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L'implication des bénéficiaires dans la mise en œuvre du programme de renforcement de la nutrition du Sénégal: les femmes de Vélingara, un exemple plein d'espoir

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Academic year: 2021

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L'implication des bénéficiaires dans la mise en œuvre du programme

de renforcement de la nutrition du Sénégal: les femmes de Vélingara,

un exemple plein d'espoir

Mémoire

Ndeye Thiab Diouf

Maîtrise en santé communautaire Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

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RESUME

Cette étude qualitative, exploratoire décrit l'appréciation des femmes de Vélingara quant à leur participation aux activités du programme de renforcement de la nutrition (PRN). Nous avons mené des entrevues semi-structurées auprès de 20 mères, gardiennes d'enfants et femmes volontaires âgées entre 19 et 65 ans. Les résultats montrent que ces femmes ignoraient presque toutes certains déterminants de la santé et les moyens de prévenir et/ou de prendre en charge les maladies infantiles. Néanmoins, grâce à leur implication aux activités du programme, elles commencent à avoir une nouvelle perception de la maladie de l'enfant, à occuper de nouvelles positions sociales et à développer des aptitudes pour mieux faire face à leurs difficultés. Elles ont toutefois besoin d'une meilleure reconnaissance de leurs efforts et un soutien de leurs époux. Nos répondantes souhaitent aussi une implication plus visible des autorités locales et sanitaires de la zone pour une meilleure efficacité des interventions.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ... III LISTE DES ACRONYMES ... VII REMERCIEMENTS ... XI

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1. CONTEXTE ... 3

1.1.1. Les facteurs liés à la malnutrition au Sénégal ... 4

1.2. PROBLÈME À L'ÉTUDE ... 7

1.3. QUESTION ET OBJECTIFS DE RECHERCHE ... 10

1.4. PERTINENCE SOCIALE DE L'ÉTUDE ... 12

CHAPITRE 2: RECENSION DES ÉCRITS ... 15

2.1. PROMOUVOIR LA PARTICIPATION COMMUNAUTAIRE POUR UNE MEILLEURE RÉUSSITE DES PROJETS ... 16

2.2. LA PRISE EN COMPTE DES BESOINS DES BÉNÉFICIAIRES, UNE ÉTAPE INCONTOURNABLE... 21

2.3. ÊTRE BÉNÉFICIAIRE ET ACTEUR EN MÊME TEMPS, UTOPIQUE OU RÉALISTE? ... 25

CHAPITRE 3: APPROCHE THÉORIQUE ET CADRE CONCEPTUEL ... 31

3.1. APPROCHE THÉORIQUE ... 31

3.2. LES CONCEPTS À L'ÉTUDE ... 33

3.2.1. L'entraide ... 33

3.2.2. La participation communautaire ... 34

3.2.3. L'apprentissage par les pairs ... 35

3.2.4. Les stratégies communautaires ... 36

CHAPITRE 4: MÉTHODOLOGIE ... 39

4.1. LE SÉNÉGAL, UN PAYS EN PLEINE MUTATION DANS LA LUTTE CONTRE LA MALNUTRITION: ... 39

4.2. LA RÉGION DE KOLDA, UNE ZONE DÉFAVORISÉE ... 40

4.3. TYPE DE RECHERCHE ... 41

4.4. POPULATION DE L'ÉTUDE ... 42

4.5. RECRUTEMENT DES PARTICIPANTES ... 42

4.6. LA CONFECTION DES OUTILS DE COLLECTE ... 43

4.7. PROCESSUS ET CONDITIONS DE COLLECTE DES DONNÉES ... 45

4.8. ANALYSE DES DONNÉES ... 48

4.9. RESPECT DES CRITÈRES DE SCIENTIFICITÉ DE L'ÉTUDE ... 48

4.10. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 49

CHAPITRE 5: DESCRIPTION ET ANALYSE DES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ... 51

5.1. DESCRIPTION DES RÉSULTATS ... 51

5.1.1. Profil des interviewées ... 52

5.1.2. La vie de la femme avant l'adhésion du projet ... 52

5.1.3. Implication des femmes dans la gestion du programme ... 57

5.1.4. La nouvelle image que les femmes se donnent après quelques années dans le projet .... 70

5.1.5. Solutions proposées par nos participantes ... 79

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5.2.1. Une meilleure connaissance des expériences antérieures des femmes pour bien cerner

leurs acquis ... 83

5.2.2. Une connaissance des rapports de genre pour promouvoir l'autonomie de la mère ... 86

5.2.3. Mettre en valeur les aptitudes locales et réussir les interventions ... 88

5.2.4. L'implication des femmes pour une meilleure prise en compte de leurs besoins... 91

5.3. FORCES ET LIMITES DE L'ÉTUDE: ... 93

CONCLUSION ... 95

RÉFÉRENCES ... 99

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LISTE DES ACRONYMES

ANCTP Agence nationale de la case des tout-petits

ANDS Agence nationale de la statistique et de démographie

ARC Agents relais communautaires

CIP Communication interpersonnelle

CLM Cellule de lutte contre la malnutrition

CLP Comité local de pilotage

CERUL Comité d'éthique de l'Université Laval

CNCCR Conseil national de concertation et de coopération des ruraux DANSE Division de l'alimentation, de la nutrition et survie de l'enfant FARNE Foyer d'apprentissage, de réhabilitation nutritionnelle et d'éveil

FeDDAF Femme, droit et développement en Afrique

GRAFOSEN Groupe de recherche-action sur le foncier au Sénégal

IEC Information, éducation communication

IRA Infections respiratoires aiguës

IYCF Infant Young Child Feeding

KPC Knowledge Practice et Cover

MICS Multiple Indicator Cluster Survey

OMD Objectifs du millénaire pour le développement

OMS Organisation mondiale de la santé

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

PAM Programme alimentaire mondial

PD Positive Deviance

PCIME Prise en charge intégrée des maladies de l'enfant

PNC Programme de nutrition communautaire

PRN Programme de renforcement nutritionnel

SMI Santé maternelle et infantile

USAID United State Agency for International Development

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Je dédie ce mémoire à mon défunt père, feu Boucar Diouf. Papa, tu n'es plus là, mais chaque jour qui passe me fait penser à toi, spirituellement et affectueusement. Tes conseils m'ont beaucoup servi dans la vie et chaque succès réalisé m'encourage à

aller de l'avant.

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REMERCIEMENTS

Nous sommes au terme de ce travail qui met également fin à notre cursus académique de maîtrise en santé communautaire. Je remercie le Bon Dieu de m'avoir donné la force de surmonter toutes les difficultés liées à ce long cheminement. Je remercie également toutes ces vaillantes femmes de Vélingara qui ont accepté de participer à l'étude. Je ne pourrais passer sous silence la compréhension et l'autorisation de leurs conjoints, parents et belles-familles. Merci d'avoir permis à vos épouses, filles et belles-filles de partager avec nous leurs belles expériences.

Une personne que je ne remercierai jamais assez, Madame Louise Hamelin Brabant, ma directrice de mémoire. Louise, merci infiniment pour tous ces durs moments sillonnés ensemble. Tu as été plus qu'une directrice, tu étais tout bonnement une mentore. Ta volonté de faire de tes étudiants de vrais professionnels de la recherche ne t'épargne aucun effort.

Je remercie également Madame Groleau, gestionnaire des études. Votre travail de conseil, de suivi et d'accompagnement m'a été d'un grand apport durant toute ma formation. J'en profite pour remercier toute l'équipe pédagogique de la Faculté de médecine préventive pour les cours si riches et si utiles à notre vie professionnelle future.

Durant la période de collecte de données, j'ai eu la chance de travailler avec une équipe très dynamique et ouverte. Je veux parler de celle de la cellule de lutte contre la malnutrition au Sénégal. Je tenais donc à remercier Monsieur Abdoulaye Kâ et tout son personnel de m'avoir accueillie et facilité le travail. Je remercie également l'équipe de santé de Vision mondiale à Vélingara, celle du district sanitaire et les autorités locales de la même zone.

Je tiens de même à remercier tous mes amis qui m'ont toujours appuyée et conseillée durant ce long processus. Je veux parler de Claudia, Lamine, Mamadou et Mélissa. Je remercie aussi tous les membres du «petit groupe du vendredi ».

Je ne peux finir sans remercier la Fondation Ford, sans qui ma formation ne serait possible. Merci à toute l'équipe de IFP, particulièrement à Mme Clotilde Sène, de nous avoir accompagnés activement pendant toute la période d'études.

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Je réserve une mention spéciale à tous les membres de ma famille. Vous avez pu comprendre et respecter mon choix. Merci à ma mère, mon modèle de femme. Ma, tu es la meilleure!!!

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INTRODUCTION

Les programmes de nutrition communautaire ont vu le jour au Sénégal depuis environ vingt ans. Ce besoin très tôt des autorités sénégalaises à déployer des efforts pour améliorer la nutrition des tout-petits est le résultat d'une volonté commune des pays en voie de développement à faire face aux difficultés liées à leur situation économique (Gbola, 2001; Ooms et al., 2011). En effet, les inégalités socio-économiques et politiques, affectent plus les pays à bas et moyens revenus (Woodward, 2001) comme le Sénégal. Le secteur de la santé, à l'instar des autres secteurs, devient ainsi affecté. Étant donné que le gouvernement du Sénégal compte essentiellement sur les flux d'aide pour soutenir ses projets, il a donc misé sur l'utilisation de la ressource locale afin de rationaliser ses financements de santé publique (Division de l'alimentation, Nutrition et survie de l'enfant [DANSE], 2005). C'est pour cela que plusieurs stratégies communautaires sont développées dans le cadre des programmes de nutrition/santé publique dans le but d'améliorer les interventions destinées aux populations vulnérables telles que les femmes et les enfants de moins de 5 ans (Cellule de lutte contre la malnutrition [CLM], 2007a; DANSE, 2005). Le programme de nutrition communautaire (PNC) est né de cette idée de bâtir les interventions sur des ressources locales et de ne plus attendre que tout vienne des donateurs. Néanmoins, force est de souligner que la stratégie de mise en œuvre du PNC comportait des limites. L'un des points à améliorer dans le cadre de ce programme était le fait que les bénéficiaires (les mères et gardiennes d'enfants de moins de cinq ans) étaient plus des receveurs d'aides et non des partenaires. Elles étaient peu informées des objectifs du programme et presque pas consultées quant aux prises de décision. Des recommandations ont alors été faites à la fin de ce programme en vue d'améliorer les interventions futures. Le programme de renforcement de la nutrition (PRN), qui a fait suite au PNC, a tenu compte de cette recommandation dès le début de son implantation. Dans le cadre du PRN, les bénéficiaires sont mises au centre des activités. Elles sont donc les principales actrices du programme. Elles développent différentes stratégies communautaires pour aider à améliorer les interventions locales.

L'objet de cette étude est de documenter les effets de la participation des bénéficiaires dans la mise en œuvre du PRN. Dans le Département de Vélingara (région de Kolda), le programme est géré par Vision mondiale. Dans cette zone, le PRN expérimente

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l'approche des foyers d'apprentissage, de réhabilitation nutritionnelle et d'éveil (FARNE). Cette approche est issue de la « déviance positive » ou « Positive deviance » (PD) en anglais. La stratégie principale de la PD étant de faire des femmes les principales actrices de la mise en œuvre du programme qui leur est destiné en vue de faire valoir leurs compétences. Notre objectif est donc de mettre en valeur cette place de la femme dans la gestion de la nutrition/santé des enfants. Étant bien entendu que la compétence de la gent féminine en Afrique et particulièrement au Sénégal est jusque-là peu valorisée au sein de sa communauté (Sarr et Thill, 2006).

Notre étude cherche à comprendre comment la stratégie du PRN qui consiste à faire participer les femmes, particulièrement celles vivant en région, dans la gestion du programme pourrait permettre de mieux faire valoir leurs aptitudes à prendre efficacement en charge les problèmes de nutrition/santé de leurs enfants.

Le présent mémoire comporte deux grandes parties. La première partie traite de la problématique, de la recension des écrits, du cadre théorique et conceptuel ainsi que de la méthodologie de recherche. La deuxième partie, quant à elle, fait une description des données et l’analyse des résultats. Une conclusion et des recommandations mettent terme à cette étude.

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CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE

Cette partie porte essentiellement sur trois points saillants. D'abord nous allons aborder le contexte de notre étude en présentant les aspects liés à la malnutrition au Sénégal et également dans la région de Kolda qui couvre notre zone d'étude. Ensuite, nous nous intéresserons au problème à l'étude en expliquant le processus de mise en œuvre des programmes de nutrition au Sénégal. Il s'agira de rappeler l'historique de ces programmes, d'identifier leurs limites et d'expliquer pourquoi le PRN serait un espoir d'amélioration des stratégies. Enfin, une question de recherche et des objectifs seront présentés.

1.1. Contexte

Chaque année, plus de 10 millions d'enfants de moins de cinq ans meurent dans le monde (Labonté et Schrecker, 2007). La majeure partie des décès surviennent en Afrique (WHO, 2011; Yebyo et al., 2013). En effet, 80 % de ces décès sont enregistrés notamment en Afrique subsaharienne (WHO, 2011). La mortalité infanto-juvénile1 en Afrique est principalement causée par la malnutrition (Labonté et Schrecker, 2007; Yebyo et al.). La malnutrition touche 125 millions d'enfants dans le monde et la majorité de ces enfants vivent essentiellement en Afrique (UNICEF, 2009). Environ, 50 % des tout-petits meurent de manière directe ou indirecte de malnutrition (Core Group, 2005). Autrement dit, soit l'enfant est d'abord malnutri et son corps devient affaibli et vulnérable à toutes les autres maladies, ce qui fait qu'il finit par souffrir d'autres affections. Le deuxième cas de figure est que les enfants malades, s'ils ne sont pas bien pris en charge, finissent par devenir malnutris. Dans tous les cas, la conséquence est généralement le décès (Core Group; Yebyo et al., 2013).

L'un des déterminants de la malnutrition en Afrique est, entre autres, le problème d'insécurité alimentaire (Labonté et Schrecker, 2007). L’insuffisance alimentaire est devenue un problème réel pour ce continent depuis plusieurs décennies (PAM, 2011). Un autre phénomène est le faible niveau d'éducation des mères (ANDS, 2011). Ce déterminant est en rapport avec ceux identifiés au Québec au début du 20e siècle2

1 Décès des enfants de moins de cinq ans.

2 André Turmel et Louise Hamelin (1999), ont fait l’analyse des causes de la mortalité infantile

au Québec, par comparaison à des cas similaires dans d’autres provinces. Ils aboutissent à la conclusion que les causes réelles de ces décès viennent du problème d’éducation des mères.

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(Turmel et Hamelin, 1999). À celles-ci s'ajoute le faible pouvoir de prise de décision des femmes qui ne leur permet pas de bien cerner les difficultés liées à la santé de leurs enfants et d'en faire face (Japan International Cooperation Agency Planning Department [JICAPD], 1999).

Le Sénégal à l’instar des autres pays d’Afrique, n'échappe pas à la morbidité et à la mortalité liées à la malnutrition. C'est pour cette raison que le gouvernement du Sénégal fait de la lutte contre la malnutrition une priorité dans sa politique de développement (CLM, 2003). Cependant, force est de noter que, malgré les efforts consentis dans ce domaine, ce pays reste loin d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Les raisons de ce retard seront développées davantage dans les lignes qui suivent.

1.1.1. Les facteurs liés à la malnutrition au Sénégal

Cette partie expose les déterminants de la malnutrition au Sénégal. Nous aborderons les plus marquants et qui affectent directement les enfants de moins de cinq ans. Il s'agit de ceux cités précédemment à savoir l'insécurité alimentaire liée à l'agriculture déficiente, du bas niveau d'instruction des mères et du faible pouvoir de prise de décision des femmes.

Le problème d'insécurité alimentaire

Les pays en voie de développement (PVD) ont connu depuis les années 1980 des mutations socio-économiques qui affectent le mode de vie des populations. Ces mutations résultent des programmes d'ajustements structurels qui ont ‹‹miné le développement de l’agriculture vivrière, rendant désormais (les pays du Sud) dépendants du point de vue alimentaire›› (Tchuigoua, 1994, p 3). Étant donné que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) ne subventionnent pas d'intrants agricoles (Tchuigoua, 1994), le secteur primaire première source de revenus des pays en voie de développement est ainsi hypothéqué par manque de soutien.

Au Sénégal, la culture de l'arachide qui constituait la principale activité agricole connaît un véritable recul. La production halieutique est également en baisse avec l’épuisement des ressources dû à la surexploitation des eaux de mer (ANDS, 2013). En plus, les rares

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revenus provenant de la pêche sont maintenant destinés à l'exportation. Les chefs de ménages se retrouvent alors dans une recherche perpétuelle d'aliments de base pour leurs familles (Conseil national de concertation et de coopération des ruraux [CNCCR], 2011). Étant donné que les femmes sont de manière directe ou indirecte les chefs de ménage, elles ne sont pas épargnées par cette situation. En effet, les femmes sont les principales responsables de la prise en charge nutritionnelle et sanitaire de leurs enfants (Hesran et Baxerres, 2004, Franckel et Lalou, 2009). Elles n'ont pourtant pas toujours accès aux ressources nécessaires pour accomplir leurs responsabilités (Groupe de recherche-action sur le foncier au Sénégal [GRAFOSEN], 2010). Le rapport du programme alimentaire mondial (PAM) sur la sécurité alimentaire en 2011 montre que les femmes du Sénégal représentent environ 2/3 de la population pauvre en raison de leur faible accès à la croissance économique et à leur degré d'intégration. Ce qui explique, entre autres raisons, pourquoi elles parviennent difficilement à prendre correctement en charge les problèmes de nutrition de leurs enfants. En plus, leur faible niveau d'étude ne leur permet pas non plus de bien comprendre les facteurs liés à la malnutrition et les conduites à tenir pour y remédier.

Le faible niveau d'étude des femmes

Le faible niveau d'éducation des femmes est l'un des facteurs liés à la malnutrition (Core Group, 2002) et à la mortalité des enfants de moins de 5 ans (Turmel et Hamelin, 1995). L'un des principaux éléments qui sont en rapport avec la prévalence des maladies diarrhéiques, causant ainsi la malnutrition, est le manque d'hygiène (Core group, 2005). Ce manque d'hygiène est dû, pour la plupart des cas, à l'ignorance des mères (Turmel et Hamelin). Les femmes qui n'ont pas un bon niveau d'instruction ne connaissent souvent pas les conduites à tenir pour éviter le contact avec les microbes (Hamelin, 2000; Core Group, 2005; WHO, 2011).

Au Sénégal, ce phénomène reste réel, car le taux d'éducation des femmes est très faible. En 2012, le taux de scolarisation des filles se situait à 16,5 % et le taux d'analphabétisme3 des femmes était de 67,1 % (ANDS, 2013). Ce faible niveau d'instruction ne les aide pas à mieux comprendre les enjeux de la pauvreté et à prendre des initiatives pour y remédier (PAM 2001). Ainsi, elles ont difficilement accès à

3 Une personne est dite analphabète si elle ne sait ni lire ni écrire dans sa langue maternelle et

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l'information et subissent généralement les décisions non concertées de leurs pères, maris et/ou belles-familles (CNCCR, 2011). Malgré toutes ces difficultés, les femmes restent les principales responsables de la prise en charge de leurs enfants et des autres membres de la famille. De nos jours, la femme et l'enfant sont laissés à eux-mêmes face aux multiples difficultés socio-économiques qui freinent leur épanouissement et affectent leur état de santé. C’est dans ce contexte qu’il faut intervenir auprès du couple mère enfant (Pridmore et Roy, 2011).

En dehors de la rareté des ressources alimentaires et du manque de connaissance des femmes, ces dernières sont aussi limitées par leur faible position au niveau social (CNCCR, 2011). Cette situation constitue un autre obstacle quant à leur autonomie et leur pouvoir de prise de décision.

Pouvoir et prise de décision des femmes

Le Sénégal est un pays composé de 95 % de musulmans (ANDS, 2013). Cette forte population musulmane a une influence sur les modes de vie des populations et sur la manière dont la femme est perçue au niveau de la communauté (Femme, droit et développement en Afrique [FeDDAF], 2013; JICAPD, 1999). La mauvaise interprétation des préceptes de l'Islam n'a pas aidé donc à changer la perception faite de la femme africaine et particulièrement sénégalaise. Au Sénégal, la femme est jusque-là perçue comme devant obéissance et respect à son mari. Par conséquent, elle est peu impliquée dans les prises de décision (FeDDAF, 2013). Le rôle principal d'une femme est alors réduit à une bonne mère et une épouse soumise (JICAPD, 1999). Elle doit aussi prouver qu'elle est en mesure de donner des enfants en bonne santé (Franckel et Lalou, 2008). La femme sénégalaise est donc la première personne à devoir identifier les signes de maladie de son enfant et à bien s'occuper de lui pour qu'il reste en bonne santé (Hesran et Baxerres, 2004).

Concernant la femme qui vit en région, elle a en charge toutes les tâches familiales et la recherche de nourriture pour ses enfants (GRAFOSEN, 2010). Cette charge qui revient à ce groupe cible a été résumée dans un rapport d'enquête du GRAFOSEN (2010)4 en ces mots: ‹‹ Dans les ménages ruraux, les femmes participent pleinement à la production, à l’alimentation de la famille, aux soins et à l’éducation des enfants. Parfois,

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elles sont même seules à faire face à ces charges familiales ›› (p.1). Paradoxalement, elles ne sont pas responsables des prises de décision quant aux recours aux soins (Franckel et Lalou, 2008) et ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour jouer pleinement leur rôle (CNCCR, 2011).

De cette manière, certains droits des femmes sont souvent négligés et des opportunités et espaces qui leur sont offerts sont limités (JICAPD, 1999). Pour illustrer ces propos, seuls 25 % des femmes du Sénégal ont accès aux terres cultivables (CNCCR, 2011). Devant cet exercice perpétuel de survie, il est très fréquent que la femme qui vit en région soit obligée de faire des tâches domestiques lourdes, même à un stade avancé de sa grossesse (CLM, 2007a; Franckel et Lalou, 2008). Cette situation peut avoir des effets négatifs sur la période périnatale (CLM).

Compte tenu de toutes ces difficultés, le gouvernement du Sénégal a commencé à faire de la santé maternelle et infantile une priorité. Cependant, force est de souligner que les programmes de survie de l'enfant ont depuis longtemps connu des limites (PAM, 2001). La principale raison est que les compétences des femmes ont toujours été sous-estimées. Ainsi, les stratégies de mise en œuvre des programmes étaient plus orientées directement vers l'enfant. Les intervenants avaient tendance à ignorer que les femmes ont des aptitudes qui leur permettent de bien cerner leurs difficultés et d'y apporter des réponses (Hawkins et Kim, 2012).

C'est plus tard que les décideurs sénégalais commenceront à prendre conscience de cette nécessité d'impliquer les bénéficiaires dans la gestion des projets. C'est ainsi que les stratégies de mise en œuvre des programmes de nutritions publique ont connu beaucoup de changements. Les différentes phases d'amélioration du processus de mise en œuvre des programmes de nutrition au Sénégal seront expliquées dans les lignes qui suivent.

1.2. Problème à l'étude

Les questions de nutrition sont souvent mises en rapport avec la prévention des maladies, l’alimentation des femmes enceintes et/ou des enfants en âge de sevrage (Core Group, 2005). Ce faisant, les intervenants des programmes de la nutrition/santé ont tendance à se focaliser sur une distribution de vivres et de médicaments (Pridmore et Roy, 2011). Ils oublient alors un élément aussi important que la supplémentation alimentaire, la prise en compte de la culture et du potentiel local pour répondre

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efficacement aux attentes des bénéficiaires (Aubel, 2001; Doherty et Coetzee, 2005; Franco et al., 2013). Dès lors, les bénéficiaires des projets de nutrition ont longtemps été des « patients » et non « des clients » (Hawkins et Kim, 2012). Et pourtant ils connaissent souvent mieux leurs problèmes et les moyens pour les résoudre que les intervenants (Core Group, 2002; Gbola, 2011; Ooms, et al., 2010). Malheureusement, ils sont obligés d'accepter tous les programmes qui leur sont destinés, même si ce n'est pas la solution idéale à leurs difficultés. Cette forme de conception de projets sans pour autant prendre en compte les besoins et le potentiel des bénéficiaires est très souvent à la base de l'échec du processus de pérennisation des interventions communautaires (Lung’aho et Stone-Jiménez, 2009).

Le gouvernement du Sénégal, dans sa politique d'atteinte des objectifs en rapport avec la survie de l'enfant, semblait avoir une méconnaissance de l'importance de la contribution de la communauté bénéficiaire dans la gestion des programmes qui leur sont destinés. Toutefois, vers les années 2002, les intervenants ont commencé à intégrer cette approche. Il y a eu alors deux phases principales dans la lutte contre la malnutrition au Sénégal: d'abord le programme de Nutrition communautaire qui était axé essentiellement sur la supplémentation alimentaire des enfants, et ensuite le programme de renforcement de la nutrition qui priorise l'utilisation du potentiel local dans sa stratégie de mise en œuvre.

Première phase: le programme de nutrition communautaire (PNC)

Le PNC a été mis en place en 1994, avec l'appui de la Banque mondiale. Le programme a connu des succès notoires étant donné qu'il a contribué à la baisse de la mortalité infanto-juvénile de 156‰ en 1992 (Service d'information de l’Unicef à Dakar, 2009) à 145‰ en 2000 (MICS II, 2000). Cependant, des recommandations ont été données lors de l'évaluation finale du programme (PAM, 2001) sur la stratégie de mise en œuvre. Il s'agissait d'impliquer davantage les populations bénéficiaires dans l'exécution des activités et de mettre en place des bases de pérennisation des acquis. Dans le cadre de ce programme, les activités tournaient essentiellement autour de la distribution de vivres et de la promotion de comportements favorables à la santé du couple mère-enfant (PAM). Cette dépendance aux dons ne donnait pas aux bénéficiaires la possibilité de réfléchir sur leur situation et d'y trouver une solution définitive (Aubel, 2001; PAM). Ensuite, les femmes n'étaient pas impliquées dans le processus de mise en œuvre et étaient peu

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informées des objectifs du programme. Ce qui n'encourageait pas les communautés à s'approprier les activités et d'en développer des stratégies de pérennisation (Gbola, 2011; Ooms et al., 2010; Stone-Jiménez, 2009). En outre, étant donné que ce sont les bailleurs qui sont les principaux acteurs des programmes, les financements sont orientés dans des domaines non prioritaires pour les populations (Gbola; Ooms et al5.). Cette forme d'intervention n'est donc pas adaptée aux attentes de la communauté et est généralement vouée à l'échec (Lung’aho et Stone-Jiménez 2009; Santé Canada, 2003). Dans le cadre du PNC, la non-implication des bénéficiaires dans la mise en œuvre des activités était le principal point à améliorer (PAM, 2001). Les agents du programme avaient peu de connaissances de leurs zones de coordination. Par conséquent, malgré tous les efforts fournis et les ressources déployées, les comportements des populations restaient quasiment inchangés (PAM, 2001).

Pour corriger les limites notées dans le PNC, le gouvernement du Sénégal a mis en place un nouveau programme, le PRN. L'objectif de ce dernier étant de capitaliser les acquis du PNC et d'améliorer le processus.

Deuxième phase: le programme de renforcement de la nutrition (PRN)

Le PRN, cofinancé par la Banque mondiale, a vu le jour en 2002. Il est coordonné par la cellule de lutte contre la malnutrition (CLM) du Sénégal. La mise en œuvre des activités du programme sur le terrain est confiée à des organisations non gouvernementales (ONG) à l'instar de Vision mondiale. L'objectif du programme est non seulement de consolider les acquis du PNC, mais aussi d'améliorer les approches qui étaient développées jadis (CLM, 2007a). Les dernières sont plus orientées vers l'implication des populations bénéficiaires dans la mise en œuvre des activités au niveau communautaire (CLM, 2002; CLM, 2007a). Durant la première période d'exécution du programme, entre 2003 et 2006, une évolution positive a été notée dans la zone d'intervention du PRN. Les résultats de la première enquête d'évaluation montrent que, dans les milieux où le programme est implanté, la malnutrition infantile avait baissé globalement de 62 % (CLM, 2007a). Le PRN a aussi contribué à l'amélioration des indicateurs de survie

5 Oms et al. (2010) mentionnent que le seul OMD qui a des objectifs durables pour le moment

est la lutte contre le VIH/Sida et ce succès résulte de la part importante qu'occupe la société civile dans la gestion des programmes de lutte contre le VIH/Sida.

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de l'enfant. La mortalité infanto-juvénile est passée de 141‰ en 2000 à 72‰ en 2005 (ANDS, 2013).

Parmi les éléments favorisant cette réussite, les initiatives communautaires étaient en première ligne. Dès le démarrage du programme, le principal défi de la CLM était de mieux valoriser les aptitudes des femmes en les impliquant dans la gestion des activités. L'objectif était de permettre aux bénéficiaires de s'approprier les activités. Cette appropriation est un palier pour leur permettre d'occuper de nouvelles positions sociales. Ce faisant, elles seront en mesure de mieux prendre en charge les problèmes de nutrition/santé de leurs enfants (CLM, 2007a; Franckel et Lalou, 2008). Ici, il serait utile de préciser que s'approprier ne signifie pas ‹‹s'octroyer un bien ou le bénéfice d'une action›› (Le Bossé, 2001, p.37), mais surtout la ‹‹capacité de prise en charge du changement par les personnes elles-mêmes›› (p.38).

Les communautés (surtout les femmes) participent pleinement au processus de mise en œuvre du PRN6. Les activités des FARNE, organisées à l'image de la déviance positive classique, sont essentiellement gérées par les femmes. Cette approche dont le but est de faire de ces dernières des maîtres de leurs propres actions fera l'objet d'une réflexion dans le cadre de cette étude, une réflexion dans laquelle la parole sera exclusivement donnée aux femmes.

1.3. Question et objectifs de recherche

Notre étude tentera de montrer comment la participation des bénéficiaires dans la mise en œuvre des projets qui leur sont destinés contribue à mieux résoudre les problèmes de santé de leurs enfants.

Cette préoccupation nous incite à nous poser une question de recherche à deux volets:

Question de recherche

Comment l'implication des femmes de Vélingara, Sénégal dans la gestion du PRN contribue-t-elle à la valorisation de leur potentiel? Cette valorisation les aide-t-elle à prendre efficacement en charge les problèmes de nutrition/santé des enfants de moins de cinq ans au niveau du village?

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Pour répondre à cette question, nous nous sommes fixé les objectifs de recherche suivants:

Objectifs:

L’objectif général de notre étude est de comprendre comment l’implication des femmes dans la gestion des activités du PRN et les stratégies qu’elles développent peuvent aider à rehausser leur estime personnelle et à mieux prendre en charge les problèmes de nutrition/santé de leurs enfants.

Nous nous sommes fixé quatre objectifs spécifiques:

Identifier les acquis notés par les bénéficiaires du PRN, à travers l'entraide et l'apprentissage par les pairs, qui ont contribué à l'amélioration de la prise en charge des problèmes de nutrition/santé des enfants de moins de cinq ans;

Documenter les stratégies communautaires développées par les femmes, contribuant à rehausser leur autonomie dans la gestion de la santé de leurs enfants;

Identifier les différentes formes de contributions apportées par les femmes qui permettent de mieux gérer les activités du projet

Examiner les solutions proposées par les participantes à l'étude, qui contribueraient à l'amélioration de la stratégie de mise en œuvre du programme.

Auparavant, nous nous intéresserons à la vie des femmes avant leur adhésion au projet. Ce préalable nous permettra de comprendre la description qu'elles feraient de ce qu'elles perçoivent comme changement dans leur vie.

Nous pouvons comprendre par nos différents objectifs de recherche que la participation des bénéficiaires dans la mise en œuvre du PRN s'articule essentiellement aux stratégies communautaires qu'elles développent pour mener à bien les activités prévues au niveau des sites de nutrition/santé. Ces stratégies sont rendues possibles grâce au processus d'entraide et les techniques d'apprentissage par les pairs très marquants chez les femmes. Tout cela est renforcé par les différentes participations qu'elles apportent aussi bien sur le plan des ressources humaines (leur force de travail) qu'au niveau matériel. Ces éléments feront l'objet d'une plus ample réflexion dans la partie « cadre conceptuel » de ce mémoire.

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1.4. Pertinence sociale de l'étude

Récemment, des efforts considérables ont été consentis dans la prise en charge des problèmes de santé au niveau mondial (WHO, 2009). Par exemple, les références jadis utilisées dans le suivi de la croissance des enfants ont été révisées par l'Organisation mondiale de la santé (l'OMS) en collaboration avec les institutions spécialisées des Nations unies, les gouvernements et les organismes internationaux (WHO, 2012). En plus, pour atteindre l'OMD en lien avec la réduction de la mortalité infanto-juvénile, l'OMS a encouragé l'implantation de programmes de survie de l'enfant au niveau des pays à bas et moyens revenus (WHO, 2010). Il faut toutefois noter que des programmes de ce genre nécessitent le développement de certaines stratégies communautaires (Aubel, 2001; CLM, 2007a; DANSE, 2005). De même, cela demande une meilleure implication des communautés bénéficiaires dans la gestion des activités des projets (Doherty et Coetzee, 2005; Gbola, 2011) afin de mieux les adapter à leurs attentes (Mukandioli, 2009; Pridome et Roy, 2011) et à leurs réalités (Doherty et Coetzee; Nyonator et al., 2005; USAID et BASICS, 2000). Ce faisant, il importe de bien considérer les aptitudes des bénéficiaires dans la stratégie de recherche de solutions aux problèmes de santé qui les affectent ainsi qu'à leurs enfants (Franckel et Lalou, 2008; Kanani et Popat, 2012; Lewycka et al., 2003). Dans le cadre du PNC, cet élément semblait être négligé (PAM, 2001). Il sera alors pris en compte par le PRN (CLM, 2007a; DANSE).

Notre étude consistera alors à décrire le sens que les bénéficiaires donnent à leur contribution dans la mise en œuvre de ce projet. Cet élément qui jusque-là n'a pas été une priorité pour les intervenants et les chercheurs sera un point essentiel de notre étude. Plusieurs auteurs ont écrit sur la promotion de la santé de l'enfant. Mais les études recensées dans le domaine sont généralement des enquêtes quantitatives, des documents stratégiques de mise en œuvre ou des rapports de programme. Elles ne touchent pas directement les effets sociologiques de la valorisation du potentiel du bénéficiaire (Lemay, 2007). Peu de documents de recherche qualitative ont été publiés sur l'appréciation que les bénéficiaires font eux-mêmes de leur implication (Lemay) dans la gestion des projets qui leur sont destinés. Autrement dit comment les bénéficiaires évaluent et analysent qualitativement et sociologiquement le rôle qu'ils jouent dans la mise en œuvre des projets qui leur sont destinés.

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En regard de tout ce qui a été écrit sur la participation des femmes dans les programmes d’amélioration de leurs conditions de vie et celles de leurs enfants, cette étude contribuera du point de vue social et sanitaire à conscientiser davantage les intervenants sur les aptitudes des mères à prendre efficacement en charge les problèmes nutritionnels et psychomoteurs de leurs enfants. Elle permettra également au gouvernement de mieux considérer les compétences des femmes dans la gestion des programmes qui sont destinés à leurs enfants en particulier.

Par conséquent, cette recherche contribuera à une meilleure connaissance des facteurs auxquels il faut accorder une attention particulière dans la gestion des problèmes de santé publique même sur le plan international. Elle aidera à mieux faire comprendre aux décideurs l'importance de s'appuyer sur les communautés bénéficiaires pour réussir davantage les interventions et atteindre efficacement les objectifs.

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CHAPITRE 2: RECENSION DES ÉCRITS

La santé du couple mère-enfant est devenue depuis la définition des OMD7, une priorité d'intervention. Beaucoup d'efforts ont été consentis dans la prise en charge communautaire de la santé maternelle et infantile ces dernières années. Les différentes stratégies adoptées dans le cadre de ce processus ont été documentées pour des fins d'évaluation de leur pertinence dans la gestion communautaire des problèmes de santé de la mère et de son enfant. Cependant, très souvent, les écrits portent sur les techniques de mise en œuvre des activités ou bien sur une évaluation quantitative finale ou à mi-parcours d'un programme (Piroska et Bisits, 2011). Rares sont celles qui traitent de l'appréciation que le bénéficiaire fait de sa propre participation dans la gestion du projet qui lui est destiné.

Pour recenser les articles portant sur la valorisation du potentiel communautaire et particulièrement de celui du bénéficiaire dans la gestion des programmes, nous avons consulté différentes banques de données. Parmi lesquelles Pubmed, Sociological abstracts, le site de l'OMS, the Lancet Series, le Core group et le site de Tuft University spécialisé dans le domaine de la déviance positive. Nous avons également consulté le site du ministère de l'Économie et des Finances du Sénégal et certains rapports de partenaires tels que le PAM et l'Unicef. Nous avons enfin exploité la documentation de la CLM pour mieux comprendre les stratégies de mise en œuvre du PRN. Les différents mots clés utilisés dans le cadre de notre recherche documentaire sont: santé maternelle, survie de l'enfant, participation des bénéficiaires, participation communautaire, implication des bénéficiaires, implication des communautés, déviance positive, programme de nutrition/santé communautaire. Les termes correspondants en Anglais sont: Maternal health, child survival, beneficiary paricipation, community participation, beneficiary envolvment, community envolvment, Positive Deviant, nutrition and public health program.

Le constat est que plusieurs auteurs ont écrit sur la promotion de la santé de l'enfant, soit à travers des documents stratégiques illustrés par des exemples concrets (Gbola, 2011; Ooms et al. 2010; USAID et BASICS, 2010) soit par des rapports d'évaluation d'une ou de plusieurs méthodes d'intervention (Aubel, 2010; Bradley et al., 2012; Doherty et

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Coetzee, 2005; Kawst, 1995). Il importe alors de noter que le souci d'impliquer les bénéficiaires dans la mise en œuvre des projets qui leur sont destinés a connu une certaine évolution. La première théorie portait sur la notion de participation communautaire. Ensuite, il a fallu comprendre que pour que les personnes impliquées soient plus motivées à s'approprier les interventions, il faut qu'elles sentent que leurs besoins sont pris en compte dans les paquets de services8 offerts. C'est finalement que les acteurs commenceront à agir sur les personnes auprès de qui le changement est souhaité, c'est-à-dire les bénéficiaires directs. C'est ce qui a poussé certains à penser à promouvoir l'implication des bénéficiaires dans la mise en œuvre des activités des projets qui les ciblent. Cependant, rares sont ceux qui ont cherché à comprendre comment ce bénéficiaire apprécie cette nouvelle stratégie d'intervention. Pour ceux qui en font référence, c'est juste pour expliquer cette appréciation en rapport avec la gestion des ressources du projet, mais pas l'effet que la participation du bénéficiaire peut avoir dans le repositionnement social des femmes et dans la recherche de solutions mieux adaptées à leur contexte.

Pour approfondir donc les connaissances liées à notre étude, nous avons consulté plus de cent cinquante articles scientifiques portant sur la participation des bénéficiaires dans le processus de recherche de solution à leurs problèmes. Nous en avons sélectionné une soixantaine qui est plus en rapport avec la participation des femmes dans la gestion des problèmes de santé. Une attention particulière a été portée sur celles qui se sont intéressées aux communautés qui ont été perçues comme devant ‹‹attendre tout des donateurs et qui n'ont rien à donner›› (Ooms et al., 2010). Nous avons recensé les études sous trois approches différemment utilisées dans les projets de santé publique. Il s'agit de la participation communautaire, de la prise en compte du besoin du bénéficiaire, et de l'utilisation du potentiel du bénéficiaire dans la mise en œuvre des projets.

2.1. Promouvoir la participation communautaire pour une meilleure réussite des projets

Rappelons qu'après la définition des OMD, il fallait voir toutes les stratégies qui permettent de réussir les programmes destinés aux populations les plus défavorisées afin de rehausser les indicateurs de développement. Les intervenants avaient vite compris

8 Le paquet de service (ou d'activités) est une expression souvent utilisée dans les programmes de

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qu'il fallait une forte participation communautaire pour prétendre à une éventuelle réussite des programmes. Selon le dictionnaire de la langue française l'internaute (2013), participer signifie contribuer, aider à la réalisation de quelque chose. La participation communautaire dans le cadre d'un programme de santé implique donc toute la contribution que la communauté pourrait apporter au projet pour une meilleure réalisation des objectifs fixés. Selon Doherty et Coetze (2005), la participation communautaire est l'ensemble des services que les membres de la communauté peuvent offrir dans le cadre de la mise en œuvre des activités d'un projet afin d'aider à l'atteinte des résultats escomptés.

La participation communautaire est aussi vue par certains auteurs comme toute contribution, intellectuelle, physique ou matérielle venant de la communauté et qui permet aux acteurs des projets d'atteindre leurs objectifs de manière beaucoup plus efficiente (Ooms et al., 2010; USAID et BASICS, 2000). C'est pour cela que Fournier et Potvin (1995) postulent que la participation communautaire est une composante fondamentale des interventions de santé. L'utilisation des ressources humaines locales dans la mise en œuvre des programmes de santé destinés au couple mère-enfant a été alors bien documentée par des chercheurs, organismes internationaux et organisations non gouvernementales (Bradley et al. 2012; Doherty et Coetzee, 2005; Kawst, 1995; Nyonator et al., 2005; Ooms et al. 2010; l'USAID et BASICS, 2000).

Les résultats d'une recherche menée par Kawst en 1995 à Andean s'inscrivent donc dans cette logique. Dans son étude rétrospective réalisée au niveau d'une zone rurale ayant bénéficié d'un programme intitulé « the mother care project », l'auteur voulait évaluer les impacts du programme dont les activités étaient essentiellement la formation de matrones9 afin d'aider les agents de santé dans leur travail. L'étude de Kawst consistait alors à voir si le travail de ces matrones a eu un impact sur les résultats du projet. Il est ressorti des données que tous les indicateurs ciblés dans le cadre de ce programme ont évolué positivement. Par exemple: la couverture en planification familiale est passée de 0 à 27 %, le taux de consultation prénatale a augmenté de 45 à 77 % et la mortalité périnatale a baissé de 75 à 31 pour mille. Kawst (1995) recommande alors une

9 Une femme, membre de la communauté, formée pour conseiller les femmes enceintes sur les

soins prénataux, les référer au besoin et les accompagner à accoucher dans une structure de santé appropriée. Elle peut même assister des accouchements normaux, si l'agent de santé lui donne l'autorisation.

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participation active des communautés dans les activités de santé en vue d'une amélioration positive des conditions de vie des populations.

Les travaux de Doherty et Coetzee (2005) s'inscrivent dans cette même idée développée par Kawst (1995). Leur étude descriptive du travail des agents relais communautaires (ARC) en Afrique du Sud visait à expliquer comment cette intervention des ARC10 facilitait celle des agents de santé. Les auteurs soutiennent qu'il est nécessaire que les agents de santé affectés dans les zones d'intervention travaillent en étroite collaboration avec des personnes ressources pour une meilleure atteinte des objectifs. Étant donné que le personnel de santé n'est généralement pas originaire de sa zone d'intervention, il ne maîtrise forcément pas les facteurs socioculturels liés aux problèmes de santé des populations. De ce fait, la méconnaissance du milieu rend les interventions moins efficaces. Pour pallier cette contrainte, Doherty et Coetze recommandent donc une meilleure considération du travail des acteurs communautaires afin de contourner les obstacles aux interventions.

Dans la même logique d'implication des communautés, l’USAID, en collaboration avec BASICS, a procédé à l'évaluation de cinq approches communautaires conduites par différentes ONG au Bénin en 2000. Toutes les approches étaient basées sur l'implication de la communauté dans la planification, la mise en œuvre et le suivi des activités. Les résultats montrent qu'il y a eu une augmentation de l'utilisation des services de santé, un enthousiasme et une grande motivation des groupements féminins. Le renforcement des capacités des prestataires de secteurs autres que la santé et des actions novatrices ont été aussi des acquis de taille. Néanmoins, les auteurs ont pu identifier certaines difficultés portant essentiellement sur le détournement de fonds par les agents communautaires à cause de leurs maigres revenus, le manque de supervision des relais par les agents de santé et la participation timide de ces derniers aux réunions. Les auteurs recommandent que les communautés soient impliquées davantage dans la gestion des projets qui leur sont destinés. Ceci permet, selon eux, de trouver des solutions aux problèmes qui ont toujours été considérés comme des obstacles.

10 Le travail des relais consistait à assister les agents de santé dans leurs tâches quotidiennes. Ils

organisent des activités de sensibilisation au niveau communautaire, identifient les cas de maladies souvent négligés par la communauté et facilitent la référence au niveau de la structure de santé. Une fois la référence faite, ils font le suivi pour s'assurer du respect des conseils des agents de santé auprès des malades.

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Cette idée d'implication communautaire a été aussi développée dans une recherche-action sur la planification des services de santé basés sur la participation communautaire réalisée au Ghana, par Nyonator et al. Cette étude portait sur une intervention menée au niveau de 104 districts sanitaires. Le « Navrongo Experiment » consiste à affecter les agents de santé au niveau des villages afin qu'ils soient plus proches des communautés. Ils quittent alors leurs structures de santé classiques pour aller s'installer en région. Ils deviennent ainsi des responsables de postes de santé communautaire. L'objectif était de permettre d'organiser les planifications des activités de santé au niveau communautaire afin de mieux impliquer les populations. Les résultats qui découlent de cette recherche montrent qu'une connivence s'est développée au fil du temps entre les communautés et les agents de santé. De par cette expérience, les services sont devenus accessibles à toutes les couches de la société. Les recommandations de Nyonator et al., (2005) étaient alors de faire de cette approche une politique nationale du ministère de la Santé du Ghana afin de permettre à toute la population d'avoir accès aux services.

L'implication des communautés est donc reconnue comme étant une stratégie efficace de réussite des interventions en santé, même s'il demande un travail de suivi (USAID et BASICS, 2000). C'est pourquoi, en 2010, Ooms et al. sont largement revenus sur ce concept. Les auteurs ont publié une étude intitulée Financing the Millennium Development Goals forhealth and beyond: sustaining the ‘Big Push’. Cette recherche fait le résumé des principales raisons qui expliquent pourquoi le plan de financement qui était prévu dans le cadre des OMD a été respecté alors que les indicateurs de développement ont évolué de manière insatisfaisante. Prenant l’exemple de la mortalité maternelle et infantile, les auteurs soutiennent que les dernières données de suivi des OMD en 2007 laissent présumer qu'à ce rythme, la mortalité infantile et la mortalité maternelle seront respectivement deux et quatre fois plus élevées que l'objectif fixé pour 2015. Selon Ooms et al. (2010), les principales raisons de la faible amélioration des indicateurs sont la prise en charge de maladies spécifiques ciblées par les donateurs privés et l'aide mal alignée aux besoins des communautés bénéficiaires, entre autres. Les auteurs soutiennent alors que les objectifs et stratégies de mise en œuvre des programmes sont définis par les pays donateurs qui ne maîtrisent souvent pas les réalités des communautés bénéficiaires. Ooms et al. préconisent donc une intervention plus axée sur l'implication des communautés bénéficiaires dans la gestion des activités des projets

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qui leur sont destinés. Ils suggèrent que les approches soient similaires à celles développées dans la prévention du VIH-Sida11.

Bradley et al., (2012) ont bien illustré la même théorie de Ooms et al. (2010) dans une étude longitudinale, descriptive menée sur un programme de santé de la reproduction au niveau de sept unités de soins de santé primaire en Éthiopie. En effet, les auteurs voulaient comprendre ce qui explique les disparités notées dans les zones d'intervention du même projet ayant les mêmes réalités socio-économiques. Les résultats ont montré que dans les zones performantes, les populations étaient plus impliquées dans la gestion du programme. Elles étaient en contact direct avec le personnel de santé et discutaient de toutes les modalités de mise en œuvre des activités. Alors que dans les zones non performantes, les populations étaient des bénéficiaires passifs. Ils avaient une faible connaissance du projet et se contentaient de recevoir des services sans comprendre leur utilité. Selon les auteurs, ce repositionnement social du premier groupe a été acquis grâce à la volonté des communautés à mieux connaître l'importance du projet et surtout leur engagement à accompagner les acteurs dans l'atteinte des résultats.

Dans le cadre de la mise en œuvre des stratégies d'implantation des soins de santé primaires (SSP), Fournier et Potvin (1995) ont mené une réflexion sur la participation communautaire comme étant une dimension importante dans la mise en œuvre de toute intervention de santé. Les auteurs trouvent que la notion de participation communautaire fait naître trois formes de logiques non exclusives qui le sous-tendent: le renforcement de pouvoir ou conscientisation, le jeu démocratique et la vision utilitariste. Rappelant la logique et les objectifs des SSP, Fournier et al. laissent comprendre que le facteur le plus important est le fait que les communautés vivant dans des pays faiblement développés soient en mesure de trouver des solutions pouvant leur permettre de mieux prendre en charge leurs problèmes de santé. Ils considèrent que la participation communautaire est à la fois un processus et une finalité. Selon les auteurs, ce processus est orienté et supporté par les individus, les groupes et les communautés. Néanmoins, les auteurs soulignent un fait très important dans l'interprétation du concept de participation communautaire. Ils trouvent que, si certains en voient un moyen de modifier les déterminants comportementaux des individus dans un but d'améliorer leur santé, d'autres comme Ulgade (1985) trouvent que ce concept est un moyen pour les

11 Dans le cadre de la lutte contre le SIDA, il est fortement suggéré que les activités de

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gouvernements d'exploiter les communautés. C’est pour cela que Fournier et Potvin (1995) conclurent que la participation communautaire doit être un moteur collectif et le véhicule de changement de comportements. L'objectif de leur réflexion est donc de clarifier cette ambiguïté jusque-là notée dans la définition du concept de participation communautaire. Selon eux, même si l'essence de la participation communautaire est la conscientisation et le renforcement du pouvoir populaire, des exemples de participation communautaire tels que l'initiative de Bamako ont perdu leur sens dans la mesure où les idées et les besoins des communautés ne sont réellement pas représentés.

Le constat général qui se dégage de nos lectures est que, pour la plupart des recherches menées sur la participation communautaire, il faut retenir l'idée selon laquelle: lorsque les populations sont impliquées dans la gestion des activités des programmes, elles se sentent plus intéressées et cela facilite l'acceptabilité et la durabilité. Cependant, force est de souligner que quelques auteurs trouvent que certaines organisations communautaires comme les comités de santé en Afrique profitent du concept de participation communautaire pour exploiter les populations. Pour mieux adapter ce concept dans un contexte de développement durable, il ne s'agira donc uniquement pas d'impliquer les populations, mais aussi de prendre leurs besoins en compte dans les interventions. Les acteurs qui ont ignoré ce préalable avaient tendance à vouloir impliquer les communautés tout en définissant leur propre politique de mise en œuvre des programmes. Ce qui pose souvent un problème d'appropriation et de pérennisation des activités. Il a fallu repenser les approches et mieux considérer les besoins des bénéficiaires dans les priorités d'interventions.

2.2. La prise en compte des besoins des bénéficiaires, une étape incontournable

La nécessité de prendre en compte les besoins du bénéficiaire dans la mise en œuvre des programmes a été le résultat d'un long processus de réflexion et de recherche. En effet, les acteurs ont depuis longtemps considéré les priorités des organismes de financement (Beaglehole et al., 2008; Franco et al., 2013; Hawkins et Kim, 2012). Ils ont tendance à se focaliser sur les objectifs institutionnels et à oublier que le changement de comportement est attendu de la communauté à laquelle l'intervention est destinée (Mukandoli, 2009; Pridmore et Roy, 2011). Mais ils ont finalement compris qu'une bonne réussite d'intervention intègre forcément une appropriation des services par les populations bénéficiaires, à travers une meilleure prise en compte de leurs besoins. Ce

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concept est défini comme étant le processus d'intégration des attentes des communautés dans le « paquet de services » qui leur est offert (Mukandioli; Franco et al., 2013). Selon Gbola (2011), la prise en compte des priorités des bénéficiaires dépasse le cadre des statistiques révélées dans les enquêtes. Elle englobe l'appréciation que ces derniers font des services et de la priorisation de leurs besoins. C'est dans cette logique que certains chercheurs ont effectué des études pour montrer la pertinence de cette approche.

En effet, Beaglehole et al. (2008) ont démontré que les raisons pour lesquelles les PVD sont toujours confrontés à des maladies infectieuses et à des problèmes de santé maternelle et infantile sont en rapport avec la non-prise en compte de leurs besoins dans les interventions. Dans leur étude menée sur les objectifs fixés lors de la conférence d’Alma Ata sur les SSP, 29 écrits sur 31démontrent qu'il y a de meilleurs résultats sur l'adhésion au traitement si les interventions sont accompagnées d'une écoute et d'une prise en compte des besoins du patient. Beaglehole et al. concluent que les protocoles de prise en charge des maladies chroniques viennent des pays développés et ont besoin d'être adaptés dans les pays à bas et moyens revenus (PBMR), car les patients n'ont pas les mêmes besoins et la disponibilité des ressources diffère d'un contexte à un autre. Selon les auteurs, cette technique permet de tenir compte de leurs attentes et de les intégrer dans leur itinéraire thérapeutique. Beaglehole et al. suggèrent donc une intégration des aspects socio-économiques dans les politiques d'intervention afin de mieux comprendre les cibles.

Cette même idée de Beaglehole et al. (2008) est soutenue par Mukandoli en 2009, dans son étude menée à Kingali. Si les premiers s'intéressent à des évaluations plus personnalisées, l'évaluation du niveau de satisfaction des bénéficiaires par rapport aux services offerts par une mutuelle de santé de Mukandoli a une vision plus communautaire. En effet, l'auteur s'est intéressé aux cinq dimensions du modèle d'Erin Research Inc. à savoir la rapidité, la courtoisie ou confort, les compétences ou connaissances, l'équité du traitement et les résultats des services reçus. Elle suggère, en plus de ces cinq dimensions, de considérer deux autres aspects : l’accessibilité financière et géographique. Les avantages cités par les enquêtés étaient essentiellement la baisse du coût de soins de santé et l’équité dans le traitement. Par ailleurs, pour Mukandoli, il existe quelques zones d’ombre préoccupantes. Il s’agit entre autres de la possibilité pour les bénéficiaires de choisir les structures de soins qui leur conviennent et la durée d’attente au niveau des centres de santé. Les résultats de cette recherche

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soutiennent encore la théorie selon laquelle les interventions ne prennent pas toujours en compte les attentes des bénéficiaires. Ce qui pousse l'auteur à donner quelques recommandations pour pallier à ces difficultés. Ses suggestions portent globalement sur la prise en compte de toutes les propositions des participants à l'étude afin d'adapter les interventions à leurs besoins et assurer une pérennisation.

Cette préoccupation qu'ont maintenant les intervenants de la santé commence à gagner une place importante dans les réflexions quant au financement de programme de santé publique. Les résultats des études de Pridmore et Roy démontrent bien cette volonté d'adapter les interventions aux besoins des bénéficiaires. Les auteurs ont réalisé une revue de la littérature structurée sur les déterminants de la malnutrition dans les pays en voie de développement. Ils ont choisi cinquante-huit évaluations et études menées dans les pays en développement. L'objectif était de comprendre ce qui a été réussi dans la lutte contre la malnutrition infantile et les modes d'interventions adaptés aux PBMR. Les résultats de leur recherche illustrent que les coûts des interventions directes sont chers. Ces dernières se résument à la supplémentation en vitamine A et en zinc pour les enfants et en polyvitaminés pour les femmes enceintes. Pridmore et Roy (2011) recommandent alors aussi bien des interventions directes qu'indirectes. Concernant les interventions indirectes, il faut, selon eux, agir au niveau familial et même individuel. Ils préconisent donc l'amélioration de la qualité des soins donnés aux enfants à travers l'éducation des mères, en s'appuyant sur leurs conditions socio-économiques. Selon les auteurs, les femmes qui sont les principales responsables de la prise en charge des enfants dans les PBMR doivent être les premières cibles des interventions. Ils suggèrent donc qu'une attention particulière soit portée sur les besoins de ces femmes, que leur statut soit renforcé dans la société et que des politiques de protection sociale soient conçues pour elles.

Faisant toujours référence à la prise en compte des besoins du bénéficiaire dans la réussite des interventions, Hawkins et Kim (2012) ont mené une étude sur les stratégies d'accompagnement des personnes vivant dans une situation socio-économique précaire. Les auteurs postulent que la littératie financière (ou alphabétisation fonctionnelle12) est

12 La littératie est le fait de permettre à une personne de pouvoir exploiter les informations dont

elle a besoin pour utiliser un service donné, quel que soit son niveau d'étude. L'alphabétisation est le fait d'apprendre à une personne à lire et écrire dans sa langue maternelle. L'alphabétisation fonctionnelle consiste à choisir un domaine tel que la santé, la micro finance, l'agriculture, etc. comme support d'apprentissage. Tout ce que la personne étudie est alors axé sur ce domaine.

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une approche que les intervenants de la santé et des services sociaux peuvent utiliser pour aider leurs clients. Mais ils supposent que la littératie financière ne suffit pas pour aider des personnes en situation difficile. Ils supposent que les facteurs sociaux et culturels du client doivent être pris en compte dans la gestion de ses difficultés. Pour illustrer leur idée, ils citent des recherches qui ont montré qu'il existe un lien fort entre la façon dont les personnes se comportent globalement et l'histoire de leurs familles et aussi plusieurs facteurs culturels et ethniques. Ils réfèrent à une étude documentée par Sherraden et al. (2007) sur les facteurs socioculturels qui touchent certains groupes ethniques et qui peuvent affecter leur santé.

S’inspirant du modèle d’évaluation de Person et al. (1988), les résultats de leur étude montre que l'argent peut être un facteur de bien-être, la puissance relative à l'autonomie et le bien-être social sont aussi des éléments importants qui opèrent au côté du revenu. L'estime de soi et l'autodétermination sont des aspects importants dans la vie d'un individu. Ils suggèrent de travailler avec les clients pour identifier les tendances qui sont liées à leur histoire, basées sur les influences culturelles et sociétales et qui reflètent leurs croyances.

Dans la lignée des travaux de Mukandoli (2009) et Hawkins et Kim (2012), Franco et al. ont mené en 2013 un essai clinique randomisé (ECR). L'étude portait sur l'évaluation systématique des préférences des patients présentant des troubles musculo-squelettiques. Autrement dit, l'objectif était de voir comment les préférences des patients ont été mesurées et analysées durant la prise en charge de leurs symptômes. Les auteurs stipulent que la prise en compte du choix du client le motive et contribue à son adhésion au traitement.

Les résultats auxquels ils sont parvenus indiquent que le fait de laisser le client choisir sa méthode ne modifiait pas le traitement. Selon eux, ce choix facilite au contraire les relations de confiance et améliore les résultats obtenus dans le traitement. Franco et al.(2013) concluent cette approche permet une plus grande motivation de la personne bénéficiaire à s'engager dans le processus de recherche de solutions à son problème de santé.

Cette idée de Franco et al.(2013) est transférable en santé publique dans la mesure où plus les communautés bénéficiaires ont un choix sur les services qui leur sont offerts,

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mieux elles sont motivées à s’impliquer dans la relation d'aide (Mukandoli, 2009). Se faisant, elles s'approprient les interventions et développent des stratégies de pérennisation (Ooms et al., 2010).

Globalement, nous pouvons retenir que l'idée générale qui se dégage dans la réflexion des différents auteurs est que la priorisation des besoins des bénéficiaires dans la définition des objectifs des interventions en santé facilite l’atteinte de ces derniers. Cette approche permet de prendre en compte l'avis des populations dans les interventions. Le point de vue du bénéficiaire compte beaucoup dans la mesure où, en créant cette opportunité à la communauté, on lui permet de faire un choix libre et éclairé dans les interventions qui lui sont destinées (Massé, 2003). Par contre, si les objectifs sont définis sans une prise en compte particulière des attentes des bénéficiaires, les projets sont souvent voués à l'échec (Gbola, 2011).

La technique de recherche qui permet de recueillir l'avis des bénéficiaires et d'améliorer la qualité des interventions (Mukandoli, 2009) aide aussi à motiver les communautés à développer des stratégies de pérennisation des activités du projet (CLM, 2007). C'est cette théorie qui a incité certains auteurs à penser qu'il faut même investir les bénéficiaires directs dans la mise en œuvre des activités des projets.

2.3. Être bénéficiaire et acteur en même temps, utopique ou réaliste?

L'utilisation des aptitudes du bénéficiaire est une approche peu développée par les programmes de santé communautaire. En effet, nombre sont les intervenants de la santé publique qui négligent cette stratégie qui peut sembler contradictoire et pourtant très utile. Faire participer le bénéficiaire à la mise en œuvre des projets qui lui sont destinés contribue à sa valorisation (Lemay, 2007; Rappaport, 1985). Cette valorisation que Rappaport appelle empowerment ‹‹ évoque un sens de contrôle sur sa vie et la capacité de changer des choses dans le monde qui nous entoure ›› (Lemay, 2007, p.5). Ninacs (2003) définit alors ce concept en ces mots: ‹‹ (...) une capacité d’action ainsi que le processus pour l’atteindre, c’est-à-dire la succession d’étapes par lesquelles un individu ou une collectivité s’approprie le pouvoir ainsi que la capacité de l’exercer de façon autonome›› (p.2). Dans la logique de Ninacs, utiliser le bénéficiaire comme son propre « relais communautaire » devient donc une stratégie qui permet aux communautés d'avoir plus confiance en elles à développer des initiatives pouvant apporter des changements utiles dans leur vie. C'est pourquoi, au-delà de la nécessité de prendre en

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