coupures dans le quotidien participant de cette visibilité du divin, au cours desquels, par des cérémonies et rites (voir infra sut les fêtes), les mythes étaient rappelés et actualisés, le pacte avec les hommes était renouvelé ; cf. LIPKA M., 2009.

12 Voir par ex. DUBOURDIEU A. et SCHEID J., 2000 sur le partage de la cité par le biais du sacré et la terminologie des lieux de culte. Sur la notion juridique de sacer, voir DE SOUZA M., 2004 ; LANFRANCHI T., 2017, dir.

(24)

22

le plan théorique, la même relation à la spatialité, ne serait-ce que parce que Dieu peut être prié en tout lieu, même si, dans la pratique, ce rapport à l’espace évoluera très rapidement13, façonné par

des habitudes profondément fixées dans les mentalités et par l’irrésistible besoin des hommes d’ancrer géographiquement tout ce qui fait leur identité, leur mémoire, singulièrement dans le domaine religieux14.

Les sphères du temps et de l’espace seront, à des fins analytiques, envisagées séparément mais il est une évidence qu’elles se recoupent en de nombreux points. On peut également reprendre la situation théorique donnée par A. Gutteridge : dans une ville donnée, la manière dont est conceptuellement perçu le passé et son articulation avec le présent va influencer la décision de la collectivité sur l’avenir à réserver à tel ou tel ancien bâtiment (démolition, préservation en l’état, rénovation, etc.). À son tour, le résultat matériel de cette décision sera visible dans le paysage de la cité, enverra un message qui sera diversement reçu et influera dès lors sur le rapport au temps des générations postérieures.

À vrai dire, l’espace est tout entier pénétré du temps. Cet entrelacement avec l’histoire serait la spécificité de ce référentiel structurel qu’est l’espace si l’on suit M. Santos qui argue que « la structure spatiale est aussi le passé dans le présent ». Plus précisément développe-t-il :

elle fonctionne selon les lois de l’actuel, mais le passé est aussi là, présent. De plus, l’espace est aussi le futur déjà dans le présent, par la finalité attribuée aux choses construites, à l’espace bâti dès l’instant où il trouve sa place en un point quelconque de la surface de la Terre. (…) Par l’espace, l’histoire devient elle-même structure, structurée dans des formes. Et ces formes en tant que formes-contenu, influencent le cours de l’histoire car elles participent de la dialectique globale de la société15.

Il est une réalité anthropologique qui illustre parfaitement la conjonction des sphères temporelle et spatiale : la fête. Les sociologues et anthropologues se sont, depuis plusieurs dizaines d’années, largement penchés sur les sens et fonctions des fêtes16. Ce n’est pas ici le lieu pour détailler

ces pensées. Limitons-nous à citer les considérations synthétiques de G. Di Méo pour qui le jour de fête

témoigne donc des croyances collectives, des représentations du sacré propres à une communauté ou à la majorité de ses membres. À ce titre, il établit un lien dialectique entre un univers concret et profane, la matérialité sociale qui se lit dans la quotidienneté des lieux, et la spiritualité, la mémoire collective, les idéologies d’un groupe territorialisé17.

13 Ce constat conduit à nuancer la dichotomie entre polythéisme romain et christianisme du point de vue de la spatialité élaborée par LIPKA M., 2009.

14 Sur la relation privilégiée entre lieux de culte et territoire et des réflexions méthodologiques à ce sujet, voir ADANKPO O., DRIDI A., COTIC BELLOUBE C., e. a., 2015. Sur la notion de sanctuaire et son évolution entre l’Antiquité et le Haut Moyen-Âge, voir aussi VAUCHEZ A., 2000.

15 Cf. SANTOS M., 1981, p. 108-109.

16 On peut penser aux ouvrages devenus classiques de CAILLOIS R., 1970, ISAMBERT F.-A., 1982 ou DUVIGNAUD J., 1991.

(25)

23

L’auteur décrit dans cette contribution les fonctions identitaires, cathartiques, régulatrices des rapports sociaux que revêt l’événement festif18, qui est par essence un fait temporel, mais il s’en

empare surtout avec son regard de géographe pour en approfondir la signification proprement spatiale :

La fête possède en effet la capacité de produire des symboles territoriaux dont l’usage social se prolonge bien au-delà de son déroulement. Cette symbolique festive épouse et qualifie des lieux, des sites et des paysages, des monuments ou de simples édifices. Elle les associe dans un même schème de significations identitaires. (…) Maille ou réseau de lieux, l’espace territorialisé par la fête entre dans une configuration symbolique, à la fois éphémère (temporaire donc) et reproductible (rythme cyclique des fêtes). (…) [Les lieux symboliques de la fête], articulés en territoires, ou synecdoques de territoires, ne se comportent pas comme de vulgaires cadres de l’action festive. Ils figurent au contraire parmi les acteurs les plus éminents et les plus signifiants de l’événement. Ils sont consubstantiels de la fête19.

Et de conclure sur les profonds enjeux spatio-temporels de la fête, sur « cette dimension de laboratoire des intrications séquentielles du temps et de l’espace (puissamment territorialisé) que revêt toute fête » :

Plus que tout autre événement ou phénomène social, la fête exprime le rôle clé du temps et de l’espace, à la fois enchevêtrés et fragmentés, longs, étendus et sans limites, mais aussi brisés, découpés dans la vie quotidienne des sociétés comme dans leur structuration territoriale et leur rapport au monde20.

Au passage, on notera que, puisque la fête contribue à donner du sens à l’espace, il est intéressant d’avoir une bonne vision du temps festif et de ses composantes au moment d’aborder la topographie religieuse de la cité. C’est pourquoi, le parti a été pris dans de cette étude d’envisager en premier lieu la situation sur le plan temporel.

Ayant pris la mesure de la primordialité des deux axes sociaux structurants que sont le temps et l’espace et de leur entrelacement, singulièrement dans le champ du religieux, nous nous sommes donc mis en quête de réponses à deux interrogations générales relatives à la transformation que Rome subit avec le changement de statut du christianisme initié par Constantin : comment, d’une part, l’organisation calendaire de l’Église s’insère-t-elle dans la trame des temps de la cité et se développe-t-elle dans ce contexte, et, d’autre part, l’ancrage matériel du culte chrétien s’inscrit-il dans le territoire de l’Vrbs, dans son tissu urbain aussi bien que dans sa périphérie ? Quels sont les mécanismes, les dynamiques qui animent ces phénomènes et quelles sont les logiques qui les sous-tendent ? Quels en sont les impacts et que disent-ils des modes d’interaction entre les communautés ?

18 Sur l’importance de la fête comme renouvellement de l’ordre social et spatial et de l’affect de la fête pour enraciner la mémoire collective, voir aussi les réflexions théoriques de GRUET B., 2006 et leur application au cas de Rome sur la longue durée.

19 DI MÉO G., 2001, p. 625, 633 et 635. 20 DI MÉO G., 2001, p. 635.

(26)

24

Du cadre spatio-temporel de l’enquête

Le lecteur l’aura compris, ces recherches sur le partage de l’espace et du temps se focalisent sur un contexte géographique limité, à savoir la ville de Rome, son noyau urbain mais aussi sa périphérie – le Suburbium (jusqu’au XIe mille21) – puisque le réseau religieux de la cité se prolonge

au-delà de ses murailles. La décision de restreindre le terrain d’observation à cette seule cité tient, d’une part, à un impératif de faisabilité dicté par l’économie d’une thèse doctorale, et répond, d’autre part, à la nécessité, dans un contexte tardo-antique affecté par des variations régionales notables, de réaliser de solides enquêtes sur des micros niveaux avant de vouloir présenter une synthèse à un échelon macro.

Le choix s’est porté sur Rome qui offre un cadre intéressant tant en raison de sa position singulière, tout à la fois centre symbolique de l’empire, bastion historique du polythéisme romain et cité majeure du christianisme, que de l’importance quantitative et qualitative de la production documentaire et matérielle la concernant, épargnée par les vicissitudes du temps et exhumée grâce à la curiosité de générations d’érudits. On reviendra à plusieurs reprises sur ces dimensions particulières. Gardons à l’esprit que le corollaire logique de ces traits singuliers est une diminution du niveau probable de représentativité du phénomène à l’étude dans cette ville par rapport aux évolutions des autres contextes urbains.

L’ampleur de la tâche requiert également la fixation d’un cadre chronologique adéquat. Il ne peut être question de couvrir la totalité de l’Antiquité tardive, d’autant plus que les délimitations de cette période sont débattues, comme on le verra. Toute limite dans un travail de ce type a quelque chose d’arbitraire, il faut en être conscient. La borne initiale de l’étude semblait s’imposer : le règne de l’empereur Constantin qui, avec ledit « édit de Milan » de 313, octroie à la communauté chrétienne un statut légitime qui la fait entrer dans une nouvelle ère : la visibilité monumentale du christianisme se développe puissamment, son organisation du temps influe du plus en plus sur le rythme de la cité ; les sources se multiplient et, avec elles, les possibilités de réaliser cette enquête. Pour la précision, on notera que c’est bien la date de 312 – la défaite de Maxence et l’entrée de Constantin dans Rome – qui démarre la couverture chronologique de nos recherches et non 313, car, bien que ladite décision législative ait incontestablement été un tournant majeur, la relation de Constantin avec le christianisme et avec l’Vrbs avait commencé avant ; il est d’ailleurs tout à fait possible que le prince ait, dès 312, lancé le chantier de la basilique du Latran22.

Naturellement, il conviendra de régulièrement remonter à des périodes antérieures pour comprendre la genèse de certains phénomènes et saisir le parcours qui a conduit à la situation du IVe siècle.

Pour la borne finale, on a délibérément écarté un recours, comme cela se fait parfois, à la législation dite « antipaïenne » et à l’un ou l’autre édit en particulier. Il est en effet compliqué de

21 Conscient que cette délimitation territoriale résulte en partie d’une construction savante, nous avons opté pour cette limite, parfois appelée « ligne Kiepert », qui distingue le Latium vetus et la ville de Rome même et qui sert régulièrement de référence pour aborder le Suburbium ; cf. MÉNARD H. et PLANA-MALLART R., 2016, p. 19-22.

(27)

25

travailler avec ces données législatives qui ont été compilées bien après leur promulgation et dont la portée exacte et la mise en application réelle sont controversées23, qui plus est quand il s’agit

d’évaluer les conséquences d’une mesure générale sur un espace aussi limité qu’une unique cité. Il nous a semblé plus judicieux de tenter de trouver un événement qui, à coup sûr et dans l’immédiat, avait touché Rome. La décision a dès lors été prise de s’arrêter au sac de la ville par les Goths en 410, un épisode que l’on imagine avoir eu un impact non négligeable sur le plan monumental, démographique ou des mentalités, à tel point que le contexte après l’événement ne serait plus pareil. Cette limite se révèle avant tout pertinente pour le pan topographique de l’étude. On constatera, à plusieurs reprises, que cette date de 410 est mentionnée dans le catalogue ou le corps de thèse comme potentiel moment de destruction de tel ou tel bâtiment ou, au contraire, d’opportunité pour d’autres constructions. Il se pourrait par exemple que la basilique de Sainte-Marie-Majeure se soit installée sur les ruines d’une demeure anéantie lors de cette prise de la Ville24.

Mais soyons honnête : les grandes « messes » scientifiques qui eurent lieu à Rome en 2010 pour célébrer l’anniversaire de ce qui était souvent décrit comme un événement historique de première importance ont été assez unanimes dans la tendance à en réduire la portée et les conséquences25.

La faiblesse de la documentation archéologique a été soulignée, que ce soit en termes d’ampleur ou de connexion assurée avec le sac de 410. La fragilité des témoignages écrits, pour la plupart issus d’acteurs éloignés géographiquement ou chronologiquement et qui mettent ce fait au service de leur discours, a aussi été discutée.

Si le sac de 410 n’est pas le basculement, la césure que l’on a longtemps décrite, il demeure un événement extraordinaire (dans le sens de ce qui sort de l’ordinaire) qui a contribué à l’évolution de la cité, qui l’a accélérée sur certains points. Il a constitué un moment de crispation et de questionnements identitaires dans la cité, notamment sur le plan religieux, et a modifié, de façon plus générale, l’imaginaire social. Il aurait influencé les perceptions et les habitudes culturelles chrétiennes, en particulier le rapport à l’église comme lieu de protection et de salut et à la présence des morts à l’intérieur de la cité. Il a probablement débouché sur un petit fléchissement de l’état démographique qui était déjà à la baisse auparavant et qui le sera encore davantage durant le siècle qui s’ouvre. Il aurait eu une incidence sur les habitudes statuaires. Il a sans doute représenté une étape dans une forme d’appauvrissement urbain qui aurait déjà commencé à la fin du IVe siècle et

qui aurait en bonne partie été consécutive à des désastres naturels. Quoi qu’il en soit de l’étendue des dégâts causés par le sac d’Alaric, il est tout de même probable que les destructions inhérentes à un épisode de ce type aient eu pour effet une libération d’espaces dans la cité que n’aurait pas manqué d’exploiter l’Église comme les autres acteurs immobiliers.

23 Sur la question de l’application de la législation impériale (et notamment l’interprétation à donner aux édits répétitifs) et de l’utilisation des codes de lois tardo-antiques comme sources pour l’histoire religieuse, voir par ex. MACMULLEN 1998 [1996], p. 38-40 ; CURRAN J. R., 2000, p. 161-169, MAXWELL J., 2015, p. 854 et 862.

24 Voir notice 27 du catalogue.

25 Cf. les actes de ces colloques dans DI BERARDINO A., PILARA G. et SPERA L., dir., 2012 ; HARICH-SCHWARZBAUER H. et POLLMANN K., dir., 2013 ; LIPPS J., MACHADO C. et VON RUMMEL P., 2013 ; ainsi que le compte rendu synthétique de ces trois publications par VAN NUFFELEN P., 2015.

(28)

26

Finalement, il nous semble qu’après 410, les « règles du jeu », les paramètres ont suffisamment changé pour que cet événement puisse être envisagé comme jalon terminal de nos recherches. Cette borne, sans doute plus discutable que la borne initiale de 312, établit en tout cas un arc qui s’étale tout de même sur un siècle et conduit à brasser un nombre déjà élevé de sources. Il faut également noter que cette balise de 410 a évidemment un côté théorique car, dans la pratique, la réalité des sources nécessite une certaine souplesse, en particulier dans le champ des fêtes polythéistes et des pratiques cultuelles dont on peut trouver trace dans des témoignages à la datation incertaine autour de 410. De même, des documents parfois clairement postérieurs à 410 devront être utilisés pour attester la permanence d’un sanctuaire ou pour discuter du phénomène de la fin des temples et des cultes.

Le terrain d’étude que nous nous apprêtons à parcourir, loin de constituer une terra incognita, est tout sauf neutre. Au cœur d’enjeux puissants depuis les premiers siècles d’une Église qui se voulait triomphante jusqu’à aujourd’hui, ces phénomènes se doivent également d’être resitués dans un contexte historiographique moderne agité et en pleine évolution.

Le modèle de la substitution/superposition : de la construction de légitimité d’une Église triomphante à sa déconstruction dans un Occident laïcisé

Le processus de promotion culturelle du système de référence chrétien et donc de transformation de l’ancienne culture s’est accompagné de la production d’un discours, par les contemporains et les générations postérieures, visant à démontrer la stature sociale du nouveau système produit et à convaincre du caractère inéluctable du triomphe de l’Église, bref à construire et affermir, à l’échelle de la société, la légitimité d’une institution qui, dans le fond, devait son changement de statut à la décision toute personnelle d’un prince alors qu’elle ne concernait qu’une minorité de la population 26. Les leaders d’opinion chrétiens, qu’ils soient prédicateurs,

hagiographes, historiographes, théologiens, s’évertuaient à faire du projet de société qu’ils défendaient non pas une alternative à ce qui était déjà là, mais une vérité triomphante qui pouvait remplacer en tout point l’ancienne structure sociale et, singulièrement sur le plan religieux, se substituer parfaitement aux anciens cultes. Émerge ainsi, pour représenter les transformations à l’œuvre, un modèle que l’on pourrait désigner de « substitution directe » ou de « superposition oblitérante ». Des témoignages anciens de ce modèle, regardant aussi bien les lieux de culte que le calendrier, et des considérations historiographiques sur cette démarche parsèmeront le texte de la présente thèse. Contentons-nous ici, à titre d’illustration, de citer un extrait du traité Thérapeutique

des maladies helléniques composé par Théodoret de Cyr dans le premier quart du Ve siècle, qui combine

les deux dimensions d’un remplacement dans l’espace et dans le temps :

26 Sur la question de la proportion chrétienne dans la population de l’empire, il faut naturellement relever l’étude de STARK R., 1996, p. 4-13 qui a tenté une reconstitution statistique et est arrivé à une estimation de dix pourcent à l’orée du IVe siècle (avec une disparité importante entre villes et campagnes). Objet de nombreuses discussions et critiques (par ex. BROWN P. 1997 [1995], p. 39), l’évaluation de R. Stark ne doit cependant pas être rejetée en bloc comme l’explique SHEAN J. F., 2010, p. 111-112. Par ex., VEYNE P., 2007, p. 10 reste dans les mêmes proportions en évoquant 5 à 10 pourcent de la population de l’empire à l’arrivée de Constantin au pouvoir.

(29)

27

Mais pourquoi parler des philosophes, des empereurs et des généraux, puisque les martyrs ont effacé de la mémoire des hommes le souvenir de ceux-là même qu’on appelait des dieux. En effet, les temples des dieux ont été si complètement détruits qu’on ne peut même plus se faire une idée de leur plan, et que les hommes d’aujourd’hui ne savent plus la forme de leurs autels, tandis que leurs matériaux ont été consacrés aux sanctuaires des martyrs. En effet, notre Maître a mis ses propres morts à la place de vos dieux ! Il a mis ceux-ci dehors au vu et su de tous, et il a attribué aux siens l’honneur qu’on leur avait rendu. Et voici qu’au lieu des Pandies, des Diasies, des Dionysies et de vos autres fêtes, c’est en l’honneur de Pierre, de Paul, de Thomas, de Serge, de Marcel, de Léonce, d’Antonin, de Maurice et des autres martyrs qu’on célèbre des festins publics27.

Nul besoin de démontrer que, durant les siècles qui suivent, étant donné la toute-puissance de l’Église et l’omniprésence du christianisme dans nos contrées, ce modèle a pu continuer à se transmettre et à se diffuser suivant cette même perspective d’une consolidation de légitimité28.

La fin de l’Ancien Régime, qui s’est accompagnée d’un mouvement de laïcisation de la société et d’un anticléricalisme plus ou moins virulent, change la donne. On ne compte plus les charges qui, depuis le XVIIIe siècle, cherchent, avec plus ou de moins de raison et de méthode, à saper

l’édifice patiemment construit par l’Église et à construire une autre image du christianisme. Une des dernières en date qui vient à l’esprit n’est autre que l’essai Décadence de Michel Onfray publié en 2017, qui a eu un retentissement médiatique remarquable du fait de la notoriété du philosophe autant que des thèses défendues dans l’ouvrage et des controverses engendrées par celles-ci. Il faut dire que, sur la phase paléochrétienne aussi bien que sur les suivantes d’ailleurs, le militant athée y fait preuve d’une méconnaissance flagrante des acquis, plus ou moins récents, de la recherche scientifique. Pour ne citer que lui, J.-M. Salamito a pris la peine de prendre sa plume pour rétablir, dans une courte monographie, ces approximations ou contre-vérités29. Bien qu’adoptant la

démarche rigoureuse de l’historien du christianisme antique, il n’est pas à l’abri d’interrogations sur son propre positionnement idéologique30. Ces débats tendus montrent en tout cas que l’histoire du

christianisme, notamment la naissance de la chrétienté, charrie toujours des enjeux sensibles. Dans ce contexte de prise de distance avec et de remise en cause de l’institution ecclésiastique et de l’idéologie chrétienne, le modèle de la substitution se maintient mais il est ironique de constater qu’il est repris par les détracteurs de l’Église pour contester sa légitimité. En mettant en relief tout ce qui pourrait relever d’emprunts au paganisme, il permet d’exposer le manque

27 THEOD., Graec. affect. cur., VIII, 68-69 : Καὶ τί λέγω φιλοσόφους καὶ βασιλέας καὶ στρατηγούς ; καὶ γὰρ αὐτῶν τῶν

καλουμένων θεῶν τὴν μνήμην ἐκ τῆς τῶν ἀνθρώπων ἐξήλειψαν διανοίας. Τὰ μὲν γὰρ ἐκείνων οὕτω παντελῶς διελύθη τεμένη, ὡς μηδὲ τῶν σχημάτων διαμεῖναι τὸ εἶδος, μηδὲ τῶν βωμῶν τὸν τύπον τοὺς νῦν ἀνθρώπους ἐπίστασθαι, αἱ δὲ τούτων ὕλαι καθωσιώθησαν τοῖς τῶν μαρτύρων σηκοῖς. Τοὺς γὰρ οἰκείους νεκροὺς ὁ δεσπότης ἀντεισῆξε τοῖς ὑμετέροις θεοῖς, καὶ τοὺς μὲν φρούδους ἀπέφηνε, τούτοις δὲ τὸ ἐκείνων ἀπένειμε γέρας. Ἀντὶ γὰρ δὴ τῶν Πανδίων καὶ Διασίων καὶ Διονυσίων καὶ τῶν ἄλλων ὑμῶν ἑορτῶν Πέτρου καὶ Παύλου καὶ Θωμᾶ καὶ Σεργίου καὶ Μαρκέλλου καὶ Λεοντίου καὶ Ἀντωνίνου καὶ Μαυρικίου καὶ τῶν ἄλλων μαρτύρων ἐπιτελοῦνται δημοθοινίαι (trad. CANIVET P., 1958, SC no 57).

28 Toujours visible au contemporain curieux, une des peintures du XVIIe siècle décorant les parois intérieures du baptistère du Latran et présentant des épisodes de la vie de Constantin, qui met en scène une conversion violente des lieux de culte de Rome grâce à la volonté divinement inspirée du premier prince chrétien (légendée : Simulacris deorum

dirutis – aris eversis – Crucem locari iubet), en est une belle manifestation. Elle est l’œuvre de Carlo Maratta (détail de la

peinture visible sur la couverture de la version UCL). 29 Cf. SALAMITO J.-M., 2017.

(30)

28

d’originalité d’une religion qui ne serait qu’un avatar dans les manifestations de l’esprit superstitieux des Anciens (le modèle de la substitution devient en quelque sorte péjorativement un modèle de l’imitation).

Pour ne prendre qu’une illustration, on peut évoquer la fête de Noël, régulièrement convoquée dans cette perspective. On tente, dans la première partie de la thèse, d’esquisser une mise au point sur la problématique des origines de la célébration de la naissance du Christ. Les exemples de publications grand public qui réduisent Noël à une imitation, dans un esprit de confrontation directe et de gain de nouvelles parts dans le grand marché des religions31, de fêtes de Mithra ou de Sol Invictus (ou parfois des deux considérées comme une seule entité) qui se seraient tenues le 25

décembre peuvent être multipliés à souhait. On ne relèvera ici que l’article de presse « Sous le soleil de Mithra » paru en 2006 dans la version en ligne du journal canadien L’Express32. Rédigé par un

certain G. Racle, dont la présentation biographique en fin de page ne laisse supposer aucune expertise en matière d’histoire des religions, l’article sera notamment repris anonymement dans les pages web d’un grand quotidien belge en 201033 et, avec le nom de l’auteur, sur un site dont l’adresse

URL ne dissimule aucunement les intentions34. La seule caution scientifique à laquelle G. Racle fait

appel est l’ouvrage de l’égyptologue britannique A. Weigall sorti de presses en 1928 sous le titre original de Paganism in our Christianity, Survivances païennes dans le monde chrétien dans la version française parue six ans plus tard.

Ce type d’ouvrages s’intéressant à des formes de survivance du paganisme ne doit pas nécessairement être vu comme associé à un contexte polémique ; il répond aussi à une curiosité du public pour tout ce qui pourrait les connecter avec des civilisations anciennes, fascinée par leur « exotisme anthropologique » ou attirée par l’impression de sonder les racines du présent. Cependant, cette notion de racine se charge d’enjeux d’autant plus sensibles que pèse une impression d’incertitude identitaire, comme il en émerge récemment. Ainsi, la question des « racines chrétiennes » de l’Europe croît en sensibilité dans ce continent, certes soumis à un large processus de laïcisation, de désacralisation, qui a écarté la religion de son rôle de référent primordial, de matrice au niveau sociétal, mais celle-ci, reléguée dans la sphère privée, n’en est pas moins, selon des ampleurs différentes, mobilisée par les groupes de population pour se définir et réémerge durement dans des situations de crispations identitaires. On songe naturellement à la thèse contemporaine du « choc des civilisations », décrit par certains essayistes et polémistes35, qui fait

ressortir la coloration religieuse des prétendues lignes de fracture36 ou aux propos du premier

ministre hongrois, V. Orban, au sujet du « déclin du christianisme et [de] la diffusion de l’Islam »

31 Le modèle du « supermarché religieux » a été développé, dans un contexte contemporain, par BERGER P. L., 1969. 32 Cf. RACLE G., « Sous le Soleil de Mithra », in L’Express [en ligne], 21 février 2006 (https://l-express.ca/sous-le-soleil-de-mithra).

33 Cf. « Noël sous le soleil de Mithra », in La Libre Belgique [en ligne], 21 décembre 2010 (http://www.lalibre.be/debats/opinions/noel-sous-le-soleil-de-mithra-51b8ca9ce4b0de6db9bf0d6e)

34 Http://www.arnaquovatican.org/mithra-et-catholicisme.html 35 Élaborée initialement par HUNTINGTON S. P., 1996.

Figure

Figure 2 : Décompte du nombre de jours de fêtes du Calendrier de 354 par  mois
Figure 3 : Décompte du nombre de jours de fêtes du  Calendrier de 354 par saison
Figure 4 : Tableau des processions dans la Rome du IV e  et du début du V e  siècles

Références

Documents relatifs

Ici, on a besoin du mouvement pour définir le mouvement (ou encore : on a besoin du mouvement pour définir l’espace et le temps ; on a besoin de l’espace et du temps

Il n'y a donc aucune raison pour que mon futur soit parfaitement densifié et dans ce cas, un générateur quantique de nombres aléatoires aurait le pouvoir de réaliser au moment

[r]

Qu’il s’agisse des images géographiques et urbaines globales (cartographie, aménagement), des images bidimensionnelles (peintures murales, graffitis, panneaux

Dans cette représentation, si le vide est physique, il est nécessairement matière : où l'on retrouve l'intuition profonde de Descartes, non plus formulée en termes ontologiques,

Hurtderivative work: Roberto Segnali all'Indiano — Milky_Way_2005.jpg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=10765485.. Voisinage galactique original

- Si (M, g) est un espace-temps possédant la propriété harmonique, alors elle est recouverte par deux familles de surfaces lagran- giennes totalement géodésiques. Eu

Décomposition de S(i-) selon les types.. Anticommutateurs des champs des neutrinos.. Lagrangien du neutrino.. Vecteur-courant du neutrino.. Tenseur canonique